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"Du domaine des Murmures", de Carole Martinez

Publié le par Nébal

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MARTINEZ (Carole), Du domaine des Murmures, Paris, Gallimard, 2011, 200 p.

 

Le libraire est un être foncièrement fourbe et viscéralement pervers. Oh, certes, il peut bien se la jouer « Moi, je laisse pas le bandeau indiquant que ce roman a gagné le prix Goncourt des lycéens 2011, parce que les bandeaux, c'est le mal » ; mais si c'est pour laisser ledit ouvrage exposé à la vue de tous, et doté d'un bandeau personnalisé en vantant les mérites en tant que coup de cœur de la librairie, hein, bon. Salaud. Ordure.

 

Toujours est-il que c'est ainsi que j'ai fait connaissance avec Du domaine des Murmures, second roman de Carole Martinez après Le Cœur cousu (qui a l'air assez sympathique aussi, d'ailleurs ; va falloir que). Attiré par l'avis élogieux du libraire et intrigué par la quatrième de couverture, je me suis emparé de la bête et il a bien fallu que je la lise, tout de même.

 

Donc. Le domaine des Murmures, quelque part dans le comté de Bourgogne. Notre histoire débute véritablement en 1187, le jour du mariage de notre narratrice, la toute jeune Esclarmonde ; et celle-ci, à la stupéfaction générale de l'assemblée, refuse de dire oui. C'est qu'elle s'est engagée auprès de Dieu, et entend vivre en recluse, comme cela se pratiquait alors, emmurée dans une cellule attenante à une chapelle édifiée pour l'occasion.

 

Mais Esclarmonde aura beau dire, cette tombe n'en est pas tout à fait une. Contrairement à certaines recluses qui s'imposaient un régime d'une rigueur extrême, elle ne vit pas totalement coupée du monde. Et c'est ainsi qu'il nous sera donné de connaître son histoire et celle de ses proches, sans quitter sa cellule pour autant. Et le huis-clos de porter en germe l'épopée, en ces temps de Croisades...

 

Du domaine des Murmures est ainsi un roman pour le moins astucieux dans son principe (même si l'on peut considérer, peut-être, qu'à l'occasion de quelques visions fantastiques l'auteur triche un peu...). Carole Martinez, de sa plume élégante et digne, recrée pour nous tout un univers d'une richesse indéniable, et tout cela à partir de cette petite cellule de recluse.

 

Et elle nous parle, avec une très grande subtilité tout à fait admirable, de bien des choses : la condition des femmes, la liberté, le pouvoir, la foi, la superstition, et d'autres choses encore que je ne saurais dévoiler ici sous peine de spoiler le roman, comme c'est qu'on dit.

 

Non, y a pas, c'est du beau boulot. Un court roman intelligent et beau, d'une cruauté savoureuse à l'occasion, qui se dévore l'air de rien et imprime sa marque sur le lecteur ; une marque à la fois rude et spirituelle, témoignant du grand écart permanent auquel se livre avec brio l'auteur, dans ce roman tout de tensions.

 

Et là, c'est atroce. Excusez-moi, mais, en ce moment, je manque terriblement d'inspiration pour pouvoir vous en dire plus... J'en suis le premier désolé ; mais faites-moi confiance : Du domaine des Murmures mérite bien des éloges, et, si l'on n'en fera pas un chef-d'œuvre pour autant, on en conseillera la lecture sans trop d'hésitations à tous ceux qui sont prêts à jouer le jeu de la réclusion le temps d'un roman. C'est une belle expérience, une contrainte délicieuse, admirable dans sa rigueur et son panache, et qui ne saurait laisser indifférent.

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"Annales de Klepsis", de R.A. Lafferty

Publié le par Nébal

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LAFFERTY (R.A.), Annales de Klepsis, [Annals of Klepsis], traduit de l'américain par Emmanuel Jouanne, Paris, Denoël, coll. Présence du futur, [1983] 1985, 254 p.

 

Avec ces Annales de Klepsis, j'en arrive – déjà ! – à la moitié de mon mini-cycle consacré à R.A. Lafferty, et je crois qu'il m'est maintenant possible de le proclamer haut et fort à la face du monde : j'aime R.A. Lafferty ; oh oui je l'aime ; et même je le kiffe veugra, comme disent les jeunes. Pour tout un paquet de raisons dont je vais tâcher de vous donner un aperçu. Mais, déjà, à l'époque, Theodore Sturgeon – c'est-à-dire tout sauf une pine – disait de Lafferty qu'il était « le plus fou, le plus pittoresque, le plus imprévisible des écrivains vivants » ; et que Sturgeon comme Lafferty ne soient plus de ce monde ne change rien à l'affaire, non mais. D'ailleurs, ces Annales de Klepsis en fournissent une bonne illustration, avec tous ces fantômes et je-ne-sais-quoi qui rodent et font entendre leur volonté aux vivants.

 

Mais commençons par le commencement (c'est toujours une bonne idée). Klepsis, donc, est une planète, destination de choix pour tous ceux qui ont la double malchance d'être unijambistes et irlandais – ils ont des facilités de paiement. Parmi les voyageurs qui débarquent sur la planète pirate au début du roman, on trouve notamment Long John Tong Tyrone (oui, c'est un unijambiste irlandais), historien de son état ; il est venu sur Klepsis en apprenant que cette planète, bien que colonisée par l'humanité depuis environ deux siècles, n'avait pas d'histoire ; et il entend bien en écrire une (qui s'appellerait, au hasard, Annales de Klepsis). Mais la tâche s'annonce rude ; notamment en raison des délicieux raisins « Mon Dieu, quels raisins ! », qui sont un tantinet psychotropes. Mais se dresseront également plein d'autres obstacles au château Ravel-Brannagan, où pirates vivants comme morts peuvent se révéler de sacrées nuisances, tandis que l'Équation Apocalypse, implacable, suit son cours logique jusqu'à la fin du monde – ce qui ne facilite pas le travail de notre historien, un peu pressé par les événements, et pas si distingué que ça (mais qui en profite quand même pour épouser une princesse au passage).

 

...

 

Annales de Klepsis. C'est... comment dire ? Un planet opera à la Jack Vance, qui serait écrit par Lewis Carroll et interprété par les Monty Python ? Peut-être bien. C'est en tout cas parfaitement délirant de la première à la dernière ligne (mais ça, j'imagine que vous l'avez compris à la lecture de cette petite introduction), et tout aussi jubilatoire. L'imagination de R.A. Lafferty est d'une fertilité extraordinaire, et sans véritable comparaison. Et quel plaisir à la lecture de ces réjouissantes improbabilités !

 

Un des atouts de Raphaël Aloysius Lafferty, tant qu'on y est, est son caractère inclassable. Annales de Klepsis relève à première vue évidemment de la science-fiction – qu'est-ce que ça pourrait bien être, sinon ? Pourtant, l'improbable règne ici en maître, et c'est le délire bien plus que la physique qui impose ses lois au récit. Fantômes et je-ne-sais-quoi se promènent en toute liberté sur cette planète à l'océan d'eau douce, regorgeant de trésors de pirates et de dragons indiqués par des croix sur des cartes. On y saute d'un monde à l'autre – hop – comme si de rien n'était, et on y croise des oiseaux savants venus des astéroïdes pour faire étalage de leur génie mathématique, tandis que des déplaceurs de mondes se mettent à l'oeuvre, lâchant au besoin la proie pour l'ombre (c'est le problème avec les jumeaux cachés, ou je-ne-sais-quoi). Tout peut arriver, et c'est généralement le plus saugrenu et le plus inattendu qui vous saute à la gueule à chaque tournant de ces Annales de Klepsis aussi cohérentes et lucides qu'un troupeau d'otaries bourrées à la bière. SF, alors, ou pas SF ? Mais qu'est-ce qu'on s'en fout ! L'important c'est que c'est sacrément bon, à hurler de rire parfois, et réjouissant à chaque page.

 

Servi par une plume aussi impeccable que limpide, ce délire invraisemblable emporte le lecteur loin de toutes les conventions – et on en redemande. Aussi n'en ai-je décidément pas terminé avec R.A. Lafferty, un des plus grands écrivains de... Oh et puis merde avec ça ! Mort aux frontières ! Vive le bordel et la piraterie contractuelle ! Gloire aux Irlandais unijambistes ! Prospérité pour Klepsis l'improbable et ses pirates fantômes ! Et donnez-moi encore un peu de ces raisins « Mon Dieu, quels raisins ! », histoire de poursuivre un peu, au-delà de sa non-fin, ce « trip inferno-paradisiaque ». Mon Dieu, quel roman !

 

Allez, pour la prochaine fois, je vais tâter un peu de la nouvelle avec Lieux secrets et vilains messieurs.

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Pub copinage : "Le Prophète et le vizir", d'Yves & Ada Rémy

Publié le par Nébal

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"La Véritable Histoire du dernier roi socialiste", de Roy Lewis

Publié le par Nébal

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LEWIS (Roy), La Véritable Histoire du dernier roi socialiste, [The Extraordinary Reign of King Ludd], traduit de l'anglais par Christine Le Bœuf, Arles, Actes Sud, coll. Babel, [1990, 1993] 2007, 320 p.

 

Ce livre, j'en ai (plus ou moins) rêvé avant d'apprendre enfin son existence (grâce à un fourbe, qu'il soit ici remercié : merci, fourbe). Putain ! Une uchronie qui verrait le triomphe des idéaux socialistes lors des révolutions du Printemps des Peuples, notamment en France, ça devait bien exister, non ? Me dites pas que j'allais être obligé à l'écrire moi-même ? Non, heureusement, non (ouf). Car il y a La Véritable Histoire du dernier roi socialiste de l'Anglais Roy Lewis, auteur entre autres du très célèbre Pourquoi j'ai mangé mon père (que je n'ai cependant pas lu...). Et ce roman correspond plus ou moins à l'appel d'offres. Plus ou moins...

 

Nous sommes donc en 1848, en plein Printemps des Peuples. Si le déclic est à Paris, avec semble-t-il des journées de juin qui tournent différemment, c'est grâce à l'intervention britannique que cela peut être. Aussi, la révolution socialiste balaye bientôt l'Europe, et ensuite le Nouveau Monde. Mais c'est un socialisme pré-marxiste, et à l'anglaise, c'est-à-dire corporatif et luddiste. Il s'accompagne d'une lecture acrobatique de Malthus et de Darwin qui fonde l'Inpatco (International Patent Convention), visant à réfréner les avancées technologiques dans le monde entier jusqu'au jour où les hommes seront prêts à les vivre sans dégâts trop fâcheux (un peu le rôle de l'Église dans l'indispensable Pavane de Keith Roberts). En résulte un paradis égalitaire fondé sur le consensus (un peu comme chez Fourier, mais sans la rigidité des phalanstères), mais plus ou moins dirigée dans les faits par les Incas de l'Inpatco (technocratie à la Saint-Simon ?).

 

Seulement voilà : nous sommes en Angleterre, et ce n'est pas une révolution socialiste qui va justifier que l'on n'ait pas de roi ! D'autant qu'il s'agit en fait de conserver précieusement la Double Monarchie anglo-indienne... Et c'est ainsi que nous nous retrouvons cent ans plus tard, en gros, avec pour narrateur le roi George Akbar Ier, accessoirement ou pas un Inca lui-même, qui nous contera les événements contre-révolutionnaires de 1949 et le rôle qu'il a pu y jouer. Car si 1848 voit le triomphe du socialisme, en 1949, c'est le retour de bâton capitaliste...

 

Bien entendu, tout cela n'est pas à prendre trop au sérieux. Le ton dominant est celui de la fable humoristique, et c'est bien sous cet angle qu'il faut lire le roman de Roy Lewis. On aurait donc sans doute tort d'en tirer une condamnation inflexible des utopies socialisantes, d'autant qu'il s'agit là d'un socialisme très particulier, pour les raisons que l'on a vues. Il ne s'agit donc pas davantage de faire l'apologie du capitalisme. Non, le vrai problème, la vraie question, c'est celle du progrès technologique et de son impact sur l'environnement humain et écologique. Et là, Roy Lewis se montre très astucieux pour tisser sa trame, tout en jouant des classiques de l'uchronie (nous y trouvons donc un paquet de guest stars, comme Bertrand Russel ou Winston Churchill) ; le roman est merveilleusement bien composé, reposant sur de courts chapitres exposant dans un style limpide mais sans verser pour autant dans le didactisme la problématique du progrès technologique dans les sociétés contemporaines.

 

En attendant, on se marre bien. Car il faut bien avouer que tout cela, avec sa dose d'improbabilité, est très drôle, d'autant plus drôle que c'est anglais, et que ça a donc cette saveur particulière et pince-sans-rire qui définit une bonne part de l'humour de la perfide Albion.

 

Beau boulot : le roman est à la fois drôle et intelligent, et même puissant dans son évocation d'un paradis socialiste à jamais hors de portée pour nous autres misérables forçats du capitalisme le plus effréné. Le choix de bâtir cette uchronie sur un socialisme non marxiste (1848, c'est à peine la date de parution du Manifeste du Parti communiste) se révèle particulièrement judicieux, et autorise bien des digressions et investigations toutes plus passionnantes les unes que les autres.

 

Certes, ce n'est pas là tout à fait le roman que j'attendais et espérais, ne serait-ce qu'en raison du cadre britannique adopté. En attendant, il s'agit bien d'une parfaite réussite, dont je ne peux que vous recommander chaudement la lecture, a fortiori si comme moi vous êtes passionné par l'histoire du XIXe siècle, dont 1848 constitue à bien des égards la charnière.

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Pub copinage : "Sur le fleuve", de Léo Henry & Jacques Mucchielli

Publié le par Nébal

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HENRY (Léo) & MUCCHIELLI (Jacques), Sur le fleuve, [s.l.], Dystopia Workshop, 2012, [édition numérique]

 

Hop.

 

Reflets de mes lectures

 

Jules Abdaloff sur Salle 101

 

Jérôme Lavadou sur ActuSF

 

Lhisbei sur RSF Blog

 

Imaginelf

 

Le Dragon galactique

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"Le Maître du passé", de R.A. Lafferty

Publié le par Nébal

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LAFFERTY (R.A.), Le Maître du passé, [Past Master], traduit de l'américain par Anne Zribi, Paris, Calmann-Lévy, coll. Dimensions, [1968, 1972] 1973, 272 p.

 

Mini-cycle Lafferty, phase deux, avec Le Maître du passé, un des premiers romans publiés par cet auteur qui ne s'est mis à écrire que la cinquantaine passée – et, accessoirement, ce devait être le deuxième titre réédité par Zanzibar, mais... Bon. Tant pis.

 

Nous sommes aux alentours de l'an 2500. L'humanité s'est établie sur Astrobe, la planète dorée, et c'est là sa troisième et peut-être dernière chance, après les échecs du Vieux Monde et du Nouveau Monde. Or il semblerait bien que le Rêve Doré d'Astrobe corresponde à la société idéale que les hommes ont cherché de tout temps. Pourtant, ça coince. Et on ne compte pas les individus qui quittent les villes dorées pour s'établir dans le Barrio ou à Cathead, bien loin de la perfection de l'Astrobe civilisée...

 

La crise guette. Et ceci, trois Hommes Importants en sont bien conscients : Cosmos Kingmaker, Peter Proctor et Fabian Foreman se réunissent, tandis que des Tueurs Automatiques chargés de protéger à n'importe quel prix le Rêve sont à la poursuite de l'un d'entre eux. Leur solution ? Trouver un homme politique qui a été honnête et sincère jusqu'au bout. C'est ainsi qu'ils se décident à aller chercher dans le passé, mille ans en arrière, Thomas More, le fameux chancelier d'Henry VIII, créateur de l'Utopie, qui fut décapité pour être resté fidèle à ses convictions. Le voilà, le Maître du passé...

 

Bien entendu, à en croire le principal intéressé, c'est sans doute là une erreur de casting, due à une mauvaise compréhension de sa fameuse création : « J'ai décrit autrefois le monde le plus malade que je pouvais imaginer. Vois-tu, la deuxième raison de ma célébrité est que j'ai forgé le mot et l'idée d'Utopie. J'ai parlé avec une ironie amère et sarcastique de ce monde malade s'il en est, celui en lequel mon monde à moi semble en voie de se transformer. Mais il y a quelque chose de bizarre, Paul. J'ai appris de la bouche de voyageurs du temps que ce produit de ma mauvaise humeur a toujours été mal interprété. On en vint à croire que j'avais décrit un monde idéal. On en vint même à penser que j'avais parlé sérieusement. Cette seule idée m'horrifie, mais on me dit qu'il en est ainsi. Paul. Il y a quelque chose de très détraqué dans un futur qui prend une satire mordante pour un rêve insipide. »

 

Plus loin :

 

« Il est encore plus bizarre que je sois pris à mon propre piège, dit-il. Écoute, Thomas, mon soi, mon moi, qu'est-ce que j'ai fait déjà, dans mon autre vie, en y voyant une amère plaisanterie ? C'est moi qui ai inventé cette maudite histoire ! N'est-ce pas moi qui forgeai l'Utopie ? Ignorais-je ce faisant que je me servais de plaqué, et non d'or véritable ? Qu'est-il arrivé à présent ? Comment m'y suis-je laissé prendre ? Que suis-je donc, mon Dieu, pour faire une aigre plaisanterie, créer par là même un monde doré dans l'avenir, et m'en aller donner du nez dans ce futur grotesque ? Quel autre écrivain fut-il jamais condamné à vivre dans un conte malicieux dont il était l'auteur ? Quel autre homme de loi eut-il jamais la malédiction d'avoir à authentifier une boutade qu'il avait faite ? Quel autre chancelier se vit-il jamais demander d'administrer un monde créé par lui en dérision ? En mon âme et conscience, si je vis au-delà de ma deuxième mort, je prêterai plus attention à ce que je ferai.

 

« Ce n'est pas de l'or véritable, me dis-je. C'est du chiqué ramassé dans un fossé, que j'ai façonné pour rire. Et le voici transformé en un monde entier, mon rêve éveillé de malade ? Me voilà qui m'aperçois que c'est de l'or véritable en fin de compte, et que j'en ai fait un monde, et que j'ai l'air d'un sot sous toutes les coutures. »

 

Ce qui ne l'empêche pas d'accepter la rude tâche que l'on lui confie. Et c'est ainsi qu'entouré d'une bande de joyeux drilles tous plus frappadingues les uns que les autres, saint Thomas More se lance dans un périple autour d'Astrobe, avant d'en accepter la charge de Président – ou de Roi – pour neuf jours. Car il y a bientôt un problème : on sait le bonhomme chatouilleux sur la question religieuse, et on sait aussi qu'il a déjà été jusqu'au bout de ses convictions. L'histoire se répéterait-elle, sous l'angle de la farce ?

 

Subtile allégorie politique, encore que le terme de parabole serait peut-être plus approprié, Le Maître du passé ne manque pas de qualités. On y retrouve avec joie la plume légèrement barrée de Lafferty – encore qu'il ne soit cette fois pas très bien servi par la traduction, ai-je trouvé – et ses personnages délirants. Thomas More est un héros sympathique et charismatique, et c'est avec plaisir qu'on le suit dans sa découverte du Rêve Doré d'Astrobe.

 

Je mettrai cependant ce roman un bon cran en-dessous de mes précédentes lectures de Lafferty. En effet, si l'humour répond bel et bien à l'appel – sous une forme déjantée, cela va de soi –, Le Maître du passé est tout de même beaucoup plus sérieux, et beaucoup moins drôle, que les textes qui ont suivi. La parabole est même, à vrai dire, un peu lourde à l'occasion...

 

Cela reste néanmoins une lecture tout à fait recommandable, et à vrai dire indispensable pour qui s'intéresse au thème de l'utopie – ce qui est mon cas, ainsi que vous avez déjà pu en juger, peut-être.

 

Suite du mini-cycle avec Annales de Klepsis.

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"Traum. Philip K. Dick, le martyr onirique", d'Aurélien Lemant

Publié le par Nébal

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LEMANT (Aurélien), Traum. Philip K. Dick, le martyr onirique, [s.l.], Le Feu Sacré, 2012, 112 p.

 

Tiens ? Encore un petit bouquin sur Philip K. Dick ! Y a pas, ça doit être la saison...

 

N'empêche que cet essai, le premier de son auteur, part avec un double handicap pour le moins sévère : déjà, Aurélien Lemant est, dans la Vraie Vie, un théâtreux : aïe. Ensuite et surtout, ce Traum se paye quand même un sous-titre qui pue violemment le paté, et fait craindre le pire. Martyr onirique ? Diantre ! Et pourquoi pas prophète dianétique, hein ? Ça s'est déjà vu... Bon, heureusement, cette dimension n'est pas trop marquée dans ce petit ouvrage, et je me demande même où ils sont allés pêcher cette notion de martyre, les gens du Feu Sacré. Mais passons.

 

Aurélien Lemant, sous couvert de nous parler de Philip K. Dick et de ses textes, nous parle en fait de plein de trucs, mais surtout du rêve, du doute et de la folie. C'est pas moi qui le dis, c'est la quatrième de couverture (qui parle en plus d'essai poétique ; troisième handicap ?). Dedans, ça fourmille, et on saute régulièrement du coq à l'âne (le pauvre).

 

Je ne suis pas complètement armé pour vous en faire à mon tour le rapport, dois-je dire ; parce que si je connais bien Dick et son œuvre, il me manque des connaissances sur les autres trucs abordés par l'auteur. Lequel, par exemple, consacre d'assez longs développements à Inception de Nolan, film qui paraît certes très dickien, mais que je n'ai pas vu (et pour cause). Je ne peux donc pas dire grand-chose quant à la pertinence de ces pages, même si elles m'ont paru un rien pédantes ; ce que je peux dire par contre, c'est que pour le reste, Aurélien Lemant fait preuve d'une capacité étonnante à enfoncer les portes ouvertes ; aussi n'ai-je pas retiré des masses d'éléments de la première partie de cet essai, en dehors de quelques considérations un brin fumeuses sur le rêve lucide ou dirigé, jusqu'à ce scoop international : Aurélien Lemant fait pour sa part des rêves ennuyeux. Diantre. J'en suis navré pour lui, mais à vrai dire je m'en tamponne surtout un peu le coquillard. Idée, quand même : nous sommes tous des schizophrènes. Re-diantre.

 

Suivent pas mal de développements fondés sur Julian Jaynes qui m'ont paru cette fois très fumeux, puis sur des coïncidences dont il est absolument impossible de tirer le moindre enseignement. L'auteur nous parle d'Antonin Artaud, de Salvador Dalí, de Van Gogh, et si tout cela est certes fort édifiant, on n'en retire une fois de plus rien du tout.

 

Et il en ira de même jusqu'à la fin (orgasmique et marioncotillardesque) de ce petit essai, qui essaye sans doute de nous dire quelque chose, mais n'y parvient pas vraiment. Vous allez dire qu'en fait c'est moi qui suis simplement trop con pour y avoir compris quoi que ce soit. Possible. Mais bon : en attendant, je suis bien obligé de vous livrer mon ressenti.

 

Et domine l'impression d'un livre inutile, enthousiaste mais approximatif quand il n'est pas tout simplement faux, passionné mais pas passionnant, faussement profond et plus que dispensable. Personnellement, je réserverais mes 10 € pour autre chose que ce truc certes joli, mais qui ne sert à rien.

 

...

 

Allez, un bon point tout de même : l'auteur tourne pas mal autour des Clans de la lune alphane, roman que l'on dit souvent mineur, mais qui fait partie de mes Dick préférés, et que je trouve, de même qu'Aurélien Lemant, beaucoup plus riche que ce que l'on en dit régulièrement. Ça ne rachète pas tout, mais c'est déjà ça...

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"Les Quatrièmes Demeures", de Raphaël Aloysius Lafferty

Publié le par Nébal

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LAFFERTY (Raphaël Aloysius), Les Quatrièmes Demeures, [Fourth Mansions], traduit de l'américain par Barthélémy de Lesseps, revu et corrigé par Jean-Paul Duchamp, Muret, Zanzibar, [1969, 1973] 2010, 299 p.

 

L'Américain R.A. Lafferty était une sorte d'électron libre dans l'univers codifié de la science-fiction. J'avais déjà pu en juger à la lecture de ce qui est sans doute son plus célèbre roman, Tous à Estrevin ! ou Autobiographie d'une machine ktistèque, un vrai bonheur que je ne saurais trop vous conseiller. Plus tard, j'ai retrouvé le même plaisir à la lecture de l'excellente nouvelle de l'auteur publiée dans le premier (et unique...) numéro de Zanzibar Quarterly And Co, la superbe revue que l'on sait. Or Zanzibar avait entre autres pour ambition d'éditer les œuvres majeures de R.A. Lafferty, en commençant par le roman Les Quatrièmes Demeures. Hélas, mille fois hélas, la belle aventure de Zanzibar a été de courte durée, et le projet est tombé à l'eau : seul ce roman a pu être réédité avant que Zanzibar ne boive la tasse... Mais j'ai eu envie de faire malgré tout un mini-cycle consacré à R.A. Lafferty, tant mes seules lectures du bonhomme m'avaient fait une forte impression. J'ai donc pu me procurer Les Quatrièmes Demeures (ben oui), Le Maître du passé, Annales de Klepsis, Lieux secrets et vilains messieurs et Chants de l'espace, que je vais lire dans les jours qui viennent (en fait, je crois qu'il ne me manque en français que Le Livre d'or de la science-fiction consacré à Lafferty).

 

Commençons donc par Les Quatrièmes Demeures, en admirant dans un soupir le bel objet (hélas fortement coquillé, comme si on ne pouvait pas tout avoir...).

 

Notre héros se nomme Fred Foley, « un jeune homme qui avait de très bons yeux mais qui était un peu simplet ». Sans doute est-ce pour cela qu'il est journaliste de son état. Foley a un don pour dénicher les histoires les plus invraisemblables. Ces derniers temps, il tient à faire la lumière sur Carmody Overlare – ou plutôt Kar Ibn Mod, comme il s'appelait cinq siècles plus tôt – et à mettre ainsi à jour l'existence d'une société secrète de « revenants » qui dominerait le monde...

 

En attendant, il est au contact d'une autre société secrète, celle des Moissonneurs, sept dingues qui ont formé un réseau mental et enchaînent les coups d'éclat, jusqu'à un final que l'on peut craindre eschatologique.

 

Et puis il y a aussi une autre société secrète, celle des patricks, avec ses rites et ses royaumes... qui pourrait bien être utile pour faire échouer le Complot.

 

Satire hilarante des délires conspirationnistes à base de sociétés secrètes, Les Quatrièmes Demeures est un roman absolument délicieux de la première à la dernière ligne, et accessoirement (ou pas) complètement barré. La plume de Lafferty suscite personnages et situations invraisemblables et drôles avec un talent sans égal, et c'est avec un bonheur constamment renouvelé que l'on enchaîne les pages de ce roman par ailleurs inclassable, et susceptible d'une infinité de lectures, des plus simples aux plus sérieuses (enfin, faut voir...).

 

Délire théologique et allégorie politique, Les Quatrièmes Demeures est en effet moins débile qu'il n'y paraît, même si j'avoue avoir pris le parti de rire avec le roman plutôt que de m'empêtrer dans ses aspects éventuellement sérieux (et parfois douteux : Lafferty n'était pas exactement un progressiste...). L'Échiquier du mal en version pince-sans-rire, dans un sens.

 

Quoi qu'il en soit, et même si je n'arrive pas, à l'heure actuelle, à pondre des comptes rendus décents expliquant le pourquoi du comment, je ne peux que vous conseiller cette lecture édifiante, qui m'a conforté dans mon envie de mini-cycle.

 

A bientôt, donc, avec Le Maître du passé.

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"Swap-Swap", de Richard Canal

Publié le par Nébal

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CANAL (Richard), Swap-Swap, Paris, J'ai lu, coll. Science-fiction, 1990, 249 p.

 

De Richard Canal, auteur que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam (même si je crois me souvenir vaguement d'une interview dans Bifrost...), on m'avait notamment recommandé Animamea. Mais c'est finalement ce très court Swap-Swap qui m'est arrivé dans les mains, alors pourquoi pas ? Hop.

 

(Je sais pas si vous avez remarqué, mais sur la couverture il y a écrit « science-fiction », pour le cas où on aurait un doute.)

 

Donc. Nous sommes sur Terre, et ses proches environs (des monuments historiques satellisés ?), au XXIIe siècle. Une planète qui a bien changé et où s'est opéré un complet bouleversement économique et politique : désormais, c'est l'Afrique qui tient le haut du pavé.

 

Notre histoire commence d'ailleurs à Dakar, quand un toubab se réveille dans un bar interlope face à un keïno chien, sans plus de souvenirs en tête concernant sa petite personne. Il a été swappé, victime du virus Swap-Swap. D'où cette idée très bête d'endosser pour le réseau international Sensipac l'identité factice de Nul Nemo en attendant d'y voir plus clair (parce que si Sensipac ne vous connaît pas, c'est que vous n'existez pas). Et, accompagné du soiffard Stany le saint-hubert parlant, notre héros de se mettre en quête de son identité et de son passé. C'est en Europe, dans un Pays Basque ravagé par la guerre, qu'il trouvera les premiers éléments : il s'appelle en fait Roman Leyter, et... et quoi ? L'enquête est loin d'être terminée, mais c'est comme si on lui semait des pistes...

 

L'amnésique en quête de souvenirs : vous avouerez qu'on a connu point de départ plus original... Mais bon, admettons. Pour le reste, exception faite de quelques menus détails, nous sommes en terrain cyberpunk (ou post-cyberpunk, si vous y tenez) connu. Et c'est d'ailleurs ce qui pose problème dans ce court roman, à mes yeux en tout cas : le plus intéressant, c'est-à-dire le cadre, n'est qu'à peine esquissé tout au fond, tandis que le roman se montre frénétiquement dense en événements. On n'aura donc guère le temps de s'interroger sur cette Afrique surpuissante, et c'est un peu regrettable...

 

Reste une trame de techno-thriller assez basique. Bien sûr, Roman n'a pas été victime du Swap-Swap pour rien, au hasard. Il s'agit donc de déterminer pourquoi, ce qui implique de savoir qui il est et ce qu'il a bien pu faire. Et c'est parti pour un voyage accéléré aux quatre coins du monde et (un peu) au-delà, en suivant les indices laissés par quelqu'un qui devra bien finir par révéler son vrai visage.

 

Disons-le tout net : c'est plus ou moins intéressant. Sur le pur plan littéraire, déjà : la plume de Richard Canal n'a rien d'exceptionnel, et brille surtout par sa sobriété ; hélas, elle ne nous épargne pas quelques dialogues plombés par un humour lourdingue, notamment quand Roman philosophe avec Stany...

 

Pour le reste, eh bien, on va dire que Swap-Swap, comme beaucoup de romans cyberpunk, accuse un peu son âge, et donne une impression de daté. Sensipac, à l'heure des réseaux sociaux et compagnie, paraît un brin archaïque. En même temps, on pourrait reconnaître que ça n'en rend les préoccupations du roman que plus actuelles, et, oui, il y a des choses intéressantes concernant l'information et son économie dans Swap-Swap.

 

Mais voilà : c'est à mon sens trop peu pour que ce roman marque durablement. C'est du vite lu, mais aussi du vite oublié. Pas désagréable, mais pas transcendant. Et un peu frustrant, accessoirement. On sent qu'il y a du matériau pour faire quelque chose de vraiment intéressant, mais qu'il a été laissé de côté pour faire un simple roman de gare. Dommage...

 

Premier contact pas vraiment convainquant, donc. Mais c'est pas grave. Et on verra bien, un jour, si Animamea rachète ce Swap-Swap honnête mais manquant cruellement d'ambition.

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Biographie comparée de Jorian Murgrave/Un navire de nulle part/Rituel du mépris/Des enfers fabuleux, d'Antoine Volodine

Publié le par Nébal

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VOLODINE (Antoine), Biographie comparée de Jorian Murgrave. Un navire de nulle part. Rituel du mépris. Des enfers fabuleux, Paris, Denoël, coll. Des heures durant..., [1985-1986, 1988] 2003, 781 p.

 

Si les œuvres d'Antoine Volodine et de ses alias du post-exotisme sont ajourd'hui publiées dans des collections de littérature dite générale, on se gardera cependant d'oublier que c'est dans la mythique collection Présence du futur, et donc en science-fictionnie, qu'il débuta. En témoigne cet omnibus en Des heures durant... (collection dans laquelle on trouve également, à bon droit, la trilogie de béton de J.G. Ballard), qui compile les quatre premiers romans publiés du post-exotisme, dans ladite collection science-fictionneuse. Un des quatre, Rituel du mépris, a d'ailleurs obtenu le Grand Prix de la science-fiction française en 1987 – ce qui m'apparaît assez couillu, tiens, pour une fois.

 

De Biographie comparée de Jorian Murgrave à Des enfers fabuleux en passant par Un navire de nulle part et Rituel du mépris, nous aurons donc droit aux premiers avatars du post-exotisme. Difficile à définir, et pourtant... Difficile aussi à enfermer dans une case : SF ? Pas SF ? Chacun jugera, et personnellement je m'en fous un peu... Disons que les deux classifications se tiennent, et que c'est sans doute affaire de volonté.

 

...

 

Et maintenant, comment suis-je censé vous rendre compte de ma lecture de ça ? Hein ? Franchement.

 

La tâche s'annonce pas évidente. Parce que ces romans (?) n'en sont pas vraiment, ou, en tout cas, ne sont pas très orthodoxes ; difficile de suivre une histoire, et impossible ou presque de résumer leur contenu. C'est comme si ces livres proclamaient haut et fort leur réticence au commentaire et à la critique.

 

Alors comment exprimer le choc esthétique extraordinaire qui a été le mien à la lecture de ces quatre textes ? Le silence serait peut-être préférable ; c'était après tout la solution que j'avais adoptée, par dépit, pour Yama Loka Terminus de Léo Henry et Jacques Mucchielli, recueil qui s'inscrit de toute évidence – on me l'avait assez fait entendre – dans la droite filiation de l'œuvre de Volodine. Effectivement, c'est une sensation assez comparable qui m'a étreint à cette lecture, pour des raisons tant de fond que de forme.

 

Ou bien je pourrais me contenter d'aligner les superlatifs et les exclamations : superbe ! Magnifique ! Grandiose ! Puissant ! Ruinage de cul intense ! Non mais vraiment !

 

...

 

Tout cela est vrai, mais ne nous avance guère. Alors essayons, malgré tout, et un par un.

 

Biographie comparée de Jorian Murgrave, qui m'a collé une baffe d'entrée de jeu, nous raconte (...) le périple d'un individu non terrestre, de son enfance à sa fin. Une histoire rapportée par plusieurs biographes illuminés, qui ont une fâcheuse tendance à périr sitôt leur œuvre accomplie. C'est un véritable festival d'horreurs, d'enfers concentrationnaires, et de folie pure, qui transpire de cette biographie comparée. L'histoire, aussi, d'une traque impitoyable, dans une atmosphère d'insurrection et de guerre civile. Celle, enfin, d'un exil douloureux. Autant de thèmes que l'on retrouvera dans l'ensemble des romans composant cet omnibus, sans que l'auteur ne se répète véritablement pour autant. L'effet est en tout cas remarquable. Le fond est bon, la forme exceptionnelle : c'est avec une plume magnifique et en adoptant divers styles que Volodine nous narre cette biographie hors du commun d'un être qui ne l'est pas moins. Le résultat est un livre-choc, qui frappe un grand coup aux tripes, et qui fascine durablement.

 

Un navire de nulle part, sans être mauvais, me paraît être un bon cran en-dessous. C'est peut-être le plus simple (...) des quatre romans composant cet omnibus, même si je ne suis pas certain que cela veuille dire quelque chose... C'est en tout cas celui où l'univers est à la fois le plus compréhensible et en même temps le plus ouvertement fantaisiste, puisque nous y errons dans une Russie soviétique sous le coup d'un sortilège qui l'a transformée en zone tropicale... On pense beaucoup au Monde englouti de Ballard. La plume est toujours aussi belle, mais il me semble pourtant qu'il manque quelque chose pour atteindre aux sommets du roman précédent.

 

Rituel du mépris attaque en force, par une séquence d'interrogatoire qui noue les tripes. On y retrouve les thèmes et personnages-types des deux romans précédents, mais c'est probablement ce livre qui m'a paru le plus difficile (et son obtention du Grand Prix de la science-fiction française n'en est que plus étonnante), tant les questions sans réponse s'accumulent, dans une absence de trame qui rend le voyage aussi séduisant que périlleux. Très fort.

 

Et de conclure sur Des enfers fabuleux, peut-être le meilleur de ces quatre romans. Tout est dans le titre, ou presque. Nous aurons droit ici à des visions hallucinées de voyages aux destinations improbables, accomplis dans la souffrance sous la houlette de mutants étranges et impénétrables. La première partie du roman est tout simplement parfaite. Le reste est d'un très bon niveau, et le lecteur se régale de l'univers si particulier que Volodine parvient à mettre en place, une construction qui paraît déjà étonnante de maturité.

 

Je crains de ne pouvoir faire mieux, désolé... Mais j'espère avoir transmis un peu de mon enthousiasme dans ce compte rendu bancal : avec Volodine, j'ai découvert un auteur rare, à la production inclassable et puissante, qui m'a parlé comme peu l'ont fait jusqu'à présent. On osera le qualificatif de chef-d'œuvre (au sens strict, d'ailleurs), et on en redemandera.

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