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RIP Ray Bradbury

Publié le par Nébal

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Je viens d'apprendre, avec un rien de surprise, le décès à l'âge de 91 ans de Ray Bradbury, l'immense auteur de SF que l'on sait. Je l'ai trop peu pratiqué pour m'étendre sur le sujet, mais bon : Fahrenheit 451, quoi. Et les Chroniques martiennes, sans doute un des premiers bouquins de SF que j'ai lus. Alors merde. Et RIP, comme on dit chez les croyants.

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"Les Garennes de Watership Down", de Richard Adams

Publié le par Nébal

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ADAMS (Richard), Les Garennes de Watership Down, [Watership Down], traduit de l'anglais par Pierre Clinquart, [s.l.], Flammarion, [1972, 1976] 2004, 410 p.

 

Eh bien oui, c'est un fait : Nébal aime bien la fantasy animalière, ainsi que vous avez peut-être eu l'occasion de le constater en suivant ce blog miteux. Récemment encore, je vous parlais du Vent dans les saules de Kenneth Grahame, immense classique du genre ; et c'est à un autre classique, quoique d'un genre bien différent, plutôt à la Le Bois Duncton de William Horwood, que je me suis attaqué en lisant Les Garennes de Watership Down de Richard Adams, roman qui me faisait de l'œil depuis pas mal de temps déjà, mais que je croyais épuisé ; or non. Youpi !

 

Et donc voilà : des lapins.

 

Des lapins !

 

Plein de petits lapins !

 

Nous faisons tout d'abord la connaissance de deux lapins de garenne, deux frères, Noisette et Cinquain. Ce dernier, chétif, a régulièrement eu des pressentiments qui se sont toujours vérifiés ; et cette fois c'est une véritable catastrophe qu'il prophétise ; mais bien rares sont ceux qui l'écoutent, et certainement pas le Maître... Il y en a, cependant, et une petite troupe se forme ainsi, emmenée par Noisette (qui deviendra ainsi bientôt Noisy-shâ), et comprenant entre autres le fier et brave Manitou, le conteur Pissenlit, etc. Autant de petits lapins qui partent à l'aventure dans le vaste monde, et cherchent une nouvelle garenne, l'ancienne risquant de succomber bientôt face à une catastrophe indescriptible.

 

Mais voilà : le vaste monde est dangereux. La nature, pour les lapins, est hostile, voire cruelle. Et le voyage de ces garennes prend ainsi des allures de véritable épopée homérique, riche en morceaux de bravoure ; et une fois la nouvelle garenne établie, ce ne sera pas la fin des difficultés pour nos petits amis à fourrure : il leur manque des hases, et, pour en trouver, il leur faudra affronter et les hommes, et la garenne totalitaire du général Stachys !

 

Mais on aura entre-temps bien des occasions de découvrir le riche univers de ces lapins de garenne, leurs us et coutumes, leur mythes et légendes ; grâce à Pissenlit notamment, nous suivrons ainsi les facétieuses aventures de Shraa'ilshâ, le premier des lapins et lapin par excellence, caractérisé par sa ruse, et qui en fait voir de toutes les couleurs à ses adversaires, et jusqu'au seigneur Krik lui-même !

 

Grâce à la plume fort jolie de Richard Adams, terriblement doué pour évoquer la nature avec mille détails – de ces détails qui font l'importance –, le lecteur se trouve ainsi projeté dans une grande aventure sans pareille, ou plutôt si : une sorte de Seigneur des anneaux adapté à ces sympathiques rongeurs, capables de se montrer fiers guerriers le cas échéant.

 

Nous sommes ainsi dans un registre de la fantasy animalière très particulier – je ne vois donc que Le Bois Duncton de William Horwood comme équivalent –, où l'anthropomorphisme est limité, et les codes des sagas sont détournés et réemployés à destination d'un public plus âgé que celui des autres classiques du genre. Les Garennes de Watership Down est à cet égard une brillante réussite, qui mérite bien ses lauriers de classique. L'aventure est palpitante, le style impeccable, les personnages attachants, comme dans la meilleure fantasy. Et le fait que les protagonistes de cette histoire soient des lapins, et non de vigoureux barbares du temps jadis accompagnés d'elfes et de nains, ne la rend que plus efficace et inventive. On comprend sans peine le grand succès rencontré par le livre de Richard Adams lors de sa sortie... et l'on ne peut que déplorer l'oubli relatif dans lequel il a sombré aujourd'hui.

 

Quoi qu'il en soit, à lire Les Garennes de Watership Down, on en vient à penser lapin (comme on en venait à penser taupe en lisant Le Bois Duncton), et ce n'est pas là le moindre tour de force de l'auteur. Personnellement, je sens que je vais avoir du mal à manger du lapin après cette lecture édifiante, qui tient autant de l'épopée que de la fable ou parabole écologiste (et probablement politique aussi...).

 

Un vrai régal pour le Nébal, donc, que cette grande aventure lapinesque. Je ne saurais trop la conseiller aux amateurs du genre... et aux autres aussi, tant qu'à faire, parce que c'est vraiment de la bonne.

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"Le Petit Guide à trimbaler de Philip K. Dick", d'Etienne Barillier (dir.)

Publié le par Nébal

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BARILLIER (Étienne) (dir.), Le Petit Guide à trimbaler de Philip K. Dick, Chambéry, ActuSF, coll. Les Trois Souhaits, 2012, 181 p.

 

Ah, les « petits guides à trimbaler » d’ActuSF ! Que de souvenirs !

 

J’en frissonne encore.

 

Parce qu’il faut bien reconnaître que ces petits bouquins péchaient généralement par pas mal d’aspects, jusqu’à en devenir risibles dans les cas les plus récents (vampires et fantasy), bourrés d’erreurs, de renvois improbables et totalement dénués d’esprit critique, à tout mettre sur le même plan, et donc, à procéder ainsi, à aboutir inévitablement à un nivellement par le bas.

 

« Ta gueule, Nébal, t’es cité dans celui sur la fantasy. »

 

Oui ben c’est bien ce que je disais !

 

(Merci.)

 

Et voilà que, pour commémorer les trente ans de la mort de Philip K. Dick, qui fut, je vous le rappelle, le plus grand écrivain de science-fiction du XXe siècle et un de ses plus grands écrivains tout court, J’ai lu s’est lancé dans un vaste programme de rééditions (et même d’édition, puisque Ô nation sans pudeur est inédit ; mais il me fait un peu peur, celui-là…). Et parallèlement on a appris l’existence de ce nouveau petit guide à trimbaler. Putasserie ? Bah, disons opportunisme, sans connotation trop négative.

 

N’empêche que j’en frissonnais à nouveau, moi, qui suis quand même un peu un dickien fanatique décérébré.

 

Mais une chose me rassurait : la rédaction dudit guide avait été confiée à Étienne Barillier, c’est-à-dire, pour une fois, à quelqu’un qui maîtrise parfaitement son sujet et que l’on pouvait supposer doté d’esprit critique. Curieux, je me suis donc procuré la bête – très jolie couverture d’Alexandre Bourgois, au passage –, un peu par complétisme aussi sans doute ; je ne m’attendais en effet pas à apprendre des choses sur Dick et son œuvre, pas après m’être enquillé successivement le Bifrost consacré à l’auteur, Je suis vivant et vous êtes morts d’Emmanuel Carrère, Invasions divines de Lawrence Sutin, Regards sur Philip K. Dick dirigé par Hélène Collon, Les Romans de Philip K. Dick de Kim Stanley Robinson, l’ABC Dick d’Ariel Kyrou, sans oublier bien sûr – tout de même – la quasi-intégrale de ses romans et nouvelles, etc.

 

Ben figurez-vous que je me suis trompé et que, en feuilletant ce petit guide, j’ai appris des trucs, comme ça, au détour d’une page, généralement sur le mode de l’anecdote. Et j’ai en tout cas eu l’occasion de constater que ce petit guide n’avait fort heureusement rien à voir avec ses sinistres prédécesseurs.

 

Si les récurrentes « dix questions… » sont un brin candides, elles permettent néanmoins au novice de découvrir en douceur le personnage et son œuvre. Or ce n’est pas de refus : on le sait – enfin, on devrait –, la vie de Philip K. Dick ressemblait un tantinet à ses romans, et en connaître quelques éléments permet de mieux apprécier son œuvre (ce qui est à vrai dire sans doute le cas pour tout auteur digne de ce nom).

 

L’étude des romans de l’auteur est tout à fait satisfaisante : exhaustive, elle n’hésite pas à trier le bon grain de l’ivraie, et force m’est de constater que je suis le plus souvent d’accord avec Étienne Barillier – quand je vous disais que Docteur Futur était une purge, hein ? Si les synopsis valent ce qu’ils valent, les commentaires et anecdotes sont souvent intéressants, et les renvois, quand il y en a, sont judicieux, ce qui nous change agréablement de la pratique antérieure.

 

L’étude des nouvelles est par contre à mon sens bien trop courte pour convaincre, et il en va un peu de même pour le reste des choses dickiennes – cinéma, musique, jeux vidéos, etc. Même si le travail de compilation effectué à cette occasion est non négligeable, il pèche par contre de temps à autre par défaut d’analyse.

 

Les éléments biographiques sont correctement amenés, et l’auteur évite de trop caricaturer son sujet, tout en posant les questions qui fâchent. Un bon point là aussi.

 

Ben finalement, c’était pas mal du tout, ce petit guide. Certes pas une lecture indispensable – et encore moins pour les authentiques dickiens décérébrés certes mais pas au point de se jeter sur la moindre chose en rapport avec leur écrivain fétiche –, mais un bon moyen – eh oui, pour une fois, ça marche – de découvrir en douceur l’auteur et son œuvre, à l’heure des rééditions. Il sera toujours possible d’approfondir plus tard. En attendant, ce petit guide remplit donc parfaitement son office. J’avais tort de frissonner et de craindre le pire, et m’en vais donc de ce pas me flageller avec des orties fraîchement coupées pour mes vilains sarcasmes de tout à l’heure.

 

Aïe.

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"Le Vaillant Petit Tailleur", d'Eric Chevillard

Publié le par Nébal

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CHEVILLARD (Éric), Le Vaillant Petit Tailleur, [s.l.], Les Éditions de Minuit, coll. Double, [2003] 2011, 233 p.

 

Tiens, pour ma peine, encore un livre en provenance directe de la sélection de Fabrice Colin, libraire invité à Charybde. Je n'y étais donc pas, hélas, mais ça ne m'a pas empêché de jeter un œil à ladite sélection le lendemain. Et c'est ainsi que j'ai fait connaissance avec Le Vaillant Petit Tailleur d'Éric Chevillard ; car, à la différence d'Un privé à Babylone dont je vous ai parlé il y a peu, celui-ci je n'en avais jamais entendu parler ; à vrai dire, je ne suis même pas certain de connaître vraiment le conte de Grimm und Grimm qui en fournit le prétexte (même si ça me dit effectivement quelque chose, cette histoire). Mais voilà : une fois n'est pas coutume, j'ai été attiré par la quatrième de couverture, plutôt prometteuse (mais ne le sont-elles pas toutes, ces salopes ?), et quand je me suis adressé à la libraire d'un air étonné, la perfide m'a fait : « Oh, ça, visiblement, c'est tout en digressions. » Et de rajouter, doublement perfide : « ... un peu à la Tristram Shandy... » Aussi, comment voulez-vous ? Hein ? Bon. Ben voilà, Le Vaillant Petit Tailleur de Chevillard a ainsi intégré ma mini-pile à lire temporaire, en très bonne position.

 

Adonc. La base, c'est bien le conte du Vaillant Petit Tailleur tel qu'il a été rapporté par les frères Grimm. Qui n'en sont donc pas l'auteur. Et voilà bien ce qui manque à cette stupide histoire de tueur de mouches : un auteur. Ainsi naît le Projet : « reproduire le conte avec ses imperfections constitutives, ses vices de forme, sa pauvreté d'imagination et de pensée, sa radicale bêtise, et [...] le propulser tel quel au rang d'œuvre littéraire majeure en devenant l'auteur qui lui fait défaut depuis toujours. » Tout de même. Et de se poser la question, bien légitime : au final, qui dans toute cette histoire est le héros ? Le Vaillant Petit Tailleur, ou bien l'Auteur ?

 

L'Auteur. Parlons-en. Il est tellement Auteur qu'on pourrait y mettre un H. Et il déteste le Vaillant Petit Tailleur, de même qu'il méprise Grimm-Grimm et les veuves qui leur ont rapporté semblables sornettes. Il n'y a qu'une seule chose que l'Auteur déteste encore plus que son sujet – qu'il cherchera donc à expédier le plus tôt possible –, et ce sont les mouches. Saloperies. « Sept d'un coup ! » Pas mal. Peut mieux faire.

 

Notre Auteur entreprend donc de réécrire le conte du Vaillant Petit Tailleur, en suppléant aux insuffisances flagrantes du récit originel, qu'il ne cesse de vilipender. Le Projet est arrogant ; mais notre Auteur, il faut bien le reconnaître, l'est vachement. Alors, oui, à la base il y aura bien un conte de fées – avec des géants et des licornes, un roi et une princesse –, il s'agit sous cet angle, de respecter le matériau. Mais notre Auteur ne peut pas s'empêcher d'en rajouter des caisses, et de tourner autour de son sujet (à l'instar d'une mouche, sale bête), à grands renforts de développements incongrus et autres digressions, dont il fait un véritable art. La digression est effectivement au cœur du conte modernisé et doté d'un Auteur. Le moindre prétexte est bon pour parler d'autre chose, et user de cet à-propos qui n'a rien à voir.

 

Et c'est jubilatoire, il faut bien le dire. Chevillard est un maître pour ce qui est de la digression ; de même que son Vaillant Petit Tailleur, mais sous une autre acception, il est insurpassable pour ce qui est de broder. Aussi, au fil des pages, nous le verrons souvent pester, railler, mépriser, mais tout autant nous entretenir de choses et d'autres, dont le rapport avec le conte des Grimm peut être sacrément tordu.

 

Le résultat, c'est un court roman souvent très drôle, et accessoirement – ou pas – superbement écrit. Car, si notre Auteur en rajoute dans la prétention, il ne fait guère de doute que Chevillard est un écrivain doué, qui connaît son métier.

 

Ainsi, au-delà de la farce burlesque et du ton goguenard de rigueur, se dessine une réflexion sur le statut d'auteur, sur ce que c'est que d'être un écrivain, sur le rapport à l'œuvre, sur la paternité littéraire... Et c'est diablement malin, et sacrément bien fait.

 

Le Vaillant Petit Tailleur est ainsi susceptible de nombreuses lectures – sept d'un coup ? –, qui sont toutes aussi enrichissantes et enthousiasmantes les unes que les autres. On voit bien dès lors qu'il s'agit de bien autre chose que d'un pur exercice de style, et c'est tant mieux.

 

Alors merci M. Colin, votre choix fut des plus judicieux.

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"Un privé à Babylone", de Richard Brautigan

Publié le par Nébal

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BRAUTIGAN (Richard), Un privé à Babylone. Roman policier, 1942, [Dreaming of Babylon], traduit de l'américain par Marc Chénetier, préface de Claude Klotz, Paris, Christian Bourgois – 10/18, coll. Domaine étranger, [1981, 1983, 2003], 2010, 244 p.

 

Ce roman-là, il me faisait de l'œil depuis un sacré bout de temps. Enfin, celui-là, et d'autres titres de Brautigan, d'ailleurs, dont on ne cessait, de part et d'autre, de me vanter les mérites. Alors, quand je l'ai vu figurer dans la sélection de Fabrice Colin, libraire invité à l'indispensable Charybde – je n'étais pas présent, hélas –, je me suis dit que c'était enfin l'occasion de sauter le pas.

 

Donc. San Francisco, 1942, alors que les Californiens s'attendent à voir débouler les Japonais d'une minute à l'autre. C. Card est – nécessairement – un détective privé, modèle Sam Spade. Enfin, en théorie. En pratique, ça fait des mois qu'il ne s'est pas vu confier la moindre affaire, et là, il touche le fond, harcelé par sa propriétaire, rejeté par tous ses amis et rendu responsable par sa mère de la mort de son père, alors qu'il n'avait que quatre ans... Mais peut-être la roue de la fortune va-t-elle enfin tourner ? Un mystérieux client le contacte, et lui propose un rendez-vous, avec cette condition particulière que Card doit venir armé.

 

Or Card n'a plus de balles pour son flingue, et pas un sou vaillant, du reste... L'essentiel de ce roman à fausse intrigue (merci, McGuffin) consiste donc à suivre les démarches de notre loser de héros pour se procurer des balles ou un peu de caillasse.

 

Et, entre-temps, Card rêve de Babylone. C'est quand même vach'ment mieux. Là-bas, il peut être la star de la saison de base-ball de l'an 596 avant Jean-Claude. Ou – mieux encore – endosser l'identité de Smith Smith, le privé de Babylone, et combattre les ombres-robots du sinistre Dr Abdul Forsythe !

 

Ah – et puis il y a des coïncidences troublantes aussi, tournant autour d'une pute découpée au coupe-papier. Mais c'est un pur hasard, hein ?

 

Sous couvert de nous livrer un « roman policier », comme nous l'assure le sous-titre du roman, Richard Brautigan se livre donc ici à une lumineuse et réjouissante parodie du polar hard-boiled, à grands renforts de brefs chapitres tous plus hilarants les uns que les autres. Bien entendu, tous les codes propres au genre y passent, mais en pire. C. Card est ainsi un loser magnifique, dans une enquête qui n'a pas de sens, et se révèle au final une sorte de piège burlesque sans queue ni tête.

 

Et ça marche parfaitement. Déjà parce que Brautigan écrit fort bien, et nous livre un véritable festival de punchlines, certaines particulièrement savoureuses. On lit Un privé à Babylone avec un sourire indécrochable, et le roman, très court il faut dire, se dévore à toute vitesse. Et on se prend d'affection pour le pathétique C. Card, rendu d'autant plus attachant par son caractère lunatique. Que ce soit à San Francisco ou à Babylone, le lecteur est ainsi assuré de passer un bon moment en compagnie de ce Sam Spade au rabais.

 

Mais la parodie relève aussi de l'hommage, et là, je dois avouer manquer de clés – je ne connais absolument rien au polar, hard-boiled ou pas, d'ailleurs, lacune qu'il faudra bien que je comble un jour. En attendant, cela ne m'a pas empêché de prendre mon pied à la lecture d'Un privé à Babylone, petit bijou d'humour mi-cynique mi-éthéré. Une lecture-friandise, certes pas bouleversante – faut pas exagérer –, mais qui donne assurément envie d'en savoir plus ; m'est donc avis que ce n'est pas là le dernier Brautigan que je lis...

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"Détectives et bandits scientifiques", de Marie-François Goron & Emile Gautier

Publié le par Nébal

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GORON (Marie-François) & GAUTIER (Émile), Détectives et bandits scientifiques, Encino, Black Coat Press, coll. Rivière Blanche – Baskerville, [1902] 2012, 311 p.

 

Hop, suite et fin de « Fleur de bagne », après De Cayenne à la place Vendôme et Pirates cosmopolites.

 

Nous retrouvons donc Rozen, alias le baron de Saint-Magloire, toujours au sommet de sa puissance... mais les signes annonciateurs de la chute commencent à se multiplier. Serré de près par le chef de la Sûreté Cardec et le bon docteur Lemoine, Rozen en vient à commettre des erreurs, et de nouveaux crimes : il en vient ainsi à tenter d'assassiner sa femme au radium ! Et la propriété d'Auteuil, où travaille le digne Sokoloff, fait l'objet d'une surveillance aérienne, depuis un étrange prototype d'avion... Le masque va bientôt tomber, à n'en pas douter. Et le traître Rozen pourrait avoir à subir le courroux des compagnons anarchistes.

 

S'il est une chose qui frappe dans ce troisième et ultime tome, c'est l'importance de la science, authentique comme merveilleuse, qui est ici bien plus présente que dans les deux volumes précédents. Chaque chapitre, ou presque, est propice à la description d'une nouvelle machine ou d'un nouveau procédé. Cela pourrait devenir lourd de didactisme, mais c'est la plupart du temps tout à fait charmant, voire enthousiasmant.

 

Au-delà, l'intrigue reste de qualité, et toujours servie par des personnages hauts en couleurs, Saint-Magloire en tête. Quelques scènes font particulièrement mouche, ainsi celle, d'anthologie, qui voit Cardec et Lemoine démasquer Rozen en usant des méthodes d'anthropométrie de Bertillon.

 

En somme, voilà toujours une lecture fort agréable et distrayante, et ce troisième tome ne fait à cet égard que confirmer tout le bien que je pensais déjà des deux premiers.

 

Notons pour finir que le volume se conclut une fois de plus sur des appendices fort intéressants, dus cette fois à la plume de Gautier : tout d'abord, de passionnants souvenirs de prison, extraits des Archives de l'anthopologie criminelle et des sciences pénales ; un texte édifiant, et sans doute toujours d'actualité pour une bonne part. Suivent également trois chroniques scientifiques, qui ne sont pas sans rapport avec l'intrigue du roman.

 

...

 

Reste cependant un problème, et de taille.

 

Je ne vous cacherai pas que, si j'ai lu et apprécié cette trilogie rocambolesque, c'est parce que j'ai pu bénéficier de services de presse. Il est fort probable que je serais passé à côté autrement, tout simplement en raison de son coût prohibitif : à 20 € le volume, cela fait 60 € au total ! Tout de même... Non, ce roman ne les vaut pas, et rares sont les livres qui le valent. Aussi, je ne saurais en conseiller l'achat, quand bien même j'en ai fort apprécié la lecture... J'ai cru comprendre, toutefois, qu'une édition numérique était prévue, peut-être sous forme d'intégrale : là, j'imagine que le coût ne serait plus aussi dramatiquement élevé. Alors à bon entendeur...

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"Du sel sous les paupières", de Thomas Day

Publié le par Nébal

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DAY (Thomas), Du sel sous les paupières, Paris, Gallimard, coll Folio Science-fiction, 2012, 287 p.

 

Ca deviendrait presque une habitude : les publications de Thomas Day, ça va souvent par deux (et vous remarquerez que je n'ai pas fait de comparaison testiculaire), un roman inédit chez Folio SF et un recueil de nouvelles chez ActuSF. En l'occurrence, ici, nous avons donc d'un côté Du sel sous les paupières, et de l'autre Women in chains, dont il y a fort à parier que je vous entretiendrai un de ces jours, d'autant que ça a l'air d'être de la bonne.

 

Mais on ne va pas faire de mystère ici : malgré une critique et une blogosphère unanimes pour célébrer les vertus de ce nouveau roman (inédit directement en poche, répétons-le), ben, moi, j'ai pas aimé. Mais alors pas du tout (et vous remarquerez que je n'ai pas dit que c'était à chier tout mou). Et je ne comprends pas l'intérêt que d'aucuns ont pu éprouver pour cette inutile collection de lieux communs, sans style comme sans panache, qui constitue de loin ce que j'ai lu de moins bon, pour ne pas dire de pire, de la part de Thomas Day. Très grosse déception, donc. Le tout, maintenant, va être de dire pourquoi, et ça s'annonce pas facile...

 

L'histoire d'abord : la quatrième de couv' nous parle d'uchronie et de steampunk, et, oui, certes, y en a. Disons que la der des ders y a connu un déroulement différent de ce que nous avons connu, et, en 1922, quand débute le roman, le monde est toujours noyé sous la brume de guerre, phénomène étrange que l'on n'expliquera pas, ce qui est bien pratique. Nous sommes à Saint-Malo (ça commence mal), et nous faisons la rencontre du jeune Judicaël (comme le fils aîné de Thomas Day, à qui le bouquin est dédié, si j'ai bien tout compris ; ce qui devrait donc dissuader d'en dire du mal, ou du moins d'user de formules méchantes ; je vais tâcher de), un gosse des rues de seize ans qui gagne mal sa mauvaise vie en vendant des illustrés et en chourant un peu aux petits bourgeois de temps à autre. Las, un jour, il s'attaque à la mauvaise cible, et se retrouve avec toute la police du coin au cul. Parallèlement, son Papé meurt, lui laissant toute une collection de récits de marin, et il rencontre (très vite !) l'amour en la personne de Mädchen, une jeune fille (comme son nom l'indique) qui vend des fleurs en papier.

 

Mais Mädchen disparaît. Serait-ce la faute du mystérieux Rémouleur, comme on le prétend ? Ben tiens : évidemment que non, et même qu'il est tout gentil, en fait, cet homme mécanique de fabrication allemande (ce qui nous vaut des dialogues pas croyables). Et de découvrir un complot souterrain bien vilain qui justifiera l'usage de la dynamite (boum) pour sauver les gentils gentils et se débarrasser des méchants méchants.

 

Ca, c'est pour la première partie, mauvais remake de La Cité des enfants perdus saupoudré, peut-être, d'un peu de Miyazaki, le talent et l'inventivité en moins. La suite, légèrement moins ch... plus intéressante, fait intervenir, après une escale à Guernesey, une bonne dose de folklore irlandais, histoire de tourner complètement le genre du roman.

 

Comment dire.

 

Ben c'est vraiment pas bon, et je ne comprends très franchement pas du tout l'enthousiasme que ce truc a pu susciter. Pour ma part, je n'en retiens qu'un joli titre et une jolie couverture d'Aurélien Police. Tout le reste, c'est du déjà-vu déjà-lu, du prémaché supposément entraînant, sauf que ben non, quoi. Et c'est, au nom des codes de la littérature de genre, j'imagine, une sinistre collection de clichés : c'est bien simple, ils y passent tous. L'uchronie a ses guest-stars inévitables et facilement identifiables, le steampunk son homme mécanique de pacotille, la fantasy ses elfes rigolos mais attention. Judicaël est aussi sympathique et attachant qu'une fiente, Mädchen ne sert que de véhicule pour un amour salvateur beau comme du Luc Besson, et c'est à peine si quelques Irlandais de passage (membres de l'I.R.A., tant qu'à faire) éveillent un peu notre intérêt de temps à autre.

 

Aussi, je ne vois pas le pourquoi de la chose. Pour ce qui est du fond, c'est nul ; la forme ne mérite pas un seul instant que l'on s'y attarde. Alors quoi ? Rien. On est bien loin, avec Du sel sous les paupières, du brio et du panache de La Voie du sabre, et a fortiori des nouvelles de l'auteur, autrement trashouilles, et autrement intéressantes. Du coup, la déception suscitée par ce livre qui m'a paru tristement bâclé ne m'empêchera probablement pas de lire Women in chains, dont le peu que je connais est déjà très bon. Mais là, c'est autre chose que ce mauvais roman jeunesse plus ou moins assumé, sans âme et sans caractère, écrit à la va comme je te pousse, et totalement dénué du moindre intérêt. Cela dit, il semblerait que je sois le seul à penser ainsi, et rappelez-vous : Nébal est un con. Mais quand même...

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"Coraline", de Neil Gaiman

Publié le par Nébal

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GAIMAN (Neil), Coraline, [Coraline], traduit de l'américain par Hélène Collon, illustrations de Dave McKean, Paris, Albin Michel – J'ai lu, coll. Science-fiction – Fantastique, [2002-2003] 2012, 154 p.

 

Coraline est probablement une des créations les plus célèbres de Neil Gaiman – et aussi une des plus primées, et avec lui, c'est jamais rien de le dire : Prix Hugo 2003, Prix Nebula 2003, Prix Locus 2003, Prix Bram Stoker 2003, British Science Fiction Award 2002, et oui, rien que ça. Le scénariste de Sandman (qui reste à mes yeux sa plus grande réussite tous genres confondus) nous a ainsi livré un conte noir pour les pitinenfants curieux et amateurs (déjà) d'horreur. Pas d'erreur sur le cœur de cible, ici, il s'agit clairement de littérature enfantine, bien plus que de littérature jeunesse. Mais comme la bonne littérature jeunesse, Coraline fait partie de ces livres dont certains adultes – votre serviteur, par exemple – sont à même de se régaler.

 

J'avais découvert Coraline par le biais du très bon film d'animation d'Henry Sellick (auquel on devait déjà cette merveille qu'est L'Étrange Noël de M. Jack) ; je m'en étais délecté, et me suis donc dit qu'il pourrait être intéressant de lire le conte original, à titre de comparaison et en espérant y retrouver les mêmes délices.

 

Nous avons donc Coraline Jones. Coraline, hein – et pas Caroline, comme tout le monde fait l'erreur... Coraline est une petite fille qui aime explorer. Elle vient d'emménager avec ses parents surbookés dans une vieille maison scindée en plusieurs appartements ; y vivent donc également un vieux toqué qui élève des souris de cirque, et deux actrices sur le retour (interprétées si je ne m'abuse dans le film par French & Saunders, la bonne idée que voilà). C'est bientôt la rentrée, mais, en attendant, Coraline s'ennuie. Et ses parents ne sont guère présents pour elle. Et, un jour, en explorant la maison, elle fait l'étrange découverte d'une porte donnant sur un mur de briques – en fait, une porte reliant leur appartement au dernier de la maison, inoccupé. Sauf que Coraline va trouver le moyen de franchir cette porte.

 

Et, de l'autre côté, elle va tomber sur un monde mystérieux, où tout est très semblable à chez elle, mais en mieux. Notamment, elle y fait la rencontre de ses Autres Parents, tellement plus affectueux – mais qui ont, idée géniale et terrifiante, des boutons cousus à la place des yeux... Son Autre Mère, surtout, se montre très démonstrative ; mais il va de soi que tant de bonheur dissimule une réalité bien plus sombre, à laquelle Coraline va bientôt devoir se coltiner...

 

Coraline est donc un conte, oui ; et un conte destiné en priorité aux pitinenfants. Ce qui explique sa plume très simple et l'impressionnante densité de ce bref récit, qui va toujours à l'essentiel. Ici, la littérature jeunesse s'assume pleinement, et n'endosse pas les oripeaux d'une littérature pour adultes. Mais les adultes peuvent à très bon droit se complaire dans la régression et savourer de même que les bambins cette histoire lumineusement noire et délicieusement horrible. Il y a en effet de quoi avoir quelques délicieux frissons à la lecture de Coraline, récit qui fait mouche à chaque touche, et sait particulièrement bien réveiller les angoisses du gamin qui sommeille en chaque lecteur.

 

Vous l'aurez compris, je ne peux que recommander chaudement la lecture de Coraline, ouvrage à la hauteur de sa réputation. Si j'ai un jour des gniards, ils n'y couperont pas (de même qu'à Mon voisin Totoro, mais c'est une autre histoire). En attendant (?), c'est le petit Nébal qui s'est bien amusé à partir explorer l'autre monde avec la charmante Coraline.

 

Y a pas, il est fort ce Neil Gaiman...

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"La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah", de Nick DiChario

Publié le par Nébal

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DICHARIO (Nick), La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah, [A Small and Remarkable Life], traduit de l'américain par Claudine Richetin, Paris, Télémaque – Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [2006, 2010] 2012, 321 p.

 

La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah, premier roman de l'illustre inconnu Nick DiChario, est un livre dont je me suis tout d'abord fortement méfié, parano que je suis. Il faut dire qu'il avait été publié en français par Télémaque, qui m'avait fait sortir de mes gonds pour Un peu de ton sang de Theodore Sturgeon, avec une quatrième de couverture pour le moins prometteuse (j'adore le « croisement inédit entre E.T. et Croc-Blanc »). Parallèlement, ce titre français sonnait un peu trop comme celui d'un récent prix Pulitzer pour être tout à fait honnête. Mais quand ce roman est sorti en Folio SF, je me suis malgré tout laissé tenter... en dépit d'un bandeau moche et menaçant affirmant que Jan Kounen « en ferait bien son prochain film ». Ce qui, vous en conviendrez, faisait pas mal de handicaps à surmonter.

 

Nous sommes donc aux Etats-Unis, essentiellement dans l'Etat de New York, au milieu du XIXe siècle. Tink Puddah est un étranger. Il faut dire qu'il pousse le vice jusqu'à avoir la peau bleue (outre diverses malformations dont je vous passe le détail), ce qui en fait un nègre tout à fait remarquable. Sur Terre, il est bien loin de l'Eauspace de ses parents, tués dès leur arrivée sur notre planète, et laissant le petit Tink orphelin.

 

Quelques années plus tard, un service funéraire est organisé pour l'étranger Tink Puddah, bien que celui-ci ait proclamé son athéisme, au grand dam du pasteur Jacob Piersol. Mais c'est l'occasion pour plusieurs des villageois de Skanoh Valley de venir témoigner de la profonde gentillesse et de la serviabilité du défunt. Quitte à heurter un peu les sentiments de Jacob.

 

Mais l'histoire ne fait que commencer. En effet, suite à l'intervention d'un jeune morveux, on en vient à s'interroger sur la mort de l'étranger. Et de découvrir que celui-ci a été tué d'une balle dans le crane, chose que les autorités et témoins se sont empressés de cacher...

 

Dès lors, l'histoire se déroule sur deux plans : d'une part, on suit Tink Puddah l'étranger dans sa vie sur Terre, où il doit faire face à bien des dangers et souffre régulièrement de la cupidité et de la haine aveugle des humains ; d'autre part, on suit l'enquête concernant la mort de Tink Puddah, et ce essentiellement à travers le personnage de Jacob Piersol... qui en vient étrangement à voir en Tink Puddah le Messie. Jusqu'à un dénouement qui ne surprendra personne tant il coule de source, mais peu importe.

 

Oui, peu importe. Parce qu'il faut reconnaître que c'est pas mal du tout, La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah. Ce récit de contact avec l'autre est assez bien foutu, dans une veine qui peut rappeler, en moins dur, Eifelheim de Michael Flynn, mais évoque surtout quelques Grands Anciens de la science-fiction la plus humaniste, en l'occurrence Clifford D. Simak – le cadre rural y est pour beaucoup – et Theodore Sturgeon.

 

Nick DiChario, pour son premier roman, a su renouveler intelligemment un thème éculé, et poser à travers cette relecture les bonnes questions. Sans avoir grand-chose d'original, La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah se lit avec un plaisir constant, et s'autorise quelques surprises (bonnes). Certes, la plume n'est pas exceptionnelle (mais peut-être la traduction est-elle en cause). Mais la profonde humanité des personnages et du propos l'emportent, et suscitent l'adhésion du lecteur, qui se laisse doucement entraîner dans cette évocation sur le mode de la parabole de la vie d'un étranger loin de chez lui.

 

Roman frais et éminement sympathique, La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah n'a sans doute pas de quoi entrer au Panthéon du genre, mais s'avère des plus appréciables. Il s'en dégage une saveur toute particulière, devenue bien rare dans la science-fiction contemporaine, plus dure et plus froide (à mes yeux en tout cas). Alors on pourrait peut-être faire à La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah un procès en gnangnantise, mais, pour ma part, je m'avoue tout à fait satisfait de cette lecture certes un brin naïve, mais qui fait du bien. Faudra voir la suite de sa production, mais ce Nick DiChario pourrait bien être un auteur prometteur, dans une veine paisible, bucolique et profondément humaniste, au sens le plus doux...

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"Sous des cieux étrangers", de Lucius Shepard

Publié le par Nébal

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SHEPARD (Lucius), Sous des cieux étrangers, traduit de l'américain par Pierre K. Rey, Jean-Daniel Brèque et Olivier Girard, Paris, Le Bélial' – J'ai lu, coll. Science-fiction, [1992, 2000, 2003, 2007, 2010], 2012, 508 p.

 

Je ne prétendrais pas être un connaisseur de l'oeuvre de Lucius Shepard : je n'en avais lu en tout et pour tout, jusqu'à présent, que son recueil Aztechs et son court roman Louisiana Breakdown. Mais j'ai appris à le goûter, et à apprécier notamment son ouverture d'esprit, qui l'amène à dépasser les frontières au sein des genres de l'imaginaire (et au-delà, d'ailleurs). Aussi m'étais-je procuré Sous des cieux étrangers en grand format lors de sa sortie au Bélial' en 2010. Mais les hasards de la pile à lire ont fait que ce n'est qu'aujourd'hui, en poche et un Grand Prix de l'Imaginaire pour l'ensemble du recueil plus tard, qu'il m'a été donné de le lire.

 

J'attendais beaucoup de ce recueil, dont j'avais entendu dire partout le plus grand bien, et qui nous permet de suivre Lucius Shepard sur sa distance de prédilection : la novella. Sous des cieux étrangers comprend en effet cinq textes, d'une centaine de pages chacun, dont trois inédits. L'auteur y travaille à la limite des genres, sauf dans le premier texte, clairement SF, et pour le coup un peu surprenant de la part de cet auteur.

 

Ce premier texte, « Bernacle Bill le Spatial », a collectionné les récompenses (Hugo, Asimov's, Locus et Science Fiction Chronicle), et je dois avouer ne pas comprendre pourquoi. Je ne vous cacherai en effet pas plus longtemps que cette entrée en matière m'a terriblement déçu, et franchement laissé sur ma faim. Cette sorte de variation sur le thème du simplet brillant (Des fleurs pour Algernon dans l'espace ?) m'a paru totalement vide sur le plan émotionnel, et m'a surpris par sa tendance à faire parler la testostérone. En fait, j'y ai surtout vu une sorte de remake d'Outland, le western SF de Peter Hyams. Sauf que voilà : Outland, c'est sympa, mais ça ne casse pas des briques non plus ; cette nouvelle, c'est la même chose : de la part de Shepard, elle m'a paru clairement médiocre, et pas à la hauteur de sa réputation. C'est donc sur une déception que j'ai entamé la lecture de ce recueil ; mauvais signe pour la suite...

 

Entendons-nous bien : il n'y a pas de mauvais texte dans ce recueil. Même celui dont je viens de parler est au pire médiocre. Mais je n'ai jamais par la suite été renversé comme je l'espérais, d'où ce sentiment d'un recueil surestimé et le vilain arrière-goût amer que j'avais en bouche à la fin de chaque texte...

 

« Dead Money » est ensuite une nouvelle à mettre en rapport avec un roman de l'auteur, Les Yeux électriques. Amusante rénovation du thème du zombie vaudou dans le milieu des joueurs de poker, elle m'a paru bien plus convaincante que la précédente. Ambiance, personnages, sont irréprochables. Pourtant, j'ai eu l'impression qu'il manquait là aussi quelque chose pour me faire vibrer et adhérer pleinement au propos, sous tous ses aspects. Reste une novella correcte, oui, et sans doute un peu plus que cela, mais guère plus.

 

J'avais déjà lu « Radieuse Étoile verte » dans un numéro de Bifrost. Cette troisième novella ne m'avait guère laissé de souvenirs dans l'absolu, même si je me suis vite retrouvé en terrain familier à sa relecture. Là encore, le cadre est parfait, et les personnages sont très riches. Cette histoire de vengeance et d'instrumentalisation se lit fort bien... mais une fois de plus, on ne dépasse pas le stade du bon texte pour atteindre à quelque chose de vraiment bon, ce qui fait toute la différence, et justifierait la réputation de Sous des cieux étrangers. De même que dans les deux textes précédents, j'ai en outre eu l'impression d'une sorte de parasitage pulp un peu superflu, et noyant les aspects les plus intéressants du texte dans l'action et la narration conventionnelle...

 

« Limbo » est, à la réflexion, le texte qui m'a le plus séduit, du moins j'en ai l'impression. Intéressante ghost story dans laquelle se retrouve plongé un truand en cavale, qui tourne à la descente aux enfers (d'une manière qui m'a évoqué, à tort ou à raison, Clive Barker), c'est là un texte parfaitement maîtrisé, où tous les éléments sont bien dosés. Le résultat est cette fois bien plus qu'honnête, et remonte le niveau global du recueil.

 

Il en va de même, quoique dans une mesure un peu moindre, pour le dernier texte de Sous des cieux étrangers, à savoir « Des étoiles entrevues dans la pierre ». Le cadre rock est intéressant, le fond de légendes locales aussi, et tout ce qui ne relève pas à proprement parler du fantastique ou de l'insolite est nettement irréprochable. Le reste, ma foi, m'a un peu fait l'impression d'un épiphénomène plus ou moins intéressant, mais en conservant un niveau correct.

 

Reste qu'au final j'ai été terriblement déçu par ce recueil, dont, il est vrai, j'attendais beaucoup. Je n'ai vraiment pas l'impression d'avoir lu ici le meilleur de Lucius Shepard, qui m'avait bien plus convaincu au travers d'autres lectures. Et j'espère que Le Dragon Griaule saura me séduire davantage ; parce que franchement, de Sous des cieux étrangers, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat, à mes yeux en tout cas. Un bon recuei, oui ; mais guère plus. J'en suis le premier surpris et le premier déçu...

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