"Les Compagnons de l'Ombre", t. 3, de Jean-Marc Lofficier (éd.)
LOFFICIER (Jean-Marc) (éd.), Les Compagnons de l’Ombre, 3, textes de Matthew Baugh, Win Scott Eckert, Rick Lai, Jean-Marc & Randy Lofficier, Kim Newman, John Peel, John Shirley, Brian Stableford et Jean-Louis Trudel, traduits par Nicolas Cluzeau, Gabrielle Comhaire, Jean-Marc Lofficier, Sarah Millet, Jean-Louis Trudel, Michel Vannereux et Thierry Virga, Encino, Black Coat Press, coll. Rivière Blanche – Noire, [2005] 2009, 305 p.
Retour auprès de ces si sympathiques Compagnons de l’Ombre, parce qu’ils le méritent bien. Au programme de ce troisième tome, on retrouve le cocktail qui avait si bien fonctionné dans les deux premiers, entre érudition pulpesque et régression jubilatoire : plein de héros et de vilains de la littérature (populaire mais pas que) ou du cinéma (populaire mais pas que), avec quelques personnages historiques de temps à autre, qui vont vivre, sous la plume d’auteurs anglo-saxons (pas toujours bien servis par des traductions parfois approximatives, hélas) ou francophones, des aventures toutes plus délirantes les unes que les autres. On en salive d’avance.
C’est ainsi avec un plaisir certain que l’on retrouve ici Kim Newman, maître ès pastiches furieux, qui, avec « La Marque de Kane », nous offre en quelque sorte une suite aux « Anges de la musique » dont il nous avait régalés dans le tome 1. On retrouve donc Erik, le Fantôme de l’Opéra, toujours aux commandes d’une agence de Drôles de Dames, même si la distribution a changé. Cette fois, la cible de leur courroux justicier n’est autre que le vil magnat de la presse Charles Foster Kane, prêt à toutes les bassesses pour provoquer une guerre en Europe. Mais ce ne sont là que quelques-uns des personnages faisant leur apparition dans ce vaste délire au générique interminable… Comme toujours, c’est parfaitement crétin (au meilleur sens du terme), d’une érudition impressionnante, et tout à fait jouissif.
Win Scott Eckert, avec « Les Lèvres rouges », nous offre lui aussi une suite à sa nouvelle « L’Œil d’Oran », publiée également dans le premier tome de la série. La fille d’Arsène Lupin revient donc pour de nouvelles aventures, accompagnée entre autres de son demi-frère Nestor Burma (si), pour remettre la main sur l’Œil d’argent de Dagon, tombé entre les mains d’une affreuse vampire amatrice de bains de sang. Très sympathique.
Rick Lai, dans « La Dernière Vendetta », fait intervenir tout un cortège de vilains, mais pas que, dans une vente aux enchères d’objets mythiques, où les évocations du western spaghetti, notamment, ne manquent pas. Pas mal.
On passe ensuite à « Ex Calce Liberatus » de Matthew Baugh, nouvelle épistolaire plutôt bien troussée, où Arsène Lupin, entre autres, s’intéresse de près à une collection d’épées historiques. Mais, outre des personnages d’Edogawa Ranpo, les Vampires sont de la partie… Pas mal aussi.
Un gros ratage suit, sans aucun doute la plus mauvaise nouvelle du recueil, avec « Les Deux Panaches de Cyrano » de John Shirley, texte ennuyeux et mal écrit dans lequel Cyrano de Bergerac voyage de quelques années dans le futur, manipulé par un sorcier, pour affronter en duel D’Artagnan… Catastrophique. On passe.
Hélas, « Le Trésor des Romanoff » de Jean-Louis Trudel ne vaut guère mieux. Une lupinade de plus, avec Rouletabille en bonus, mais qui se révèle confuse et guère palpitante. On passe aussi.
Les choses redeviennent plus intéressantes avec « Vingt mille ans sous les mers » de John Peel, qui confronte les univers de Jules Verne et de Lovecraft, le capitaine Némo faisant escale bien malgré lui à R’lyeh. Dommage que ça soit si bourrin au final, mais bon, ça se lit.
Les mêmes auteurs sont à l’affiche de « La Couronne du Chaos » de Jean-Marc & Randy Lofficier : cette fois-ci, c’est Robur qui intervient dans la mystérieuse vallée de K’n-yan auprès d’une expédition de l’Université Miskatonic. Plein de Mi-Go à l’affiche (plus tintinesques que lovecraftiens, cependant), et Yog-Sothoth pour le grand final, tandis que le Sâr Dubnotal veille. Résolument pulp, totalement hystérique, ça fonctionne plutôt bien.
Mais le meilleur est à venir avec la longue nouvelle de Brian M. Stableford qui conclut le recueil, « Le Sauvetage du Titan, ou La Futilité revisitée ». S’inspirant d’une histoire de naufrage antérieure à celui du Titanic (et a fortiori de, euh…), l’auteur place sur son gigantesque paquebot toute une flopée de célébrités, historiques ou imaginaires ; mais il semblerait bien qu’il y ait des vampires à bord ! Astucieusement construite, riche de clins d’œil réjouissants, souvent drôle, c’est là une vraie réussite, qui conclut ce troisième tome un peu inégal sur la meilleure note possible.
Aussi, on ne boudera pas notre plaisir. Malgré quelques ratages, ce troisième tome reste de très bonne tenue, a fortiori si l’on prend en compte le fait que les nouvelles de Kim Newman et de Brian Stableford, à n’en pas douter les meilleures, occupent à elles seules près de la moitié du volume. On se retrouvera donc un de ces jours pour le tome 4, et ad lib.