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"Bad Moon Rising (+ Flower - Halloween - Satan Is Boring - Echo Canyon)", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

Bad-Moon-Rising.jpg

 

SONIC YOUTH, Bad Moon Rising (+ Flower – Halloween – Satan Is Boring – Echo Canyon)

 

Tracklist :

 

01 – Intro

02 – Brave Men Run (In My Family)

03 – Society Is A Hole

04 – I Love Her All The Time

05 – Ghost Bitch

06 – I’m Insane

07 – Justice Is Might

08 – Death Valley ’69 (W. Lydia Lunch)

09 – Satan Is Boring

10 – Halowe’en

11 – Flower

12 – Echo Canyon

 

Poursuite de la rétrospective Sonic Youth avec Bad Moon Rising, le deuxième « véritable » album du groupe après l’excellent mais encore très marqué No Wave Confusion Is Sex. Entre les deux albums, pourtant séparés par une brève période de temps (Bad Moon Rising est enregistré fin 1984 et sort début 1985), le groupe a quasiment opéré un saut quantique : il semble avoir découvert que les guitares pouvaient servir à autre chose qu’à faire des bruits bizarres, qu’on pouvait jouer des riffs avec, voire – ô étrangeté ! – des mélodies. Mais on ne parlera pas de compromissions pour autant : Bad Moon Rising, pas plus que son prédécesseur, n’est un album facile ; Sonic Youth reste un groupe alternatif, à l’avant-garde de la recherche sonore ; simplement, il commence à faire ça avec un peu plus de maturité, sans doute.

 

Quelques petites niouzes côté pipole (je sais que vous en raffolez, bande de voyeurs) : Thurston Moore et Kim Gordon se sont mariés peu de temps avant l’enregistrement de l’album. Vous vous en foutez ? Vous avez bien raison. Plus intéressant : c’est au cours de la tournée qui le suit immédiatement (et qui verra l’enregistrement des morceaux complétant le CD) que le jeune Steve Shelley intègre le groupe à la batterie (c’est Bob Bert qu’on entend sur l’album) ; le quatuor est désormais au complet, et le groupe gardera cette base jusqu’à aujourd’hui (ce qui n’exclura pas la présence occasionnelle de membres supplémentaires, mais on aura l’occasion d’y revenir). C’est également à l’occasion de la sortie de cet album que l’Anglais Paul Smith crée le label Blast First pour distribuer le disque en Europe, ce qui marque le début d’une longue collaboration.

 

Mais parlons maintenant musique, et commençons à décortiquer la bête. Où l’on commence par une « Intro » fort brève, dont les arpèges nous font clairement comprendre que le groupe a évolué depuis Confusion Is Sex, donc.

 

Et d’enchaîner sur « Brave Men Run (In My Family) », qui, avec son riff simple mais néanmoins efficace, confirme cette première impression, quand bien même le bruit a (heureusement) toujours son mot à dire, et, quand Kim Gordon prend le chant, les atmosphères du premier album se rappellent à notre bon souvenir. Le morceau se conclut d’ailleurs sur une étrange boucle industrielle…

 

… qui fait l’enchaînement avec « Society Is A Hole », un morceau plus lent et hypnotique, au chant un peu incantatoire sur fond légèrement bruitiste. Assez réussi.

 

Puis on enchaîne, sans transition, sur le bien plus long mais toujours assez mou « I Love Her All The Time »… qui confirme en tout cas que les Sonic Youth, s’ils ont découvert les joies de la composition, ne sont pas pour autant devenus de grands chanteurs. Mais on y retrouve avec plaisir quelques déflagrations soniques qui commençaient à se faire rares, et sont d’autant plus les bienvenues qu’elles se mêlent judicieusement au reste.

 

Suit « Ghost Bitch », qui s’ouvre sur un larsen et retrouve plus clairement les ambiances sombres, bruitistes et avant-gardistes de Confusion Is Sex. On aurait à vrai dire envie de qualifier le morceau d’industriel par certains aspects. Très réussi.

 

Enchaînement sur « I’m Insane » (désolé, la vidéo coupe un peu brusquement…), là encore un morceau aux sonorités étrangement (ou pas) industrielles, mais avec un soupçon de mélodie en sus, et la voix de Lee Ranaldo. Répétitif, hypnotique, tout à fait intéressant, sans être exceptionnel pour autant.

 

« Justice Is Might », très court, sur lequel on enchaîne immédiatement, s’inscrit lui aussi plus ou moins dans la continuité de Confusion Is Sex ; mais il s’agit plus d’une conclusion à la « trilogie » entamée par « Ghost Bitch » et dont « I’m Insane » constituait la pièce centrale qu’autre chose.

 

Et arrive (enfin ?) le chef-d’œuvre, avec l’exceptionnel « Death Valley ’69 (W. Lydia Lunch) », sans doute un des premiers tubes du groupe, et j’irais jusqu’à dire, déjà, un de ses meilleurs morceaux. Comme le titre l’indique, Lydia Lunch de Teenage Jesus & The Jerks joue l’invitée, tandis que le clip, si je ne m’abuse, a été réalisé par Richard Kern. Ici, on a déjà du pur Sonic Youth, dans son versant le plus pêchu, avec un riff imparable, et une superbe montée à filer des frissons au plus impassible des auditeurs. Une petite merveille, incontestablement la pièce de résistance de Bad Moon Rising… et par ailleurs sa conclusion.

 

En effet, les morceaux qui suivent ont été enregistrés ultérieurement, lors de la tournée qui a suivi la sortie de l’album (et, au passage, ils sont mal indiqués sur la pochette…). On commence avec « Satan Is Boring », pièce de pure expérimentation basée essentiellement sur une voix trafiquée et la batterie, assez austère dans un premier temps, tandis que la fin ramène une fois de plus à Confusion Is Sex. Dispensable.

 

« Hallowe’en », plus abordable – sans qu’on puisse parler de compromission pour autant, loin de là… – et mélodieux, est aussi incomparablement plus intéressant, mais aussi un peu frustrant : on y sent l’amorce de quelque chose de plus grand…

 

« Flower » revient quant à lui clairement à la No Wave de Confusion Is Sex, avec une indéniable réussite. Un très bon morceau, simple et efficace.

 

Reste enfin le bref « Echo Canyon », simple collection d’effets sonores. Pas vraiment un morceau, et rien à en dire…

 

Bad Moon Rising n’est probablement pas un très grand album de Sonic Youth. Outre qu’il pâtit d’une production un peu inégale (et notamment un peu faiblarde sur sa première moitié), il est encore un peu trop le cul entre deux chaises pour convaincre pleinement. Certes, le groupe y a déjà opéré une évolution impressionnante. Mais il lui restera à compléter son saut quantique avec EVOL et Sister pour devenir pleinement le Sonic Youth que nous connaissons et adorons. Il n’en reste pas moins que Bad Moon Rising contient quelques titres intéressants, et, déjà, une merveille, l’excellent « Death Valley ‘69 » : comme une promesse du meilleur à venir.

 

 Suite des opérations avec EVOL.

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"Confusion Is Sex (Plus Kill Yr. Idols)", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, Confusion Is Sex (Plus Kill Yr. Idols)

 

Tracklist :

 

01 – (She’s In A) Bad Mood

02 – Protect Me You

03 – Freezer Burn / I Wanna Be Your Dog

04 – Shaking Hell

05 – Inhuman

06 – The World Looks Red

07 – Confusion Is Next

08 – Making The Nature Scene

09 – Lee Is Free

10 – Kill Yr. Idols

11 – Brother James

12 – Early American

13 – Shaking Hell (Live)

 

Bon, allez, finalement, je vais me la faire, cette rétrospective Sonic Youth. Mais avec un double avertissement au préalable : déjà, pour avoir farfouillé, il ne me sera pas toujours possible de vous donner des extraits vidéos (ou alors il faudra passer par des lives, on verra bien) ; ensuite, je ne vais pas prétendre à l’exhaustivité : c’est qu’en l’espace d’environ trente ans, le groupe a eu le temps d’enregistrer une discographie pour le moins conséquente, et que je suis loin de tout avoir, notamment pour ce qui est des albums expérimentaux, pas les plus évidents à se procurer… À l’heure où j’écris ces lignes, le programme est donc le suivant : Confusion Is Sex (Plus Kill Yr. Idols) ; Bad Moon Rising (+ Flower – Halloween – Satan Is Boring – Echo Canyon) ; EVOL ; Sister ; Daydream Nation ; Sonic Death. Sonic Youth Live, Early Sonic ; Goo ; Dirty ; Experimental Jet Set, Trash And No Star ; Washing Machine ; A Thousand Leaves ; Silver Session For Jason Knuth ; Sonic Nurse ; Rather Ripped ; The Destroyed Room. B-Sides And Rarities ; Andre sider af Sonic Youth. Roskilde Festival d. 1 Juli 2005 ; The Eternal. Ouf. Ça fait quand même du boulot, mine de rien. (EDIT : depuis, j'en ai rajouté...) 

 

Adonc, Sonic Youth. Le groupe apparaît à New York, en pleine scène No Wave, dans la foulée de Teenage Jesus & The Jerks, James Chance & The Contortions, Mars, D.N.A. ou encore Glenn Branca, auprès duquel les guitaristes Thurston Moore et Lee Ranaldo ont fait leurs premières armes. C’est la rencontre avec la bassiste/guitariste Kim Gordon qui décide de la formation du projet, qui voit se succéder dans ses premières années une théorie de batteurs, avant de se fixer définitivement avec l’arrivée de Steve Shelley à ce poste (mais nous n’en sommes pas encore là). Quant au chant, il est partagé par Moore, Ranaldo et Gordon, ce que j’ai toujours trouvé éminemment sympathique.

 

Le groupe commence par se signaler lors de concerts épiques en 1981-1982 (dont témoignera en partie Sonic Death), bien représentatifs de l’esprit du temps : il ne s’agit pas tant de jouer bien (si tant est qu’on sache jouer…) que de jouer fort et de sortir des bruits bizarres de ses guitares, de livrer une musique atonale et sans concessions, bref, de pousser l’esprit punk jusqu’à ses ultimes limites. Glenn Branca (encore lui) s’intéresse aux performances de ces terroristes sonores, et les incite à enregistrer un premier EP, intitulé simplement Sonic Youth (avec Richard Edson de Konk à la batterie).  Suivra bientôt le premier « vrai » album : ce sera le légendaire Confusion Is Sex, en 1983 (avec à la batterie Jim Sclavunos de Teenage Jesus & The Jerks), album depuis réédité en compagnie de l’EP suivant, enregistré en tournée, Kill Yr. Idols (cette fois avec Bob Bert à la batterie).

 

Le résultat ? Un album très sombre et expérimental, atonal, parfois furibard, souvent glauque. Pas du tout représentatif de ce que fera Sonic Youth par la suite, entendons-nous d’ores et déjà là-dessus. Mais néanmoins fort intéressant.

 

L’album commence très fort et très bien avec l’excellent « (She’s In A) Bad Mood », avec ses guitares en intro et en fond sonnant vaguement comme un gamelan (ce qui revient souvent sur l’album). Une basse lourde laisse le champ libre aux déflagrations soniques des guitares. Le résultat est imparable, et, par exception, bien que d’une noirceur peu coutumière du groupe, annonciateur de certains titres ultérieurs. Une introduction parfaite pour l’album, en tout cas.

 

Suit le fragile et glauquissime « Protect Me You », où Kim Gordon prend le, euh, le « chant ». Un morceau répétitif et oppressant, d’une très grande efficacité. Là encore, la guitare ne sert guère qu’à bruiter, le peu de mélodie du morceau ne provenant que de la basse, bien secondée par la batterie.

 

Après quoi l’on passe à « Freezer Burn / I Wanna Be Your Dog », c’est-à-dire à une sorte d’introduction ambiant/indus (aujourd'hui on parlerait sans doute de drone), coupée d’un seul coup et n’importe comment pour enchaîner sur une reprise totalement hystérique et bonne à se taper la tête contre les murs du tube des Stooges. D’une puissance rare, malgré (ou à grâce à ?) un son de chiottes.

 

Puis vient le tour de « Shaking Hell », un morceau tout d’abord très nerveux, et très influencé par les piliers de la No Wave. Puis le groupe calme un peu le jeu, pour verser dans l’incantatoire, et remonter progressivement dans un crescendo plein de tension. Très bon.

 

« Inhuman » s’ouvre sur du bruit à l’état pur, puis poursuit dans une veine là encore très typée No Wave. Efficace, rien à redire.

 

« The World Looks Red » s’inscrit lui aussi assez clairement dans cette lignée, avec tout autant de réussite.

 

J’avoue cependant y préférer des morceaux plus lents et atonaux, comme le très lourd (du moins dans un premier temps) « Confusion Is Next » qui suit. Finalement, les oreilles en prennent un peu plus pour leur grade, mais délicieusement, et l’ambiance est fabuleuse. Très autistique, celui-là. Jusqu’à l’accélération finale, dans un déluge de bruit. Et c’est bon.

 

Suit « Making The Nature Scene ». Pour une fois, un morceau – essentiellement fondée sur la basse/batterie – qui me laisse dans l’ensemble assez froid. Ce n’est pas mauvais, non, mais ça n’a rien de bien marquant non plus…

 

Et Confusion Is Sex de se conclure sur « Lee Is Free », où les guitares (?) sonnent plus que jamais comme un gamelan. Intéressant, assez fascinant même.

 

On enchaîne donc sur Kill Yr. Idols avec… « Kill Yr. Idols », un morceau très punk, où les guitares, toujours dissonantes avant tout, cherchent quand même un peu le riff – on tend à se rapprocher du Sonic Youth ultérieur, en bien plus furibard cela dit. Très bon, en tout cas.

 

Suit le très bon « Brother James », qui, là encore, témoigne d’un surprenant changement d’état d’esprit de la part des membres de Sonic Youth, qui n’approchent visiblement plus la composition de la même manière que sur Confusion Is Sex, laissant désormais aux guitares une fonction autre que celle de simplement faire du bruit.

 

« Early American », par contre, revient un peu en arrière – ce qui n’est pas forcément pour me déplaire, notez –, avec son ambiance très sombre et oppressante, et en même temps assez planante.

 

Et l’album de se conclure sur « Shaking Hell (Live) ». Voyez plus haut ; c’est pareil, mais en pire ; et donc en mieux. Miam.

 

Confusion Is Sex (Plus Kill You Idols) constitue à maints égards le chant du cygne de la scène No Wave new-yorkaise, et son génial aboutissement. Mais c’est aussi le premier véritable album d’un groupe qui n’a pas fini de faire alternativement du bien et du mal à nos oreilles. Certes, cet album-là n’est pas du tout représentatif du Sonic Youth ultérieur ; il n’en est pas moins excellent, et j’irais même jusqu’à dire – mais cela n’engage que moi – que c’est à mes oreilles un des albums les plus fascinants du groupe, qui mérité bien d’être écouté et réécouté.

 

 Pour la suite, j’aurais pu parler directement de Sonic Death, puisqu’il s’agit d’un témoignage live (et particulièrement rude…) des premières années de Sonic Youth ; mais l’album n’étant sorti qu’ultérieurement (en version CD, en tout cas...), je vais m’en tenir à la chronologie : prochain épisode, donc, Bad Moon Rising (+ Flower – Halloween – Satan Is Boring – Echo Canyon).

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"Pour la liberté d'imprimer sans autorisation ni censure", de John Milton

Publié le par Nébal

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MILTON (John), Pour la liberté d’imprimer sans autorisation ni censure, [Areopagitica], traduction [de l’anglais] par Guillaume Villeneuve, présentation par Frédéric Herrmann, Paris, Le Monde – Flammarion, coll. Les Livres qui ont changé le monde,[1644] 2009, 153 p.

 

Oserais-je le dire ? Le béotien que je suis n’avais jamais lu la moindre ligne de John Milton avant ce petit opuscule paru dans la collection « Les Livres qui ont changé le monde », en son temps vendue avec Le Monde, mais que j’ai trouvé sans problème en librairie. Mais je dois dire qu’en fait de « livre qui a changé le monde », celui-ci me posait un peu problème, dans la mesure où je n’en avais jamais entendu parler. Or c’était le seul de la collection à être vraiment dans ce cas. Et c’était d’autant plus étonnant que, ben, l’histoire des idées politiques et l’histoire de la presse, j’ai donné… D’où, en toute logique, si ce livre avait été si fondamental que ça, j’aurais dû en entendre parler. Bizarre, bizarre…

 

Ce qui ne m’a pas surpris, du coup, c’est l’aveu de Frédéric Herrmann, au tout début de sa longue présentation (qui occupe près de la moitié de l’ouvrage), selon lequel ce pamphlet est passé à peu de choses près inaperçu en son temps… Ah ben de suite, je comprends mieux ! Son importance, à l’en croire, ne fut acquise qu’a posteriori, mais même là je mettrais un sérieux bémol. Ce qui fait tout l’intérêt de cet ouvrage – et c’est un intérêt non négligeable, certes, certes –, c’est qu’il est un étonnant précurseur du libéralisme anglais. Il n’en reste pas moins que, dans ce cas, si l’on tenait vraiment à prendre dans cette catégorie un livre qui avait changé le monde, il aurait sans doute mieux valu chercher du côté de John Locke, plus classiquement, ou à la limite de Bolingbroke, auteurs dont l’influence fut tout de même incomparable…

 

Mais il est effectivement intéressant de voir comment le futur auteur du Paradis perdu les annonce déjà, dès 1644, en pleine révolution anglaise, dans un contexte politico-religieux particulièrement troublé, et que nous autres Françouais maîtrisons mal. Nous sommes avant le régicide, et bien avant Cromwell, seulement deux ans après le début de la guerre civile opposant le roi au Parlement. Milton est du parti du Parlement, opposé aux tentatives absolutistes royales, mais, en puritain « indépendant », il s’inquiète de certaines dérives « presbytériennes » du Parlement, et notamment d’une loi qui, après une situation de grande liberté de la presse, vient réinstaurer un régime d’autorisation préalable et de censure. C’est pour s’opposer à cette loi qu’il adresse au Parlement son pamphlet Areopagitica. Pour la liberté d’imprimer sans autorisation ni censure, faisant ainsi référence dès son titre à un discours d’Isocrate sur les prérogatives de l’Aréopage d’Athènes. Son discours – puisqu’il s’agit à bien des égards d’une œuvre rhétorique – se veut une défense de la liberté de la presse en particulier et de la liberté en général, ce qui lui confère un caractère relativement abstrait expliquant sa survivance au-delà des seules circonstances justifiant sa publication. Avouons qu’il s’agit d’une œuvre, certes brève, mais d’une lecture pas forcément aisée – merci à la présentation –, car les envolées poétiques de l’auteur peuvent facilement rendre son expression cryptique, tandis que certains lieux communs théologico-politiques de l’époque peuvent facilement nous passer par-dessus la tête…

 

Milton ne ménage pas ses louanges aux Lords et aux Communes. Mais il rechigne à la flatterie, et les prévient (p. 72) : « […] sur cette […] clause d’autorisation des livres […] je prononcerai un discours qui fera honte à ses auteurs ; qui dira ce qu’est la lecture en général, indépendamment du livre ; qui montrera que cette loi ne concourt en rien à la censure des ouvrages scandaleux, séditieux et diffamatoires auxquels elle entendait surtout s’attaquer. Enfin, cette loi nuira d’emblée à la recherche du savoir, réfrénera la vérité, non seulement en émoussant la maîtrise de ce que nous savons déjà mais en empêchant les découvertes qui pourraient encore être faites dans le domaine de la sagesse religieuse et civile. »

 

Ce dernier aspect notamment est fondamental pour Milton – qui avait vu Galilée, condamné, en Italie… – et qui en vient à fonder une véritable épistémologie de la connaissance du bien par le mal, du vrai par le faux (p. 89) : « Et peut-être s’agit-il de cette malédiction dans laquelle versa Adam, connaître le bien et le mal, c’est-à-dire connaître le bien par le mal. Et telle est la condition présente de l’homme : quelle sagesse peut-on choisir, quelle continence observer sans connaissance du mal ? » Et plus loin (p. 90) : « Puisque la connaissance et l’examen du vice sont si nécessaires, ici bas, à l’essor de la vertu humaine et l’étude de l’erreur à la confirmation de la vérité, quelle meilleure manière, la moins dangereuse et la plus sûre, avons-nous de reconnaître les domaines du péché et de la fausseté qu’en lisant toutes sortes de traités et en écoutant toutes sortes de raisonnements ? »

 

Mais on redoute alors la contagion que peuvent répandre les livres pleins d’erreurs et/ou confus… Mais dans ce cas, nous dit Milton (p. 91), il faut faire comme les papistes, et le premier livre à interdire est la Bible, livre obscur, débordant de blasphèmes et d’impiétés !

 

La censure est de toute façon inefficace (pp. 92-93) : « Puisqu’il est donc clair que ces livres, et ceux très nombreux qui sont les plus susceptibles d’affecter la vie et la doctrine, ne peuvent être censurés sans l’extinction du savoir et de toute aptitude dialectique ; puisqu’il est clair que les livres des deux types séduisent vite les savants qui peuvent rapidement diffuser dans la population ordinaire tout ce qui est hérétique ou dissolu ; puisqu’il est clair que l’immoralité s’apprend de mille autre manières que par la lecture sans qu’on puisse les empêcher ; que la doctrine malfaisante ne peut se propager avec les livres à moins qu’elle n’ait un guide – qui pourrait d’ailleurs la diffuser sans écrire –, je ne vois pas comment on pourrait ne pas ranger cette hypocrite entreprise de censure au nombre des tentatives vaines et impossibles. Un plaisantin ne manquerait pas de l’assimiler à l’exploit de ce fier-à-bras qui crut enfermer les corneilles en verrouillant la porte de son jardin. » D’autant que les livres effectivement séditieux, malgré la censure, circulent bien sous le manteau… Quant aux censeurs, il leur faudrait « la grâce de l’infaillibilité et de l’incorruptibilité » (p. 93)…

 

Il faut se rendre à l’évidence : non seulement la censure est contre-productive, mais elle est tout simplement impossible à mettre en place ; elle est un fantasme platonicien, une utopie. Or (pp. 98-99), « Se replier hors du monde dans des cités d’Atlantide et d’Utopie, impossibles à mettre en œuvre, n’améliorera pas notre condition ; mais bien réformer avec sagesse dans ce monde mauvais, où Dieu nous a placés que nous le voulions ou pas. Et la censure de Platon n’y concourra pas, laquelle s’accompagne nécessairement de tant d’autres genres de censure, qui nous rendraient tout à la fois ridicules et las, et cependant frustrés ; mais bien ces lois non écrites, à tout le moins libérales, d’éducation à la vertu, à la piété et au devoir civil que Platon mentionne comme les liens de la République, comme les piliers de chaque corpus législatif ; c’est elles qui exerceront le principal empire dans ces domaines alors que toute censure sera facilement évitée. L’impunité et la négligence sont assurément les fléaux d’une république, mais le grand art consiste à discerner quand la loi imposera retenue et châtiment et quand la persuasion seule agira. » Contre la censure et le trop d’État, le droit naturel et la loi réduite au strict nécessaire ; on voit bien ici en quoi Milton, empruntant au jusnaturalisme, va plus loin et annonce le futur libéralisme anglais d’un Bolingbroke ou d’un Locke. Avec pour lui une liberté fondamentale, précédant les autres (p. 134) : « Qu’on me donne la liberté de connaître, de m’exprimer et de disputer librement, selon ma conscience, avant toute autre liberté. »

 

Avec le pouvoir aux mains du Parlement, Milton voit la possibilité d’un âge de lumières pour l’Angleterre contre l’obscurantisme d’antan (p. 116 : « le règne de la lumière succédait à l’obscurantisme »), mais il s’insurge contre le risque d’un retour en arrière, et violemment (p. 114) : « S’il faut que revienne l’Inquisition, la censure, que nous ayons tous si peur les uns des autres, que nous soyons tous si soupçonneux pour redouter chaque livre, chaque feuille qui bouge avant d’en connaître le contenu, s’il faut que certains, qui étaient jusqu’il y a peu quasi interdits de prédication, nous interdisent maintenant de lire sinon ce qui leur agrée, il est permis de penser que d’aucuns entendent créer une nouvelle tyrannie sur le savoir : ils établiront sans l’ombre d’un doute qu’évêques et presbytres sont pour nous interchangeables, en titre comme en fait ! »

 

Mais Milton veut croire que cela ne se produira pas. En effet, il entend montrer que l’Angleterre est une nation choisie par Dieu pour montrer la voie aux autres, et qu’elle saura donc ne pas commettre l’erreur d’entretenir de mauvaises lois…

 

Pourtant, Milton, dans sa condamnation de la censure, laisse une exception, comme en passant (pp. 138-139) : « Je ne parle pas de tolérer le papisme ni la superstition manifeste, lesquels, puisqu’ils abolissent toutes les religions et tout pouvoir civil, doivent de même être abolis pourvu que tous les moyens de la miséricorde et de la charité soient employés à gagner et reconquérir les faibles et les égarés : ce qui est absolument impie ou mauvais contre la foi ou les mœurs, il n’est pas une loi qui puisse l’autoriser à moins de s’illégaliser elle-même… » Dommage… Mais là encore, Frédéric Herrmann aura beau dire, on se retrouve bien confronté à un triste « pas de liberté pour les ennemis de la liberté »… que l’on retrouvera à nouveau chez Locke dans son Essai sur la tolérance, qui comprendra exactement la même exception.

 

Et, histoire d’en rajouter une couche, Milton deviendra en 1649, après le régicide, « Latin Secretary » de la jeune République anglaise, ce qui signifie qu’il y sera entre autres en charge… de la censure.

 

 Ces deux (sérieux) bémols mis à part, il n’en reste pas moins que l’Areopagitica est effectivement un ouvrage intéressant et qui mérite d’être noté, en tant que précurseur du libéralisme anglais. En faire un « livre qui a changé le monde », c’est un peu pousser mémé les orties sans lui avoir demandé son autorisation préalable, mais cela reste néanmoins une lecture édifiante, et toujours convaincante sur bien des points. Toujours d’actualité aussi, en notre triste époque, où l’on trouve des zélés censeurs à gauche comme à droite – on ne le répétera jamais assez, mais il y a des cons partout –, qu’ils agissent au nom de la morale, du « politiquement correct » ou d’une quelconque autorité supérieure dont ils se sentent investis, leur permettant de choisir à notre place ce qui est bon pour nous et ce qui ne l’est pas… Hélas, je doute que la lecture d’un livre les fasse changer d’avis, eux qui sont plutôt du genre à faire parler le lance-flammes…

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"Marion Mazauric", d'Agnès Olive

Publié le par Nébal

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OLIVE (Agnès), Marion Mazauric, Marseille, Éditions La Belle Bleue, coll. Les Conversations au soleil, 2010, 90 p.

 

La collection « Les Conversations au soleil » des Éditions La Belle Bleue est faite d’interviews de personnalités du Midi par Agnès Olive. Première femme à intégrer la collection : Marion Mazauric, l’éditrice, disciple de Jacques Sadoul chez J’ai lu, puis, et c’est surtout cela qui intéresse Agnès Olive (et le Nébal par la même occasion) fondatrice des éditions Au Diable Vauvert en l’an 2000, à Vauvert justement, dans le Gard. Bien loin de Paris, donc… ce qui n’était pas gagné d’avance, a priori. Pourtant, aujourd’hui, Au Diable Vauvert a incontestablement gagné sa place dans l’édition française, une place assez unique et qui n’est pas pour me déplaire, loin de là, puisque souvent caractérisée par ses tendances borderline, dira-t-on, ou, si l’on préfère, interstitielles ou transfictionnelles.

 

Ce petit ouvrage – et long entretien – est l’occasion de revenir sur l’enfance, la jeunesse et la carrière de Marion Mazauric, de ses plus jeunes années jusqu’au jour d’aujourd’hui. Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ! (Et d’avoir Albert Soboul pour parrain…) On y reviendra souvent au cours de ces pages. Fille de profs, communistes militants, Marion Mazauric baigne dès sa plus tendre enfance dans une culture du devoir, de la laïcité, du rousseauïsme, qui l’influencera fortement par la suite. Elle-même deviendra d’ailleurs militante communiste dans les syndicats étudiants. Et cela continuera de l’influencer par la suite, jusqu’à lui donner des difficultés quand il s’agira pour elle de devenir patron (horreur glauque !) ; elle ne mâche bien évidemment pas ses mots quand elle en vient à parler de Sarkozy, et témoigne de son intérêt pour la pensée post-marxiste.

 

Mais revenons en arrière, à ses études. Après une Seconde C (mais avec latin, grec et allemand…), elle fait hypokhâgne et khâgne, puis, parallèlement, des licences de lettres classiques et modernes, et enfin le tout récent DESS d’édition à Villetaneuse, créé par Jean-Marie Bouvaist. Elle commence alors par faire des petits boulots, puis un stage chez Actes Sud (à Arles, dans la région, donc…), avant d’être embauchée pour un temps chez Jeanne Laffitte, à Marseille ; c’est là qu’elle achève d’apprendre le métier.

 

Et elle rentre ensuite chez J’ai lu. Là, elle a deux patrons, avec lesquels elle s’entend remarquablement bien : Jacques Goupil et Jacques Sadoul (dont je vous ai déjà parlé à propos de ses mémoires, au passage). Elle va très vite y fonder deux collections d’importance : « Bien-être », gros succès commercial avec des années d’avance sur la concurrence, et surtout « Nouvelle Génération », une collection littéraire qui sortait un peu J’ai lu de sa mauvaise réputation à cet égard, et se montrait totalement en phase avec l’esprit du temps. « Une nouvelle génération d’auteurs pour une nouvelle génération de lecteurs. »

 

Je m’en souviens encore, personnellement : c’est comme ça que j’ai découvert pour ma part certains auteurs français, comme Michel Houellebecq (Extension du domaine de la lutte) ou Virginie Despentes (Baise-moi), mais aussi anglo-saxons, comme John King (l’excellent Football Factory) ou Poppy Z. Brite (Le Corps exquis)… Pour une fois, une collection de poche donnait envie au jeune crétin boutonneux que j’étais d’essayer les auteurs contemporains : c’était une réussite sur toute la ligne, je puis en témoigner…

 

Bref : à J’ai lu, Marion Mazauric a fait du beau boulot. Mais c’était à Paris, bien loin du Gard… Et donc de son époux et de son enfant. Un aménagement de son emploi du temps fut bien tenté, mais les allers-retours incessants étaient épuisants. C’est alors qu’un ami lui suggéra une solution qu’elle n’avait pas osé envisager d’elle-même : monter sa propre maison d’édition. Elle y réfléchit, prépara tout au mieux avec cet ami, établit un programme pour trois ans, et lança Au Diable Vauvert pour l’an 2000. Avec notamment au catalogue ces « auteurs de SF inédits [qu’elle publiait] en poche et dont aucune maison généraliste ne voulait en grand format, Ayerdhal, Bordage, Gaiman, Gibson, Morrow, Butler, Brite…, plus Nicolas Rey et Thomas Gunzig, qui débutaient et cherchaient alors un éditeur » (pp. 52-53). Du beau monde ! Certains ont dû s’en mordre les doigts, depuis… Et de continuer aussi dans le foulée de « Nouvelle Génération » (pp. 65-66) : « Aussi étonnant que cela paraisse, alors qu’ils étaient traduits et reconnus partout dans le monde, en France Wallace était libre, Coupland était libre, Welsh en déshérence, et Gaiman, Gibson, Ayerdhal et Bordage n’étaient que des auteurs de science-fiction de poche, pas encore des écrivains ! »

 

Puis, après une digression sur la culture pop à l’origine du Diable Vauvert (où l’on retrouve Jacques Sadoul) et sur la politique (où se pose la question du pessimisme et de l’optimisme, à court ou à long terme…), Agnès Olive revient sur un sujet qui fâche (enfin, pas entre elles, elles sont d’accord) : la tauromachie.

 

Marion Mazauric est en effet une passionnée de taureaux et de corridas ; elle s’était jurée de ne jamais publier de livres traitant de ce sujet Au Diable Vauvert, mais elle a fait une exception, Taches d’encre et de sang de Simon Casas, et elle a ensuite créé le prix Hemingway Au Diable Vauvert, qui récompense chaque année en Feria nîmoise une nouvelle inédite d’un auteur français ou étranger dont l’action se situe dans l’univers de la tauromachie, de la fête, de la région ; après quoi, l’année suivante, les meilleures nouvelles sont sélectionnées et publiées Au Diable Vauvert. Agnès Olive et Marion Mazauric consacrent plusieurs pages à l’évocation de la tauromachie, à l’hostilité des anti-corridas, etc. Pour ma part, je figure parmi ces derniers, mais sans doute pas pour les raisons habituelles, et je ne prône pas l’interdiction des corridas ; je trouve juste ces spectacles d’une beauferie et d’une bêtise sans nom. Mais bon, ce n’est pas le sujet…

 

 Au final, un entretien intéressant, où, contrairement à ce que je craignais au départ, le régionalisme ne se montre pas trop envahissant. Un beau portrait d’une éditrice talentueuse, bien digne d’être admirée.

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"Is This Desire?", de PJ Harvey

Publié le par Nébal

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PJ HARVEY, Is This Desire?

 

Tracklist :

 

01 – Angelene

02 – The Sky Lit Up

03 – The Wind

04 – My Beautiful Leah

05 – A Perfect Day Elise

06 – Catherine

07 – Electric Light

08 – The Garden

09 – Joy

10 – The River

11 – No Girl So Sweet

12 – Is This Desire?

 

Chose promise, chose due, je vais donc vous entretenir aujourd’hui de Is This Desire?, à mes oreilles le deuxième meilleur album de PJ Harvey. Je ne vous cacherai pas cependant que je le mets loin derrière cet incomparable chef-d’œuvre qu’est To Bring You My Love. Mais, ainsi que je vous l’ai dit la dernière fois, cet album-ci est en ce qui me concerne rien de moins qu’un des plus grands chefs-d’œuvre de tous les temps de la mort de la galaxie. Dans ces conditions, faire moins bien n’a rien de déshonorant, ni a fortiori d’étonnant. Et, avec Is This Desire?, ce qui est tout à fait remarquable, c’est que miss Polly Jean Harvey, certes a fait moins bien, mais a néanmoins fait très bien, et, prenant des risques, dans une voie très différente, où le succès n’était pas garanti. À en croire Wikipédouille, l’album aurait d’ailleurs été mal accueilli à sa sortie, mais, honnêtement, je n’en ai pas le souvenir, je crois qu’ils ont un peu fumé la moquette, là… ‘fin bon, pas grave.

 

L’important, c’est que, pour être moins bon que To Bring You My Love, Is This Desire? n’en est pas moins un très très bon album, bien digne du talent de la géniale PJ, qui nous en révèle ici bien des facettes parfois insoupçonnées. Et c’est à nouveau un album superbement produit (quoique j’y préfère largement pour ma part la patte unique, glauque et poisseuse, du précédent, mais bon…), et qui s’autorise cette fois plus franchement quelques escapades électroniques, vers un trip-hop à la Tricky première manière (quand Mr Quaye avait du talent, en somme), voire vers un indus décomplexé (si), ce qui n’est évidemment pas pour me déplaire, vous pensez bien…

 

Mais nous n’en sommes pas encore là. L’album s’ouvre tout en douceur avec « Angelene », jolie petite ballade pop aux agréables rondeurs de basse et au piano discret mais inspiré (comme souvent sur l’album, où cet instrument est assez récurrent, à la différence du précédent), secondé par un orgue faisant la transition avec To Bring You My Love.

 

Puis on passe au court et nerveux « The Sky Lit Up », un morceau pêchu relativement noisy, fort sympathique, même si sans doute trop bref pour qu’on puisse en dire plus.

 

Avec « The Wind », on est en plein dans ces morceaux versant dans le trip-hop à la Tricky que j’évoquais en introduction. Rythmique chaloupée, basse ronde, chant alternant entre le chuchoté et des aigus fragiles pouvant d’ailleurs parfois évoquer Martina Topley Bird… Très efficace.

 

Suit « My Beautiful Leah » (NB : on s’en cogne de la vidéo…), un morceau indéfinissable, sorte de trip-hop industriel bizarre, mais une vraie réussite en tout cas, avec une belle ambiance saturée et glauque. Original et fort. Jusqu’ici, je sais pas vous, mais moi je trouve que cet album, déjà bon au premier morceau, s’améliore de piste en piste…

 

Mais le niveau redescend un peu, à mes oreilles en tout cas, avec le bien plus conventionnel « A Perfect Day Elise », dont seule la rythmique garde quelque chose de l’originalité électronisante de ce qui précède ; pour le reste, c’est un morceau pop finalement assez classique, et sans doute un peu décevant. Pas désagréable, cela dit, mais on s’attendait à mieux ; disons que j’ai toujours trouvé que ça sentait un peu trop le single pour être honnête.

 

On retourne à quelque chose de moins « facile » (façon de parler, oui, oui…) avec « Catherine », un morceau tout en douceur et retenue. Autrement intéressant à mon sens. Jolie mélodie minimaliste, et belle production.

 

Suit un de mes morceaux préférés de l’album, le superbement glauque et cinématographique « Electric Light », porté par une basse ronde angoissante comme c’est pas permis, avec un chant à l’avenant. Tout l’art du faussement simple déployé dans cette courte merveille d’écriture. J’adore.

 

Puis l’on enchaîne sur une autre merveille avec le très beau « The Garden », avec une chouette rythmique basse-batterie, mais qui vaut surtout pour son refrain, de toute beauté, avec son piano minimaliste, ses douces nappes et son chant fragile.

 

Et là… J’enrage, je désespoire, je vieillessennemie ! Mon morceau préféré de l’album, « Joy », est bien évidemment le seul que je ne trouve ni sur Youtube, ni sur Dailymotion… Alors oui, j’en ai bien trouvé des versions « live », mais franchement, les gens, ça n’a rien à voir… Parce que ce morceau, sur l’album, est un authentique bijou industriel (si), sans guitares ou quoi que ce soit de conventionnel, sur lequel braille la dame de Dorset. Du coup, ce que j’ai trouvé qui s’en rapproche le plus, c’est ce remix. Va falloir faire avec, les gens… Mais oh ! Doux BRUIT ! Que ce morceau est bon ! Merci, Miss Harvey.

 

Bon. On se calme les nerfs avec le très beau « The River », et sa douce mélodie au piano, bien secondée par une basse inspirée. Planant et efficace. Miam.

 

« No Girl So Sweet » remonte brièvement le volume sonore, en miroir à « The Sky Lit Up ». Ce n’est pas mauvais, mais avouons quand même que, comparativement à la plupart des jolies choses qu’on a entendues jusqu’à présent, c’est un bon cran en-dessous… On ne s’y attardera donc guère.

 

Et l’on conclura donc l’album sur « Is This Desire? », un très beau morceau, très planant, avec là encore un refrain de toute beauté. La meilleure des conclusions pour un excellent album, décidément.

 

Is This Desire? n’a pas le génie ni, probablement, l’unité de ton caractéristiques de To Bring You My Love. Ça n’en est pas moins un album brillant, bourré d’idées et de prises de risques, audacieux et riche, débordant de talent, bref : excellent. Le deuxième meilleur album de PJ Harvey à mes oreilles, donc. Autant dire qu’il est indispensable.

 

 Suite des opérations musicales ? Ben, je sais pas. D’un côté, j’ai un peu la flemme… De l’autre, je me ferais bien une petite rétrospective Sonic Youth… Boah, on verra bien.

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"L'Edition", de Bertrand Legendre

Publié le par Nébal

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LEGENDRE (Bertrand), L’Édition, Paris, Le Cavalier Bleu, coll. Idées reçues – Arts & Culture, 2009, 126 p.

 

Où l’on retrouve Bertrand Legendre, directeur du Master 2 « Politiques éditoriales » à Villetaneuse (qui ne m’a pas pris, bouhouhou…), mais cette fois pour un exercice bien différent et bien moins aride que ses Regards sur l’édition co-écrits avec Corinne Abensour dont je vous ai déjà entretenu. Il s’agit cette fois, dans ce petit ouvrage, de discuter quelques « idées reçues » concernant l’édition, puisque tel est le principe de cette collection du Cavalier Bleu. Mais le mieux à faire est sans doute de vous en laisser ici la note d’intention (p. 4) :

 

« Les idées reçues sont tenaces. Nées du bon sens populaire ou de l’air du temps, elles figent en phrases caricaturales des opinions convenues. Sans dire leur origine, elles se répandent partout pour diffuser un « prêt-à-penser » collectif auquel il est difficile d’échapper… Il ne s’agit pas ici d’établir un Dictionnaire des idées reçues contemporain, ni de s’insurger systématiquement contre les clichés et les « on-dit ». En les prenant pour point de départ, cette collection cherche à comprendre leur raison d’être, à déceler la part de vérité souvent cachée derrière leur formulation dogmatique, à les tenir à distance respectable pour offrir sur chacun des sujets traités une analyse nuancée des connaissances actuelles. »

 

Une analyse nuancée, effectivement. C’est là le mot juste pour désigner les réponses apportées par Bertrand Legendre aux seize « idées reçues » concernant l’édition (entendue dans un sens assez large, d’ailleurs) qu’il a retenues. Impossible, donc, à chaque fois, de se contenter d’un lapidaire « c’est vrai » ou « c’est faux », même si parfois la tentation est forte. Ce qui, honnêtement, ne me facilite pas la tâche pour ce compte rendu, mais c’est une autre histoire…

 

Chaque « idée reçue » est traitée de la même manière. Sous son intitulé, on trouve une citation qui l’illustre, puis Bertrand Legendre vient y répondre en quatre ou cinq pages, parfois accompagnées de documents.

 

Il commence par s’intéresser aux auteurs. Première idée reçue : « Pas de livres sans auteurs. » Ici, par exception, on peut faire une réponse tranchée : si, il y en a ; tous ceux qui ne relèvent pas de la seule initiative de l’auteur et qui sont le fruit de collaborations : les encyclopédies et dictionnaires, notamment, mais il y a d’autres exemples, où les auteurs deviennent des « fournisseurs de contenu », et où le rôle de l’éditeur prime. « Pour être publié, il faut être pistonné. » Ici, Bertrand Legendre appelle à faire la distinction entre « piston » et vedettariat ; et s’il concède que le « piston » peut jouer, il pense néanmoins – et je le suis volontiers – que ce n’est que dans des cas rares. « Il est plus facile d’être publié chez un petit éditeur. » Une « vérité » sociologique… qu’aucune enquête sociologique n’a jamais permis de démontrer. « Les éditeurs exploitent les auteurs. » Des cas célèbres qui ont constitué cette « idée reçue » : Balzac, Céline, plus récemment Houellebecq… Mais si la réponse se doit d’être nuancée, Bertrand Legendre tend néanmoins logiquement à se faire ici l’avocat du diable, et note que, en fait d’exploitation, le problème tient surtout à la méconnaissance de l’économie du livre et du droit de la part des auteurs…

 

On passe ensuite au milieu de l’édition. « L’édition est un milieu parisien. » Essentiellement, oui, certes, mais pas que ; et peut-être de moins en moins (et de citer notamment Actes Sud, qui reste tout de même la référence en-dehors de Paris). « Les éditeurs ne servent à rien. » Eh eh… Bon, si, là, on peut faire une réponse tranchée : bien sûr, qu’ils servent à quelque chose, même si le public a parfois du mal à comprendre à quoi au juste, ou si Internet, notamment, a pu faire croire que l’on pouvait s’en passer. « L’édition n’est pas rentable. » C’est très variable, des petites maisons fonctionnant a minima aux grands groupes générant des fortunes… « Le livre est un artisanat. » Elle est jolie, celle-là. Mais si elle recouvre une certaine réalité – l’amour du travail bien fait, du bel ouvrage –, elle ne doit pas faire oublier pour autant que l’édition a recours à des pratiques de type industriel visant à limiter les risques du « prototype ». « L’édition, c’est avant tout la littérature. » Oui et non : si la littérature est bien le premier poste de l’édition (21,8 % du chiffre d’affaires… « seulement », 17,6 % des nouveautés), il ne faut pas pour autant négliger les autres (livres pratiques et beaux livres, juste derrière ; jeunesse ; ouvrages scolaires ; dictionnaires et encyclopédies ; sciences humaines et sociales ; bandes-dessinées) ; c’est simplement que la littérature est plus médiatisée. « Le numérique va tuer le livre. » Un grand classique… sur lequel je reviendrai probablement plus en détail prochainement.

 

Bertrand Legendre s’intéresse enfin au circuit du livre. « Il y a trop de livres. » Là encore un grand classique, mais qui appelle une réponse plus nuancée qu’il n’y paraît… « Les livres sont trop chers. » On continue dans les grands classiques, mais là, même avec les meilleures explications du monde (que fournit Bertrand Legendre), et tant que je n’ai pas franchi la barrière (eh eh), je ne peux qu’accréditer cette idée reçue… « L’offre des librairies en ligne est plus large. » Ben non… mais pour qui peut bénéficier des services d’une vraie grande librairie, comme Ombres Blanches à Toulouse (citée, d’ailleurs) ; mais il est clair que les « librairies » en ligne font tout pour nous le faire croire. « Les distributeurs sont tout puissants. » On retourne aux grands classiques… « Il n’y a que le « grand public » qui se vende. » Où l’on retrouve le vedettariat… mais il y a heureusement des exceptions. « On n’a plus besoin des bibliothèques. » Là, j’avoue être intrigué ; même moi qui ne suis pas un grand amateur de bibliothèques, je n’arrive pas à comprendre qui peut penser une sottise pareille…

 

Et de conclure, en récapitulant un peu tout ça.

 

 L’exercice, sous ses abords légers, est diablement intéressant et instructif. Voilà un petit livre d’une lecture aisée, qu’on pourrait même sans doute qualifier – sans connotation péjorative – de vulgarisation, mais qui remplit parfaitement son office. Bonne pioche.

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"Lire et penser ensemble. Sur l'avenir de l'édition indépendante et la publicité de la pensée critique", de Jérôme Vidal

Publié le par Nébal

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VIDAL (Jérôme), Lire et penser ensemble. Sur l’avenir de l’édition indépendante et la publicité de la pensée critique, Paris, Éditions Amsterdam, coll. Démocritique, 2006, 101 p.

 

Où l’on poursuit les lectures éditoriales, toujours dans le versant « gauche critique », après L’Édition sans éditeurs et Le Contrôle de la parole d’André Schiffrin. Celui-ci est d’ailleurs nommément visé (mais aussi remercié...) dès le début de ce Lire et penser ensemble. Sur l’avenir de l’édition indépendante et la publicité de la pensée critique de Jérôme Vidal, co-responsable des Éditions Amsterdam qu’il a fondées en 2003 (ça tombe bien…) et membre du comité de rédaction de la revue Multitudes.

 

En effet, si l’auteur accorde bien de l’importance aux phénomènes de concentration à l’œuvre dans le monde de l’édition tels que les a décrits André Schiffrin, il considère cependant que ce serait une erreur que de focaliser son analyse là-dessus (et pan !). Il considère surtout – et là je ne lui donne pas tort – qu’il ne faudrait pas accorder à l’économique une place excessive dans les changements qu’a connus le monde du livre et de la lecture. Pour lui, il s’agit dès lors, non plus de se contenter de dresser un tableau critique du vilain oligopole et élogieux des « éditeurs résistants » (lui préfèrera parler « d’activistes », par égard pour les vrais « éditeurs résistants »), mais de proposer une véritable politique des savoirs et du livre, susceptible de prendre bien des formes.

 

Aussi le bref essai de Jérôme Vidal a-t-il un aspect quelque peu décousu… et tient-il plus du recueil d’articles qu’autre chose. Commençons par deux notes globales avant d’en aborder le contenu. Une positive : l’ouvrage est en Creative Commons, et ça c’est bien. Une négative (à mes yeux de maniaque) : l’ouvrage a été composé « conformément à l’orthographe recommandée » (yeurk !).

 

Et passons maintenant à l’introduction, « Le désir de lire et de penser ensemble » (pp. 15-34), « chapitre » qui avait fait l’objet d’une première publication dans un dossier consacré à la « Situation de l’édition et de la librairie » par la revue Lignes (n° 20, mai 2006). Où l’on commence donc par la critique de Schiffrin (notamment) que nous venons de voir. J’aimerais en citer un passage, qui vise plus ses « disciples » (p. 26) :

 

« Le problème avec les discours qui se focalisent presque exclusivement sur les phénomènes de concentration dans l’édition, outre les relents assez déplaisants d’antiaméricanisme qu’ils exhalent parfois (qui manifestent une méconnaissance de la production éditoriale et intellectuelle outre-Atlantique), est qu’ils risquent de se réduire à une dénonciation rituelle et incantatoire : ils empêchent en effet de saisir la complexité de la situation qui est la nôtre et, en conséquence, ils ne permettent pas de déterminer quels pourraient être les ressorts d’une action politique visant à la transformer. Tout ne peut être expliqué par l’invocation des phénomènes de concentration. Si ceux-ci favorisent l’uniformisation bien réelle de la production éditoriale, celle-ci n’est pas une nouveauté, mais une tendance lourde et ancienne, du reste extrêmement difficile à mesurer. Quand, dans les années soixante et soixante-dix, il suffisait d’inscrire « psychanalyse » et/ou « marxisme » sur la page de titre d’un livre pour s’assurer des ventes qui feraient aujourd’hui pâlir d’envie tout éditeur, les maisons d’édition ne se privaient pas, tant s’en faut, d’user et d’abuser du procédé. Les livres de qualité devaient déjà surnager dans un océan d’écrits médiocres qui ne faisaient que surfer sur telle ou telle mode intellectuelle, comme aujourd’hui la plupart des livres sur la mondialisation ou l’altermondialisation. Il faut recevoir avec la plus extrême prudence les discours qui décrivent notre présent comme un désert culturel et éditorial. »

 

Tout à fait d’accord avec ça.

 

À partir de là, il s’agit donc de définir des modalités d’action. C’est ce à quoi va s’employer le reste de ce petit ouvrage.

 

Chapitre premier : « Les Manuels scolaires et la fabrication en masse de non-lecteurs » (pp. 35-50). C’est que l’auteur, dans son ouvrage, s’intéresse essentiellement à l’édition en matière de sciences humaines et sociales. Et il a une sacro-sainte haine pour les manuels, qui selon lui mâchent le travail et empêchent donc les élèves et étudiants d’être vraiment « lecteurs », en allant aux « vrais » ouvrages des disciplines concernées. Il prend ici notamment le cas de l’histoire dans le secondaire, et vient souhaiter que les élèves du secondaire soient en mesure, dans l’année, de lire un ou deux « vrais » livres d’histoire, et non uniquement leur  manuel, qui, non seulement en fait des non-lecteurs, mais, en outre, leur présente une vision fausse de l’histoire, puisque consensuelle, non traversée de conflits, ne prenant pas en compte les travaux les plus récents et les plus critiques, et ayant pour seul but, dans une perspective d’éducation civique et morale, de faire l’apologie de la démocratie libérale comme fin de l’histoire. Sur la critique des manuels, notamment dans le secondaire, je rejoins tout à fait Jérôme Vidal (je crois que c’est moins vrai pour les manuels du supérieur, tout de même…) ; et j’aimerais, moi aussi, que les élèves des lycées soient en mesure de lire de « vrais » livres d’histoire. Mais n’est-ce pas là un vœu pieux, à l’heure où l’on parle même de supprimer l’histoire pour les filières scientifiques ? J’ajouterais que, à mon sens, la véritable première réforme à faire concernant l’histoire dans le secondaire, ce serait de la découpler de la géographie, pour en faire un enseignement à plein temps ; et un enseignement recouvrant de multiples facettes, tant événementielles qu’idéologiques et économiques et sociales (et pas « ou » : tous ces aspects sont nécessaires), et enfin méthodologiques (et là viendrait se poser la question du « vrai livre d’histoire ») ; car, pour avoir brièvement enseigné l’histoire en première année d’AES, je peux assurer Jérôme Vidal d’une chose : les étudiants que j’ai eus ne connaissaient rien ou presque à l’histoire de la société française au XIXe siècle… Alors, dans ces conditions, j’en suis le premier désolé, mais le discours anti-manuels me paraît un peu placer la charrue avant les bœufs (si j’ose dire)…

 

Chapitre deux : « Penser, c’est traduire. De la difficile circulation des livres et des idées » (pp. 51-81). Sous ce titre, Jérôme Vidal s’intéresse en fait à deux choses : la traduction – dans tous les sens du terme – et la critique – idem. L’auteur rejette tout d’abord à bon droit les accusations imbéciles des grands groupes qui accusent les petits éditeurs de l’inflation des titres. Il s’intéresse ensuite à la traduction, et s’interroge sur le rôle que pourrait jouer le CNL (Centre National du Livre) afin de favoriser la tâche aux petits éditeurs, tout en notant les difficultés de son fonctionnement. Puis il s’agit de travailler sur la critique : en quoi un ouvrage est-il critique, et que signifie critiquer un ouvrage. D’où l’appel à une « critique critique »… qui finit un peu en publicité pour La Revue internationale des livres et des idées, dans laquelle les Éditions Amsterdam sont de la partie. Hum.

 

Chapitre trois, bien plus (trop) court : « La Révolution numérique et l’avenir du livre » (pp. 83-92). Il s’agit pour l’essentiel de démonter le discours « googlophobe » de Jean-Noël Jeanneney, le directeur de la Bibliothèque Nationale de France, et a fortiori des tartuffes qui dénoncent tout en faisant la même chose, en montrant toute la part de désinformation que ce discours contient, sans pour autant se faire d’illusions sur le caractère philanthropique des initiatives de Google en la matière. Assez juste, mais bien trop court.

 

En guise de conclusion… « Pourquoi « Amsterdam » ? » (pp. 93-96). Ah ben là au moins on annonce franchement la couleur ! Oui, c’est bien de publicité qu’il s’agit. Cela dit, ça me rappelle que j’ai dans ma pile à lire un ouvrage emblématique desdites éditions, Qu’est-ce que les Lumières « radicales » ?, qu’il faudra bien que je me décide à lire un de ces jours…

 

Reste enfin en annexe un article de Alexandre Laumonier, responsable de Kargo, paru dans Le Monde des livres en date du 7 septembre 2006 et intitulé « Une offre éditoriale si peu humaine », qui m’a paru un peu démago…

 

 Au final, un petit ouvrage pas inintéressant mais fourre-tout, et parfois un peu agaçant… Les intentions sont bonnes, certaines vues pertinentes, mais le résultat global ne convainc qu’à moitié.

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"To Bring You My Love", de PJ Harvey

Publié le par Nébal

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PJ HARVEY, To Bring You My Love.

 

Tracklist :

 

01 – To Bring You My Love

02 – Meet Ze Monsta

03 – Working For The Man

04 – C’Mon Billy

05 – Teclo

06 – Long Snake Moan

07 – Down By The Water

08 – I Think I’m A Mother

09 – Send His Love To Me

10 – The Dancer

 

Pour ce bref et temporaire retour aux chroniques musicales, je m’en vais vous entretenir d’un des plus grands albums de tous les temps.

 

Là, c’est dit.

 

Je ne me qualifierais pas personnellement de fan extatique de Miss Polly Jean Harvey (même si j’ai pas fait mon malin quand je l’ai vu sur scène, j’avoue, j’en ai foutu partout...). J’aime ce qu’elle fait, mais je trouve bon nombre de ses albums surestimés, que ce soit au tout début de sa carrière (Dry et Rid Of Me, pour ne pas les nommer) ou ultérieurement.

 

Mais, entre les deux, la dame a pondu deux merveilles incomparables. Et, rien que pour ça, elle aura droit à ma gratitude éternelle, et à mon admiration de tous les instants. C’est en effet l’époque où PJ Harvey a su accommoder son incontestable talent pour le songwriting d’une très légère touche électronisante et d’une production à l’avenant, riche en effets, sonnant presque industrielle à l’occasion (j’assume). Cela a donné tout d’abord cet extraordinaire chef-d’œuvre – dans tous les sens du terme – qu’est To Bring You My Love, dont je vais vous parler aujourd’hui. Puis, un peu plus tard, le très bon également – même si, paraît-il, mal reçu à sa sortie (mais je n’en ai pas le souvenir… ?) – Is This Desire?, dont il est fort probable que je vous entretienne prochainement.

 

Mais d’abord, donc, To Bring You My Love. Un des plus grands albums de tous les temps, disais-je. Un album qui – j’assume entièrement mon propos – se rapproche de la perfection. Un album, enfin, avec une patte unique, indéfinissable, quelque part entre folk glauque, torride et poisseux, pop énervée portée sur le bruit, et expérimentations vaguement électronisantes, riches en basses sourdes et lourdes et en orgues minimalistes.

 

Minimalisme. Un mot-clef, sans doute, pour appréhender cet album, le plus souvent caractérisé par le principe antique du « rien de trop ». Du faussement simple, pour un modèle d’écriture épurée.

 

L’album s’ouvre sur « To Bring You My Love » (désolé, le morceau est coupé un peu brutalement, je n’ai pas trouvé mieux…), ou la meilleure des introductions, au léger crescendo parfait, et à la saturation délicieuse. Le riff est tout simple, mais d’une efficacité diabolique, et l’orgue se fait le compagnon idéal et céleste de la voix grave de Polly Jean. Pas exactement la chanson d’amour la plus positive que l’on puisse concevoir, mais une vraie petite merveille, qui instaure d’ores et déjà l’ambiance lourde et poisseuse caractéristique de l’album.

 

On enchaîne sur « Meet Ze Monsta », un incontournable live, à la (aux ?) basse(s) et à la rythmique également monstrueuses (eh…), et pour le coup passablement énervées. Un déluge de sonorités quasi industrielles, là encore merveilleusement saturées. C’est très très lourd, et effroyablement bon.

 

Suit « Working For The Man ». On change assez radicalement de registre, même si le morceau est à nouveau porté par la basse, sourde et répétitive ; une sorte de quasi-dub glauquissime, oppressant, claustrophobe, au chant chuchoté, semi dissonant quand il vire dans les aigus… une vraie réussite.

 

Nouveau changement de registre avec « C’Mon Billy », ballade folk érotico-funèbre à la mélodie imparable et aux arrangements sublimes. Un morceau très charnel, sensuel, et d’une efficacité redoutable.

 

Après quoi « Teclo » retourne quelque peu aux ambiances de « To Bring You My Love », avec son riff bluesy très simple et pourtant génial qui fait quelque peu l’autoroute, secoué de trémolos, sur lequel vient se poser la voix grave de PJ Harvey. Là encore, ce n’est pas la joie qui domine… Très beau, et très planant.

 

Quant à « Long Snake Moan », il semble s’inscrire dans la continuité de « Meet Ze Monsta » : une pop énervée, rythmée et saturée, riche en basse. Bien, mais un peu moins convaincant que le reste, peut-être. Car un peu plus classique, sans doute… Cela dit, on ne va pas bouder notre plaisir : cela reste très bon.

 

L’effet de miroir se poursuit sur le morceau suivant, « Down By The Water » n’étant pas sans évoquer « Working For The Man » ; là encore, on se trouve devant un morceau pour le moins électronisant, porté par une basse sourde et blindée d’effets, quelque part entre dub et bossa nova. Très efficace, et à nouveau très glauque, a fortiori sur le finale chuchoté…

 

« I Think I’m A Mother », très bluesy, poursuit « To Bring You My Love » et « Teclo ». La voix de PJ Harvey n’a jamais été aussi grave, c’est à faire peur… Un morceau assez angoissant, que j’aurais irrésistiblement envie de qualifier de lynchien, si tant est que ça veuille dire quelque chose (peut-être parce que ça m’évoque BlueBob ?)…

 

Avec « Send His Love To Me », par contre, c’est clairement l’atmosphère de « C’Mon Billy » que l’on retrouve, avec encore une fois de beaux arrangements. À nouveau une jolie ballade, pas ce qu’il y a de plus joyeux, mais tout ce qu’il y a d’efficace. Une mélodie qui rentre dans le crâne et n’en ressort pas, mais c’est tant mieux.

 

Reste enfin « The Dancer », qui conclue l’album sur une note chaloupée et orgasmique, vibrante d’émotion au rythme de la guitare.

 

Dieu que cet album est bon…

 

 Allez, en principe, je vous causerai bientôt de Is This Desire?, puisque c’est ça.

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"Regards sur l'édition, II. Les nouveaux éditeurs (1988-2005)", de Bertrand Legendre & Corinne Abensour

Publié le par Nébal

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LEGENDRE (Bertrand) & ABENSOUR (Corinne), Regards sur l’édition, II. Les nouveaux éditeurs (1988-2005), avant-propos de Philippe Chantepie et Benoit Yvert, Paris, La Documentation française – Ministère de la Culture et de la Communication, DDAI, Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS), coll. Questions de culture, 2007, 125 p.

 

Voilà bien un bouquin qu’il s’annonce pas facile à chroniquer, ma bonne dame, à l’instar de son frère jumeau Regards sur l’édition, I. Les petits éditeurs. Situations et perspectives, dont je vous ai néanmoins parlé il y a peu. L’exercice doit pourtant être réalisable, puisque les deux ouvrages faisaient partie, ensemble, de la bibliographie dans laquelle les candidats au Master 2 « Politiques éditoriales » de Villetaneuse étaient amenés à piocher pour réaliser leur fiches de lecture pour le dossier de candidature. Et pour cause, peut-être, dans la mesure où Bertrand Legendre, docteur en sciences de l’information et de la communication et maître de conférence à Paris XIII Nord, dirige ce Master, tandis que Corinne Abensour, qui a les mêmes titres et est en outre agrégée de lettres modernes, y enseigne.

 

Seulement voilà le problème : comment synthétiser ce qui constitue déjà à la base une synthèse ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit avec cette étude commandée aux auteurs par le Ministère de la Culture et de la Communication (j’arrête là le quasi copier-coller, eh eh…), étude réalisée à partir de trois sources principales : les annuaires professionnels de Livres Hebdo publiés entre 1988 et 2005 (essentiellement), une analyse systématique de la presse professionnelle pour la même période, et, enfin, une série d’entretiens réalisés auprès d’un échantillon de 26 maisons d’édition jugées représentatives et sur lesquelles l’étude, hors données statistiques, s’attarde plus particulièrement (Aubéron, Bleu autour, Les Cahiers du temps, Cairn, Cassini, Le Castor astral, La Compagnie créative, Le Coq à l’âne, Cornélius, Desjonquères, L’Esprit des péninsules, La Fosse aux ours, Fremok, Gaïa, Jasmin, Maxima, Joca Seria, L’Œil, Petit à Petit, Phaïdon France, Plume, Le Pommier, Le Point du jour, Les Presses du réel, Sciences humaines éditions, Sabine Wespieser éditeur). Il s’agit en outre de comparer les données obtenues pour les années 1988-2005 avec celles des années 1974-1988, que l’on trouvait dans une précédente étude (cf. Jean-Marie Bouvaist & Jean-Guy Boin, Du printemps des éditeurs à l’âge de raison, les nouveaux éditeurs en France, 1974-1988).

 

Le premier chapitre, consacré au profil des nouveaux éditeurs entre 1988 et 2005, est donc entièrement consacré aux données statistiques, riche en tableaux, et sans surprise d’une lecture très aride. Très difficile à synthétiser pour le coup… On peut néanmoins en tirer quelques enseignements : la baisse régulière du nombre de créations de maison d’éditions sur la période 1988-2005, l’augmentation parallèle du taux de mortalité des maison d’édition ; plus de 80 % des maisons créées et disparues entre 1988 et 2005 n’ont pas dépassé le cap des dix ans ; les maisons à faible catalogue sont celles qui disparaissent le plus facilement, etc. Et il reste encore bien d’autres données, concernant la production annuelle (un programme éditorial fourni est un gage de survie), les effectifs des maisons, leur localisation, leurs spécialités, leurs modes de diffusion, leurs modes de distribution (j’ai toujours un peu de mal à faire la distinction entre les deux, crétin de moi…), etc.

 

Une première annexe, consacrée aux nouveaux éditeurs de jeunesse (pp. 105-110), nous montrera mieux quel genre d’enseignements l’on peut tirer de semblable étude (p. 105) :

 

« Ce portrait permet de constater notamment que :

 

« – à la différence de ce que l’on observe sur l’ensemble de la production éditoriale, il y a équilibre des implantations géographiques entre Paris (qui ne représente que 50 % des implantations) et le reste du pays ;

 

« – certains ont, en plus de l’activité jeunesse, une grande variété d’autres publications, autant en littérature, qu’en sciences humaines, ou beaux livres. Parmi les autres spécialités, 27 % d’entre eux développent aussi la spécialité histoire ;

 

« – leur catalogue est plus étoffé que celui de la moyenne des autres éditeurs et le nombre de leurs publications par an plus soutenu ;

 

« – le taux de survie est de 63 %, alors qu’il n’est que de 51 % pour l’ensemble de l’activité éditoriale ;

 

« – par contre, en ce qui concerne l’auto-diffusion et la dispersion des diffuseurs, la situation des éditeurs de jeunesse est semblable aux résultats d’ensemble de la filière. »

 

On met ensuite les tableaux de côté pour les deux chapitres suivants, qui sont davantage des études « qualitatives ». Commençons par le chapitre deux, qui porte sur les politiques éditoriales et les modes de fonctionnement des nouveaux éditeurs. On s’intéresse tout d’abord au profil des créateurs, en distinguant des professionnels du livre, des professionnels venus d’une activité proche de la spécialité choisie (par exemple un mathématicien pour Cassini), et enfin des autodidactes passionnés. Après quoi l’on se penche sur le catalogue et les choix éditoriaux, puis sur les intentions éditoriales au moment de la création et sur les évolutions du projet. On s’intéresse ensuite au fonctionnement des nouvelles maisons d’éditions, en en distinguant quatre types : les éditeurs indépendants, des structures légères dont la fragilité initiale est difficile à dépasser ; les départements éditoriaux d’entreprises existantes (une revue, un conseil régional, un centre d’art contemporain…) ; les antennes françaises d’éditeurs étrangers ; et enfin les maisons conçues pour un développement rapides (exemples : TF1 édition en 1988, ou NRJ fréquence livre en 1989...). On s’intéresse ensuite aux politiques d’auteurs, avant d’accorder un long développement aux « éditeurs régionalistes » et aux « éditeurs en région » (en notant que pour les premiers la dimension militante n’est plus aussi marquée qu’elle a pu l’être).

 

Le chapitre 3 s’intitule « Les nouveaux éditeurs et le marché » (p. 71). Il s’agit tout d’abord de se pencher sur les politiques de diffusion et de distribution. On note que le contexte s’est durci durant la période 1988-2005. Il y a eu des tentatives multiples pour mettre en place de nouveaux modes de diffusion, mais aussi une succession de crises. Domine généralement un modèle économique minimaliste. Plusieurs initiatives, parallèlement, ont visé à grouper les éditeurs. Mais se pose la question du développement des nouvelles structures éditoriales… encore que certains refusent tout simplement de se la poser. Pour les autres, il y a le problème d’un effet de seuil : ces maisons sont petites, récentes et indépendantes, et craignent de perdre cette indépendance en se développant. Mais il y a en même temps une exigence accrue, qui ne leur facilite pas forcément la tâche. Le développement peut se faire de diverses manières : je ne m’attarderai pas sur le cas « de la revue aux livres », célèbre (pensez à la NRF...), mais qui me paraît à la limite du hors-sujet ; plus intéressants, la diversification des spécialités, la diversification des supports, et le développement par l’international. Mais la grande question reste bien celle de l’indépendance…

 

 Le tableau n’est pas forcément très souriant pour les nouveaux éditeurs. Certes, l’informatique et Internet semblent leur faciliter la tâche, mais la concurrence est rude, et le taux de mortalité élevé… L’étude de Bertrand Legendre et Corinne Abensour, s’il s’agit bien d’une lecture assez aride (on s’en doutait un peu, remarquez…), particulièrement dans sa partie purement statistique, est riche d’enseignements dignes d’être pris en considération, et soulève nombre de questions intéressantes.

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"Vurt", de Jeff Noon

Publié le par Nébal

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NOON (Jeff), Vurt, [Vurt], traduit de l’anglais par Marc Voline, [s.l.], La Volte, [1993] 2006, 348 p.

 

Il y a maintenant pas mal de temps de cela, rappelez-vous (si vous le voulez bien), je vous avais vanté les mérites de l’excellent recueil de nouvelles (etc.) Pixel Juice de Jeff Noon, paru aux décidément recommandables éditions de La Volte. Je m’étais alors promis de lire les romans du Monsieur, c’est-à-dire et dans l’ordre Vurt, Pollen et NymphoRmation. Un créneau s’est présenté, que je me suis empressé de saisir, et hop ! va pour Vurt.

 

L’histoire se déroule comme de bien entendu à Madchester-Manchester, dans ce que l’on supposera être un futur proche. Là, les gens sont accros aux plumes Vurt, la meilleure des drogues. On se les met au fond de la gorge, et hop ! Direction l’univers vurtuel, le pays des rêves, le pays des merveilles. Il y a des plumes banales, les bleues inoffensives, les roses pornographiques, mais il y a aussi les noires plus perturbantes, et surtout, surtout, les jaunes, les plus puissantes. Mais comme le dit Maître Chat, notre guide dans le Vurt qui interrompt régulièrement le cours du roman pour nous donner quelques salutaires explications sur ce que c’est au juste que cette chose-là et sur l’argot qui va avec, « Soyez prudents, soyez très très prudents ».

 

Car il peut y avoir un prix à payer. Le Vurt, monde du rêve, capture parfois les rêveurs et les empêche de repartir. C’est ce qui est arrivé à Desdémone, la sœur (et plus puisque affinités) de Scribble, le héros du roman. Pour avoir tâté de la Curious Yellow, elle s’est égarée dans le Vurt ; et, pour équilibrer la balance, puisque c’est ainsi que ça marche en vertu de la loi de Hobart, Scribble a ramené du Vurt, non pas sa sœur, mais « la Chose-de-l'Espace », un alien du Vurt, un véritable concentré de Vurt…

 

Depuis, Scribble est obsédé par une idée fixe : retrouver une Curious Yellow pour retourner dans le Vurt avec la Chose et procéder à un nouvel échange ; il veut ramener sa sœur… Et pour ce faire, il requiert l’aide de sa bande de potes, les « chevaliers du speed » : Beetle, Bridget et Mandy, zonards accros au Vurt et aux sensations fortes, jeunes tout aussi paumés que lui.

 

Mais les embûches sont bien évidemment nombreuses. Outre les dangers propres au Vurt, c’est un fait que l’on ne se procure pas comme ça une Curious Yellow. Et puis il y a les flics, et cette salope de Murdoch en tête, bien décidée à coffrer les chevaliers, qu’elle suspecte à juste titre d’héberger un alien du Vurt…

 

La quatrième de couverture aligne les références : William Gibson, Irvine Welsh, John King, Alice au pays des merveillesA priori, si l’on excepte la parenté évidente entre Welsh et King (génération « trash », nous dit-on), rien de très commun entre tout cela. Pourtant, toutes ces références sont parfaitement justifiées.

 

Et c’est bien le problème, en fait.

 

Je ne vous le cacherai pas plus longtemps : j’ai été très déçu par Vurt. Un premier roman, certes, lauréat néanmoins du prix Arthur C. Clarke, mais un premier roman, construit sous influence, et cela se sent.

 

L’influence du cyberpunk à la William Gibson est patente dès la première scène, puis, par la suite, lors de bien des séquences plus ou moins hallucinées, qu’elles fassent intervenir réalité virtuelle et délires chamaniques ou robochiens et autres post-humains (peut-être plus à la manière de Sterling, pour le coup).

 

L’influence d’Irvine Welsh (lisez Trainspotting) et de John King (lisez Football Factory) est encore plus flagrante, surtout celle de Welsh à vrai dire : difficile, devant les « chevaliers du speed », de ne pas penser à Renton, Sick Boy, Spud et compagnie… en moins trash, cela dit. Mais on retrouve bien la même atmosphère de jeunesse glauque et drôle à la fois, se vautrant dans la drogue, servie par une langue tour à tour poétique et crue.

 

Quant à l’influence de Lewis Carroll, elle est revendiquée jusque dans certains noms (ainsi d’une boite qui s’appelle le Slictueux Tove), et se ressent bien évidemment dans le nonsense des trips Vurt.

 

Et Noon de mélanger – non, utilisons le mot juste : de mixer – tout ça, à sa sauce, certes, mais les samples n’en sont pas moins éminemment reconnaissables. Sans doute trop pour que l’on puisse parler d’une composition originale. Ce qui est un peu dommage, tout de même. Parce que, finalement, tout cela donne, malgré le déferlement d’idées et la folie ambiante, un étrange arrière-goût de déjà-lu (en mieux…), qui n’est pas sans susciter – et assez rapidement d’ailleurs, mais je parle pour moi – une certaine lassitude.

 

J’ajouterai (mais là encore je ne parle que pour moi) que certains partis pris de la traduction m’ont paru critiquables – je pense notamment à l’emploi du passé simple, qui me paraît souvent bien trop soutenu, mais on va dire que je pinaille… –, et que – est-ce imputable seulement à l’auteur, ou en partie également au traducteur ? – je n’ai clairement pas retrouvé dans Vurt l’élégance stylistique de Pixel Juice

 

Une déception, donc, que ce premier roman. Cela ne m’empêchera bien évidemment pas de lire sa « suite » (façon de parler, bien sûr), Pollen, que visiblement tout le monde s’accorde à considérer comme bien plus réussie. Mais, en attendant, je ne puis que constater mon manque d’enthousiasme, là où Pixel Juice me laissait augurer du meilleur…

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