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Notre Hikari Club, d'Usamaru Furuya

Publié le par Nébal

Notre Hikari Club, d'Usamaru Furuya

FURUYA Usamaru, Notre Hikari Club, vol. 1, [Boku no Hikari Kurabu ぼくのひかりクラブ], traduction [du japonais] et adaptation par Naomiki Sato et Marie-Saskia Raynal, [s.l.], IMHO, [2011] 2017, 200 p.

Notre Hikari Club, d'Usamaru Furuya

FURUYA Usamaru, Notre Hikari Club, vol. 2, [Boku no Hikari Kurabu ぼくのひかりクラブ], traduction [du japonais] et adaptation par Naomiki Sato et Marie-Saskia Raynal, [s.l.], IMHO, [2012] 2017, 192 p.

Je me sens un peu tout con, là – parce que je vais faire les choses à l’envers, bien obligé. En effet, je vais vous parler d’une BD qui est une préquelle à une autre BD… que je n’ai pas lue. J’aurais pu me renseigner plus avant, au moment de l'achat, mais je me suis fait avoir par la proximité des titres et les vagues souvenirs que j’avais de l’interview de l’auteur dans le n° 2 d’Atom (le premier que j’ai lu) ; l’auteur, en l’espèce, étant Furuya Usamaru, dont je vous avais déjà parlé il y a quelque temps de cela pour une autre série en deux tomes, Je voudrais être tué par une lycéenne. Quand j’ai réalisé le souci, j’ai bien essayé de me procurer la BD originelle, parue chez le même éditeur que cette préquelle, IMHO, mais j’ai fait chou blanc… Bon, peut-être n’est-ce pas si problématique en vérité – je ne sais pas, ceux qui savent pourront me contredire…

 

À l’origine, il y avait donc Litchi Hikari Club – et ce n’était pas une bande dessinée, mais une pièce de théâtre, créée en 1985 par la troupe barrée du Tokyo Grand Guignol, avec un matériel promotionnel signé Maruo Suehiro. Le mangaka Furuya Usamaru, séduit par l’expérience, a obtenu de l’adapter en bande dessinée vingt ans plus tard, sous le titre donc de Litchi Hikari Club, en 2005-2006. Le succès a été au rendez-vous, qui a suscité de nouvelles déclinaisons, en série animée (2012) et en film live (2016). Mais Furuya lui-même n’en avait pas fini avec cette histoire qui l’obsédait, et, en 2011-2012, avec l’accord des créateurs, il avait publié en revue une préquelle, intitulée Notre Hikari Club, et c’est donc la BD dont je vais vous parler aujourd’hui, parue en français chez IMHO fin 2017, en deux volumes.

 

Nous sommes dans la ville de Keikô – une cité industrielle gangrenée par la pollution, et dont le ciel est invariablement obscurci par les fumées d’usines. On n’y trouve pas moins des gamins qui jouent dans les bâtiments abandonnés, comme partout. Trois écoliers, Tamiya, Kanéda et Daf, sont inséparables – et Tamiya est « leur chef », tout naturellement : c’est ce gamin merveilleusement brillant et péniblement charismatique, qui focalise presque malgré lui l’attention, comme il y en a dans toutes les cours de récréation. Ceci étant, il est très gentil, et pas du genre à se vanter ou à abuser de son autorité naturelle – ses sentiments pour ses deux comparses sont sincères. Et, à son initiative, ils créent, comme tous les gamins, un club, leur club, en forme de plus ou moins société secrète, le Hikari Club – qui a sa base, forcément secrète aussi, dans une usine abandonnée, un terrain de jeu idéal, où s’entraîner à la fronde, ou jouer aux échecs, ou se raconter des histoires et faire de grands projets…

 

Mais l’affaire tourne mal, quand un petit nouveau à l’école découvre l’existence du Hikari Club et obtient de l’intégrer (il sera suivi par d’autres encore). Tsunékawa a tout du petit génie – y compris la psychopathie. Et il joue encore mieux aux échecs que Tamiya. Si le nouveau venu se montre tout d'abord discret, il n'en subvertit pas moins progressivement le Hikari Club – et si Tamiya en demeure le chef nominal, dans les faits c’est le petit garçon à lunettes qui le dirige véritablement. Et, avec lui, le Hikari Club va prendre une tout autre tournure…

 

Tsunékawa ne veut pas grandir – il ne veut pas devenir un de ces haïssables adultes. Sa fascination pour la figure du jeune empereur romain Héliogabale l’amène à imposer au Hikari Club un projet visant à conquérir le monde quand il atteindra l’âge symbolique de 14 ans. Pour ce faire, ils vont construire ensemble un grand robot ! Un vrai robot – car Tsunékawa est un génie, oui, et sait s’entourer d’éléments efficaces, comme le petit programmateur que tout le monde appelle Calcul…

 

Mais le projet va au-delà – car la seconde figure tutélaire de Tsunékawa est... Adolf Hitler. Insidieusement, Tsunékawa, bientôt l’empereur Zéra, subvertit le Hikari Club avec une idéologie mais aussi bien une esthétique ouvertement fascistes ; l’innocent Hikari Club devient une société secrète insurrectionnelle en forme de mini-dystopie, dont les membres vouent une adoration inconditionnelle à Zéra, savamment entretenue par des rites variés et un discours habilement conçu – ce qui passe entre autres par l’apprentissage de l’allemand (en mode aboiements), l’appel et la répétition quotidienne des mêmes dix commandements conçus par Zéra, etc. Les costumes des petits garçons, déjà étonnants au départ, évoluent avec l’entrée au collège – ils incarnent alors un fantasme fétichiste et SM cuir, qui doit beaucoup aux SS…

 

À vrai dire, la sexualité, ou l’éveil à la sexualité, est forcément de la partie – avec cette dimension sadomasochiste. Cependant, la BD met avant tout l’accent sur les questions de genre et l’homosexualité – Raïzo se considère comme une fille, et forcément la plus jolie, tandis que le sadique Jaïbo suce quotidiennement Tsunékawa dès les toutes premières montées de sève. Le trait particulièrement fin de Furuya Usamaru, qui pour le coup emprunte peut-être à Maruo Suehiro, une de ses influences majeures et qui avait eu son rôle dans le Litchi Hikari Club originel, tend d’ailleurs à appuyer sur une certaine androgynie chez ces enfants qui deviennent adolescents : ces petits garçons ont ainsi tous quelque chose d’efféminé. Je dois avouer que je ne sais pas vraiment que penser de cette orientation… Cependant, cette société demeure dans les faits très masculine, l’absence des filles se fait malgré elle sentir – et le robot Litchi, qui devait conquérir le monde au nom de Zéra, se voit confier une mission prioritaire moins ambitieuse : enlever des filles…

 

Zéra n’est pas là pour rigoler. La soumission inconditionnelle du Hikari Club à ses fantasmes puérils dégénère bien vite – humiliation, automutilation, enlèvement, séquestration, torture, meurtre… La société secrète enfantine devient bien vite une association criminelle, quelque part entre la secte fanatisée et le groupuscule terroriste d’extrême droite.

 

Tamiya finit par s’en rendre compte – lui qui demeure le chef nominal du Hikari Club, mais n’en est pas moins soumis de longue date aux diktats de Zéra, comme les autres, sans davantage trouver à y redire. La rébellion n’est pas totalement absente chez lui – mais tient-elle avant tout à son bon fond, supposé, ou à sa jalousie de dépossédé, plus que probable ? La pulsion de la soumission et de l’obéissance inconditionnelle au chef, la lâcheté aussi, car ce ne sont pas tout à fait les mêmes choses si elles sont liées, sont cependant de la partie en égale mesure…

 

Tout cela est extrêmement glauque. Bon, on le sait en s’y engageant, hein – même sans la référence à Litchi Hikari Club. Mais, oui, pour le coup, c’est assez rude – et si le premier volume s’en tient à une approche globalement « psychologique », le second est autrement plus explicite, pour la violence comme pour la sexualité. Il y a notamment une scène d’automutilation parfaitement horrible et qui, je l’avoue, m’a fait détourner, euh, les yeux. Ce qui ne m’arrive pas souvent, même si je me souviens encore en frissonnant d’une séquence particulière du deuxième volume des Carnets de massacre de Kago Shintarô (même s’il s’agissait là de gore rigolo).

 

Mais cette bande dessinée est d’abord et avant tout perverse sur un plan psychologique, oui. À la lecture de Notre Hikari Club, à tort ou à raison, je me suis vaguement souvenu de ce que j’avais pu lire ou voir à propos de certaines expériences psychologiques un tantinet borderline, celle de Milgram, celle de Stanford, celle, surtout, dans un contexte encore plus problématique mais faisant directement référence à la gestation d’un courant fasciste chez des adolescents, celle donc de la Troisième Vague. La seule autre BD de Furuya Usamaru que j’ai lue, Je voudrais être tué par une lycéenne, était focalisée sur des problématiques psychologiques ou psychiatriques – peut-être est-ce aussi pour cela que j’ai été amené à avoir ces références en tête.

 

Ceci dit, puisqu’on en est aux références, je ne peux pas m’empêcher de remarquer combien Notre Hikari Club, à certains égards, constitue un reflet glauquissime du point de départ de 20th Century Boys, d’Urasawa Naoki. Attention, hein : le terme « référence » pourrait induire en erreur, je ne prétends pas qu’il y ait quoi que ce soit de conscient ici – d’autant que la pièce de théâtre Litchi Hikari Club est antérieure de quinze ans à la série d’Urasawa. On est même en droit de se demander, si ça se trouve, si ce ne serait pas Urasawa qui aurait été inspiré par la pièce du Tokyo Grand Guignol ? Il y a même le robot, après tout... Bon, je dis peut-être des bêtises, dans un sens ou dans l'autre, mais, en tant que lecteur, très ignare par ailleurs, je ne peux pas évacuer totalement ces ressemblances, et c'est sans doute ce qui compte. À grande échelle, Zéra n’est peut-être pas aussi inquiétant qu’Ami (dans le contexte du moins de cette préquelle, il en va peut-être autrement dans Litchi Hikari Club), mais, à un niveau plus micro, il se montre d’une perversion bien plus outrancière et frontale – la société en gestation elle-même est cauchemardesque, pas seulement l’aboutissement apocalyptique ; la dystopie est déjà là, au niveau de la simple bande de gosses – bien suffisamment concrète et terrible en tant que telle… Si c’est bien d’un reflet dans un miroir qu’il s’agit, il en résulte un tableau bien plus glauque de l’enfance et de la perversion, qui a quelque chose en même temps d’un grand éclat de rire cynique et/ou sadique, bien dans la manière du personnage de Jaïbo…

 

Tout cela participe de la réussite de la BD – il ne s’agit pas pour autant de crier au chef-d’œuvre : Notre Hikari Club fonctionne très bien sur le moment, mais je doute un peu que cette BD me laisse un souvenir très persistant. La lecture complémentaire de Litchi Hikari Club s’impose sans doute pour mieux trancher cette question. Mais le présent manga bénéficie d’une force indéniable dans ses dimensions de cauchemar pervers – de dystopie fasciste en culottes courtes (et casquettes de cuir).

 

Une petite déception, tout de même, concernant le dessin – que j’ai trouvé moins convaincant que dans Je voudrais être tué par une lycéenne, laquelle BD bénéficiait notamment d’une grande astuce dans le character design ; Notre Hikari Club use à l’évidence de procédés semblables (la mèche d’untel, la gestuelle de tel autre, la bouche de tel autre encore…), mais avec moins de réussite. Les décors sont très bons, mais cette BD se focalise quand même bien davantage sur les traits des protagonistes, sur un arrière-plan généralement minimaliste, approche qui m’a bien moins convaincu. Par ailleurs, le choix d’un trait particulièrement fin renvoie peut-être à Maruo Suehiro, mais, pour le coup, le champion de l’ero guro se situe indéniablement à un tout autre niveau.

 

Mais l’expérience, si c’est bien de cela qu’il s’agit, en valait la peine, oui. Il me faudrait, maintenant – et donc un peu tardivement – lire Litchi Hikari Club… Bon, on verra si j’arrive à mettre la main dessus.

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La Jeune Fille aux camélias, de Suehiro Maruo

Publié le par Nébal

La Jeune Fille aux camélias, de Suehiro Maruo

MARUO Suehiro, La Jeune Fille aux camélias, [Shôjo tsubaki 少女椿], traduction [du japonais] et adaptation [par] Satoko Fujimoto et Éric Cordier, Paris, Éditions IMHO, [1984] 2016, 160 p.

Retour à Maruo Suehiro, avec un de ses plus célèbres titres, La Jeune Fille aux camélias. Une relecture, en fait : cette BD avait été ma deuxième lecture de l’auteur, après son adaptation de L’Île panorama d’Edogawa Ranpo. Sauf qu’à l’époque, La Jeune Fille aux camélias m’avait laissé passablement froid – ou perplexe… Du coup j’ai sans cesse retardé ma chronique, au point où il était devenu impensable car absurde d’en livrer une. Depuis, cependant, j’ai lu d’autres BD de Maruo : d’abord L’Enfer en bouteille, que j’ai bien aimé sans plus ; ensuite et surtout, La Chenille, une autre adaptation d’Edogawa Ranpo – or j’ai adoré cette dernière BD, et supposé qu’il pourrait être intéressant de revenir après coup à La Jeune Fille aux camélias… C’est aujourd’hui chose faite, et mon indifférence initiale, sinon ma perplexité, n’est plus qu’un mauvais souvenir. Je suppose que cela n’est pas si étonnant : certains auteurs se gagnent, se méritent, il faut les apprivoiser – ou peut-être vaudrait-il mieux formuler les choses dans l’autre sens : il faut s’y éduquer. Concernant Maruo, j’en suis convaincu.

 

La Jeune Fille aux camélias, de son prénom Midori, est semble-t-il un personnage récurrent dans le répertoire du kamishibai, ce « théâtre » reposant sur des illustrations, qui semble avoir eu une certaine influence sur le développement du manga (voyez en tout cas la Vie de Mizuki) ; c’est un personnage de petite fille (douze ans, dans la BD) soumise aux pires avanies – nous en connaissons bien des avatars en Occident, mais Maruo m’incite à privilégier le cas de Justine…

 

Ici, dans un cadre années 1920 (disons fin Taishô, début Shôwa) visiblement typique de l’auteur, Midori, abandonnée par son père, jetée à la rue après la mort de sa mère, tombe entre les griffes d’un cirque, ou plus exactement d’un freakshow qui ne manque pas de nous évoquer le Freaks de Tod Browning – ou, bien, bien postérieure à la BD de Maruo (qui date de 1984), la quatrième saison d’American Horror Story, tiens : je viens de voir ça, j’ai bien aimé… Or, si, dans le film de Tod Browning, les vrais monstres n’en ont pas l’apparence, ici, la hideur physique est une incarnation de la hideur morale. Ces freaks sont des êtres répugnants ; non que leur totale licence soit répréhensible (on est chez Maruo, hein), mais ce microcosme est profondément sadique, chaque monstre se vengeant de ses propres souffrances sur qui se trouve plus faible que lui ; tout au fond de ce puits des sévices sans cesse répercutés, il y a Midori – elle prend pour tout le monde, soumise à des vexations qui s’apparentent à de la torture, physique comme morale, et éventuellement sexuelle ; en notant cependant que La Jeune Fille aux camélias n’est pas à cet égard une BD aussi crue et frontale que La Chenille – nous sommes assurément dans de l’ero guro, ici, avec tous ces monstres, ces séquences folles, ces sévices impensables, mais on ne fait pas vraiment dans la pornographie, en tout cas pas au sens le plus strict ; bien, par contre, dans un certain érotisme malsain ; vraiment très malsain…

 

Mais c’est semble-t-il l’apanage des spectacles de monstres : les finances sont désastreuses. Le patron, qui suinte la perversion, accapare le peu d’argent gagné par ses employés, qui crient famine, mais il est bien conscient qu’il lui faut trouver quelque chose pour relancer ses affaires, sous peine de devoir baisser le rideau… C’est alors qu’il rencontre Masamitsu le Magnifique – un nain, et un prestidigitateur doué, dont le clou du spectacle consiste à entrer et sortir sans l’ombre d’une difficulté dans une bouteille. Il y a forcément un truc, non ? Forcément…

 

Masamitsu rencontre un immense succès – or il a aussitôt pris Midori sous son aile : assistante, envisagée d’abord paternellement, mais bientôt amante. Ce qui ne manque pas de susciter la jalousie et la haine des monstres… Mais Masamitsu le Magnifique semble doté de bien étranges pouvoirs, décidément ; et est-il véritablement l’homme bon qui a charmé Midori et a pansé ses plaies ?

 

Il n’y a pas forcément grand-chose de plus à dire concernant le scénario (original, là où les BD de Maruo que j'avais lues jusqu'alors étaient souvent des adaptations). Il demeure assez minimaliste, au point presque de l’abstraction, notamment dans les dernières séquences – de plus en plus dénuées de dialogues. Noter que le texte très, euh, « poétique » ? dès les toutes premières pages, ne facilite pas non plus la tâche du lecteur à cet égard (ça n’était sans doute pas évident à traduire, pour le coup… Au passage, j’ai regretté qu’à plusieurs reprises les kanji du décor ne soient pas traduits en note). Le sens (?) à accorder à tout cela n’est du coup pas si évident – au-delà même de l’ambiance surréaliste qui caractérise la BD dès le départ, et qui se déchaîne avec la colère de Masamitsu.

 

L’interprétation de la fin est du coup assez ouverte ? Je suppose… On y croise pêle-mêle l’actualité d’alors, les freaks en folie, Masamitsu indéfini dans tout ce qui sépare le démon méphistophélique et le bon samaritain (on a du mal à croire en un bon samaritain...), tandis que Midori, perdue dans le monde comme dans son inconscient, se confronte de la sorte à l’image de ses parents – tout ceci sous la neige. À tout prendre, le rêve tourne assez clairement au cauchemar – peut-être parce qu’il ne pourrait en être autrement, mais que faut-il en penser au juste ? Forfait…

 

Dans une improbable (et hilarante) mini-pièce de théâtre qui conclut la BD, Maruo « déclare » que, la BD achevée, elle ne lui appartient plus ; ou, plus exactement, empruntant les traits (ou les mots) de Tsuji Jun, il lance que ce n’est pas à l’auteur de commenter son œuvre ; « devenant » Terayama Shûji, il ajoute que le non-sens peut constituer du sens (peut-être), suscitant ce commentaire éloquent de « Nabokov » : « … foufoune… » Plus loin, avec « Tsuji » pour interlocuteur et critique, « Maruo » explique (?) avoir voulu caricaturer un certain sentimentalisme japonais, mais qu’on l’a pris au premier degré, bon… Que faire de tout ça ? Ben, ce que vous voulez, j’imagine…

 

Ceci étant, l’intérêt essentiel de La Jeune Fille aux camélias réside de toute façon dans son dessin – qui est tout simplement parfait, et bien mis en valeur par le choix de la bichromie : dans les premières séquences, qui évoque un cauchemar à la « Figures infernales », le rouge s’invite dans le noir et blanc, et bientôt le domine, qui pare le spectacle grotesque et sadique de teintes de sang, de feu et d’abîme. Après quoi, le trait extrêmement fin de Maruo n’est pas noir, mais bleu sombre, ce qui produit un rendu intéressant.

 

Les tableaux totalement surréalistes du calvaire de Midori, mais aussi, tout autant, ceux de ses rêveries naïves, produisent des pages complexes et saisissantes, très réfléchies, réalisées avec une attention immense, qui sont autant d’œuvres à part entière. En outre, il y a toujours, dans ces planches, quelque chose qui remue, quelque chose qui « n’est pas normal », et qui renforce encore la puissance du trait – cela peut être aussi bien la folie des freaks affichant une sorte d’anti-humanité (l’apanage notamment d’une femme-serpent bien différente de celle d’Umezu Kazuo, outre l’incarnation du harcèlement sexuel qu’est la momie), ou la mise en avant de la naïveté et de la fragilité de Midori, dont les yeux, périodiquement, adoptent une taille démesurée, avec les cils adéquats, qui en font un personnage de shôjo (eh) très naïf et enfantin, à la fois totalement à sa place et totalement décalé dans ce contexte grotesque (et là, pour le coup, j’ai repensé à La Femme-serpent d’Umezz – mais Midori, à vrai dire, aurait pu figurer dans d’autres de ses BD, au-delà de ces traits ponctuellement appuyés).

 

La relecture a donc été bénéfique, et, maintenant, j’ai pu apprécier La Jeune Fille aux camélias à sa juste valeur : c’est bel et bien un très bon titre, un Maruo de qualité – même si, pour l’heure, ma BD préférée de ce maître de l’ero guro demeure la bien plus frontale La Chenille. Il me faudra de toute façon approfondir tout ça…

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