Bon, j’ai déjà parlé de tout ça sur Facebook, mais ça m’a tellement énervé, et, quelque part, ça me paraît tellement représentatif d’une vilaine tendance que j’exècre, que j’ai ressenti le besoin d’y consacrer un petit billet, histoire que ça ne sombre pas tout de suite dans les limbes du ouèbe.
Donc, petit rappel des faits. L’Humour de Droite, vous connaissez nécessairement : cette page Facebook, avec compte Twitter associé, a connu son heure de gloire quand Naboléon était président de la République. Comme beaucoup, j’admirais l’humour et la pertinence de cette page, qui semblait toujours au courant des pires crasses de la majorité d’alors, et de l’extrême droite aussi tant qu’à faire, et savait en parler avec un sens de la dérision et de la satire remarquable. Je ne compte pas les statuts que j’ai partagés, et qui m’ont valu autant de barres de rire que de légitime indignation. Pour dire les choses, l’Humour de Droite me paraissait constituer une sorte de type-idéal de la page militante, qui savait exprimer ses idées avec pertinence et drôlerie, sans sombrer dans la stérilité haineuse et bêtement partisane si commune en la matière. Et qui savait pratiquer en outre avec astuce le détournement, procédé qui m’a toujours été cher.
Mais ça, c’était avant.
En effet, depuis un certain temps – depuis que Sarko s’est cassé de l’Élysée, peut-être ? – l’Humour de Droite ne me faisait plus que très rarement rire, et me paraissait nettement moins pertinent qu’autrefois. J’y trouvais en fait désormais les défauts que j’étais heureux de ne pas rencontrer à la grande époque. Y a-t-il eu changement de tenancier ? Je n’en sais rien, mais n’en serais pas plus surpris que ça. Parce que, franchement, ce n’est plus la même chose.
J’ai longtemps fermé ma gueule, me contentant de regarder cette page autrefois adorée d’un œil distrait et quelque peu navré. Et puis, hier, ça a été le message de trop. J’y ai en effet lu un bête statut formulé comme suit (et adapté sur Twitter) : « [ASTUCE] "liberté d'expression" dans une bio Facebook = Extrême-droite. » Ce qui ne m’a pas du tout fait rire, et m’a même franchement désolé.
Je m’explique. Je ne nie pas qu’il se trouve des connards à l’extrême droite de l’échiquier politique pour abuser du beau vocable de « liberté d’expression » et se planquer derrière pour balancer leurs élucubrations ; ce sont les mêmes qui se présentent volontiers comme « politiquement incorrects » et qui assurent lutter contre les « bobos », pour prendre d’autres expressions galvaudées et connotées. Seulement ça n’enlève rien à la légitimité de la défense de la liberté d’expression en tant que telle, principe auquel, vous le savez peut-être, je suis farouchement attaché. Certes pas en tant que faf : c’est plutôt, ici, de l’autre côté qu’il faut chercher (ou qu’il faudrait chercher, dans l’idéal…) ; je me répète un peu, mais voilà : je me considère libéral politique et libertaire, et c’est dans cette filiation idéologique que j’entends mener à ma manière, avec les maigres moyens dont je dispose, un combat en faveur des libertés publiques ; et parmi celles-ci, de la liberté d’expression. On connaît bien la sentence, faussement attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. » Peu importe que cette attribution soit trompeuse (ce qui ne surprendra personne connaissant un tant soit peu Voltaire, au passage) ; cette déclaration ne m’en semble pas moins pertinente, et j’en fais un commandement de mes opinions politiques. Comme vous le savez peut-être encore une fois, j’ai travaillé un temps sur la répression politique sous toutes ses formes ; et si j’ai acquis une certitude dans cette matière autrement fort complexe, c’est bien celle-ci : la censure, quelle qu’elle soit, est au mieux inefficace, au pire contre-productive. Aussi ai-je toujours affiché mon rejet de toute forme de censure, ou autre discrimination ou sanction prenant pour seul critère des éléments d’ordre idéologique. Hélas, cette idée qui me paraît ne pas même nécessiter l’effort d’une justification est aujourd’hui régulièrement battue en brèche… et ce à droite comme à gauche. Chose qui me paraît franchement calamiteuse, et potentiellement dangereuse à terme.
Mais revenons au statut de l’Humour de Droite. Généralement, je ne commente pas sur les pages de ce genre, pas plus que je ne commente la presse en ligne (qui croulent de toute façon sous les commentaires, généralement hélas plus consternants les uns que les autres, je ne vous apprends rien…). Mais, cette fois, je n’ai pas eu envie de laisser passer ça, et j’ai naïvement répondu. J’ai dit, en substance, que cette assertion était fausse (plus tard, sur Twitter, j’ai dit « bête », bouh le vilain mot), et que je m’interrogeais sur la tournure que prenait depuis quelque temps l’Humour de Droite, en engageant la ou les personnes qui se trouvent derrière à se ressaisir, parce que je ne trouvais plus la page aussi drôle et pertinente qu’autrefois. Quelques commentaires plus tard, et quelques likes et une réponse amicale à mon commentaire en prime, qui m’a permis de clarifier ma position (le truc libéral/libertaire, donc), mon message, hop ! a été supprimé, et j’ai été banni de la page, ne pouvant plus dès lors ni commenter ni même me contenter du bête « j’aime » caractéristique de Facebook.
Ce qui m’a fait mal au derche, tout de même.
Sur Twitter – qui m’était toujours accessible – j’ai donc cherché à en savoir davantage. J’ai demandé naïvement pourquoi j’avais été bloqué – surtout quand on voit les authentiques fafs qui laissent leur merde sous ce fil sans être pour autant censurés, au passage… J’ai exprimé à nouveau mon inquiétude quant à la tournure prise par l’Humour de Droite, et on m’a répondu en substance que personne ne m’obligeait à le lire. Ah. Oui, certes. Mais c’est le genre de réponse qui sent pas très bon, tout de même. Et, au-delà, cette mesquine petite affaire – je sais que j’en fais tout un plat alors que vous vous en foutez très probablement – me paraît hélas symptomatique d’une « fausse gauche », que je ne peux que mépriser : celle qui balance les libertés aux orties. Le terme de « censure » peut paraître un peu fort pour quelque chose d’aussi anecdotique, mais, objectivement, c’est bien de cela qu’il s’agit. Et que ce comportement émane de gens dont je partage a priori la majeure partie des idées politiques, voilà qui me navre terriblement.
J’ai donc laissé tomber, et quitté l’Humour de Droite, en leur souhaitant bon courage dans la vente de leurs sacs, qui semble constituer leur préoccupation essentielle ces derniers temps.
Je sais : avec ce billet, j’essaye un peu désespérément de créer une tempête dans un verre d’eau, ce que l’on peut légitimement trouver ridicule. On m’a encouragé à m’en foutre, ce qui serait sans doute la chose la plus sensée à faire. Mais je n’y arrive pas. Parce que, au-delà de mon misérable petit cas personnel, qui n’a certes aucune importance, il me semble que ce comportement de « faf de gauche » constitue à l’heure actuelle une sorte de tendance lourde, dont je trouve des traces un peu partout. J’ai l’impression que, dans son combat bien légitime et comme qui dirait naturel contre la droite et a fortiori l’extrême droite, une certaine gauche ou extrême gauche mélange un peu tout, et erre dangereusement sur les terres de son ennemi. La censure, de manière générale donc, m’ennuie, quand elle ne m’agace pas. Mais qu’elle émane d’un organe prétendument de gauche ! Et qu’elle sanctionne une critique aussi anodine que celle que j’ai pu faire ! Non, désolé, ça ne passe pas. Encore une fois, il s’agit de dépasser mon cas personnel : c’est au niveau des principes que je situe ma gêne. Et que ce comportement, en l’espèce, soit le fait d’un site que j’ai tant aimé autrefois, voilà qui me désole au plus haut point.
Bien évidemment, ne pouvant plus ni commenter ni quoi que ce soit, je n’ai plus aucune raison de continuer à suivre l’Humour de Droite. De cela je ne me plains pas : de toute évidence, je n’y trouvais plus ce qui faisait autrefois l’intérêt de cette page. Non, depuis quelque temps déjà, l’Humour de Droite ne me fait plus rire ; et maintenant, il m’énerve carrément. Alors ciao bande de nazes, donc ; continuez si ça vous chante de jouer aux petits fachos prétendument de gauche ; tripotez-vous devant l’adulation d’ahuris qui laissent passer les aspects les plus crétins de votre discours ; mais ce sera sans moi.