RIP Jacques Sadoul
Jacques Sadoul, grand éditeur s'il en fut, de science-fiction notamment mais pas seulement, s'est éteint hier. Cela méritait bien une brève note. RIP, donc, comme on dit chez les croyants.
Jacques Sadoul, grand éditeur s'il en fut, de science-fiction notamment mais pas seulement, s'est éteint hier. Cela méritait bien une brève note. RIP, donc, comme on dit chez les croyants.
Je viens à l’instant d’apprendre la mort, à l’âge de 80 ans, de Nagisa Oshima, l’immense réalisateur de, entre autres, L’Empire des sens, Furyo ou encore Tabou, pour ne citer que les plus célèbres de ses films. Tristesse…
(Elle déchire tout, cette reprise, non ?)
À l’occasion de la sortie de l’excellent Troops, l’excellente citoyenne Mélanie Fazi et moi-même avons réalisé une interview de l’excellente Liesa Van der Aa pour l’excellente Spirale. Hop, ça se lit ici.
Vous ai-je déjà dit que tout cela était excellent ?
« Alors, tu le sens bien, mon gros changement dans ton cul, bitch ? »
[EDIT 02/01/2013 : Je vous dois des excuses, ô lecteurs. D'une part, aux origines lointaines de ce minable bordel, je reconnais avoir écrit mon compte rendu d'Utopiales 12 sous le coup de la colère, ce qui était sans doute une mauvaise idée. D'autre part, je n'aurais probablement jamais dû relayer ici cette charge de Gérard Klein : ce fut un geste à bien des égards immature (...), témoignant d'un orgueil blessé, qui fait que je ne vaux pas mieux en l'affaire que mon agresseur. Cependant, maintenant que j'ai entamé la chose, j'ai l'impression, peut-être erronée, que le devoir m'impose de poursuivre, qu'il s'agit d'assumer. Trop tard, en somme. Pardon de vous avoir infligé ça...]
Hier au soir, Gérard Klein, lecteur assidu de ce blog, a consacré beaucoup de temps et d’énergie à l’élaboration d’un portrait de votre serviteur sur le forum d’ActuSF. Parce que je suis immature, que j’adore qu’on parle de moi, et qu’on ne m’a jamais fait une aussi belle publicité, je ne résiste pas à l’envie de reproduire ici son analyse, des plus pertinentes.
Le problème de Nébal, c’est qu’il est immature. Nébal n’est pas complètement idiot bien qu’il s’efforce parfois de prouver le contraire. Nébal n’est pas totalement inculte bien qu’il le donne souvent à penser. Nébal est tout simplement immature et le problème est que ça risque de ne pas de s’améliorer avec le temps.
Le sujet immature péri-pubertaire manifeste, dans la terminologie un peu technique des spécialistes, le syndrome de la crise d’originalité juvénile, et selon un vocabulaire plus courant le désir de faire le malin, de se faire remarquer, d’attirer l’attention, ou selon nos amis Belges, de « faire son nez », autant d’expressions communes inadéquates à son état comme on verra.
Ainsi le sujet immature exprime des jugements péremptoires, positifs ou négatifs, qui vont à l’encontre de ceux de ses parents et de toute personne plus expérimentée que lui. Le problème n’est pas qu’il aie des opinions personnelles tant dans ses enthousiasmes que dans ses exécrations, ni même qu’elles contredisent celles de ses prédécesseurs, il en a le droit, mais qu’il est impossible à quiconque d’en comprendre les raisons et qu’il ne les comprend manifestement pas lui même.
Un trait bien observé du sujet immature est sa régression langagière qui le conduit à manifester sa désapprobation dans les termes propres à un enfant de deux ou trois ans traversant le stade dit « cacaboudin ». On sait que ce stade est indispensable à l’acquisition du langage par le jeune enfant et que, s’il ne faut pas l’encourager à s’y maintenir, il ne faut pas non plus le lui interdire formellement tout en lui fixant des limites: il acquiert ainsi la notion importante de niveaux de langage et de l’adéquation d’un propos à la personne adressée. Le sujet immature pour sa part profère comme des jugements définitifs et sans appel des « c’est chiant » pour indiquer son profond malaise en face d’une expérience, sans autre explicitation comme si le fait de déféquer lui était insupportablement pénible alors que tout enfant et tout adulte normaux le vivent plutôt comme un soulagement.
Le sujet immature est aussi à la fois obsédé, terrifié et fasciné par l’idée de la mort. Alors que le jeune enfant la considère avec un certain étonnement et souvent de la générosité affective (« Mammy, tu ne vas pas mourir avant moi? »), que le jeune adulte se tient pour immortel et que l’adulte vieillissant admet sa fin d’abord comme une probabilité puis avec une sérénité qui augmente avec l’âge, le sujet immature éprouve pour cette idée à la fois de la répulsion et de l’attrait, au point qu’il faut le surveiller et parfois user de mesures coercitives pour l’empêcher de pousser trop loin son exploration du sujet. Il résulte de la coalescence de ce thème avec le précédent que le sujet concerné use souvent de l’expression combinée « c’est chiant comme la mort ».
Le même sujet éclate parfois en secousses convulsives dans ce qu’il faut bien appeler des crises d’hilarité. Il émet alors des sons étranges et puissants qui hésitent entre le hennissement, le caquètement, le braiment et autres barrissements, manifestations redoublées en durée et en intensité quand il se trouve en groupe avec des semblables, et qui s’accompagnent d’interjections et autres syntagmes, généralement incompréhensibles quoique parfois onomatopéiques bien qu’ils semblent reconnus dans le groupe. Le plus singulier réside dans l’origine de ces crises qui peuvent résulter de la chute d’un vénérable ancien qui a manqué une marche, des efforts d’un chat pour ouvrir un réfrigérateur ou de l’annonce d’un bombardement à la télévision. Il convient de les surveiller quand le sujet devient écarlate car elles peuvent conduire à un étouffement létal. Lorsque le sujet s’exprime par écrit, ce qui arrive, le phénomène se traduit par des tics d’écriture (si l’on ose ici évoquer l’écriture) répétitifs et peu intelligibles dans leur contexte: points d’exclamation et de suspension, sauts de paragraphe inopinés, lignes de blanc, etc, qu’il faut alors considérer comme l’équivalent des éructations décrites.
On pourrait penser, surtout lorsque le sujet est du sexe masculin, que ces comportements étonnants correspondent à la parade animale et qu’ils visent le plus souvent à attirer l’attention du sexe opposé. Mais une observation attentive montre qu’il n’en est rien: d’abord les filles s’en fichent complètement, ou parfois s’en inquiètent à juste titre; ensuite le sujet les manifeste seul ou en groupes unisexués.
Le sujet est également fréquemment soit anorexique, soit boulimique. Dans le domaine culturel qui ne lui est pas totalement étranger, la boulimie se traduit par une consommation inconsidérée sur un rythme frénétique de spectacles, de morceaux de musique ou de textes choisis selon une logique soit inexistante soit quasiment obsessionnelle. Elle s’étend parfois à la production de textes sur le mode de la graphomanie. L’ingestion hâtive et répétitive de livres en rend la compréhension fine et la mise en perspective presque impossibles. Le sujet procède alors sans logique ni consistance aux manifestations de rejet ou d’approbation déjà évoquées. J’ai certes rencontré chez un homme que je respectais et admirais, Jacques Bergier, un adepte de la lecture rapide, mais cet homme reconnaissait être incapable d’apprécier tout style et ne rechercher dans les textes qu’il scannait à une vitesse vertigineuse que des idées qu’il n’aurait pas encore rencontrées. J’ai moi-même pratiqué la lecture rapide, presque exclusivement sur des rapports économiques, pour tâcher d’en dégager les lignes générales et éventuellement l’originalité, rare à dire vrai. Mais le sujet immature n’est pas dans ces problématiques: il s’empiffre et régurgite.
Tous ces traits ont conduit certains experts, comme on sait, à douter de l’humanité du sujet immature. Le jeune enfant prépubère manifeste très tôt une lucidité et une intelligence surprenantes, l’adulte se montre toujours équilibré, agissant avec mesure voire componction, et l’aïeul fait profiter de son expérience, souvent du reste par un silence éclairé, son entourage.
Le sujet immature en revanche, comme on l’a déjà brièvement indiqué et sans examiner en totalité les particularités de son comportement, semble souvent avoir perdu le sens. Pour certains, il ne relèverait donc pas de l’humanité mais d’un stade de développement intermédiaire entre le jeune et l’adulte, qu’on appelle chez l’insecte une nymphe ce qui semble ici très excessif et qu’il vaut donc mieux appeler pupe comme pour les mouches. On notera ici que le sujet immature a tendance à se réfugier dans un cocon (ce qui confirmerait sa nature insectoïde), parfois la chambre qui lui est concédée ou pour d’autres, ou les mêmes, un blog.
Le sujet immature suscite enfin souvent l’exaspération à un point tel qu’elle pourrait devenir meurtrière mais même si, comme déjà dit, certains doutent de son humanité, il est protégé par la loi, probablement en raison de son devenir possible mais non garanti. Rappelons le avec force: le sujet immature est irresponsable et doit être préservé même si sa transformation n'est pas certaine.
En effet, tous mes lecteurs attentifs qui ont un peu observé le sujet Nébal conviendront de l’adéquation de ma description générale à son exemple particulier, même si son âge avoué donne à penser à un très curieux cas de néoténie où le sujet se trouverait bloqué dans un stade intermédiaire, celui, déjà nommé, de la pupe. On peut cependant pousser plus loin l’analyse en faisant référence à certaines de ses productions…
Gérard Klein
C’est tout pour le moment. J’attends la suite avec impatience, comme vous pouvez vous en douter. D’ici là, je vais m’asseoir au bord de la rivière avec un bon livre.
EDIT : La suite.
Bien qu’il témoigne souvent d’une certaine insécurité psychologique, tantôt feinte (afin d’attirer par une manipulation l’attention sur lui et même la sollicitude, et le clinicien averti ne s’en laissera pas conter), parfois réelle (et le même clinicien y portera attention), le sujet étudié, comme ses semblables, a tendance à se croire le centre du monde et le référent absolu. Une de ses formules favorites est: « je sais… ». Il en résulte que ses jugements notamment littéraires sont catégoriques, abrupts, tranchés, à l’emporte-pièce, et qu’ils procèdent d’une dichotomie sans nuances entre l’admiration sans borne et le rejet sans appel qui se traduit dans les termes scatologiques précités. Il peut difficilement imaginer qu’on juge autrement, s’attend à ce qu’on tienne son opinion pour vérité révélée, que tout le monde s’y range. Son plaisir ou son déplaisir doivent faire loi, et au moyen de ce critère sans fondement, il établit une hiérarchie toute personnelle mais qu’il décrète comme immarcescible entre des œuvres qui, bien souvent, n’ont rien à voir entre elles.
Il espère, sans doute sincèrement, de la sorte prévenir ses lecteurs contre ce qu’il estime de possibles et gravissimes erreurs et en attend une reconnaissance éperdue puisqu’il pense leur avoir rendu le service d’éviter d’avoir à penser autrement que lui. Quoi ! Ils auraient pu perdre leur temps à lire une « bouse » (sic) ou inversement, ils auraient pu perdre leur vie en ignorant plus longtemps les fruits du génie (selon lui).
Considérons deux exemples à travers ses productions.
Le sujet a lu ou dit avoir lu de Kurt Steiner Aux armes d’Ortog et Ortog et les ténèbres. Bien qu’il accepte de les dater, comme à regret, il ne tient aucun compte de leur environnement et des conditions objectives (dirait un marxiste stalinien) et économiques (dirait plutôt un marxien) de leur production. Il les condamne sans autre procès, ce qui est caractéristique de l’immature, et exécute en particulier Ortog et les ténèbres. Il ne se pose pas un instant la question de savoir dans quel contexte (pour mémoire, la collection Anticipation du Fleuve Noir) ces œuvres ont été écrites et publiées ni pourquoi elles ont pu être appréciées en leur temps et le sont peut-être encore aujourd’hui par certains dont la sureté du jugement, l’étendue de la culture, la pertinence des propos, comme celles de l’Oncle (et puis-je le préciser, les miennes aussi), font l’admiration des élites universitaires comme celle des foules. L’idée que ces œuvres ont pu représenter, dans un milieu et à un moment bien précis, une innovation notable ne l’effleure même pas. Il aurait par exemple pu relever que les deux textes publiés respectivement en 1960 et 1969 préfiguraient la vague et la vogue de la fantasy. Il ne tient aucun compte du fait que cet auteur (et d’autres dont par exemple Stefan Wul et Gilles d’Argyre pour son Sceptre du hasard) savait parfaitement pour quelle collection et pour quel public ils écrivaient des romans dont ils ne s’exagéraient nullement la portée mais dans lesquels ils s’efforçaient de concilier la nécessité alimentaire et le souci d’une sincérité certaine et d’une certaine qualité. Le sujet manque également de situer, même rapidement, le texte dans une œuvre riche et variée, s’agissant de Kurt Ruellan et d’André Steiner (sans négliger Kurt Wargar (quelque peu dispensable selon le vocabulaire du sujet) ni Kurt Dupont), ce qui l’éclaire.
C’est une erreur que n’avait certainement pas commise Jacques Goimard dans la préface qu’il donna à la réédition des deux titres et que le sujet dit avoir lue (communication privée) mais dont il ne se souvient pas, ou peu. C’est dommage car de cette analyse scrupuleuse (même si elle est parfois un peu pédante avec certes une touche d’ironie), il aurait pu retenir qu’Ortog et les ténèbres réunissait l’épique, le lyrique, le tragique et l’ironique surtout qui teinte d’une autre couleur certaines hyperboles stylistiques.
Ruellan-Steiner était aussi un poète même si peu de son œuvre a été publié dans ce registre, et il était parfaitement capable de se moquer de lui-même, si bien que la surécriture dénoncée par le sujet étudié est un clin d’œil au public en même temps qu’un savant jeu sonore sur les mots et les rimes. Mais le sujet ne lit pas vraiment, il dévore et ne soucie pas des profondeurs incongrues qui font le vrai plaisir de la lecture.
Est-ce ainsi que les hommes lisent ?
Les romans évoqués ici ont certes leurs limites, et leurs auteurs en étaient conscients, mais le lecteur intelligent au lieu de condamner l’œuvre et de se condamner lui-même à l’ennui, trouve toujours prolongements et associations qui font qu’aucun livre ou presque ne lui semble tout à fait sans intérêt. En témoignent les lectures et études de nos amis du Rocambole qui, sans partager aucune illusion sur la valeur « absolue » des textes qu’ils exhument, savent en communiquer le suc.
Mais ce sujet immature n’aime pas la poésie. Il avoue ne pas la comprendre. Ajoutant l’injure à l’infamie, il disgracie le genre en déformant son nom en « pouésie », comportement caractéristique de l’immaturité: « Je conchie ce qui me dépasse. »
Gérard Klein
La suite bientôt ?
EDIT : La fin.
Certes, les deux Ortog et en particulier celui couronné de ténèbres, tout comme les autres œuvres citées, ne figurent probablement pas au nombre des monuments éternels érigés par l’esprit humain, ni même des chefs-d’œuvre, mais cela nous donne l’occasion de réexaminer la question des classiques. Wiki explique ça très bien au même terme. Voir aussi chef-d’œuvre. Je n’insisterai donc pas.
En revanche, je reviendrai à travers mon second exemple sur un des mépris potache (l’état potache étant à la fois une manifestation et une prolongation de l’immaturité, hélas parfois illimitée) du sujet de notre étude, concernant cette fois Alfred Elton van Vogt(1912-2000).
J’ai été mandaté par l’A.A.A.A.A.A.A.A.A.H.(Association des amateurs, amis et admirateurs d’Alfred et autres auteurs affiliés et affidés humains ) pour examiner l’acharnement quasi pathologique avec lequel Nébal répète son aversion pour cet écrivain réputé, en général de façon répétitive et hors de tout propos. L’A.A.A.A.A.A.A.A.A.H. a relevé 106 occurrences; d’autres sources indiquent seulement 93. Je ne me suis pas occupé de vérifier ces assertions quantitatives, restant sur le sentiment qu’elles étaient qualitativement bien fondées.
Sur quoi l’objet de notre étude se fonde-t-il pour soutenir son dénigrement compulsif de l’œuvre dans son entièreté? A-t-il lu dans sa totalité l’œuvre de van Vogt? D’autant que celle-ci est très variée et a considérablement évolué au cours de sa carrière. A-t-il lu des nouvelles aussi exemplaires que The Enchanted Forest? En a-t-il lu une seule page dans le texte original, par exemple les deux premiers paragraphes du Voyage of the Space Beagle qui sont aussi admirables, dans leur langue, que le début du Salammbô de Flaubert ou que celui de La Guerre du feu de Rosny Ainé? A-t-il pris en compte son influence et les réflexions qui lui ont été consacrées? Van Vogt est admiré par des augures prestigieux, comme l’Oncle Joe, le Vénérable Jacques Sadoul et le signataire de ces lignes. Philip K. Dick que personne ne contestera en tant qu’arbitre des élégances littéraires lui a rendu un constant hommage de ses débuts à sa fin, notamment dans sa lettre du 2 mars 1982 à David Hartwell (in Nouvelles tome 2/1953-1981, Denoël 2000, page 1374.) On peut aisément démontrer que van Vogt, Canadien d’origine néerlandaise, à lui seul, a considérablement transformé la science-fiction américaine à partir de 1939, à la fois dans sa thématique et dans ses modes d’écriture. Il est pratiquement à l’origine du space opera galactique, en tout cas de sa renaissance et de sa sophistication moderne. Son œuvre considérable est certes aussi inégale qualitativement que celle de Philip K. Dick, et ses dernières années ont été assombries et écrasées par la maladie d’Alzheimer dont il souffrait. Ce qui justifie tout à fait les opinions nuancées que les experts précités ont exprimées sur certains textes. Mais son génie éclate jusque dans des détails. Ainsi, dans The Voyage of the Space Beagle, (1939-1950) il évoque l’hiver nucléaire (page 41 de l’édition Signet, 1952, titrée Mission: Interplanetary) bien avant les scientifiques et stratèges qui ne l’ont sérieusement envisagé que dans les années 1980.
Le dénigrement compulsif et réaffirmé sans raisons apparentes se trouve hélas encouragé par des comportements de groupes immatures qui, souvent au cours de beuveries, se choisissent des « têtes de Turc » dont la seule évocation assurera la cohésion groupale dans une jubilation et une gesticulation rituelles, ainsi pour le gang qui s’exprime dans le fanzine Bigel (ou quelque chose comme ça) à propos des illustrations de Jackie Paternoster. Ont-ils examiné et comparé sérieusement plus d’un demi-siècle d’illustrations de couverture? Ont-ils distingué dans cette œuvre certes inégale des points forts et des points faibles? Non, ou si peu qu’ils attribuent parfois à un autre graphiste l’une ou l’autre de ses créations les plus réussies. Son seul nom suscite l’adhésion à une détestation primitive bien décrite par René Girard dans son ouvrage Le Bouc émissaire (1982) à l’aide de sa théorie du triangle mimétique.
Je n’irai pas plus loin.
La bave du crapaud n’éteint pas les étoiles.
Mais on peut espérer que le sujet Nébal, qui a montré de grandes capacités, échappe à ces influences pernicieuses, parvienne, au prix d’un effort certes considérable, à s’extraire de son enlisement, et reprenne son développement afin d’atteindre le statut d’imago dans son espèce.
Dans cette attente, je lui rappellerai de façon sommaire les trois niveaux de la critique dès qu’elle se rend publique et qu’elle a un peu d’ambition: situer l’œuvre dans son contexte historique et social, fournir au lecteur (par définition fort divers) une appréciation aussi peu biaisée que possible qui lui permette de s’orienter dans ses choix, et enfin souligner, si l’on s’estime suffisamment expérimenté, les qualités et les défauts d’une œuvre singulière, sachant que ces approches comportent nécessairement une part de subjectivité, que la confrontation d’autres opinions aide à réduire.
Fin
(Je rejoins le vaisseau Qu’en dira-t-on?, classe Rémora, C.S., dont le Mental est un vieil ami, grand lecteur de van Vogt, embarqué à bord du Pas un souci pour moi, classe Anaconda.)
Gérard Klein
Classique, je sais.
N'empêche, comme le dit si bien soeur Marie-Fernande à sa supérieure, ça, c'est pas un vrai Noël, ma mère.
Que dire de plus ? Le maître du sitar a multiplié les enregistrements légendaires (en voici un), et je me suis souvent régalé à leur écoute. Tristesse.
Ceux qui me suivent sur Facebook ou sur Twitter ont pu constater ces derniers temps mon engagement en faveur du mariage gay (accessoirement, je préfère cette expression à celle de « mariage pour tous », parce qu’il vaut toujours mieux appeler un chat un chat). Je ne prétendrai pas le contraire : généralement, mes contacts et moi sommes largement ici sur la même longueur d’ondes, et m’exprimer à ce sujet sur ces supports revient donc largement à prêcher des convaincus. Il n’en va pas forcément de même sur ce blog, où j’évite d’habitude, certes, de traiter de politique. Mais là, une fois n’est pas coutume, j’en ai envie. Et une remarque incidente d’un citoyen blogueur sur « l’importance » toute relative de la chose (j’y reviendrai à la fin) m’incite à écrire quelques mots sur cette question, à lui offrir un développement qu’un tweet ou un statut Facebook n’autorisent pas.
Je commencerai par rappeler simplement, même si j’en tire des conséquences sans doute radicales (on y vient), que la famille humaine et le mariage n’ont rien de « naturel » (ce qui invalide déjà pas mal le prétendu argument du caractère « contre-nature » du mariage homosexuel, que les cons ne cessent de nous assener), mais sont fonction des temps et des mœurs, autrement dit de la culture. L’humanité a expérimenté bien des formes de familles et de mariages, ainsi que l’a récemment et à très juste titre rappelé l’anthropologue Maurice Godelier. Aujourd’hui encore, de par le monde, la famille basée sur « un papa, une maman » n’a rien d’universel, et ne va pas forcément de soi. Ici, la biologie s’efface devant le droit, et on ne le répètera jamais assez : le mariage comme la filiation sont des constructions juridiques, qui n’ont rien à voir avec la nature.
Ceci étant – et c’est là que je m’amuse à jouer au petit radical libertaire –, le mariage tel que nous le connaissons et la famille telle qu’on la conçoit dans l’Occident contemporain me paraissent constituer de tristes archaïsmes. En d’autres termes, à m’en tenir à une position générale, je suis contre le mariage, et contre la famille, institutions qui ne sont à l’heure actuelle fondées sur rien d’autre que la tradition, ce qui a toujours été la plus stupide des « raisons ». Il me semble que l’humanité gagnerait à s’en passer, les tribunaux aussi accessoirement, et que ce serait parfaitement possible. À titre individuel, bien sûr – après tout, personne n’oblige personne à se marier, dans la France contemporaine en tout cas (je mets de côté les délires communautaristes…) –, mais aussi au-delà. Dans mes fantasmes libertaires, je me prends à rêver d’une forme d’union pouvant dépasser le couple, fondée sur la simple communauté d’intérêts, et pouvant donc dépasser également la sexualité, sans l’exclure pour autant (et toutes les sexualités). Mais c’est un rêve… Bon. Tant pis.
On pourrait se demander, dès lors, s’il n’y a pas contradiction à militer – à mon échelle, et avec mes maigres moyens – en faveur du mariage gay. Je ne pense pas. Parce qu’intervient alors la question de l’égalité des droits. Peu importe, dès lors, mon rejet global du mariage : le sujet, ici, c’est de savoir si les homosexuels peuvent se marier. Et, pour dire les choses crûment, il me semble que les gays ont parfaitement le droit d’être aussi cons que les autres. Non, plus sérieusement : le fait est que le mariage ouvre droit à un certain nombre d’avantages, dont rien ne justifie qu’ils soient limités aux seuls hétérosexuels. Et je n’ai encore vu aucun argument justifiant véritablement cette exclusion. On nous balance à la gueule des conneries comme le « contre-nature » ou la « porte ouverte » (si seulement !), mais qui ne se fondent jamais que sur la tradition (voir plus haut) ou la conviction, pour ne pas dire la foi, pour ne pas dire les préjugés. On me les a promis, les arguments pertinents contre le mariage gay. Je les attends toujours… Dès lors, si rien ne vient légitimer une différence de traitement, et si l’égalité est bien un de nos principes fondamentaux (je l’espère, du moins…), j’aurais presque envie de dire que la question ne se pose même pas (ou qu’idéalement elle ne devrait pas se poser) : bien sûr, que les homosexuels doivent obtenir le droit de se marier ; rien ne saurait l’interdire valablement, et c’est notre droit, de même que l’état de notre société, qui viennent l’exiger.
L’état de notre société, oui. Il y a une chose qui me sidère, dans ce débat (aha), c’est l’impression que donnent les opposants au mariage gay (faut-il vraiment parler de cet ultime con de Dassault ?) que l’ouverture du droit au mariage aux homosexuels « multipliera » l’homosexualité. C’est d’une stupidité sans nom. Déjà, j’aurais envie de dire : et quand bien même ? mais cela reviendrait sans doute à faire leur jeu. Essayons d’ôter leurs œillères : mariage ou pas mariage, les couples homosexuels existent (heureusement) déjà, et ce n’est pas cette modification législative qui va augmenter leur nombre ; il faudrait vraiment être le dernier des niais pour le croire.
De même, les familles homoparentales existent déjà. Et, ici, je dois confesser avoir évolué sur cette question. Longtemps – parce que, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, ce n’est pas comme si le débat (aha) venait tout juste de débarquer : en France, on en cause minimum depuis le pacs… –, longtemps, donc, si je n’avais aucune hésitation en ce qui concerne le mariage gay, j’étais plus réservé à l’égard de la filiation, et donc ici essentiellement l’adoption. Parce qu’il me semblait – et, à certains égards, c’est toujours le cas – que, dans ce cas précis, ce n’est cette fois pas une question d’égalité de droits qui se pose : je ne considère pas l’enfant comme un droit, voilà. Et c’est bien l’intérêt de l’enfant qui doit primer dans cette histoire. Aussi avais-je quelques doutes… Je ne les ai plus. Tout simplement, donc, parce que les familles homoparentales existent déjà, et n’ont, une fois n’est pas coutume, pas attendu la loi pour exister (celle-ci a presque toujours un temps de retard) ; or, on n’a pas constaté de différences significatives dans le sort des enfants élevés par une famille homoparentale. Ici, c’est l’empirisme qui parle, et, du coup, là encore, les prétendus arguments des opposants (on retrouve inévitablement ce stupide « contre-nature ») ne tiennent pas la route. J’ai cru, un temps, que l’intérêt de l’enfant pouvait justifier ici une différence de traitement ; mais le simple fait de regarder un peu ce qui se passait autour de moi a suffi à me convaincre que cette exclusion n’était pas plus légitime que celle concernant le mariage (même si, donc, je ne la fonderais pas cette fois sur l’égalité de droits). J’ajouterais qu’à l’heure actuelle, on ne compte pas les familles monoparentales, et que, du coup, faire péter le scandale au nom du ridicule « un papa, une maman » est d’autant plus stupide. Et comme le disait une pancarte qu’on a vu circuler dans les manifestations et sur les réseaux sociaux, « Mieux vaut avoir deux mamans [ou deux papas, d’ailleurs] qu’un père et une mère homophobes ».
Parce que, en définitive, c’est bien l’homophobie, quoi qu’en disent les principaux intéressés, l’aberrant Mgr Vingt-Trois en tête, qui fonde l’hostilité au mariage gay. Un préjugé qui vaut bien le racisme et toutes les autres formes de haines communautaires. Fut un temps, après tout, où l’on considérait que l’union, disons d’un Noir et d’une Blanche, mais vous pouvez varier les exemples, était « contre-nature » ; qui oserait le prétendre aujourd’hui, à part les derniers des fafs ? Imaginerait-on des manifestations contre le mariage interracial dans la France de 2012 ? Imaginerait-on même le simple fait de se poser la question ? Me semble bien que non, et c’est tant mieux (j’ai beaucoup de raisons de désespérer de l’humanité en général et des Français en particulier, mais pas sur ce point). Or c’est la même chose en ce qui concerne le mariage homosexuel… La vérité, c’est que, dans cette affaire, les opposants, les manifestants au premier chef, ne font qu’étaler leurs préjugés au grand jour. Et on peut légitimement se demander pourquoi : après tout, ce n’est pas comme si on les obligeait eux à se marier avec quelqu’un du même sexe ! C’est comme s’ils avaient le sentiment terrorisé que légitimer juridiquement l’union homosexuelle reviendrait à leur caler une grosse bite dans le cul. Ben non. On peut trouver ça dommage, en même temps : y en a, ça leur ferait du bien…
Dès lors, le mariage homosexuel, de même que la filiation homoparentale, me paraissent non seulement justes, mais nécessaires. Et, pour ma part, je ne tolèrerai pas de la part du gouvernement de reculade à cet égard. Disons les choses : j’ai, par défaut mais j’assume, voté François Hollande aux deux tours de l’élection présidentielle. D’une part, parce qu’il était moins pire que Naboléon ; d’autre part, non pour des raisons de politique économique (j’ai tendance à croire qu’à l’heure actuelle il est difficile, voire impossible, pour un gouvernement réformiste de se montrer efficace en la matière), mais pour les réformes sociétales que l’on était en droit d’en attendre. Le mariage gay en est une, et non des moindres. Et quand j’ai entendu notre cher président parler de la « liberté de conscience » des maires en la matière, j’ai sauté au plafond, et trouver ça parfaitement scandaleux. Vous me direz – on me l’a dit – que cela ne change pas grand-chose, un maire n’étant jamais obligé de célébrer lui-même le mariage. Sauf qu’il y a le contexte – balancer ça après les manifs, et notamment celle des connards de Civitas, c’était d’une maladresse achevée – et le symbole – or les symboles ont une importance considérable en politique. Parlerait-on de « liberté de conscience » pour un maire qui refuserait de célébrer un mariage entre un Noir et une Blanche ? J’espère bien que non ! Employer ce terme de la sorte, c’est procéder, dans un sens, au même détournement qui nous a vus, ces dernières années, souiller la belle notion de laïcité… Et le droit doit bien être le même pour tous. Montesquieu disait du juge qu’il devait être « la bouche de la loi » ; il en va à mon sens de même de tous les agents publics, qui n’ont pas à opposer leur « conscience » (un bien grand mot !) au droit français, sauf cas extrêmes – en l’occurrence, le commandement d’une autorité supérieure, comme les droits de l’homme.
Dernier point, qui a suscité cet article. On m’a donc dit, je cite : « tu penses pas que ce qui se passe en Palestine occupée est autrement plus important que le mariage gay ? » Et j’avouerai, cher(s) ami(s), que ça m’a énervé. Bien sûr que ce qui se passe en Palestine (ou en Syrie, ou ailleurs, les exemples ne manquent hélas pas) est d’une gravité extrême, et, si l’on y tient, « plus important ». Sauf que, à raisonner de la sorte, on n’en branle pas une : il y a TOUJOURS « plus important » ou « plus grave » ; est-ce une raison valable pour laisser de côté les autres questions ? Bon sang, j’espère bien que non ! D’autant que là, dans cette espèce, il est possible d’agir : le mariage gay est à portée de main, certainement pas la fin du conflit israélo-palestinien. Alors inutile de me parler de ça, ou, pire encore (et hélas on a vu ça, essentiellement dans les rangs de la droite), de la « crise », pour justifier un certain dédain pour cette question, et me détourner de mon engagement. Désolé, les gens, mais c’est pas la bonne méthode ; ça ne marchera pas.
Alors j’attends toujours les arguments des opposants. En attendant, malgré Dassault, malgré Vingt-Trois, malgré Civitas (ou à cause d’eux…), mais aussi malgré Hollande, malgré la « crise » et malgré la Palestine, je continuerai, avec mes maigres moyens, de m’engager en faveur du mariage gay.
Ce soir, la science-fiction (et plus largement la littérature) russe (et plus largement mondiale) a perdu un très grand monsieur : Boris Strougatski s'est éteint. Il était notamment le coauteur avec son frère Arkadi de l'extraordinaire Stalker, mais aussi, pour m'en tenir à ceux que j'ai évoqués sur ce blog interlope, de L'Île habitée et de Il est difficile d'être un dieu. Tristesse.