Des critiques "négatives" et toutes ces sortes de choses
(Je reprends ici en substance quelques messages postés sur le forum d’ActuSF lors d’un *aheum* débat récent. Non que je prétende y inventer la poudre, et j’ai bien conscience d’enfoncer un certain nombre de portes ouvertes, mais comme le sujet m’intéresse…)
Bien que ne revendiquant pas pour ma part le statut de « critique » (ça veut dire quoi ? je précise cependant à l’intention des spécieux que revendiquer de ne pas être un critique et ne pas revendiquer être un critique, ce n’est pas tout à fait la même chose, ce qui, à mon sens, fait que je ne me contredis pas dans les lignes qui suivent…), et préférant toujours parler de comptes rendus pour ce que je fais sur mon blog (ce qui ne relève pas intégralement de l'enculage de mouches), je suis plus qu'agacé par le quasi-consensus (à mes yeux, en tout cas) autour d’un discours « anti-critique » qu'on a pu lire notamment ces derniers temps sur le forum d’ActuSF, qui devient décidément de plus en plus un forum d'auteurs (qui réclament de la politesse en se montrant particulièrement agressifs, qui plus est), où les autres n'ont plus qu'à fermer leur gueule, quitte à se laisser humilier en direct.
Je ne suis originellement pas revenu sur l'histoire de la comparaison et des prix littéraires, mais, ici, je peux me le permettre. Les habitués du forum se souviennent de la bronca qui avait suivi la comparaison par un internaute de Rêves de Gloire et de D’or et d’émeraude… chose qui m’a paru bien hypocrite, pour le coup. La comparaison est un réflexe naturel et bien légitime, et il ne me paraissait pas inopportun, a fortiori sur un site organisant un prix de l’uchronie, de comparer deux uchronies de parution récente. Ce qui nous amène aux prix littéraires, dont l’essence même est la comparaison. N’y a-t-il pas comme une contradiction à s’élever furieusement contre un critique qui compare deux livres, d’une part, et d’autre part à participer ou à faire l’éloge de prix littéraires, qui ne fonctionnent que sur ce principe, et de manière sans doute bien plus arbitraire ? Il me semble bien que si… Et je dirais même que, pour ma part, si la comparaison effectuée par un critique ne me choque en rien, celle qui est impliquée par l’attribution d’un prix littéraire, que l’on sait parasitée par bien des éléments dont le copinage n’est pas le moindre, me paraît bien plus contestable. Mais j’avoue une certaine méfiance à l’égard de ces prix… et, dans un sens, ce sont les prix « négatifs » tels que les Razzies, revendiquant hautement leur mauvaise foi, qui me paraissent souvent, peut-être pas les plus pertinents – surtout ces derniers temps – mais en tout cas, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, les plus « honnêtes ».
Ce qui nous amène au point essentiel de mon propos, à savoir les critiques dites « négatives ». En dépit de ce que certains ont pu affirmer, il y a bien eu sur le forum d’ActuSF une condamnation de principe des critiques « négatives » (et pas seulement des critiques « agressives »). Ce qui me paraît absurde au plus haut degré. Je ne vois pas en quoi dire du bien d'un livre serait plus légitime que d'en dire du mal. Je dirais même que la fonction du critique (si tant est que le critique ait une fonction…) implique de faire les deux, et de noter aussi ce qui cloche dans un bouquin par ailleurs globalement bon. C'est son boulot. Sinon, c'est de l'hypocrisie.
Les critiques « agressives » ? Ben, désolé, mais quand un bouquin est merdique, y a pas forcément 36 000 moyens de le dire. J'ai moi-même (en dépit de ce que l’on peut penser) rarement commis de telles critiques (ou de tels comptes rendus). Mais je ne regrette pas un instant celles (ou ceux) que j'ai pu faire. Et qu'on ne vienne pas me parler « d'ego fragile » ou de « sensibilité de l'auteur » : quand on publie, on s'expose. C'est l'jeu ma pôv' Lucette. Si on n’est pas capable d'accepter ce simple fait, mieux vaut changer de métier.
Sur le microcosme et le copinage, je pouffe. Je ne vois pas en quoi le fait que tel bouquin ait été publié par un « copain » ou par un « ennemi » devrait faire la moindre différence dans une critique. S'il peut être nécessaire de temps à autre de clarifier les choses sous cet angle (ce que j'avais fait, à titre d'exemple, en rendant compte de ma lecture de Rêves de Gloire) pour que le lecteur dispose de tous les éléments pour juger, ça ne doit pas non plus parasiter complètement l'activité critique. Désolé, mais si un « ami » a fait un bouquin mauvais, je le dirai. Si un « ennemi » a fait un bon bouquin, je le dirai aussi. Cela peut certes trouer le cul, mais c’est une question d’honnêteté. Il n'y a que dans le cas où j'ai moi-même « participé », à mon maigre niveau, à la sortie d'un bouquin que je me refuserai d'en dire du bien ou du mal (je parle alors très précisément de « pub copinage », et là, par contre, ça me paraît la moindre des choses). Tout le reste n'est, encore une fois, qu'hypocrisie. Bordel, c'est si compliqué que ça de faire preuve d'honnêteté ?
Un mot sur les SP, tant qu'on y est. Le mot magique ! Qu'est-ce que ça peut foutre que le bouquin que l'on chronique soit un SP ou pas ? Là encore, c'est honnêteté contre hypocrisie. Et, quant à moi, en dépit de certaines accusations, je précise qu'il est très rare que je reçoive des SP (c'est généralement le cas pour mes critiques dans Bifrost, ça l'était aussi du temps du Cafard, mais, sur mon blog, c'est vraiment exceptionnel). Je ne vois pas, à titre personnel, ce que cela change, dans la mesure où je rends compte de ma lecture d'un SP de la même manière que je le ferais pour tout autre bouquin payé avec mes sous à moi (la très grande majorité, donc).
Enfin, je n'interviendrai pas dans les querelles personnelles dont ce forum est coutumier, je n'en ai rien à foutre. Mais ça me semble bien montrer que les auteurs (on pourrait mettre un grand « H ») n'ont vraiment pas besoin des critiques pour se tamponner la gueule. Des querelles de bac à sable comme celles auxquelles on a pu assister ici et ailleurs, ça figure parmi les traits les plus détestables du fandom.
Une précision supplémentaire : je n'ai jamais prétendu imposer ma vision des choses à qui que ce soit. J'ai pris le parti de rendre compte de tout ce que je lisais ; bon, c'est un choix, par nature très contestable. Je refuse simplement que l'on vienne me dire (à moi, je, me, myself, I), ou à d'autres qui partagent mon point de vue, « C'est mal de faire des critiques négatives », ou « C'est mal de faire des critiques agressives », ou « C'est mal de critiquer dans tel ou tel sens les copains/ennemis », ou « C'est mal de chroniquer des SP ». C'est là qu'il y a une généralisation abusive. Maintenant, si d'autres ont des principes différents, tant mieux pour eux. Chacun sa manière de faire, je ne prétends pas détenir la Vérité Révélée, ou avoir une mission « d'éducation ».
Dernier point, concernant le « sérieux » des critiques ou comptes rendus. La question a été agitée ici ou ailleurs, et ne me paraît pas totalement étrangère à ce *aheum* débat. Pour ma part, et j’espère que l’on ne m’accusera pas pour autant de trop me prendre au sérieux, je n’adhère pas à l’idée selon laquelle ce que l’on écrit sur les blogs ne prêterait pas à conséquence, que ce soit au nom du fun ou de l’amateurisme ou de ce que vous voudrez. J'aborde (ou du moins j’essaye…) mes comptes rendus sur mon blog et mes critiques sur d'autres supports de la même manière et avec le même sérieux (en tout cas, j'en ai l'impression). La différence, c'est l'implication du « je », qui ne passe pas dans une critique, alors que je me sens libre d'en user et abuser sur mon blog (paske c'est chez moi et j'y fais tout qu'est-ce que j'veux, d'abord). Aussi, que l’on « critique les critiques » (ou, tout autant et pour les mêmes raisons, les comptes rendus, etc.) me paraît bien évidemment légitime. C’est la critique « systématique » qui me hérisse.
Maintenant, si d’autres ont un point de vue différent à faire partager, qu’ils n’hésitent pas : ils sont les bienvenus.