L’an dernier, je me plaignais de n’avoir pas écouté beaucoup de trucs « nouveaux » en 2017. J’émettais le vœu pieux de me tenir un peu plus au courant de l’actualité musicale en 2018… mais, sans vraie surprise, ça n’a pas exactement été le cas, hélas. Quand vient l’heure de dresser (malgré tout) le bilan, je n’ai pas grand-chose à mentionner. Non que l’année ait été spécialement mauvaise musicalement parlant, ou que « la musique de là maintenant c’est forcément nul par rapport à quand j’étais djeunz » (pitié, non, j'ai été ado au moment du néo-metal...), c’est juste que, vieux con avant l’heure, je n’ai peut-être plus la même curiosité qu’avant. La dématérialisation de la musique n’y aide peut-être pas, non plus, pour quelqu’un qui achetait beaucoup de disques il y a quelques années encore et avait peut-être du coup davantage tendance à s’y investir qu'en zonant sur YouTube ou Spotify. Ou alors c’est juste un énième prétexte à la con…
Bref : pas grand-chose de neuf cette année non plus. Mais je vais quand même faire un peu de tri, pour le principe…
Mon album préféré, cette année, a probablement été The Sciences, le grand retour des légendes doom-stoner Sleep, et leur premier album en, euh, quinze ans ? Voire plus, le légendaire Dopesmoker ayant en fait été conçu des années plus tôt… Quoi qu’il en soit, le groupe a bien géré la pression (enfin, le bong…), et The Sciences s’est avéré un excellent album dans son genre, avec une production idéale ; du gras, du lourd, du lent, du long – la guitare et la basse (davantage en avant qu’autrefois, ai-je l’impression, peut-être une conséquence de l'aventure Om ?) qui s’enchevêtrent au fil de riffs interminables et faussement simples, une rythmique lourde et groovy en même temps… Difficile d’isoler une piste dans ce magma enfumé (enfin, disons qu’on ne peut pas faire comme avec Dopesmoker et dire que le meilleur morceau de l’album est « Dopesmoker »), l’ensemble est de très haute tenue – mais parce qu’un hymne ne fait pas de mal de temps à autres, le relativement bref « Marijuanaut’s Theme » pourrait faire l’affaire.
En même temps, « Sonic Titan » porte bien son nom, et « Giza Butler » est un hommage bienvenu à qui vous savez… Alors yep : on fera difficilement de Sleep un groupe « actuel », hein, mais si je devais voter pour mon album de l’année, oui, ça serait probablement The Sciences.
À noter, le guitariste Matt Pike peut se permettre d'apparaître deux fois dans l’étique top de cette année, puisque son groupe High on Fire, plus orienté thrash avec des morceaux de punk dedans mais pas que, a également sorti un album très recommandable avec Electric Messiah (voici par exemple le morceau-titre). Paraîtrait que ce serait un hommage à Lemmy ? Ce qui se tiendrait, en fait… Bon, maintenant, Sleep est bien plus ma came (aha qu’il est drôle aha) que High on Fire, mais l’occasion fait le larron, et je n’ai vraiment pas écouté grand-chose de neuf cette année…
Mais il n’y a pas que le gras dans la vie – y a l’électronique aussi. En cette année 2018, l’album electro qui m’a le plus parlé est probablement Singularity de Jon Hopkins – même s’il m’a considérablement moins retourné que son excellentissime prédécesseur Immunity, que je continue de m’écouter très régulièrement (à vrai dire, « Open Eye Signal » demeure mon morceau de prédilection pour les transports en commun, à défaut de skate – oui, en boucle, c’est carrément fait pour). En même temps, c’est un album dans la continuité (peut-être un peu trop, diraient certains ?), et cette house triturée à l’ambient comme au glitch parle toujours à mes oreilles. Isolons peut-être le morceau « Everything Connected », je crois que c’est le truc de cette année que j’ai le plus écouté et réécouté – ouais, probablement mon morceau de l’année, dès lors, même si pas au point de « A Solitary Reign » de Amenra l’année précédente (dans un tout autre genre, certes).
Quant au tube de l’année, il se trouve probablement sur le nouvel album de Janelle Monáe, Dirty Computer. La dame qui prise la SF et pas qu’un peu figure parmi les personnalités les plus intéressantes de la musique populaire de ces dernières années (au point en ce qui me concerne d’écraser toute la concurrence en RnB – s’il est pertinent de la ranger là-dedans et à vrai dire je n’en sais rien). Je ne saurais pas classer cet album par rapport à ses prédécesseurs, mais il m’a paru de qualité (même si ma pudibonderie tragique et navrante m’éloigne un peu de sa version vidéo décidément ultra-sexe), et si je ne crois pas y avoir décelé de tube parfait comme l’incroyable « Dance Apocalyptic » en son temps, je suis quand même très tenté d’isoler le très princesque et charnellement funky « Make Me Feel », que j’ai beaucoup fait tourner cette année.
(Et, oui, je sais : High on Fire qui paye son tribut à Lemmy et Janelle Monáe à Prince, c’est à croire que, même dans un top pas si tip 2018, il y a des macchabées musicaux du tragique hiver 2015-2016 qui squattent encore ma playlist… En cherchant bien il y a forcément aussi Bowie quelque part, hein ? Mais je vous arrête tout de suite : Sleep rend certes hommage à Geezer Butler, mais celui-ci est bien vivant, alors bon !)
(…)
(Je suis vieux.)
Côté sympa, pas renversant, non, mais, oui, sympa, voire un peu plus que ça, j’ai bien aimé Stranger Fruit, de Zeal and Ardor, projet qui ne me paraît toujours pas aussi génial qu’il devrait objectivement l’être, et en tout cas probablement pas tout à fait à la hauteur de son buzz, mais ça reste intéressant, aucun doute, et cet album me paraît plus cohérent et solide sur la durée que son trop inégal prédécesseur Devil is Fine. Peut-être parce qu’il s’excite un peu plus, dans sa veine black metal, des morceaux comme, mettons, « Don’t You Dare », parvenant bien mieux qu’avant, à mes oreilles, à réaliser la synthèse recherchée (il y en a d’autres, « Waste » par exemple).
Sans avoir été totalement convaincu, je suppose que l’album collaboratif de Venetian Snares et du vétéran Daniel Lanois, répondant au nom inventif de Venetian Snares x Daniel Lanois, était plus qu’honnête dans son genre, même avec quelque chose d’un bricolage (ou d’un jazz du XXIe siècle, à en croire les principaux intéressés).
En parlant de titres inventifs, Dead Cross, qui avait fini dans mon top 2017 avec son premier album intitulé Dead Cross, peut à bon droit squatter également le présent top 2018 avec son EP... intitulé Dead Cross EP (c’est bien, sont pas chiants, comme gars). Le principe même de cet enregistrement ne lui permet pas forcément de se placer au même niveau que le reste dans ce bilan, mais, outre deux remixes qui confèrent à ce projet une dimension un peu metal indus pas dégueu, on y trouve du bon méchant foufou comme dans l’album qui précède, et, si dire du clip de « My Perfect Prisoner » qu’il est le meilleur de l’année serait peut-être un peu abusif, on reconnaîtra sans peine qu’il est celui qui passe le mieux au p’tit-déj’.
Mais je crains de ne pas pouvoir en dire beaucoup plus. J’ai bien écouté quelques autres trucs çà et là, et qui m’ont plu, mais pas forcément au travers d’un album précis (Author & Punisher par exemple) ; d’autres, sans forcément me déplaire, m’ont laissé un peu indifférent (comme Strangled de L’Enfant de la Forêt) ; d’autres enfin ne m’ont pas du tout parlé, mais parfois tout simplement parce que ce n’était pas ma came à la base, comme Ámr d’Ihsahn (trop prog et mélodieux pour ma pomme, et j’avais simplement tort de vouloir y retrouver du Emperor quand ce n’était pas le propos).
Ça fait un sacré bail que je n’ai pas chroniqué de musique sur ce blog… La disparition du Blog des Immortels n’a rien arrangé à l’affaire, mais, je ne vais pas me voiler la face non plus, le problème, et depuis bien avant ça, c’est moi : est-ce flemme, manque de curiosité, conservatisme de vieux con, le fait est que je ne me tiens guère au courant de l’actualité musicale, et tends à me repasser sans cesse les mêmes vieux machins.
2017 a sans doute constitué une nouvelle preuve de ce triste état des choses : j’ai très peu écouté de nouveautés, et peut-être faudrait-il en sus employer des guillemets de toute façon, car aucun des albums que j’ai écoutés avec un tant soit peu d’attention n’est à proprement parler le fait de p’tits jeunes – en fait, il n’y a aura dans les lignes qui suivent qu’un seul « premier album »… mais c’est celui de Dead Cross, et je ne peux pas vraiment prétendre que Mike Patton et Dave Lombardo soient très exactement des inconnus à mes oreilles – putain, ils sont la raison même pour laquelle j’ai écouté cet album…
Tentons quand même de dresser un bilan, ultra personnel et honteusement lacunaire donc
CE QUE J’AI ADORÉ
Déterminer le tiercé gagnant de cette année 2017 n’est guère compliqué. Attribuer une place précise sur le podium à chacun de ces albums, c’est autre chose.
J’imagine que nous pourrions commencer avec American Dream, de LCD Soundystem.
Bien placée au classement des reformations qui ne surprennent personne, la bande à James Murphy n’en a pas moins parfaitement maîtrisé son come-back – y compris en teasant avec la diffusion préalable de plusieurs titres de qualité, dans des registres assez variés (« American Dream », « Call the Police », et peut-être surtout le clippé « Tonite », vraiment bon).
Sur le moment j’avais lu quelques retours sans doute un peu snobinards, et qui se pinçaient le nez devant cette reformation « de gens qui n’avaient plus rien à dire »... Je trouve ça absurde : American Dream est un très bon album, bien meilleur en ce qui me concerne que This is Happening, et peut-être aussi que LCD Soundsystem, album séminal sans doute, mais qui valait surtout pour son deuxième disque débordant de tubes ; pas loin, en fait, de Sound of Silver?
Surtout, Murphy et compagnie m’ont paru atteindre ce rare équilibre qui les caractérise dans les meilleurs moments, entre gimmicks discoïdes bondissants et chavirants, pop léchée aux mélodies subtilement imparables, et ton aigre-doux, parfois ludique, parfois mélancolique.
Un très beau retour, donc.
Hipster peut-être, mais on s’en fout.
Autres vieux croûtons qui s’étaient séparés un temps, mais dont la reformation date cette fois de quelques années déjà, les post-rockers kanadiens de Godspeed You! Black Emperor ont livré en 2017 un très bon Luciferian Towers, qui m’a bien autrement convaincu que leur précédent titre, en 2015, Asunder, Sweet and Other Distress, qui m’avait globalement laissé indifférent. On n’atteint peut-être pas le niveau exceptionnel de l’album de la reformation, l’excellent Allelujah! Don’t Bend! Ascend!, qui comprenait notamment le sublime « Mladic », mais Luciferian Towers, album d’une belle cohérence, qui m'a fait l'effet d'être moins sombre que les précédents, limite pêchu parfois (limite, hein), constitue une fresque musicale continue des plus forte, où c'est l'ensemble qui compte, avec son unité – il va de soi que je péterais les rotules de quiconque qualifierait ce son de « rock progressif », mais, étiquette ou pas, j’ai trouvé que cela fonctionnait remarquablement bien, sur un mode entêtant et envoûtant caractéristique des plus forts titres du groupe (bon, sans aller jusqu’au scandaleusement parfait et déprimant au possible « Sleep », sur Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven).
Ces deux albums sont excellents. Mais je crois que celui que j’ai préféré, en 2017, a été conçu par un groupe, certes déjà très appréciable et depuis quelques années tout de même, mais qui faisait sans doute moins figure de pointure : Amenra, pour l’excellent album sobrement intitulé Mass VI.
Post-metal ou post-hardcore, ou doom, ou sludge, je ne sais pas, et qu’importe : ce groupe belge est brillant. Noir, oui, mais brillant. Dans la galaxie doom/stoner/sludge, où je me sens bien mais où la créativité n’est pas toujours le maître mot, hein, à force de variations méga-lourdes, méga-grasses, méga-lentes sur le Black Sabbath première période (et j’y reviendrai), Amenra a bien davantage de personnalité, et produit une musique immédiatement identifiable ; et les hurlements à s’arracher la gueule dans une inqualifiable torture de Colin H. van Eeckhout y sont clairement pour quelque chose. C’est aussi, disons-le, horriblement dépressif – j’apprécie les musiques sombres, mais peu me sont aussi agréablement insupportables de douleur…
Mass VI est un album sublime, donc – qui m’a fait redécouvrir ce qui précédait, au point de la passion : voyez par exemple ce concert à l’Ancienne Belgique, c’est très fort (même si le trip maso-body art-truc, c’est vraiment pas pour moi).
Amenra, par ailleurs, n’a pas seulement conçu l’album que j’ai le plus écouté cette année, ils y ont aussi inséré le morceau que j’ai le plus écouté cette année (et non, les deux choses ne vont pas toujours de pair) : le parfait « A Solitary Reign », qui m’a littéralement scotché par terre à la première écoute et a systématiquement continué à le faire par la suite – et ceci alors même qu’ils y osent le chant clair sur fond metal, pratique qui, 90 fois sur 100, me vrille douloureusement les oreilles. Remarquable. Peut-être même parfait. Ce qui lui valait bien, sous sa forme clippée, d’introduire cet article.
CE QUE J’AI AIMÉ
Voilà pour les trois albums que j’ai adorés cette année. D’autres m’ont beaucoup plu, sans atteindre le même niveau.
Ainsi du premier album de Dead Cross, intitulé… Dead Cross. Pas exactement des débutants – même si l’expression de « super-groupe » fait toujours un peu peur, et le plus souvent à raison, aussi vaut-il mieux la laisser de côté.
Quoi qu’il en soit, on y retrouve l’hyperactif Mike Patton au chant et le mythique Dave Lombardo à la batterie – qui refont mumuse ensemble comme dans Fantômas jadis ; et, je ne vais pas vous mentir, ce sont surtout ces deux noms qui m’ont attiré dans tout ça : des deux autres membres du groupe, qui semblent avoir eux aussi plus d’une corde à leur arc, je ne savais absolument rien.
La promo de l’album a inévitablement joué la carte de la sur-référence, « aussi violent que Slayer et aussi fou que Fantômas » ; disons-le, Dead Cross n’est ni l’un, ni l’autre. Mais cela reste un beau concentré d’agressivité, avec le grain de folie qui fait la différence.
Dans le registre vieux con, j’ai relevé quelques réussites de groupes bien établis, voire plus que ça, et que j’écoute de temps en temps, sans pouvoir prétendre être vraiment un fan.
Ainsi de Body Count, la bande à Ice-T ayant sorti cette année Bloodlust. Pour être franc, l’album ne m’a pas plus marqué que cela (y compris pour sa très inutile sans doute reprise de Slayer, merci quand même), mais il reste très correct, et, surtout, comprend au moins un excellent morceau – que j’ai presque autant écouté cette année que « A Solitary Reign » d’Amenra : le rugueux « No Lives Matter », concentré de saine colère qui appuie là où ça fait mal ; le rap aigu de Ice-T est presque insupportable, et pourtant nécessaire – ce qui ne pouvait pas mieux illustrer le propos, j’imagine. Quoi qu’il en soit, cette tuerie rappelle que la fusion rap d’un côté, metal/hardcore de l’autre, a pu donner des choses indispensables, fût un temps. Là, on remonte à… je sais pas ; mais y a longtemps.
Je suppose que c’est aussi dans cette catégorie qu’il faut ranger deux albums que j’ai peu écoutés, mais appréciés tout de même sur le moment.
Ainsi, par exemple, de The Desaturating Seven de Primus, album concept et ça s’entend, et dont je ne sais pas dire si ça sonne comme du Primus ou pas comme du Primus, sans doute parce que je ne sais pas vraiment si Primus sonne comme quelque chose. Autre que Primus et la basse à Les Claypool, certes.
Je ne crie donc certes pas au génie, mais relève tout de même que ça fait deux années de suite que Ledit Claypool se tape l’incruste dans mes bilans musicaux – l’an dernier, c’était pour l’excellent Monolith of Phobos de The Claypool-Lennon Delirium, bien plus marquant cela dit (notamment pour l'excellent « The Cricket and the Genie ».
Ultime exemple dans cette catégorie ? Eh bien, je ne suis pas certain qu’on puisse véritablement parler d’un « album », ça semble plutôt relever de la compilation d’inédits, mais j’ai été très agréablement surpris par The Saga Continues du légendaire Wu-Tang Clan.
Pas de quoi me retourner, mais c’est tout de même bien bon – peut-être du rap pour vieux cons, ceci dit, surtout que je suis tenté d’y voir comme une Leçon assénée par les Maîtres.
Oh, et, si vous avez le temps, je vous enjoins de jeter une oreille sur le très pertinent album de NoëlMake America Say Merry Christmas Again!, signé Anal Trump.
QUELQUES DÉCEPTIONS
Hélas, l’année 2017, même avec peu de suivi de l’actualité de ma part, a connu son lot de déceptions…
La pire est probablement Igorrr, avec Savage Sinusoid – qui semble pourtant avoir convaincu beaucoup de monde, avec son côté « groupe » plus affirmé et un bon gros buzz.
Quant à moi, je n’y ai globalement pas retrouvé la folie jubilatoire et gentiment extrémiste de Hallelujah, l’album avec lequel j’avais découvert Gautier Serre, ce qui m’avait amené à remonter un peu la discographie du projet, avec une prédilection pour Nostril.
Ce qui me paraissait si joyeusement inventif a très vite tourné au cliché, au banal – et en même temps, les breaks me manquent, bordel !
Bon, en soi, ce n’est pas scandaleux – je ne dis pas non, à petite dose, pour un truc comme « Cheval », disons… même si, comme pas mal de choses dans cet album, ça dégouline un peu trop de technique.
Le sentiment global demeure celui d’espoirs déçus, me concernant – et je n’attends plus grand-chose d’Igorrr, du coup, même si c’est sans doute pas bien malin de ma part de me braquer comme ça.
Autre déception pour un album pour autant pas scandaleux mais dont j'attendais davantage : Electric Wizard et Wizard Bloody Wizard. Jus Osborne et ses copains ont livré un disque, allez, correct, mais qui m’a paru manquer d’âme – et de son, qui ne m’a pas semblé aussi calibré doom/stoner qu’auparavant, plutôt quelque chose comme du rock 70’s, plus généralement ? À tort peut-être – mais le « See You in Hell » supposé me teaser, esthétique connotée mise à part, m’avait passablement ennuyé. Et le résultat global ne m’a pas convaincu, dans cette lignée – monotone, lisse, fade… Aux antipodes d’un Dopethrone, forcément, mais aussi, trouvé-je, du précédent album, Time to Die, que j’avais vraiment beaucoup aimé.
Sentiment peut-être un peu comparable concernant le Shake the Shudder, de !!!, groupe qui reste parmi mes meilleurs souvenirs de concert, mais dont les albums sont tout de même bien inégaux. Je ne suis donc pas leur activité dans le détail, on va dire, mais de temps en temps j’accroche vraiment sur un morceau – « Freedom! ‘15 », il y a deux ans de ça, était une vraie bombe, que je me repasse régulièrement pour sautiller tout seul comme un con devant mon PC.
Concernant Shake the Shudder, ben, voilà : sur la durée, comme souvent, un vague ennui – et un manque d’implication de ma part, sans doute ; au point que je ne sais même pas que penser du lissage passablement house qui paraît toujours plus présent dans les productions du groupe.
Cela n’empêche pas que l’on y trouve quelques bons morceaux bien bondissants, comme « Dancing is the Best Revenge », ou plus encore « NRGQ », très efficace.
Par contre, Nic Offer reste en tête du classement des types qui ont le plus invraisemblablement la classe en short – à ce stade, on peut bien le dire, le classement est définitif, pour les siècles des siècles, amen (non, pas ra).
J’ai beaucoup écouté les groupes qui précèdent, au cours de ma misérable vie, mais sans doute pas autant Stupeflip ; un truc très malin, très bien pensé, pourtant – et des albums comme Stupeflip et The Hypnoflip Invasion (je ne suis pas très fan de Stup Religion) sont vraiment excellents ; des trucs pas seulement au-dessus du lot, mais carrément en dehors, à quelques années-lumière de là.
Après avoir bouffé je ne sais combien de fois le trio fatal enchaîné de The Hypnoflip Invasion, à savoir « Stupeflip vite !!! », « La Menuiserie » et « Gaëlle » (parfaitement, je suis fan de Pop Hip, c’est l’meilleur), j’étais tout de même bien curieux d’écouter le nouveau Stup Virus, financement participatif ou pas.
Ce n’est pas un mauvais album… mais je me suis quand même un peu fait chier. Rien qui m’ait vraiment emporté, quoi (comme dans Stup Religion, en fait). Et une tendance du C.R.O.U. à l’autoglorification qui relève peut-être des satanées manipulations narratives de l’auditeur dont ses membres sont coutumiers, mais je suis faible, et si le teaser « The Antidote » était assez correct, au bout de 54 « Stupeflip c’est trop bien et on t’pète la gueule d’abord » par morceau, j’ai l’impression étrange d’écouter un album de rap français – ou de Manowar, allez savoir.
Bien mais pas top ? Allez, positivons.
HORS-CONCOURS
D’autres titres sont hors-concours, mais pour des raisons très diverses, qui peuvent tirer vers le haut, vers le bas, ou nulle part et tant pis.
Tenez, les vieux papys de Black Sabbath, par exemple, qui tirent leur révérence (pour la dernière fois ?) avec The End, et attention, car il peut y avoir des confusions, je parle bien de l’album live (donc pas vraiment un album, d’où le hors-concours) enregistré à la Birmingham natale le 4 février 2017 pour clôturer la tournée du même nom, et la carrière de ce groupe très multiforme en même temps.
Si Tony « God » Iommi a fait la démonstration qu’il avait encore des putains de riffs sous le coude avec l’étonnamment très très bon 13, je me méfiais néanmoins de ce genre de concerts après m’être enquillé trop de vidéos où un Ozzy définitivement cramé (et trop souvent… ridicule, en fait) était complètement à côté de la plaque.
Le premier morceau de ce live, le séminal et grandiose « Black Sabbath » (eh), m’a fait très peur à cet égard – Ozzy adoptant un rythme un peu, euh, bizarre. Mais après, ça va, en fait – sans autotune, putain ?! Bon, il multiplie toujours les gamineries… Mais je suppose qu’on peut les lui pardonner sans trop de peine : qu’il s’amuse toujours autant depuis 1968, au fond, c’est plutôt un bon point, non ?
Si ce live pèche quelque part, à mon sens, c’est du côté de la batterie, avec un Tommy Clufetos remplaçant le légendaire Bill Ward, et dont le jeu m’a paru bien impersonnel (en même temps, hein…), terne et mou – l’interminable et très chiant solo de batterie sur « Rat Salad » me confirme dans cette opinion, bien loin d’arranger les choses.
Et pourtant, globalement, ce live (focalisé sans surprise sur la grande période avec Ozzy, hein) est vraiment bon – les riffs de Iommi sont toujours aussi parfaits, et Geezer Butler les sert bien de ses parfaits contrepoints. La bonne ambiance de l’ensemble, enterrement jovial, mérite bien qu’on confère à ces adieux une bonne note.
Bye Sabbath Bye.
D’autres albums sont hors-concours pour une tout autre raison : je ne les ai pas aimés, mais sans en déduire qu’ils étaient à proprement parler décevants, ou pire, mauvais – simplement qu’ils n’étaient pas pour moi.
Le meilleur exemple, ici, c’est le Deus Salutis Meæ de Blut Aus Nord : je n’y comprends absolument rien. Mais rien de rien. C’est trop pour ma pomme. J’avais adoré Memoria Vetusta III: Saturnian Poetry, somme toute récemment, mais cet album très « black metal classique » et qui m’évoquait pas mal le meilleur d’Emperor ne me préparait tout simplement pas à ce genre de productions autrement rudes, et qui me dépassent.
Il y a enfin d’autres albums que j’ai trouvés médiocres voire carrément mauvais, mais sans pouvoir parler de déceptions – tout simplement parce que je les ai écoutés par curiosité un peu perverse, sans rien en attendre, au fond.
Nine Inch Nails, par exemple – qui fut un de mes groupes cultes, il y a de cela une quinzaine d’années. Hélas, depuis, mon gars Trent Reznor s’est trop souvent vautré dans l’auto-parodie fadasse, même si ses albums instrumentaux, Ghosts I-IV et les collaborations avec Atticus Ross, contiennent encore quelques bons moments. Quand il chante, par contre, c’est foutu… « This is a Trent Reznor Song », quoi.
L’EP Add Violence, en dépit de son titre prometteur (...), est peut-être un peu moins calamiteux à cet égard, mais, bordel, la voix avec ses gimmicks, les riffs de gratte semi étouffés, les notules de piano à la con, les arrangements, j’ai déjà entendu tout ça bien trop souvent par chez toi, mon gars Trent, et ce n’est pas en glissant au pif un petit moment noise par-ci par-là que tu retrouveras les sommets de la création…
Enfin, cette année, j’ai fait un truc très improbable : j’ai essayé le Roger Waters nouveau (hein ? Quoi ?), titré Is This the Life we Really Want?, tout un programme, et, rassurez-vous, je n’ai pas tenu jusqu’au bout (forfait au bout de dix minutes max). Mais quelle idée de ma part, aussi… Même The Wall, qui fut ZE album pour moi à l’âge critique, j’ai du mal à le réécouter, alors les insupportables The Final Cut ultérieurs et compagnie, je vous raconte pas.
PEUT MIEUX FAIRE
Bilan pas très glorieux pour ma pomme, hein ? Mais certaines choses, quand même, qui marquent.
À l’heure des bonnes résolutions, je promettrais bien de me tenir un peu plus au courant en 2018, mais bon…
Et chroniquer sur ce blog ? Ben déjà que je trouve pas le temps pour le reste… Hein...
En ce moment, sur Facebook, c’est la folie des chaînes. Je ne m’en plains pas, j’aime bien.
Il y en a une sur les dix albums de musique essentiels, au sens notamment où ils ont donné envie de faire de la musique soi-même. Personne ne m’a tagué… Mais j’ai envie de répondre quand même, na. Sauf que dix, c’est vraiment impossible. Voici donc une liste de mes principaux jalons musicaux, dans l’ordre à peu près chronologique de découverte.
Pink Floyd, The Wall : Je n’ai pas tenté l’expérience depuis longtemps, mais je crois qu’aujourd’hui j’aurais beaucoup de mal à réécouter cet album hyper mégalo. Mais il m’a longtemps fasciné, et c’est grâce à lui que je me suis intéressé à la musique quand j’étais gamin.
Nirvana, Nevermind : L’album générationnel ? Aujourd’hui, je préfère In Utero, mais ce premier contact avait quand même quelque chose d’effroyablement bon.
Tricky, Maxinquaye : Découvert grâce à Bernard Lenoir, si je ne m’abuse lors de ma première écoute de son émission. Une baffe colossale.
PJ Harvey, To Bring you my Love : Mêmes circonstances, même effet. Un album proche de la perfection, de très loin mon préféré de la dame.
Jeff Buckley, Grace : J’ai mis un peu de temps à accrocher, et puis je suis tombé radicalement amoureux. Sa mort m’a profondément abattu ; je me souviens encore des gens qui se foutaient de ma gueule à l’époque : les mêmes se sont mis à chanter à tue-tête « Hallelujah » quelque temps plus tard (au point de m’écœurer de cette reprise).
Sonic Youth, Goo et Dirty : Découverts ensemble grâce à un cousin, aujourd’hui presque indissociables dans mon esprit ; mon premier contact avec ce groupe qui figure parmi mes préférés. Je suis en pénurie de superlatifs.
Underworld, Beaucoup Fish : Un des albums que j’ai le plus écoutés. Un sommet de la techno, qui a bleui mes rêves.
Une compil du magazine Metallian, je crois que c’était Metal Explosion 3 : Découverte fascinante du metal, pas celui de la radio, mais celui qu’on disait « extrême » ; tout n’était pas bon, loin de là, mais ça m’a fait un choc ; surtout le black metal, pour les images qu’il suscitait…
Nine Inch Nails, Fixed : Mon premier contact avec l’œuvre de Trent Reznor, par la face nord ; l’occasion aussi d’entendre parler pour la première fois de Coil et de Fœtus…
Ministry, The Mind is a Terrible Thing to Taste : La bible du metal indus (donc), ça reste encore aujourd’hui un de mes albums préférés tous genres confondus.
Aphex Twin, Richard D. James : On peut vraiment faire de la musique comme ça ? Sans déconner ?
Joy Division, Unknown Pleasures : Je sais que cet album a été écrit spécialement pour MOI.
Kraftwerk, The Man-Machine : Acheté en raison d’une curiosité un peu perverse ; sauf que j’ai été immédiatement conquis. Ca m’a amené à m’intéresser à plein de choses.
Godspeed You ! Black Emperor, Slow Riot for New Zerø Kanada : Entendu complètement par hasard sur une petite radio toulousaine, j’ai été bouleversé.
LCD Soundsystem, LCD Soundsystem : Parce que James Murphy est un génie et un passeur inégalé ; là encore, ça m’a amené à découvrir plein de choses. Yeah !
Fantômas, Suspended Animation : On peut vraiment faire de la musique comme ça ? Sans déconner ? (Bis.)
Coil, The Remote Viewer : Mon premier véritable contact avec Coil. Bluffant.
Brian Eno, Ambient 4: On Land : Ma véritable découverte de l’ambient, un gros choc.
Slayer, Christ Illusion : Parce que c’est l’album qui m’a ramené au metal et m’a fait redécouvrir Slayer, qui reste ZE groupe du genre.
Venetian Snares, Rossz Csillag Alatt Szuletett : Découvert sur les bons conseils d’un ami, qui savait que ça me plairait. Pas qu’un peu ! Cet album génial est en même temps lié pour moi à toute une palette d’émotions noires…
Sunn O))), White2 : On peut vraiment faire de la musique comme ça ? Sans déconner ? (Ter.)
Lustmord, The Place Where the Black Stars Hang : Ma véritable découverte de Lustmord, un traumatisme durable.
Coil / Nine Inch Nails, Recoiled (Cold Spring, 2014)
Tracklist :
01 – Gave Up (Open My Eyes)
02 – Closer (Unrecalled)
03 – The Downward Spiral (A Gilded Sickness)
04 – Eraser (Reduction)
05 – Eraser (Baby Alarm Remix)
J’étais au lycée. Je ne connaissais à peu près rien à la musique industrielle. J’avais entendu parler de Nine Inch Nails, mais n’en avais jamais écouté le moindre morceau. Cela m’avait l’air alléchant, toutefois… Je fréquentais à l’époque plusieurs disquaires (c’était il y a longtemps…), et, dans l’un, où je m’approvisionnais surtout en bootlegs, dois-je confesser, j’avais déniché pour pas cher Fixed, album de remixes de Broken, qui est sans doute à la fois la pire porte d’entrée pour NIN (parce que bien frappé de la tête, tout de même) et la meilleure (parce que bien frappé de la tête, tout de même). Rares sont les disques à m’avoir fait autant d’effet, et ce dès la première piste, stupéfiant remix du « Gave Up » de Nine Inch Nails par Coil, groupe dont je n’avais alors jamais entendu parler. Mais j’ai noté ce nom dans un coin de mon cerveau adolescent, pour plus tard… et, plus tard donc, je suis effectivement devenu fan de Coil en même temps que de Throbbing Gristle (mais j’aurais sans doute eu du mal avec la plupart des enregistrements de ces deux groupes à l’époque où j’avais encore plein de boutons sur la gueule). Mais, instantanément, je suis devenu fan de Trent Reznor. Et cet album m’a ainsi ouvert d’impressionnants horizons musicaux, insoupçonnés jusqu’alors…
Mais cessons de parler de moi, un peu (je tenais néanmoins à livrer cette introduction, dans la mesure où cette double rencontre a été un moment déterminant de mon éducation musicale). Et envisageons brièvement les relations entre Nine Inch Nails et Coil. L’admiration de Trent Reznor pour la légende de la musique industrielle (ou post-industrielle, comme on voudra) Coil n’est un secret pour personne (après tout, hein, How to Destroy Angels… qui n’est probablement pas le meilleur hommage que l’on pouvait faire au groupe de Peter « Sleazy » Christopherson et John Balance, mais c’est une autre histoire). Et le sieur Reznor avait ainsi fait appel au talent de ses prestigieux modèles sur Fixed (donc) et Further Down the Spiral (album de remixes de The Downward Spiral).
Mais il y en avait d’autres dans les cartons, qui avaient plus ou moins filtré, le plus célèbre sans doute étant « Closer (Unrecalled) », superbe pièce bien éloignée du tube originel et que l’on avait pu en partie entendre, joliment mise en image, dans le générique du Seven de David Fincher. À vrai dire, la quasi-totalité des cinq remixes composant Recoiled avaient déjà pu être écoutés auparavant (notamment dans un bootleg du nom d’Uncoiled). Mais il aura étrangement fallu attendre 2014, soit bien après le décès de Peter « Sleazy » Christopherson, sans parler de celui de son comparse John Balance, pour que ce Recoiled sorte officiellement sur le label Cold Spring.
Or, Coil qui reprend ou remixe, c’est tout un programme (quiconque en douterait est invité à jeter une oreille sur leur célèbre cover de « Tainted Love », voire à en regarder le clip bouleversant). Pas question, ici – d’autant que l’on procède « à l’ancienne » –, de faire preuve de fainéantise en habillant le morceau originel de quelques vagues variantes de plus ou moins bon goût et de se contenter de cela pour prétendre qu’il s’agit d’un nouveau titre… Coil, en remixant, s’approprie le morceau, en fait sa chose, et le soumet à toutes les tortures possibles et imaginables (voire les autres aussi) pour livrer une véritable nouvelle pièce, sans toutefois pousser le vice jusqu’à balancer quelque chose qui n’a plus aucun rapport avec le premier morceau (autre « vice » courant du remix, sans doute moins préjudiciable, mais qui peut parfois faire sourire). Le lien est là, on n’erre pas totalement en terrain inconnu, mais disons que le paysage subit quand même des distorsions pour le moins étonnantes.
« Closer (Unrecalled) », donc, en témoigne. Bien loin de l’entraînant tube de NIN (par ailleurs très surestimé à mon humble avis…), le morceau trituré par Coil devient inquiétant, maladif, et n’en est que plus superbe. Et pour le coup, si Trent Reznor veut toujours vous baiser comme des animaux, tous autant que vous êtes, il y a cette fois dans sa voix des accents qui font sonner cette déclaration d’intention comme une menace à ne pas prendre à la légère… qui est tout autant un appel à l’aide.
Mais c’est sur « Gave Up (Open My Eyes) » que s’ouvre l’album. Le morceau, sur le tard, est une variante de l’excellent remix déjà connu sur Fixed, sur lequel je me suis étendu plus haut. Aussi en retiendra-t-on avant tout cette introduction aussi superbe que déconcertante, lorgnant – une fois n’est pas coutume – sur les ambiances sombres et malsaines et en même temps étrangement planantes de Coil. Les nappes se marient harmonieusement aux hurlements et à une basse stupéfiante pour plonger immédiatement l’auditeur dans un monde autre ; on comprend bien vite que le voyage ne sera pas de tout repos, mais que le jeu en vaudra la chandelle.
Impression confirmée ultérieurement par le remix oppressant et imbibé du suicidaire « The Downward Spiral », et par deux variations sur l’excellent « Eraser », la première relativement calme, la seconde plus excitée, portée par ce fabuleux riff de guitare qui m’a tant fait frissonner depuis la première fois que je me le suis pris en pleine gueule. Des remixes toujours surprenants et bien vus, jusque dans leurs dissonances les plus déconcertantes, et à la production exemplaire. C’est peu dire que je prends mon pied à écouter tout ça.
Bilan sans appel, du coup. Indispensable pour les amateurs tant de Coil que de Nine Inch Nails, chaudement recommandé à ceux qui ne connaîtraient que NIN, mais aussi aux fans de Coil ne se retrouvant habituellement pas dans la musique certes plus accessible de Trent Reznor, Recoiled est un vrai bonheur. Rappel utile d’une époque où Nine Inch Nails était un projet palpitant (c’était il y a longtemps…), et où Christopherson et Balance pouvaient librement exprimer leur génie pour notre plus grand plaisir, cet album délicieusement vicieux, par ailleurs bel hommage posthume, m’a conquis de bout en bout. Jetez-vous dessus, c’est un ordre.