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Articles avec #nebal ecoute des bons disques tag

"The Place Where The Black Stars Hang", de Lustmord

Publié le par Nébal

The-Place-Where-The-Black-Stars-Hang.jpg

 

 

LUSTMORD, The Place Where The Black Stars Hang (Ant-Zen, 2013)

 

Tracklist :

 

01 – Sol Om On

02 – Aldebaran Of The Hyades

03 – Dark Companion

04 – Metastatic Resonance

05 – Dog Star Descends

 

Hop, ma chronique se trouve sur le site des Immortels.

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"Procession", de Desiderii Marginis

Publié le par Nébal

Procession.jpg

 

 

DESIDERII MARGINIS, Procession (Cyclic Law, 2012)

 

Tracklist :

 

01 – Come Ruin And Rapture

02 – Land Of Strangers

03 – Her Name Is Poverty

04 – Silent Messenger

05 – In Brightness

06 – Here’s To The Future (And The Harsh Frontier)

07 – Adrift

08 – Procession

 

 Hop, ma chronique se trouve sur le site des Immortels.

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"Ensemble Pearl", d'Ensemble Pearl

Publié le par Nébal

Ensemble-Pearl.jpg

 

 

ENSEMBLE PEARL, Ensemble Pearl (Drag City, 2013)

 

Tracklist :

 

01 – Ghost Parade

02 – Painting On A Corpse

03 – Wray

04 – Island Epiphany

05 – Giant

06 – Sexy Angle

 

Ensemble Pearl est, si l’on y tient, un « super-groupe » formé autour de Stephen O’Malley de Sunn O))), KTL et compagnie, et comprenant des membres de Ghost, Boris et Jessie Sykes & The Sweet Hereafter. L’ambition de ce premier album éponyme (fort attendu) est semble-t-il de livrer un rock (ou anti-rock ?) « cosmique » fleurant bon l’époque héroïque. Et il y a de ça, effectivement, un côté psychédélique ou krautrock agrémenté de sonorités vaguement western/surf (j’y reviens) ou bluesy trémolesques (avec du doom et du drone en prime, on ne se refait pas)…

 

Un super-groupe, c’est souvent alléchant, mais le résultat n’est pas toujours – voire rarement – à la hauteur des attentes du gogo-auditeur. Sauf que là, si. D’ailleurs, votre gogo de service s’est empressé de faire l’acquisition de la bête après l’avoir écoutée en streaming (sympathique initiative), et ne le regrette certainement pas : Ensemble Pearl est en effet à la base un très chouette album, mais – et c’est là une deuxième chose rare – il se bonifie en outre à chaque écoute. Alors que demande le peuple ?

 

Un compte rendu ?

 

Comme vous y allez…

 

Bon, je sens que ça ne va pas être facile, mais essayons.

 

L’album s’ouvre (étrangement ?) sur trois morceaux assez courts (tournant autour de cinq minutes, quoi), avant de se déployer sur un format plus ample, jusqu’au majestueux « Sexy Angle » d’une vingtaine de minutes, qui est très probablement la pièce de résistance de cet Ensemble Pearl (ce qui tombe plutôt bien, non ?). Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : le début n’est certes pas à négliger pour autant, et réserve de bien belles séquences. Pour continuer dans les généralités, on notera que les morceaux sont alternativement accompagnés de batterie ou pas (je sais, ça vous avance beaucoup). Tout cela est évidemment très lent, évidemment hypnotique, mais certainement pas évident. Et, très vite, on est séduit, puis conquis, avant de succomber définitivement en implorant « encore ! encore ! » tel un vulgaire esclave sexuel qui n’a pas eu sa ration de fouet.

 

(Oui, cette comparaison est merdique, mais je fais ce que je peux.)

 

Histoire d’être original, je vais suivre l’ordre des titres, hop. L’album s’ouvre donc sur « Ghost Parade » – c’est éloquent –, et c’est déjà fort bon. Une superbe introduction, aux relents de western spaghetti horrifique, bourrée d’effets du meilleur goût (la suite aussi, notez bien). C’est noir, c’est menaçant, c’est vaguement mélancolique aussi, c’est très bien.

 

Suit « Painting On A Corpse », qui introduit la batterie dans Ensemble Pearl, et est peut-être le morceau le plus « rapide » de l’album (mais tout est relatif, hein). Là encore, la guitare – très simple – sonne assez western, voire surf (si), mais c’est quand même plutôt la basse qui donne la ligne directrice. On continue dans les chouettes ambiances délicieusement sombres, pour un résultat qui ne saurait laisser indifférent.

 

« Wray » est très différent, sonnant plus ambient apaisé à base d’arpèges – ou de gammes – heureusement agrémentées de bizarreries diverses et variées, avec en outre un côté extrême-orientalisant pas dégueu. C’est néanmoins à mon sens le morceau le plus anecdotique de l’album. Ne nous y attardons donc pas (même si ce n’est pas franchement « mauvais » pour autant, hein).

 

C’est qu’on a envie de dire que les choses sérieuses (entendez : loooooooooooooongues) commencent avec le très bon « Island Epiphany ». Retour de la batterie, pour la peine, tiens, lente comme c’est pas permis (enfin, si), et jouant d’un écho presque dub. Pas vraiment de mélodie, du coup (non mais vous vous attendiez à quoi ?), dans ce psychédélisme noir, le riff étant tellement ultra-lent et maladif que, pour le coup, et malgré la rythmique, on ne peut s’empêcher de penser à Sunn O))), mais c’est planant (tendance doomesque, bien sûr) et délicieux (et là je ferais bien une parenthèse de plus, mais j’ai pas d’idée) (ah si, tiens, en fait).

 

« Giant » est, de tout l’album, le morceau qui tient le plus du drone (et même le seul, en fait), et on ne s’en plaindra pas, puisque ce sont des maîtres qui l’exécutent. Ceci étant, ça ne facilite pas vraiment le commentaire… Contentons-nous donc de dire que c’est bel et bon, car c’est bel et bon.

 

Et Ensemble Pearl de se conclure sur un vrai chef-d’œuvre avec le si long si bon si lourd si sexy si anglesque « Sexy Angle ». Que dire ? C’est superbe. Une merveille d’hypnotisme qui plonge l’auditeur dans une semi-transe fiévreuse et ouatée à la fois. Vingt minutes de pur bonheur spleenesque, qui récapitulent ô combien pertinemment le meilleur de cet album. Et on en redemande, de ce trémolo.

 

Donc voilà : Ensemble Pearl, pour un coup d’essai, est un coup de maître, et, dans l’ensemble, c’est une perle (pardon). Et Ensemble Pearl n’est pas seulement un super-groupe : c’est un groupe super.

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"Hallelujah", d'Igorrr

Publié le par Nébal

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IGORRR, Hallelujah (Ad Noiseam, 2012)

 

Tracklist :

 

01 – Tout Petit Moineau

02 – Damaged Wig

03 – Absolute Psalm

04 – Cicadidae

05 – Vegetable Soup

06 – Lullaby For A Fat Jellyfish

07 – Grosse Barbe

08 – Corpus Tristis

09 – Scarlatti 2.0

10 – Toothpaste

11 – Infinite Loop

 

Hop, ma chronique se trouve sur le site des Immortels.

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"V", de KTL

Publié le par Nébal

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KTL, V (Mego, 2012)

 

Tracklist :

 

01 – Phill 1

02 – Study A

03 – Tony

04 – Phill 2

05 – Last Spring: A Prequel

 

Je plaide coupable : quand bien même le genre m’intéresse a priori, je ne m’y connais guère en matière de drone. Bon, il y a une exception de taille, certes, et c’est Sunn O))), que j’adore. Ce qui tombe plutôt bien, dans la mesure où KTL est un des innombrables projets de Stephen O’Malley – de Sunn O))), donc –, qui est décidément de tous les bons plans (je vous parlerai sans doute prochainement du premier album d’Ensemble Pearl, à titre d’exemple), cette fois avec Peter Rehberg (Pita). Il s’agissait à l’origine d’un projet d’illustration sonore pour le spectacle Kindertotenlieder de Gisèle Vienne et Dennis Cooper – et même si KTL s’en est relativement émancipé, cela a laissé des traces jusque sur cet album, mais on y reviendra.

 

Problème : comment chroniquer du drone ? Certes, je me suis déjà livré à des comptes rendus d’ambient ou d’indus, mais la tâche m’apparaît encore plus délicate cette fois… Bon, essayons quand même. Et commençons par dire que cet album mêlant habilement électronique et guitares (et plus puisque affinités, voir plus loin) s’inscrit à mon sens dans la filiation du phénoménal White2 de Sunn O))) (on y revient toujours, mais après, promis, j’arrête), ce qui est plutôt un bon début.

 

La pochette de Mark Fell – assez jolie, d’ailleurs, et en tout cas lumineuse – ne doit pas nous tromper : la musique de KTL est dans l’ensemble fort sombre, et constitue – ici, en tout cas, je ne m’engagerai pas pour ce qui est des précédents enregistrements – une bande-son fort adéquate pour spectacle horrifique (à l’exception peut-être de l’extraordinaire « Phill 2 », ma piste préférée de l’album…), ou du moins morbide (après tout, Kindertotenlieder, hein…). Et il y a toujours quelque chose de menaçant dans les drones de KTL, quelle que soit la forme qu’ils adoptent.

 

En témoigne d’emblée l’angoissant et subtil « Phill 1 », qui mêle avec adresse drones vrombissants et notes plus aériennes, mais dans le genre spectral. Le résultat est imparable, et augure du meilleur pour la suite. Un magnifique travail de design sonore, superbement réalisé.

 

« Study A », le morceau le plus court de l’album – ben voui, il fait moins de dix minutes… –, joue sur un registre assez différent. Mettant l’électronique en avant, il est bien plus déstructuré, mais non moins réussi. L’angoisse sourd à nouveau de cette piste pouvant évoquer un orgue malade sur lequel jouerait un (dangereux) schizophrène, qui se complairait dans les notes les plus graves, chtoniennes, et les plus aiguës, crispantes, sans trop s’arrêter sur les intermédiaires. Ça monte, ça monte… et ça s’interrompt brutalement, avant de reprendre, puis de s’interrompre à nouveau, et de repartir une dernière fois sur un mode non moins menaçant. Très bon.

 

Suit « Tony », qui est peut-être (très relativement, hein) la piste la plus « classique » de l’album (ou plus exactement, disons, la plus directement évocatrice de ce groupe que j’ai promis de ne plus mentionner dans ce bref compte rendu), même si elle s’inscrit dans le prolongement de ce qui précède (la cohérence de l’album, jusqu’ici tout du moins, ne saurait faire de doute). Ça n’en est pas moins une indéniable réussite, dans le registre sourdement inquiétant, avec cependant quelques discrètes interventions presque percussives, et en tout cas plus lumineuses, ce dernier caractère annonçant la suite.

 

Et cette suite, c’est un pur chef-d’œuvre… « Phill 2 », pour faire dans le drone, se montre moins inquiétant, et plus planant, que ce qui précède. Mais, surtout, c’est un morceau… interprété pour l’essentiel par l’orchestre philharmonique de Prague, sous la direction de Richard Hein, et sur des arrangements de Jóhann Jóhannsson (même si O’Malley et Rehberg sont là à leurs postes respectifs, bien sûr). Dès les premières notes de contrebasse, d’une profondeur inégalable et fournissant le canevas du morceau, on sent qu’on va se régaler à l’écoute de ce drone atypique, riche de cordes flamboyantes, avec quelques cuivres en prime. Et on a bien raison : ce morceau, d’une richesse rare, d’une subtilité dans les textures inégalée, est une authentique merveille, qui marque durablement. C’est bel et bien, à mon sens tout du moins, le sommet de V.

 

Reste enfin une longue curiosité (la plus longue piste de l’album), ne relevant pas vraiment de la musique (alors que ce qui précède, si, non mais oh). « Last Spring: A Prequel » est en effet un enregistrement d’une installation des théâtreux (marionnettistes, ai-je cru comprendre) mentionnés plus haut, en rapport donc avec Kindertotenlieder. Il s’agit donc pour l’essentiel d’une lecture/interprétation – en français – réalisée par le comédien Jonathan Capdevielle. C’est très sombre – j’aurais même envie de dire « cauchemardesque », croyez-en mon expérience – et porté sur l’emphase. Un texte de polésie cruelle, qui m’a évoqué dans un premier temps Lautréamont ou Artaud (ça situe un peu, tout de même). La voix extraordinaire du comédien (ventriloque, je crois) crée à elle seule une ambiance étonnante. Mais bon : ça reste de l’art/du théâtre/de la polésie (rayez les mentions inutiles s’il y en a), aussi ne serez-vous guère étonnés si je vous dis que ça ne me parle pas plus que ça… surtout après la claque de « Phill 2 ».

 

Ce dernier bémol mis à part – un long bémol il est vrai, mais cohérent dans le projet du duo, alors bon –, il ne saurait faire de doute que V est un excellent album. Je vous le recommande chaudement. Et faites-moi le plaisir d’écouter – au moins… – « Phill 2 » ; si ça ne vous transporte pas, ben, moi, je vous parle plus, na.

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"I-Land", de RadioMentale

Publié le par Nébal

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RADIOMENTALE, I-Land (F4TMusic, 2012)

 

Tracklist :

 

01 – Smooth Operator

02 – Sinking

03 – Gotlander

 

Si RadioMentale, le groupe des architectes du son Jean-Yves Leloup et Éric Pajot, existe depuis 1992 et s’est fait connaître dans de nombreuses performances d’illustration sonore pour la radio, le cinéma, des installations d’art contemporain, etc., on a pu semble-t-il considérer que I-Land est son premier « véritable » album (Discogs indique des références antérieures, mais bon…). Il rassemble trois longues pistes (une vingtaine de minutes chacune), créées entre 2010 et 2012, entre ambient (plus ou moins dark), musique concrète et field recording ; une belle occasion de découvrir ce projet remarquable, d’une exquise finesse musicale.

 

Les auteurs, dans le digipack d’I-Land, présentent chaque piste, ce qui me mâche un peu le boulot… Procédons donc dans l’ordre, et entamons le périple onirique avec « Smooth Operator » (2011). À l’origine, il s’agissait d’un travail de design sonore pour le film de Jean-Baptiste Léonetti Carré Blanc, s’inscrivant semble-t-il dans la science-fiction dystopique (parmi les références, le duo cite notamment THX 1138, l’occasion de rappeler que, question design sonore, ce premier film de George Lucas se pose un peu là, grâce à Lalo Schifrin et – surtout – Walter Murch). Dans ce film, le son jouait un rôle prépondérant, puisque l’ambient des espaces collectifs y était destiné à « annihiler la conscience » des habitants. Joli paradoxe… Du coup, « la pièce sonore évoque ainsi de manière abstraite, la figure d’un étrange opérateur qui, depuis sa salle de contrôle, crée une suite de paysages sonores destinés à manipuler les esprits ». Le résultat est des plus convaincants, et ce long morceau, pour être abstrait, n’en est pas moins brillamment évocateur. Une œuvre d’architecture auditive, effectivement, où les sons divers et variés (bruits de lecteurs – cassettes, bobines ? –, parasites, crépitements de disques en fin de parcours, oiseaux, vent, eau…) créent une atmosphère déstabilisante, assez planante et en même temps un brin inquiétante, voire franchement crispante quand le volume augmente… Du très beau boulot.

 

« Sinking », la plus récente des trois compositions d’I-Land (enregistrée live en 2012 sur France Musique pour l’événement Ars Acustica), est aussi ma préférée. Cette œuvre censément typique des productions de RadioMentale depuis les origines (je ne demande qu’à le croire) repose pour l’essentiel sur l’utilisation de voix (généralement graves) superbement travaillées, poèmes et monologues – à l’ambiance hypnotique, pour ne pas dire clinique (qui m’a justement rappelé, j’y reviens encore, THX 1138…) – sur fond de basses vrombissantes, avant qu’un clavier aérien ne vienne tempérer l’atmosphère en fin de course. « Peaceful », nous dit-on ; mouais, faut voir… C’est probablement – à mes oreilles en tout cas – le morceau le plus franchement « dark ambient » de l’album (peut-être est-ce pour cela, du coup, que c’est aussi celui qui m’a le plus convaincu, on ne se refait pas…). Mais, dark ou pas, il est d’une beauté et d’une finesse remarquables, qui ne peuvent qu’emporter l’adhésion. Un vrai chef-d’œuvre, vous dis-je.

 

Quelques bruits d’eau, à nouveau – c’est là un thème majeur de l’album –, facilitent la transition avec la piste suivante. Reste enfin, en effet, « Gotlander », pièce signée du seul Éric Pajot ; encore un morceau d’illustration sonore pour un film, cette fois Are You There de Grégory Abou (2010). Voix et field recordings ont été enregistrés à Gotland, île suédoise où fut tourné ledit film (et également, pour l’anecdote, Le Sacrifice, dernière œuvre d’Andreï Tarkovski). Flux et reflux, bruits de pas sur une plage, tempête… Un morceau assez sombre, encore une fois (la conclusion est même franchement flippante, osant un peu de rythmique stressée), mais peut-être moins immédiatement parlant que les deux précédents ; ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, cependant : c’est à nouveau très bon.

 

« Immersion » est ainsi le maître-mot d’I-Land. On se noie avec délice dans les paysages sonores sculptés avec talent par les deux artistes. Un très bel album, que je vous recommande chaudement. Et j’espère que RadioMentale va désormais se montrer un peu plus prolifique en matière d’enregistrements…

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"SYR 9 : Simon Werner a disparu", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, SYR 9 : Simon Werner a disparu

 

Tracklist :

 

01 – Thème de Jérémie

02 – Alice et Simon

03 – Les Anges au piano

04 – Chez Yves (Alice et Clara)

05 – Jean-Baptiste à la fenêtre

06 – Thème de Laetitia

07 – Escapades

08 – La Cabane au Zodiac

09 – Dans les bois / M. Rabier

10 – Jean-Baptiste et Laetitia

11 – Thème de Simon

12 – Au café

13 – Thème d’Alice

 

Il y a pas mal de temps de cela, je m’étais engagé, comme ça, dans une rétrospective de l’ensemble de la discographie du phénoménal groupe qu’est Sonic Youth. Bon, bien évidemment, je ne l’ai jamais terminée… C’est qu’ils ont été productifs, les bougres, en une trentaine d’années de carrière ! Je vous rassure (ou pas), je ne compte pas reprendre ce projet et le mener à terme, si tant est qu’une telle chose soit possible. Cependant, j’ai récemment fait l’acquisition de trois disques soniques qui manquaient à ma collection, et j’ai été tellement séduit par l’un d’entre eux que je ne peux résister à l’envie de vous en toucher deux mots. Il s’agit donc de Simon Werner a disparu, bande originale (pardon : « original enregistrement sonore ») du film éponyme de Fabrice Gobert (a priori une sorte de thriller adolescent ; je n’en sais pas plus, ou si peu, mais il paraît que c’est pas mal) (et pourtant, c’est un film français) (dingue, ça).

 

Simon Werner a disparu constitue donc le neuvième titre de la série des Sonic Youth Records (SYR), mais, disons-le tout net, cette classification peut paraître contestable eu égard aux précédents titres de la série (la plupart du moins) : on est très loin ici de l’expérimentation sauvage de, par exemple, SYR 8 (avec Merzbow ; excellentissime, celui-ci) ou SYR 6 (dont j’ai fait l’acquisition en même temps que cette BO, et qui est de même tout à fait recommandable), sans parler de SYR 4 (que là c’était trop pour ma pauvre petite gueule…). Non : si SYR 9 n’est pas un album de Sonic Youth comme les autres (essentiellement du fait de son caractère purement instrumental), on ne le qualifiera pas pour autant d’album expérimental.

 

Ceci étant, si cet album est plus « normal » et immédiatement accrocheur que les autres Sonic Youth Records, il n’en est pas moins tout à fait séduisant, et, bien loin de toute « compromission », constitue une très belle pièce de musique instrumentale. En fait, j’aurais même envie pour ma part, après seulement quelques écoutes, de le hisser au rang des meilleures productions de nos plus si jeunes gens néanmoins toujours assez soniques, finalement ; beau témoignage de la créativité sans cesse renouvelée des plus illustres vétérans de la no wave et de la noisy pop.

 

Pourtant, les quelques critiques que j’ai pu en lire sont loin d’être très enthousiastes… On a accusé Sonic Youth de se répéter, de faire dans la B-side de luxe, de chercher (comme si c’était encore nécessaire) à en rajouter dans l’affichette arty en collaborant à un film frrrrrrrançais (ce qui n’est pas une première pour le groupe, qui avait déjà travaillé avec Assayas), de se perdre dans une triste impasse en dissociant autant albums expérimentaux et albums « normaux » (critique d’autant plus improbable que Simon Werner a disparu semble justement, à sa mesure, faire le raccord entre les productions « classiques » du groupe et les SYR)…

 

Ben je suis pas d’accord avec tout ça. Si l’on excepte (donc) le superbe SYR 8, improvisation live de près d’une heure avec Merzbow, cela faisait un bout de temps qu’un disque de Sonic Youth, SYR ou pas, ne m’avait pas autant parlé. Non que les derniers albums du groupe soient franchement mauvais, hein (à part peut-être Rather Ripped, le seul album de Sonic Youth à m’avoir laissé totalement froid) ; seulement, ça faisait un bail que je n’avais pas entendu de leur part quelque chose d’aussi bluffant que – allez, choisissons-en un – le long « Thème d’Alice » qui clôt l’album. Peut-être depuis Washing Machine, en fait (même si je n’irais pas jusqu’à dire que c’est aussi bon que « The Diamond Sea », qui reste sans doute mon morceau préféré du groupe, il faut savoir raison conserver).

 

C’est qu’il y en a, quoi qu’on ait pu en dire, des bonnes choses dans cette bande originale. Une composition qui forme un tout, rythmée par des leitmotivs et autres thèmes récurrents, traversée d’explosions guitaristiques rafraîchissantes rappelant les meilleures heures du groupe, et émaillée d’ambiances tout en nuances, mi lumineuses, mi glauques, constituant au final une fort belle assise pour un film. Sans rien connaître de la réalisation de Fabrice Gobert, et en préférant faire l’impasse sur les quelques photographies (peu engageantes) qui ornent ce SYR 9 (couverture mise à part, que j’aime beaucoup), j’ai des images plein la tête à l’écoute de cette bande originale, je sens l’histoire se déployer, faite de rappels et de résurgences soudaines, tantôt apaisée, tantôt angoissante. J’y retrouve avec beaucoup de plaisir le son du groupe à son meilleur, qui ose parfois se livrer à quelques innovations bienvenues (si le piano n’est pas une première, son usage est quand même très limité dans la discographie sonicyouthesque), et oscille avec grâce entre pop léchée et illustration sonore juste un poil plus déviante (mais le poil qu’il faut, celui qui fait toute la différence).

 

Paradoxalement (ou pas), cet album respire la liberté dans sa forme la plus ludique ; on y sent les Sonic Youth enjoués, libérés du carcan de la mélodie pop comme de celui, non moins contraignant, de l’expérimentation à tout crin. On y retrouve, du coup, à mon sens tout du moins, une spontanéité qui faisait souvent défaut dans les plus récentes productions du groupe, généralement trop « ceci » ou trop « cela ». Ici, ben, on a Sonic Youth, quoi ; un groupe libre, donc, qui n’en fait qu’à sa tête pour notre plus grand plaisir (et sans doute aussi le sien). Simon Werner a disparu a en effet quelque chose du pied de nez (pour ne pas dire du gros « fuck ») majestueux à l’égard des règles que le groupe s’est lui-même fixées depuis une quinzaine d’années, à plus ou moins bon droit, et, du coup, des attentes les plus intégristes de certains fans, qui ne sauraient concevoir Sonic Youth que sous son versant pop ou que sous son versant expérimental. Aussi, en n’étant pas véritablement (donc) un Sonic Youth Record, et pas davantage un album « normal », Simon Werner a disparu a quelque chose de la salutaire bouffée d’oxygène, trouvé-je.

 

Finalement, c’est encore comme ça que je les préfère, les Sonic Youth. Et sans cracher pour autant sur ce qu’ils ont fait depuis Washing Machine, je maintiens : cela faisait longtemps qu’un enregistrement de Thurston Moore, Lee Ranaldo, Kim Gordon et Steve Shelley (avec aussi Jim O’Rourke) ne m’avais pas autant parlé, à quelques exceptions près. Aussi, bien loin de faire la fine bouche comme semble-t-il un certain nombre de personnes, je vais laisser s’exprimer le petit fanboy en moi, et vous recommander chaudement ce Simon Werner a disparu.

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"Présence humaine", de Michel Houellebecq

Publié le par Nébal

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MICHEL HOUELLEBECQ, Présence humaine

 

Tracklist :

 

01 – Présence humaine

02 – Séjour-club

03 – Paris-Dourdan

04 – Playa Blanca

05 – Les Pics de pollution

06 – On se réveillait tôt

07 – Plein Été

08 – Célibataires

09 – Crépuscule

10 – Derniers Temps

 

AHA ! Ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé du Terrible Michou sur ce blog interlope… et JE VAIS PAS ME GÊNER ! Bon, faut dire que, si je ne m’abuse, il n’a pas vraiment eu d’actualité depuis son Goncourt probablement pas mérité pour La Carte et le territoire. À part, tout récemment, son retour en France au moment où Depardieu s’en casse (quand je vous dis que ce type est un immense humoriste…). Du coup, je ne vais pas exactement faire dans l’actualité mon non plus, puisque, au travers de ce compte rendu, nous allons remonter à l’apocalyptique (déjà) an 2000 (‘tain, le coup de vieux…), année où fut enregistré l’album Présence humaine, qui sera a priori le premier et le dernier album de Michel Houellebecq (« ouf », disent les mauvaises langues). Car oui, aujourd’hui, je vais parler du Terrible Michou, mais pour de la musique (« musique ? », disent les mauvaises langues) (vos gueules, les mauvaises langues).

 

Pourquoi en parler aujourd’hui ? PARCE QUE ! Quelle idée d’avoir à chercher à tout prix une justification… Bon, en fait, il y en a bien une (petite) : l’album figure dans la sélection « en toute subjectivité » de « 100 albums « rock et SF » à écouter avant la fin du monde » réalisée par Richard Comballot dans le Bifrost n° 69 (que je n’ai fait que feuilleter pour l’instant). « Houellebecq et ses ambiances de fin du monde, ce n’est pas à proprement parler de la SF mais ça y ressemble. » Tout à fait. Du coup, j’ai eu envie de réécouter cet album, ce que je n’avais pas fait depuis un petit bout de temps, et je confirme : j’aime. J’aime beaucoup, même. Voire j’adore. Si.

 

Eh.

 

Il y aurait, il est vrai, moyen de biaiser, et de dire que Présence humaine de Michel Houellebecq n’est pas un album de Michel Houellebecq, mais un album de Bertrand Burgalat (dont je ne vous recommanderai jamais assez The Sssound of Mmmusic et plus encore le génial album live avec A.S Dragon ; j’avoue ne pas avoir suivi ce qu’il a fait depuis). Le monsieur B. a en effet tout écrit sur l’album (seul le premier morceau émane du groupe dans son ensemble), qu’il a sorti sur son label Tricatel. Houellebecq, dans un sens, se contente d’y poser son spoken word grave et décalé, récitant plus que chantant des textes issus de ses recueils Le Sens du combat, Rester vivant et Renaissance. Ce qui nous donne – oui, inévitablement, on va faire cette comparaison facile – l’impression d’une sorte de Gainsbourg 2000 (« en pire », disent les mauvaises langues, qui ne veulent décidément pas la fermer), mais du meilleur Gainsbourg, celui de l’Histoire de Melody Nelson et de L’Homme à la tête de chou. Mais cette exclusion serait sans doute un tantinet mesquine ; virons donc ce biais (que j’avoue avoir pratiqué quand j’étais jeune et innocent), et disons-le haut et fort : Présence humaine est bien un album, l’unique album, de Michel Houellebecq.

 

Et c’est un excellent album. Si.

 

Eh.

 

La musique de Burgalat est tout à fait remarquable. Mélange de vieux rock progressif/psychédélique lorgnant par à-coups sur le noise et d’electro vintage teintée de funk discoïde (ou le contraire), elle fait du neuf avec du vieux, de l’easy listening avec du dur. Aussi, malgré la comparaison facile effectuée quelques lignes plus haut, le fait est que Présence humaine est un album doté d’une réelle singularité musicale. Il relève certes un peu du jeu de citations, mais à la manière d’un écrivain qui fait dans le cut-up ou d’un D.J. qui sample à tour de bras, et crée une œuvre personnelle à partir d’éléments épars, qu’on n’aurait pas forcément pensé à rapprocher, là, comme ça.

 

Et, par-dessus, il y a la polésie de Houellebecq. Les fidèles de ce blog le savent, la polésie et moi, ce n’est pas exactement le mariage d’amour. Alors la polésie-Monoprix de Houellebecq, a priori… J’avoue que quand je m’étais contenté de lire ces textes, ça m’avait laissé perplexe, et pas qu’un peu. Une polésie du banal, de l’ultra-quotidien, aseptisée au possible, pratiquant la rime pauvre avec un enthousiasme mou qui a de quoi laisser pantois. Mais, mise en musique, ben, voilà, je trouve que ça rend bien ; et même très bien. Il y a bel et bien une ambiance qui s’en dégage, une voix. Et c’est tantôt dépressif, tantôt hilarant, et souvent les deux à la fois (ici, je ne peux m’empêcher de penser à une réplique d’un Spirou sur l’humour des gens tristes) (on a les références qu’on peut). Voilà : Houellebecq pouète, c’est un Droopy dans le métro, qui va faire ses courses ou revient du boulot, tout mou, désabusé, cerné par des zombies persuadés d’être vivants. Ou alors Michou à la plage, en séjour-club (forcément), qui s’ennuie à mourir en sirotant un mojito avec pas assez de rhum dedans.

 

(Ici, je ne peux m’empêcher de penser à une citation du terrible Michou à l’occasion de la sortie de cet album – je crois que c’était dans Trax ; interrogé sur son rapport à la drogue, le pouète réplique d’une voix sans appel, et en laissant entendre que c’est probablement pire : « Moi, j’ai choisi l’alcool. » Je cite de mémoire, hein.)

 

Et ça rend donc pas mal, comme ça. Alors évidemment, je comprendrais toujours que ça ne passe pas… Il faut pouvoir s’enfiler des rimes comme : « Tu déjeuneras seul / D’un panini-saumon / Dans la rue de Choiseul / Et tu trouveras ça bon » (dans « Les Pics de pollution »). Mais moi, finalement, après l’apprentissage, j’aime bien ; ça me fait souvent rire, mais ça me touche aussi, parfois. « Retour au réel » (« Playa Blanca ») ; on ne s’en échappera pas, en fin de compte. Et il y a des passages… ben, beaux, oui. Je vous jure. J’en suis le premier surpris, mais oui.

 

Tour d’horizon. On commence en force avec l’excellent et on ne peut plus apocalyptique (effectivement) « Présence humaine » (avec la participation de Richard Pinhas à la guitare), sorte de disco-punk avant qu’on ne parle de disco-punk (même si le genre est par nature tourné vers le passé), que j’aurais envie de qualifier de chef-d’œuvre (si). La meilleure des entrées en matière pour cet album. Ça passe ou ça casse, certes ; mais chez moi, ça passe. Et très bien, même.

 

« Séjour-club » est moins immédiatement accrocheur, mais ce vague funk langoureux et contemplatif n’est pas sans intérêt pour autant ; ça progresse avec adresse et en douceur pour un résultat des plus corrects. « Le poète est celui / Presque semblable à nous / Qui frétille de la queue / En compagnie des chiens. » Tout un programme, non ? Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ça m’évoque Vermillion Sands (je suis sûr que Ballard, tout là-haut, appréciera).

 

Suit « Paris-Dourdan », et là on remonte au niveau de l’introduction (quand il m’est arrivé de faire ce trajet, inévitablement, j’avais cette chanson en tête…). Très chouette ambiance, explosions noisy bienvenues, c’est très miam tout ça. « Je me réveille à Montparnasse / Tout près d’un sauna naturiste / Le monde entier reprend sa place / Je me sens bizarrement triste. » J’adore.

 

Sortir « Playa Blanca » en unique single de l’album (si je ne m’abuse) fut sans doute un acte de provocation. Ce morceau, pas vraiment représentatif de l’album, est en effet d’un kitsch absolu, et rassemble en moins de trois minutes tous les clichés Club-Med du Terrible Michou. Il n’en est pas moins hilarant (surtout avec le clip qui va bien).

 

Mais j’y préfère largement le non moins drôle mais bien plus intéressant musicalement – assez complexe, en fait – « Les Pics de pollution », aux paroles hautement improbables et sans queue ni tête. Très bon.

 

« On se réveillait tôt » est autrement plus apaisé, on y retrouve un peu l’ambiance de « Séjour-club ». Le Terrible Michou s’y montre romantique, et c’est… particulier. « Rappelle-toi ma douce / Nous avions notre chance. »

 

Plus ou moins dans ce registre, toutefois, le très progressif/psychédélique « Plein Été » est à mon sens la plus grande réussite. Ce long morceau dégage une atmosphère oscillant entre le sensuel et le pathétique, avec une (grosse) touche de nostalgie à nouveau, pour un résultat plus que satisfaisant, à la fois drôle et touchant. « Il faudrait que je meure / Ou que j’aille à la plage. » Je crois qu’on tient là du concentré de Houellebecq…

 

« Célibataires » détonne, dans la mesure où c’est un morceau purement électronique, à l’ambiance bien plus froide et sombre que ce qui précède. Contraste, et, décidément, « retour au réel ». Ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre, c’est un excellent morceau. Le propos rappelle « Paris-Dourdan », forcément, mais la singularité demeure. « Nous rejoignons enfin / Le mystère productif / Dans le calme apaisant / D’usines célibataires. » C’est bien bon.

 

En dépit du titre, on retourne à quelque chose de plus lumineux avec « Crépuscule ». C’est joli, c’est tendre, mais un peu faiblard par rapport au reste de l’album, trouvé-je. « Nous avions des moments d’amour injustifié », cependant.

 

Et l’album de se clore sur « Derniers Temps », comme de juste. Je ne peux pas m’empêcher de trouver que ça sonne un peu comme du DFA avant l’heure. Intéressant décalage entre les paroles très mélancoliques et la musique optimiste. Cela dit, là encore, par rapport au reste de l’album, ça ne casse pas des briques.

 

Vous l’aurez compris : en dépit des quelques réserves finales, j’adore cet album. Avec la même passion aujourd’hui qu’au moment de sa sortie. Je comprends toujours que cela puisse faire grincer des dents, jaser, sourire, ricaner, tout ce que vous voudrez. Mais peu importe : moi, je trouve ça bon. Très bon. Excellent, même. Merci, Michou, et merci, Bertrand Burgalat.

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"Desertshore / The Final Report", d'X-TG

Publié le par Nébal

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X-TG, Desertshore / The Final Report

 

Tracklist :

 

CD 01 (Desertshore)

01 – Janitor Of Lunacy

02 – Abschied

03 – Afraid

04 – The Falconer

05 – All That Is My Own

06 – Mütterlein

07 – Le Petit Chevalier

08 – My Only Child

09 – Desertshores

 

CD 02 (The Final Report)

01 – Stasis

02 – E.H.S.

03 – Breach

04 – Um Dum Dom

05 – Trope (Bonus Track)

06 – What He Said

07 – In Accord

08 – Gordian Knot

09 – Emerge To Space Jazz

10 – The End

 

Au risque de me répéter (voyez notamment ici), Throbbing Gristle fut un des groupes les plus importants de la musique contemporaine, une entreprise unique en son genre, au carrefour de la pop et de l’avant-garde. Citons Dan Fox dans le livret de l’album du jour : « it was impossible to know whether you were listening to music, watching art or bearing witness to punishing satire and social critique ». En effet, Throbbing Gristle, ce n’était pas que de la musique (les mauvaises langues diraient sans doute même que ça n’en était pas du tout…), mais, au-delà, une entreprise généralisée de subversion des codes, de déconstruction/reconstruction et de détournement. Un projet singulier, au pouvoir de fascination durable.

 

Après une poignée d’albums et de concert aux heures les plus glorieuses du post-punk, le groupe fondateur de la musique industrielle s’est séparé à l’aube des années 1980, jugeant sa « mission » accomplie. Il en est résulté d’autres projets remarquables, Coil et Psychic TV en tête (j’avoue ne pas connaître les réalisations ultérieures de Chris Carter et Cosey Fanni Tutti, je plaide coupable). Puis le groupe s’est reformé dans les années 2000, et a enregistré notamment l’excellent Part 2. The Endless Not, puis entamé une nouvelle série de concerts. Le cyberpunk ultime Genesis P-Orridge a cependant lâché ses petits camarades fin octobre 2010, qui ont continué sous le nom d’X-TG (nous y voilà). Cette nouvelle expérience fut hélas interrompue du fait du décès de Peter « Sleazy » Christopherson le 24 novembre 2010 (voyez ici)…

 

Mais « Sleazy », force motrice, avait eu le temps d’initier de nouveaux projets pour le groupe, et en voici le résultat, qu’on peut supposer être l’ultime avatar de Throbbing Gristle (le nom X-TG ayant été conservé du fait de l’absence de Genesis P-Orridge, donc). Des enregistrements furent réalisés avec Chris Carter et Cosey Fanni Tutti, qui ont par ailleurs hérité des machines de Christopherson, créées spécialement à cet effet. Deux ans après la mort de ce dernier, est donc sorti Desertshore / The Final Report, doté d’un packaging aussi minimaliste que séduisant.

 

On pouvait craindre, une fois de plus – c’est le problème avec les groupes aussi novateurs et subversifs que Throbbing Gristle –, une production manquant de l’âme et de la folie des heures héroïques ; certains esprits chagrins ont également, à ce que j’ai cru comprendre, dénigré X-TG du fait de l’absence de Genesis P-Orridge. Le caractère posthume de cet enregistrement, enfin, avait de quoi effrayer…

 

Mais non.

 

Si X-TG n’est certes pas TG – après tout, ils le disent eux-mêmes, hein, le nom est révélateur –, il n’en reste pas moins que ce Desertshore / The Final Report est une pièce de choix, une double œuvre splendide bien loin de toute vaine et sordide récupération macabre, et témoignant du talent toujours intact de Peter « Sleazy » Christopherson, Chris Carter et Cosey Fanni Tutti.

 

Qu’on ne s’y trompe pas, cependant : Desertshore / The Final Report n’est pas à proprement parler un double album, formant un tout homogène, mais bien le rassemblement de deux projets fort différents, dans l’esprit comme dans la réalisation.

 

Commençons donc par Desertshore. Ce projet, initié par Christopherson en 2006 (et dont les premières sessions de travail avaient été publiées en 2007), consiste en une reprise intégrale de l’album du même nom de Nico, datant de 1970 (un très bel album, au passage : ce fut pour moi l’occasion de le découvrir, et j’ai été instantanément séduit par son minimalisme et sa froideur, préfigurant à certains égards l’ambient, malgré le chant omniprésent de l’égérie du Velvet Underground ; on comprend donc sans problème ce qui a pu séduire « Sleazy » et lui donner l’envie de ce projet), qui a servi à sonoriser le film de Philippe Garrel La Cicatrice intérieure (1972 ; je plaide coupable, je ne l’ai pas vu),à l’origine de l’artwork de l’album, film qui, par un juste retour des choses, a constitué une inspiration pour les membres d’X-TG.

 

Ceux-ci se sont entourés de beau monde pour pousser la chansonnette, jugez plutôt : Antony Hegarty (Antony and the Johnsons ; une voix splendide, je ne connaissais pas si ce n’est de nom…), Blixa Bargeld (Einstürzende Neubauten), Marc Almond (Soft Cell), le réalisateur Gaspar Noé et l’ex-actrice porno Sasha Grey (aTelecine).

 

Et le résultat est tout simplement bluffant. Déconstruction/reconstruction, une fois de plus, mais avec une inventivité intacte et un talent qui ne saurait faire de doute. Passées à la moulinette d’X-TG, les chansons de Nico se retrouvent transfigurées, mais les musiciens industriels ont su en préserver tout le sel. « Janitor Of Lunacy » donne le ton : un fond ambient/indus, dont on ne sait trop s’il est minimaliste ou complexe (les deux à la fois, sans doute et paradoxalement), porte avec subtilité, comme en contrepoint, la voix aérienne d’Antony, qui fait des merveilles. Mais tous les morceaux suivants sont également du plus grand intérêt, avec quelques moments tout simplement extraordinaires (j’avoue avoir été particulièrement séduit par « My Only Child » et « All That Is My Own », chantés par Cosey Fanni Tutti) ; chaque titre a une grande personnalité – les chansons en allemand interprétées par Blixa Bargeld au timbre si reconnaissable et « Le Petit Chevalier » récité par Gaspar Noé sortant particulièrement du lot, inévitablement –, mais le tout n’en est pas moins très homogène, constituant bel et bien un album. Le projet de reprise intégrale pouvait paraître farfelu (mais bon, c’était bien la moindre des choses de la part d’X-TG…), et était assurément casse-gueule, mais le moins que l’on puisse dire est que le pari a été remporté haut la main. Une merveille, splendide de bout en bout, un album paradoxalement unique et d’une force de séduction sans pareille.

 

The Final Report, dont le titre fait écho aux premiers enregistrements de Throbbing Gristle pour Industrial Records, joue dans une tout autre catégorie, mais avec un brio comparable. Cet album presque intégralement instrumental, et autrement plus noir et hermétique que Desertshore, s’inscrit dans la lignée de Part 2. The Endless Not, une lignée « post-Coil » aurais-je envie de dire, sans faire dans la bête copie pour autant, loin de là : une fois de plus, TG, même sans Genesis P-Orridge, a su se renouveler avec adresse, pour un résultat à même de convaincre les plus sceptiques des fans (à condition, bien sûr, de laisser la mauvaise foi de côté…).

 

Difficile d’en parler en détail, cependant ; ce sombre bijou, très ambient/indus, n’a certes pas – cela n’a rien d’étonnant – le caractère subversif et révolutionnaire des premiers albums de Throbbing Gristle (sans parler de leurs extraordinaires performances live), mais il s’en dégage une puissance et une maestria qui méritent tous les éloges. Un extrait valant mieux qu’un long discours, sans doute, je vous inciterai donc à jeter une oreille attentive (et même deux, soyons fous) à l’excellent « What He Said » ; un morceau « représentatif » ? Je ne sais pas si cela veut dire grand-chose quand on traite d’X-TG… mais c’est assurément une petite merveille, qui ne dépare pas cet album à nouveau très homogène dans son genre, sans jamais se répéter pour autant.

 

Toutes les craintes sont donc balayées : Desertshore / The Final Report d’X-TG, ultime avatar de l’une des formations les plus importantes de la musique contemporaine (oui, oui, je me répète…), est un vrai chef-d’œuvre, un double projet schizophrène absolument splendide sous ses deux aspects, une somme superbe suscitant des orgasmes en série de la première à la dernière note. Bien loin de se complaire dans la morbidité, cette réalisation est sans doute le plus beau cadeau, le plus bel hommage que Chris Carter et Cosey Fanni Tutti pouvaient rendre au génial Peter « Sleazy » Christopherson. Indispensable !

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"Lonerism", de Tame Impala

Publié le par Nébal

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TAME IMPALA, Lonerism

 

Tracklist :

 

01 – Be Above It

02 – Endors Toi

03 – Apocalypse Dreams

04 – Mind Mischief

05 – Music To Walk Home By

06 – Why Won’t They Talk To Me

07 – Feels Like We Only Go Backwards

08 – Keep On Lying

09 – Elephant

10 – She Just Won’t Believe Me

11 – Nothing That Has Happened So Far Has Been Anything We Could Control

12 – Sun’s Coming Up

 

Aujourd’hui, parlons bien (enfin, essayons…), parlons peu, parlons pop. Bon, pas exactement non plus la plus basiques des pops – d’ailleurs elle n’est même pas anglaise, alors bon –, mais pop quand même. Eh oui, ce n’est pas forcément une évidence quand on regarde les précédents albums chroniqués sur ces pages interlopes, mais il arrive au Nébal d’écouter des albums (presque) normaux, avec des morceaux courts (!), du chant, des mélodies accrocheuses, voire un certain optimisme ambiant (!) qui se traduit en chansons plus ou moins sucrées et douces à l’oreille. Dingue, ça.

 

Comme j’ai eu l’occasion de vous l’expliquer en traitant du premier album (excellent) de Liesa Van der Aa et du dernier album (excellent) de Godspeed You! Black Emperor, cela faisait longtemps que je ne m’étais pas tenu au courant de l’actualité musicale. Mais récemment, la curiosité m’a repris, et je prête désormais plus d’attention à ce qu’écoutent les gens bien de ma connaissance, et même parfois à ce sur quoi la presse musicale tend à s’extasier (si, si). C’est comme ça que j’ai découvert (à la bourre sans doute) Tame Impala, présenté comme un groupe australien, mais qui est largement le projet d’un seul homme à ce que j’en ai compris, le multi-instrumentiste Kevin Parker, qui s’occupe quasiment de tout sur ce Lonerism, deuxième véritable album du « groupe » (sous ce nom, en tout cas). Un tweet est passé par là, relayant une critique alléchante, et surtout proposant d’écouter – et je ne vais pas me gêner pour faire de même – le premier single issu de cet album, « Elephant ».

 

Et là, j’avoue m’être pris comme une baffe, en tout bien tout honneur et toutes choses égales par ailleurs. Pour dire la vérité, je crois que c’est le meilleur single que j’ai entendu depuis… mmmh, c’est compliqué, d’autant que je ne me suis pas trop intéressé à ce qui est sorti ces dernières années (donc)… mais j’aurais quand même envie de dire depuis le fantabuleux « Atlas » de Battles (oui, ça remonte), avec lequel il partage peut-être une certaine parenté, notamment au niveau de la rythmique basse/batterie.

 

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : Tame Impala ne fait certainement pas dans le math rock déglingué, la musique expérimentale affichant foncièrement son originalité et tournée vers le futur. C’est presque exactement le contraire, à vrai dire : pour être un groupe contemporain, et ne pas hésiter à l’occasion à user de sonorités modernes – notons tout de suite la production tout à fait remarquable de l’album, pourtant enregistré d’après ce que j’ai pu en lire par bribes aux quatre coins du monde ; c’est très certainement home studio et lo-fi, mais pour un résultat irréprochable (et visiblement boosté par le semble-t-il très recommandable Dave Fridmann) –, Tame Impala a largement un œil, si ce n’est un pied – si, d’ailleurs, c’est probablement un pied, voire deux – dans le passé ; disons la fin des années 1960. Oui, la grande époque de ces putains de hippies, abjects chevelus drogués qui, non contents de décader dans la joie, se permettaient d’être résolument optimistes, les cons.

 

Lâchons le mot : Tame Impala fait en effet dans le rock psychédélique, et Lonerism sent bon la régression joviale vers une époque et une musique peut-être idéalisées. J’avoue ne pas vraiment m’y connaître en rock psychédélique, et ne saurais donc multiplier avec pertinence les références, mais, du moins, je n’ai pu m’empêcher de penser (avant tout) aux premiers Pink Floyd – la période Syd Barrett et les albums qui ont immédiatement suivi en attendant la prise de pouvoir par Roger Waters – ou, dans un genre un peu différent et moins connoté (quoique), certains vieux trucs de krautrock, comme (surtout) Amon Düül II, voire Can (notamment pour l’art de la nuance et de la discrétion de ce dernier groupe, que j’avoue trop mal connaître pour pouvoir m’étendre plus longuement à son sujet). Et puis bien sûr il y a les Beatles… d'autant que tout cela prend la forme de chansons chouettement entêtantes, qu'on est pris d'une irrésistible envie de fredonner.

 

Et tout cela se retrouve à mon sens dans ce bluffant « Elephant », porté par un surpuissant riff de basse vaguement bluesy (qui évoque pour le coup le meilleur Black Sabbath – je m’en suis d’ailleurs fait une petite rétrospective des cinq premiers albums ces derniers jours, et c’était juste rhaaa, pardon pour cette interruption) quand il ne pratique pas les montagnes russes floydiennes, à la mélodie gentiment décalée, un peu naïve et souriante, et – surtout ? – au superbe break instrumental emmené par un vieux synthé cheapos (ça sent le moog). Même s’il a quelque chose de relativement (très relativement) moderne dans le pied et parfois dans la production – impeccable, donc –, ce single magnifique, à l’image de l’album dont il vient faire la promotion, rappelle à notre bon souvenir une époque mythifiée faite de cheveux gras et d’acide à foison. Et, aussi étrange que cela puisse paraître à première vue, j’aime ça. J’aime beaucoup ça, même. J’adore, disons-le. En fait, je me suis même passé « Elephant » en boucle avant comme après avoir acheté Lonerism, dont il est sans aucun doute le morceau le plus immédiatement efficace (il semblerait, étrangement – ou pas –, qu’il s’agisse pourtant d’une des plus vieilles compositions de Tame Impala ; ben s’ils ont encore d’autres merveilles de ce genre dans leur coffre poussiéreux au grenier, faut qu’ils les sortent de toute urgence, parce que c’est quand même vraiment de la bonne).

 

Mais si rien – à mon sens, tout du moins – ne se montre aussi brillant que ce morceau à peu de choses près parfait sur Lonerism – ç’aurait été beaucoup demander, en même temps –, il ne faudrait pas pour autant s’arrêter là ; ça ne saurait être l’éléphant qui cache le troupeau… Le reste aussi, c’est de la bonne, un très bon trip qui fait l’effet d’une délicieuse machine à voyager dans le temps. L’album ne se prête pas vraiment au décortiquage, sans doute – comme tout album de pop, aurais-je envie de dire – mais, du assez moderne dans son approche de la musique électronique « Be Above It » qui l’ouvre avec sa rythmique folle à sa conclusion sur la ballade sucrée « Sun’s Coming Up », Lonerism fait preuve d’un bon goût certain – étonnant pour des putains de hippies – et multiplie mélodies efficaces et délicates, riffs doucement puissants et délicieuses envolées psychédéliques pour un résultat largement plus que correct.

 

Si ce n’est certainement pas l’album du siècle, ni même le plus inventif, catchy et intelligent des disques sortis ces dernières années, Lonerism se révèle dès la première écoute une réussite indéniable, qui parvient à maintenir tout du long une qualité constante et à éviter toute faute de goût. Aussi se laisse-t-on volontiers emporter par les compositions de Kevin Parker, typiques d’une certaine conception de la pop de qualité, gentiment barrée, mais avant tout subtile et souriante. Cet album colle le smiley aux lèvres, qui reste accroché de la première à la dernière note, avec quelques hausses de tension – mais chaque morceau a son intérêt –, à la joliesse réconfortante.

 

Je vous encourage donc à procéder en deux temps : tout d’abord, régalez-vous de ce petit bijou qu’est « Elephant ». Et si ça vous botte, n’hésitez pas à prolonger l'expérience avec le reste de ce très sympathique Lonerism ; vous n’y trouverez probablement rien d’aussi immédiatement excitant, mais ça vaut néanmoins amplement le coup qu’on s’y arrête. Comme un chouette album de pop agréablement régressive et lumineuse. Lonerism fait du bien, et c’est déjà beaucoup. Pour ma part, au fond, je n’en demandais pas davantage. Et, plus que convaincu par cette première approche, je m’en vais tâcher de jeter une oreille – voire deux, soyons fous – sur Innerspeaker, le premier Tame Impala, à l’excellente réputation.

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