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Articles avec #nebal ecoute des bons disques tag

"Dirty", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

Dirty.jpg

 

SONIC YOUTH, Dirty

 

Tracklist :

 

01 – 100%

02 – Swimsuit Issue

03 – Theresa’s Sound-world

04 – Drunken Butterfly

05 – Shoot

06 – Wish Fulfillment

07 – Sugar Kane

08 – Orange Rolls, Angel’s Spit

09 – Youth Against Fascism

10 – Nic Fit

11 – On The Strip

12 – Chapel Hill

13 – JC

14 – Purr

15 – Créme Brûlèe

 

Sonic Youth, septième album, Dirty, après (la liste commence à devenir longue…) Confusion Is Sex, Bad Moon Rising, EVOL, Sister, Daydream Nation et Goo. Comme je l’avais expliqué en traitant de ce dernier, j’ai pour ma part découvert Sonic Youth avec Goo et Dirty, deux excellents albums mais parfois un peu boudés par les puristes parce que supposés plus « commerciaux » que les autres. C’est particulièrement vrai de celui-ci, sorti en pleine vague grunge… et avec Butch Vig à la production, lui qui s’était illustré notamment sur le Nevermind de Nirvana, également chez Geffen, qui a beaucoup investi sur Dirty dans l’espoir (déçu…) d’en faire un second gros carton.

 

Thurston Moore lui-même aurait accrédité l’idée selon laquelle cet album aurait connu quelques détours commerciaux, chose qui m’a toujours paru pour le moins surprenante. La composition ne me paraît pas plus « commerciale » sur cet album que sur les précédents, en tout cas. Seule concession, peut-être, des morceaux plus courts ? Ou alors est-ce le son ? Certes, il est différent. Il est gros, surtout, et sonne presque « metal » à l’occasion ; pour ma part, je trouve que Butch Vig et Andy Wallace ont fait de l’excellent travail, mais peut-être est-ce là qu’il faut chercher ce que regrette Thurston Moore ? À vrai dire, je n’en sais rien… et je m’en balance un peu. Quelles que soient les opinions des fans comme celles des membres du groupe, il n’en reste pas moins qu’à mes oreilles, Dirty, qui est un des premiers albums de Sonic Youth que j’ai eu le bonheur d’écouter, reste aussi un des meilleurs, après plusieurs centaines d’écoutes.

 

Décortiquons donc la bête. On attaque en force avec le premier single, que je ne qualifierai guère de « commercial » (et qui fut d’ailleurs un échec), « 100% », avec sa guitare dissonante en permanence (un trait assez caractéristique de l’album). On se prend en tout cas en pleine face le « nouveau » son de Sonic Youth concocté par Vig et Wallace ; et perso, j’aime bien…

 

« Swimsuit Issue » est ensuite un morceau particulièrement énervé, où, là encore, on se prend du gros son en pleine face. Ça se calme sur la fin, mais n’en est pas moins très bon.

 

Suit une pure merveille, à mon sens un des meilleurs morceaux de Sonic Youth tous albums confondus, le splendide « Theresa’s Sound-world » (NB : on s’en cogne de la vidéo ; on ferme les yeux, et on s’abandonne), aux atmosphères d’une richesse incroyable. Fureur et mélodie s’y mêlent avec un bonheur inconcevable, dans de subits jaillissements d’adrénaline. Une pure merveille, vous dis-je. Ne serait-ce que pour ce morceau, cet album prétendument « commercial » vaut le détour.

 

Changement radical de registre avec « Drunken Butterfly », un morceau qui sonne presque metal, avec son riff plombé. Mais c’est que c’est pas mal du tout, quand même. Faut dire, Kim Gordon qui dit « I love you », ça fait son effet… Un single teigneux et mal élevé, très efficace.

 

Le chaloupé « Shoot » surprend de la part de Sonic Youth, que l’on n’attendait pas vraiment dans ce registre, mais reste tout à fait fréquentable. Kim Gordon chante comme une casserole, mais c’est tant mieux, et l’ambiance est bien vue.

 

« Wish Fulfillment » est plus dans la norme sonic-youthienne. Un morceau plutôt pop, mais qui sait s’énerver, et se montre tout à fait convaincant.

 

Suit « Sugar Kane », un excellent single, une pop brillante, à l’écriture finement ciselée et au refrain imparable. Le morceau comprend en outre une très belle partie instrumentale, avec une riche montée comme on les aime. Très bon, y’a pas.

 

« Orange Rolls, Angel’s Spit » : Kim Gordon n’est vraiment pas contente, et nous le fait savoir. Ouh putain ! On ne l’avait jamais entendu aussi rageuse. Mais le résultat est un morceau, bœuf certes, mais très bon surtout. Excellente partie instrumentale là encore, avant une reprise du, euh, du « chant » plus furax que jamais.

 

« Youth Against Fascism », avec Ian MacKaye de Fugazi en invité, fut choisi pour être le deuxième single de l’album : la drôle d’idée ! Parce que ce morceau ultra dissonant et répétitif n’est pas vraiment ce que l’on peut concevoir de plus « commercial »… Quoi qu’il en soit, ça passe plutôt bien.

 

« Nic Fit » est ensuite un très bref morceau punk hardcore, une reprise des Untouchables. Rigolo (avec un son de chiottes), et je ne crois pas que ça prétende à autre chose…

 

« On The Strip » a certainement plus d’ambitions. Un bon morceau de pop vaguement (d’abord, puis moins vaguement) noisy, assez hypnotique et planant. Une réussite, en somme.

 

On passe alors à « Chapel Hill », largement axé pop lui aussi. Refrain très efficace. On notera une jolie partie instrumentale avec une belle montée à mi-parcours environ.

 

Suit l’excellent et très planant « JC », la (les) voix de Kim Gordon venant se poser sur un fond relativement bruitiste avec bonheur, pour un résultat envoûtant et qui a quelque chose de triomphal, presque d’un hymne. Du beau boulot.

 

« Purr » se montre bien plus léger, sous ses dehors de pop énergique, avec un petit quelque chose d’anglais. Hors la partie instrumentale, bien entendu…

 

Ne reste plus que le, euh, « troublant » « Créme Brûlèe » (en mauvais français dans le texte), petit délire d’abord à base de sirènes et de hurlements, puis simili-ballade sans grand intérêt. Une petite blague pour conclure l’album, en somme.

 

N’empêche que. Cet album, moi, je l’aime. En dépit de tout ce qu’on pourra en dire. Avec « Theresa’s Sound-world », il contient un des meilleurs morceaux de Sonic Youth ; pour le reste, il est bien plus qu’honorable, et ne me paraît en rien plus « commercial » que ceux qui précèdent. Alors pourquoi bouder son plaisir ? Dirty, c’est bon, mangez-en.

 

 Suite des opérations : Experimental Jet Set, Trash And No Star.

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"Goo", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, Goo

 

Tracklist :

 

01 – Dirty Boots

02 – Tunic (Song For Karen)

03 – Mary-Christ

04 – Kool Thing

05 – Mote

06 – My Friend Goo

07 – Disappearer

08 – Mildred Pierce

09 – Cinderella’s Big Score

10 – Scooter + Jinx

11 – Titanium Exposé

 

Avec Goo, le sixième album de Sonic Youth après Confusion Is Sex, Bad Moon Rising, EVOL, Sister et Daydream Nation, on atteint une phase de l’histoire du groupe très particulière en ce qui me concerne. C’est en effet avec Goo et l’album suivant Dirty que j’ai découvert Sonic Youth, vers treize, quatorze ans, et ne m’en suis jamais remis. Aussi ces deux albums ont-ils une importance spéciale dans mon cœur, et figurent-ils bien parmi mes favoris du groupe. Peu m’importent les dénégations un tantinet snob de ceux qui viennent se plaindre de ce que le groupe, en signant alors chez Geffen et en « profitant » de la vague grunge, ait réalisé ses plus gros succès commerciaux : inutile de se pincer le nez, en ce qui me concerne en tout cas, Sonic Youth n’a pas mis de l’eau dans son vin sur Goo et Dirty. Ce sont simplement des albums qui se sont retrouvés incroyablement en phase avec leur époque.

 

Goo, en particulier, premier album du groupe chez Geffen donc, m’a toujours fait l’effet d’une petite merveille, bien plus flagrante qu’un Daydream Nation. Les morceaux géniaux s’enchaînent les uns après les autres, comme on aura l’occasion de le voir, dans une parfaite unité de ton et de son qui en fait bien à mes oreilles une des plus grandes réussites du groupe.

 

On notera au passage qu’en 1991 est sortie une vidéo reprenant l’intégralité des titres de l’album, ce qui explique qu’il existe un clip pour chacun d’entre eux. Je n’ai toutefois pas toujours retenu ce dernier dans les liens qui vont suivre, soit que je ne l’ai pas trouvé (…), soit que le son était vraiment trop naze pour que l’on puisse apprécier le morceau…

 

L’album s’ouvre sur l’excellent « Dirty Boots », dont l’amusante vidéo taquine la vague grunge. Le morceau, en tout cas, est un modèle d’écriture et d’efficacité, qui joue aux montagnes russes avec un talent inégalé pour les montées tout en finesse.

 

Suit une pure merveille, incontestablement un des meilleurs morceaux de Sonic Youth, tous albums confondus : « Tunic (Song For Karen) », dédié à Karen Carpenter, batteuse et chanteuse morte d’anorexie. Là encore un modèle d’écriture, et la voix de Kim Gordon par-dessus est riche d’émotions. Un bijou, une des plus grandes réussites du groupe.

 

Après quoi, avec « Mary-Christ », on change radicalement d’atmosphère : une petite pochade complètement débile et rigolote à souhait. Certes pas du grand Sonic Youth, mais on s’amuse bien… On notera que le morceau se finit étrangement sur une amorce de « Kool Thing », semble-t-il parce que les deux titres étaient à l’origine destinés à être enchaînés, mais que la prise originelle n’a pas été conservée…

 

« Kool Thing », donc, single avec en guest star Chuck D de Public Enemy. Un morceau efficace et bien écrit, avec une basse qui sait groover si nécessaire. Pas le sommet de l’album, cela dit, même si ça rentre dans le crâne avec une facilité déconcertante.

 

J’y préfère largement le morceau suivant, le plus long de l’album, « Mote », chanté par Lee Ranaldo, qui figure lui aussi à mon sens parmi les meilleurs compositions du groupe tous albums confondus. Tout d’abord un superbe morceau pop avec une sempiternelle guitare dissonante en fond et un refrain d’une grande efficacité, le morceau, déjà génial comme ça, s’achève en outre sur un merveilleux finale ambient-noise garantissant plusieurs minutes de bonheur cacophonique inégalé. Pas exactement ce que j’appelle du commerce, moi. Mais du grand art, bien.

 

Changement de registre avec « My Friend Goo », morceau autrement court et largement plus débile. Sympa, rentre-dans-le-crâne, mais rien d’exceptionnel.

 

On y préférera « Disappearer », à nouveau chanté par Lee Ranaldo, beau morceau pop aux superbes passages instrumentaux qui contient en outre une très belle montée, digne de figurer dans les anthologies. Très bon.

 

« Mildred Pierce » tient à bien des égards de la sale blague. Ce morceau qui commence comme une power pop tout ce qu’il y a de correct (si ce n’est d’original…) s’achève dans un joyeux bordel quasi grindcore, et hop, fini. Aha.

 

Et l’on passe à « Cinderella’s Big Score », bien plus sérieux et subtil dans sa composition. Du concentré de Sonic Youth, pas forcément grand chose de plus à dire sur ce morceau très sympathique, sans être transcendant.

 

Pas grand chose non plus à dire sur « Scooter + Jinx », dont le titre est assez éloquent en soi : du bruit…

 

Et l’album de s’achever sur « Titanium Exposé » : un morceau hésitant entre sérieux et blague, assez difficile à saisir du coup. C’est assez bon, mais sans vraiment marquer les esprits ; on est en tout cas loin des sommets de l’album tels que « Tunic (Song For Karen) » et « Mote ».

 

Mais le bilan est clair : n’en déplaise aux esprits chagrins, je préfère pour ma part largement Goo à Daydream Nation ; et cet album par lequel j’ai découvert Sonic Youth, après des centaines d'écoutes, reste encore aujourd’hui un de ceux que je préfère du groupe sur l’ensemble de sa longue carrière.

 

 Et, autant le dire de suite, il en va de même pour Dirty, notre prochaine étape dans cette rétrospective Sonic Youth.

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"Sonic Death. Sonic Youth Live, Early Sonic", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, Sonic Death. Sonic Youth Live, Early Sonic

 

Tracklist :

 

01 – Sides 1 & 2

 

Attention, album difficile en vue. Sonic Death est une vraie bizarrerie, qui n’est pas forcément à sa place ici, et qui, à vue de nez, ressemble plus à un pirate qu’à un album officiel. Mais c’en est pourtant bel et bien un… Il s’agit en fait à l’origine d’un enregistrement sur cassette diffusé en 1984, donc entre Kill Yr. Idols et Bad Moon Rising, par Thurston Moore sur son label Ecstatic Peace!, et contenant des enregistrements live de Sonic Youth entre 1981 et 1983, donc dans les toutes premières années du groupe, couvrant la période allant d’avant les enregistrements à Kill Yr. Idols en passant par Sonic Youth et Confusion Is Sex. Pourquoi n’en ai-je donc pas parlé après Confusion Is Sex et avant Bad Moon Rising ? À bien des égards, on aurait pu y voir la solution la plus logique. Seulement voilà : la cassette originale a été rééditée sous la forme d’un CD sur les labels SST et Blast First, et c’est de cette version dont je dispose (elle serait paraît-il épuisée ?) ; or celle-ci est sortie entre Daydream Nation et Goo. C’est pourquoi j’ai préféré respecter la chronologie des versions dont je dispose, et ne traiter de Sonic Death que maintenant, quand bien même cela nous impose de faire un retour en arrière.

 

Mais quel retour en arrière, et dans quelles conditions ! Le CD ne contient en effet qu’une seule piste de plus d’une heure, sobrement titrée « Sides 1 & 2 », sans aucune autre sorte d’indication. Le son, avouons-le d’emblée, est franchement pourrave, les morceaux à l’intérieur de la piste sont coupés n’importe comment, le groupe n’est même pas accordé, bref : c’est du grand n’importe quoi…

 

On peut néanmoins tenter de dresser une liste des éléments – fragmentaires – dont est composée cette unique piste (merci Wikipédouille) :

-         « The Good And The Bad » (0:00 – 5:05) ;

-         « She Is Not Alone (7:16 – 10:31) ;

-         « The Good And The Bad » (12:21 – 17:02) ;

-         « The World Looks Red » (17:02 – 19:15) ;

-         « Confusion Is Next » (20:26 – 23:44) ;

-         « Inhuman » (23:44 – 25:16) ;

-         « Shaking Hell » (29:29 – 30:20) ;

-         « Burning Spear » (30:21 – 33:39) ;

-         « Brother James » (40:05 – 40:23) ;

-         « Early American » (40:23 – 47:31) ;

-         « Burning Spear » (47:32 – 48:43) ;

-         « Kill Yr. Idols » (48:44 – 51:35) ;

-         « Confusion Is Next » (51:36 – 53:05) ;

-         « Kill Yr. Idols » (56:18 – 57:03) ;

-         « Shaking Hell » (58:45 – 60:20) ;

-         « (She’s In A) Bad Mood » (62:46 – 63:40).

 

Sur cette base, le groupe se livre à un véritable foutoir difficilement descriptible. Si vous avez trouvé Confusion Is Sex rude, sachez que Sonic Death, c’est pire : la No Wave dans toute sa splendeur, sans concession, impitoyable, fascinante de brutalité et d’austérité.

 

Mais le mieux est encore de vous en donner quelques extraits. Voyez (enfin, écoutez, plutôt…) par exemple ce bref passage « non identifié », en sachant que là, ils s’appliquent.

 

Plus parlante, sans doute, cette version de « The Good And The Bad » (la seconde de la liste, pas l’excellente introduction), qui en dit long sur la qualité de l’enregistrement, mais reste néanmoins tout à fait intéressante.

 

Des fois, on vire dans le délire le plus total, comme en témoigne cette version accélérée de « The World Looks Red ». Rigolo, mais, euh…

 

Un autre fragment non identifié pour la peine, tiens, histoire de revenir dans le glauque de la plus belle eau. Le son est pourri, et pourtant ça sonne bien. Remarquable.

 

Un petit coup de « Confusion Is Next », avec l’enregistrement qui fait n’importe quoi au début, pour le principe. C’est néanmoins très bon par la suite, malgré, là encore, un son de chiottes. On notera en particulier le finale dantesque et braillard.

 

Autre grand moment, « Burning Spear » (avec en introduction un animateur radio français qui me fait bougrement penser à Bernard Lenoir... ?). Le son est toujours aussi naze, mais la musique toujours aussi efficace.

 

Et on finira ce tour d’horizon sur une dernière piste non identifiée… à moins, vue la durée et la situation sur l’album, qu’il ne faille y voir « Early American » ? M’enfin bon, c’est quand même essentiellement du bruit. Avis aux amateurs.

 

 Le bilan est donc assez clair : pour qui aime ou a fortiori adore Confusion Is Sex (quelqu’un comme moi, par exemple), Sonic Death est tout bonnement indispensable, ne serait-ce qu’à titre documentaire. Mais si vous êtes ne serait-ce qu’un tantinet rebutés par la période No Wave de Sonic Youth, fuyez, pauvres fous, fuyez ce disque insensé, cet objet sonore non identifié, cette galette sonique fatale grave. Parce que vous n’en sortiriez pas vivants… Un disque collector, on va dire, pour fans hardcore uniquement.

 

Prochain épisode : l'excellentissime Goo. Rien à voir ou peu s'en faut.

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"Daydream Nation", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

Daydream-Nation.jpg

 

 

 

SONIC YOUTH, Daydream Nation

 

Tracklist :

 

01 – Teen Age Riot

02 – Silver Rocket

03 – The Sprawl

04 – ‘Cross The Breeze

05 – Eric’s Trip

06 – Total Trash

07 – Hey Joni

08 – Providence

09 – Candle

10 – Rain King

11 – Kissability

12 – Trilogy: a) The Wonder / b) Hyperstation / c) Eliminator Jr.

 

Rétrospective Sonic Youth, épisode 5, après Confusion Is Sex, Bad Moon Rising, EVOL et Sister. Où l’on s’attaque à un gros morceau : Daydream Nation est en effet considéré par beaucoup de monde comme ZE chef-d’œuvre de Sonic Youth. Vous vous rappelez (…), je viens à l’instant de vous blablater sur les classements débiles de Sister ? Eh bien Daydream Nation a fait encore mieux. Allons-y Alonzo, comme dirait le Docteur : Pitchfork Media en a fait le meilleur album des années 1980 (sur 100), rien que ça ; pour Spin, il a été 14e sur 100 pour la période 1985-2005, et 9e sur une liste de 100 albums « alternatifs » ; pour Rolling Stone, 45e sur 100 pour les années 1980, mais aussi 329e sur la liste des 500 plus grands albums de tous les temps ; pour Guitarist, il a été classé 11e sur 101 albums essentiels de guitare ; pour Alternative Press, il a été 51e sur 99 albums parus entre 1985 et 1995 ; pour Blender, sans classement particulier, il fait partie des 500 disques que l’on doit acheter avant de mourir ; pour Q, il est le 30e meilleur album des années 1980 sur une liste de 80 ; last but not least, en 2006, il a fait partie des 50 enregistrements choisis chaque année par la Bibliothèque du Congrès pour intégrer le National Recording Registry, et du coup des rares enregistrements de rock à avoir intégré la prestigieuse institution.

 

Bon, d’accord, c’est du blabla, de l’épate. Mais c’est un signe, quand même. Que l’album a son importance, aucun doute là-dessus. Mais est-il si bon que ça ? Le Nébal est dubitatif. Non, même pas en fait, il a déjà son opinion toute prête : pour moi, Daydream Nation est certes un excellent album, il fait bien partie des albums que vous devez acheter avant de mourir, mais je n’en ferai pas pour autant le chef-d’œuvre de Sonic Youth, et je le trouve un chouia surestimé… Je lui préfère pour ma part des albums tels que Sister et, pour des raisons sentimentales sans doute – je m’en expliquerai le moment venu – Goo et Dirty, albums au plus gros succès commercial, d’ailleurs, mais que je ne pense pas que l’on puisse qualifier de commerciaux pour autant. Mais on y reviendra en temps et en heure.

 

(Ou, dans un registre totalement différent, Confusion Is Sex, mais je me suis déjà expliqué là-dessus.)

 

En attendant, revenons à Daydream Nation, et parlons de musique plutôt que de « récompenses ». En commençant déjà par noter une chose : c’est un album plus long que d’habitude (un double album à l'origine), et qui comprend des morceaux également plus longs, tournant fréquemment autour de sept minutes, voire quatorze pour le dernier ; ce serait le résultat d’un changement dans la méthode de composition du groupe, qui aurait accepté plus facilement de laisser s’exprimer ses longues improvisations (de plus d’une heure, parfois) coutumières lors des sessions d’enregistrement. Et on avouera que c’est pour le mieux, tant ces longs morceaux figurent souvent parmi les plus intéressants de l'album. Mais Sonic Youth est toujours capable de travailler sur un format bien plus resserré, pop ou punk, pour un résultat bref et intense.

 

Quant à l’orientation musicale d’ensemble, elle est dans la continuité de Sister, avec peut-être un accent supplémentaire sur la pop plutôt que sur le noise (tel est du moins mon ressenti, ce qui explique sans doute pourquoi cet album ne me paraît pas si extraordinaire que ce que l’on en dit généralement).

 

En témoigne d’ailleurs le premier morceau, le très célèbre « Teen Age Riot » : si, pour ce qui est de la durée, ce que je viens de dire se vérifie, on constate néanmoins qu’il s’agit là d’un morceau purement pop, dont tout aspect noisy a été soigneusement évacué. Un bon morceau pop, certes, et un single efficace, mais pas le chef-d’œuvre que l’on dit ; pas à mes oreilles, en tout cas…

 

J’y préfère pour ma part le plus nerveux « Silver Rocket », sans doute plus représentatif de la manière du groupe. C’est que celui-ci sait ménager sa place au bruit à l’état pur, entre deux couplets… et du coup, quand ça reprend, ça n’en est que meilleur encore. Une réussite.

 

Suit « The Sprawl », un titre qui, autant l’indiquer puisque nous sommes en Nébalie, aurait été inspiré par William Gibson. À nouveau un morceau long, mais moins « facile » que « Teen Age Riot », et donc autrement plus intéressant… même si, effectivement, ça sent un peu l’improvisation à l’origine.

 

Aussi, dans la même catégorie, on préférera sans doute « ‘Cross The Breeze », d’autant que ce morceau a le bon goût de s’exciter davantage. Mais il nous ménage de très chouettes riffs, tant dans le versant agité du bocal que dans le versant mélodieux.

 

« Eric’s Trip » envoie la sauce d’entrée de jeu, pour un résultat très puissant qui fait saigner les tympans correctement. Pas mal, mais limite saoulant.

 

Il en va tout autrement à mon sens de l’excellent « Total Trash », long morceau tout d’abord très pop-rock, mais qui sait verser en temps utile dans un joyeux bordel noisy délicieusement immersif et foutraque. Probablement un des meilleurs titres de l’album.

 

Suit « Hey Joni », nerveux et keupon à fond les ballons, mais sympathique avec ses harmoniques. Un morceau référencé, certes, mais très efficace.

 

Après quoi « Providence », bien qu’ayant été sorti en single (!), est une simple transition qu’on qualifiera au choix d’industrielle ou de « musique concrète » avec un solo de piano de Thurston Moore derrière des bruits de soufflerie et un appel téléphonique saturé d’écho…

 

« Candle » vient nous reposer les oreilles avec ses douces arpèges… ou du moins est-ce la première impression qui se dégage du morceau, mais, pour rester très pop, celui-ci s’engage rapidement par la suite sur une voie plus énergique. Très sympathique, cela dit.

 

Avec « Rain King » ressurgissent tout d’abord d’étranges réminiscences de Confusion Is Sex, puis le morceau prend une tournure plus moderne mais toujours résolument bruitiste (miam).

 

Suit « Kissability », qui garde un tempo élevé, mais sans se montrer aussi bruyant. Le résultat est honorable dans l’ensemble, beaucoup plus intéressant quand ça s’excite brièvement.

 

Et l’album de s’achever enfin sur un gros morceau de quatorze minutes, « Trilogy ». Ce n’est ni le plus long ni le meilleur des longs morceaux de Sonic Youth (attendez un peu que je vous parle de cette merveille qu’est « The Diamond Sea »…), mais c’est tout de même une belle bête, dont le découpage en trois parties saute aux oreilles, néanmoins. « The Wonder » est une vraie réussite, psychotique, à l’écriture complexe, débordant d’envolées guitaristiques de la plus belle eau. « Hyperstation » est plus sobre, mais reste assez convaincant, et contient de beaux moments instrumentaux. La séparation d’avec « Eliminator Jr. » est pour le moins radicale : c’est en fait clairement un morceau différent ; et un bon, bien bourrin et bruitiste comme on les aime (limite metal-indus, par moments, aurais-je envie de dire) (si) (je vous jure).

 

Alors oui, bien sûr, Daydream Nation est un bon album, et même un très bon album. Mais le chef-d’œuvre de Sonic Youth ? Non, je ne pense pas. Après toutes ces années, je n’arrive pas à m’en convaincre, désolé, ô zélés prosélytes. J’aime, mais j’ai trouvé mieux ailleurs. Et j’y viendrai bientôt.

 

 En attendant, la prochaine étape, ça va être un étrange et rugueux retour en arrière, avec le difficile Sonic Death.

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"Sister", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, Sister

 

Tracklist :

 

01 – Shizophrenia

02 – (I Got A) Catholic Block

03 – Beauty Lies In The Eye

04 – Stereo Sanctity

05 – Pipeline / Kill Time

06 – Tuff Gnarl

07 – Pacific Coast Highway

08 – Hot Wire My Heart

09 – Cotton Crown

10 – White Cross

11 – Master-Dik

 

Où l’on poursuit la rétrospective Sonic Youth, avec leur quatrième album, Sister, après Confusion Is Sex, Bad Moon Rising et EVOL. À mon sens, c’est sur cet album que Sonic Youth achève sa mutation de la No Wave originelle à la noisy pop pour laquelle le groupe est connu. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si Sister est un album jugé aussi fondamental dans l’histoire du rock moderne par divers magazines et institutions : à titre d’info, Pitchfork Media en a fait le quatorzième meilleur album des années 1980, le NME en a fait le numéro 80 de sa liste des plus grands albums de tous les temps et le numéro 37 de sa liste des 50 plus grands albums des années 80, tandis qu’Alternative Press en a fait le troisième meilleur album de la décennie 1985-1995 (et de par chez nous, je crois me souvenir d’un numéro spécial des Inrockuptibles sur les 100 meilleurs albums depuis… ? où il figurait). Bon, vous allez me dire, tout ça, c’est du blabla ; mais je n’entendais montrer qu’une seule chose : l’importance de cet album, qui en son temps a fait comme un choc, et qui a définitivement établi Sonic Youth comme un groupe à part. Car je n’en ferai pas pour ma part le meilleur Sonic Youth, loin de là ; simplement, je pense que c’est ici que se situe la rupture, et non, comme on a parfois tendance à le dire, sur le suivant, Daydream Nation.

 

Ah, et au passage, on rejoint très indirectement les préoccupations habituelles (enfin, en temps normal…) de ce blog, puisque la Sister du titre, ce serait la fameuse Jane, la sœur jumelle de Philip K. Dick, décédée peu après sa naissance… Et la vie et l’œuvre de Philip K. Dick auraient été une source d’inspiration pour le groupe pendant la composition de cet album.

 

Mais parlons maintenant musique, et commençons à décortiquer la bête. On attaque en force avec un titre qui marque durablement les esprits, à savoir « Schizophrenia ». On est décidément bien loin de Confusion Is Sex sur cette piste qui sait faire la part belle à la mélodie, et alterner douceur et furie avec un talent tout… schizophrène (désolé). Une très belle piste, superbement écrite, du grand Sonic Youth indéniablement. Superbe finale, entre autres.

 

Suit le très punk et réjouissant « (I Got A) Catholic Block ». Un morceau très réussi, là encore, et qui porte en lui des gimmicks de composition que l’on retrouvera souvent dans la suite de la carrière du groupe : une bonne part de Sonic Youth est déjà dans ces riffs et ces dissonances. Puis le morceau se calme sur le tard – ce qui est tout aussi révélateur, et passe ma foi fort bien.

 

On passe ensuite au plus tripant « Beauty Lies In The Eye », avec Kim Gordon au « chant ». Très efficace dans son genre, mais un peu court pour qu’on en dise davantage.

 

« Stereo Sanctity » est autrement furibond, avec ses guitares vrille-tympans, mais Dieu que c’est bon ! Un morceau ultra-nerveux et efficace, une perle en son genre.

 

Suit « Pipeline / Kill Time », avec Lee Ranaldo au chant. On voit ici à quel point les compositions du groupe ont gagné en complexité et subtilité, notamment sur le plan rythmique. Après une première partie très rapide, le tempo ralentit et le morceau devient plus planant, avec son solo fou en arrière-plan. Pas mal du tout.

 

« Tuff Gnarl » joue d’emblée une carte plus pop, avec non moins de réussite, avant de s’énerver pour une superbe envolée finale. Rien à redire.

 

Étrangement, « Pacific Coast Highway » (ou « PCH ») n’est pas sans rappeler Confusion Is Sex. Cette impression se dissipe en partie en milieu de morceau, pour laisser la place à quelque chose de plus neuf et apaisé, mais l’angoisse et l’oppression de la No Wave des origines ressurgit en définitive.

 

Suit « Hot Wire My Heart », une reprise de Crime (voilà pour l’original, avec un bonus tant qu’à faire). On comprend effectivement très vite que ce n’est pas une composition de Sonic Youth… Mais c’est un bon morceau, et une reprise amusante.

 

Après quoi l’on passe à une petite merveille avec le très beau et très planant « Cotton Crown » (ou « Kotton Krown »). Un joyau finement ciselé, porté par de belles mélodies de guitares aux dissonances pourtant toujours à l’affût, tandis que le chant à deux voix crée en sus une atmosphère éthérée du plus bel effet.

 

« White Cross » (ou « White Kross ») est autrement plus enlevé, mais non moins efficace. Très belle montée à base d’allers-retours, typique du groupe. Une conclusion idéale pour l’album.

 

En effet, ne reste plus qu’une piste bonus, « Master-Dik » (ou « Master-Dick » ; rien à voir avec l’écrivain, cette fois, paraît-il, mais avec un studio d’enregistrement new-yorkais). Bruitiste et amusant, mais rien de transcendant.

 

Vous l’aurez compris : Sister est un excellent album. Sonic Youth n’a cessé de progresser depuis ses (néanmoins fascinants) débuts et a atteint ici un niveau exceptionnel. Un album indispensable pour les amateurs du groupe.

 

Suite des opérations : Daydream Nation.

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"EVOL", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, EVOL

 

Tracklist :

 

01 – Tom Violence

02 – Shadow Of A Doubt

03 – Star Power

04 – In The Kingdom #19

05 – Green Light

06 – Death To Our Friends

07 – Secret Girl

08 – Marilyn Moore

09 – Madonna, Sean And Me

10 – Bubblegum

 

EVOL est donc le troisième « véritable » album studio de Sonic Youth, après Confusion Is Sex et Bad Moon Rising. C’est aussi le premier sur lequel joue Steve Shelley à la batterie, et donc où le groupe se présente sous son line-up définitif. La photographie de couverture est empruntée à Richard Kern (encore lui). On notera enfin que Sonic Youth y poursuit son évolution entamée avec Bad Moon Rising, de la No Wave de Confusion Is Sex vers une noisy pop plus aboutie techniquement, et qui deviendra caractéristique du groupe. Sous cet angle, EVOL est même à marquer d’une pierre blanche, quand bien même on peut considérer que la chrysalide ne sera totalement devenue papillon qu’avec l’album suivant, Sister.

 

Ah, si, un dernier détail : Sonic Youth, à l’époque, a gardé la mauvaise habitude d’indiquer les titres n’importe comment sur la pochette… La bonne tracklist est donc celle que j’ai indiquée plus haut.

 

L’album commence donc par « Tom Violence » (et non par « Green Light »), un morceau emblématique des nouveaux horizons du groupe, mêlant pop et bruit avec adresse. Une réussite.

 

On passe ensuite à « Shadow Of A Doubt », hommage à Hitchcock qui débute très calmement avant de laisser s’exprimer le bruit. On voit là combien le groupe a gagné en maturité en l’espace de deux albums seulement.

 

Mais « Star Power » témoigne peut-être encore plus du chemin parcouru, en sonnant beaucoup plus comme du Sonic Youth ultérieur, avec son riff pourtant très simple, laissant s’exprimer la dissonance sous contrôle. Le concept de noisy pop prend ici tout son sens.

 

Suit « In The Kingdom #19 », bien plus expérimental et bruitiste, saturé de bruitages par-dessus lesquels parle Lee Ranaldo. Le morceau évoque plus que jamais une sorte de Velvet Underground (façon « The Gift ») moderne, ce qu’est bien destiné à devenir Sonic Youth.

 

Après quoi l’on passe à « Green Light », bien autrement pop, même si la dissonance a bien évidemment (et heureusement) toujours son mot à dire, passés les premiers moments. Là encore, une vraie réussite, parfaitement écrite.

 

« Death To Our Friends » est ensuite un chouette instrumental bien typique de la future manière du groupe, qui est décidément en train de construire son son (ton t... bon d’accord) sur EVOL. Doux bruit ! Un excellent morceau.

 

Suit le très beau « Secret Girl » (désolé, la vidéo coupe un peu tôt, mais je n’ai pas trouvé mieux…), qui commence de manière très expérimentale (et industrielle, une fois n’est pas coutume, et ce n’est certainement pas moi qui vais m’en plaindre) avant de finir en beauté sur la voix de Kim Gordon. Tripant.

 

On passe ensuite à « Marilyn Moore », un morceau co-écrit avec Lydia Lunch de Teenage Jesus & The Jerks (encore elle). Tempo très lent et dissonance permanente en fond pour cette pièce de la plus belle eau, qui peut évoquer un tantinet Joy Division, trouvé-je.

 

Puis vient « Madonna, Sean And Me » (morceau également connu sous les titres de « The Crucifixion Of Sean Penn » et « Expressway To Yr. Skull »), la plus longue piste de l’album, et probablement la plus marquante. Un excellent morceau de pure noisy pop, alternant d’abord douceur et furie avec une maestria dont le groupe n’était pas encore coutumier à l’époque, avant de se conclure sur un finale ambient de toute beauté : sur le vinyle original de l’album, la durée du morceau, qui concluait alors l’album, était indiquée ∞…

 

Le CD se conclut quant à lui sur une piste bonus, une reprise de Kim Fowley, « Bubblegum ». On n’a jamais entendu Sonic Youth sonner aussi pop-rock, mais ça leur va plutôt bien ; le résultat est tout à fait convaincant, et laisse augurer de quelques pistes ultérieures.

 

 EVOL est ainsi un album bien plus abouti que Bad Moon Rising, et en tous points plus satisfaisant, même s’il ne contient pas de tube de l’ampleur de « Death Valley ‘69 ». Il témoigne en tout cas d’une remarquable évolution de la part du groupe, évolution qui se poursuivra et atteindra son point culminant (probablement ?) sur l’album suivant, Sister.

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"Bad Moon Rising (+ Flower - Halloween - Satan Is Boring - Echo Canyon)", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, Bad Moon Rising (+ Flower – Halloween – Satan Is Boring – Echo Canyon)

 

Tracklist :

 

01 – Intro

02 – Brave Men Run (In My Family)

03 – Society Is A Hole

04 – I Love Her All The Time

05 – Ghost Bitch

06 – I’m Insane

07 – Justice Is Might

08 – Death Valley ’69 (W. Lydia Lunch)

09 – Satan Is Boring

10 – Halowe’en

11 – Flower

12 – Echo Canyon

 

Poursuite de la rétrospective Sonic Youth avec Bad Moon Rising, le deuxième « véritable » album du groupe après l’excellent mais encore très marqué No Wave Confusion Is Sex. Entre les deux albums, pourtant séparés par une brève période de temps (Bad Moon Rising est enregistré fin 1984 et sort début 1985), le groupe a quasiment opéré un saut quantique : il semble avoir découvert que les guitares pouvaient servir à autre chose qu’à faire des bruits bizarres, qu’on pouvait jouer des riffs avec, voire – ô étrangeté ! – des mélodies. Mais on ne parlera pas de compromissions pour autant : Bad Moon Rising, pas plus que son prédécesseur, n’est un album facile ; Sonic Youth reste un groupe alternatif, à l’avant-garde de la recherche sonore ; simplement, il commence à faire ça avec un peu plus de maturité, sans doute.

 

Quelques petites niouzes côté pipole (je sais que vous en raffolez, bande de voyeurs) : Thurston Moore et Kim Gordon se sont mariés peu de temps avant l’enregistrement de l’album. Vous vous en foutez ? Vous avez bien raison. Plus intéressant : c’est au cours de la tournée qui le suit immédiatement (et qui verra l’enregistrement des morceaux complétant le CD) que le jeune Steve Shelley intègre le groupe à la batterie (c’est Bob Bert qu’on entend sur l’album) ; le quatuor est désormais au complet, et le groupe gardera cette base jusqu’à aujourd’hui (ce qui n’exclura pas la présence occasionnelle de membres supplémentaires, mais on aura l’occasion d’y revenir). C’est également à l’occasion de la sortie de cet album que l’Anglais Paul Smith crée le label Blast First pour distribuer le disque en Europe, ce qui marque le début d’une longue collaboration.

 

Mais parlons maintenant musique, et commençons à décortiquer la bête. Où l’on commence par une « Intro » fort brève, dont les arpèges nous font clairement comprendre que le groupe a évolué depuis Confusion Is Sex, donc.

 

Et d’enchaîner sur « Brave Men Run (In My Family) », qui, avec son riff simple mais néanmoins efficace, confirme cette première impression, quand bien même le bruit a (heureusement) toujours son mot à dire, et, quand Kim Gordon prend le chant, les atmosphères du premier album se rappellent à notre bon souvenir. Le morceau se conclut d’ailleurs sur une étrange boucle industrielle…

 

… qui fait l’enchaînement avec « Society Is A Hole », un morceau plus lent et hypnotique, au chant un peu incantatoire sur fond légèrement bruitiste. Assez réussi.

 

Puis on enchaîne, sans transition, sur le bien plus long mais toujours assez mou « I Love Her All The Time »… qui confirme en tout cas que les Sonic Youth, s’ils ont découvert les joies de la composition, ne sont pas pour autant devenus de grands chanteurs. Mais on y retrouve avec plaisir quelques déflagrations soniques qui commençaient à se faire rares, et sont d’autant plus les bienvenues qu’elles se mêlent judicieusement au reste.

 

Suit « Ghost Bitch », qui s’ouvre sur un larsen et retrouve plus clairement les ambiances sombres, bruitistes et avant-gardistes de Confusion Is Sex. On aurait à vrai dire envie de qualifier le morceau d’industriel par certains aspects. Très réussi.

 

Enchaînement sur « I’m Insane » (désolé, la vidéo coupe un peu brusquement…), là encore un morceau aux sonorités étrangement (ou pas) industrielles, mais avec un soupçon de mélodie en sus, et la voix de Lee Ranaldo. Répétitif, hypnotique, tout à fait intéressant, sans être exceptionnel pour autant.

 

« Justice Is Might », très court, sur lequel on enchaîne immédiatement, s’inscrit lui aussi plus ou moins dans la continuité de Confusion Is Sex ; mais il s’agit plus d’une conclusion à la « trilogie » entamée par « Ghost Bitch » et dont « I’m Insane » constituait la pièce centrale qu’autre chose.

 

Et arrive (enfin ?) le chef-d’œuvre, avec l’exceptionnel « Death Valley ’69 (W. Lydia Lunch) », sans doute un des premiers tubes du groupe, et j’irais jusqu’à dire, déjà, un de ses meilleurs morceaux. Comme le titre l’indique, Lydia Lunch de Teenage Jesus & The Jerks joue l’invitée, tandis que le clip, si je ne m’abuse, a été réalisé par Richard Kern. Ici, on a déjà du pur Sonic Youth, dans son versant le plus pêchu, avec un riff imparable, et une superbe montée à filer des frissons au plus impassible des auditeurs. Une petite merveille, incontestablement la pièce de résistance de Bad Moon Rising… et par ailleurs sa conclusion.

 

En effet, les morceaux qui suivent ont été enregistrés ultérieurement, lors de la tournée qui a suivi la sortie de l’album (et, au passage, ils sont mal indiqués sur la pochette…). On commence avec « Satan Is Boring », pièce de pure expérimentation basée essentiellement sur une voix trafiquée et la batterie, assez austère dans un premier temps, tandis que la fin ramène une fois de plus à Confusion Is Sex. Dispensable.

 

« Hallowe’en », plus abordable – sans qu’on puisse parler de compromission pour autant, loin de là… – et mélodieux, est aussi incomparablement plus intéressant, mais aussi un peu frustrant : on y sent l’amorce de quelque chose de plus grand…

 

« Flower » revient quant à lui clairement à la No Wave de Confusion Is Sex, avec une indéniable réussite. Un très bon morceau, simple et efficace.

 

Reste enfin le bref « Echo Canyon », simple collection d’effets sonores. Pas vraiment un morceau, et rien à en dire…

 

Bad Moon Rising n’est probablement pas un très grand album de Sonic Youth. Outre qu’il pâtit d’une production un peu inégale (et notamment un peu faiblarde sur sa première moitié), il est encore un peu trop le cul entre deux chaises pour convaincre pleinement. Certes, le groupe y a déjà opéré une évolution impressionnante. Mais il lui restera à compléter son saut quantique avec EVOL et Sister pour devenir pleinement le Sonic Youth que nous connaissons et adorons. Il n’en reste pas moins que Bad Moon Rising contient quelques titres intéressants, et, déjà, une merveille, l’excellent « Death Valley ‘69 » : comme une promesse du meilleur à venir.

 

 Suite des opérations avec EVOL.

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"Confusion Is Sex (Plus Kill Yr. Idols)", de Sonic Youth

Publié le par Nébal

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SONIC YOUTH, Confusion Is Sex (Plus Kill Yr. Idols)

 

Tracklist :

 

01 – (She’s In A) Bad Mood

02 – Protect Me You

03 – Freezer Burn / I Wanna Be Your Dog

04 – Shaking Hell

05 – Inhuman

06 – The World Looks Red

07 – Confusion Is Next

08 – Making The Nature Scene

09 – Lee Is Free

10 – Kill Yr. Idols

11 – Brother James

12 – Early American

13 – Shaking Hell (Live)

 

Bon, allez, finalement, je vais me la faire, cette rétrospective Sonic Youth. Mais avec un double avertissement au préalable : déjà, pour avoir farfouillé, il ne me sera pas toujours possible de vous donner des extraits vidéos (ou alors il faudra passer par des lives, on verra bien) ; ensuite, je ne vais pas prétendre à l’exhaustivité : c’est qu’en l’espace d’environ trente ans, le groupe a eu le temps d’enregistrer une discographie pour le moins conséquente, et que je suis loin de tout avoir, notamment pour ce qui est des albums expérimentaux, pas les plus évidents à se procurer… À l’heure où j’écris ces lignes, le programme est donc le suivant : Confusion Is Sex (Plus Kill Yr. Idols) ; Bad Moon Rising (+ Flower – Halloween – Satan Is Boring – Echo Canyon) ; EVOL ; Sister ; Daydream Nation ; Sonic Death. Sonic Youth Live, Early Sonic ; Goo ; Dirty ; Experimental Jet Set, Trash And No Star ; Washing Machine ; A Thousand Leaves ; Silver Session For Jason Knuth ; Sonic Nurse ; Rather Ripped ; The Destroyed Room. B-Sides And Rarities ; Andre sider af Sonic Youth. Roskilde Festival d. 1 Juli 2005 ; The Eternal. Ouf. Ça fait quand même du boulot, mine de rien. (EDIT : depuis, j'en ai rajouté...) 

 

Adonc, Sonic Youth. Le groupe apparaît à New York, en pleine scène No Wave, dans la foulée de Teenage Jesus & The Jerks, James Chance & The Contortions, Mars, D.N.A. ou encore Glenn Branca, auprès duquel les guitaristes Thurston Moore et Lee Ranaldo ont fait leurs premières armes. C’est la rencontre avec la bassiste/guitariste Kim Gordon qui décide de la formation du projet, qui voit se succéder dans ses premières années une théorie de batteurs, avant de se fixer définitivement avec l’arrivée de Steve Shelley à ce poste (mais nous n’en sommes pas encore là). Quant au chant, il est partagé par Moore, Ranaldo et Gordon, ce que j’ai toujours trouvé éminemment sympathique.

 

Le groupe commence par se signaler lors de concerts épiques en 1981-1982 (dont témoignera en partie Sonic Death), bien représentatifs de l’esprit du temps : il ne s’agit pas tant de jouer bien (si tant est qu’on sache jouer…) que de jouer fort et de sortir des bruits bizarres de ses guitares, de livrer une musique atonale et sans concessions, bref, de pousser l’esprit punk jusqu’à ses ultimes limites. Glenn Branca (encore lui) s’intéresse aux performances de ces terroristes sonores, et les incite à enregistrer un premier EP, intitulé simplement Sonic Youth (avec Richard Edson de Konk à la batterie).  Suivra bientôt le premier « vrai » album : ce sera le légendaire Confusion Is Sex, en 1983 (avec à la batterie Jim Sclavunos de Teenage Jesus & The Jerks), album depuis réédité en compagnie de l’EP suivant, enregistré en tournée, Kill Yr. Idols (cette fois avec Bob Bert à la batterie).

 

Le résultat ? Un album très sombre et expérimental, atonal, parfois furibard, souvent glauque. Pas du tout représentatif de ce que fera Sonic Youth par la suite, entendons-nous d’ores et déjà là-dessus. Mais néanmoins fort intéressant.

 

L’album commence très fort et très bien avec l’excellent « (She’s In A) Bad Mood », avec ses guitares en intro et en fond sonnant vaguement comme un gamelan (ce qui revient souvent sur l’album). Une basse lourde laisse le champ libre aux déflagrations soniques des guitares. Le résultat est imparable, et, par exception, bien que d’une noirceur peu coutumière du groupe, annonciateur de certains titres ultérieurs. Une introduction parfaite pour l’album, en tout cas.

 

Suit le fragile et glauquissime « Protect Me You », où Kim Gordon prend le, euh, le « chant ». Un morceau répétitif et oppressant, d’une très grande efficacité. Là encore, la guitare ne sert guère qu’à bruiter, le peu de mélodie du morceau ne provenant que de la basse, bien secondée par la batterie.

 

Après quoi l’on passe à « Freezer Burn / I Wanna Be Your Dog », c’est-à-dire à une sorte d’introduction ambiant/indus (aujourd'hui on parlerait sans doute de drone), coupée d’un seul coup et n’importe comment pour enchaîner sur une reprise totalement hystérique et bonne à se taper la tête contre les murs du tube des Stooges. D’une puissance rare, malgré (ou à grâce à ?) un son de chiottes.

 

Puis vient le tour de « Shaking Hell », un morceau tout d’abord très nerveux, et très influencé par les piliers de la No Wave. Puis le groupe calme un peu le jeu, pour verser dans l’incantatoire, et remonter progressivement dans un crescendo plein de tension. Très bon.

 

« Inhuman » s’ouvre sur du bruit à l’état pur, puis poursuit dans une veine là encore très typée No Wave. Efficace, rien à redire.

 

« The World Looks Red » s’inscrit lui aussi assez clairement dans cette lignée, avec tout autant de réussite.

 

J’avoue cependant y préférer des morceaux plus lents et atonaux, comme le très lourd (du moins dans un premier temps) « Confusion Is Next » qui suit. Finalement, les oreilles en prennent un peu plus pour leur grade, mais délicieusement, et l’ambiance est fabuleuse. Très autistique, celui-là. Jusqu’à l’accélération finale, dans un déluge de bruit. Et c’est bon.

 

Suit « Making The Nature Scene ». Pour une fois, un morceau – essentiellement fondée sur la basse/batterie – qui me laisse dans l’ensemble assez froid. Ce n’est pas mauvais, non, mais ça n’a rien de bien marquant non plus…

 

Et Confusion Is Sex de se conclure sur « Lee Is Free », où les guitares (?) sonnent plus que jamais comme un gamelan. Intéressant, assez fascinant même.

 

On enchaîne donc sur Kill Yr. Idols avec… « Kill Yr. Idols », un morceau très punk, où les guitares, toujours dissonantes avant tout, cherchent quand même un peu le riff – on tend à se rapprocher du Sonic Youth ultérieur, en bien plus furibard cela dit. Très bon, en tout cas.

 

Suit le très bon « Brother James », qui, là encore, témoigne d’un surprenant changement d’état d’esprit de la part des membres de Sonic Youth, qui n’approchent visiblement plus la composition de la même manière que sur Confusion Is Sex, laissant désormais aux guitares une fonction autre que celle de simplement faire du bruit.

 

« Early American », par contre, revient un peu en arrière – ce qui n’est pas forcément pour me déplaire, notez –, avec son ambiance très sombre et oppressante, et en même temps assez planante.

 

Et l’album de se conclure sur « Shaking Hell (Live) ». Voyez plus haut ; c’est pareil, mais en pire ; et donc en mieux. Miam.

 

Confusion Is Sex (Plus Kill You Idols) constitue à maints égards le chant du cygne de la scène No Wave new-yorkaise, et son génial aboutissement. Mais c’est aussi le premier véritable album d’un groupe qui n’a pas fini de faire alternativement du bien et du mal à nos oreilles. Certes, cet album-là n’est pas du tout représentatif du Sonic Youth ultérieur ; il n’en est pas moins excellent, et j’irais même jusqu’à dire – mais cela n’engage que moi – que c’est à mes oreilles un des albums les plus fascinants du groupe, qui mérité bien d’être écouté et réécouté.

 

 Pour la suite, j’aurais pu parler directement de Sonic Death, puisqu’il s’agit d’un témoignage live (et particulièrement rude…) des premières années de Sonic Youth ; mais l’album n’étant sorti qu’ultérieurement (en version CD, en tout cas...), je vais m’en tenir à la chronologie : prochain épisode, donc, Bad Moon Rising (+ Flower – Halloween – Satan Is Boring – Echo Canyon).

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"Is This Desire?", de PJ Harvey

Publié le par Nébal

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PJ HARVEY, Is This Desire?

 

Tracklist :

 

01 – Angelene

02 – The Sky Lit Up

03 – The Wind

04 – My Beautiful Leah

05 – A Perfect Day Elise

06 – Catherine

07 – Electric Light

08 – The Garden

09 – Joy

10 – The River

11 – No Girl So Sweet

12 – Is This Desire?

 

Chose promise, chose due, je vais donc vous entretenir aujourd’hui de Is This Desire?, à mes oreilles le deuxième meilleur album de PJ Harvey. Je ne vous cacherai pas cependant que je le mets loin derrière cet incomparable chef-d’œuvre qu’est To Bring You My Love. Mais, ainsi que je vous l’ai dit la dernière fois, cet album-ci est en ce qui me concerne rien de moins qu’un des plus grands chefs-d’œuvre de tous les temps de la mort de la galaxie. Dans ces conditions, faire moins bien n’a rien de déshonorant, ni a fortiori d’étonnant. Et, avec Is This Desire?, ce qui est tout à fait remarquable, c’est que miss Polly Jean Harvey, certes a fait moins bien, mais a néanmoins fait très bien, et, prenant des risques, dans une voie très différente, où le succès n’était pas garanti. À en croire Wikipédouille, l’album aurait d’ailleurs été mal accueilli à sa sortie, mais, honnêtement, je n’en ai pas le souvenir, je crois qu’ils ont un peu fumé la moquette, là… ‘fin bon, pas grave.

 

L’important, c’est que, pour être moins bon que To Bring You My Love, Is This Desire? n’en est pas moins un très très bon album, bien digne du talent de la géniale PJ, qui nous en révèle ici bien des facettes parfois insoupçonnées. Et c’est à nouveau un album superbement produit (quoique j’y préfère largement pour ma part la patte unique, glauque et poisseuse, du précédent, mais bon…), et qui s’autorise cette fois plus franchement quelques escapades électroniques, vers un trip-hop à la Tricky première manière (quand Mr Quaye avait du talent, en somme), voire vers un indus décomplexé (si), ce qui n’est évidemment pas pour me déplaire, vous pensez bien…

 

Mais nous n’en sommes pas encore là. L’album s’ouvre tout en douceur avec « Angelene », jolie petite ballade pop aux agréables rondeurs de basse et au piano discret mais inspiré (comme souvent sur l’album, où cet instrument est assez récurrent, à la différence du précédent), secondé par un orgue faisant la transition avec To Bring You My Love.

 

Puis on passe au court et nerveux « The Sky Lit Up », un morceau pêchu relativement noisy, fort sympathique, même si sans doute trop bref pour qu’on puisse en dire plus.

 

Avec « The Wind », on est en plein dans ces morceaux versant dans le trip-hop à la Tricky que j’évoquais en introduction. Rythmique chaloupée, basse ronde, chant alternant entre le chuchoté et des aigus fragiles pouvant d’ailleurs parfois évoquer Martina Topley Bird… Très efficace.

 

Suit « My Beautiful Leah » (NB : on s’en cogne de la vidéo…), un morceau indéfinissable, sorte de trip-hop industriel bizarre, mais une vraie réussite en tout cas, avec une belle ambiance saturée et glauque. Original et fort. Jusqu’ici, je sais pas vous, mais moi je trouve que cet album, déjà bon au premier morceau, s’améliore de piste en piste…

 

Mais le niveau redescend un peu, à mes oreilles en tout cas, avec le bien plus conventionnel « A Perfect Day Elise », dont seule la rythmique garde quelque chose de l’originalité électronisante de ce qui précède ; pour le reste, c’est un morceau pop finalement assez classique, et sans doute un peu décevant. Pas désagréable, cela dit, mais on s’attendait à mieux ; disons que j’ai toujours trouvé que ça sentait un peu trop le single pour être honnête.

 

On retourne à quelque chose de moins « facile » (façon de parler, oui, oui…) avec « Catherine », un morceau tout en douceur et retenue. Autrement intéressant à mon sens. Jolie mélodie minimaliste, et belle production.

 

Suit un de mes morceaux préférés de l’album, le superbement glauque et cinématographique « Electric Light », porté par une basse ronde angoissante comme c’est pas permis, avec un chant à l’avenant. Tout l’art du faussement simple déployé dans cette courte merveille d’écriture. J’adore.

 

Puis l’on enchaîne sur une autre merveille avec le très beau « The Garden », avec une chouette rythmique basse-batterie, mais qui vaut surtout pour son refrain, de toute beauté, avec son piano minimaliste, ses douces nappes et son chant fragile.

 

Et là… J’enrage, je désespoire, je vieillessennemie ! Mon morceau préféré de l’album, « Joy », est bien évidemment le seul que je ne trouve ni sur Youtube, ni sur Dailymotion… Alors oui, j’en ai bien trouvé des versions « live », mais franchement, les gens, ça n’a rien à voir… Parce que ce morceau, sur l’album, est un authentique bijou industriel (si), sans guitares ou quoi que ce soit de conventionnel, sur lequel braille la dame de Dorset. Du coup, ce que j’ai trouvé qui s’en rapproche le plus, c’est ce remix. Va falloir faire avec, les gens… Mais oh ! Doux BRUIT ! Que ce morceau est bon ! Merci, Miss Harvey.

 

Bon. On se calme les nerfs avec le très beau « The River », et sa douce mélodie au piano, bien secondée par une basse inspirée. Planant et efficace. Miam.

 

« No Girl So Sweet » remonte brièvement le volume sonore, en miroir à « The Sky Lit Up ». Ce n’est pas mauvais, mais avouons quand même que, comparativement à la plupart des jolies choses qu’on a entendues jusqu’à présent, c’est un bon cran en-dessous… On ne s’y attardera donc guère.

 

Et l’on conclura donc l’album sur « Is This Desire? », un très beau morceau, très planant, avec là encore un refrain de toute beauté. La meilleure des conclusions pour un excellent album, décidément.

 

Is This Desire? n’a pas le génie ni, probablement, l’unité de ton caractéristiques de To Bring You My Love. Ça n’en est pas moins un album brillant, bourré d’idées et de prises de risques, audacieux et riche, débordant de talent, bref : excellent. Le deuxième meilleur album de PJ Harvey à mes oreilles, donc. Autant dire qu’il est indispensable.

 

 Suite des opérations musicales ? Ben, je sais pas. D’un côté, j’ai un peu la flemme… De l’autre, je me ferais bien une petite rétrospective Sonic Youth… Boah, on verra bien.

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"To Bring You My Love", de PJ Harvey

Publié le par Nébal

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PJ HARVEY, To Bring You My Love.

 

Tracklist :

 

01 – To Bring You My Love

02 – Meet Ze Monsta

03 – Working For The Man

04 – C’Mon Billy

05 – Teclo

06 – Long Snake Moan

07 – Down By The Water

08 – I Think I’m A Mother

09 – Send His Love To Me

10 – The Dancer

 

Pour ce bref et temporaire retour aux chroniques musicales, je m’en vais vous entretenir d’un des plus grands albums de tous les temps.

 

Là, c’est dit.

 

Je ne me qualifierais pas personnellement de fan extatique de Miss Polly Jean Harvey (même si j’ai pas fait mon malin quand je l’ai vu sur scène, j’avoue, j’en ai foutu partout...). J’aime ce qu’elle fait, mais je trouve bon nombre de ses albums surestimés, que ce soit au tout début de sa carrière (Dry et Rid Of Me, pour ne pas les nommer) ou ultérieurement.

 

Mais, entre les deux, la dame a pondu deux merveilles incomparables. Et, rien que pour ça, elle aura droit à ma gratitude éternelle, et à mon admiration de tous les instants. C’est en effet l’époque où PJ Harvey a su accommoder son incontestable talent pour le songwriting d’une très légère touche électronisante et d’une production à l’avenant, riche en effets, sonnant presque industrielle à l’occasion (j’assume). Cela a donné tout d’abord cet extraordinaire chef-d’œuvre – dans tous les sens du terme – qu’est To Bring You My Love, dont je vais vous parler aujourd’hui. Puis, un peu plus tard, le très bon également – même si, paraît-il, mal reçu à sa sortie (mais je n’en ai pas le souvenir… ?) – Is This Desire?, dont il est fort probable que je vous entretienne prochainement.

 

Mais d’abord, donc, To Bring You My Love. Un des plus grands albums de tous les temps, disais-je. Un album qui – j’assume entièrement mon propos – se rapproche de la perfection. Un album, enfin, avec une patte unique, indéfinissable, quelque part entre folk glauque, torride et poisseux, pop énervée portée sur le bruit, et expérimentations vaguement électronisantes, riches en basses sourdes et lourdes et en orgues minimalistes.

 

Minimalisme. Un mot-clef, sans doute, pour appréhender cet album, le plus souvent caractérisé par le principe antique du « rien de trop ». Du faussement simple, pour un modèle d’écriture épurée.

 

L’album s’ouvre sur « To Bring You My Love » (désolé, le morceau est coupé un peu brutalement, je n’ai pas trouvé mieux…), ou la meilleure des introductions, au léger crescendo parfait, et à la saturation délicieuse. Le riff est tout simple, mais d’une efficacité diabolique, et l’orgue se fait le compagnon idéal et céleste de la voix grave de Polly Jean. Pas exactement la chanson d’amour la plus positive que l’on puisse concevoir, mais une vraie petite merveille, qui instaure d’ores et déjà l’ambiance lourde et poisseuse caractéristique de l’album.

 

On enchaîne sur « Meet Ze Monsta », un incontournable live, à la (aux ?) basse(s) et à la rythmique également monstrueuses (eh…), et pour le coup passablement énervées. Un déluge de sonorités quasi industrielles, là encore merveilleusement saturées. C’est très très lourd, et effroyablement bon.

 

Suit « Working For The Man ». On change assez radicalement de registre, même si le morceau est à nouveau porté par la basse, sourde et répétitive ; une sorte de quasi-dub glauquissime, oppressant, claustrophobe, au chant chuchoté, semi dissonant quand il vire dans les aigus… une vraie réussite.

 

Nouveau changement de registre avec « C’Mon Billy », ballade folk érotico-funèbre à la mélodie imparable et aux arrangements sublimes. Un morceau très charnel, sensuel, et d’une efficacité redoutable.

 

Après quoi « Teclo » retourne quelque peu aux ambiances de « To Bring You My Love », avec son riff bluesy très simple et pourtant génial qui fait quelque peu l’autoroute, secoué de trémolos, sur lequel vient se poser la voix grave de PJ Harvey. Là encore, ce n’est pas la joie qui domine… Très beau, et très planant.

 

Quant à « Long Snake Moan », il semble s’inscrire dans la continuité de « Meet Ze Monsta » : une pop énervée, rythmée et saturée, riche en basse. Bien, mais un peu moins convaincant que le reste, peut-être. Car un peu plus classique, sans doute… Cela dit, on ne va pas bouder notre plaisir : cela reste très bon.

 

L’effet de miroir se poursuit sur le morceau suivant, « Down By The Water » n’étant pas sans évoquer « Working For The Man » ; là encore, on se trouve devant un morceau pour le moins électronisant, porté par une basse sourde et blindée d’effets, quelque part entre dub et bossa nova. Très efficace, et à nouveau très glauque, a fortiori sur le finale chuchoté…

 

« I Think I’m A Mother », très bluesy, poursuit « To Bring You My Love » et « Teclo ». La voix de PJ Harvey n’a jamais été aussi grave, c’est à faire peur… Un morceau assez angoissant, que j’aurais irrésistiblement envie de qualifier de lynchien, si tant est que ça veuille dire quelque chose (peut-être parce que ça m’évoque BlueBob ?)…

 

Avec « Send His Love To Me », par contre, c’est clairement l’atmosphère de « C’Mon Billy » que l’on retrouve, avec encore une fois de beaux arrangements. À nouveau une jolie ballade, pas ce qu’il y a de plus joyeux, mais tout ce qu’il y a d’efficace. Une mélodie qui rentre dans le crâne et n’en ressort pas, mais c’est tant mieux.

 

Reste enfin « The Dancer », qui conclue l’album sur une note chaloupée et orgasmique, vibrante d’émotion au rythme de la guitare.

 

Dieu que cet album est bon…

 

 Allez, en principe, je vous causerai bientôt de Is This Desire?, puisque c’est ça.

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