"Dirty", de Sonic Youth
SONIC YOUTH, Dirty
Tracklist :
01 – 100%
02 – Swimsuit Issue
03 – Theresa’s Sound-world
04 – Drunken Butterfly
05 – Shoot
06 – Wish Fulfillment
07 – Sugar Kane
08 – Orange Rolls, Angel’s Spit
09 – Youth Against Fascism
10 – Nic Fit
11 – On The Strip
12 – Chapel Hill
13 – JC
14 – Purr
15 – Créme Brûlèe
Sonic Youth, septième album, Dirty, après (la liste commence à devenir longue…) Confusion Is Sex, Bad Moon Rising, EVOL, Sister, Daydream Nation et Goo. Comme je l’avais expliqué en traitant de ce dernier, j’ai pour ma part découvert Sonic Youth avec Goo et Dirty, deux excellents albums mais parfois un peu boudés par les puristes parce que supposés plus « commerciaux » que les autres. C’est particulièrement vrai de celui-ci, sorti en pleine vague grunge… et avec Butch Vig à la production, lui qui s’était illustré notamment sur le Nevermind de Nirvana, également chez Geffen, qui a beaucoup investi sur Dirty dans l’espoir (déçu…) d’en faire un second gros carton.
Thurston Moore lui-même aurait accrédité l’idée selon laquelle cet album aurait connu quelques détours commerciaux, chose qui m’a toujours paru pour le moins surprenante. La composition ne me paraît pas plus « commerciale » sur cet album que sur les précédents, en tout cas. Seule concession, peut-être, des morceaux plus courts ? Ou alors est-ce le son ? Certes, il est différent. Il est gros, surtout, et sonne presque « metal » à l’occasion ; pour ma part, je trouve que Butch Vig et Andy Wallace ont fait de l’excellent travail, mais peut-être est-ce là qu’il faut chercher ce que regrette Thurston Moore ? À vrai dire, je n’en sais rien… et je m’en balance un peu. Quelles que soient les opinions des fans comme celles des membres du groupe, il n’en reste pas moins qu’à mes oreilles, Dirty, qui est un des premiers albums de Sonic Youth que j’ai eu le bonheur d’écouter, reste aussi un des meilleurs, après plusieurs centaines d’écoutes.
Décortiquons donc la bête. On attaque en force avec le premier single, que je ne qualifierai guère de « commercial » (et qui fut d’ailleurs un échec), « 100% », avec sa guitare dissonante en permanence (un trait assez caractéristique de l’album). On se prend en tout cas en pleine face le « nouveau » son de Sonic Youth concocté par Vig et Wallace ; et perso, j’aime bien…
« Swimsuit Issue » est ensuite un morceau particulièrement énervé, où, là encore, on se prend du gros son en pleine face. Ça se calme sur la fin, mais n’en est pas moins très bon.
Suit une pure merveille, à mon sens un des meilleurs morceaux de Sonic Youth tous albums confondus, le splendide « Theresa’s Sound-world » (NB : on s’en cogne de la vidéo ; on ferme les yeux, et on s’abandonne), aux atmosphères d’une richesse incroyable. Fureur et mélodie s’y mêlent avec un bonheur inconcevable, dans de subits jaillissements d’adrénaline. Une pure merveille, vous dis-je. Ne serait-ce que pour ce morceau, cet album prétendument « commercial » vaut le détour.
Changement radical de registre avec « Drunken Butterfly », un morceau qui sonne presque metal, avec son riff plombé. Mais c’est que c’est pas mal du tout, quand même. Faut dire, Kim Gordon qui dit « I love you », ça fait son effet… Un single teigneux et mal élevé, très efficace.
Le chaloupé « Shoot » surprend de la part de Sonic Youth, que l’on n’attendait pas vraiment dans ce registre, mais reste tout à fait fréquentable. Kim Gordon chante comme une casserole, mais c’est tant mieux, et l’ambiance est bien vue.
« Wish Fulfillment » est plus dans la norme sonic-youthienne. Un morceau plutôt pop, mais qui sait s’énerver, et se montre tout à fait convaincant.
Suit « Sugar Kane », un excellent single, une pop brillante, à l’écriture finement ciselée et au refrain imparable. Le morceau comprend en outre une très belle partie instrumentale, avec une riche montée comme on les aime. Très bon, y’a pas.
« Orange Rolls, Angel’s Spit » : Kim Gordon n’est vraiment pas contente, et nous le fait savoir. Ouh putain ! On ne l’avait jamais entendu aussi rageuse. Mais le résultat est un morceau, bœuf certes, mais très bon surtout. Excellente partie instrumentale là encore, avant une reprise du, euh, du « chant » plus furax que jamais.
« Youth Against Fascism », avec Ian MacKaye de Fugazi en invité, fut choisi pour être le deuxième single de l’album : la drôle d’idée ! Parce que ce morceau ultra dissonant et répétitif n’est pas vraiment ce que l’on peut concevoir de plus « commercial »… Quoi qu’il en soit, ça passe plutôt bien.
« Nic Fit » est ensuite un très bref morceau punk hardcore, une reprise des Untouchables. Rigolo (avec un son de chiottes), et je ne crois pas que ça prétende à autre chose…
« On The Strip » a certainement plus d’ambitions. Un bon morceau de pop vaguement (d’abord, puis moins vaguement) noisy, assez hypnotique et planant. Une réussite, en somme.
On passe alors à « Chapel Hill », largement axé pop lui aussi. Refrain très efficace. On notera une jolie partie instrumentale avec une belle montée à mi-parcours environ.
Suit l’excellent et très planant « JC », la (les) voix de Kim Gordon venant se poser sur un fond relativement bruitiste avec bonheur, pour un résultat envoûtant et qui a quelque chose de triomphal, presque d’un hymne. Du beau boulot.
« Purr » se montre bien plus léger, sous ses dehors de pop énergique, avec un petit quelque chose d’anglais. Hors la partie instrumentale, bien entendu…
Ne reste plus que le, euh, « troublant » « Créme Brûlèe » (en mauvais français dans le texte), petit délire d’abord à base de sirènes et de hurlements, puis simili-ballade sans grand intérêt. Une petite blague pour conclure l’album, en somme.
N’empêche que. Cet album, moi, je l’aime. En dépit de tout ce qu’on pourra en dire. Avec « Theresa’s Sound-world », il contient un des meilleurs morceaux de Sonic Youth ; pour le reste, il est bien plus qu’honorable, et ne me paraît en rien plus « commercial » que ceux qui précèdent. Alors pourquoi bouder son plaisir ? Dirty, c’est bon, mangez-en.
Suite des opérations : Experimental Jet Set, Trash And No Star.