"Christ Illusion", de Slayer
SLAYER, Christ Illusion.
Tracklist :
01 – Flesh Storm
02 – Catalyst
03 – Skeleton Christ
04 – Eyes Of The Insane
05 – Jihad
06 – Consfearacy
07 – Catatonic
08 – Black Serenade
09 – Cult
10 – Supremist
(Précisons d’emblée que ce compte rendu est fait à la demande générale de Cachou ; toute réclamation devra donc lui être adressée directement.)
Oh, la jolie couverture que voilà !
Et de fort bon goût qui plus est.
Certes, Slayer est coutumier du fait. Mais on ne leur en voudra pas, parce que c’est aussi un peu pour ça qu’on les aime. Mais surtout pour une autre raison, bien simple elle aussi. Voyez-vous, mes chers amis, les groupes de metal se répartissent en trois catégories : d’un côté, il y a Slayer ; de l’autre, il y a Motörhead ; enfin, il y a tous les autres.
Simple, non ?
Oh, je sais bien qu’il s’en trouvera toujours pour proposer d’autres classifications, toutes plus absurdes les unes que les autres, et relevant indéniablement de l’enculage de mouches. J’en ai même rencontré une de particulièrement perverse, et impliquant Slayer qui plus est : celle qui fait de Slayer un des « Big Four », comprendre un des quatre grands groupes de trash metal, les trois autres étant Metallica, Megadeth, et Anthrax.
Aha.
Non, mais, franchement, de qui se moque-t-on ?
Classification irrecevable pour le Nébal. Pour la bonne et simple raison que je n’ai jamais pu blairer Megadeth, à peine plus Metallica (… même si, oui, je l’avoue, j’ai, comme tout le monde, joué dans un groupe qui reprenait « Enter Sandman » et « Nothing Else Matters », et, oui, je l’avoue, j’ai versé ma petite larme sur « Fade To Black » et « The Unforgiven »…), et que je ne connais pas assez Anthrax pour en dire quoi que ce soit (même si le peu que j’en connais m’inspire déjà plus de respect… ne serait-ce que le rigolo « Bring the Noise » avec Public Enemy).
Seulement, désolé, mais Slayer, ça n’a rien à voir.
Slayer, c’est la haine à l’état pur, c’est du concentré de violence, c’est le Blitzkrieg musical. Des riffs qui passent le mur du son, la double grosse caisse qui mitraille le public, le chanteur qui hurle sa rage et sa douleur dans un même beuglement interminable. C’est l’enfer sur terre, un champ de bataille plongé sous un déluge d’artillerie lourde (aha… pardon), c’est SLAYER, QUOI, MERDE !
Alors – toute homophobie mise à part – vous allez tout de suite arrêter vos comparaisons avec ces autres groupes de tafioles, là, hein. Parce que moi, là, je vous parle de SLAYER.
Et je vais plus précisément vous parler de leur avant-dernier album, Christ Illusion, datant de 2006.
(J’ai failli écrire « dernier », mais il semblerait que ces petits canaillous aient sorti un World Painted Blood fin 2009 ; on ne me dit jamais rien…)
Un album qui, pour beaucoup – dont votre serviteur –, a marqué le retour du « vrai Slayer », celui de l’indépassable trilogie Reign In Blood / South Of Heaven / Seasons In The Abyss (dont il faudra bien que je vous parle un jour). Ce qui a pu être critiqué : Slayer, pour certains, en se contentant de revenir à ses sources, fuyait toute prise de risques, et ne faisait que se répéter… Je ne suis pas tout à fait d’accord, ainsi qu’on va le voir. Même si… Enfin, vous verrez bien.
En tout cas, il y a eu un gros changement entre-temps : le son, en 2006, n’est plus exactement le même que 20 ans plus tôt ; et ça vaut notamment pour la batterie, où on retrouve (enfin !) derrière les fûts un Dave Lombardo plus inspiré que jamais sur cet album…
Et on en a la preuve dès le premier morceau, le classique instantané « Flesh Storm », qui entre immédiatement dans la liste des meilleurs morceaux de Slayer, aux côtés des « Angel Of Death », « War Ensemble », « Raining Blood », etc. Les riffs sonts classiques, certes, mais imparables, et les roulements de batterie sont bluffants. Une très bonne entrée en matière, qui laisse sur le cul d’entrée de jeu.
Suit le puissant « Catalyst », très punk/hardcore (à certains égards dans la veine du mal-aimé Undisputed Attitude, cover-album que j’avais pour ma part beaucoup aimé, alors, bon...), où Lombardo fait des ravages avec ses pieds (mais nom du Diable, comment fait-il pour jouer aussi vite ?!?), tandis qu’Araya se montre plus haineux que jamais. Une vraie réussite.
Suit un « Skeleton Christ » où la batterie reste très inspirée, mais qui, pour le reste, sonne effectivement comme du Slayer déjà entendu cent fois, et ne marque pas trop les esprits. Ce n’est pas mauvais, mais ça n’a rien d’exceptionnel pour autant. Jolie conclusion, cela dit (là aussi, surtout grace à Dave Lombardo…).
On enchaîne sur le bien plus lent mais non moins puissant « Eyes Of The Insane », à nouveau un véritable hymne à la double. Mais ce que j’en ai surtout retenu, c’est ce clip, ambigu, certes, gore, aussi – attention aux âmes sensibles –, mais très, très fort. Impressionnant, vraiment. Et, pour l’anecdote, le morceau (ou le clip ?) a été récompensé par un Grammy award.
Une vraie perle ensuite – oui, j’enchaîne les superlatifs et compagnie, mais ça vaut surtout pour le début de l’album, vous allez voir... – avec le controversé « Jihad », où Lombardo fait une fois de plus des merveilles. Mais ce qui me plaît surtout dans ce morceau, c’est sa complexité rythmique – on est loin du 4/4 – et ses sonorités quasi indus (vu le pompage de Slayer dont s’est rendu coupable Ministry sur les derniers albums, ce n’est que justice, dans un sens…). Très joli finale (merci, m’sieur Lombardo, merci !).
La suite de l’album, autant le dire de suite, si elle reste de qualité, est tout de même nettement moins impressionnante que cette première moitié. En témoigne immédiatement « Consfearacy » qui joue d’emblée sur une carte nerveuse, avec plus ou moins de réussite. Le refrain est correct, le reste n’est pas terrible…
Suit un « Catatonic », qui, fidèle à son titre, joue la carte de la lourdeur. Mouais. Le problème, c’est qu’il gagne haut la main, pour le couplet, la palme du riff le moins original des trente dernières années… C’est dommage, parce que le reste est pas mal du tout.
On passe alors à « Black Serenade ». Là encore, il y a comme un fâcheux air de déjà-vu… Mais le refrain est sympathique…
Les choses s’améliorent un peu avec « Cult », morceau qui, sans surprise, a fait jaser outre-Atlantique. Ça n’est certes pas bien original – l’introduction a été entendue cent fois… –, mais par la suite, ça devient très efficace ; et le refrain est très fort, avec un usage judicieux de la double.
Et de finir heureusement sur du très bon avec l’énorme (bien qu’ambigu…) « Supremist ». Un torrent de haine à l’état pur traverse ce morceau qui va vite, très vite, et, je n’en doute pas, est destiné à figurer parmi les grands classiques live de Slayer. Superbes riffs qui s’enchaînent à merveille, et finale rageur comme c’est pas permis : une conclusion parfaite.
Christ Illusion est donc un album inégal, on l’a vu. Vers le milieu de l’album, le quatuor se la joue pépère, et se contente de se maintenir sur ses acquis. Mais, ne serait-ce que pour sa phénoménale première partie et sa conclusion, il vaut le coup. Et, oui, on y retrouve bien – avec un meilleur son – le grand Slayer de Reign In Blood, South Of Heaven et Seasons In The Abyss. Ce qui, personnellement, me va très très bien. Et ne fait que confirmer ma division tripartite des groupes de metal ; en tout cas, Slayer est définitivement à part en ce qui me concerne. C’est à vrai dire le seul groupe de metal « au sens strict » que j’écoute encore, et même de plus en plus, et ce n’est sans doute pas pour rien…