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Articles avec #nebal ecoute des bons disques tag

"Nord", d'Imminent Starvation

Publié le par Nébal

Nord.jpg

 

IMMINENT STARVATION, Nord.

 

Tracklist :

 

01 – Nor

02 – Tentack One

03 – Lost Highway (Exit)

04 – Oise

05 – Of

06 – Ren

07 – Vni

08 – Arles

09 – Ire

10 – Parle

11 – Please

 

Après avoir laissé s’exprimer ce matin la mélodie dans ce qu’elle a de plus pur avec Arcade Fire, j’ai envie, ce soir, de laisser la place au bruit dans ce qu’il a de plus sévère. Parce le bruit, ma bonne dame, c’est la vie. Et en matière de bruit, Imminent Starvation, aka Imminent, c’est-à-dire le Belge une fois Olivier Moreau, en connaît un rayon. Son projet devint rapidement une des entreprises phares du label allemand ant-zen, et contribua pour le moins à lui donner sa coloration spécifique power noise, et/ou indus rythmique, et/ou techno-indus (tout cela étant la même chose, ou peu s’en faut). Entendez par-là que nous faisons ici dans la musique électronique répétitive, violente et bruitiste, machinale et ultra-saturée, qui perturbe quelque peu les oreilles et agite un tantinet les neurones ; pas exactement de l’euro-dance, en somme… mais rien à voir non plus avec de quelconques abominations thunderdomesques ou pseudo-hardcore : ici, on fait dans la musique extrême, radicale, et résolument indépendante. Et accessoirement (ou pas) très, très noire.

 

Imminent Starvation, donc (oui, moi non plus je ne suis pas hyper fan de ce nom…), a signé deux albums chez ant-zen, plus une poignée de LP. Nord, dont je vais vous entretenir ce soir, est le second de ces albums, le plus achevé à mes oreilles, et le dernier des derniers du projet, du moins sous le nom « Imminent Starvation » : pour la petite histoire, une fois l’enregistrement achevé, Olivier Moreau a détruit sa table de mix et en a réparti les pièces comme suppléments de l’édition limitée de l’album, et c’est depuis qu’il a pris le simple nom d’Imminent (et qu’il a enregistré notamment avec Synapscape, autre projet intéressant dont je vous causerai peut-être un jour). Fini, Imminent Starvation. A pu. Mais restent les enregistrements anciens. Et ma foi, il y avait du bon, là dedans.

 

Un jour prochain, je vous parlerai peut-être du reste (et en premier lieu de Human Dislocation, qui contenait déjà quelques belles perles), mais, parce que la chronologie, c’est de la merde, concentrons-nous aujourd’hui sur Nord. On admirera déjà l’élégance et la sobriété de l’artwork, comme souvent chez ant-zen. Puis on mettra la galette dans le mange-disque, et on s’excusera d’avance pour les voisins.

 

On fera bien, parce qu’ils vont en chier, les pauvres, et ce dès le début. Olivier Moreau attaque en effet très méchamment avec le vrille-crâne et anti-mélodique au possible « Nor » ; la rythmique – si l’on excepte un quasi-kick tenant à peu de choses près du glitch – se fonde sur des bruits d’alarme recoupés : ça commence vite, fort et mal ! Un délice, vous l’aurez compris. Un morceau génialement et douloureusement hypnotique.

 

Les voisins n’ont guère le temps de souffler… puisqu’on enchaîne immédiatement sur le morceau le plus bourrin de l’album et de loin, le monstrueux et quasi gabber « Tentack One ». Un véritable hymne techno-indus que celui-ci, avec son pied terrible et sa rythmique d’usine inépuisable. Dans le genre, je n’ai personnellement jamais entendu mieux, à part peut-être (et je dis bien : peut-être…) chez Converter. En attendant, les voisins souffrent. Tant pis pour eux, mouhahahaha.

 

Allez, soyons gentils avec eux, pour une fois ; de toute façon, en fait, après ce début très rude, le pire est passé, et de loin : si la suite réserve encore quelques beaux moments de bruit, elle se révèlera souvent bien plus atmosphérique, ménageant derrière les rythmiques saturées une place pour de discrets claviers éthérés. C’est d’ailleurs à peu de choses près le cas immédiatement avec l’hypnotique « Lost Highway (Exit) » (NB : pardon pour l’illustration stupide et qui n’a effectivement rien à voir…), une des variations de l’auteur sur ce titre, surtout à mesure que l’on approche de la fin du morceau.

 

Suit « Oise », répétitif et très saturé mais finalement assez calme. Ça s’écoute bien, en tout cas…

 

« Of », ensuite (oui, Olivier Moreau aime bien les titres courts), est un morceau relativement lent, presque indus death (du moins par rapport à ce qui précède…), assez tripant en tout cas. Mais sympathique, sans plus.

 

La suite est bien plus intéressante, avec le grinçant « Ren » aux sonorités étranges et au pied saturé vagabond, construit sur un canevas atmosphérique d’une complexité à laquelle Olivier Moreau ne nous avait pas habitués jusqu’à présent. Un des morceaux les plus marquants de l’album, à n’en pas douter.

 

On passe alors à « Vni », qui rejoue la carte du machinal hypnotique avec brio. Les claviers en fond sont bien tripouille, la sauce prend très bien. On se laisse bercer par les vagues industrielles ; et, si si, ma bonne dame, c’est agréable. Ben oui.

 

Après quoi « Arles » remet les boites à rythmes en avant (ben oui, on fait ici dans l’indus rythmique, ne l’oublions pas), pour un résultat nettement moins bruitiste que les premiers exemples du genre sur l’album, mais néanmoins fort sympathique, a fortiori quand les claviers se mettent de la partie en fond sonore. Il y a là un petit côté tribal ma foi pas désagréable… Le tout est à la fois (légèrement) agité du bulbe et planant, bref : très bon.

 

« Ire », qui porte bien son nom, est un long morceau qui ré-accélère subitement le rythme, et nous rappelle qu’on n’est pas là pour rigoler. Ce qui se révèle malgré tout salutaire. Même si, là encore, quelques (discrets) claviers interviennent pour mélodiser (j’adore néologiser…) un peu tout ça… De toute façon, le résultat global est brillant, et donne une fois de plus un bien beau morceau de power noise, tout à fait réjouissant.

 

Après quoi « Parle » calme à nouveau un peu le jeu, pour retourner au machinal hypnotique de la plus belle eau. Un morceau aussi planant (à sa manière rythmée et saturée…) qu’il est glauque, ce qui n’est pas peu dire.

 

Ne reste plus que « Please », brève conclusion indus death (et donc dénuée de rythmique), portée par ce leitmotiv répété sans fin : « Please contact us, we are your friends! » Si vous le dites…

 

 Le bilan est donc clair, me semble-t-il : ce Nord est tout simplement un sommet en son genre, et probablement la production la plus aboutie d’Olivier Moreau (du moins de celles qui sont parvenues à ma connaissance ; mais il est vrai que cela fait dix ans maintenant…). Album emblématique d’une certaine culture et du label ant-zen, il est un must-have pour tout amateur de power noise. Et il constitue aussi à mon sens une très bonne introduction à la musique « post-industrielle », puisqu’il paraît que c’est ainsi qu’il faut la désigner selon les puristes. Si cet article a pu attiser la curiosité de quelques-uns d’entre vous, bah j’en serais fort content ; sinon, bah m’en fous : j’continuerai quand même, na !

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"Neon Bible", d'Arcade Fire

Publié le par Nébal

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ARCADE FIRE, Neon Bible.

 

Tracklist :

 

01 – Black Mirror

02 – Keep The Car Running

03 – Neon Bible

04 – Intervention

05 – Black Waves / Bad Vibrations

06 – Ocean Of Noise

07 – The Well And The Lighthouse

08 – (Antichrist Television Blues)

09 – Windosill

10 – No Cars Go

11 – My Body Is A Cage

 

Changement complet de registre aujourd’hui avec les Canadiens d’Arcade Fire, qui sont, qu’on se le dise, la meilleure chose qui soit arrivée à la pop (voire à la « variété »… pourquoi pas, après tout ?) depuis ouf, au moins. Le groupe formé autour de Win Butler et Régine Chassagne par Richard Parry, Tim Kingsbury, William Butler, Sarah Neufeld et Jeremy Gara, plus quelques autres de passage – oui, ça fait du monde sur scène, jusqu’à une dizaine ; pour les avoir vus, je peux en témoigner – a développé un son unique, mêlant adroitement mélodies pop finement ciselées sur une base classique guitare / basse / batterie à des instruments plus « exotiques » : piano (jusqu’ici tout va bien), violon, alto, voire violoncelle (admettons ; on est au Canada, après tout), orgue (et là je parle d’un vrai putain d’orgue), mais aussi mandoline, accordéon, xylophone, harpe, vielle à roue… Sachant que plusieurs des membres du groupe, et les deux leaders en tête, sont des multi-instrumentistes.

 

Le premier album du groupe, Funeral (après un premier EP passé largement inaperçu, à ce que j’en ai compris), était un vrai petit bijou, et je n’hésiterai pas à le qualifier de chef-d’œuvre de pop. Chaque morceau était une merveille de mélodie qu’on se prenait instantanément à fredonner. L’album avait en fait cette qualité propre uniquement aux meilleurs enregistrements pop, et assez difficile à définir : l’impression qui s’en dégageait d’avoir toujours connu ces mélodies, tout en sachant qu’elles étaient d’une parfaite originalité. Euh… Je ne sais pas si je suis très clair, là, mais moi, je me comprends. Et c’est bien ce qui fait là, à mes yeux, les très grands albums de pop.

 

Or ce qui, pour moi, avait fonctionné instantanément sur Funeral, n’a pas marché aussi bien sur l’album suivant Neon Bible (quelques morceaux mis à part – j’y reviendrai), qui m’a donc demandé une écoute approfondie. Voilà pourquoi c’est de cet album-là que je vais vous entretenir aujourd’hui, dans la mesure où je l’ai beaucoup écouté ces trois derniers mois.

 

Mais il est vrai, reconnaissons-le d’entrée de jeu, que le groupe partait avec un sacré handicap : comment faire aussi bien, voire mieux, que Funeral ? Ç’aurait été un exploit. Sans surprise, je peux d’ores et déjà dire que cet exploit n’a pas été atteint. Mais Neon Bible n’est certes pas un mauvais album pour autant, et il contient assurément quelques perles qui en justifient l’écoute, ainsi que j’entends bien vous le démontrer.

 

L’album s’ouvre sur « Black Mirror », une introduction assez bien vue, qui entend marquer une solution de continuité avec Funeral. Le morceau est assez bon, la mélodie agréable, mais, pourtant, pour une raison que je ne saurais totalement expliquer, la sauce ne prend pas vraiment.

 

À mon sens, l’album ne démarre véritablement qu’au deuxième morceau, le plus rythmé et très efficace « Keep The Car Running », un morceau qu’on sent taillé pour le live. La mélodie rentre en tête immédiatement, on fredonne, on tape du pied… La voilà, la bonne pop à la Arcade Fire !

 

On calme le jeu ensuite, mais de fort belle manière, avec la douceur « Neon Bible ». Là encore, une jolie mélodie entêtante, sur un fond musical minimaliste (encore que… sans doute moins qu’il n’y paraît !). Une belle réussite. Et une courte et jolie transition pour ce qui va suivre…

 

Parce que là, on en arrive à un véritable chef-d’œuvre, à mes oreilles un des plus beaux morceaux d’Arcade Fire (enfonçant ceux de Funeral, oui), avec le superbe « Intervention » (NB : j’adoooOOOooore cette vidéo ; la musique triomphale d’Arcade Fire sur les magnifiques images d’Eisenstein, fallait y penser…). Un véritable hymne d’une puissance mélodique rare, un morceau qui me tire une petite larme à chaque écoute (si, si, je vous jure). Arcade Fire est là à son sommet, et, si j’étais un bourrin de marketeux, je dirais que ce morceau seul justifie l’acquisition de l’album. Na. Si. Même que. Putain, que c’est beau !

 

La suite est évidemment un bon cran en-dessous, mais pourtant « Black Waves / Bad Vibrations » n’est pas pour autant un morceau à négliger ; clairement composé de deux parties, il voit s’opposer un premier temps emmené par Régine Chassagne sympathique, sans plus, à un second, plus lent, et à mon goût autrement plus majestueux, emmené par Win Butler (qui est décidément un chanteur très charismatique, même si je sais qu’il peut en irriter quelques-uns…).

 

« Ocean Of Noise », par contre, est une ballade assez médiocre, sur laquelle on pourra passer assez rapidement. Tout juste si l’on notera que les choses s’améliorent vers la fin, et encore… Clairement un des morceaux ratés de l’album. Or, de morceaux ratés, il n’y en avait pas sur Funeral, et c’est bien ce qui fait toute la différence…

 

Le niveau remonte heureusement avec « The Well And The Lighthouse », à nouveau un morceau taillé pour le live. Rythme entraînant (du moins dans la première partie du morceau), mélodie entêtante (tout du long), y’a pas, ça fonctionne bien.

 

Hélas, le groupe joue aux montagnes russes, puisqu’il enchaîne sur un médiocre « (Antichrist Television Blues) », à peu près dénué du moindre intérêt. On passe…

 

… à un « Windowsill » qui, trop longtemps, ne vaut guère mieux. Heureusement, les choses s’améliorent cette fois sur la fin. Ouf.

 

Mais le niveau remonte encore une fois, et très très haut cette fois, avec à nouveau un des meilleurs morceaux d’Arcade Fire, le splendide « No Cars Go » (NB : désolé, dans le clip, images et son sont décalés, mais je n’ai pu trouver mieux…), semble-t-il un nouvel arrangement d’un morceau figurant sur le premier EP du groupe. Mais voilà encore une fois une chanson qui correspond à ma maladroite définition de la bonne pop de tout à l’heure : on a l’impression d’avoir toujours connu ce morceau, on le fredonne immédiatement, et pourtant on sait qu’on écoute quelque chose de nouveau. Et de très très fort. Bravo m’sieurs dames.

 

En ce qui me concerne, l’album aurait dû s’achever là, d’autant que le finale du morceau est particulièrement brillant. Mais non, le groupe a voulu en rajouter une couche avec « My Body Is A Cage ». Un morceau vaguement bluesy assez moyen, avec, allez, une conclusion correcte…

 

Un album inégal, donc, que ce Neon Bible, mais qui n’en contient pas moins deux morceaux indispensables, et plusieurs autres de très bon goût. Donc un bon album, finalement bien digne d’Arcade Fire. Un album inférieur à Funeral, certes, cela ne fait pas de doute non plus. Mais pouvait-on exiger l’impossible ?

 

 

C’est vrai que c’était tentant.

 

 En attendant, faudra peut-être que je vous le chronique, ce Funeral, un de ces jours…

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"Echoes", de The Rapture

Publié le par Nébal

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THE RAPTURE, Echoes.

 

Tracklist :

 

CD 01 (album) :

01 – Olio

02 – Heaven

03 – Open Up Your Heart

04 – I Need Your Love

05 – The Coming Of Spring

06 – House Of Jealous Lovers

07 – Echoes

08 – Killing

09 – Sister Saviour

10 – Love Is All

11 – Infatuation

 

CD 02 (Bonus Tracks) :

01 – Sister Saviour (Black Strobe Remix)

02 – Sister Saviour (DFA Vocal Remix)

03 – House Of Jealous Lovers (Maurice Fulton Remix)

04 – House Of Jealous Lovers (Cosmos Vs The Rapture)

 

L’album dont je vais vous parler aujourd’hui n’est certes pas un chef-d’œuvre. Le pire y côtoie d’ailleurs le meilleur (même si, dans l’ensemble, heureusement, c’est le meilleur qui l’emporte), et il est au moins quatre pistes de l’album que j’ai pris l’habitude de zapper chaque fois que je mets la galette dans ma chaîne. Pourtant, c’est un album important dans l’histoire de la musique récente (pour le meilleur et pour le pire là encore…), puisqu’il a pas mal contribué, en 2003, à générer toute la vague disco-punk et le revival post-punk dans lequel nous continuons de gigoter actuellement.

 

Seulement, si tout n’est certes pas à sauver dans cet album très inégal, il est bien quelques titres qui font que le groupe new-yorkais formé par Luke Jenner, Vito Roccoforte, Matt Safer et Gabriel Andruzzi mérite son nom. Et cela, à mes oreilles en tout cas, s’explique – a posteriori peut-être plus facilement ? – par une raison bien simple. The Rapture, en tout cas avec Echoes (leur deuxième album), c’est l’histoire d’un groupe de pop/punk médiocre transfiguré par sa production. Et qui retrouve-t-on à la production ? Les génies de The DFA, bien sûr ! (Voir ici et ici.) Echoes a été pour James Murphy et Tim Goldsworthy du pain bénit, l’occasion de mettre en place leur son si particulier – entreprise déjà amorcée notamment avec le très bon Gotham! de Radio 4, dont je vous reparlerai peut-être un de ces jours, mais c’est ici bien plus franc ; et c’est bien, en particulier, le son de LCD Soundsystem que l’on voit ici se mettre en place. N’en doutons pas : le rôle de The DFA a été majeur dans l’élaboration et le succès d’Echoes… dont ils ont co-écrit trois des meilleurs titres !

 

Du coup, le tri se fait très vite dans les morceaux d’Echoes : s’il y a de l’électronique et/ou des rythmes disco-punk, c’est bien, voire très bien ; sinon, c’est à chier. La règle ne connaît aucune exception…

 

On attaque les choses de fort jolie manière avec le très beau « Olio »… pas du tout représentatif du reste de l’album, ceci dit, puisque entièrement dénué de guitares. Un très beau morceau de house assez minimaliste, en tout cas, avec une voix qui fait irrésistiblement penser aux Cure. Une réussite incontestable pour une très belle introduction. À la fin, la rythmique monte, monte, monte… On s’attend au meilleur…

 

… et on tombe sur « Heaven » et son intro qui ressemble à du mauvais Offspring (qui a dit « pléonasme » ?). Un morceau punk bidon, sans intérêt. Zap !

 

Suit « Open Up Your Heart ». Pop bidon sans intérêt. L’auditeur, séduit par « Olio », commence à avoir peur… Zap !

 

Les choses s’améliorent avec « I Need Your Love », co-écrit avec The DFA (ça s'entend). J’avouerai cependant que ce morceau sonne trop house à l’ancienne pour pleinement me satisfaire. C’est efficace, mais sans plus. La suite, heureusement, nous réserve bien mieux.

 

Et ce, immédiatement, avec « The Coming Of Spring », morceau très énervé porté par une basse puissante. Là, on voit ce que disco-punk ou dance-punk veut dire, et pour le mieux. Et ça commence à être l’extase…

 

Mais l’extase vient surtout au morceau suivant, tout simplement parfait, et constituant LE tube de The Rapture : « House Of Jealous Lovers » (j'aime beaucoup ce clip, par ailleurs). Basse ronde et groovy qui entraîne le morceau, rythmique implacable, riff de guitare simple au possible, chant semi-hurlé… La perfection dans le genre. Rien que pour ce morceau, l’album vaut le coup/coût.

 

Et c’est le moment où les réussites s’enchaînent, décidément, puisque suit immédiatement « Echoes » : une fois de plus, c’est la basse, monstrueuse, qui mène la danse ; et l’auditeur de se laisser entraîner, parce qu’il ne peut pas faire grand chose pour résister…

 

On calme un peu (mais juste un peu) le jeu, sans diminuer pour autant la qualité, avec « Killing » (co-écrit avec The DFA), un morceau plus sobre et répétitif, reposant sur une note infiniment répétée ; très efficace.

 

Puis suit une autre belle composition en duo avec The DFA, le tubesque mais plus pop et plus résolument disco que tout ce qui a pu précéder « Sister Saviour ». Joli et bien fait.

 

On aurait presque pu pardonner les deux incartades du début, les oublier devant cette enfilade de perles… mais voilà que les déchets se rappellent à nos mauvais souvenirs en fin d’album, hélas. Deux infâmes bouses viennent en effet le conclure, l’insupportable « Love Is All » (zap !), et le pénible « Infatuation » (stop !).

 

Quatre morceaux de trop, pour un album qui aurait pu être parfait sans cela. Car il faut bien reconnaître que le reste est impressionnant, tout de même, et enchaîne les tubes avec une aisance assez phénoménale. Et, surtout, surtout, il y a ce son, ce son extraordinaire, cette patte DFA, qui deviendra bientôt immédiatement reconnaissable, et qui fera les ravages que l’on sait… Il est en tout cas indéniable à mes yeux que The DFA, co-auteurs de trois des sept bons morceaux de l’album et producteurs géniaux de l’ensemble, sont responsables pour au moins 50 %, si ce n’est plus, de l’intérêt d’Echoes.

 

Mais continuons un peu à décortiquer, avec le mini CD de bonus de l’édition limitée, comprenant quatre remix (deux de « Sister Saviour », et deux de « House Of Jealous Lovers »).

 

On commence avec « Sister Saviour (Black Strobe Remix) ». C’est un peu froid, pas mal, sans plus. Disons que ça ne fait guère avancer le schmilblick.

 

Sans surprise, on y préfèrera le plus rigolo « Sister Saviour (DFA Vocal Remix) », très sympathique, et qui accentue encore la dimension disco du morceau original. Cela dit, ça ne casse pas des briques pour autant…

 

On pourra par contre sans hésitation faire l’impasse sur « House Of Jealous Lovers (Maurice Fulton Remix) », centré essentiellement sur la rythmique, et franchement nul.

 

Là encore, on y préfèrera le second, « House Of Jealous Lovers (Cosmos Vs The Rapture) », non exempt de maladresses et un peu décousu, mais finalement assez correct, et, surtout, porté par une bonne grosse basse bien profonde.

 

Non, Echoes (enfin, cet Echoes-là…) n’est pas un chef-d’œuvre, pollué qu’il se trouve par quatre vilains grumeaux qu’on peut supposer être des erreurs de jeunesse. On comprend néanmoins l’importance déterminante de cet album dans l’histoire de la musique récente, car il contient amplement de quoi foutre quelques baffes. Il est inégal, certes. Il comprend le meilleur comme le pire. Mais le meilleur est vraiment le meilleur.

 

 Et cette expérience auprès de The DFA a indéniablement servi The Rapture (outre qu’elle leur a apporté une notoriété inespérée). Ce qu’ils ont fait par la suite, sans être aussi bon, n’est pas si mal que ça. D’ailleurs, une fois n’est pas coutume, j’ai envie de vous quitter sur un morceau complètement crétin, mais que j’aime beaucoup, de leur album suivant… Allez, hop : « Whoo! Alright Yeah… Uh Huh ».

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"LCD Soundsystem", de LCD Soundsystem

Publié le par Nébal

LCD-Soundsystem.jpg

 

LCD SOUNDSYSTEM, LCD Soundsystem.

 

Tracklist :

 

CD 01 :

01 – Daft Punk Is Playing At My House

02 – Too Much Love

03 – Tribulations

04 – Movement

05 – Never As Tired As When I’m Waking Up

06 – On Repeat

07 – Thrills

08 – Disco Infiltrator

09 – Great Release

 

CD 02 :

01 – Losing My Edge

02 – Beat Connection

03 – Give It Up

04 – Tired

05 – Yeah (Crass Version)

06 – Yeah (Pretentious Version)

07 – Yr City’s A Sucker (Full Version)

 

Il y a de cela quelques années, lorsque l’on me posait la question fatidique : « Quel est le plus grand groupe du monde ? », je répondais sans l’ombre d’une hésitation : « Ministry » ; voyez par exemple ici, article où je péchais clairement par excès d’enthousiasme : car, ne nous voilons pas la face, Ministry, depuis que Paul Barker a quitté le groupe, c’est quand même ‘ach’ment moins bien (ce qui vient relativiser sans doute un peu le statut de génie de papy Jourgensen…) ; et si l’on y rajoute que le dernier concert du groupe auquel j’ai eu le malheur d’assister était tout simplement catastrophique… Enfin bon, là n’est pas la question.

 

Simplement, si aujourd’hui on me demandait : « Quel est le plus grand groupe du monde ? », je crois bien que je répondrais LCD Soundsystem. Une chose est sûre en tout cas, c’est que le new-yorkais James Murphy, l’âme de LCD Soundsystem et de DFA (voyez par exemple ici), est entré dans mon panthéon personnel ; une fois de plus, il faut voir les choses en face : James Murphy EST Dieu. Louons James Murphy. James Murphy est grand. James Murphy est fort. James Murphy est brillant. James Murphy est un peu enveloppé, aussi, mais là n’est pas la question, et puis qu’est-ce que vous avez tous contre les gens un peu enveloppés bordel de merde ?

 

LCD Soundsystem est donc le projet solo de James Murphy. Ce qui ne veut pas dire qu’il est tout seul pour autant, hein, il a un groupe avec lui. Mais c’est quand même son bébé à lui. L’aventure LCD Soundsystem débute en 2002 avec un premier single (excellent), « Losing My Edge » (on y reviendra), suivi rapidement par une tripotée d’autres de grande qualité. Avant même d’avoir sorti un album, le groupe a su ainsi attirer l’attention de la critique comme du public, avec sa musique unique au croisement de la dance (au sens noble) et du punk, et, bien évidemment, avec sa production typique de DFA, au son si particulier.

 

Le premier album, sobrement intitulé LCD Soundsystem, sort en 2005, et c’est celui dont je vais vous entretenir aujourd’hui. Une belle bête, puisqu’il s’agit d’un double album, le premier disque comprenant de nouveaux titres tandis que le second reprend les anciens singles dans des versions différentes. Et c’est que du bonheur. Succès critique et succès public sont immédiats, et mérités, ce qui est assez rare pour être signalé.

 

Décortiquons donc la bestiole, en commençant par le commencement. C’est-à-dire par « Daft Punk Is Playing At My House », morceau qui a fait un carton immédiat. J’avoue en avoir été surpris. Pour moi, on est très loin ici de ce que LCD Soundsystem a fait de plus intéressant… Mais bon : va comprendre, Charles… On concèdera cependant au morceau une certaine énergie, qui vient compenser son côté un chouia trop répétitif à mon goût (je parle de la version album, plus longue que celle du clip ; et entendons-nous bien : j’aime la musique répétitive, et celle de LCD Soundsystem est souvent d’autant meilleure qu’elle se montre répétitive – on aura l’occasion d’y revenir – ; simplement, ici, le format est trop « pop » à mon sens pour que la répétitivité – yeurk – passe bien).

 

J’y préfère pour ma part le planant et relativement minimaliste « Too Much Love » qui suit immédiatement ; relativement, car, comme on aura souvent l’occasion de le constater, la musique de LCD Soundsystem est souvent bien plus complexe en profondeur qu’il n’y paraît au premier abord. Ce morceau-là ne déroge pas à la règle, loin de là.

 

Mais suit ce qui constitue à mes oreilles la première grande claque de ce premier disque avec l’excellent « Tribulations » (superbe clip, par ailleurs ; Captain Spaulding, vous devriez aimer…) ; très joli morceau de synth-pop emporté par une basse disco irrésistible : la mélodie est très efficace, et le tout constitue un tube imparable.

 

Suit une autre grande réussite, elle aussi récompensée par un clip, mais dans un genre bien différent : le hargneux « Movement » nous montre en effet le versant le plus punk de LCD Soundsystem, et, y’a pas, ça défoule. Une envie irrépressible de secouer la tête s’empare de l’auditeur à l’écoute du morceau, et je mets quiconque au défi d’y résister. Très chouette.

 

Le jour et la nuit, avec « Never As Tired As When I’m Waking Up », petite ballade pop pas désagréable, et à la conclusion fort sympathique ; mais on avouera que ce n’est pas exactement là que l’on attend LCD Soundsystem…

 

Avec « On Repeat », on retrouve ensuite pour notre plus grand plaisir LCD Soundsystem sur un terrain beaucoup plus familier, celui des « grands » singles ayant précédé l’album (voir plus bas) : un morceau long, répétitif, hypnotique, mélangeant adroitement pop/punk et techno/house. Que du bonheur.

 

« Thrills » est plus surprenant, et sonne quasiment « industriel » ! Perturbant, mais pourquoi pas, après tout ? Au final, ça marche plutôt bien…

 

Suit « Disco Infiltrator »… et là, j’ai un peu le même problème que pour « Daft Punk Is Playing At My House ». Le morceau n’est pas mauvais, loin de là, mais de là à en faire un single ? J’avoue en avoir été surpris, moi qui le classerais parmi les morceaux moyens de l’album (et donc parmi les moins bons…). ‘fin bon…

 

Le premier disque se conclue enfin sur « Great Release », morceau sans autre prétention que de conclure l’album. Ça met du temps à démarrer, puis ça devient pas mal du tout, mais c’est à prendre pour ce que c’est : un gros panneau « The End ».

 

« The End ? »

 

Meuh non, car il y a le deuxième disque ! Et c’est tant mieux. Parce que, pour être franc, si l’on s’arrêtait au premier, LCD Soundsystem serait juste un bon album, voire un très bon album (si on s’est levé du bon pied). Mais c’est grâce au second disque (dont cinq des sept pistes avoisinent chacune les huit à dix minutes…), à mon sens bien meilleur que le premier, que l’album devient excellent, et même, autant le dire, exceptionnel.

 

On attaque en force avec la meilleure des introductions, le tout simplement parfait « Losing My Edge » (NB : le morceau sur l’album est en gros deux fois plus long que sur le clip ; ce qu’il gagne ici en intensité, il le perd en caractère hypnotique – ce qui est tout de même un comble ! – et en humour…). Un riff de basse génial, des paroles à hurler de rire, une fausse simplicité dans toute sa splendeur… Le premier single du groupe était déjà un coup de maître.

 

Deuxième coup de maître avec l’excellent « Beat Connection », long morceau house qui prend son temps pour s’installer (pour notre plus grand plaisir), porté par un pied monstrueux (très Daft Punk, tiens, justement), avant un finale hystérique et encore une fois assez drôle.

 

Suit « Give It Up », un morceau plus electro-punk, efficace, mais sans plus. On passera assez rapidement dessus, de même que sur le rigolo « Tired », ultra-punk au son tout pourrave : « I DON’T NEED NO ROCK’N’ROLL !!! »

 

Mais retournons aux choses sérieuses.

 

Très sérieuses.

 

Chut.

 

Taisez-vous, et admirez Dieu dans ses œuvres.

 

« Yeah (Crass Version) ».

 

LE Morceau Parfait.

 

Une basse délicieusement disco, chaloupée, groovy au possible ; une rythmique jouissivement sale ; des claviers discrets mais précis ; et tout cela qui se mue insidieusement, au fil des « yeah, yeah, yeah », en une acid house grasse et hystérique, infinie, interminable (et drôle, là encore).

 

La perfection faite dance-punk.

 

L’archétype.

 

Le Morceau.

 

La Pierre Philosophale, qui transmute les infirmes en danseurs, les tapisseries en dancefloors, les guéridons en boules à facettes.

 

Dieu, dans ses œuvres.

 

Non, non, non, non non non non non, je ne m’en lasserai JA-MAIS ! JA-MAIS, VOUS M’ENTENDEZ ! JA-MAIS !!! AH AH AHAHAHAH !!!

 

...

 

(Le pire, c’est que je sais très bien que vous serez nombreux à ne pas du tout aimer ce morceau ; mais je m’en fous, moi je kiffe à donf’ dans la drepou.)

 

 

Suit une autre version du même morceau, plus longue, et baptisée « Yeah (Pretentious Version) ». Longtemps, devant la puissance de la « Crass Version », je n’ai pu que trouver celle-ci un peu fade… Erreur, grave erreur ! Si je continue de la mettre un petit cran en-dessous, parce que bon, merde, j’ai néanmoins appris à aduler également cette version-ci, d’une complexité effarante au fur et à mesure que le morceau progresse. De la belle ouvrage, assurément.

 

Et l’album de se conclure en beauté sur un autre grand morceau avec « Yr City’s A Sucker (Full Version) », particulièrement hypnotique et très drôle. Une conclusion bien vue, pour un album exceptionnel à tous points de vue.

 

Alors, quand je vous dis que James Murphy est Dieu et que LCD Soundsystem est le plus grand groupe du monde, vous me croyez maintenant ?

 

Bien.

 

 

Faudra que je vous cause de Sound Of Silver, un de ces jours. Voire de 45:33.

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"Fantasy Black Channel", de Late Of The Pier

Publié le par Nébal

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LATE OF THE PIER, Fantasy black channel.

 

Tracklist :

 

CD 01 (Album) :

01 – Hot Tent Blues

02 – Broken

03 – Space And The Woods

04 – The Bears Are Coming

05 – Random Firl

06 – Heartbeat

07 – Whitesnake

08 – VW

09 – Focker

10 – The Enemy Are The Future

11 – Mad Dogs And Englishmen

12 – Bathroom Gurgle / (Ghost track :) No Time

 

CD 02 (Bonus Tracks) :

01 – Very Wav

02 – Focker (Rolmops Remix)

03 – The Bears Are Coming (Emperor Machine Remix)

 

Chose promise, chose due. Après la déprime et l’hystérie de Venetian Snares, voilà que je vous cause du deuxième album qui m’a accompagné lors de mes deux derniers séjours en clinique, et le moins que l’on puisse dire est que l’on joue ici dans une tout autre catégorie. Late Of The Pier est en effet de ces groupes de pop anglaise (pour faire simple) que j’affectionne d’autant plus qu’ils se montrent crétins et enthousiasmants. Et ici, dans le genre, c’est pas mal du tout, comme j’espère vous le démontrer.

 

Adonc, Late Of The Pier est un groupe formé « officiellement » en 2001, mais de manière plus réaliste en 2005, et composé de quatre jeunes couillons britanniques : Samuel Eastgate aka Samuel Dust, Andrew Faley alias Francis Dudley Dance, Sam Potter dit Jack Paradise, et enfin Ross Dawson ou Red Dog Consuela. Quatre jeunes couillons d’Anglais, donc, élevés au post-punk et à la new wave, et qui ont vu sur scène des groupes tels que Bloc Party, Franz Ferdinand ou les Scissor Sisters. Et ça se sent dans leur musique.

 

Comment la qualifier, dès lors ? Devant ce déferlement de synthétiseurs et l’énergie dégagée par leur musique, et la chronologie faisant en outre mal les choses, la presse anglaise s’est empressée de comparer Late Of The Pier aux Klaxons, et, elle qui raffole des étiquettes à la con, ne s’est donc bien évidemment pas gênée pour parler de « nu-rave ». Yeurk. Pour ma part, je m’inscris en faux, d’autant plus que je n’ai pas vraiment (voire pas du tout) accroché aux Klaxons, alors que Late Of The Pier m’a immédiatement parlé ; alors on pourrait peut-être s’en tenir tout simplement aux vieilles étiquettes, celles de pop anglaise, de synth-pop, ou de post-punk, voire de disco-punk ou dance-punk, éventuellement (même si les aspects pop l’emportent largement sur les aspects punk, à quelques rares exceptions près)… Mais après tout, hein, et une fois de plus, on s’en cogne un peu… et de toute façon, je vais vous laisser quelques liens pour pouvoir en juger par vous-mêmes.

 

Il est en tout cas une chose de certaine, qui explique à mes yeux le succès de Late Of The Pier et de leur premier « véritable » album Fantasy Black Channel : c’est son côté « album de pop à l’ancienne » ; j’entends par-là qu’il s’agit d’une véritable compilation de singles tous plus efficaces les uns que les autres, déjà bien rodés, et non d’un album construit autour d’une ou deux pistes bien efficaces, avec une dizaine de déchets pour combler et atteindre péniblement la durée d’un LP. Là, non : sur l’album, si tout n’est pas extraordinaire – et je dirais même, ne nous emballons pas après tout – si rien n’est extraordinaire (ça ne révolutionne rien, hein), tout est cependant au moins bon, au mieux très bon, voire excellent. Rien à jeter, ce qui est déjà pas mal (je parle de l’album, hein ; pour ce qui est des bonus, on aura l’occasion d’y revenir…). Les membres du groupe qualifient eux-mêmes leur album tantôt comme le « best of des cinq dernières années » ou comme « le best of de notre enfance » ou encore comme « le best of de Late Of The Pier qui essaie d’écrire des chansons ». C’est exactement ça, mais moi, pour le coup, je trouve ça plutôt positif, surtout dans la mesure où l’album reste cohérent et homogène du début à la fin, que ce soit dans les compositions ou dans la production.

 

Décortiquons donc. On ne s’attardera pas sur « Hot Tent Blues », simple petite introduction, qui ne fait que préparer le terrain à « Broken ». Un morceau sympathique et efficace, mais pas encore totalement convaincant ; en effet, avec un son moins électronique, c’est le genre de morceaux que l’on s’attendrait à trouver sur n’importe quel album d’un bon groupe de pop anglaise récent, disons par exemple Franz Ferdinand. Late Of The Pier livre donc ici un morceau correct, mais sans révéler pleinement son potentiel.

 

À mes yeux, ou plutôt mes oreilles, l’album commence véritablement avec « Space And The Woods » (N.B. : le clip est plus court que le morceau de l’album d’une minute environ : ça édite sévère et le thème principal revient beaucoup plus souvent ; pour ma part, je préfère largement la version de l’album…) ; si les paroles sont étrangement morbides, la musique est par contre joyeusement débile et enthousiasmante, avec des relents de ce que les années 1980 ont pu donner de pire, mais repris ici pour le meilleur. Un vrai tube de synth-pop, à l’efficacité redoutable.

 

Et on enchaîne immédiatement sur un deuxième tube, dans un genre tout à fait différent, avec « The Bears Are Coming », morceau très groovy, où l’électronique, plus moderne cette fois, prend résolument les devants, pour un résultat finalement très original et en définitive jubilatoire. À la première écoute, c’est sans conteste le morceau qui m’a le plus marqué, même si je suis revenu sur cette opinion depuis.

 

Suit « Random Firl », un morceau d’un cran inférieur, mais qui fait partie de ces ritournelles pop si efficaces qu’on se prend à les chantonner immédiatement, et qui donnent l’impression qu’on les a toujours connues. Pas si mal, donc...

 

Mais vous me permettrez d’y préférer le – à nouveau – tubesque « Heartbeat » (NB : clip édité pour cause de gros mots, grmbl...), avec son refrain irrésistiblement discoïde. Très efficace, et de quoi donner envie de remuer du popotin au plus coincé des paraplégiques.

 

Avec « Whitesnake », on passe clairement au moment le plus punkifié de l’album, et ça défoule agréablement, sans que la mélodie ne passe à la trappe pour autant. Du beau boulot.

 

Suit le bref instrumental « VW », qui sonne très Pixies. Fort sympathique. À en croire Wikipédouille, ce serait la plus ancienne composition du groupe, mais je n’en suis pas certain : je me demande s’il n’y a pas là une confusion avec « Very Wav » (voir plus bas)... ?

 

Et un tube de plus, un ! « Focker », ou la synth-pop à son meilleur ; le refrain est incroyablement entêtant, le tout d’une efficacité redoutable, et le final techno tout à fait appréciable.

 

« The Enemy Are The Future », ensuite, est tout d’abord un morceau rigolo, sans plus, mais dont la fin technoïde est des plus sympathiques, et rattrape un peu le reste ; dommage qu’elle s’achève aussi brutalement…

 

Quant à « Mad Dogs And Englishmen », c’est un bon morceau, pas de doute là-dessus, mais on peut lui adresser le même reproche qu’à « Broken » : on l’imaginerait aisément sur tout autre album de pop, et c’est un peu dommage…

 

Heureusement, en guise de conclusion, il y a bien mieux, avec le très bon, très rétro, très kitsch et très glam « Bathroom Gurgle » (NB : clip édité pour cause de gros mots, grmbl...), qui m’a personnellement beaucoup fait penser à David Bowie… et au Rocky Horror Picture Show. Si. Tout à fait réjouissant.

 

 

Enfin, quand je disais « conclusion », pas tout à fait, puisqu’il y a une ghost track, intitulée « No Time », petite ballade sans grand intérêt. On passe.

 

 

Et on fera de même en gros pour les bonus de l’édition limitée, parce qu’ils ne valent pas grand chose. Il y a tout d’abord « Very Wav » (au son très « démo »), que je soupçonne d’être la première composition du groupe, et dans laquelle on retrouve le thème de « Random Firl ». Plutôt chiant.

 

Suit une escroquerie pure, « Focker (Rolmops remix) », puisqu’il s’agit simplement de « Focker » passé à l’envers, ce qui donne le plus souvent une pure cacophonie sans intérêt. À l’époque de Madchester, les Stone Roses nous avaient déjà plus ou moins fait le coup, mais avec plus d’astuce et meilleur goût, tout de même…

 

Finalement, la seule chose à sauver de ces bonus, c’est « The Bears Are Coming (Emperor Machine Remix) », version techno/house de « The Bears Are Coming » de 9:22 min. C’est évidemment beaucoup moins percutant que l'original, mais la basse est sympa, et ça s’écoute…

 

 N’empêche que si l’on fait l’impasse sur ces quelques réserves finales, l’album, lui, est bel bien une réussite. Entendons-nous bien : ça ne révolutionne rien, et ça n’a rien d’indispensable. Mais c’est indéniablement efficace et enthousiasmant ; en tout cas, sur moi, ça a très bien marché. Bref, si vous cherchez de la pop anglaise légère et un minimum inventive, un brin couillonne et entraînante, chercher du côté de Late Of The Pier pourrait être une bonne idée…

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"BlueBob", de BlueBob

Publié le par Nébal

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BLUEBOB, BlueBob.

 

Tracklist :

 

01 – 9-1-1

02 – Rollin’ Down (To My House)

03 – Thank You, Judge

04 – I Cannot Do That

05 – Factory Interlude

06 – Blue Horse

07 – Bad Night

08 – Mountains Falling

09 – Go Get Some

10 – Pink Western Range

11 – Marilyn Monroe

12 – City Of Dreams

 

Ça me troue un peu le cul de commencer cette chronique par un tel lieu commun, mais le fait est que les cinéastes ont de tout temps entretenu des rapports variés avec la musique de leurs films. Si certains semblaient s’en foutre royalement, ce n’était heureusement pas le cas de tous. À partir de là, il me semble que l’on peut distinguer trois tendances majoritaires – non-exclusives – chez ceux qui, partisans du cinéma comme « art total », accordent une attention certaine à la bande-originale de leurs films : il y a ceux qui, tel Stanley Kubrick le plus souvent (mais pas toujours), puisent dans la musique préexistante ; il y a ceux qui, tels Charlie Chaplin ou John Carpenter plus récemment, composent eux-mêmes la musique de leurs films ; enfin, il y a ceux qui s’offrent les services d’un compositeur « attitré » (et on pourrait ici citer bien des duos : là, par exemple, juste en regardant ma discothèque, Alfred Hitchcock – puis Brian DePalma, comme de bien entendu… – et Bernard Herrmann, Sergio Leone et Ennio Morricone, Steven Spielberg et John Williams, David Cronenberg et Howard Shore, Tim Burton et Danny Elfman, Takeshi Kitano et Joe Hisaishi, Hideo Nakata et Kenji Kawai, etc.).

 

Mais, comme je l’ai déjà précisé, ces tendances ne sont – heureusement – pas exclusives : Kubrick a eu recours à de la musique originale, Carpenter a laissé la place à Ennio Morricone pour la B.O. de The Thing, et les « couples » d’artistes ont connu de nombreuses infidélités : Herrmann et Hitchcock se sont séparés en très mauvais termes après Pas de printemps pour Marnie, Howard Shore a fait la B.O. du très bon Ed Wood de Tim Burton en lieu et place de Danny Elfman, etc.

 

Et David Lynch, dans tout ça ? La question se pose d’autant plus que le monsieur, on le sait, attache une attention toute particulière à la bande-son de ses films (si je ne m’abuse, Michel Chion a pas mal écrit là-dessus). À qui en douterait, je suggèrerais de (re)voir l’éprouvant mais splendide Eraserhead, superbe film « industriel » (peut-être le sommet du genre avec le Tetsuo de Shinya Tsukamoto), dont la bande-son, remasterisée tant qu’à faire, est, avec celle de THX 1138 (remasterisée THX tant qu’à faire – et merci monsieur Walter Murch) la plus phénoménale qu’il m’ait été donné d’entendre dans un film (si quelqu’un a mieux, je suis preneur).

 

Eh bien, Lynch est un peu à la croisée des chemins : il a régulièrement utilisé de la musique préexistante (voyez – pardon, écoutez – l’excellente bande originale de Lost Highway, produite par Trent Reznor, s’il n’en faut qu’un seul exemple), a depuis Blue Velvet un « compositeur attitré » en la personne d’Angelo Badalamenti… et, de temps à autre, met lui-même la main à la pâte, ainsi sur quelques pistes des excellentes B.O. de Twin Peaks – Fire Walk With Me et Mulholland Drive.

 

D’où la sortie en 2001 de ce BlueBob, signé BlueBob, c’est-à-dire David Lynch et John Neff. Un projet qui n’a pas eu de suite pour le moment, mais, sait-on jamais… ? Quant à dire à quoi cela ressemble… Eh bien, euh… Le mieux, comme d’habitude, sera de vous laisser en juger par vous-mêmes ; mais pour ma part, je qualifierais ça de « blues dub industriel ». Et franchement, ça sonne bien à mes oreilles décadentes… Guitares saturées lentes et grasses, batterie et/ou boites à rythmes minimalistes, ambiances lourdes et moites, bruits de machines, musique répétitive, voix trafiquées… mmmh… miam !

 

Mais commençons à décortiquer. L’album s’ouvre sur le très bon « 9-1-1 », qui donne le ton… tout en étant dans l’ensemble bien plus rythmé que la majorité de ce qui va suivre. Mais le son, l’atmosphère sont déjà là. Et sur moi, ça marche très bien.

 

Après quoi l’on passe à « Rollin’ Down (To My House) », encore assez rythmé. Une suite logique de ce qui précède. On reste dans la même veine, avec peut-être une touche industrielle plus prononcée, et à l’occasion une très vague touche country. Et des paroles d’une naïveté confondante…

 

« Thank You, Judge » (morceau pour lequel, paraît-il, Lynch avait tourné un clip avec lui-même, John Neff, Naomi Watts et Eli Roth ; je n’ai hélas pas pu mettre la main dessus…) ralentit la cadence, et accentue la dimension bluesy et grasse de la musique de BlueBob, pour un résultat très efficace.

 

Suit le premier morceau à m’avoir véritablement scotché, sans surprise, puisque, avec « I Cannot Do That », on est dans de l’indus pur et dur, machines à l’appui. Noir, gras, lourd… parfait. On expédiera par la même occasion le très bref « Factory Interlude » qui suit, simple transition.

 

On passe ensuite, avec « Blue Horse », aux morceaux plus « dub » de l’album. Un long instrumental, très planant, et une vraie réussite.

 

Mais ce n’était qu’une pause avant un retour au blues le plus lourd et crade que l’on puisse imaginer, avec « Bad Night ». J’adore.

 

Suivent deux morceaux que vous connaissez sûrement même si vous n’avez pas écouté BlueBob… pour la bonne et simple raison qu’ils figuraient déjà dans la bande originale de Mulholland Drive ; deux perles en leur genre, à nouveau relativement « dub » : « Mountains Falling » (le plus long morceau de l’album), puis le très bel instrumental « Go Get Some ».

 

Après ces longues errances dans les ténèbres, « Pink Western Range » accélère subitement le rythme… mais, on l’avouera, sans laisser un souvenir impérissable.

 

On lui préférera le chaloupé et naïf « Marilyn Monroe ». Allez, tous en chœur :

 

Marilyn

Monroe

Marilyn

Monroe

Marilyn

Monroe

I love you

I love you so

 

Et de conclure sur un « City Of Dreams » assez bruitiste, mais plus ou moins convaincant sur la durée.

 

Cela dit, si l’on excepte ces quelques réserves finales, BlueBob est bel et bien un album tout ce qu’il y a de sympathique, et qui a surtout pour lui cette qualité rare : celle d’être assez unique en son genre ; difficile en effet de trouver quoi que ce soit qui ressemble véritablement à BlueBob. En ce qui me concerne, c’est là un atout de taille.

 

C’est à croire que ce monsieur Lynch a tous les talents !

 

Et en plus, il est beau.

 

 C’est trop injuste.

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"Rossz csillag alatt született", de Venetian Snares

Publié le par Nébal

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VENETIAN SNARES, Rossz csillag alatt született.

 

Tracklist :

 

01 – Sikertelenseg

02 – Szerencsétlen

03 – Öngyilkos vasárnap

04 – Felbomlasztott mentokocsi

05 – Hajnal

06 – Galamb egyedül

07 – Második galamb

08 – Szamár madár

09 – Hiszékeny

10 – Kétsarkú mozgalom

11 – Senki dala

 

ATTENTION : CE COMPTE RENDU EST SUSCEPTIBLE DE CONTENIR DES PASSAGES D’EXHIBITIONNISME BLOGUESQUE. VOUS ÊTES PRÉVENUS.

 

Ici, en effet, je suis désolé, mais pour vous faire comprendre l’attachement tout particulier que je voue à cet album (de génie, of course), il va me falloir m’étaler un peu, et raconter un peu ma life, comme dirait l’autre. Mais les conditions très particulières de réalisation de cet album n’y sont sans doute pas étrangères, ainsi que nous allons le voir.

 

Mais commençons par le commencement. Venetian Snares est un des nombreux pseudonymes (on pourrait citer également BeeSnares, Last Step, Puff, Snares Man!, Ventriloquist Snakes, Senetian Vnares, Snares ou encore Vsnares – oui, le monsieur a de la suite dans les idées) du musicien canadien Aaron Funk. Celui-ci œuvre dans une branche de techno expérimentale assez difficile à classifier, même si, à la première écoute, on ne peut s’empêcher de penser à des artistes du label Warp tels que LFO, Aphex Twin ou Autechre. Alors on pourra parler de breakcore (semble-t-il l’appellation qui revient le plus souvent), d’IDM (mais, personnellement, je déteste cette désignation, que je trouve à la fois stupide et puante…), de drill’n’bass (ça, par contre, j’aime beaucoup ; et pour ma part, c’est ce que je retiendrai), plus simplement de drum’n’bass (après tout…), plus largement d’avant-garde (ce qui peut vouloir dire tout et n’importe quoi…), de noise si l’on y tient (mais bon, bof…), d’illbient à l’occasion… Mais, après tout, on s’en fout un peu, non ?

 

Contentons-nous ici de décrire ce qu’il en est pour cet album fascinant qu’est Rossz csillag alatt született (que l’on peut traduire par « Né sous une mauvaise étoile ») : la musique est essentiellement classique (néo-classique si l’on veut, éventuellement « contemporaine » sur certaines pistes – ainsi la deuxième), mais accompagnée de rythmiques très rapides, extrêmement syncopées et souvent violentes, le tout produisant un décalage assez unique en son genre qui fait toute la saveur de l’album. Vous vous souvenez, en son temps, de l’excellent « Girl / Boy Song » d’Aphex Twin ? Ben y’a un peu de ça, mais en plus extrémiste… et, généralement, beaucoup, beaucoup plus noir.

 

Où l’on en vient aux origines de l’album. Celui-ci trouverait son point de départ dans un voyage effectué par Aaron Funk en Hongrie (d’où les titres improçon… inço… imprononçables). Et d’un délire sur les pigeons. Après tout, pourquoi pas ? Mais aussi d’une variation (la troisième piste, comprenant par ailleurs des samples de Billie Holliday – l’album est bien évidemment gavé de samples, notamment de musique classique) sur une chanson hongroise que la légende urbaine rend responsable d’une multitude de suicides.

 

Et en effet, l’ambiance de cet album n’est guère joyeuse. De la première à la dernière piste, si l’on excepte quelques rares passages où la lumière montre le bout de son nez, ce sont néanmoins les sentiments d’oppression, de dépression, de claustrophobie et de psychose qui dominent.

 

J’ai pour ma part découvert cet album en deux temps. Et tout d’abord grâce à un ami très cher, qui vient de temps à autre en ces lieux interlopes, signant alors du nom de Bat-Aurèle. Le monsieur se disait que ça devrait me plaire, et ne s’est pas trompé, mazette… Dès la première écoute, je suis resté scotché.

 

Je passerai rapidement sur la brève introduction « Sikertelenseg » (« Échec »), dont le seul propos est d’annoncer la couleur (noire, noire, noire).

 

Mais ce qui m’a de suite fasciné, c’est la deuxième piste, l’extraordinaire « Szerencsétlen » (« Malchanceux »), morceau tellement bluffant que j’ai bien dû l’écouter dix fois de suite avant de passer au reste de l’album (au passage, j’aime beaucoup la vidéo dont je vous ai donné le lien, et il est vrai que la musique, de psychotique, peut aisément virer au cartoonesque, et, d’hystérique, devenir finalement assez drôle…).

 

… et en fait, je crois bien en être plus ou moins resté là pendant un moment.

 

 

Puis j’ai fait une rechute de dépression, ce qui m’a valu mon deuxième séjour en clinique. Et le hasard a voulu que, sur ma clé USB / baladeur mp3 de 256 Ko, se trouvaient alors uniquement deux albums : celui-ci et – ce qui n’a strictement rien à voir, mais je vous en parlerai quand même bientôt – Fantasy Black Channel de Late of the Pier.

 

Et je crois que c’est dans ces conditions bien particulières que j’ai vraiment découvert cet album, et son incommensurable richesse. Faut dire, je l’ai écouté au moins une fois par jour pendant un mois et demi…

 

Mais, du coup, plus récemment, quand j’ai à nouveau fait une rechute de dépression qui m’a valu un troisième séjour en clinique, et quand bien même, le progrès technologique aidant, j’avais cette fois un baladeur mp4 de 4 Go, je n’ai pas pu imaginer un seul instant retourner au Village sans avoir dans mes oreilles Rossz csillag alatt született et Fantasy Black Channel. Impossible. Il fallait que. Et c’est bien pour cela que je vous en cause aujourd’hui, et que je vais vous causer beaucoup de musique ces prochains jours, avant de revenir à la littérature.

 

Presque tous les jours, j’écoutais au moins quelques pistes de cet extraordinaire album de Venetian Snares, si ce n’était l’album en entier. Et, autant le dire tout de suite, j’ai bien acquis la conviction qu’il s’agit là d’un des albums majeurs de ces dernières années.

 

Poursuivons donc avec « Öngyilkos vasárnap » (« Dimanche suicidaire ») ; la voilà, la fameuse chanson du suicide. Tout ceci n’est guère joyeux, certes, mais pourtant, ce morceau finalement assez trip-hop est loin, à mes yeux, de constituer le moment le plus obscur et le plus rude de l’album – et certainement pas, soyons franc, et en dépit de la voix reconnaissable entre toutes de la grande Billie, son moment le plus intéressant.

 

« Felbomlasztott mentokocsi » (« Ambulance désintégrée »), une fois n’est pas coutume, est un morceau totalement dénué de rythmique. Une belle piste classique, à écouter impérativement au casque (ou la tête coincée entre les baffles) pour se faire délicieusement vriller le crâne à coup de perceuse violonée.

 

Avec « Hajnal » (« Aube »), on retourne (au bout d’un certain temps…) aux rythmiques folles, rassurez-vous. Un morceau étrange que celui-ci, qui prend son temps pour démarrer, débute classique (et violoneux virtuose, avec de faux airs tziganes), se poursuit étrangement jazzy, retourne au classique (un peu maladroitement, d’ailleurs…), puis – ah ! – le charley se fait entendre, ça monte, ça monte, et PAF ! une explosion drum’n’bass jubilatoire, avant un finale dantesque comme il se doit. Et en définitive, une réussite.

 

« Galamb egyedül » (« Pigeon, seul ») est à nouveau un court et obscur morceau dénué de rythmique. Pas grand chose à dire, il s’agit plus d’une transition qu’autre chose.

 

Il en va tout autrement de « Második galamb » (« Second pigeon »), qui, pour commencer sombre mais relativement calme, s’élève progressivement jusqu’à des sommets de fureur psychotique difficilement concevables ; la conclusion constituant un grand moment de portnawak bruitiste, jusqu’aux dernières secondes où un incongru kick gabber achèvera de terrasser les oreilles de vos voisins (tant pis pour eux). Ouf.

 

Puis on calme le jeu, mais de fort belle manière, avec le très très beau « Szamár madár » (« Stupide oiseau » ; tenez, une seconde vidéo ici, version courte mais avec un joli visuel) ; j’assume entièrement le « très très beau ». Il est vrai que, des morceaux « à rythmique » de Rossz csillag alatt született, et si l’on fait l’impasse sur la longue intro « contemporaine », celui-ci est sans conteste et de très très loin le plus facile d’accès ; pour tout autre artiste que Venetian Snares, j’entendrais déjà hurler les Intégristes du Bizarre, clamant leur écœurement devant ce sinistre éclat de « commerce » ; mais voilà, je les empapaoute en préventif. Parce que le fait est que c’est beau, oh, oui, c’est beau. Et c’est une porte d’accès idéale. Une manière douce d’initier les gens, de les amener à s’intéresser à ce genre de choses. Moi, ça me va très bien.

 

« Hiszékeny » (« Crédule »), de nouveau sans rythmique, est cette fois un morceau bien plus lumineux que tout ce qui a précédé, composé d’harmonies subtiles, et qui n’est pas sans évoquer la manière d’Aphex Twin. Un moment de calme avant la tempête, fort appréciable.

 

Car vient LE chef-d’œuvre, à mes oreilles en tout cas, à savoir « Kétsarkú mozgalom » (« Mouvement bipolaire », le bien nommé…). Un morceau extrêmement déprimant et en même temps très violent ; la mélodie est porté par un violon jouant à fond sur le pathos, les rythmiques sont plus complexes que jamais, les voix plus dépressives que tout ce que l’on pourrait imaginer. Un morceau parfait, de la première à la dernière note, et que j’ai fini par identifier à chacun de mes séjours en clinique. LE chef-d’œuvre, vous dis-je (même si j’ai mis du temps à le reconnaître, étant d’abord fasciné par « Szerencsétlen » et « Szamár madár »).

 

Et de conclure enfin sur une ultime note de noirceur et de déprime avec le bref et arythmique « Senki dala » (« Chanson de personne »). Non, décidément, tout cela n’est guère joyeux.

 

Mais, putain, qu’est-ce que c’était bon… Je me répète, je le sais, mais, pour moi, il ne fait aucun doute que Rossz csillag alatt született est un album majeur de ces dix dernières années. Un must have, comme on dit. Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire. Et plus vite que ça. Hop.

 

 

Mais maintenant vient le temps des aveux.

 

 

Putain, j’ai honte.

 

 

Bon, voilà : j’aime tellement cet album, je le trouve tellement parfait, que je n’ai jamais osé écouter un autre album de Venetian Snares, de peur d’être déçu.

 

Je sais, c’est idiot.

 

J’ai écouté quelques pistes, par-ci, par-là, excellentes d’ailleurs, mais aucun album en entier.

 

Je sais, c’est crétin.

 

 

Le pire, c’est que j’en ai à portée de main.

 

 

 Bon, allez, je vais me faire Winter In The Belly Of A Snake.

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"Teenager Of The Year", de Frank Black

Publié le par Nébal

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FRANK BLACK, Teenager Of The Year.

 

Tracklist :

 

01 – Whatever Happened To Pong?

02 – Thalassocracy

03 – (I Want To Live On An) Abstract Plain

04 – Calistan

05 – The Vanishing Spies

06 – Speedy Marie

07 – Headache

08 – Sir Rockaby

09 – Freedom Rock

10 – Two Reelers

11 – Fiddle Riddle

12 – Olé Mulholland

13 – Fazer Eyes

14 – I Could Stay Here Forever

15 – The Hostess With The Mostest

16 – Superabound

17 – Big Red

18 – Space Is Gonna Do Me Good

19 – White Noise Maker

20 – Pure Denizen Of The Citizens Band

21 – Bad, Wicked World

22 – Pie In The Sky

 

Le monde est trop injuste. C’est la vie, comme disait l’autre, certes. Et il est vrai que Frank Black, pour tout membre fondateur et leader des Pixies qu’il soit, n’a pas exactement le profil d’une rock star… Mais sa carrière solo aurait rencontré pas mal d’écueils, notamment à ses débuts, et l’album dont je vais vous entretenir aujourd’hui, le deuxième du monsieur après le split des petites fées (reformées aujourd’hui, je ne vous apprends rien…), s’il est – à bon droit, ainsi que j’entends bien le montrer – devenu culte avec le temps, fut à sa sortie un cuisant échec commercial. Bien loin en tout cas du succès rencontré par sa consœur Kim Deal avec ses Breeders et l’irrésistible tube que fut « Cannonball ».

 

Comment expliquer cet échec, dès lors ? Peut-être, paradoxalement, par ce qui fait le succès de cet album aujourd’hui, et explique l’attachement tout particulier que lui vouent les amateurs de Frank Black : son incroyable richesse. 22 pistes, généralement très courtes – la plus « longue » fait 4:41 min., comme quoi tout est relatif… –, explorant tous les genres du rock dans un joyeux foutoir, où le punk hardcore côtoie le reggae/ska, tandis que le blues copule avec la pop, pour un résultat toujours étonnant. L’album va à cent à l’heure, et ne laisse aucun répit à l’auditeur, qui va de surprise en surprise d’une piste à l’autre, ne sachant jamais à quoi s’attendre ; en définitive, il ne peut se raccrocher qu’à une seule certitude : il va écouter du Frank Black.

 

Car, quel que soit le genre dans lequel le gros Francis officie, il a un son bien à lui, une manière de voir les choses et de les exprimer immédiatement reconnaissable ; ainsi, au-delà de son apparente hétérogénéité, de son aspect fourre-tout, et donc, autant le dire, casse-gueule, Teenager Of The Year est bel et bien un album cohérent, de la première à la dernière chanson.

 

Et le pire, ma bonne dame, c’est qu’elles sont bonnes, ces chansons… Frank Black avait déjà su le montrer au sein des Pixies et le confirme à nouveau en solo : il est bel et bien un songwriter de génie, un fin mélodiste, aussi à l’aise dans la bourrinade réjouissante que dans les harmonies les plus subtiles, s’éloignant des schémas classiques guitare / basse / batterie (ou alors, les faisant sonner comme personne…).

 

En fait, de ces 22 pistes, aucune à mes yeux n’est à jeter. Pour bien faire, il faudrait sans doute que je décortique l’album point par point ; mais – traitez-moi de flemmard si vous le voulez – cela serait sans doute bien trop long et fastidieux. Aussi ai-je préféré me contenter d’une sélection de morceaux particulièrement brillants à mon goût, et que – magie de l’Internet ! – vous allez pouvoir (au moins pour un temps…) écouter tandis que je les évoque.

 

Déjà, un premier constat : pour ce qui est de l’attaque en force, Frank Black n’a de leçons à recevoir de personne. Teenager Of The Year s’ouvre ainsi sur une trilogie tout simplement parfaite de morceaux très brefs et très efficaces : en guise d’introduction idéale, le punk jubilatoire de « Whatever Happened To Pong? » ; suit immédiatement le tout aussi punk mais plus dissonant « Thalassocracy », furieusement bon ; enfin, histoire de calmer un peu le jeu, « (I Want To Live On An) Abstract Plain » nous introduit avec brio aux aspects les plus pop de l’album. Je sais pas vous, mais moi, rien qu’après ces trois morceaux-là, je dis : « J’achète ! »

 

Sautons quelques pistes pour continuer dans la pop de la plus belle eau avec « Speedy Marie », et son finale aux accents très Pixies (chassez le naturel…) ; suit immédiatement le tubesque et bien nommé « Headache », type idéal du morceau pop qui rentre dans le crâne pour ne plus jamais en sortir…

 

Mais on retourne un peu plus loin au foutoir, dans ce qu’il a de plus jouissif, avec – le à nouveau fort bien nommé – « Freedom Rock », qui s’autorise toutes les lubies, passant d’un genre à l’autre dans une joyeuse partouze musicale où – j’ai honte de le dire – même le reggae et le ska rendent bien (et c’est également vrai en d’autres occasions)…

 

 

Merde, je suis même pas à la moitié de l’album, et j’ai cité six morceaux sur neuf… Bon, faut que je me calme pour la suite, grmbl…

 

Bon, OK, d’accord, je m’en tiens vraiment au meilleur du meilleur pour la deuxième moitié de l’album (aussi bonne que la première, hein), et je passe du coup à « Superabound », une petite perle d’efficacité où la basse et l’orgue rivalisent d’ingéniosité. Suit d’ailleurs un autre joli morceau de bravoure avec un « Big Red » aux accents très bluesy, mais au refrain pop entêtant au possible.

 

 

Bon, allez, un dernier pour la route, à nouveau côté punk, le très réjouissant « Bad, Wicked World » (N.B. : désolé pour les agaçants pains sonores de la vidéo – ce n’est pas ma faute, mais je n’ai pas trouvé mieux, désolé… – ; au passage, le thème des extraterrestres et de la SF colle par contre très bien à Frank Black).

 

Bilan ? Ben, je crois que c’est clair, non ? Teenager Of The Year est un grand album de pop rock, qui mérite bien qu’on y rejette deux oreilles attentives aujourd’hui.

 

...

 

Non, permettez-moi d’être plus explicite.

 

Teenager Of The Year est un IMMENSE album. Il figure sans doute parmi mes préférés dans ma discographie. Il est indéniable à mes yeux que jamais Frank Black ne s’est montré aussi talentueux que sur cet album foisonnant et d’une richesse incomparable.

 

On y va pour la comparaison niaise mais inévitable : Teenager Of The Year vaut en ce qui me concerne amplement toute la discographie des Pixies.

 

Et j’irais même plus loin : c’est juste un des putains de plus grands albums de tous les temps de la mort de la galaxie (bordel).

 

 Alors voilà. Hop.

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"The Last Sucker", de Ministry

Publié le par Nébal

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MINISTRY, The Last Sucker.
 
Tracklist :
 
01 – Let’s Go
02 – Watch Yourself
03 – Life Is Good
04 – The Dick Song
05 – The Last Sucker
06 – No Glory
07 – Death & Destruction
08 – Roadhouse Blues
09 – Die In A Crash
10 – End Of Days (Pt. 1)
11 – End Of Days (Pt. 2)
 
Autant vous prévenir d’emblée : j’ai tendance à devenir dangereux et saoulant quand je parle de Ministry. Mea culpa. Mais c’est comme pour Philip K. Dick, Alan Moore et Stanley Kubrick (notamment ; mais je pourrais aussi parler ici de Flaubert, de Kafka, d’Hitchcock, etc.) : ces gens-là font partie de mon panthéon personnel, et j’ai à leur égard une dévotion dénuée de toute subtilité qui n’a rien à envier aux plus abjects fondamentalistes que les religions universelles de salut ont fait pulluler sur notre triste monde tragique (je hais ces gens-là ; d’ailleurs, ils se trompent de Dieu, puisque Dieu c’est Ministry. Et Philip K. Dick. Et Alan Moore. Et… bon, vous avez compris).
 
Là, c’est fait.
 
Dévotion oblige, ceci dit, je ne vais pas vous entretenir immédiatement de The Last Sucker. Cet album tout récent étant présenté comme « le dernier album studio de Ministry », j’ai tout d’abord envie de revenir sur le parcours de ce groupe unique. Parce que là, oui madame, l’histoire rencontre l’Histoire (comment ça, je suis pas crédible ?).
 
Ministry, au début, c’est Al Jourgensen tout seul (le prénom changera au fil des albums : Alain, Alien, plus récemment Al-Qaeda…), jeune Américain né à Cuba, et un peu perturbé, qui commence par une sorte de synth-pop industrielle au début des années 1980 avec l’album With Sympathy. On est très très loin du Ministry ultérieur… Ce n’est pas inintéressant, mais pas encore transcendant. Les choses deviennent déjà bien plus alléchantes avec l’album suivant, Twitch, aux sonorités plus dures, et bien moins mélodique, qui n’est pas sans évoquer à mon sens un Cabaret Voltaire en plus agressif. C’est aussi l’époque où déboule dans Ministry un certain Paul Barker, qui amène des guitares dans ses valises.
 
Ministry, dorénavant, ce sera donc Jourgensen (chant, guitare, programmation) et Barker (basse, programmation), même si nombreux seront les collaborateurs occasionnels, participant à l’enregistrement des albums et aux tournées sans pour autant intégrer à proprement parler le groupe (Bill Rieflin à la batterie, par exemple, exilé si je ne m’abuse de Killing Joke, fondateur de Pigface – qui était d’ailleurs à l’origine un cover-band de Ministry –, et qui a joué depuis au sein de REM, qui n’a effectivement rien à voir). Notons d’ailleurs que Ministry se trouve au centre d’une véritable nébuleuse, les deux compères multipliant les side-projects, parmi lesquels on retiendra surtout les excellents Revolting Cocks (groupe purement industriel à l’origine, fondé avec Luc Van Acker et Richard 23 de Front 242 ainsi que Chris Connelly, puis intégrant lui aussi les guitares, mais dans une perspective moins violente que Ministry, plus punk et rigolarde) et Lard (un peu plus punk que Ministry, et qui s’en distingue essentiellement par la présence au chant de l’hystérique Jello Biafra, charismatique leader des Dead Kennedys – qui apparaît d’ailleurs régulièrement aux côtés de Ministry et des Revolting Cocks, entre autres). Mais il en est bien d’autres, plus discrets ou officieux, comme 1000 Homo DJ’s, avec un tout jeune et encore inconnu Trent Reznor… ou encore le projet country Buck Satan & The 666 Cow-Boys !
 
Je vais néanmoins me concentrer ici sur Ministry, qui livre coup sur coup, au tournant des années 1980-1990, trois albums absolument géniaux et à l’influence incomparable, très différents les uns des autres, mais posant pourtant les bases de ce que l’on appellera désormais le metal industriel.
 
Au commencement était The Land Of Rape And Honey, album fondateur s’il en est, et débutant par trois morceaux riches en guitare, très punk, et définissant le style propre aux meilleurs albums de Ministry, notamment le premier, l’excellent « Stigmata » : un riff simpliste mais parfait, qui court tout le long du morceau, l’aspect répétitif de l’ensemble n’étant qu’apparent, mais contribuant à créer une atmosphère particulière et un quasi-état de transe punk et hystérique. Miam ! « The Missing » et « Deity », plus bourrins, sont moins convaincants, mais néanmoins très originaux pour l’époque, et contribuent à cette étrange conséquence : de plus en plus de têtes chevelues se ruent aux concerts de Ministry, à la stupéfaction de Jourgensen et Barker, issus d’une culture punk et électronique, et non metal. La transition se fait, pourtant. En attendant, The Land Of Rape And Honey contient encore quelques très bons morceaux, comme l’instrumental assez planant « Golden Dawn », comprenant des samples tirés du superbe film de Ken Russel Les Diables, l’électro-arabisant « Hizbollah » (décidément, ça après Al-Qaeda, vais me faire ficher, moi…), l’indus martial de « The Land Of Rape And Honey », ou encore l’hystérique « Flashback ». Que du bon, vous dis-je. Et à l’influence immédiate : Trent Reznor reconnaît volontiers l’influence de cet album sur Nine Inch Nails, par exemple.
 
Pourtant le meilleur est encore à venir, avec l’énormissime The Mind Is A Terrible Thing To Taste, qui est tout simplement le meilleur album de tous les temps, là, et aucune contestation n’est possible (sauf si c’est pour donner la première place à Psalm 69, éventuellement, mais on y reviendra). La bible du metal indus. Ministry a trouvé la formule magique : les guitares sont présentes sur la plupart des morceaux, très répétitifs, avec des riffs en béton mais simples en apparence oscillant entre punk et metal, un travail du son énorme et des samples employés judicieusement. D’où une suite de bombes, parmi lesquelles on retiendra notamment le furibond « Thieves » ouvrant l’album à grands coups de perceuse et de samples de Full Metal Jacket (les grands esprits se rencontrent… pour l’anecdote, on rappellera que Ministry, plus tard, écrira deux morceaux pour la bande originale de A.I. de Steven Spielberg et jouera dans le film, et que c’était Kubrick, à l’origine du projet, qui les avait choisis) ; le tubesque « Burning Inside », sans doute le morceau le plus archétypal du groupe ; le planant et déviant « Cannibal Song » avec son monstrueux riff de basse imperturbable ; « Breathe » avec sa rythmique folle à deux batteries (particulièrement impressionnant en live, comme sur la vidéo de In Case You Didn’t Feel Like Showing Up, où il devient le prétexte à une intro épique ; Ministry a souvent joué en live avec deux batteries, d’ailleurs, et ça fait du bien…) ; le fabuleux « So What », trippant et punk à la fois, et qui dure, qui dure, pour le plus grand plaisir des gens de bon goût ; « Faith Collapsing », aussi, avec à nouveau un monstrueux riff de basse et une rythmique tribale à deux batteries agrémentée de samples du très bon Fahrenheit 451 de François Truffaud… et les autres morceaux ne sont pas en reste.
 
La « trilogie » des grands albums metal indus de Ministry s’achève avec le non moins excellent Psalm 69, The Way To Succeed And The Way To Suck Eggs, qui deviendra par un étrange concours de circonstances le plus gros succès commercial du groupe. C’est pourtant un album violent et sans compromis, ce dont témoigne d’entrée de jeu le tout simplement parfait « N.W.O. », virulente charge contre George Bush père reposant sur un riff simpliste au possible de deux notes courant tout au long des six minutes du morceau sans jamais le rendre lassant pour autant ; vient ensuite le très métallique « Just One Fix », introduit par William Burroughs himself et dont le génial riff et la rythmique bourrine seront d’une grande influence par la suite (à titre d’exemple, je considère pour ma part que Rammstein, à peu de choses près, s’est contenté tout au long de ses albums de faire des variations moins violentes et convaincantes, quand bien même sympathiques, sur ce seul et unique morceau…). On retiendra également de cet excellent album le planant et oppressant « Scarecrow », le jouissivement débile et mégalomane « Psalm 69 » qui servira souvent d’intro aux concerts de Ministry par la suite, ou encore l’indus bourrin et tribal de « Corrosion », à se taper la tête contre les murs. Et puis le rigolo « Jesus Built My Hotrod » avec Gibby Haynes des Butthole Surfers, un morceau débile et enthousiasmant… qui rencontrera en tant que single un très grand succès commercial, et boostera à un point inimaginable les ventes de cet album rude dans lequel il joue quelque peu le rôle de friandise, n’ayant pas grand chose à voir avec le reste…
 
Ministry, contre sa volonté, est donc devenu un groupe célèbre et vendeur. Un statut dont Jourgensen et Barker, très clairement, ne veulent pas. On a en effet l’impression que les albums suivants vont se livrer à une véritable entreprise de sabotage, de par leur abord plus difficile, leur son gras et lourd, leur rythme souvent plus lent, le côté répétitif accentué à outrance, etc. Il faut sans doute ajouter à cela que Jourgensen, dont les cures de désintoxication à l’héroïne (c’était déjà le sujet de « Just One Fix ») sont assez violentes, traverse une mauvaise passe qui ne facilite pas toujours des relations de plus en plus tendues avec Barker. Sachant tout cela, on ne sera pas surpris du caractère très noir, lourd et glauque de l’album suivant, Filth Pig. Un album à mille lieues de Psalm 69, qui se fait instantanément descendre par une critique imbécile (je crois me souvenir notamment d'un papier affligeant dans Les Inrockuptibles, écrit par un bouffon borné au possible, et qui figure parmi les pires articles que j'ai pu lire dans cet hebdo pourtant riche en aberrations critiques pédantes, hypocrites et insupportablement bobo...). On peut bien le dire aujourd’hui : Filth Pig est un excellent album, très inventif, mais pas facile d’accès, le son extrêmement lourd et gras de l’ensemble n’y étant sans doute pas pour rien (personnellement, je trouve ce son phénoménal, mais je me souviens de critiques très virulentes à l’époque, où des journaleux stupides se plaignaient de ce qu’ils considéraient comme un bâclage je m’en-foutiste bricolé dans un garage… bande de…). Il contient bon nombre d’excellents morceaux, parmi lesquels on retiendra notamment le très bourrin et lourd « Reload » ouvrant l’album, le très répétitif et planant « Filth Pig » avec son solo d’harmonica sous hélium, le monstrueux « Lava », « Gameshow » et sa rythmique folle, notamment dans l’épique intro, ou encore « The Fall », plus planant, et qui servira souvent par la suite à conclure les concerts. Petite blague, enfin, la reprise de « Lay Lady Lay » de Bob Dylan, mais là je dois dire que je n’accroche pas (Ministry n’est pas fait pour la mélodie et la guimauve, pas de doute là-dessus)…
 
Ministry se retrouve néanmoins dans une mauvaise passe qui va durer plusieurs années, émaillées de problèmes de drogue, voire de sanctions pénales, et de brouilles récurrentes entre Jourgensen et Barker. Le groupe sortira cependant Dark Side Of The Spoon (le jeu de mots est assez limpide…), qui poursuivra sur l’atmosphère de Filth Pig tout en revenant à l’occasion à un esprit plus typique des enregistrements antérieurs, ainsi qu’en témoigne notamment le premier morceau, « Supermanic Soul », que l’on peut voir comme une relecture extrêmement primitive de « N.W.O. ». Si l’album obtiendra un plus grand succès que le précédent, notamment du fait de la présence du single « Bad Blood » sur la bande originale de Matrix (et pas dans le film, si je ne m’abuse… c’est d’ailleurs peut-être le morceau le moins intéressant de l’album, je ne comprends pas les gens, des fois), Ministry reste cependant bien loin des sommets atteints avec Psalm 69Dark Side Of The Spoon, s’il n’est guère facile d’accès, est néanmoins un excellent album de Ministry. J’ai parfois l’impression d’être le seul à l’affirmer, ceci dit… Mais j’avoue apprécier énormément les morceaux lorgnant plus ou moins débilement sur le jazz, comme le rigolo « Step » ou le planant « 10/10 ». Et surtout, j’affirme sans l’ombre d’un doute que cet album renferme deux des meilleurs morceaux de Ministry, si ce n’est les meilleurs, avec le très planant « Eureka Pile », sa rythmique folle et sa basse claustrophobe, et « Nursing Home », morceau totalement dingue à base de banjo et de saxophone, improbable et génial mélange de dub, d’indus, de free jazz et de folk voire country glauque ! Dark Side Of The Spoon est ainsi clairement le dernier grand album de Ministry à mes yeux (ou mes oreilles, oui bon d’accord).
 
Nouvelle période de difficultés, puis, enfin, un nouvel album, sur un nouveau label, avec Animositisomina. Plus direct et moins expérimental que Filth Pig et Dark Side Of The Spoon, il est bien moins intéressant à mon sens. Cet album plus violent n’est cependant pas sans atouts, ainsi avec le virulent « Animosity » qui l’introduit, la reprise assez pop mais très sympathique de « The Light Pours Out Of Me », ou encore l’excellent instrumental final, planant et répétitif au possible, « Leper ». C’est toutefois à mon sens un album un peu en demi-teinte. La bonne nouvelle, ceci dit, c’est que Ministry renoue alors avec la scène, après une longue absence plus ou moins imposée par des sanctions pénales. Et pour les avoir vus à l’époque à l’Elysée-Montmartre, je peux confirmer la puissance scénique de Ministry, d’autant que Jourgensen, qui rechignait auparavant aux tournées, semble dès lors y trouver un plaisir intense facilitant d’autant la communion avec un public très hétéroclite.
 
La mauvaise nouvelle, c’est que Barker quitte le groupe… Je n’en connais pas les raisons précises, même si cela semblait assez prévisible à force. Qu’à cela ne tienne, Jourgensen décide de continuer, mais en changeant l’orientation de son bébé. Ministry va désormais devenir un groupe résolument metal, et plus politique que jamais. Ministry a toujours eu un côté politique, de même que les Revolting Cocks et Lard ; mais l’arrivée à la Maison Blanche du fiston Bush va jouer le rôle de déclencheur, Ministry enchaînant alors les albums virulents presque entièrement dédiés à la satire de l’ancien gouverneur du Texas (rappelons que Jourgensen vit aujourd’hui dans cet Etat emblématique de la pire « Bible Belt ») et à la dénonciation de la politique militariste des néo-conservateurs (ce qui commençait déjà à se faire sentir sur Animositisomina). Ainsi, très vite, avec Houses Of The Molé, un album très efficace mais guère marquant, s’ouvrant néanmoins sur le jouissif et éloquent « No W » et ses samples de Carmina Burana (dans sa première version ; les samples ont dû ensuite en être retirés en raison de problèmes de « droits d’auteur »… mouais…).
 
L’album suivant, Rio Grande Blood,s’il continue dans cette veine, est plus intéressant, contenant quelques pépites comme le très bourrin « Rio Grande Blood » qui l’introduit, un « Senior Peligro » qui fait indubitablement penser à Slayer, « Gangreen » et ses marines débiles, « Yellow Cake » qui retourne à l’indus déviant et primitif de Filth Pig et Dark Side Of The Spoon, « Ass Clown » où Jello Biafra vient faire un petit coucou, ou encore le très bon et planant « Khyber Pass ». Un très bon album, donc, très violent, mais surtout très trash, et qui tient plus de Slayer que de Ministry, dans un sens. Je dois avouer lui avoir largement préféré, à l’époque, Cocked And Loaded, le tant attendu nouvel album des Revolting Cocks, sorti exactement en même temps et bien plus original.
 
Et on en arrive ainsi à The Last Sucker. « The end is here. Ministry’s final studio release », nous précise un sticker. Vraiment, ou bien n’est-ce qu’un coup de pub ? Je ne me prononcerai pas ; toutefois, Jourgensen avait depuis longtemps déjà clamé son intention de passer à autre chose, et le récent décès du bassiste Paul Raven, venu remplacer Barker, n’est peut-être pas pour rien dans cette décision… Mais que vaut-il donc, ce « dernier » album, où George W. Bush, sans surprise, continue de s’en prendre plein la poire ? Eh bien j’avoue que, à la première écoute, j’ai été extrêmement déçu, l’album ne me paraissant guère accrocheur et inventif. J’ai même dit une abominable méchanceté : « Ouais, il est peut-être temps de s’arrêter, effectivement… »
 
Imbécile…
 
Je l’ai réécouté, cet album. Juste pour voir. Alors peut-être la méthode Coué a-t-elle joué, mais j’en doute ; quoi qu’il en soit, je l’aimais de plus en plus, et, aujourd’hui, je reviens sur ma première impression et sur ce jugement lapidaire, parfaitement injustifié et scandaleux (et je me flagelle avec des orties fraîchement coupées pour expier ma faute). The Last Sucker est bel et bien un bon album ; un très bon album, même ; et j’en viens presque à me demander si ça ne serait pas, au final, le meilleur album de Ministry depuis Dark Side Of The Spoon
 
Mais décortiquons un brin. Comme souvent chez Ministry, l’album s’ouvre sur un morceau jouissif avec « Let’s Go », l’auditeur étant pris d’une irrépressible envie de secouer la tête. Ceci dit, cette fois, c’est plutôt punk, et, au-delà de l’intro « apocalyptique » et très efficace, c’est finalement bien en-dessous des énormes « Rio Grande Blood » et « No W », pour en rester aux plus récents albums, et donne un peu l’impression d’avoir déjà été entendu ailleurs, tout en restant plus que correct. On regrettera notamment les soli très typés metal et qui tombent un peu comme un cheveu sur la soupe, défaut qui avait déjà tendance à émailler les plus récentes productions de Ministry, et qui ressurgit ici à l’occasion, hélas. Le son excellent laisse cependant présager du meilleur.
 
Preuve en est, immédiatement après, avec « Watch Yourself » et son impressionnante rythmique on ne peut plus metal indus, machinale et pierreuse, et pour ainsi dire irrésistible (on notera par ailleurs que l’album, exceptionnellement, ne crédite aucun batteur ; Ministry semble donc bien être retourné au tout électronique en la matière, mais pour un résultat qui n’amoindrit pas sa puissance sonore et colle parfaitement à l’atmosphère des compositions).
 
« Life Is Good », ensuite, est peut-être un peu moins marquant, mais reste très appréciable, notamment dans ses arabesques à l’arrière-plan, très évocatrices de la grande époque de Ministry, et qui contribuent à sortir le groupe du carcan simplement trash où on aurait pu être tenté de l’enfermer après Rio Grande Blood.
 
Avec « The Dick Song », on retourne à un titre très sombre et haineux, mais en même temps plus trash, après une intro très lourde. On est ici clairement dans la lignée de Houses Of The Molé et Rio Grande Blood, même si quelques claviers et samples en arrière-plan rappellent de temps à autre que Ministry est à la base un groupe industriel. Il y a de bons moments (notamment avec l’intro et le refrain), mais on n’est certainement pas là devant le sommet de l’album.
 
Il en va plus ou moins de même avec « The Last Sucker », qui ne se distingue tout d’abord que par quelques éructations quasiment death metal surprenantes chez Ministry, mais va néanmoins en s’améliorant, les « soli » passant cette fois très bien. Là encore, le refrain, très réussi, l’emporte indéniablement sur le couplet banal. Et la fin est tout à fait satisfaisante.
 
On passe à quelque chose de bien plus intéressant avec le très énervé « No Glory », reposant sur une boite à rythme énorme autorisant une précision et une puissance inhumaines et des syncopes remarquablement efficaces. A nouveau un solo dispensable, hélas (mais qui a l’avantage d’être très bref, comme tous ceux de l’album). Un très bon morceau, indéniablement.
 
La boite à rythme folle compte également pour une bonne part de l’intérêt du morceau suivant, le furibond « Death & Destruction », très violent et remarquablement bien construit (là encore si l’on excepte un solo incongru de quelques secondes à peine). Un morceau très efficace, et qui tire à nouveau l’album vers le haut.
 
Une petite friandise blagueuse pour la suite, avec une improbable reprise des Doors, « Roadhouse Blues », à faire pogoter Jim Morrison tout seul dans son cercueil. Un morceau speed et rigolard au pied hystérique, qui n’est pas sans rappeler « Jesus Built My Hotrod », et sur lequel Jourgensen refait péter son harmonica sous acides.
 
La suite est tout simplement géniale, faisant appel à une guest-star inattendue, le chanteur de Fear Factory Burton C. Bell. Dans un registre pourtant aux antipodes des compositions de Dino Cazares industrialisées par Rhys Fulber : la fin de l’album n’est en effet guère metal. On ne s’en plaindra pas : elle est excellente, et permet à Ministry de retrouver une certaine originalité qui tendait à lui faire défaut ces dernières années. Ainsi, immédiatement, avec le jouissif « Die In A Crash », véritable tube post-punk très dansant et efficace, et qui ne ressemble à vrai dire à rien de connu. Et c’est tant mieux ! Le résultat est imparable.
 
La suite, et conclusion de l’album (et du groupe ?), c’est l’excellent « End Of Days », partagé entre deux pistes, et faisant à nouveau appel à Burton C. Bell. Si la première partie très métallique et assez brève, n’est pas inintéressante, c’est surtout la longue deuxième partie (un peu plus de dix minutes) qu’il faut noter ici : une conclusion parfaite pour Ministry, plus planante que violente, très répétitive et lancinante, dix minutes de pur bonheur de rock indus. On en vient à espérer, peut-être pas que Ministry enregistre un nouvel album après ce « dernier » opus, mais en tout cas que Jourgensen poursuive sa carrière, éventuellement dans un autre projet, « Die In A Crash » et « End Of Days » révélant à mon sens une nouvelle voie pour l’inventeur du metal indus, lui permettant de se renouveler éventuellement loin du trash metal où il avait eu tendance à se perdre plus ou moins ces dernières années.

The Last Sucker, ainsi, ne constitue certainement pas le meilleur de Ministry ; il est indéniablement loin derrière The Land Of Rape And Honey, The Mind Is A Terrible Thing To Taste et Psalm 69, et je lui préfère également pour ma part, et sans l'ombre d'un doute, Filth Pig et Dark Side Of The Spoon. Si on peut lui reprocher d'être un peu inégal et guère accrocheur à la première écoute, on ne peut, par contre, que se féliciter des quelques pépites qui l'émaillent, et notamment de certaines prises de risques, qui viennent à point nommé nous rappeler, en bout de course, que Ministry n'a jamais véritablement été un groupe de metal, mais bien une usine folle à expérimentations, un groupe inventif comme peu peuvent prétendre l'être, un groupe de légende enfin, souvent imité, jamais égalé. Ite missa est.

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"Part 2. The Endless Not", de Throbbing Gristle

Publié le par Nébal

Part-2.-The-Endless-Not.jpg

THROBBING GRISTLE, Part 2. The Endless Not.
 
Tracklist :
 
01 – Vow Of Silence
02 – Rabbit Snare
03 – Separated
04 – Almost A Kiss
05 – Greasy Spoon
06 – Lyre Liar
07 – Above The Below
08 – Endless Not
09 – The Worm Waits Its Turn
10 – After The Fall
 
Chose promise, chose due : petit retour sur cet excellent dernier album de Throbbing Gristle.
 
Et rappel des épisodes précédents : Throbbing Gristle, le groupe fondateur de la musique industrielle, s’est séparé en 1980, à la fois en raison du succès naissant du groupe, s’accordant mal avec son discours hautement subversif, et pour cause de dissensions internes entre ses quatre membres. Ceux-ci n’abandonnent pas la musique pour autant : Genesis P-Orridge forme presque instantanément Psychic TV, et est dans un premier temps accompagné par Peter « Sleazy » Christopherson, qui le quitte cependant assez rapidement pour fonder Coil avec John Balance, tandis que le couple formé par Chris Carter et Cosey Fanni Tutti se lance dans un projet d’abord intitulé Chris & Cosey, puis Carter/Tutti. Si les trois derniers semblaient être restés assez proches les uns des autres, les tensions étaient par contre devenues très rudes à l’égard de Genesis P-Orridge. Autant dire qu’une reformation de Throbbing Gristle paraissait hautement improbable, d’autant que l’attitude revêche et subversive de TG ne semblait guère se prêter à l’exercice souvent tristement mercantile du come-back.
 
Et pourtant reformation il y a eu.
 
On pouvait craindre un retour de papys croulants – quand bien même androgynes –, uniquement désireux de payer leurs impôts, comme il y en a eu hélas tant ces dernières années, l’idéologie punk étant remisée au placard et laissant la place au rock de stade le plus émétique. De la part de TG, ç’aurait quand même été sacrément douloureux… Heureusement, ces craintes n’étaient pas fondées. Si ce TG 2 n’a pas la virulence jusqu’au-boutiste du premier, il n’en continue pas moins de livrer avec sincérité et passion une musique inventive et largement au-dessus du lot.
 
Ce nouvel album s’est pourtant fait attendre, après les reformations « ponctuelles » du groupe ; cela faisait plus de deux ans que l’on en parlait (les morceaux semblent d’ailleurs dater de 2004 et 2005)… Mais il est enfin sorti, sans aucun attirail promotionnel. Ce petit bijou s’intitule étrangement (ou à bon droit, comme on voudra) Part 2. The Endless Not ; un album de toute évidence plus abordable et bien plus calme que les brûlots industriels de la fin des années 1970, mais néanmoins passionnant, et faisant preuve d’une maîtrise technique à laquelle TG ne nous avait pas forcément habitués jusque-là. On sent bien qu’entre temps les expériences de Coil (surtout), Psychic TV et Chris & Cosey ont porté leurs fruits.
 
L’album débute (assez classiquement pour le groupe) sur une de ses compositions les plus hermétiques, avec cet étrange et fascinant « Vow Of Silence » aux allures de mantra industriel, porté par une rythmique jouant un peu la carte de la nostalgie et noyé sous les cris déviants d’un Genesis P-Orridge à la voix trafiquée au possible.
 
Cette excellente introduction laisse bientôt place à une authentique perle, bien plus originale, avec le sublime « Rabbit Snare », mélancolique morceau de jazz minimaliste, déviant et gazeux, superbement écrit et interprété ; c’est notamment l’occasion de constater les remarquables prouesses émotionnelles auxquelles parvient désormais Genesis P-Orridge, dont la voix nasillarde et souvent hors de ton n’a jamais été aussi pertinente et séduisante. Mais la musique n’est pas en reste : une rythmique à la fois mécanique et jazzy, soutenue par de sourdes impulsions de basse, un piano maladif complété à l’occasion de fines touches d’orgue, les explosions de cornet ou de stridences électroniques… Tout cela compose un paysage sonore à la fois glauque et apaisant, terriblement bien pensé, pour ce qui est peut-être la plus grande réussite de l’album.
 
On enchaîne ensuite sur une composition instrumentale de Chris Carter, avec la belle pièce d’ambient « Separated », où la guitare de Cosey Fanni Tutti, si elle garde encore quelque chose des attentats sonores originaux, témoigne néanmoins là encore d’une plus grande maîtrise, et n’est pas sans évoquer à l’occasion le jeu de Robert Fripp dans ses collaborations avec Brian Eno.
 
Suit un très beau, doux et douloureux « Almost A Kiss », superbe ballade minimaliste et vaguement trip-hop dans sa rythmique chaloupée et sa ligne de basse descendante à la « Glory Box ». La voix de Genesis P-Orridge, quelque part entre chant, parlé et hurlement, n’a jamais été aussi déchirante et maladive, pour un résultat qui touche directement au cœur. On avait connu TG virulent et agressif, on le découvre désormais subtil et émouvant (ce que je mettrais pour ma part sur le compte de l’expérience de « Sleazy » au sein de Coil, mais, le talent mélodique de Chris Carter, notamment, n’étant plus à démontrer, je peux très bien me tromper…).
 
« Greasy Spoon », ensuite, le plus long morceau de l’album, renoue quelque peu avec l’hermétisme de l’introduction, pour une pièce instrumentale ambient / industrielle plus directement évocatrice du Throbbing Gristle original, parcourue de glitches à la ELpH et de hurlements moqueurs et acides de cornet ou de guitare vrillant le crâne à la façon d’un effet doppler, tandis qu’une rythmique mécanique et monotone fait l’autoroute avec une basse si sourde qu’elle tient presque du bourdon.
 
Avec « Lyre Liar », on reste dans l’angoisse et le sordide, ces deux seuls mots étant répétés en boucle par un Genesis P-Orridge vaporeux et éthéré par-dessus des sons machinaux, la rythmique monotone agrémentée d’une unique note de basse pouvant éventuellement faire penser à certaines compositions parmi les plus réussies de Nine Inch Nails (ou si l’on préfère de Trent Reznor, notamment dans sa remarquable bande originale pour le jeu vidéo Quake) : beau retour à l’envoyeur, les maîtres s’imposant définitivement aux disciples plus ou moins talentueux. Un quasi-instrumental au son remarquable, paranoïaque et claustrophobe, que je déconseille fortement d’écouter au petit matin si l’on souhaite partir du bon pied et passer une bonne journée…
 
« Above The Below », ensuite, est une composition instrumentale de Cosey Fanni Tutti, ambient industriel minimaliste très cinématographique avec sa discrète mélodie sur trois notes, qui confirme au moins une chose : il serait temps, décidément, que je jette une oreille aux productions ambient du couple Carter/Tutti ; si elles sont toutes de cet acabit, cela promet d’être un véritable régal.
 
Avec « Endless Not », on revient à un morceau chanté, mais guère moins audacieux, la structure étant difficilement discernable dans ce magma sonore délicat de dissonances électroniques accompagné par une rythmique plus présente que sur les compositions précédentes. Une belle réussite, une fois de plus.
 
« The Worm Waits Its Turn », coécrit par Genesis P-Orridge et son confrère Bryin Dall, s’il n’est pas mauvais, me semble cependant moins convaincant, moins original et moins bien construit, l’introduction comme un cheveu sur la soupe d’une discrète rythmique « big beat » ne servant guère la pourtant jolie mélodie à l’atmosphère éthérée sur laquelle se pose avec monotonie le « spoken word » lancinant du leader de Psychic TV.
 
Heureusement, c’est sur un authentique bijou – dont le seul défaut (mais en est-ce vraiment un, connaissant les pratiques similaires de Throbbing Gristle sur certains des albums de la première époque ?) est sa brièveté – que s’achève l’album, avec un « After The Fall » de Peter Christopherson qui nous ramène aux plus belles expérimentations ambient de Coil. Les mots me manquent pour en dire plus, à vrai dire…

Part 2. The Endless Not n
’est donc pas un vain album de come-back, écrit à la va-vite dans un but purement mercantile, mais bien une somme, un bilan en forme d’ouverture, témoignant des passions contemporaines de quatre génies de la musique électronique, toujours aussi sincères, toujours aussi inventifs, toujours aussi talentueux. Les intégristes du TG original n’y trouveront peut-être pas leur compte, pas plus que les amateurs de cet album ne trouveront nécessairement le leur dans les enregistrements les plus bruitistes du groupe. Mais pour ma part, j’y vois un album parfaitement digne de figurer dans la phénoménale discographie de ce groupe de légende. Je ne sais pas ce qu’il en est de l’avenir de Throbbing Gristle (pas plus que des projets de Peter Christopherson depuis le décès de John Balance mettant fin à l’expérience de Coil) ; mais si cet album devait connaître une suite éventuelle, aussi dénuée de compromissions et aussi brillante, je m’estimerais on ne peut plus heureux.

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