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CR Adventures in Middle-Earth : Ragoût de Hobbit aux fines herbes (2/3)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Nous visons la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

Cette séance correspond à la deuxième partie du deuxième scénario, « Of Leaves & Stewed Hobbit » (pp. 20-36). Vous trouverez la première partie ici.

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Une histoire d’herbe à pipe et de ragoût de Hobbit ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 2)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 2)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur 2)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 2)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 2).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

LA BATAILLE DU HAUT COL

 

 

Les héros, et leurs nouveaux compagnons dont Dindy, sont assiégés par une forte bande de Gobelins dans un « fort circulaire » sur le Haut Col. Il y a des Gobelins des Monts Brumeux en masse, dont Agariel sait qu’ils sont fragiles et couards, mais leur nombre les rend très dangereux. Plus loin, il y a des archers gobelins, qui semblent protégés par des loups de bonne taille. Plutôt du côté des héros, il y a enfin des soldats orques plus massifs et solides.

 

Cependant, la tactique de la bande apparaît bientôt : les soldats orques vont laisser les petits Gobelins mener l’assaut, pour submerger les défenseurs du Fort et leur ouvrir un passage. Aussi, pour le moment, les soldats restent-ils en retrait. Les Gobelins se précipitent sur le talus, toujours plus nombreux ; mais, au départ, c'est surtout le groupe autour d'Iwgar qui en fait les frais. Les archers gobelins arrosent en même temps le fort circulaire de leurs flèches en cloche, et, sur une surface aussi petite, ils font régulièrement mouche... Et le jeune Andy Noirépine craque : dans un hurlement de terreur, il lâche ses armes et cherche à quitter le fort par le flanc nord.

 

Du côté des héros, les Gobelins se montrent plus prudents – mais les soldats orques les poussent enfin sur le talus, qu'ils tentent de submerger ; les soldats les plus massifs essayent dès lors de se faufiler dans le fort par d'autres accès. Le talus tient, mais la foule des Gobelins s'accroît toujours. Les compagnons s'attachent aussi longtemps que possible à tenir la ligne, mais, quand les soldats orques tentent de contourner l'assaut, Agariel comprend qu'elle doit se jeter dans la mêlée, quitte à se mettre sérieusement en danger.

 

Elle n'est pas la seule : si Bill l'Archer parvient à placer quelques belles flèches, les solides Iwgar et Tom Face-de-Grumeaux font face à une forte opposition. Et les compagnons connaissent à leur tour des avanies – Aldamar, notamment, qui avait échappé son arc, et qui, quand il parvient à le ramasser sous la plateforme, est atteint par deux flèches en cloche ! Et si le talus ne cède pas, ses défenseurs sont de plus en plus épuisés. Même les plus solides, tel Nárvi, rencontrent des difficultés face aux soldats orques, d'un tout autre gabarit que les Gobelins qui avaient lancé le premier assaut.

 

 

Dans la furie de la bataille, les combattants entendent cependant un hurlement au nord – ceux qui se retournent un bref instant constatent qu’un Orque immense est parvenu à franchir le talus de ce côté qu’ils ne surveillaient pas : braillant qu’il se nomme « Ubhurz le Terrible », ce colosse qui a tout d’un chef de bande décapite Andy Noirépine d’un tétanisant coup de cimeterre !

 

Et les soldats orques commencent à infiltrer le fort. Iwgar et Tom, épuisés, tentent de venir au secours des compagnons, mais perçoivent bientôt qu'Ubhurz est est une menace d'une tout autre ampleur : le chef orque bouge vite et assène des coups terribles. Aldamar en fait bientôt les frais, qui tombe inconscient sous le coup de la douleur !

 

Et Aeweniel et Agariel ont bientôt une autre mauvaise surprise, si les autres ne s’en rendent pas immédiatement compte : un tunnel dissimulé donnait à l’intérieur du fort, et en jaillissent de très nombreux Gobelins ! Toutefois, ces couardes créatures ne semblent pas là pour se battre : ce qu’elles veulent, pour une raison ou une autre, c’est enlever Dindy ! Et le Hobbit terrifié est saisi et entraîné de force vers le tunnel…

 

Agariel hurle de protéger Dindy, tout en contenant de son mieux l'assaut des soldats orques ; grièvement blessée, elle doit faire appel à son inspiration de Dúnedain pour ne pas s’effondrer ! Mais elle parvient de justesse à achever le soldat orque qui s’en prenait à elle. Il en reste deux dans le fort ; en revanche, les archers gobelins ainsi que les loups, à l’instar des éclaireurs qui s’étaient faufilés à l’intérieur du fort et qui ont capturé Dindy, fuient sans plus attendre, ces derniers par le tunnel sous la plateforme. Il reste toutefois des soldats orques ainsi que l’effrayant Ubhurz à l’intérieur même du camp ! Et le chef orque de s’en prendre à un Iwgar épuisé, qui est à l’agonie… 

 

Jorinn également est dans un très sale état. Si Aldamar a finalement recouvré ses esprits, le Bardide est dans une situation critique, qui exige des soins urgents. Aeweniel, guère efficace avec son bâton de toute façon, se rue sur lui pour le stabiliser... à quelques mètres à peine du combat violent opposant Ubhurz et un Iwgar emporté par la furie guerrière ; hélas, c'est le chef orque qui l'emporte, abattant le Béornide dans un hurlement de rage ! Agariel et Nárvi achèvent cependant les soldats orques, tandis que c'est Tom, emporté par le spectacle terrible de la mort de son chef, qui parvient à planter son épée longue dans le poitrail massif d'Ubhurz, le tuant sur le coup. La mort du terrible Orque met fin à la bataille.

UN REPOS TOURMENTÉ

 

 

Agariel se précipite aussitôt à l’orée du tunnel emprunté par les Gobelins. Il n’a pas été creusé récemment, et il apparaît qu’il donne sur tout un réseau typique des Monts Brumeux – on dit que les Orques peuvent descendre toute la chaîne, du Mont Gundabad jusqu’à Orthanc, sans voir la lumière du jour… Quelques traces témoignent du passage de Dindy et de ses ravisseurs.

 

Il faut se porter au secours du Hobbit ! Hélas, les héros, Nárvi excepté, sont tous dans un très sale état… Pour Bill et Tom, qui ont vu périr deux de plus de leurs camarades, dont leur chef Iwgar, bien plus expérimenté qu'eux, c’est encore pire : après avoir été harcelés par les Gobelins pendant trois nuits, ils sont épuisés, et ne peuvent plus ignorer leurs nombreuses blessures… Mais tous s’accordent sur un point : ils ne pensent pas que les Gobelins lanceront un autre assaut dans la nuit – la mort d’Ubhurz, notamment, joue, car il devait être leur chef. Descendre du Haut Col dans la nuit n’en serait pas moins suicidaire, mais tous devraient pouvoir bénéficier d’un répit bienvenu – d’autant que les Gobelins ont enlevé Dindy, ils n’ont visiblement pas cherché à le tuer ; on peut supposer, Agariel notamment qui connaît bien ces Gobelins, qu’ils le garderont vivant pendant quelque temps… même si personne n’a envie de jouer avec le feu. Leurs traces devraient demeurer suffisamment visibles pour les rattraper ultérieurement.

 

Aussi les héros décident-ils de s’accorder un bref et indispensable repos dans le fort – quelques heures durant lesquelles Aeweniel fait usage de ses talents de guérisseuse, secondée par Aldamar, en ayant recours aux herbes qui leur restent, de la quenouille d’eau notamment. L’Elfe est bientôt parfaitement requinquée – mais Jorinn, Agariel et Aldamar conserveront encore quelque temps les cicatrices de la bataille.

 

Puis les héros s’avancent devant l’entrée du tunnel – il a été convenu que Bill et Tom, guère en état de les suivre, tâcheraient d’ici à leur retour de rassembler ce qui peut encore l’être de la caravane pour se préparer à descendre dans la vallée de l’Anduin. Mais ils ne sauraient courir le risque de passer une nuit de plus dans les Monts Brumeux : comme il leur faudra bien une demi-journée pour descendre du Haut Col, ils attendront les compagnons jusque vers midi le lendemain – s’ils n’en ont pas de signe à cette heure, ils ne pourront plus patienter, et entameront la descente…

 

Les héros redoutent ce qu’ils trouveront dans les tunnels – mais ils sont déterminés à sauver Dindy des griffes des Gobelins !

 

DANS LES TUNNELS DES GOBELINS

 

 

Il fait très sombre dans les tunnels. Nárvi, Aeweniel et Jorinn voient bien dans l’obscurité, mais Agariel et Aldamar auront besoin d’éclairer leur chemin avec des torches – la Dúnedain dispose d’une lanterne à capote très appropriée. Le Nain du Mont Solitaire, le plus solide d’entre eux, et celui qui a la plus grande expérience des tunnels, passe en tête du groupe – mais, régulièrement, Jorinn fait son office d’éclaireur et part un peu en avant. La compagnie espère que le flair de Fest pourra également les aider – mais l’odeur de pourriture omniprésente ne lui facilite pas la tâche. Ils ont relativement confiance en leur capacité à s’orienter dans ce très complexe réseau de tunnels, toutefois.

 

Il est cependant difficile de pister les Gobelins sur la base d’éléments visuels : le sol de roche ne garde guère de traces, et les passages ont été nombreux depuis fort longtemps. Mais les compagnons peuvent suivre à la trace les Gobelins… en se fiant à leur ouïe : même si leurs proies ont quelques heures d’avance, le son porte dans ces tunnels (ce qui incite d’ailleurs Agariel à recommander la plus grande discrétion aux héros), et, s’il est tout d’abord un peu déstabilisant de tenter de s’orienter sur leur vacarme, à force, les compagnons parviennent à déterminer la direction à prendre. En effet, les Gobelins chantent à tue-tête – ce qui ralentit leur marche. C’est toujours la même chanson,  avec quelques variations çà et là :

 

 

Les Gobelins habitent les souterrains,

Des jours qu’y z-ont pas bouffé à leur faim !

Dents pointues et ventre qui gargouille,

Lames affûtées dans un fourreau qui rouille !

Les Gobelins la courtoisie ça les connaît

Toujours polis et vraiment bien élevés !

Une fois qu’on a gagné la bataille

On ramène l’ennemi pour dîner au bercail !

Les Nains c’est dur à mâcher et tout broussailleux.

Les Elfes ça a un goût bizarre, c’est tout filandreux.

Nous on veut d’la chair humaine et c’est marre

Poêlée, fumée, ou carrément tartare !

Jetez le Hobbit dans le chaudron !

On va l’boulotter jusqu’au trognon !

Amenez-le au banquet gobelin !

Amenez-le au banquet gobelin !

 

Et cette chanson sinistre est d’une grande aide pour s’orienter dans les tunnels – en même temps, elle ne les rassure pas exactement… Elle est soûlante, par ailleurs – au sens le plus strict, au fond, car, plus ils progressent, plus les compagnons ont le sentiment que les Gobelins sont ivres...

 

Jorinn part régulièrement en éclaireur – et, pour quelqu’un qui n’est absolument pas familier de ce genre d’environnement, il se débrouille très bien. Il n’y a pas de postes de gardes pour l’heure, les Gobelins se contentent d’avancer d’un pas chancelant vers leur repaire. En revanche, Jorinn découvre que certains passages sont difficiles à négocier, car ils sont très étroits – d’autres sont à moitié écroulés, et éventuellement menaçants, mais le Bardide se montre suffisamment prudent et attentif pour les repérer et les indiquer à ses compagnons.

 

Mais ces tunnels ne sont pas totalement vides. Jorinn y repère régulièrement des traces animales diverses, mais, surtout, au détour d’un couloir, il devine la présence d’une lourde créature humanoïde, au pas pesant, qui n’a rien à voir avec les Gobelins – le chasseur de trésors s’avance discrètement… et découvre…

 

 

… qu’un Troll des Cavernes rôde dans les tunnels ! Il n’en avait bien sûr jamais vu de ses yeux, mais ce qu’il en a entendu dire ne lui laisse aucun doute à ce propos… Par chance, la créature ne semble pas très attentive à ce qui l’entoure, il devrait être possible de passer discrètement, sans éveiller son attention. Jorinn va faire son rapport, et, avec ses instructions, les compagnons parviennent à contourner la menace – non sans une petite frayeur.

 

Agariel commence à s’inquiéter du temps qui passe – cela fait des heures qu’ils naviguent dans les ténèbres, et leur temps est compté… Les Gobelins n’arriveront-ils donc jamais à leur repaire ? Mais c’est peu ou prou à ce moment que les compagnons comprennent, en faisant attention à la chanson, que les Gobelins n’avancent plus : oui, ils ont bel et bien atteint leur tanière – et il va falloir se montrer d’autant plus prudents.

 

DU BON USAGE DU SAUCISSON

 

 

Jorinn, passant en avant, confirme ce sentiment : deux soldats orques sont de faction à un poste de garde. Cependant, à voir leur comportement, et à entendre ce qu’ils disent, le Bardide comprend qu’ils sont totalement ivres – ils se font régulièrement passer une outre d’alcool, et se plaignent de ce que le remplaçant autoproclamé d’Ubhurz, semble-t-il un Gobelin même si particulièrement massif, leur a donné l’ordre de garder l’entrée du repaire, ce qui les prive du banquet qui se tient en ce moment même. Cet opportuniste mériterait une bonne leçon !

 

Il faut franchir ce poste de garde, sans laisser aux Orques le temps de sonner l’alarme. Il n’y a pas d’autre chemin. Plusieurs options se présentent aux compagnons : tuer les soldats bougons ne serait probablement pas la meilleure idée, car ils risqueraient d’encaisser suffisamment pour avoir le temps de signaler la présence d’intrus – et il ne fait aucun doute que les Gobelins et les Orques se comptent par dizaines dans cette tanière ; en revanche, les gardes sont probablement assez saouls pour que les héros puissent les contourner discrètement, ou user de ruse pour qu’ils aillent voir ailleurs.

 

Les compagnons débattent longuement de la meilleure action – or le temps presse… Finalement, Nárvi sacrifie un de ses fameux saucissons, qu'il jette à quelque distance pour y attirer les Orques – mais un seul d’entre eux se rend sur place… et, quand il découvre le saucisson, s’il est suffisamment ivre pour ne pas se demander comment il a bien pu arriver là, il n’en fait toutefois pas état à son collègue, préférant se retirer dans un coin pour le manger tout seul !

 

Mais Jorinn, qui est doué pour l’imitation, reproduit la voix de ce dernier, parlant du saucisson, pour attirer l’attention de l’autre. Le premier est tellement à son affaire qu’il ne prête aucune attention à cette imitation de sa voix – l’autre est suffisamment crédule pour tomber dans le panneau, même s’il a du mal à repérer son collègue, tant il est ivre : « Qu’est-ce tu parles de saucisson ? C’est du Hobbit qu’on va boulotter ! ‘fin, quand c’est qu’il aura fini la cuisine… » Le soldat orque approche en fait dangereusement des compagnons… mais, par chance, ne les voit pas. Puis il finit par partir dans la direction du dévoreur de saucisson, auquel il reproche son égoïsme !

 

Les héros en profitent – c’est le moment ou jamais de se faufiler dans le repaire des Gobelins !

 

CUISINE HOBBITE

 

Mais, passé le poste de garde, il leur faut progresser prudemment – il pourrait y avoir d’autres Gobelins ou Orques dans les environs, même si le boucan du banquet laisse entendre que des dizaines d’entre eux sont occupés à ripailler et à écluser plus loin dans la tanière.

 

Ils atteignent bientôt une vaste pièce, encombrée de très nombreux et très divers ustensiles de cuisine : des marmites, des broches, des fours, etc. Cette pièce est beaucoup plus éclairée que les autres. Avant d’y voir quoi que ce soit, les compagnons entendent le bruit de quelqu’un qui s’active dans cette cuisine. Jorinn s’avance en éclaireur…

 

 

… et découvre que le cuisinier n’est autre que M. Dinodas Brandebouc ! Le Hobbit, très nerveux, en sueur, passe d’une marmite à l’autre. Il est attaché au mur par une longue et lourde chaîne.

 

Jorinn attire son attention – le Hobbit est d’abord trop affairé pour en tenir compte, mais il finit par voir les compagnons : « Oh ! Vous ici ? Décidément, vous faites preuve d’un grand dévouement pour tenter de me sauver la couenne, mais je crains que cela ne s’avère un tantinet compliqué… », dit-il en montrant sa chaîne. C’est un objet de grande qualité, très solide – même si de fabrication humaine et non naine, comme Nárvi le comprend aussitôt. Il ne sera pas possible de briser cette chaîne, du moins pas sans y passer beaucoup de temps et en faisant beaucoup trop de bruit.

 

Par ailleurs, le cadenas est lui aussi de la meilleure qualité, et clairement impossible à crocheter : il faudra en trouver la clef… Et Dindy leur explique, comme Agariel le supposait, qu’elle est autour du cou du nouveau chef – un gros Gobelin arrogant et très fier de sa soudaine promotion suite à la mort d’Ubhurz. Dinodas n’est pas en mesure de dire précisément combien de Gobelins sont présents dans le repaire, mais avance qu’ils sont au moins une cinquantaine.

 

La conversation du Hobbit est hachée, car il doit sans cesse passer d’un fourneau à l’autre, d’une marmite à l’autre : ici il ne faut pas trop cuire, là çà risque de verser, etc. C'est que les Gobelins, qui connaissaient d’une manière ou d’une autre les talents des Hobbits pour la cuisine, ont exigé qu’il leur prépare un banquet de rois – ils singent les manières des Hobbits, ou ce qu’ils supposent être ces manières, usant de serviettes et de couverts, mais il ne fait aucun doute, comme Dindy lui-même en fait la remarque, que le cuisinier sera en définitive au menu, en tant que savoureux dessert : il indique d’autres chaînes, attachées aux murs, qui maintiennent assis des squelettes humanoïdes dont la chair a été rongée jusqu’à l’os…

 

Et, de temps en temps, les héros entendent des Gobelins brailler, depuis les pièces davantage à l’est : « Plat suivant ! Plat suivant ! Et une bouteille ! Deux bouteilles ! » Prévenus par Dindy, les compagnons peuvent se dissimuler quand, régulièrement, un Gobelin chancelant avec une serviette maculée de graisse passée autour de son cou se rend en cuisine pour y prendre les plats copieux concoctés par le Hobbit. Les héros n’ont pas vu de bouteilles dans cette pièce, et Dindy leur explique que la cuisine et la cave sont séparées – les bouteilles sont gardées ailleurs dans le repaire des Gobelins.

 

S’ils étaient tous ivres morts, ça faciliterait la tâche des compagnons… Par ailleurs, les plats concoctés par Dindy peuvent y aider – il manque d’épices ou d’autres ingrédients pouvant rendre les Gobelins vraiment malades, mais peut aller dans ce sens : du sel pour donner soif, de quoi perturber un peu la digestion… Ses ravisseurs semblent particulièrement apprécier les plats les plus lourds, qui pourraient les ralentir un peu…

 

Les compagnons réfléchissent à leurs options : là encore, la solution brutale n’est probablement pas la meilleure – même ivres, les Gobelins sont beaucoup trop nombreux. Mais la discrétion et la ruse pourraient faire l’affaire…

 

À suivre…

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CR Adventures in Middle-Earth : Ragoût de Hobbit aux fines herbes (1/3)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Nous visons la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

Cette séance correspond à la première partie du deuxième scénario, « Of Leaves & Stewed Hobbit » (pp. 20-36).

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Une histoire d’herbe à pipe et de ragoût de Hobbit ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 2)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 2)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur 2)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 2)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 2).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson – mais je songe à passer à autre chose pour la suite, nous verrons bien…

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

3A 2946

 

 

Un peu moins d’un an s’est écoulé depuis que les compagnons ont escorté Baldor et Belgo le long du Sentier des Elfes. Ils avaient ensuite choisi de suivre le marchand jusqu’à Fort-Bois, où Aldamar a pu rendre à son peuple la fameuse Mâcheloup – ce qui a valu aux héros un accueil chaleureux, non seulement à Fort-Bois, mais aussi à Bourg-les-Bois et jusqu’à Rhosgobel.

 

Au printemps, Agariel avait repris son errance perpétuelle, franchissant à nouveau les Monts Brumeux pour retourner à Fondcombe afin de remplir son devoir de Dúnedain en Eriador Oriental ; quand notre aventure débute, la vagabonde vient tout juste de revenir dans les Terres Sauvages, en empruntant le Haut Col. Là, elle a pu constater, et les autres rôdeurs de même, que l’activité des Gobelins dans les Monts Brumeux connaissait une certaine recrudescence, sans que l’on puisse en déterminer une raison particulière. Agariel n’a pas eu à en pâtir elle-même, mais les signes ne trompent pas, et les rumeurs en l’espèce sont fondées. Les Orques s’étaient tenus tranquilles depuis la Bataille des Cinq Armées, qui avait considérablement amoindri leur pouvoir, à Gobelinville comme au Mont Gram ou au Mont Gundabad, mais ils n’avaient de toute évidence pas été anéantis – ce n’était qu’une trêve fortuite, et il semblerait bien qu’elle touche à son terme.

 

Aeweniel est retournée à Fondcombe avec Agariel, pour rendre compte de sa mission à Dale et à la Ville du Lac. Elle a entendu les mêmes rumeurs que la Dúnedain, dès lors, et sait qu’elles doivent être prises au sérieux. Les compagnes se sont ensuite séparées quelque temps, mais vont se retrouver, et leurs autres camarades, alors que l’été touche à sa fin, à l’orée de l’Entrée de la Forêt.

 

Nárvi quant à lui a passé du temps sur le tracé de la Vieille Route de la Forêt, entre celle-ci et le Vieux Gué désormais tenu par les Béornides – lesquels exigent certes un péage, mais ils valent assurément mieux que les brigands qui dominaient dans la région il y a peu encore : ils se contentent de ce péage ! Du coup, les voyageurs tendent à devenir plus nombreux dans les environs, devenus bien plus sûrs. Nárvi sait que Bofri, fils de Bofur, a été chargé de veiller à la restauration de la Vieille Route des Nains – ayant entendu dire que Bofri faisait de la prospection dans la région, il a cherché à le rencontrer, mais il a joué de malchance : où qu’il se rende, c’était systématiquement quelques jours à peine après que Bofri avait quitté les lieux… Mais Nárvi n’est donc pas le seul Nain à vadrouiller dans la région : plusieurs, qu’ils viennent du Mont Solitaire comme lui, des Monts du Fer ou même des Montagnes Bleues, se sont rendus sur place, désireux de se rendre utiles – et ceux qui, depuis tant d’années, font le long voyage d’est en ouest et retour, tendent à s’attarder un peu plus dans la région. Pour l’heure, cet intérêt marqué n’a débouché sur rien de concret, mais il n’en est pas moins de bon augure.

 

Aldamar est resté dans la lisière occidentale de la Forêt Noire. Il a chassé avec les siens, et fait preuve d’une certaine fougue quand leurs expéditions les ont confrontés avec des araignées… Il n’a pas oublié ce qu’elles ont fait à Gast ! Ceci étant, il a consacré du temps à dresser un autre limier de la Forêt Noire, qu’il a baptisé Fest.

 

Jorinn enfin s’est attaché aux pas de Baldor, accompagnant et assistant le marchand dans ses pérégrinations à l’ouest de la Forêt Noire, et découvrant mille endroits intéressants, peuplés par des Hommes des Bois ou des Béornides non moins intéressants.

 

L’ULTIME AVANT-POSTE DE LA COMTÉ

 

 

Une rumeur a rassemblé les compagnons au même endroit, non loin de l’Entrée de la Forêt, alors que l’été touche à sa fin : une auberge a ouvert au milieu de nulle part, il y a quelques mois à peine, qui est tenue par des petites créatures très étranges, lesquelles se présentent comme étant des « Hobbits ».

 

Nárvi a forcément entendu parler des exploits de Bilbo, notamment en s’en entretenant avec Bofur, mais il n’en a jamais vu de ses yeux – pour Jorinn, l’existence même de ces créatures tenait plus de la rumeur qu’autre chose, semi légendaire. Agariel et Aeweniel ne sont jamais allés jusqu’à Bree et au-delà, mais elles sont bien sûres conscientes de l’existence de ce peuple étrange, et ont même pu, à l’occasion, croiser Bilbo à Fondcombe. Quant à Aldamar, il ne sait absolument rien de tout cela…

 

L’existence même des Hobbits a suscité la curiosité de bien des voyageurs qui se sont rendus dans cette très incongrue Auberge Orientale… et qui s’y sont attardés, la recommandant ensuite aux leurs, du fait de l’excellente qualité de la nourriture, de la boisson et de l’herbe à pipe – fumer n’est pas un passe-temps très répandu dans les Terres Sauvages, mais les propriétaires s’emploient à y remédier ! Autant de bonnes raisons, pour nos héros désireux d’échanger quant à leurs aventures respectives, de se retrouver en fin de saison à l’Auberge Orientale, pour apprécier tout cela d’eux-mêmes !

 

 

Quand les compagnons arrivent à l’auberge, ils y sont accueillis comme tous les autres voyageurs – par un gros et beau chien au poil blanc, qui s’approche lentement d’eux, pas le moins du monde menaçant, et passe un temps déconcertant à leur renifler les mains. Après quoi, enfin satisfait, l’animal retourne prendre sa place au coin du feu…

 

 

… à moins qu’il ne décide d’accompagner dans leurs jeux bruyants les deux garçonnets hobbits, fils des propriétaires, qui font les quatre cents coups dans la campagne environnante.

 

 

L’auberge est visiblement de construction très récente – entièrement en bois, elle n’a pas encore jauni sous l’effet de la fumée, et, à vrai dire, elle sent encore un peu la colle et la sciure. Mais elle est assurément confortable et bien conçue – avec une grande salle commune très agréable, où l’on peut se délasser devant l’âtre, tandis que l’étage accueille des chambres destinées aux voyageurs, les Hobbits y préférant probablement le trou qui a été judicieusement aménagé en dessous.

 

Les voyageurs sont aussitôt accueillis par un Hobbit particulièrement volubile, qui se présente comme étant le propriétaire, M. Dodinas Brandebouc, ou « Dody » pour ses amis ; or il est le meilleur ami de tout le monde – très bavard, mais jamais pénible, plutôt du genre à gagner par sa simple présence les sourires de ses invités, et bondissant d’une table à l’autre pour régaler ses clients de sa verve imparable.

 

 

Sa femme, Agatha, « née Touque » précise-t-elle à tous ses clients même si pas un ne sait ce que cela peut bien signifier au juste, est d’aspect plus sévère, et on devine sans peine que c’est elle qui tient les cordons de la bourse. Intransigeante, elle tient à ce que les clients de l’auberge fassent preuve des bonnes manières des meilleurs Hobbits, et obtient d’un œil noir que les plus barbares des Béornides fassent un usage correct des couverts et des serviettes. Moins bavarde que son époux, elle s’avère pourtant elle aussi très sympathique une fois la glace (très rapidement) brisée, et étonnamment aventureuse elle aussi – elle ne saurait dissimuler son ravissement à l’idée de se trouver en plein dans les Terres Sauvages, si loin de la Comté, et d’avoir ainsi tant d’occasions de faire la rencontre des bien étranges personnes qui vivent dans la région.

 

 

Parmi le personnel, un vieux Nain du nom de Frier attire sans peine l’attention (de Nárvi notamment) : c’est le « Nain à tout faire », ici. Il a aidé à la construction de l’auberge, puis a été engagé par Dodinas pour effectuer les travaux de menuiserie, de charpente, participer à la cuisine, servir la bière en cas d’affluence, dissuader les indélicats de faire des bêtises, et mille autres choses.

 

 

Les Nains forment d’ailleurs un contingent non négligeable de la clientèle, des voyageurs sur la route entre les Montagnes Bleues et les Monts du Fer. Il y en a toujours quelques-uns, attablés ici ou là, qui se régalent de la bonne bière de « Dody » et enchaînent les chansons avec un enthousiasme communicatif – les autres clients, essentiellement des Béornides, et quelques rares Hommes des Bois, tendent à se montrer plus austères, voire sévères, mais apprécient visiblement le service et la compagnie.

 

Il faut dire que Dodinas s’adapte à ses clients. D’autorité, il leur sert les boissons qui leur conviennent le mieux : de la bière pour les Nains, de l’hydromel pour les Béornides, un exceptionnellement rare Elfe de passage se verra servir un excellent vin, etc. C’est bien ainsi qu’il procède avec la compagnie, et personne ne songerait à s’en plaindre, dans la mesure où, de fait, Dody sait parfaitement ce qui conviendra à chacun, et tout le monde se régale de ses attentions.

 

Ce qui vaut aussi pour l’herbe à pipe : Aeweniel entreprend d’instruire Nárvi, qui s’est mis récemment à la pipe (un bel objet de sa propre confection, taillé dans un bois ramassé dans le Royaume Sylvestre), et les deux se lancent bientôt dans un concours de ronds de fumée auquel Dody ne manque pas de se joindre (il l’emporte, bien sûr, mais ne s’en vante pas).

 

 

Le propriétaire ne manque pas de raconter son histoire à tous ses clients. Fût un temps, il se croyait grand voyageur, pour un Hobbit de la Comté : après tout, il était allé jusqu’à Bree ! Soit le voyage de toute une vie – non, de deux vies. Seulement, là-bas, au Poney Fringant précise-t-il comme si tout le monde savait forcément de quoi il s’agit, il a fait la rencontre de « M. Bilbo Sacquet, de Cul-de-Sac », dont tout le monde a forcément entendu parler (non – mais, pour le coup, c’est le cas de tous les compagnons sauf Aldamar, et Agariel comme Aeweniel ont donc pu le rencontrer) ; comme de la Comté, d’ailleurs, qui à l’entendre ne saurait être autre chose que le centre du monde. Quoi qu’il en soit, le naïf Dody a ainsi découvert que le monde était bien plus vaste qu’il n’osait l’imaginer. De retour dans la Comté, Bilbo, dont il fait lourdement entendre qu’il est devenu « un intime », et il n’en est pas peu fier, M. Sacquet donc n’a pas manqué d’inviter Dodinas et son frère Dinodas à venir lui rendre visite à Cul-de-Sac pour une petite collation, qui s’est avérée épique comme il se doit, et abondamment arrosée. Le soir même, un projet était né (encore que les conditions exactes de l’accouchement aient conservé quelque chose d’un tantinet brumeux) : les frères Brandebouc iraient établir une auberge aux confins des Terres Sauvages ! « L’avant-poste le plus oriental de la Comté, en quelque sorte. »

 

Agariel l’interroge sur les conditions de leur voyage. Dody confesse que le caractère brumeux de la naissance du projet s’est étendu aux premiers jours de l’expédition… Mais, oui, le voyage s’est bien passé, très bien même, merci : ayant fait le plein de victuailles ainsi que du nécessaire pour un voyage au long cours, incluant mouchoirs brodés et argenterie, ils ont gagné Bree (la halte a duré quelques jours, il fallait bien se renseigner auprès d’un expert en auberges tel que « M. Prosper Poiredebeurré à l’enseigne du Poney Fringant, n’est-ce pas »), puis le long de la route (il ne saurait y en avoir d’autre). M. Sacquet ayant eu la bonté de munir Dodinas de lettres de recommandation auprès des grands de ce monde, les frères ont même eu l’opportunité exceptionnelle de passer une nuit à Fondcombe, « chez ce bon M. Elrond » – après quoi ils ont grimpé le Haut Col, descendu dans la vallée, franchi l’Anduin au Vieux Gué, rencontré « ce bon (et très impressionnant) M. Beorn » (une lettre de recommandation, là encore) qui a bien voulu les laisser s’installer sur ses terres, et, voilà ! L’Auberge Orientale était née. Rien de plus simple au fond – et le voyage a été une promenade de santé… même si bien des Hobbits de la Comté n’emploieraient probablement pas cette expression.

 

Et c’est un endroit très agréable et sûr, ici. En fait, ça ressemble beaucoup à la Comté – « disons une Comté pas très bien entretenue, et qui aurait bien besoin d’être un petit peu tondue, n’est-ce pas ». Et en même temps c’est exotique : « L’aventure au coin de la route ! » Dody lui-même n’a pas vécu d’aventures, certes – il est pour le moins dégourdi, pour un Hobbit, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il serait capable de pénétrer dans l’antre d’un dragon ou toutes ces autres choses absolument folles qui ont fait la juste renommée de M. Sacquet ! Cependant, l’auberge accueille des personnages biz... intéressants, et qui ont bien des choses à raconter.

 

 

Peut-être d’ailleurs ses tout derniers invités sont-ils eux-mêmes des aventuriers ? Nárvi le confirme sans peine, exposant leur périple à travers la Forêt Noire – ce qui éveille chez Dody des souvenirs de ce que Bilbo avait dit de son propre voyage. « Mais la route est aujourd’hui beaucoup plus sûre, n’est-ce pas ? »

 

Ici, les Nains attablés non loin s’invitent dans la conversation – l’un d’entre eux avançant que « c’est en train de changer ». Il évoque des rumeurs telles qu’Agariel et Aeweniel ont pu en entendre, tout spécialement touchant le Haut Col – certains disent qu’il y aurait un Nouveau Grand Gobelin à Gobelinville… En même temps, comment pourrait-on le savoir ? Mais il n’y a pas que des rumeurs de ce genre : c’est certain, les Orques s’agitent, il y a eu des attaques… Dodinas blêmit. Agariel n’en confirme pas moins ces inquiétantes nouvelles.

 

Un des Nains, l’air un peu rêveur, avance qu’il faudrait que le roi Dáin, ou peut-être même le roi Bard, y fassent quelque chose – la Bataille des Cinq Armées, mine de rien, c’était six ans plus tôt, et il serait affligeant que tout ce qui a été obtenu alors soit réduit à néant… Mais un de ses comparses, plus cynique, éclate d’un rire sombre et chargé de dépit : Erebor et Dale sont bien loin, ils ne feront rien par ici… Nárvi s’insurge : il y a une alliance des Peuples Libres du Nord ! « Oui, mon ami, mais vous-mêmes avez souligné que traverser la Forêt Noire n’est pas une mince affaire. Et ce ne sont pas les Béornides qui… » Ici le Nain s’interrompt, jette un œil à la table d’à côté, et se reprend : « Beorn et ses gars font un travail formidable, mais… Enfin, bref, faudrait faire quelque chose pour le Haut Col, quoi ! »

 

 

Dodinas, un peu abattu, reconnaît que tout cela est très préoccupant. Il a visiblement une requête à formuler aux compagnons, mais aimerait les jauger un peu d’abord. Agariel a éveillé son attention, elle qui s’intéresse beaucoup aux mouvements des Gobelins, et qui connaît visiblement bien la région. Échanger avec elle permet de mettre en avant que ses compagnons également ont de la ressource. En même temps, le tableau très noir qu’elle dresse de leurs rencontres le long du Sentier des Elfes, ou de ses propres aventures dans les Monts Brumeux ou en Eriador Oriental, contribue à abattre encore davantage un Dody visiblement très inquiet...

 

Il finit par lâcher le morceau : il y a quelques mois de cela, son frère Dinodas a repris la route de la Comté – il fallait refaire les stocks, en produits de première nécessité, comme la bière, l’herbe à pipe et les mouchoirs… Il a franchi le Haut Col avec une petite compagnie, sans difficultés, a mené ses affaires dans la Comté, puis a gagné Bree pour les derniers préparatifs – là-bas, il a confié une lettre à un rôdeur, qui l’a transmise, etc., et la missive est parvenue il y a assez longtemps maintenant à l’Auberge Orientale. Trop longtemps sans doute, car, dans cette lettre, Dinodas annonçait son départ de Bree dans les jours qui suivraient, accompagné d’une petite troupe de gardes, une demi-douzaine d’hommes, avec des poneys bien chargés, et, à ce compte-là, il aurait déjà dû arriver à l’auberge depuis une bonne semaine… Or rien. Dody est bien conscient qu’il y a toujours des imprévus dans les voyages, des retards qui s’accumulent – mais, à ce stade, il est tout de même inquiet… Maintenant que Dodinas lui explique tout cela, Agariel se souvient qu’à Fondcombe, juste avant son propre départ, elle avait entendu parler d’un marchand hobbit qui y avait fait une brève halte – et les dates évoquées semblent confirmer que Dodinas a raison d’être inquiet : Dinodas aurait dû arriver à destination, à cette date. La Dúnedain l’évoque sans ambages, ce qui abat encore un peu plus son hôte…

 

Lequel finit par formuler sa requête : Agariel et ses amis accepteraient-ils de se rendre au Haut Col, pour s’assurer que la caravane de Dinodas le passe sans difficultés, et l’escorter jusqu’ici ? Soit environ une semaine de trajet à l’aller, autant au retour. Il ne le dit pas expressément, mais redoute qu’il soit déjà trop tard… L’incertitude le ronge, il faut qu’il sache ce qui s’est passé. Tous les compagnons sont volontaires (Nárvi est saoul…), même si Agariel ne comptait pas retourner au Haut Col de sitôt, ce qui perturbe un peu ses plans (Aeweniel la reprend : des vies sont en jeu !) ; ils ne réclament même pas de paiement, l’affaire est vite conclue – mais la détresse de Dody est palpable, qui contraste avec le naturel joyeux dont il avait fait preuve jusqu’alors… Il leur offre bien sûr le gîte, et promet un salaire adéquat, mais sur un ton très morose : il n’a pas vraiment le choix, de toute façon… Les compagnons le perçoivent, et ça les refroidit un brin en retour.

 

Agariel interroge Dody mais aussi Agatha (qui prend les choses en mains) sur Dinodas, sa personnalité ; il en ressort un portrait moins aventureux, plus posé : « Dindy » n’aurait jamais pensé de lui-même à s’installer au milieu de nulle part dans les Terres Sauvages – il a suivi son frère, et s’y est fait, mais il apparaît clair qu’à plus ou moins long terme, disons une fois fortune faite, il compte retourner dans la Comté et y créer une auberge plus… « normale ».

 

Les compagnons passent une bonne nuit à l’Auberge Orientale, Agariel consacrant beaucoup de temps à s’assurer que tous les préparatifs nécessaires sont accomplis. Aeweniel et Aldamar vont cueillir des herbes médicinales, mais ne trouvent guère qu’un peu de sorcelle ; Nárvi fait le plein d’herbe à pipe de bonne qualité.

 

Et il est temps de partir !

DU PAYS DE LA RIVIÈRE À CELUI DE LA MONTAGNE

 

 

L’itinéraire à suivre est évident pour Agariel. Il va s’agir de partir vers le sud, le long de l’Anduin, en territoire béornide, dans les Moyennes Vallées Est, et ce jusqu’à ce qu’ils croisent les reliquats de la Vieille Route des Nains. Ils devront alors prendre la direction de l’ouest jusqu’au Vieux Gué pour franchir le fleuve et passer dans les Moyennes Vallées Ouest.

 

Cette première partie du trajet est très sûre, c’est ensuite que les choses peuvent se compliquer : il leur faudra poursuivre à l’ouest sur ce qui demeure de la route jusqu’à ce qu’elle se mue en guère plus qu’un sentier de montagne, qu’il s’agira de grimper afin de gagner le Haut Col – et là, ils verront bien.

 

De l’Auberge Orientale au Haut Col, de la sorte, ils en auront bien pour cinq à sept jours de marche.

 

 

Le départ s’effectue sous les meilleurs auspices : la compagnie est bien préparée, la fin de l’été agréable, le pays sûr et magnifique.

 

Si les héros ne croisent pas homme qui vive, dans ce territoire très peu densément peuplé, les signes de la présence de la faune ne manquent pas – mais inutile de chasser pour l’heure. Surtout, les grosses abeilles typiques de la région, qui produisent le miel avec lequel Beorn lui-même prépare ses fameuses pâtisseries, sont absolument omniprésentes, mais en rien menaçantes.

 

Une vraie promenade de santé, dans les meilleures conditions.

 

 

Un soir, les voyageurs sont récompensés de leur bon rythme de marche dans la journée par une vision absolument splendide : le soleil se couche alors qu’ils sont à proximité du Carrock. Ce spectacle magnifique leur met du baume au cœur.

 

Au-delà, à l’ouest, tandis qu’ils continuent de longer l’Anduin, les collines marquent les premiers contreforts des Monts Brumeux – ce sont des terres plus sauvages, mais, vues ainsi, elles n’ont rien d’intimidant.

 

La compagnie atteint enfin la Vieille Route des Nains – un spectacle qui enchante comme de juste Nárvi, lequel y passerait bien un peu plus de temps... Mais du temps, ils n’en ont pas : ils suivent donc la route vers l’ouest, jusqu’à atteindre le Vieux Gué.

 

Des Béornides le gardent, taciturnes, qui exigent le paiement d’un péage – cinq pièces de cuivre par tête. Les héros savent très bien ce qu’il en est, et payent sans rechigner.

 

Nárvi fait preuve d’un peu d’appréhension, car il se souvient que, notoirement, Beorn n’aime pas trop les Nains… En même temps, il est très curieux de goûter à ces fameux gâteaux au miel ! Et il en fait la remarque. Mais les gardiens du péage l’ignorent totalement… Tant pis !

 

 

C’est ainsi qu’ils traversent l’Anduin – là encore, dans les conditions les plus sûres. Mais, à mesure qu’ils progressent en direction de l’ouest, les collines à l’horizon se muent en montagnes : ce sont les Monts Brumeux, et, désormais, ils sont pour le moins intimidants, en plus d’être majestueux. Mais, haut les cœurs ! cette vague appréhension n’est pas du genre à peser sur nos héros, qui font preuve d’une grande détermination.

 

Cependant, le changement d’atmosphère se fait toujours un peu plus sentir à mesure qu’ils s’éloignent de l’Anduin. Jorinn, qui part devant en éclaireur, y est particulièrement sensible. Il est amené à trouver, à proximité d’un bosquet, un ensemble de piques plantées dans le sol, arborant des têtes de loups – un spectacle peu ragoûtant… Jorinn, qui y regarde de plus près, comprend que ces têtes ont été rongées çà et là, et tout récemment encore – un prédateur rôde probablement dans les environs, qui ne fait pas de difficultés… Un Warg, peut-être ? Mais Jorinn étant conscient de ce danger, et le signalant à ses amis, ils peuvent passer au large en se montrant simplement un peu plus prudents, un peu plus discrets. En définitive, la conscience de ce que leur groupe sait se montrer attentif en pareille affaire renforce un peu leur sentiment de communauté et leur détermination.

 

L’OMBRE DU PASSÉ

 

 

En milieu d’après-midi, les héros commencent l’ascension du Haut Col. Ils ne pourront guère marcher beaucoup plus longtemps aujourd’hui, il va bientôt leur falloir trouver un endroit où dresser le camp.

 

 

Jorinn, toujours en tête, repère alors que le soleil est prêt à se coucher les ruines d’une vieille ville, et suppose que ce serait un bon endroit pour s'installer. En même temps, le sentiment produit par le spectacle des têtes de loups fichées sur des piques persiste : le Bardide ne craint pas qu’un prédateur rôde dans les environs, mais éprouve comme un malaise indéfinissable… Il s'en fait écho à ses compagnons, et Agariel partage son trouble. Toutefois, ils ne trouveront pas de meilleur endroit avant que le soleil ne se couche…

 

Aeweniel, et de manière beaucoup plus floue Jorinn, qui doit sans doute cela à ses voyages en compagnie de Baldor, comprennent que cet endroit doit correspondre à ce que les Béornides appellent « le Bivouac d’Elendil ». L’Elfe sait cependant qu’en vérité ces ruines n’ont rien à voir avec celui qui fut jadis, exilé de Númenor, le fondateur des royaumes d’Arnor et de Gondor en même temps que l’allié de Gil-Galad, le grand héros qui a péri des mains mêmes de Sauron lors de la Dernière Alliance des Elfes et des Hommes. Pourquoi son nom a-t-il été associé à ces ruines ? C’est là un mystère, une de ces bizarreries dont l’histoire est coutumière. Non, il s’agit en vérité des ruines d’une petite ville du nom de Combefoin, bâtie par les Hommes du Nord ancêtres des Hommes des Bois, au cours du Troisième Âge, à l’époque où ils entreprenaient d’étendre leur domaine depuis la Forêt Noire en direction des Monts Brumeux – une tentative à laquelle le Nécromancien de Dol Guldur a mis un terme, contraignant bientôt les Hommes des Bois à retourner à la lisière de la Forêt Noire, aussi bien ceux qui refusaient sa domination que ceux qui en étaient venus à l’accepter de plus ou moins bon gré.

 

 

Il faut se résoudre à planter le camp ici. Agariel en a bien conscience, notamment – si elle perçoit bien le changement d’atmosphère, et Nárvi plus encore. La Dúnedain fait appel à son savoir de rôdeuse, et veille à ce que leur campement soit aussi sûr que possible, sans angles morts, etc. Elle fait en sorte que le feu les réchauffe, mais sans émettre trop de lumière.

 

Des tours de garde sont mis en place ; Agariel compte notamment sur la capacité d’Aeweniel de faire appel à ses Rêves Elfiques plutôt que de dormir à proprement parler, ainsi qu’à sa bonne vision nocturne – Jorinn et Nárvi, à leur manière, sont aussi des guetteurs tout désignés à cet égard.

 

Les heures défilent... Le Nain du Mont Solitaire, alors que son tour de garde touche à sa fin, s’agace un peu de ce que Jorinn, qui doit lui succéder, tarde à se montrer. Finalement, il décide d’aller le réveiller… et constate que le Bardide a disparu. Il alerte aussitôt Agariel, puis réveille les autres. Ils le cherchent dans les environs – ce qui est compliqué : ils sont dans des ruines en pleine nuit et leur feu n’éclaire pas… Aeweniel et Nárvi sont moins embarrassés à cet égard, cependant – et l’Elfe a un autre atout… qui lui permet de déceler une présence fantomatique non loin, une sorte de spectre humanoïde, armé d’une grande lance, et qui s’avance très lentement, sans un bruit, dans leur direction !

 

 

Elle voit en outre Jorinn un peu plus loin – qui, d’une manière ou d’une autre, a été emporté par l’esprit ; mais le Bardide a été à moitié enfoncé dans un petit étang boueux, avec comme une croûte à sa surface – il y sombre, inconscient, et risque de périr noyé dans cette vase !

 

Nárvi s’avance dans la direction du spectre, ainsi qu’Aeweniel brandissant son bâton. Jorinn commence à étouffer dans sa mare mais sans que cela ne le réveille de son sommeil magique. Le fantôme part à l’assaut du Nain, mais sans rien lui faire pour l’heure. Aldamar saisit une torche qu’il va allumer au feu de camp. Agariel dit à l’Elfe d’aider Jorinn, et, munie de son épée, part au devant du spectre.

 

Nárvi assène à ce dernier un coup de hache, qui rate – et il se demande si son acier pourra faire quoi que ce soit à cette créature éthérée… Aeweniel obéit à l’injonction d’Agariel et se précipite au secours de Jorinn – toutefois, le temps qu’elle arrive, le Bardide se réveille de son sommeil magique, mais en fait encore les frais : l'épaisse croûte de boue le maintient sous l’eau ! Et la créature s’en prend à Agariel, lui plantant sa lance spectrale dans le torse – spectrale ou pas, elle lui fait des dégâts... La Dúnedain riposte, mais sans succès… Elle réclame à grands cris le feu et la lumière – Aldamar un peu indécis s’en charge, mais cela demande du temps !

 

Le Nain du Mont Solitaire, qui a vu les dégâts infligés par le spectre à la rôdeuse, fait de son mieux pour attirer l’attention du mort-vivant – cette fois, son coup porte, mais n’inflige que des dégâts diminués, et il le comprend sans peine. Aeweniel parvient au niveau de Jorinn au moment où le Bardide réussit à se dégager de la vase dans une profonde inspiration empreinte de panique. L’Esprit de la Nuit, leurré d’une manière ou d’une autre par les grands gestes de Nárvi, décide de s’en prendre à lui, mais sans succès.

 

Aldamar se précipite avec sa torche en direction du combat, tandis que Jorinn et Aeweniel font de leur mieux pour retrouver au plus vite leurs compagnons. La créature recule devant la torche d’Aldamar – elle semble en avoir peur ! Ce qui facilite la tâche d’Agariel et Nárvi engagés au combat – le fantôme est bien affecté par leurs coups, même si pas autant qu’un être vivant. Aldamar fait virevolter sa torche, tandis que Jorinn à son tour, aux mouvements rapides, se joint à la bataille – attirant l’attention du spectre.

 

Mais l’Homme des Bois décide finalement de tenter de traverser la créature avec sa torche ! Une expérience qui porte pour partie ses fruits… mais ne le laisse pas indemne : Aldamar est souillé par le froid spectral dans lequel il s’est plongé ! Quant à Nárvi, surpris par le mouvement, il frémit également au contact du fantôme, et lâche sa hache… Mais l’Esprit de la Nuit est clairement sur la défensive.

 

En définitive, un ultime coup asséné par le Nain du Mont Solitaire, s’il produit toujours cette sensation très déconcertante de faucher le vide, entraîne la dissolution du fantôme dans un douloureux et perçant hurlement spectral… Les compagnons ont survécu à la rencontre, mais si, en dehors d’Agariel, ils n’ont pas subi beaucoup de dégâts physiques, l’impact de cette fâcheuse rencontre sur leur esprit et leur moral est tout autre !

 

Il ne fait aucun doute que cette créature était à l’origine du malaise qui s’était emparé de plusieurs d’entre eux en pénétrant les ruines de Combefoin. Aeweniel avait déjà entendu parler de ce genre d’esprits maudits – elle tend à croire que le cadavre d’un guerrier doit se trouver quelque part dans les ruines, dont était issu ce spectre vengeur, né de la haine et de la rancune. S’ils ont vaincu la créature, l’Elfe ne pense pas que ce soit définitif – il est probable que le fantôme se reconstituera pour s’en prendre à d’autres voyageurs… Retrouver le cadavre du guerrier pourrait permettre d’y mettre un terme – mais ils n’ont pas le temps de fouiller ces ruines : il leur faut gagner le Haut Col au plus tôt ! Ils doivent encore attendre l’aube, mais Jorinn a hâte de quitter les lieux… Et ils s’empressent de partir dès que le soleil point à l’horizon – au-dessus de la Forêt Noire au loin.

 

DANS L’ATTENTE DE L’ASSAUT

 

 

Les compagnons reprennent donc l’ascension du Haut Col – la route n’est plus guère qu’un sentier de montagne à ce stade. Et c’est un voyage épuisant : Aldamar et Jorinn tout spécialement en font les frais.

 

Dans les heures qui suivent, à mesure qu’ils progressent, les héros ne manquent pas de repérer des traces, toujours plus nombreuses : pour Agariel, qui en a une longue et douloureuse expérience, il ne fait aucun doute que ces traces ont été laissées par des Gobelins des Monts Brumeux – et nombreux : une bonne bande en maraude de plusieurs dizaines d’individus. Les montagnes sont ici infestées de tunnels discrets, qui grouillent de Gobelins – ceux-ci craignent la lumière du jour, aussi les compagnons n’ont-ils pas grand-chose à craindre dans les heures qui suivent, mais, la nuit tombée, ou dans les tunnels, il en ira tout autrement…

 

Mais Agariel finit par repérer également un poney, à demi dissimulé sous une corniche, avec une flèche gobeline dans le flanc – un animal de bât typique des convois franchissant le Haut Col avec des marchandises (reste le harnachement, mais l’essentiel de la charge a disparu). Aldamar parvient à s’approcher de la créature apeurée, et à la calmer – elle est blessée, mais, à voir comment l’animal se comporte, Agariel et Aeweniel supposent que, par chance, la flèche n’était pas empoisonnée. La guérisseuse elfe soigne le pauvre poney, qui devrait s’en remettre assez vite. Agariel, jetant un œil au peu qui reste des marchandises portées par la bête, trouve plusieurs petites boites contenant de l’herbe à pipe – et de la meilleure, de la Feuille de Longoulet : tout indique que ce poney faisait partie de la caravane de Dinodas Brandebouc… Sans l’ombre d’un doute, il vient de plus haut – du col. Le poney est en état de les suivre, même s’il les ralentira quelque peu ; toutefois, en le chargeant un peu, Jorinn et Aldamar pourraient récupérer de leur fatigue tout en continuant l’ascension du Haut Col, et c’est donc ce qu’ils font.

 

Ils reprennent la route, mais ne parviennent au Haut Col qu’en fin d’après-midi. Et ils y repèrent un grand feu de bois : tout le contraire de celui d’Agariel à Combefoin, celui-ci est fait pour être vu, et de loin ! Le crépuscule est proche quand ils l’atteignent – découvrant qu'il a été allumé au centre d’une sorte de petit fort circulaire ; encore que ce soit un bien grand mot : c'est à peine une petite muraille qui tient en même temps du talus.

 

 

Tandis qu’ils approchent, ils aperçoivent quatre hommes, dans ce « fort », qui s’activent, paniqués : d’aucuns comblent à la hâte un pan de mur qui s’était effondré, tel autre prépare des flèches qu’il plante dans le sol à côté de lui…

 

Et c’est un Hobbit qui entretient le feu au centre du « fort ». Sa ressemblance avec Dodinas ne laisse aucune place au doute, il s’agit bien de son frère Dinodas !

 

 

Des quatre hommes présents, l’un est plus âgé que les autres, et son visage dur marqué de cicatrices témoigne de ce qu’il a connu son lot de voyages et de combats. C’est probablement un Béornide. Les trois autres sont bien plus jeunes, d’origine indécise, et leur équipement est bien moins martial. Tous sont exténués et apeurés – certains, dont le chef, sont blessés.

 

Ils ont remarqué l’arrivée des héros, mais n’ont pas interrompu leur tâche pour autant : ils ont à faire, et c’est urgent ! Agariel se signale à eux, mais le vieux guerrier ne perd pas de temps en présentations – il faut les aider à fortifier le camp, les Gobelins ne vont pas tarder à lancer l’assaut ! Cela fait trois jours qu’ils attaquent à la tombée de la nuit, et ils sont de plus en plus nombreux…

 

Agariel se signale aussi au Hobbit, en l’appelant : « Oh, vous connaissez mon nom ! C’est sans doute ce bon vieux Dodinas qui vous envoie. Eh bien, merci à lui, et à vous, je suis comme de juste enchanté que vous soyez passés prendre le thé, mais je crains que nous ayons quelques invités surprise et assurément indésirables qui approchent… Aussi, je vous prie de bien vouloir m’excuser si je… me dissimule sous toutes ces caisses, bon sang, qu’ai-je fait pour mériter cela ! »

 

Bien sûr, redescendre le Haut Col en pleine nuit, avec des Gobelins en maraude, serait purement et simplement suicidaire… Ils n’ont pas le choix : ils vont devoir passer la nuit sur le col – et tout indique qu’elle sera agitée. Le Béornide le confirme, en même temps qu’il se présente, sous le nom d’Iwgar Longuefoulée (il est blessé, et Aldamar et Aeweniel s’occupent de lui, du moins quand il veut bien  les laisser faire – les préparatifs défensifs sont autrement urgents, et les nouveaux venus y participent). Les Gobelins les assaillent depuis trois nuits, et il ne fait aucun doute qu’ils vont remettre ça dans les heures, non, les minutes qui suivent – et dire que le Haut Col était censément devenu plus paisible… Oui, deux des gardes de la caravane sont déjà morts lors des précédentes attaques !

 

 

Mais ce petit fort est une chance inespérée : il ne vaut pas grand-chose, mais ça demeure le meilleur endroit pour résister à l’assaut des Gobelins. On n’y accède que par deux passages, qu’il va s’agir de garder : l’arrivée des héros est très opportune, ils vont pouvoir se charger d’un de ces accès, tandis qu’Iwgar et ses compagnons (trois jeunes gens de Bree nommés Andy Noirépine, Bill l’Archer et Tom Face-de-Grumeaux) garderont l’autre. Il est à craindre que les Gobelins tentent en même temps de grimper sur le talus, mais, ce faisant, ils s’exposeront et seront relativement plus faciles à repousser – une petite plateforme vers le nord sera sans doute utile aux archers des deux groupes. Tous se disposent au mieux.

 

 

Et à peine ont-ils pris position qu’une forte bande de Gobelins apparaît au sud ! Elle comprend également des archers, qui restent en arrière, avec des loups à leur côté – mais il faut aussi compter des soldats orques autrement plus solides que la masse grouillante des Gobelins…

 

 

Bientôt la première flèche vole… et le combat s’engage !

 

À suivre…

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CR Adventures in Middle-Earth : Ne quittez pas le Sentier (2/2)

Publié le par Nébal

 

On s’est donc lancé dans Adventures in Middle-Earth, avec pour objectif la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Pour cette séance en particulier, il s’agissait d’en achever le premier scénario, « Don’t Leave the Path » (pp. 7-19), dont vous trouverez la première séance ici.

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Celui qui s’écarte du sentier ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 1)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 1)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur 1)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 1)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 1).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

Et la plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

AU CHÂTEAU DES ARAIGNÉES

 

 

Nous avions laissé Agariel, Aldamar et Jorinn en plein combat contres des araignées, dans les ruines d’un vieux château, où les horribles créatures avaient emmené Baldor. Jorinn a pu libérer le marchand de son cocon, mais c’est alors que les attercops se sont montrées – et, si elles n’arrivent que lentement, et plutôt individuellement à ce stade, la situation est critique : Aldamar est inconscient, et son chien Gast blessé ; Agariel également est amochée, et, pour lui venir en aide, Jorinn a sauté du mur, laissant un Baldor terrorisé seul à huit mètres de hauteur, avec le grappin lancé par la Dúnedain dont il ne sait visiblement que faire…

 

 

Gast parvient à achever l’araignée qui avait si méchamment blessé son maître. Agariel intime Baldor de se reprendre et de descendre du mur en usant du grappin, mais Jorinn n’est pas convaincu que le vieil homme ait entendu ces paroles… Et une nouvelle araignée arrive par le sud.

 

Agariel crie au Bardide d’aller s’occuper de Baldor – quant à elle, elle va stabiliser Aldamar : elle sait que l’Homme des Bois a sur lui de la quenouille d’eau, idéale en l’espèce ! La Dúnedain réussit à soigner Aldamar. Jorinn escalade le mur pour venir en aide à Baldor, tandis qu’une autre attercop arrive encore par le sud.

 

Aldamar à peine remis décoche une flèche un peu faible à l’araignée la plus proche. Agariel vient l’aider, mais ne se montre pas très efficace… Sur le mur, Jorinn, qui perçoit bien que Baldor n’arrivera pas à descendre seul, l’attache à la corde afin de le forcer à descendre sans le mettre en danger, et il s’y prend très bien. Mais les araignées ne cessent d’arriver, toujours plus nombreuses, et les héros ne parviennent à en éliminer qu’exceptionnellement…

 

 

Gast prend le relais de son maître – les morsures du limier de la Forêt Noire sont terribles. Baldor assisté par Jorinn parvient à atteindre le sol, tandis qu’Agariel n’arrive à rien avec son épée. Jorinn descend à l’aide de la corde, qu’importe s’il faut abandonner le grappin. Une autre araignée arrive par le nord-est, cette fois – soit la voie qu’avaient empruntée les héros pour gagner le château en ruine depuis la clairière où ils avaient dressé le camp.

 

Or l’araignée blessée par Gast atteint de nouveau Aldamar – qui s’évanouit une fois de plus sous le coup de la douleur… Baldor, débarrassé de son harnais, fuit vers le nord : la forêt y est plus épaisse, mais gagner le sentier à l’est semble compliqué, Agariel s’en rend bien compte ! Jorinn attaque une des araignées pour protéger la fuite de Baldor – mais il en vient toujours plus. Et la créature monstrueuse riposte, frappant Jorinn de son dard venimeux… Une autre s’en prend à Gast – et le tue !

 

 

Il faut fuir – Agariel se désengage et se saisit d’Aldamar inconscient ; elle entend suivre Baldor dans le bois touffu au nord. Jorinn fait de même. Les araignées les poursuivent, mais assez lentement, même si l’une d’entre elles parvient à planter son dard dans la Dúnedain. Aldamar est alors à l’agonie… Mais, par chance, les attercops ne suivent les héros qu’un temps : Agariel sait se repérer dans la forêt, ils courent vite (même Baldor, qui surprend à nouveau les compagnons à cet égard), et surtout les araignées n’osent pas se rapprocher vraiment du Sentier des Elfes. Une fois la situation plus calme, Agariel stabilise à nouveau Aldamar : ça n’est vraiment pas passé loin !

 

DANS LA CLAIRIÈRE

 

 

Mais, pendant ce temps, dans la clairière où les héros avaient dressé le camp, deux araignées, plus téméraires que les autres, s’étaient déjà attaquées à ceux qui gardaient les poneys. Si ceux-ci demeurent toujours aussi étonnamment calmes, se contentant de se regrouper, le petit Belgo est visiblement terrorisé.

 

Nárvi s’avance pour défendre ses camarades. C’est un guerrier compétent, mais il n’en subit pas moins les attaques des attercops. Le Nain riposte, mais sa cible s’avère plus vive que lui, et lui plante son dard dans l’épaule – cependant, Nárvi résiste aux dégâts de poison, et est donc bien moins amoché que la créature ne l’espérait.

 

L’autre araignée s’en prenait à Aeweniel, mais l’Elfe parvient à lui asséner un bon coup de bâton. Belgo essaye de se montrer courageux et prend sur lui pour approcher l’araignée avec son propre bâton, mais il ne va visiblement pas lui faire beaucoup de dégâts. Il fait par contre une cible de choix, ce qui embarrasse Aeweniel ! Elle fait en sorte de s’interposer, et subit elle aussi un assaut de dard – qui ne lui fait pas grand-chose, par chance. Nerveuse, elle riposte, mais Belgo la gêne et elle rate – le petit garçon bien sûr ne brille pas davantage…

 

Nárvi de son côté parvient enfin à placer un bon coup de hache à son adversaire, mais subit ses morsures. Il fait appel à son second souffle : requinqué et emporté par la fureur de la bataille, le Nain fait virevolter sa hache, et échappe au dard de sa proie. Un coup de plus le débarrasse enfin de l’attercop.

 

Aeweniel assène de violents coups de bâton à l'araignée restante, mais elle est résistante ! Or l’attercop décide de s’en prendre à Belgo – par chance, elle rate le téméraire enfant. Aeweniel s’interpose aussitôt, et Belgo comprend qu’il n’a pas à faire preuve de courage : il vaut mieux pour tout le monde qu’il se retire. L’araignée le suit cependant – mais rate à nouveau ! C’est le moment : Aeweniel s’applique dans son attaque, et achève la monstrueuse créature.

 

Contrairement à ce qui s’était passé au château, aucune autre araignée n’est apparue durant ce combat : la clairière est très proche du Sentier des Elfes, et ces deux attercops étaient sans doute des éclaireuses, et bien téméraires…

 

Quelque temps plus tard, après avoir couru comme des dératés dans la forêt, Agariel, Jorinn, Baldor, et un Aldamar en très sale état parviennent à retrouver la clairière et leurs camarades Nárvi et Aeweniel – qui s’en sont bien mieux tirés. Le premier groupe est exténué et très abattu par ce qui s’est produit : ils savent qu’il s’en est fallu de peu pour qu’ils finissent eux aussi dans des cocons, puis dans les ventres de la colonie, et Aldamar a perdu son chien dans l’affaire, ce qui l’affecte énormément – d’autant bien sûr qu’il est lui-même passé à deux doigts de mourir.

 

Ils récupèrent – certains en ont bien besoin. Aeweniel s’occupe notamment d’Aldamar. Un repos long leur ferait du bien… mais, en principe, il faut se trouver dans un sanctuaire pour en bénéficier. Cependant, Agariel connaît bien la Forêt Noire Septentrionale : elle sait où trouver un refuge qui fera l’affaire, une sorte de grand tronc d’arbre creux, où l’on peut s’installer à plusieurs, faire du feu sans attirer l’attention, et s’assurer qu’aucune créature hostile ne parvienne à s’approcher discrètement. Cependant, ce précieux refuge se trouve plus loin sur le Sentier des Elfes, à bien trois jours de marche. Il leur faut donc se reposer un peu ici avant de se risquer à ce trajet. Les talents de guérisseuse d’Aeweniel, et l’usage méthodique de préparations à base de quenouille d’eau, permettent à tout le monde, et au premier chef à Aldamar, de récupérer un peu – suffisamment pour reprendre la route à l’aube, en espérant gagner sans autre incidents le refuge d’Agariel.

 

Et ce qui s’est produit dans la clairière est largement élucidé. Aeweniel et Agariel avaient à vrai dire une petite idée de ce qui s’était produit, si, dans le feu de l’action, elles n’y avaient pas immédiatement pensé : « Ne buvez pas de l’eau de la Rivière Enchantée » est un adage presque aussi connu que « Ne quittez pas le Sentier ». Ils étaient alors en plein milieu de la Forêt Noire Septentrionale, bien loin de la Rivière Enchantée, laquelle est (plus ou moins) soumise aux desiderata de Thranduil, mais il y a de nombreux petits cours d’eau dans la forêt qui alimentent cette rivière – et il faut croire que le ruisseau qui bordait la clairière en était un, qui avait ses propriétés particulières.

 

 

Les chausses maculées de boue de Baldor constituaient un indice précieux : avant sa crise de folie, il s’était de toute évidence rendu au bord du ruisseau, et en avait bu l’eau, un peu trop nonchalamment. Le marchand a aussitôt été victime d’un charme bien cruel : l’eau bue lui a fait perdre tout souvenir des cinq dernières années. Il a revécu, comme sur le moment, cette nuit terrible où Smaug a fondu sur Esgaroth – et il était obsédé par le besoin de sauver sa femme Halla et son fils Belgo ; c’est pourquoi il ne reconnaissait pas ce dernier : pour lui, Belgo était forcément un petit garçon de cinq ans, pas cet imposteur plus âgé et visiblement désireux de jouer à l’adulte !

 

 

La crise n’a pas duré très longtemps : dans les ruines du château, Baldor a bien perçu que les héros, qu’il ne reconnaissait pas davantage que son fils, étaient venus le sauver de la cruelle menace des araignées. En discutant avec le marchand après coup, les compagnons ont reconstitué la scène, et le marchand, d’abord incrédule, a dû se rendre à l’évidence : les cinq dernières années de sa vie ont tout simplement disparu.

 

Et à jamais. Les victimes de la Rivière Enchantée peuvent espérer que Thranduil en personne les guérisse de leurs afflictions – mais ce ruisseau n’est pas la Rivière Enchantée. Aeweniel notamment en est bien consciente : Baldor ne retrouvera jamais la mémoire. Guérisseuse de profession, elle sait que la guérison de l’âme fait également partie de ses attributions. Durant tout le reste du voyage, elle s’entretient régulièrement avec le marchand, de sorte qu’il comprenne bien sa situation, ce qu’il fait sur le Sentier des Elfes, et, peut-être par-dessus tout, que ce Belgo est bien son Belgo – son fils adoré.

 

 

Celui-ci, hélas, vit très mal les événements. Un petit garçon de dix ans ne peut pas rationaliser ce qui s'est produit et prendre sur lui : seule demeure cette image terrible de son père qui ne le reconnaît absolument pas, il ne parvient pas à s’en débarrasser. Le très dynamique Belgo est devenu très morose, et ne parvient pas à échanger avec son père. Mutique, Belgo se tient de plus en plus souvent à l’écart de la compagnie, manipulant sans cesse l’amulette passée autour de son cou… Et ce spectacle bien triste afflige les héros eux-mêmes, conscients d’être totalement désarmés dans cette affaire.

L’ERMITE DE LA FORÊT NOIRE

 

 

Le voyage reprend donc : la compagnie poursuit sur le Sentier des Elfes, plus consciente que jamais qu’il ne faut pas quitter le Sentier…

 

Trois jours plus tard, les héros approchent du refuge connu par Agariel. Cependant, Aldamar, qui est très sensible à l’évolution du climat, perçoit sans l’ombre d’un doute qu’un très gros orage se prépare : il tombera bientôt des trombes d’eau. Agariel le perçoit également, et sait que la tempête va se déchaîner avant que la compagnie n’atteigne l’arbre creux – cependant, ils n’ont pas vraiment le choix : aucun autre abri n’est disponible à des lieues à la ronde ! Aussi pressent-ils le pas, dans la mesure du possible : Agariel et Aeweniel en sont parfaitement capables, mais Aldamar souffre encore de ses blessures, et les autres sont épuisés… Ils font de leur mieux, sachant que la douche ne va pas tarder.

 

 

Et, de fait, la compagnie, alors qu’elle n’est plus qu’à une dizaine de minutes du refuge, se retrouve bientôt assaillie par une très violente et très désagréable averse : c’est comme si tout le Long Lac se vidait sur la Forêt Noire ! Et il fait noir comme en pleine nuit ou peu s’en faut…

 

Aeweniel, qu’Agariel avait déjà emmenée dans ce refuge, remarque pourtant quelque chose, même si c’est très diffus : de la fumée s’échappe du tronc – quelqu’un a fait un feu à l’intérieur. Mais pas le choix : il faut s’y abriter !

 

 

Les compagnons progressent dans le dédale de racines noueuses qui précède l’entrée, Jorinn passant en avant pour s’assurer qu’aucune menace ne les attend dans le tronc. Le Bardide découvre qu’il n’y a personne dans le refuge, mais qu’on y a bien fait un feu, et il y a peu de temps – la personne qui s’en est chargée ne doit pas être bien loin dehors, et, avec ce déluge, elle ne manquera pas de revenir bientôt. Une sorte de petite marmite est placée sur le feu, avec de la viande en train de cuir. Des couches ont été aménagées et une a été utilisée tout récemment.

 

 

Un peu partout, contre les parois du tronc, des sortes de planches de bois ont été disposées, qui sont gravées, de manière très primitive. Elles représentent des scènes cauchemardesques : visages déformés par la haine ou par la peur, figures monstrueuses plus ou moins identifiables…

 

Jorinn, sur la base des gravures, mais aussi du matériel présent çà et là, tend à croire que leur hôte encore inconnu est un Homme des Bois – ce que confirme bientôt Aldamar, sans l’ombre d’un doute. Jorinn, qui est un personnage hanté, est très sensible aux choses représentées par ces gravures – il a même l’impression, un bref instant, qu’une menace pourrait en jaillir et s’en prendre à lui. Le graveur est clairement quelqu’un de tourmenté, mais probablement pas un serviteur de l’Ombre : ces gravures ont quelque chose de rituel, et visent sans doute à la protection contre les dangers qu’elles illustrent.

 

Jorinn suppose que l’abri est sans danger, et invite ses camarades à entrer à leur tour. Ils savent que leur hôte reviendra bientôt, et Aeweniel incite les compagnons à ne pas sembler le moins du monde menaçants.

 

Effectivement, après quelques minutes, une personne arrive, qui ne cherche pas à être discrète. Les compagnons la sentent en fait avant de la voir : l’odeur très désagréable d’un homme qui ne s’est pas lavé depuis longtemps, et même ce déluge n’est pas totalement en mesure d’y remédier…

 

 

Apparaît dans le « tunnel » qui marque l’entrée du refuge un vieil homme aux yeux un peu fous, vêtu d’une simple peau de bête quasiment pas retravaillée après avoir été arrachée à la carcasse de l’animal. D’une corpulence assez maigre, mais qui conserve les traces d’une carrure supérieure dans de meilleurs jours désormais bien lointains, l’homme a un arc dans le dos et une lance entre les mains… qu’il braque aussitôt sur les intrus. Il ne les attaque pas, cela dit – mais on n’est jamais trop prudent. Surpris, il demande aux compagnons qui ils sont et ce qu’ils font chez lui ! De simples voyageurs qui se protègent de l’orage…

 

Aldamar joue de la solidarité des Hommes des Bois, ce qui semble éveiller de vagues souvenirs chez le vieux bonhomme. Il est sans doute le plus à même de le calmer et de faire en sorte qu’ils puissent cohabiter en paix – même s’il ne s’y prend pas forcément très bien initialement…

 

Le discours de l’ermite est toujours très confus. Le nom de Rhosgobel lui évoque bien quelque chose, « il y a longtemps », mais il semble avancer qu’il est impossible que des gens y vivent encore : « Y a le magicien, mais l’a pas pu faire grand-chose, hein ? » Le vieil homme est particulièrement méfiant à l’encontre d’Aeweniel et de Nárvi, et Aldamar entend le rassurer sur leur compte. Mais l’ermite, de toute façon, n'écoute pas vraiment cette réponse – il est obsédé par l’Ombre qui rampe dans la forêt, partout, toujours plus grande, il l’entend sans cesse, qui approche… Ils sont peut-être des agents de l’Ombre ! Ce qu’il leur demande de but en blanc, brandissant de nouveau sa lance. Agariel le rassure, en expliquant au passage qu’elle a régulièrement utilisé ce refuge, ce à quoi le vieil homme répond : « C’est mon r’fuge ! C’est ma forêt ! » Elle l'assure pourtant qu'il est connu de ceux qui combattent l’Ombre, comme elle. L’ermite n’est pas forcément très convaincu, « ceux de l’Ombre, y s’déguisent », mais il passe de toute façon à autre chose : il y a eu une « lumière », qui a chassé l’Ombre, mais ça n’était que pour un temps, elle revient, elle revient toujours, et toujours plus forte… Aldamar s’étonne de ce qu’il reste seul : ne vaudrait-il pas mieux être bien entouré pour contrer la menace de l’Ombre ? Non : « Seul, c’est mieux. On fait moins d’bruit. On s’fait moins r’pérer. Pis on peut avoir confiance en personne. Tout l’monde peut être un agent d’l’Ombre. » Aldamar propose au vieil homme de lui offrir des herbes médicinales pour qu’il leur permette de rester à l’abri le temps de l’orage, mais il est surtout intéressé par la nourriture (il est las des écureuils…), et ça n’est pas un problème pour les compagnons : Nárvi lui offre aussitôt de son excellent saucisson, et Jorinn y rajoute une outre de vin. Dès lors, le bonhomme, pas étouffé par la politesse, se baffre littéralement, puis s’allonge sur une couche pour dormir : il ignore les compagnons, qui peuvent rester ici le temps que l’orage se calme – ils bénéficient d’un repos long très bienvenu.

 

Quand la pluie cesse, après une petite dizaine d’heures, Agariel et Aldamar vont chasser pour offrir leur gibier à l’ermite, en paiement de son hospitalité. Pendant ce temps, Aeweniel, curieuse, interroge le vieil homme, sur « l’ombre » et la « lumière ». Il est difficile d’en tirer quelque chose de bien précis, ne serait-ce que son nom : « J’avais un nom avant, mais j’en ai pus b’soin. J’sais qui j’suis, vu que j’suis moi, j’ai pas besoin d’nom, c’est les aut’ qui doivent avoir un nom. » Mais l’Elfe peut comprendre certaines choses : en son temps, l’Homme des Bois était un guerrier. D’une manière ou d’une autre, et pour quelque raison que ce soit, il a été fait prisonnier, et jeté dans un cachot sans la moindre lumière, sous une « colline », dans la forêt, loin au sud. Un jour, alors que cela faisait bien trop longtemps que ses geôliers (des Orques, et des « hommes mauvais ») ne lui avaient rien apporté à manger, il a réalisé qu’il pouvait sortir de sa prison – en raison de cette mystérieuse « lumière ». Il était absolument seul – il a quitté la colline. Il ne se laissera plus enfermer. Aeweniel est très intriguée par cette « lumière », mais l’ermite n’a pas grand-chose à en dire – il ne l’a pas vue lui-même. Il suppose que ça venait peut-être d’un magicien, « mais le Brun, l’est pas vraiment comme ça ». Qu’importe : ça n’a rien réglé, l’Ombre revient toujours. Agariel de retour et Aeweniel comprennent qu’il parlait de la « Colline de la Sorcellerie », Dol Guldur (toutefois, si elles ont entendu parler du Nécromancien, elles ne sont pas en mesure de l’identifier avec Sauron et ne savent rien de l’assaut mené par le Conseil Blanc cinq ans plus tôt).

 

 

Aldamar, sans se montrer indiscret, a par ailleurs remarqué, posée par terre, une tête de hache, dépourvue de son manche, qui a éveillé son attention. Il sait qu’il s’agit de Mâcheloup, un artefact très ancien et très précieux des Hommes des Bois, de Fort-Bois plus précisément, dont on avait perdu la trace – les gravures permettent de l’identifier. Nárvi, intrigué, apprécie ce travail – ça n’a rien à voir avec les merveilles de la forge naine, mais c’est clairement très au-dessus du lot, pour des Hommes des Bois. Aldamar désigne Mâcheloup à l’ermite : comment a-t-il hérité de cette hache légendaire ? Du temps où il avait un nom, « là-bas », il était un guerrier, un grand guerrier – et c’était sa hache… Il est plus sage maintenant : grand guerrier ou pas, quelle importance – l’Ombre l’emportera… Puis il s’abîme dans ses méditations – et finit par en conclure que, si ça se trouve, la hache attire l’attention de l’Ombre… C’est pour ça qu’elle continue de le suivre ! Aldamar avance qu’il pourrait dans ce cas l’abandonner, l’enterrer quelque part dans la forêt – et le vieil homme se met aussitôt à creuser avec ses mains la terre à l’intérieur du tronc ; il ne parvient à en extraire que quelques centimètres d’épaisseur et dépose Mâcheloup dans cet ersatz de trou qui ne dissimule absolument rien, entassant le peu de terre dégagée au-dessus… Agariel avance qu’Aldamar pourrait hériter de cette tête de hache, et la ramener à Fort-Bois ? Ce qui permettrait peut-être d’identifier l’ermite… Aldamar lui en fait la proposition, et le vieil homme accepte aussitôt : « Prenez ! Prenez ! Et partez ! C’est chez moi, ici, c’est chez moi ! »

 

Oui, il est bien temps de partir – la compagnie reprend la route, sur le Sentier des Elfes…

CE QUI RAMPE DANS LES PROFONDEURS

 

 

Les jours défilent. C’est toujours la Forêt Noire, mais les héros peuvent apprécier sa diversité. Ils ont encore quelques quatre ou cinq jours de voyage avant d’arriver à l’Entrée de la Forêt, mais la végétation tend à s’éclaircir quelque peu, demeurant dense mais plus au point de masquer la lumière du jour. Par ailleurs, c’est le plein été, et des voyageurs tels qu’Agariel ou Aldamar savent que, durant les plus fortes chaleurs, il est des endroits où il fait en fait plus chaud encore au couvert des arbres. Cela devient particulièrement sensible, chaque jour un peu plus. Si le paysage est moins oppressant, et la luminosité retrouvée y est pour beaucoup, les compagnons n’en ressentent pas moins une profonde langueur, qui s’installe et persiste, pas forcément désagréable mais quelque peu épuisante, tandis que partout autour d’eux bourdonnent les envahissantes mouches de la Forêt Noire, d’une taille conséquente.

 

Au terme ou peu s’en faut d’une journée particulièrement harassante, qui affecte plus encore Baldor et Belgo – en fait, seul l'endurant Nárvi échappe au sentiment général –, les compagnons, arrivés dans un endroit propice, décident d’installer le camp, même si la nuit ne tombera que dans quelques heures : ils n’en peuvent plus.

 

Agariel remarque cependant que les poneys, qui s’étaient montrés d’un calme impressionnant tout au long du voyage, sont nerveux, et même un peu récalcitrants – peut-être risqueraient-ils de fuir ? Les héros s’en occupent, et parviennent à les calmer, mais leur nervosité demeure palpable – ils ne présentent du moins plus le risque de déguerpir.

 

Agariel s’en inquiète – et Aeweniel se demande s’il ne vaudrait pas mieux dresser le camp ailleurs, que ce soit plus loin sur la route, ou en arrière. Mais l’épuisement général le prohibe… Ils resteront ici – mais devront tout spécialement faire preuve de vigilance.

 

Et Agariel va jeter un œil dans les environs, à l’affût de traces animales ou humanoïdes – mais elle ne trouve rien qui sorte de l’ordinaire, en fait seulement le passage de petits animaux communs dans la Forêt Noire, écureuils, lapins, etc. Agariel trouve l’endroit assez agréable, elle – le comportement des poneys n’en est que plus étonnant. Elle est dans son élément. Elle poursuit son repérage un peu plus longtemps, un peu plus loin… Elle a le temps, pendant que ses compagnons dressent le camp.

 

Jorinn s’est allongé un peu, sans dormir pour autant – il n’en pouvait plus. Il fait des efforts pour ne pas sombrer… Mais, tournant la tête, il croit voir quelque chose qui brille, à quelque distance – quelque chose de curieux, et qui pourrait valoir une petite somme ? C’est un peu plus loin au nord – un rayon de soleil a frappé très fugacement quelque chose, et ça n’est pas banal dans le coin… Jorinn se lève et va y regarder de plus près.

 

Aldamar aussi est très fatigué – par ailleurs, depuis qu’ils ont quitté l’Ermite, il est obsédé par Mâcheloup, il ne parvient pas à penser à autre chose. C’est une très belle pièce : un objet révéré par son peuple. Aldamar sait que le bon geste serait de ramener Mâcheloup à Fort-Bois, pour que la hache retrouve sa place légitime dans le trésor des Hommes des Bois. En même temps… eh bien, elle lui appartient, c’est lui qui l’a trouvée, ou plutôt l’Ermite la lui a donnée ! Pourquoi devrait-il l’abandonner, après tout ? D’autant qu’Aldamar a parfois le sentiment d’être un paria au sein de sa communauté… Il jugera de ce qu’il faudra faire en fonction de leur accueil : s’ils se montrent méprisants ou condescendants, eh bien, tant pis pour eux, mais il gardera Mâcheloup ! Et leur opinion n’est d’aucune importance. Au fond, Nárvi n’avait pas tort, quand il avait proposé, quelques jours plus tôt, de tailler un manche pour cette tête de hache. Aldamar s’y était opposé, préférant laisser aux Hommes des Bois le soin de rendre à l’arme toute son intégrité, mais, s’il arrivait à Fort-Bois, non seulement avec Mâcheloup, mais avec en main une véritable hache à même de trancher des nuques, et en faisant bien comprendre qu’il n’hésiterait pas à s’en servir, eh bien, on le respecterait davantage – on le respecterait comme il le mérite ! Or il y a, un peu plus au nord, un bosquet de chênes vigoureux – Aldamar est certain d’y trouver de quoi faire un manche plus qu’adéquat pour Mâcheloup ! Et nul besoin de requérir les services d’un Nain. Un Homme des Bois est plus à même de juger ce qui est bon en la matière – et le possesseur de Mâcheloup est par définition bien au-dessus du lot. Il faut qu’il fabrique un manche pour cette hache – lui et personne d’autre. Mais ça n’est peut-être pas le meilleur moment, s’éloigner du camp ne serait peut-être pas une très bonne idée… Aldamar est tourmenté par ses désirs, mais parvient dans l'ensemble à se raisonner.

 

Aeweniel s’active, de son côté. En dépit de la fatigue, elle s’occupe du feu – elle dispose de connaissances qui font défaut aux autres, après tout... même si ça n’est probablement pas si marqué pour des tâches aussi prosaïques. Elle saurait probablement repérer le meilleur bois pour le feu, mais admet que cette tâche n’est pas forcément de son ressort. Cette forêt, cela dit, regorge de trésors inaccessibles aux autres, ses connaissances et sa perspicacité leur faisant défaut. Ils ont totalement ignoré, par exemple, les vestiges qui se font de plus en plus nombreux à mesure qu’ils se rapprochent de la lisière occidentale de la Forêt Noire – autant de témoignages du passé, de la présence des elfes comme des hommes dans cette région, il y a des siècles, des millénaires peut-être de cela : là un pan de mur perçant sous les fougères, ici les reliquats d’une ancienne voie pavée, là-bas des pierres dressées et gravées de symboles antiques… Il faudrait étudier tout cela de plus près. S’éloigner du campement ne serait peut-être pas une bonne idée… Mais inutile d’aller bien loin : là, tout près de la clairière, se dresse une pierre gravée – elle doit avoir été érigée par les Hommes du Nord, les Éothéod, le « peuple du cheval », dont sont issus les frustes Hommes des Bois comme les Béornides, mais aussi les cavaliers du lointain Rohan, descendus dans le Sud avec leur chef Eorl le Jeune, pour répondre à l’appel de Cirion l’Intendant du Gondor… Autant de récits appris dans les manuscrits de Fondcombe, mais Aeweniel se voit ainsi offrir l’occasion d’étudier un vestige direct des temps anciens, et non un témoignage de seconde main…

 

Nárvi quant à lui a consacré son temps aux poneys – sans faire bien attention à quoi que ce soit d’autre. Il a suffi de très peu de temps, mais, quand il se retourne, il découvre stupéfait que seul Aldamar et Baldor sont restés auprès de lui dans la clairière ! Tous les autres, dont Belgo, ont disparu, où que ce soit. Quelque chose cloche : le nain dégaine sa hache et appelle les absents. Mais il n’obtient aucune réponse… Aldamar et Baldor n’ont aucune idée d’où les autres sont passés – ils n’ont pas fait attention, eux non plus, perdus qu'ils étaient dans leurs pensées… L’Homme des Bois fouille les environs en quête de traces – il découvre que les absents sont tous partis vers le nord, mais chacun de son côté. Il siffle – un code convenu avec Agariel et Aeweniel.

 

Cette dernière l’entend – et se rend compte alors qu’elle est seule dans un coin de la forêt qu’absolument rien ne distingue des autres. Elle a le vague souvenir d’avoir entraperçu une pierre gravée, mais il n’y a rien de tel dans les environs. Elle entend des bruits de pas un peu plus loin au nord… Elle s’avance pour y jeter un œil.

 

 

Jorinn de son côté est à nouveau attiré par un rayon de soleil qui frappe quelque chose par terre et la fait briller. Il s’approche, curieux… et découvre un trou dans le sol, une sorte de puits, mais qu’on ne distingue pas autrement car il n’y a pas de margelle. Quand il se penche pour dégager l’herbe au bord, là où il avait vu l’éclat luminescent, il a la sensation de quelque chose qui jaillit du puits et passe à toute vitesse juste à côté de lui ! Il a failli tomber dans le puits, mais y a échappé de justesse…

 

Agariel sort à son tour de sa rêverie, et aperçoit Jorinn qui tombe par terre à quatre pattes non loin d’elle – elle ne l’avait pas repéré auparavant. Elle aussi entrevoit le puits.

 

Aeweniel qui s’était avancée aperçoit les deux autres… mais aussi Belgo qui court comme un dératé vers le puits. L’Elfe l’appelle, elle lui crie de faire attention, mais le petit garçon l’ignore ; des larmes plein les yeux, il gémit : « Maman ! Maman ! » Agariel le voit à son tour, un peu tard : il est au bord du puits ! Elle se jette sur lui pour le plaquer au sol – il se débat, mais elle le maintient par terre.

 

Nárvi et Aldamar ont entendu ces cris et rejoignent leurs compagnons à toute vitesse…

 

Il y a quelque chose dans ce puits ! Quelque chose d’indéfinissable… mais de menaçant. Des tentacules en jaillissent, innombrables, qui essayent de saisir les compagnons et Belgo pour les attirer dans les ténèbres !

 

Aeweniel hurle, il faut qu’ils s’éloignent du puits ! Jorinn est juste à côté… et a vu Agariel plaquer Belgo. Le Bardide a repris ses esprits, et vient aider la Dúnedain pour éloigner le petit garçon du puits. Nárvi s’avance, hache en main, perplexe… Et c’est un nouvel assaut de tentacules : l’un saisit Agariel et l’attire au bord du puits – elle n’est pas tombée au fond, mais risque de le faire bientôt ! Nárvi était bien plus loin, mais lui aussi est saisi par un tentacule, et se retrouve dans la même situation… Belgo et Jorinn y ont cependant échappé. Aldamar se saisit de son arc court et décoche une flèche, visant un tentacule – il rate. Agariel plante sa dague dans le bras qui l’a saisie, quitte à y laisser la lame ; elle n’inflige que peu de dégâts, mais n’est plus sous l’emprise de la créature du puits, qui l’a relâchée – elle rampe un peu plus loin.

 

Aeweniel court vers Belgo pour l’éloigner du puits – l’enfant est visiblement sous le coup d’un charme que ses camarades ne sont pas parvenus à dissiper, et il résiste ; mais Jorinn parvient à l’emmener un peu à l’écart. Nárvi se libère à son tour du tentacule qui l’avait saisi d’un violent coup de hache – mais la créature assène un coup assommant à Agariel, même si elle ne parvient pas à saisir à nouveau la Dúnedain ; en revanche elle entraîne Aeweniel dans le puits ! Cette fois, la flèche d’Aldamar touche, mais sans faire beaucoup de dégâts. Agariel est en très sale état, et fuit hors de portée des assauts de la chose dans le puits, mais non sans avoir porté d’abord un coup de son épée longue, plus douloureux visiblement : elle lâche Aeweniel, du coup.

 

Laquelle s’éloigne autant que possible – Jorinn fait de même, mais fait aussi usage de son arc. Les tentacules qui se trouvaient à la surface se replient tous dans le puits. La créature n’est pas morte, ils le savent tous, instinctivement, mais ils l’ont tout de même dissuadée de s’en prendre à eux. Mieux vaut s’éloigner du puits, mais la menace semble conjurée – et plus personne, désormais, n’est sous le charme, y compris Belgo. Ils quittent les environs : la Forêt Noire recèle des choses bien étranges, des choses sans nom… Mais celle-ci ne les menacera plus pour le moment.

 

Ils retournent au camp hâtivement dressé – les poneys sont désormais très calmes… Agariel a souffert dans la bataille – elle s’est cassé un os et redoute une hémorragie interne… Elle bénéficie de soins d’Aeweniel, qui use d’une préparation à base de quenouille d’eau, mais il faudra faire mieux quand les circonstances s’y prêteront. Ils doivent reprendre la route, ils seront sans doute un peu ralentis...

LA FIN DU VOYAGE – LE DÉBUT DE L’AVENTURE

 

 

Le voyage ne connaît cependant pas d’autres incidents. Quelques jours plus tard, la compagnie atteint l’Entrée de la Forêt – on la dit gardée par les Elfes, mais ceux-ci ne se montrent pas.

 

Les héros prennent conscience de ce qu’ils ont traversé la Forêt Noire ensemble, affrontant ensemble bien des dangers, et les surmontant. Ce qui n’est pas rien, car même le Sentier des Elfes est une voie périlleuse, et cette compagnie assemblée un peu fortuitement a noué dans l’épreuve des liens durables. Le mauvais départ, au Palais de Thranduil, a été amplement compensé.

 

Et ils sont parvenus à destination : Baldor les avait engagés jusque-là, supposant que le reste de son périple, vers le sud en pays béornide puis dans la Lisière Ouest jusqu’à Fort-Bois, ne requérait pas la présence de gardes. Le marchand tient sa promesse, et verse à chacun des compagnons le salaire convenu de 50 pièces d’argent.

 

 

Mais tous décident d’accompagner Baldor jusqu’à Fort-Bois, sans réclamer le moindre paiement supplémentaire – Aldamar en est tout particulièrement désireux, car il faut régler le sort de Mâcheloup. Mais Agariel y tient aussi, qui aurait bien besoin de soins dans la durée. Nárvi en profitera pour jeter un œil à l’extrémité occidentale de la Vieille Route de la Forêt, qu’il entend bien contribuer à restaurer un jour. Jorinn a apprécié l’aventure et la compagnie : le Bardide est plus loin de chez lui qu’il n’a jamais été, mais entend bien aller plus loin encore ! Et Aeweniel est curieuse de rendre visite aux Hommes des Bois, même si cela doit différer son retour à Fondcombe – elle y pense cependant quand ils dépassent le Vieux Gué.

 

 

À Fort-Bois, contre les préventions d’Aldamar, les Hommes des Bois leur font comme de juste très bon accueil : les enfants raffolent bel et bien des jouets de Baldor, et leurs parents sont curieux des nouvelles du vaste monde. Aldamar, qui hésitait encore un peu, se résout à présenter Mâcheloup aux Hommes des Bois – et à laisser la tête de hache au peuple qui l’a forgée il y a bien longtemps de cela. Son intuition s’avère fondée : il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien de Mâcheloup. Les anciens, dans la maison longue, sont formels – et la description de l’Ermite leur fait penser au dernier titulaire connu de Mâcheloup, un fier guerrier du nom d’Odovacar, qui avait disparu il y a une vingtaine ou une trentaine d’années dans une embuscade tendue par des Orques, plus au sud. Les anciens apprécient le geste d’Aldamar – et la nouvelle de ce qu’un Homme des Bois a retrouvé Mâcheloup et l’a déposée dans le trésor de Wuduseld gagne bientôt les autres établissements majeurs des Hommes des Bois dans la Lisière Ouest que sont Bourg-les-Bois et même Rhosgobel, dont Aldamar est originaire.

 

Nárvi offre en outre de concevoir un manche adéquat pour Mâcheloup, et les anciens acceptent, qui savent ce qu’il en est de l’artisanat nain, outre que leur invité a su faire la démonstration de ses talents en ébénisterie. Il produit un très beau travail, gravant sur le manche les aventures qu’ils ont vécu dans la Forêt Noire, les tentacules de la chose dans le puits jaillissant à l’extrémité. Avec le bois qu’il avait ramassé près du Palais de Thranduil, il confectionne en outre une flûte, instrument moins encombrant et déroutant que sa cornemuse, ainsi qu’une pipe de bonne qualité – il cherche de l’herbe à pipe ; Aeweniel lui en fournit, mais ils entendent tous deux une rumeur à ce propos… On y reviendra dans un prochain épisode !

 

Aldamar et Agariel, durant l’automne, chassent dans la Forêt Noire en compagnie des Hommes des Bois – mais la Dúnedain consacre aussi du temps à Baldor et Belgo, pour que leur relation se restaure ; Belgo les accompagne parfois dans la forêt, et retrouve goût à la vie en apprenant de nombreuses astuces de chasseurs et de voyageurs.

 

Jorinn aussi passe du temps avec Belgo – et avec les autres enfants de Fort-Bois, en fait ; il joue avec eux, ravi comme eux des merveilles des jouets de Dale – et il leur montre avec passion celui qui l’accompagne depuis toujours, une sorte de boîte à musique pleine de surprises…

 

Quant à Aeweniel, elle est aux petits soins avec Baldor – guérisseuse, elle sait que sa tâche concerne l’âme aussi bien que le corps ; elle aide le vieux marchand à retrouver autant que faire se peut la mémoire des cinq années qui lui ont été volées par l’eau traîtresse de ce petit ruisseau, affluent de la Rivière Enchantée… Baldor comme Belgo font preuve de gratitude pour ses efforts.

 

Une compagnie s’est formée – qui n’en est qu’au début de ses aventures !

 

C’est tout pour « Ne quittez pas le Sentier », à ceci près que vous pouvez également vous reporter au journal tenu par Nárvi pour avoir son point de vue sur cette aventure 

Autrement, l’histoire se poursuit avec « Ragoût de Hobbit aux fines herbes ».

 

Alors, à suivre

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CR Adventures in Middle-Earth : Ne quittez pas le Sentier (1/2)

Publié le par Nébal

CR Adventures in Middle-Earth : Ne quittez pas le Sentier (1/2)

Cette fois, ça y est, c’est parti ! On se lance dans Adventures in Middle-Earth, avec pour objectif la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Pour cette séance en particulier, il s’agissait d’en jouer le premier scénario, « Don’t Leave the Path » (pp. 7-19), qui, disons-le, a tout d’une introduction au système et à la gamme – on a même pu parler de tutoriel. Ce qui était utile, doublement même, car il nous fallait aussi découvrir les options offertes par Roll20 en la matière (le vocal se faisait via TeamSpeak).

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Celui qui s’écarte du sentier ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 1)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 1)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Gardien 1)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 1)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 1).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

Et la plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

UNE RENCONTRE AU BORD DU LONG LAC

 

 

L’aventure commence dans les environs d’Esgaroth, la Ville du Lac, rebâtie à un emplacement un peu différent après sa destruction intégrale par Smaug cinq années plus tôt. Nos héros se retrouvent, fortuitement, non loin de l’ancien site de la ville, dont quelques rares vestiges peuvent être aperçus çà et là – on dit même que, parfois, il est possible d’entrapercevoir, sous l’eau, le squelette du grand ver, voire les fameuses pierres précieuses qui décoraient son poitrail…

 

Certains de nos héros se connaissaient déjà : d’une part, Aeweniel et Agariel s’étaient parfois croisées à Fondcombe, et elles ont plus ou moins suivi la même route pour se rendre à Esgaroth, si pour des raisons très différentes – et elles se sont retrouvées à cheminer avec Aldamar. D’autre part, Nárvi et Jorinn se sont rencontrés à Dale, alors que le Nain sortait d’Erebor pour la première fois depuis bien longtemps – le Bardide raffolait des jouets conçus par la mère de Nárvi, et c’est dans sa boutique qu’ils se sont rencontrés et mutuellement appréciés comme des personnes de ressource.

 

Nárvi… joue de la cornemuse. Et cet instrument relativement rare suscite la perplexité, voire pire, chez ceux qui n’y sont guère habitués – c’est pourquoi le Nain a choisi de s’écarter un peu d’Esgaroth pour pratiquer, et s’est rendu sur les berges du Long Lac, en compagnie de Jorinn, toujours très curieux. Les gémissements produits par l’instrument attirent l’attention d’Aeweniel, Agariel et Aldamar (ainsi que de Gast, le Limier de la Forêt Noire de ce dernier), qui profitaient d’une agréable promenade sur les berges, en cueillant ici ou là quelques herbes utiles – mais Nárvi, qui subit en rougissant maints sarcasmes, ne compte certainement pas s’arrêter de jouer pour répondre aux questions perfides de ces importuns…

 

Le Nain, abîmé dans sa représentation toujours un peu plus embarrassante, est sourd à ce qui se passe autour de lui – mais les autres croient entendre un cri, plutôt aigu, et, s’ils se posent d’abord la question, ils comprennent vite que ce n’est pas la cornemuse qui a émis ce bruit. Aeweniel intime à Nárvi de cesser de jouer – il n’en tient pas compte, bien sûr, et Jorinn décide de balancer un seau d’eau froide sur le Nain pour qu’il cesse son vacarme.

 

 

Après quoi la source du bruit est identifiée – les compagnons voient un petit garçon d’une dizaine d’années qui court comme un dératé dans leur direction, en criant : « À l’aide ! Au secours ! » Agariel s’avance vers lui, et le garçon s’effondre à ses pieds ; le souffle coupé, il explique (difficilement) que son père est agressé par… ses propres gardes ? Qui vont le tuer ! La Dúnedain demande au gamin de se calmer, mais il n’en tient pas compte : il repart en courant en direction de la forêt, multipliant les gestes pour que les héros le suivent. Ce qu’ils font.

 

 

Ils finissent, après cinq minutes, par découvrir un homme relativement âgé et au ventre un peu rebondi, acculé contre un arbre, et menacé par trois hommes d’allure peu commode, épées courtes en main. Le père du petit garçon manie une lourde branche, et le front ensanglanté d’un de ses agresseurs témoigne de ce qu’il a eu à s’en servir comme arme.

 

Jorinn reconnaît aussitôt les trois malandrins (lesquels ont sans doute une idée de qui il est) : ce sont des brutes répondant aux noms de Jonar (le plus massif), Kelmund et Finnar. Jadis, ils étaient au service du Maître d’Esgaroth, de sinistre mémoire : supposés incarner la loi, ils n’étaient guère que des caïds corrompus jusqu’à la moelle et tout disposés à abuser de leur autorité. Mais le nouveau Maître, plus judicieux que son prédécesseur, a choisi de se passer de leurs services. Depuis, ils officient en tant que mercenaires, quand ils ne s’affichent pas comme les brigands qu’ils sont.

 

Nárvi réclame des explications, hache en main – mais Jonar lui répond de dégager, avec ses amis : c’est pas leurs oignons ! Agariel se montre plus diplomate que le Nain, mais les ruffians ne l’en gratifient pas moins d’insultes. Cependant, ces derniers réalisent progressivement que les importuns ne sont pas n’importe qui… Et la présence d’un Nain et d’une Elfe, notamment, les intimide un peu – de même que les grognements de Gast. Mais c’est Jorinn qui trouve les mots pour les faire partir : ses sarcasmes empreints de menaces voilées les déstabilisent, au point qu’ils offrent aux compagnons une part du butin s’ils veulent bien détourner les yeux quelques secondes. Mais les héros ne mangent pas de ce pain-là ! Les brigands repartent la queue basse, en faisant un grand cercle pour éviter de passer trop près de ces gêneurs…

 

 

Le vieil homme, dans un soupir, remercie les héros – qui sont arrivés juste à temps. Il se présente comme étant Baldor, un marchand de la ville de Dale (avec son fils Belgo, qui craignait de voir son père mourir, et qui a des étoiles dans les yeux en dévisageant ses sauveurs). Il explique qu’il avait monté une expédition pour traverser la Forêt Noire, dans le but d’aller vendre notamment des jouets de Dale aux Hommes des Bois, qui en sont très friands, dit-on – sa destination finale étant Fort-Bois. Il sait que la Forêt Noire est dangereuse, aussi avait-il embauché des gardes pour assurer la sécurité de l’expédition… mais il apparaît qu’il avait très mal choisi.

 

Baldor, entre deux remerciements, ne manque pas de dévisager ses sauveurs… Ils ont l’air d’aventuriers capables – et il y a même un Homme des Bois parmi eux ! Peut-être… Accepteraient-ils de faire office de gardes pour son expédition ? Il les récompensera bien ! Vingt pièces d’argent chacun – non, cinquante ! Et les compagnons acceptent – tous ; car ils ont tous de bonnes raisons de traverser la Forêt Noire pour se rendre dans la vallée de l’Anduin, comme de venir en aide au marchand, qui, de toute évidence, ne pourrait survivre dans la forêt s’il s’y engageait seul. Qu’importe si l’on parle ici d’une longue expédition – car traverser la Forêt Noire requiert bien une bonne trentaine de jours. Et si leur groupe s’est formé de façon fortuite, pourtant ils ressentent déjà qu’ils sont liés d’une manière ou d’une autre…

 

Il leur faut toutefois un peu de temps pour se préparer – ils conviennent de retrouver Baldor dans deux jours. Celui-ci avait hâte de partir, mais comprend qu’il est nécessaire de différer un peu.

 

Et, le jour venu, ils entament leur voyage.

 

INVITÉS (?) DES ELFES

 

 

Si Baldor n’a jamais traversé la Forêt Noire lui-même, et est d’un tempérament anxieux, il est cependant un homme sérieux et organisé (le chargement parfait de ses quatre poneys, bien dressés, en témoigne, qui inclut des vivres pour un bon mois), et qui bénéficie de contacts utiles : du temps où il était marchand à Esgaroth, il avait pu nouer des liens avec les Elfes de la Forêt Noire, et tout spécialement un certain Lindar, le maître des caves de Thranduil – Baldor lui faisait régulièrement parvenir de bons crus du Dorwinion. Depuis, c’est un autre marchand d’Esgaroth, du nom d’Halbrech, qui a hérité de ce marché fructueux, mais les Elfes n’ont pas oublié le bon Baldor. Il n’a jamais rencontré Thranduil en personne, mais ses liens avec Lindar sont précieux – le maître des caves a d’importantes fonctions commerciales, mais aussi, car elles en sont dérivées, diplomatiques.

 

Aussi a-t-il pu faire appel à l’aide des Elfes pour le début du voyage. Il s’agira dans un premier temps de remonter la Rivière de la Forêt jusqu’à un point de rendez-vous, où des bateliers elfes embarqueront l’expédition à destination du Palais de Thranduil – après quoi les Elfes accompagneront les voyageurs jusqu’au point où la Rivière Enchantée croise le Sentier des Elfes.

 

Le reste du voyage s’accomplira en suivant ce dernier jusqu’à l’Entrée de la Forêt, et c’est là que les compagnons accompliront véritablement leur office de gardes. C’est presque proverbial : « Ne quittez pas le Sentier ! » La Forêt Noire est un endroit dangereux et oppressant, mais le Sentier des Elfes, à condition de bien s’y tenir, est probablement le moyen le plus « sûr », relativement, de la traverser – une chose dont sont bien conscientes, surtout, Agariel et Aeweniel, qui l’ont déjà emprunté à plusieurs reprises, et tout récemment avec le jeune Aldamar.

 

 

Les voyageurs se mettent en route, remontant la Rivière de la Forêt à travers la lisière est de ce qui fut Vertbois-le-Grand – et, dans cette région, il en demeure quelque chose, sans doute du fait de la magie des Elfes : ce n’est pas la Forêt Noire éprouvante et oppressante que l’on rencontre partout ailleurs.

 

En chemin, les héros font un peu plus connaissance avec Baldor. Il était autrefois marchand à Esgaroth, mais il a tout perdu lors de cette nuit fatidique au cours de laquelle Smaug le Doré a fondu sur le Long Lac – pas seulement sa fortune, et il était un homme aisé : sa femme, Halla, a péri dans les flammes, Baldor ne parvenant à sauver que leur fils Belgo, alors âgé de cinq ans à peine. Le drame a considérablement affecté Baldor. Il n’était certes pas le seul dans ce cas – et, comme beaucoup, Baldor a suivi Bard à Dale pour se reconstruire. Mais, si certains ont su tirer partir des événements pour refaire rapidement fortune, Baldor n’a pas eu cette chance : quelques mauvaises décisions, une concurrence effrénée, et un nombre non négligeable de coups du sort, l’ont empêché de retrouver son rang. Oh, il n’est pas sans le sou – et les compagnons n’ont rien à craindre concernant leur paiement. Mais cette expédition un peu désespérée n’en est pas moins vitale : tout marchand qu’il soit, Baldor n’est pas le plus bassement matérialiste des hommes – mais il veut avoir quelque chose à léguer à Belgo, qui est « un bon petit ». Les compagnons n’ont aucun doute quant à la sincérité de ses propos : le marchand se livre volontiers à ceux qui lui ont sauvé la vie.

 

Lors des pauses, Baldor fait à ses nouveaux amis quelques démonstrations des jouets de Dale qu’il compte vendre aux Hommes des Bois. Ce sont des objets assez incroyables – en fait au point où leurs propriétés ont quelque chose qui paraît relever de la magie. Le marchand est très enthousiaste – et Nárvi en rajoute, en exhibant un des jouets conçus par sa mère, une très belle pièce. Belgo fait celui qui ne s’y intéresse pas plus que ça – il a dix ans, c’est un grand –, mais ça ne trompe personne : les jouets le fascinent – il est un gamin de dix ans.

 

 

Après environ trois jours de marche, la compagnie parvient au point de rendez-vous fixé par Baldor avec les Elfes. Des bateliers les y attendent, qui accueillent courtoisement les voyageurs, et tout particulièrement leur vieil ami le marchand. Ils reconnaissent Agariel et Aeweniel pour ce qu’elles sont, visiblement ; ils se montrent plus réservés à l’encontre de Nárvi, mais c’est un ami de Baldor, aussi se montrent-ils polis à l’égard du Nain. Belgo les fascine et les amuse – il n’y a que peu d’enfants chez les Elfes, à vrai dire de moins en moins.

 

Les Elfes, comme l’avait évoqué Baldor, murmurent à l’oreille des poneys pour les calmer et les faire monter sur les radeaux. Remonter la Rivière de la Forêt jusqu’au Palais de Thranduil demande bien trois autres jours, sur un rythme très posé, indolent, que les chants des Elfes mettent en musique. C’est assez agréable…

 

Nárvi discute de la Vieille Route de la Forêt avec Baldor et les Elfes – mais leur constat est sans appel : ce qui fut autrefois une véritable merveille, un témoignage éloquent de la puissance et du savoir-faire des Nains, a été depuis longtemps englouti par la Forêt Noire, et la route est en tant que telle inutilisable. Avec les Monts de la Forêt Noire juste au nord, et le Cœur de la forêt au sud, c’est un endroit extrêmement dangereux – les araignées y sont particulièrement nombreuses, et on dit qu’il y aurait même un loup-garou qui rôderait dans les environs… L’entreprise de Nárvi visant à restaurer la Vieille Route des Nains est noble, et ambitieuse ; mais, d’ici-là, le Sentier des Elfes est une bien meilleure option pour traverser la forêt. Nárvi grogne, mais il est bien obligé d’admettre que ses interlocuteurs disent vrai.

 

 

Puis la compagnie se met à emprunter des voies plus tortueuses, qui, à plusieurs reprises, les font emprunter des tunnels, et mettent à mal leur sens de l’orientation. C’est ainsi qu’ils parviennent enfin à une des entrées du Palais du Roi des Elfes, une grande porte taillée à même la roche les surplombant ; quant à eux, ils poursuivent jusqu’à un petit quai en pierre, idéal pour débarquer marchandises et passagers.

 

 

Lindar arrive bientôt, qui salue Baldor avec un grand sourire. Il supervise les opérations de déchargement tout en discutant. Il est intrigué par Aeweniel et Agariel, et assez franchement sceptique devant Nárvi – lequel se montre pourtant d’une extrême courtoisie (il ne partage pas les préjugés communs de son peuple ; en fait, il est même très intéressé par les Elfes et leur culture).

 

Baldor est supposé séjourner deux jours dans le palais. Lindar l’invite à le suivre – se retournant pour s’adresser aux compagnons, il avance qu’ils comprendront que, employés de Baldor ou pas, ils ne sauraient pénétrer plus avant dans la demeure de Thranduil… Mais ils disposent d’un logis assez confortable, d’où ils pourront veiller sur les marchandises de Baldor, et Lindar fera en sorte qu’on leur apporte de la nourriture et du vin.

 

Une perspective qui stupéfie Aeweniel : elle a l’impression que Lindar les traite, et elle tout spécialement, comme des chiens ! Elle émet une réclamation. Las, elle s’y prend très mal… Bien trop condescendante aux yeux de Lindar, et portée à mettre sans cesse en avant son statut d’émissaire de Fondcombe, elle met en valeur à peu près toutes les raisons qu’aurait le maître des caves de leur refuser l’accès au palais – au point où l’extrême déférence de Nárvi, dans ses propos, a des connotations ironiques. Aldamar ne comprend tout simplement pas de quoi Aeweniel se plaint : ils sont au palais de Thranduil ! C’est en soi extraordinaire ! Agariel n’en pense pas moins… mais ne peut guère intervenir.

 

Lindar… est furieux. Pas du genre à s’emporter en public, surtout pas face à pareille compagnie, il fait cependant bien comprendre à tous que sa décision est irrévocable, et qu’il vaudra sans doute mieux pour tout le monde écourter le séjour au palais : de manière catégorique, Lindar exige leur départ le lendemain à la première heure – Baldor ne s’y attendait pas, mais doit faire avec ; Lindar lui conserve certes son amitié, en dépit de ses mauvaises fréquentations, mais la tranquillité du palais importe davantage que leur vieille camaraderie. Le marchand est un peu gêné – mais davantage pour ses employés que pour lui-même, semble-t-il.

 

La maladresse, consciente ou pas, d’Aeweniel, jette une ombre sur les premières journées de leur long voyage à travers la Forêt Noire…

LA FORÊT S’ASSOMBRIT

 

 

Le lendemain à l’aube, la compagnie doit donc repartir. La promesse initiale de Lindar à Baldor vaut toujours, et les bateliers elfes convoient les voyageurs sur la Rivière Enchantée, jusqu’au moment où elle croise le Sentier des Elfes. C’est ici que les héros sont laissés à eux-mêmes – les Elfes, qui n'éprouvent pas eux-mêmes le courroux de Lindar à l'encontre des voyageurs, et qui demeurent donc courtois, leur rappellent qu’il ne faut pas quitter le Sentier, et qu’il ne faut pas non plus boire de l’eau de la Rivière Enchantée. Puis ils s’en vont, retournant au Palais de Thranduil.

 

Et la troupe se lance sur le Sentier des Elfes, à destination de l’Entrée de la Forêt – qu’elle n’atteindra au mieux que dans une bonne vingtaine de jours.

 

Agariel, sans surprise, remplit le rôle de guide ; Aeweniel et Nárvi font le guet, Aldamar remplit l’office de chasseur, et Jorinn celui d’éclaireur.

 

 

L’ambiance a changé : cette fois, la forêt tend bel et bien à s’assombrir – à devenir la Forêt Noire, là où le Royaume Sylvestre conservait quelque chose de l’antique Vertbois-le-Grand. Même en plein jour, la densité des arbres fait que la luminosité demeure très faible. C’est un cadre oppressant, que tout le monde ressent comme tel – et la maladresse commise avec Lindar pèse d’autant plus sur toute la compagnie.

 

Cela vaut aussi pour Baldor, visiblement très anxieux – il répète comme un mantra que tout se passera bien tant qu’ils ne quitteront pas le Sentier… Seul Belgo ne semble pas véritablement affecté : le petit est vaillant, et fait tout pour se rendre utile, notamment en s’occupant des poneys, lesquels se montrent très calmes, ainsi que le marchand l’avait promis.

 

Après quatre jours de marche le long du Sentier, une scène étrange se produit. Jorinn, parti un peu en avant, remarque, juste à côté du Sentier, un tas d’ossements – humanoïdes, impossible de se montrer plus précis. Mais, juste à côté, se trouve un squelette intact et séparé des autres ; adossé contre un arbre, il arbore autour du cou un bijou visiblement très ancien et d’un extrême raffinement – probablement de facture elfique, et d’une grande valeur. Aeweniel n’est pas en mesure d’en dire davantage. Jorinn est fasciné – et attiré… Il s’approche dans l’intention de toucher le bijou – mais Aeweniel s’interpose pour l’en empêcher, et le Bardide retient son geste ; d’une certaine manière, le chasseur de trésors entrevoit que s’emparer de ce bijou lui apporterait bien davantage d’ennuis que de fortune – et, dans l’ambiance pesante de la Forêt Noire, il perçoit combien ce geste serait futile, en plus de constituer une forme de dangereuse profanation… Il remercie l’Elfe pour son intervention, et cette communion implicite leur confère une forme d’inspiration.

 

La compagnie poursuit son chemin, avec la conviction que la forêt elle-même, d’une certaine manière, vient de les mettre à l’épreuve. Cette fois, ils s’en sont bien tiré… mais ils savent que ça n’est qu’une mise en bouche. La Forêt Noire n’est pas une forêt comme les autres.

 

CELUI QUI S’ÉCARTE DU SENTIER

 

Quelques jours plus tard, alors que le Sentier disparaît presque par endroits sous la végétation, et que les bons endroits où dresser le camp se font toujours plus rares, Aeweniel repère une agréable clairière juste au bord du sentier, où s’écoule un frais ruisseau : un lieu idéal où se requinquer ! En fait, elle suppose qu’il s’agit d’une de ces clairières aménagées par les Elfes du Royaume Sylvestre pour y prendre du bon temps – cela ne s’est sans doute pas produit depuis fort longtemps, mais il en reste quelque chose : on s’y sent en sécurité. À l’unanimité, la compagnie décide de s’y arrêter pour récupérer un peu, même si la nuit ne tombera pas avant quelques heures.

 

Des tours de garde sont naturellement organisés. Vers la fin de celui de Nárvi, au plus profond de la nuit, Baldor vient discuter un peu avec lui. Il explique qu’il n’arrive pas à dormir – de mauvais rêves… Il a visiblement besoin de parler, de façon relativement intime, et le Nain s’en rend bien compte. Le marchand évoque ainsi cette nuit terrible qui a vu Smaug fondre sur Esgaroth – et l’effroyable incendie qui en a résulté, durant lequel a péri Halla, la femme de Baldor, qui n’a pu sauver que leur petit Belgo, alors âgé de cinq ans. Bard a certes tué le dragon, comme le rappelle Nárvi, mais cela ne rendra pas sa femme au marchand… Il en fait des cauchemars depuis – presque toutes les nuits. Ce qui échappe un peu au Nain, guère porté sur l’empathie. Mais Baldor a tout perdu lors de ce tragique événement… Nárvi l’engage pourtant à se tourner vers le futur : ceux d’Erebor, ceux de Dale, ils vont reconstruire ce monde, et le rendre plus sûr ! Baldor l’espère… mais n’y croit pas forcément. Il suppose enfin qu’il vaudrait mieux qu’il se repose – ils ont de la route à accomplir demain… En dépit des mauvais rêves, il va donc essayer de dormir un peu : il remercie Nárvi pour son attention, et s’éloigne du Nain.

 

Mais, dix minutes plus tard environ, Nárvi entend Baldor pousser un grand cri de terreur – qui réveille tous les autres. Le marchand paniqué court en tous sens dans la clairière. Et il se fige en voyant la compagnie interloquée. Les yeux fous, il leur demande qui ils sont. Puis il semble regarder quelque chose à l’horizon : « La montagne… La montagne ! Elle est en feu ! Ces imbéciles ont réveillé le dragon ! Il faut que je retrouve Halla… Esgaroth est condamnée ! » Puis, retournant à la compagnie : « Vous êtes… Vous êtes des brigands ! Vous m’avez enlevé ! Où… où est Belgo ? » Nárvi suppose que le marchand est somnambule et s’approche pour le saisir et le calmer, mais n’y parvient pas. Belgo aussi s’est réveillé et regarde son père avec des larmes aux yeux : « Papa, qu’est-ce qui t’arrive ? » Mais Baldor ne reconnaît pas son propre fils ! « Qui est cet enfant ? Brigands… Vous m’avez enlevé ! Mais vous ne me retiendrez pas : je vais retourner à Esgaroth, je vais sauver Halla et Belgo ! » Et il court dans la forêt, bien loin du Sentier…

 

Si Nárvi n’a aucune envie de s’enfoncer dans la forêt, Agariel remarque que les chausses de Baldor étaient humides, sans doute venait-il du ruisseau, et, même si c’est la nuit dans la Forêt Noire, elle pense pouvoir pister le marchand sans trop de difficultés, car il laisse des traces assez visibles. Et Gast, le chien d’Aldamar, peut leur faciliter la tâche. Mais le marchand court vite – au point où la compagnie s’en étonne, qui ne se doutait pas qu’il en était capable après deux semaines de voyage à ses côtés ! Agariel, Jorinn et Aldamar ainsi que Gast se lancent sur la piste du marchand – Nárvi et Aeweniel restent surveiller le campement, avec Belgo effondré et les poneys toujours aussi étonnamment calmes…

 

 

Pister Baldor n’est pas un problème au départ pour la voyageuse aguerrie qu’est Agariel, outre qu’elle bénéficie du flair de Gast. Cependant, au bout de quelque temps, le limier de la Forêt Noire pile, un peu indécis quant à la direction à prendre – et les traces humides que suivait Agariel disparaissent subitement.

 

Les compagnons fouillent les environs, perdant de précieuses minutes, et remarquent enfin des toiles d’araignées un peu partout. Ils comprennent aussitôt ce qui s’est produit : des araignées de la Forêt Noire se sont emparées de Baldor, le capturant puis le hissant dans leurs toiles ! Il est dès lors vain de chercher davantage les traces humides du marchand. Mais, ainsi que les héros le comprennent un peu tardivement, un chemin se dessine dans les toiles, qui laisse deviner la direction prise par les araignées...

 

 

En suivant les toiles, les trois compagnons finissent par atteindre, sur une colline qui forme une nouvelle clairière, les ruines de ce qui avait dû être autrefois un petit château – impossible de dire qui l’a bâti, mais c’était il y a bien longtemps. Il n’en reste de toute façon pas grand-chose : un pan de mur à angle droit, et une petite tour ronde, pour partie effondrée, mais dont l’escalier en colimaçon demeure à vue de nez empruntable. Une sorte de passerelle de toile d’araignée relie les deux vestiges – et, au sommet de ce qui reste du mur, soit à quelque chose comme huit mètres de hauteur, un grand cocon s’agite, qui abrite visiblement une forme humanoïde en train de se débattre : il ne fait aucun doute pour les héros qu’il s’agit de Baldor.

 

Si les toiles abondent dans ces vestiges, les compagnons ne repèrent pas la moindre araignée dans les environs. Mais ils ne s’y trompent pas : les signes de leur présence sont absolument partout, et elles disposent d’une myriade d’endroits où se cacher – une colonie entière pourrait bien être tapie quelque part ! Chose dont Agariel est bien consciente… Et elle sait très bien que, si vaincre une de ces araignées n’est pas forcément très difficile, il en va tout autrement quand c’est une colonie entière, de plusieurs dizaines de créatures, qui constitue la menace…

 

Qu’importe : il faut sauver Baldor. Deux options s’offrent aux héros : escalader le mur, ou monter au sommet de la tour avec l’escalier, puis franchir la passerelle de toile. Quand ils seront au niveau du cocon, il faudra le défaire, probablement à la dague, et faire en sorte que Baldor retourne au niveau du sol, huit mètres plus bas, sans se faire mal.

 

Les héros se décident pour la passerelle de toile, conscients pourtant que leurs mouvements risquent d’attirer les araignées – mais cela aurait-il été si différent s’ils avaient préféré escalader le mur ? Jorinn, le plus agile en même temps que le plus discret de la compagnie, franchit la passerelle, tandis qu’Agariel et Aldamar se positionnent sous le cocon, pour récupérer Baldor s’il venait à tomber. Le chasseur de trésors bardide se montre très prudent en franchissant la toile – mais il ne se fait pas d’illusions : la moindre vibration a pu alerter les araignées, quels qu’aient été ses efforts. Toutefois, pas une seule ne se montre pour l’heure.

 

Jorinn progresse ensuite sur le pan de mur – rejoindre le cocon n’est pas très difficile à ce stade. Le Bardide essaye d’abord de défaire la toile précautionneusement et méthodiquement, mais n’y parvient pas ; il perce alors le cocon avec sa dague pour libérer Baldor qui se débat à l’intérieur.

 

Le marchand a toujours les yeux aussi fous, et il est visiblement terrorisé – mais, de toute évidence, il perçoit bien que ceux qu’il prenait pour des brigands sont venus à son secours, et que, d’une manière ou d’une autre, il vaudrait mieux pour lui retrouver son statut de « prisonnier » que de constituer le prochain repas d’une colonie d’araignées… Jorinn, qu’il ne reconnaît visiblement pas, le convainc sans peine de le suivre sans faire plus de difficultés.

 

 

Mais, en bas du mur, Agariel et Aldamar qui guettent les environs voient apparaître une première araignée, une Attercop, vers le nord-est. Elle avance très lentement et sans un bruit dans leur direction…

 

Agariel en prévient Jorinn et Baldor, et leur lance une corde pour descendre – mais elle remarque alors qu’une autre Attercop arrive, par le sud cette fois…

 

Gast n’attend pas les instructions de son maître, et se jette sur l’araignée la plus proche, qu’il mord violemment. Aldamar à sa suite décoche une flèche de son arc court, mais rate sa cible. Agariel de son côté s’en prend à l’araignée qui arrive par le sud, ce qui implique de s’éloigner de ses compagnons, mais l’Attercop se montre étonnamment vive et esquive son assaut sans souci – et riposte : sa morsure est très douloureuse ! Jorinn, debout sur le pan de mur, perce l’autre araignée d’une flèche bien placée, mais elle a le temps d’infliger une vilaine balafre à Gast, qui gémit bruyamment. Et une troisième araignée arrive à l’est…

 

Gast salement blessé s’écarte de l’araignée, revenant au pied de son maître – qui sort sa hache, et blesse leur adversaire. Agariel de son côté inflige également quelques dégâts à l’Attercop qui l’avait blessée, mais celle-ci se défend bien. Jorinn, hésitant, décide finalement de sauter du mur  pour rejoindre ses camarades – se réceptionner n’est pas un problème pour lui, mais Baldor reste en haut…

 

Gast repart à l’assaut, mais il est salement blessé. Aldamar ne parvient pas à achever l’Attercop qui s’en prend à eux, même si elle est maintenant à l’agonie – elle parvient pourtant à placer une dernière morsure… et Aldamar s’effondre inconscient. De l’autre côté, Agariel se défend mieux, tandis que Jorinn vient à son secours, plaçant une attaque sournoise qui achève la monstrueuse créature.

 

Mais la situation est de toute évidence critique : si Jorinn est indemne, Agariel est blessée, ainsi que Gast, et Aldamar est tout bonnement inconscient. Baldor paniqué est en haut du mur et ne sait pas quoi faire. Et tout indique que d’autres araignées ne manqueront pas d’apparaître bientôt…

 

À suivre…

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Adventures in Middle-Earth : Lonely Mountain Region Guide

Publié le par Nébal

 

Adventures in Middle-Earth : Lonely Mountain Region Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2019, 144 p.

 

Le supplément Lonely Mountain Region Guide pour Adventures in Middle-Earth est pour l’essentiel, et comme souvent, une transposition d’un supplément de la gamme de L’Anneau Unique, en l’espèce Erebor – Le Mont Solitaire. Or j’avais déjà chroniqué ce dernier, assez récemment (moins de six mois), et mon point de vue demeure essentiellement le même. Du coup, la majeure partie de cet article reprendra tel quel le précédent ; il y a toutefois quelques apports spécifiques dans le portage D&D5 de ce « guide », que je mentionnerai le cas échéant.

LA RÉGION JUSTE À CÔTÉ

 

Comme pour la gamme de L’Anneau Unique, la sortie relativement tardive de ce supplément consacré au Mont Solitaire et, en fait, aux régions environnantes, incluant la ville de Dale mais allant bien au-delà, au nord-est de la Forêt Noire, peut sembler étrange, dans la mesure où son absence jusqu’alors avait quelque chose… d’une anomalie ? La campagne « classique » d’Adventures in Middle-Earth comme de L’Anneau Unique débute peu ou prou au pied du Mont Solitaire : la proclamation de Bard, roi de Dale reconstruite, est un bon prétexte pour rassembler une compagnie, et la Ville du Lac, ou Esgaroth, à peine un peu plus au sud, est théoriquement le premier sanctuaire ouvert. Le Mont Solitaire est là, juste à côté, il domine l'horizon initial des PJ, mais il n’avait jusqu’alors pas eu droit à une description relativement approfondie – et, à vrai dire, il avait à peine eu droit à une description superficielle. Il en allait de même pour Dale, ce qui, à tout prendre, était bien plus problématique encore – car la cité de Bard est « ouverte », bien plus accessible que le riche et puissant royaume nain d'Erebor ! Il était donc un peu handicapant, dans le contexte de base des Terres Sauvages, de ne pas avoir véritablement d’éléments de background concernant Erebor et Dale, qui en sont indubitablement le cœur civilisé…

 

Dès lors, à la différence de Fondcombe/Les Vestiges du Nord, ou plutôt ici Rivendell Region Guide/Eriador Adventures, le Lonely Mountain Region Guide est un supplément utile dès le début d’une campagne « classique » dans les Terres Sauvages – il faut d’ailleurs relever qu’il s’insère dans la chronologie initiale de la gamme, débutant cinq ans après la Bataille des Cinq Armées, et permettant d’enchaîner Wilderland Adventures et Mirkwood Campaign, là où les suppléments consacrés à l’Eriador adoptent une chronologie plus tardive, illustrant plus ouvertement le retour de Sauron aux affaires

 

Mais cette chronologie, dans le contexte du Lonely Mountain Region Guide, est semble-t-il conçue avant tout pour une autre campagne, alternative, dont la version pour L’Anneau Unique a été publiée en anglais sous le titre The Laughter of Dragons (la transposition pour Adventures in Middle-Earth n’existe pas encore). Je n’ai pas lu cette campagne, et ne peux donc pas en dire davantage ici.

 

LE MONT SOLITAIRE ET SA BANLIEUE

 

On peut distinguer trois ensembles dans ce supplément, qui regroupent des chapitres épars. Le premier, assez logiquement, est essentiellement géographique, mais a sa part de développements historiques et n’est pas totalement dépourvu d’éléments techniques (bien dosés). Il s’agit donc de décrire la région couverte par le supplément, en trois chapitres : le premier consacré au Mont Solitaire à proprement parler, le second à la ville de Dale immédiatement au sud, le troisième traitant des régions environnantes.

 

C’est du bon voire très bon boulot : Erebor et Dale ont droit à leurs très jolies cartes (même si celle du Mont Solitaire est forcément « insuffisante », en ce qu’elle n’illustre pas vraiment l’idée d’un royaume « en trois dimensions », si j’ose m’exprimer ainsi – cependant, elle a quelque chose de démesuré qui fascine, et c’est bien le propos), et, passé les rappels historiques particulièrement utiles dans ce contexte (et qui résonneront, plus loin, avec les développements consacrés au passé tragique des nains, toujours à vif), la description des principaux lieux est bien gérée : le lecteur n’est pas noyé sous les informations, mais en a amplement assez pour savoir quoi faire de tout ça.

 

Le cas d’Erebor est peut-être un minimum problématique, car, à tout prendre, les joueurs (non nains ?) ne sont pas censés y avoir aussi facilement accès qu’à Dale – ouvrir le sanctuaire d’Erebor demandera sans doute du temps et des efforts, mais, après tout, c’est dans l’ordre des choses… Et, comme de juste, cela permettra alors aux PJ de « débloquer » très vidéoludiquement de nouvelles entreprises pour la phase de communauté : les chapitres consacrés à Erebor et à Dale s’achèvent sur ce genre de développements, de manière pertinente – j’aime bien, notamment, cette idée de la « forge naine », une sorte de « super-entreprise » courant sur plusieurs phases de communauté, et qui voit un PJ s’appliquer à la confection d’une arme vraiment exceptionnelle…

 

Les descriptions d’Erebor comme de Dale abondent en PNJ joliment décrits – Erebor est particulièrement bien servi à cet égard, car c’est l’occasion de s’instruire du sort des compagnons du Hobbit qui ont survécu à la Bataille des Cinq Armées, et qui ont tous leur personnalité (osera-t-on dire : bien plus que dans le roman de Tolkien ?) ; mais il faut aussi relever que les deux monarques de ces puissants royaumes, respectivement Dáin Pied-d’Acier et Bard le Tueur de Dragon, ont du caractère, ce qui en fait des PNJ très intéressants, et des garants potentiels à la forte personnalité.

 

La description des régions environnantes, enfin, est tout à fait réussie – et complète utilement le Rhovanion Region Guide. Nous avons droit à des environnements variés, des Terres Septentrionales de Dale à reconquérir par la charrue plutôt que par l’épée, à la Brande Desséchée mystérieuse et terriblement angoissante. Chaque région a droit à ses lieux et PNJ notables, allant du brigand… au dragon, bien sûr.

 

LA TRAGIQUE GLOIRE DES NAINS

 

Mais je reviendrai aux dragons plus tard. Le deuxième ensemble que j’ai envie de singulariser dans ce supplément porte en effet sur les nains. Bien évidemment, la description d’Erebor au sens strict les met en avant, mais cela va bien au-delà, puisqu’il faut y ajouter encore d’autres chapitres.

 

Il y a, notamment, deux nouvelles cultures naines jouables – ou pas tout à fait : l’une des deux, les Nains des Monts du Fer, n’est pas spécialement inédite, mais brode (amplement) sur la « sous-catégorie » correspondante associée jusqu’alors aux Nains du Mont Solitaire, la culture naine initiale de la gamme, dans le Player's Guide ; c’est intéressant, cela dit, et sans doute bienvenu – même si la refondation extrêmement récente du Royaume Sous la Montagne rend parfois la distinction entre les cultures naines, et tout spécialement ces deux-là, un peu spécieuse. À vrai dire, d’une manière ou d’une autre, elles demeurent proches.

 

La nouvelle culture naine véritablement inédite, les Nains des Montagnes Grises, se singularise davantage, et j’aime bien leur caractère d'errants frustrés et rancuniers, leurs royaumes ayant été anéantis par les dragons, et leur désir de réclamer leur héritage n’étant que plus fort après la mort de Smaug – or ce désir maniaque de retour au pays peut les amener à se montrer assez pénibles pour certains des Libres Peuples du Nord, tout particulièrement les Bardides et les Elfes de la Forêt Noire… Un bon moyen de foutre le bordel ! Les Nains des Montagnes Grises, comme les Nains des Montagnes Bleues du Bree-Land Region Guide, offrent ainsi davantage de variété aux joueurs désireux d'incarner des nains – et il est appréciable que nous disposions maintenant de quatre cultures naines jouables, au lieu d’une seule se scindant plus ou moins logiquement en deux sous-catégories.

 

Mais les nains et leurs cultures sont au cœur de deux autres chapitres encore de ce supplément. Le premier porte sur « le trésor des nains », et complète utilement les développements consacrés aux objets « magiques » amorcés dans le Loremaster’s Guide et (considérablement) augmentés dans le Rivendell Region Guide (auquel il faudra probablement se référer, c’est à noter) ; et, comme dans ce précédent supplément, ce qui pouvait m’inquiéter un peu vu de loin s’avère très bien fait dès l’instant qu’on s’y attarde – c’est une fois de plus une démonstration du beau travail d’adaptation réalisé dans les gammes cousines de L’Anneau Unique et d’Adventures in Middle-Earth, qui se montre souvent bien plus subtil qu’il n’y paraît, et en tout cas toujours pertinent. À vrai dire, plus que jamais, l’insistance sur le brio des réalisations naines, et tout particulièrement des plus antiques, est un élément de caractérisation essentiel notamment (mais pas seulement, en fin de compte) pour les personnages nains, et tout à fait bienvenu. À noter, on trouve dans ces pages des exemples ou suggestions d’objets légendaires et d’armes et armures merveilleuses issus de l’artisanat nain le plus raffiné (ainsi que d’autres plus spécifiquement destinés à affronter les dragons).

 

Or le supplément en rajoute en dernier ressort une ultime couche à cet égard, avec un chapitre consacré à « la guerre des nains et des orques », dont l’intérêt me paraît essentiellement fluff, mais qui a aussi ses implications éventuellement techniques, sous forme de rancunes irrémédiables, de rêves traumatisants, d’artefacts perdus et de sources de corruption en pagaille… Oui, tout cela est très intéressant, et très juste.

 

LES COUSINS DE SMAUG

 

Reste un ultime aspect de ce supplément, qui, à la fois, coule de source, et est à manier avec beaucoup de précautions : les dragons… L’ombre de Smaug le Doré plane sur le Mont Solitaire, même après sa mort – les dragons, même si Tolkien en parle assez peu au-delà dans le Troisième Âge (il en va tout autrement du Premier), sont encore une réalité bien présente après le haut fait de Bard, qui lui a valu de devenir roi. Les nains ont considérablement souffert des déprédations des grands vers bien avant que Smaug ne se rue sur le Mont Solitaire : les royaumes nains des Montagnes Grises ont été anéantis par les dragons – et la Brande Desséchée, cette vallée embrumée dissimulée au cœur de la branche orientale des Montagnes Grises, abrite nombre de ces créatures titanesques… à quelque chose comme 150 kilomètres, à peine, au nord d’Erebor et de Dale. La menace draconique pèse donc sur les Peuples Libres du Nord, même après la mort de Smaug. Il n’est peut-être qu’une chose pour les en préserver, temporairement du moins : une sorte de « darwinisme » acharné qui voit les dragons lutter entre eux dans cette région. Mais, oui, les dragons sont donc toujours une réalité durant l’époque de jeu.

 

Les dragons sont des PNJ hors-normes, des antagonistes extrêmement puissants, et il n’y a guère que le balrog de la Moria, aka Le Fléau de Durin (ça tombe bien), pour rivaliser en puissance. Il fallait bien un Bard pour faire tomber Smaug, et les PJ ont déjà fort à faire avec une adversité plus « classique » : ils ne sont à vue de nez pas censés être aussi forts que les classiques héros de Donj’ à très haut niveau, qui cassent des divinités et demi-dieux au p'tit déj’.

 

Je suppose que ce chapitre s’en tire plutôt bien et pourrait – oui, pourrait – s’avérer malgré tout utile en jeu (il est de toute façon d’une lecture intéressante, hein, l’écologie des dragons fascine, et le jeu sur les rumeurs les concernant, vraies comme fausses, est très malin, et utilisable dans une campagne même sans véritablement y faire figurer un dragon en tant que PNJ à meuler, je suppose). Car l’accent est mis sur un système de création destiné à concocter des dragons qui soient vraiment des antagonistes singuliers : chaque dragon est unique – et, par-là, il ne faut pas entendre seulement sa liste de pouvoirs destructeurs, mais tout autant ses traits de personnalité, qui, régulièrement, peuvent en définitive jouer contre lui : nombre de dragons sont sensibles à la flatterie, d’autres sont joueurs au point où cela pourrait leur nuire considérablement, certains s’avèrent très lâches en dépit de leur puissance remarquable, etc. Quelques exemples en sont fournis, en fin de chapitre (dont des versions « augmentées » du mystérieux Dragon de la Forêt Noire, qui apparaissait dans le Rhovanion Region Guide ainsi que dans Mirkwood Campaign, et de l'arrogant Raenar, issu quant à lui de Wilderland Adventures), et, oui, ils ont vraiment de la personnalité, et témoignent en même temps des diverses manières de faire figurer un dragon dans une campagne – de l’archétype essentiellement solitaire au chef suprême d’une bande de gobelins terrorisés, en passant par la créature de la Brande Desséchée engagée dans une lutte à mort pour la survie du plus apte.

 

Ici, j’ai l’impression, toutefois, que le présent supplément pour Adventures in Middle-Earth, soit un truc à base de Donjons & (eh) Dragons, a une composante martiale/tactique plus marquée que son équivalent pour L’Anneau Unique : la perspective d’y affronter un dragon n’y est pas vraiment plus probable, mais les outils sont là, le cas échéant, pour un gros combat épique avec un (putain de) grand ver. Ça n’est à vue de nez pas ce que j’ai envie de faire, et à vrai dire je me pince un peu le nez en l’écrivant, mais, pour d’autres… et sait-on jamais ?

 

Un point intéressant à cet égard prolonge plus concrètement l’idée des « défauts » bienvenus des dragons : tous ont leur faiblesse – comme cette écaille manquante qui a permis à la Flèche Noire de Bard d’abattre Smaug… Alors, peut-être que les PJ pourraient en profiter ? Même si peut-être dans une moindre mesure que pour L’Anneau Unique, ce sera probablement le seul moyen, pour des joueurs, d’abattre un dragon – ils ne peuvent pas se contenter, espérons-le, d’être des barbares niveau quarante-douze qui meulent dans la cuirasse de gemmes à la hache à deux mains (si vous le voulez bien)… Mais cette approche correspond pleinement à la manière d'envisager l'héroïsme dans cette gamme comme chez Tolkien, je suppose : l'adversité est élevée, mais les hauts faits épiques, s'ils demeurent par essence exceptionnels, sont possibles.

 

Alors je suppose que c’est tout de même plus subtil et malin que ça n’en a tout d’abord l’air, et que c’est une adaptation réfléchie de l’œuvre tolkiénienne. Finalement, on peut sans doute en tirer quelque chose en jeu, oui – et quelque chose de chouette… Il faudra compléter avec The Laughter of Dragons, j’imagine.

 

VOYAGE, VOYAGE, PLUS LOIN QUE LA NUIT ET LE JOUR

 

Le Lonely Mountain Region Guide est pour l’essentiel une transposition fidèle d’Erebor – Le Mont Solitaire. Ceci étant, le système très différent change forcément la donne sur bien des points, même si cela n’appelle pas vraiment davantage de développements dans pareille chronique. Demeure tout de même ce point : Adventures in Middle-Earth a décidément une approche davantage martiale et/ou tactique que L’Anneau Unique – ce qui ressort plus particulièrement du chapitre consacré aux dragons, je suppose. Et cela me pose toujours un peu problème… Mais je suppose qu’il faudra s’en accommoder, et qu’un peu de travail permettra de reléguer de côté les excès les plus donjonesques pour préserver la saveur proprement tolkiénienne d’une campagne en Terre du Milieu, D&D5 ou pas.

 

Les apports véritablement spécifiques sont donc limités. À vrai dire, ils ne concernent guère qu’un seul chapitre, devenu coutumier dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth, et qui adapte les événements de voyage au contenu du supplément. C’est toujours une aussi bonne idée, un apport vraiment bienvenu (en revanche, les quatre petits paragraphes qui suggèrent de faire des « événements de voyage urbain » ne sont pas d’une très grande utilité).

 

DRAGON DOWN

 

Au final, à l’instar de son modèle Erebor – Le Mont Solitaire, le Lonely Mountain Region Guide s’avère donc un supplément convaincant, s’inscrivant très bien dans une gamme dont la qualité est de toute façon globalement élevée.

 

Et, au passage, comme pour toute la gamme, il faut louer la beauté du livre, clair, aéré, et émaillé d’illustrations de qualité.

 

À suivre un de ces jours – probablement avec la transposition de The Laughter of Dragons ? On verra bien.

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CR Barbarians of Lemuria : Le Plus Vieux Rêve de Lôm (02)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Le Plus Vieux Rêve de Lôm (02)

Seconde et dernière séance du scénario « Le Plus Vieux Rêve de Lôm », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Arnaud Prié, et figure dans le supplément Chroniques lémuriennes, pp. 42-57.

 

Vous trouverez la première séance ici.

 

L’illustration en tête d’article provient de ce scénario (p. 54), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Il y avait six joueurs, qui avaient déjà participé aux précédents scénarios, à savoir « Mariage amer », « Les Larmes de Jouvence », « Un ennui mortel » et « La Tour d’Ajhaskar ». Ils incarnaient Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 3 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 3) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 4 – Marchand 0 – Médecin 1 – Sorcier 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 1).

 

Voici le compte rendu de cette séance, sur la base des notes de Maître Nepuul Qomrax :

 

Les Hommes-Oiseaux

 

Suite au rituel accompli par Nepuul, qui a lui a révélé le comportement inqualifiable de Zacharias Lôm, les aventuriers envisagent d'accueillir les Hommes-Oiseaux avec moins d'hostilité que prévu ; en revanche, le comportement de Joanna les déçoit. Nepuul précise tout de même que celle-ci, moins encline que son oncle à interroger la Femme-Oiseau, avait insisté pour qu'il la libère, en vain.

 

Ils se rendent donc sur le toit pour interroger Joanna, qui se montre très surprise et embarrassée lorsque Nepuul lui parle de la prisonnière. Elle précise qu'elle a essayé de raisonner son oncle, mais qu'il n'a rien voulu entendre, estimant que la capture d'Oorea était une chance unique d'apprendre à maîtriser les secrets du vol.

 

Tandis que le petit groupe discute, une Femme-Oiseau à la longue chevelure brune apparaît dans le ciel, à quelque distance de la tour ; lorsqu'elle s'aperçoit que le groupe l'a repérée, elle fait volte-face, et s'éloigne en direction du nord.

 

L'heure est aux derniers préparatifs : les aventuriers barricadent les portes extérieures du fortin et font rentrer les parvalus dans le réfectoire ; ils placent des hallebardes rouillées et des javelines près de la Merveille, en espérant que cette dernière leur servira de garantie.

 

Quelques heures plus tard, une douzaine d'Hommes-Oiseaux apparaît à l'horizon, entourant celui qui semble être le chef de leur tribu, sans doute un chaman. Ses amulettes grésillent de magie, tout comme le sceptre orné d'un crâne qu'il brandit farouchement. Méfiants, les Hommes-Oiseaux restent en vol stationnaire à quelques mètres du sommet de la tour ; certains sont visiblement des guerriers, et pointent leurs javelines en direction des aventuriers en signe de défiance. N'écoutant que son dégoût pour le combat, Nepuul s'avance, les bras levés, et crie : « Paix ! Nous venons en paix ! »

 

Le chef ne daigne même pas le regarder ; ses yeux se fixent sur Joanna et, d'une voix impérieuse, dans un étrange sabir où les aventuriers reconnaissent à peine quelques bribes de lémurien, il prononce ces mots : « Vous n'auriez jamais dû revenir ! » Les aventuriers se récrient : ils ne se sont rendus sur place que pour secourir Zacharias, sans savoir de quoi il retournait. Le chaman, qui dit s'appeler Jaoor, n'en a que faire ; il accuse Joanna et son oncle d'avoir attenté à l'honneur du « Peuple des Cimes », non seulement en séquestrant Oorea, mais aussi en massacrant des centaines de corbasses afin de créer la Merveille, qu'il qualifie quant à lui d'Abomination. Aucune des tentatives d'apaisement de Kalev, de Nepuul ou de Myrkhan ne semble fonctionner : à plusieurs reprises, Jaoor ordonne au groupe de quitter les lieux au plus vite.

 

Le chaman se pose enfin sur le rebord de la tour, menaçant, tandis que quelques Hommes-Oiseaux commencent à déposer des babioles aux pieds du golem. C'est le moment que choisit Redhart pour charger Jaoor ! Mais il manque totalement sa cible… et presque au point de tomber de la tour ! Il est contraint de lâcher sa hache, qui atterrit une vingtaine de mètres plus bas...

 

Le combat commence : les premières flèches sont décochées en direction de Jaoor, mais aucune ne semble l'atteindre. Nepuul lance un charme de regard paralysant sur une Femme-Oiseau en vol stationnaire : elle s'écrase au sol ! Deux Hommes-Oiseaux s'en prennent directement à Redhart tandis qu'il s'efforce de remonter sur le toit. Deux autres s'attaquent à Joanna ; Narjeva se précipite au secours de la jeune fille, et tue un adversaire d'un coup de sabre.

 

Redhart enfin remis se concentre sur Jaoor, et lui inflige cette fois d'importants dégâts ; d'une flèche bien placée, Kalev terrasse un ennemi, tandis que Nepuul se livre à des gesticulations et à des incantations alambiquées, puis s'entaille assez profondément le bras droit avec l'épée qu'il avait récupérée dans l'armurerie. Immédiatement, l'épée se soulève et commence à virevolter autour du sorcier débutant, comme animée d'une volonté propre.

 

Jaoor s'écarte pour se soigner, tandis que Liu utilise son bouclier pour se défendre contre deux Hommes-Oiseaux particulièrement coriaces ; il est assisté par Kalev. Redhart blesse grièvement l'adversaire qui lui fait face, tandis que Narjeva en élimine un de plus. Nepuul profite de la position de Jaoor, qui s'est écarté de la tour, pour lui lancer son regard paralysant : le chaman est en chute libre ! Mais il se réceptionne in extremis sur le mur d'enceinte du fortin, quelques mètres plus bas, plus furieux que jamais. Liu ceinture l'adversaire le plus proche... et lui arrache les ailes ! C'en est trop pour les Hommes-Oiseaux : quelques secondes plus tard, les rescapés se replient autour de Jaoor et s'éloignent vers le nord, par-dessus la vallée.

 

Après avoir repris leur souffle, les aventuriers se rendent auprès de la Femme-Oiseau qui gît inanimée au pied de la tour ; elle est en vie, mais présente de nombreuses fractures, et son lémurien est si rudimentaire qu'elle n'est en mesure de leur livrer que très peu d'informations : tout juste apprennent-ils, comme ils s'y attendaient, que la tribu niche au sommet d'un pic inaccessible, au-delà de la vallée au nord. L'alchimiste soigne la Femme-Oiseau dans la cellule du rez-de-chaussée, dans l'idée d'en faire une monnaie d'échange contre le médaillon, dont s'est emparé Jaoor, et qu'il souhaite toujours récupérer.

 

Attaque aérienne

 

Trois heures plus tard, les aventuriers entourent l'otage au sommet de la tour – où Joanna veille toujours sur la Merveille – lorsqu'une troupe d'une vingtaine d'Hommes-Oiseaux s'approche en provenance du nord ; Jaoor vole au centre du groupe, et ne semble pas vraiment d'humeur à négocier.

 

Aussitôt, huit guerriers lourdement armés se posent au bord de la plateforme. Sans attendre, Redhart les charge. Parallèlement à ce combat inégal s'engage une joute à distance entre Jaoor, qui tente d'aviver le courage de ses guerriers, et Kalev, dont le chant martial intimide les plus impressionnables d'entre eux. Malgré leur courage, les aventuriers sont en passe d'être débordés, et commencent à se replier vers l'escalier. C'est alors que Liu et Myrkhan aperçoivent au loin, vers le nord-ouest, une scène invraisemblable : une bande d'Hommes-Oiseaux appâte un gigantesque mythunga vers la tour, en se sacrifiant à tour de rôle !

 

Les aventuriers se rassemblent autour de l'otage : les menaces de Nepuul et de Liu font hésiter quelques instants les Hommes-Oiseaux, mais ces derniers affluent tout de même vers la plateforme, à la faveur d'une nouvelle harangue de Jaoor. Tout en s'efforçant de couvrir leur retraite, Liu, Kalev et Myrkhan emmènent l'otage vers l'étage inférieur. Les ennemis affluent et débordent Redhart, tandis que Narjeva tombe sous les assauts, inconsciente ; l’ex-docker de Parsool se désengage, se saisit du corps inanimé de la prêtresse de Nemmereth, le charge sur son épaule, et gagne l'escalier en catastrophe, alors que le mythunga fait une arrivée remarquée sur le toit en dévorant un Homme-Oiseau imprudent. L'immense créature s'approche de Nepuul avec la ferme intention de le broyer dans son puissant bec ; par chance, l'alchimiste s'en tire avec une simple entaille au front, qui lui fera une belle cicatrice. Il est désormais seul dans l'escalier, et fait face à deux Hommes-Oiseaux particulièrement robustes. Narjeva, qui a repris ses esprits, se précipite pour le tirer vigoureusement vers le bas de l'escalier. Il était temps : les ennemis s'y engouffrent, et le mythunga s'installe au milieu du toit, visiblement intéressé par les Hommes-Oiseaux qui entourent la Merveille. Aux pieds du golem, Joanna baigne dans son sang ; elle ne semble à aucun moment avoir eu l'intention de se replier, et elle est morte en protégeant la création de son oncle Zacharias.

 

À l'intérieur de la tour, le terrain est plus favorable aux aventuriers : l'arme démoniaque de Nepuul, associée à la puissance de Liu, de Redhart et de Narjeva, fait des ravages, au point où le sorcier lui-même, guère brillant au combat jusqu'alors, n'en revient pas, et les Hommes-Oiseaux qui tentent de pénétrer dans la tour tombent rapidement. Sur le toit, le mythunga poursuit son festin, et les Hommes-Oiseaux restants s'éparpillent enfin comme des moineaux, renonçant au combat ; mais Jaoor, furieux, ne l'entend pas de cette oreille, et se dirige d'un pas résolu vers l'escalier. Seul, il n'a pas l'ombre d'une chance : malgré ses pouvoirs chamaniques, il fait face à quatre combattants aguerris. Liu lui assène un terrible coup qui brise son sceptre, et il tombe rapidement sous les assauts de l'arme démoniaque de Nepuul, qui n'a plus qu'à récupérer le second collier sur son cadavre.

 

Le mythunga

 

Le mythunga, quant à lui, ne semble pas disposé à bouger : il dispose d'une réserve de nourriture conséquente, et pourrait nicher au sommet de la tour pendant plusieurs jours. Les aventuriers n'ont pas le choix : s'ils veulent récupérer la Merveille, dont la chair morte n'intéresse visiblement pas l'oiseau monstrueux, ils doivent affronter ce dernier.

 

C'est donc au petit matin qu'ils font irruption sur le toit de la tour où se trouve toujours le mythunga ; ils ont à peine le temps de se ranger en ordre de bataille avant le premier assaut. La lutte est féroce, et les coups de bec du mythunga sont dévastateurs ; mais les aventuriers ont l'avantage du nombre, et le monstre, assailli de toutes parts, semble faiblir. C'est le moment que choisit Liu pour tenter hardiment... de l'immobiliser en saisissant à la base du cou l’oiseau colossal ! Il n'en faut pas davantage à Redhart, qui se déplace rapidement de façon à se trouver derrière la tête du mythunga, et lui enfonce sa hache au milieu du crâne. « Enfin ! La Merveille est à moi ! » glapit Nepuul, oubliant toute retenue.

 

Les aventuriers se partagent les richesses trouvées dans le fortin, et passent leurs derniers jours sur place à aménager, pour Joanna et son oncle, une sépulture digne de ce nom, surmontée d'une statue de corbasse ; Nepuul, quant à lui, ne se préoccupe plus que de la Merveille, qu'il badigeonne de formol comme le faisait Joanna, pour prévenir sa décomposition. Après plusieurs jours de recherches méthodiques, et en ayant placé un collier autour de son cou et le second autour d'une patte de l'oiseau, il parvient à le faire voler. Il propose ensuite à ses camarades de se joindre à lui pour un extraordinaire voyage aérien, avant de vendre la Merveille au plus offrant. Mais seul Redhart accepte de lui faire profiter de son expérience des longs trajets, tandis que les autres rejoignent l'auberge en contrebas à dos de parvalus.

           

Épilogues individuels

 

Kalev : cette dernière aventure inspire au barde de nouvelles chansons, notamment L'Enfant et l'oiseau, en hommage à Joanna dont l'histoire l'a particulièrement touché. De retour chez lui, il fait don de sa part du butin à l'institut de recherches ornithologiques de l'université de Satarla ; après quelques semaines, il décide de repartir vers les Monts de l'Axos pour s'y livrer à une sorte de retraite spirituelle, avec l'espoir d'approcher dans de meilleures conditions les Hommes-Oiseaux.

 

Liu : le lutteur du Khanat rejoint les Îles du Crâne pour y dilapider son argent en beuveries et y organiser un grand tournoi d'arts martiaux dont il sera lui-même le principal protagoniste.

 

Nepuul : l'alchimiste ne voit pas comment il pourrait résister à la tentation de parader devant son mentor en sorcellerie, le puissant Ajhaskar, et propose à Redhart de voler jusqu'à Lysor. Suivant les conseils avisés du marin, dix jours durant, ils survolent ainsi les Jungles de Qush, puis les Plaines de Klaar, ne se posant pour des étapes que dans les endroits les plus déserts, avant d'atteindre Lysor, où ils négocient âprement la vente du golem volant à Ajhaskar, lequel, incommodé par l'odeur de formol et de chair en putréfaction, fait mine de s'en désintéresser, mais finit tout de même, au grand désespoir de Redhart, par accepter de l'échanger contre une somme nettement moins conséquente qu'espéré (que Nepuul prévoit de partager équitablement entre ses compagnons), assortie d'une copie partielle des Parchemins d'Urceb que Nepuul rangera méticuleusement dans sa bibliothèque – si toutefois Adelbert Finken, son incorrigible assistant, n'a pas perdu la maison aux cartes dans quelque tripot.

 

Redhart : déçu d'avoir vendu la fameuse Merveille au rabais après cette aventure, Redhart se console en préparant son mariage avec celle qu'il appelle affectueusement son « Petit Oiseau des Îles » ; malgré tout, sa position à Parsool s'est consolidée, il a pignon sur rue, et ses affaires prospèrent depuis le départ de son frère : Redhart et sa promise se mettent donc à l'abri du besoin, meublent richement leur maison, et profitent de la flambée du prix des fourrures. Un jour, Redhart reçoit une lettre de son ami Liu, qui l'informe du mouillage récent du bateau de son frère au port du Seigneur des Mers, dans les Îles du Crâne...

 

Myrkhan : le soldat s'est rendu à Shamballah pour y parfaire sa maîtrise de la langue shamite, et participer aux combats dans les Arènes de Ronce ; mais il se ravise en découvrant que le propriétaire des lieux est un sorcier, et rejoint la guilde des Chasseurs, où il profite d'une relative tranquillité pour écrire à l'attention de Liu un long parchemin consacré à l'art shamite du dressage, dans l'espoir d'inciter son ami à le rejoindre à Shamballah pour de nouvelles aventures.

 

Narjeva : La prêtresse de Nemmereth n'a qu'une envie : s'éloigner au plus vite de cet oiseau de malheur. Elle s'acquitte de sa mission d'assassin, non sans avoir préalablement négocié avec Redhart un dédommagement pour ce détour imprévu et pour s'être également chargée de l'acheminement d'une cargaison de fourrures pour le compte de l'entreprise Finken ; Redhart lui accorde volontiers une prime qui lui permet de voyager aux frais de son employeur.

 

Et voici la vidéo de ce compte rendu :

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai eu recours au morceau « The Awakening » de Nightmare Lodge (sur la compilation Ant-hology: The 5th Anniversary Compilation du label Ant-Zen), au morceau « Babel » de Lustmord (sur l’album The Word as Power), au morceau « Saltarello » de Dead Can Dance (sur l’album Aion), et (surtout) aux bandes originales des jeux vidéo The Elder Scrolls V : Skyrim et Darkest Dungeon. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Et voici l’enregistrement de cette séance :

C’est tout pour « Le Plus Vieux Rêve de Lôm ». Nous allons probablement jouer encore un dernier scénario de la gamme française officielle de Barbarians of Lemuria, avant de passer à Adventures in Middle-Earth. Et donc…

 

À suivre…

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CR Barbarians of Lemuria : Le Plus Vieux Rêve de Lôm (01)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Le Plus Vieux Rêve de Lôm (01)

Première séance du scénario « Le Plus Vieux Rêve de Lôm », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Arnaud Prié, et figure dans le supplément Chroniques lémuriennes, pp. 42-57.

 

L’illustration en tête d’article provient de ce scénario (p. 47), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Il y avait six joueurs, qui avaient déjà participé aux précédents scénarios, à savoir « Mariage amer », « Les Larmes de Jouvence », « Un ennui mortel » et « La Tour d’Ajhaskar ». Ils incarnaient Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 3 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 3) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 4 – Marchand 0 – Médecin 1 – Sorcier 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 1).

 

Voici le compte rendu de cette séance, sur la base des notes de Maître Nepuul Qomrax :

 

L'auberge

 

L'aventure commence dans l'auberge d'un petit village anonyme du Valgard, perdu au milieu des contreforts des montagnes de l'Axos. Redhart Finken est là pour récupérer une cargaison de peaux de mouffettes ; Nepuul, comme souvent, profite de l'occasion pour voyager « sous escorte », selon son expression ; il est à la recherche d'échantillons de roches granitiques qui présenteraient un certain potentiel alchimique. Narjeva a besoin de se renflouer après son exclusion du clergé de Nemmereth pour absences répétées ; forcée de reprendre ses activités d'assassin, elle a donc accepté à contrecœur de signer un contrat avec la compagnie Finken & Finken pour retrouver un mauvais payeur. Liu, accompagné de son ours Kuma, s'est joint à la caravane, tout comme le barde Kalev et l'archer Myrkhan.

 

Dès l'arrivée de ses compagnons dans la salle commune, trois heures auparavant, Nepuul s'était lancé, avec l'enthousiasme du néophyte qui ne doute de rien, dans un monologue abscons et prétentieux à propos des rituels d'invocation du Second Cercle qu'il aurait réussis récemment ; Kalev tente de couvrir ses paroles en chantant aussi fort que possible, mais, au grand dam de ses compagnons qui subissent depuis des jours cette logorrhée, l'apprenti sorcier ne semble pas s'en apercevoir, et parle naturellement plus fort, comme si son discours pédant pouvait intéresser qui que ce soit. Par chance, l'aubergiste se moque complètement de tout cela ; il faut dire que les aventuriers sont présentement ses seuls clients.

 

Vers le milieu de la journée, la porte de l'auberge s'ouvre brusquement. Une silhouette menue, emmitouflée dans d’épaisses fourrures, s'avance en titubant, et chute lourdement au sol. L'assistance est médusée, à l'exception de Nepuul qui ne s'est rendu compte de rien et poursuit son laïus ; mais Myrkhan, inquiet, le rappelle à l'ordre, et il se tait enfin. L'aubergiste est le premier à se précipiter vers ce voyageur mal en point, et commence par ôter sa capuche, révélant le visage d'une jeune fille qu'il reconnaît immédiatement : il s'agit de Joanna Lôm, la nièce de Zacharias Lôm. Elle paraît très faible, et n'a sans doute rien mangé depuis plusieurs jours. Sans attendre, avec l’assistance de son épouse, l'aubergiste fait installer la pauvre fille dans une chambre à l'étage.

 

Interrogé par les aventuriers, l'aubergiste leur parle de cette jeune fille qu'il apprécie particulièrement. Après la mort accidentelle de ses parents, Joanna s'est naturellement réfugiée auprès de son oncle Zacharias Lôm, un genre de savant. Tous deux occupent un fortin situé plus haut dans les montagnes de l'Axos, au niveau du Col Gelé. Il faut au moins trois jours pour rejoindre ce col à dos de kroark ou de parvalus, et le chemin est malaisé ; or Joanna est arrivée à pied. Pour qu'elle ait fait le voyage ainsi, au risque de mourir de faim, de froid et d'épuisement, il faut qu'il se soit produit là-haut quelque chose de très grave.

 

Vers un sauvetage d'urgence

 

Le lendemain matin, à l'heure du petit déjeuner, la jeune fille fait son apparition dans la salle commune. Elle paraît remise de son voyage précipité, grâce aux soins prodigués par l'aubergiste et son épouse ; mais sa panique est manifeste, et elle presse aussitôt les aventuriers de lui accorder leur aide. Elle semble réellement désespérée. La situation est critique : son oncle est en mauvaise posture, peut-être même est-il mort à l'heure qu'il est. Elle expose rapidement les faits : trois jours plus tôt, elle était dans la cour du fortin, quand des hommes-oiseaux – une bonne trentaine au moins – ont attaqué la tour ; ils n'avaient pourtant jamais eu de problème avec eux. À ce moment, son oncle travaillait dans son atelier, au dernier étage de la tour ; il était pris au piège, et elle n'a pu s'enfuir juste à temps, à dos de kroark, que parce qu'elle était près de l'écurie. Plus loin, elle a été attaquée par le légendaire mythunga, un oiseau gigantesque qui l'a obligée à abandonner sa monture ; c'est pourquoi elle a dû descendre à pied, en toute hâte, jusqu'à l'auberge. Narjeva et Redhart tentent d'en savoir plus sur les activités de Zacharias et de sa nièce : que peuvent-ils bien faire dans un lieu si reculé ? Après un temps d'hésitation, elle leur répond qu'elle aidait son oncle dans ses recherches sur les corbasses, une espèce d'oiseaux qui niche à proximité du col.

 

Il s'agit de partir immédiatement pour secourir Zacharias. L'aubergiste propose de vendre des parvalus aux aventuriers pour leur permettre de rejoindre le fortin au plus vite ; Redhart s'apprête à négocier leur prix, mais la femme de l'aubergiste s'interpose, scandalisée : un homme a besoin d'aide, et son mari ne songe qu'à faire des affaires ! Elle offre d'autorité les parvalus aux aventuriers, qui les acceptent volontiers : ces robustes chevaux paraissent en effet indispensables pour rejoindre le Col Gelé.

 

Sans plus attendre, les aventuriers rassemblent leur équipement, et partent à l'assaut des montagnes de l'Axos.

 

L’ascension vers le Col Gelé

 

Les aventuriers échangent avec Joanna tout au long du trajet ; elle est intarissable à propos des corbasses, et personne, à l'exception de Nepuul, n'est capable de suivre cet exposé qui relève de l'ornithologie de pointe.

 

L'ascension devient plus raide et malaisée : la route est encombrée d'éboulements, et se réduit par endroit en d'étroits défilés. Le deuxième jour, le groupe tombe sur le cadavre d'un kroark, que Joanna reconnaît aussitôt : c'est celui qu'elle a dû laisser cinq jours auparavant. Il a été en partie dévoré, ses os sont brisés, et il porte de multiples traces de griffures, très certainement infligées par le mythunga. Dans les fontes, qui contiennent surtout des provisions gelées, Joanna récupère un carnet de notes, qu'elle place dans sa propre sacoche. Plus tard, au bivouac du soir, elle accepte de prêter ce carnet, qui est celui de son oncle, à Nepuul. L'alchimiste y découvre de nombreux croquis anatomiques, tous dessinés par la même main experte. L'alchimiste ne comprend pas tout, mais s'aperçoit que la capacité de vol de ces créatures semble avoir particulièrement intéressé le savant ; Joanna confirme cette impression. La curiosité de Nepuul l'interpelle : il lui révèle sa qualité d'alchimiste ; mais il est frigorifié, ce qui le rend peu enclin à la conversation.

 

Redhart interroge à son tour la jeune fille pour en savoir plus sur la configuration des lieux entourant le fortin : celui-ci est essentiellement troglodyte, creusé directement dans la montagne, et flanqué d'une cascade à l'ouest ; le seul accès qui s'offre aux aventuriers est un étroit défilé au sud, qui débouche directement sur le rez-de-chaussée du fortin. Les hauteurs qui bordent le défilé abritent une colonie de plusieurs milliers de corbasses, et la jeune fille met en garde le groupe : ces oiseaux ne sont pas le moins du monde agressifs, mais ils n'ont pas l'habitude de voir passer des compagnies si nombreuses ; si le passage du groupe les perturbe, une seule corbasse pourrait provoquer l'envol massif de la colonie, ce qui attirerait inévitablement le terrible mythunga, dont le cri perçant se fait entendre par intermittence dans les montagnes environnantes...

 

Le défilé des corbasses

 

Au matin, le groupe se remet en route pour la dernière journée de voyage, et arrive rapidement au niveau du défilé, et donc de la colonie de corbasses. Joanna fait signe de s'arrêter à bonne distance. Elle descend de son parvalus, et commence à progresser plus lentement ; elle demande au groupe de faire de même, deux par deux. Nepuul lui emboîte le pas en tâchant d'imiter chacun de ses gestes ; suivent Narjeva et Myrkhan, puis Kalev et Liu ; Redhart ferme la marche. Tous redoublent de discrétion et passent sans encombre, malgré la tension palpable : contre toute attente, ils sont passés sans provoquer l'envol de la moindre corbasse, et échappent au mythunga !

 

À l'autre bout du défilé, les aventuriers aperçoivent le fortin : derrière le rempart à moitié effondré, la tour a manifestement été remise en état pour être rendue habitable. Kalev, Narjeva et Myrkhan avancent en éclaireurs, sans repérer aucun signe d'activité aux abords du fortin. Ils poussent la reconnaissance jusqu'au rempart nord ; au-delà, une étroite corniche borde la falaise, vers le nord-est. L'entrée de la tour paraît tout aussi déserte que ses environs immédiats, mais Myrkhan entend un grognement en provenance de l'écurie. Les aventuriers se réunissent, les armes à la main, et s'approchent de la porte entrebâillée, à travers laquelle Liu reconnaît le grognement d'un ours, qui a sans doute trouvé là un lieu confortable pour hiberner. Entrés dans l'écurie, les aventuriers se mettent en ordre de bataille. L'animal est imposant, et grogne de plus belle ; mais il est encore un peu somnolent, et sa charge contre Redhart est maladroite. Nepuul s'essaie à la magie, et lance de ridicules étincelles qui entament à peine le cuir de l'animal, mais n'empêchent pas le sorcier débutant de se rengorger ; les moulinets de la hache bien affûtée de Redhart et les coups précis portés par Narjeva blessent plus profondément l'animal, qui essuie une pluie de flèches en provenance de Kalev et de Myrkhan, tandis que Liu le frappe sans relâche de ses poings d'acier. Furieux, l'ours se retourne vers le dompteur du Khanat, mais se montre toujours aussi maladroit. Son cuir épais le rend toutefois particulièrement résistant, et les aventuriers doivent s'employer plusieurs minutes pour le terrasser ; mais après une dernière blessure infligée par le sabre de Narjeva, le crâne de l'ours éclate sous les poings de Liu.

 

La tour

 

Après avoir installé les parvalus dans la tanière redevenue écurie, le groupe accède à une cour intérieure, qui donne sur l'entrée de la tour au nord, laquelle est cependant barrée de l’intérieur ; vers l'est, une porte donne accès à la partie troglodyte du fortin, via une vaste pièce tenant lieu à la fois de cuisine et de réfectoire, avec une réserve au sud ; cette première pièce donne sur un couloir qui débouche sur l'habitat troglodyte à proprement parler. Une porte à gauche ouvre sur une armurerie désaffectée où Nepuul, animé par quelque nouvelle lubie, récupère une épée rouillée ; un peu plus loin, les geôles semblent tout aussi peu utilisées, à l'exception de la dernière… qui abrite un cadavre. Le cri de détresse de Joanna révèle sans ambiguïté l'identité du mort : il s'agit de son oncle Zacharias. Le cadavre ne présente aucune trace de blessures : enfermé depuis six jours, il est sans doute tout récemment mort de faim et de froid. Autour de lui, la cellule est parsemée de plumes : Nepuul, qui a bien observé les croquis de Zacharias, ne reconnaît pas le plumage des corbasses, et s'en ouvre à ses camarades : les hommes-oiseaux sont sans doute passés par-là. Joanna, qui s'est quelque peu reprise, remarque qu'un objet fait défaut : le collier que portait son oncle, qu'il avait toujours autour du cou, et dont elle possède elle-même une réplique exacte – on le lui a forcément volé. Elle se lève et prend la direction de la tour d'un pas décidé, tandis que Narjeva rend les derniers hommages au vieil homme.

 

Le rez-de-chaussée de la tour est une pièce à vivre sans grand intérêt ; Joanna ne s'y arrête pas, et se dirige en silence vers les étages supérieurs, talonnée par le reste du groupe. Le deuxième étage est une chambre qu'elle partageait avec son oncle. Sur un lutrin, Nepuul remarque un grimoire d'une rareté exceptionnelle, intitulé De l'art du lien invisible, qui mêle sorcellerie et alchimie. Cet ouvrage s'intéresse notamment à la fabrication d'objets permettant de communiquer d'esprit à esprit, voire de les contrôler ; il le glisse discrètement dans son sac, tandis que Joanna est déjà en route vers l'étage supérieur, où les aventuriers remarquent un établi de tanneur et une grande cheminée abritant une forge de précision, destinée à la fabrication de petits objets. Les corbasses sont omniprésentes, sous la forme de croquis anatomiques et de cadavres dans des cages ou dans des bocaux de formol. Les aventuriers devinent que Joanna ne leur a pas tout dit, et la pressent de s’expliquer ; elle leur fait signe de la suivre tandis qu'elle s'engage dans un escalier plus étroit qui mène au toit de la tour…

 

La Merveille

 

Une pure création alchimique y trône, produisant une forte odeur de formol : c'est un gigantesque oiseau artificiel, fabriqué avec la chair morte et les plumes d'une multitude de corbasses. Joanna le désigne comme « la Merveille », le chef-d’œuvre de son oncle, qui devait leur permettre de voler enfin, comme ils le désiraient depuis si longtemps. À y regarder de plus près, pendant que Joanna badigeonne les plumes du golem d'une substance destinée à éviter sa décomposition, les aventuriers remarquent une multitude de petits objets au sol : des baies dans de petits paniers, des gemmes précieuses... sans doute des offrandes apportées par les hommes-oiseaux. Nepuul examine le collier de Joanna, fabriqué récemment ; il le rapproche aussitôt du grimoire De l'art du lien invisible : le premier collier est censé servir au pilote, et le second doit être porté par la « Merveille ». Joanna précise qu'aucun essai de vol n'a encore pu être réalisé, faute de connaissances suffisantes sur les techniques appropriées, la connaissance du vent, etc. Nepuul, émerveillé par la prouesse scientifique réalisée par Zacharias Lôm, rassure Joanna sur un point : si le second collier est perdu, il se sait capable d'en fabriquer une réplique, à l'aide du grimoire et de l'exemplaire de la jeune fille ; toutefois, une telle opération nécessiterait plusieurs semaines de travail…

 

En attendant, il s'agit surtout pour Joanna de prendre soin de la Merveille, et pour les aventuriers de se préparer pour une éventuelle attaque des hommes-oiseaux. Redhart suppose en effet qu'ils viennent tous les jours rendre hommage au volatile, et propose d'attendre le matin pour les accueillir. Myrkhan tente d'améliorer les javelines et les hallebardes trouvées dans l'armurerie, mais le matériel dont il dispose est insuffisant, et ces armes resteront fragiles.

 

Nepuul se livre à un sortilège de Visions qui lui demande trois heures d'incantations étranges, de danses et de méditations, à l'aide d'une plume d'homme-oiseau trouvé dans la cellule de Zacharias. Ses compagnons l'observent, perplexes, puis finissent par s'en désintéresser ; mais contre toute attente, à l'issue de ce rituel interminable, il perçoit par fulgurances une scène qui s'est déroulée il y a un certain temps, dans les cachots du fortin : Zacharias y interroge longuement Oorea, une femme-oiseau, au sujet des techniques de vol. Nepuul court informer ses compagnons de ce revirement inattendu : Zacharias Lôm a donc séquestré cette femme-oiseau, et l'attaque de ses congénères visait sans doute d'abord à la libérer. Redhart est furieux : cela signifie que Joanna leur a au moins caché une partie de la vérité, et qu'elle est prête à tout, comme l'était son oncle, pour voler un jour sur le dos de la Merveille…

 

Et voici la vidéo de ce compte rendu :

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai eu recours au morceau « The Awakening » de Nightmare Lodge (sur la compilation Ant-hology. The 5th Anniversary Compilation du label Ant-Zen), et (surtout) aux bandes originales des jeux vidéo The Elder Scrolls V : Skyrim et Darkest Dungeon. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Et voici l’enregistrement de cette séance :

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CR Barbarians of Lemuria : La Tour d'Ajhaskar (03)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : La Tour d'Ajhaskar (03)

Troisième et dernière séance du scénario « La Tour d’Ajhaskar », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Vincent Basset, et figure dans le supplément Chroniques lémuriennes, pp. 76-101.

 

Vous trouverez la première séance ici, et la deuxième .

 

L’illustration en tête d’article provient de ce scénario (p. 96), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Il y avait six joueurs, qui avaient déjà participé aux premiers scénarios, à savoir « Mariage amer », « Les Larmes de Jouvence » et « Un ennui mortel ». Ils incarnaient Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 3 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 3) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 4 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 1).

 

Voici le compte rendu de cette séance, sur la base des notes de Maître Nepuul Qomrax :

 

Le village des Xaliir

 

Un chemin sinue dans la vallée vers le village, qui doit abriter deux cents personnes au maximum. Il faut environ une demi-heure pour le rejoindre par la route, mais, même si le village semble calme – à peine peut-on distinguer quelques silhouettes isolées d'habitants de petite taille et à la peau sombre qui passent nonchalamment d'une hutte à l'autre –, Redhart préfère le couvert des bois. Myrkhan et Narjeva partent en avant, suivi de près par le reste du groupe ; mais à l'approche du village, Kalev s'empêtre et chute lourdement : le groupe est repéré, et le village s'anime ; des hommes, des femmes et des enfants sortent des maisons et examinent les aventuriers de loin, avec perplexité. Dans leur étrange sabir, Nepuul reconnaît le mot « Xaliir », qui, dans la langue des Rois-Sorciers, signifie « esclave ».

 

Une vieille femme, qui semble détenir une certaine autorité sur les villageois, s'avance et interroge les aventuriers : ont-ils eux aussi été envoyés par le Maître ? Kalev, qui maîtrise relativement bien leur dialecte dérivé du lémurien ancien, sert d'interprète ; Redhart demande donc au barde de répondre que le groupe est envoyé par le Maître pour trouver Ajhaskar. La vieille femme semble impressionnée : depuis des générations sans nombre, les Xaliir attendent le retour du Maître, et bâtissent pour lui la demeure parfaite. Mais personne n'était encore venu, jusqu'à ces derniers jours...

 

Moins méfiante qu'au premier abord, elle coopère volontiers avec le groupe, et évoque un puissant mage, certainement Ajhaskar, qui est venu quelques jours auparavant, envoyé lui aussi par le Maître ; mais le village a été attaqué par les Démons de la Lune, venus de la carrière de marbre, des serviteurs ailés de la reine et déesse Labashaah, qui ressemblent à des hommes, mais affublés de grandes ailes semblables à celles des chauves-souris – ils seraient les enfants de Labashaah, laquelle, une fois par génération, les envoie lui chercher un amant dans le village des Xaliir... Le mage a fait la démonstration de ses pouvoirs, des éclairs jaillissant de ses mains pour anéantir les attaquants. Mais les villageois craignent que Labashaah désire se venger... Et ils ont demandé au mage de quitter le village pour leur laisser le temps d'amadouer la déesse, et de comprendre ce qui se passait. La vieille femme indique le chemin à suivre pour le retrouver, et propose les services de Rirtu, un jeune garçon qui mènera le groupe à travers la forêt qui entoure le village.

 

Nepuul comprend que les Xaliir ne peuvent pas quitter cette vallée : quel que soit le chemin qu’ils prennent, il les ramène systématiquement à leur point de départ. Perplexe, l’alchimiste remarque, sur l'épaule de chaque villageois, une rune démonique évoquant l'esclavage, qu'il avait déjà observée dans la copie du Codex d'Yggdar empruntée au premier étage de la tour d’Ajhaskar : cette rune démonique exprime l'idée d'emprisonnement.

 

Avant de quitter le village, les aventuriers examinent les cadavres des monstres qui l'ont attaqué, et que les Xaliir ont jeté dans une fosse commune : les Démons de la Lune ressemblent à des chauves-souris vaguement humanoïdes. Les Aînés de Labashaah sont les plus imposants : le moindre coup infligé par leurs puissantes griffes paraît capable de provoquer de graves blessures. Les Rejetons de Labashaah, beaucoup plus petits, semblent relativement inoffensifs pris un par un, mais, s'ils s'organisent en nuées, leurs attaques pourraient s'avérer autrement préoccupantes. Tous les cadavres présentent des traces de sévères brûlures, conséquences de la puissante magie d'Ajhaskar.

 

La clairière

 

Le groupe se laisse guider par le jeune Rirtu, dont les explications, noyées dans un bavardage incessant, ne clarifient pas vraiment la situation ; il indique tout de même que sa propre sœur, Nyssa, qui n'est sans doute pas insensible aux charmes de Robos, l'apprenti du mage, a mené les deux hommes jusqu'à une clairière bien connue des Xaliir, où coule une cascade d'eau claire.

 

À peine arrivés sur place, après quelques heures de marche, les aventuriers remarquent Ajhaskar : assis près de la cascade, impressionnant, il est entouré de Robos et de Nyssa, qui sont visiblement très proches ; la jeune femme toise le groupe avec méfiance, prête à encocher une flèche. Redhart se hâte de saluer le mage avec jovialité, ragaillardi à l'idée de remplir enfin son contrat. L'ombrageux Ajhaskar, étonné que des aventuriers soient parvenus à déjouer les pièges de sa tour, les sonde un à un, puis leur fait une offre : le seul moyen de quitter cette vallée est d'abattre Labashaah, un démon autrefois au service du Roi-Sorcier Shrinazor Shamaaraz, et qui, en son absence, a décidé de se faire passer pour une déesse. Robos semble tiquer quand son maître souligne qu'il n'existe aucun autre moyen de quitter la vallée ; cette réaction n'échappe pas à ses interlocuteurs, qui tentent d'en savoir plus ; mais le mage refuse de leur livrer le véritable motif de sa présence en ces lieux.

 

Le groupe décide de passer le reste de la nuit sur place. Pour laisser à Kalev le temps d'interroger plus précisément Robos hors de l'influence de son maître, Nepuul tente de faire diversion en engageant le dialogue avec Ajhaskar. Le sorcier, agréablement surpris de se retrouver avec un initié, sympathise volontiers avec l'alchimiste, et lui dévoile certains secrets liés au Codex d'Yggdar ; c'est un véritable puits de science, et la conversation se prolonge bien au-delà des espérances de Nepuul. Ajhaskar va jusqu'à lui proposer, quand ils auront quitté la vallée, de devenir son apprenti : un alchimiste de son niveau gagnerait énormément à s'initier à la magie. Pendant ce temps, Kalev tâche de soutirer des informations à Robos sur un éventuel code qui permettrait un retour à Lysor, sans avoir à affronter Labashaah ; mais Robos semble trop loyal (ou trop effrayé par le sort réservé à Nyssa comme à lui en cas de trahison) pour se confier, et le barde n'en apprend pas davantage.

 

La carrière

 

Nyssa a congédié Rirtu, mais suit elle-même le groupe vers le repaire de Labashaah, tout comme Robos et Ajhaskar. Ce dernier a proposé à trois aventuriers une protection magique contre les sortilèges de la prétendue déesse : Nepuul, Redhart et Liu sont désignés pour en bénéficier.

 

La carrière est déserte, tout comme l'entrée de la grotte au fond de laquelle est censée se terrer Labashaah. Les aventuriers hésitent à y entrer, mais la configuration des lieux semble peu propice à une tentative d'enfumage ; après quelques tergiversations, ils optent pour l'entrée discrète. Redhart ouvre la marche, suivi de Narjeva, Kalev, Nepuul, et Myrkhan ; Liu vient en dernier, suivi à distance par Ajhaskar et Robos ; Nyssa reste à l'extérieur.

 

Une première pièce plus vaste que le boyau d'entrée semble n'abriter que des caisses et des tonneaux abandonnés ; mais, un peu plus loin, le groupe affronte une première nuée de Rejetons de Labashaah. Une flèche meurtrière de Kalev, un moulinet de la hache de Parsool de Redhart ou un coup de poing de Liu suffisent à les anéantir ; mais les Aînés qui se présentent ensuite se montrent autrement plus coriaces, et si Redhart parvient à pourfendre le premier d'un coup de hache bien placé, Narjeva est mise à mal, et doit s'employer, avec l'appui à distance de Kalev et de Myrkhan, pour en mettre un deuxième hors d'état de nuire. Redhart hurle à ses camarades de rester en arrière : les créatures affluent vers le groupe ! Quatre Aînés font face à Liu et à Narjeva, et les nuées de Rejetons s'épaississent... Nepuul demande à Narjeva de reculer pour qu’il la fasse bénéficier de ses soins ; tandis que Redhart s'occupe des Rejetons qui menacent l'arrière du groupe,  Liu s'interpose pour couvrir sa retraite, mais se retrouve isolé au milieu de quatre Aînés qui le malmènent. Un essaim plus large de Rejetons s'en prend à Redhart et commence à le déborder... C'est alors qu'intervient Ajhaskar, qui était jusque-là resté en retrait : Narjeva et Liu esquivent de justesse l'éclair qui désintègre un Aîné (le sorcier, de toute évidence, n'est pas du genre à se soucier des dommages collatéraux...), tandis que le colosse du Khanat, blessé, entre dans une rage destructrice, et parvient à tuer coup sur coup deux des ennemis qui le harcèlent. Le combat se poursuit sur un seul front, Ajhaskar ayant réduit à néant les derniers Rejetons qui retenaient Redhart à l'arrière. Les deux robustes guerriers font face à quatre adversaires imposants qui coordonnent leurs attaques. Le barde décoche une flèche enflammée qui blesse l'adversaire direct de Liu ; ce dernier l'assomme d'un coup de tête, tandis que Redhart et Narjeva contre-attaquent : le groupe reprend le dessus sur ses assaillants, et le dernier Aîné tombe sous les coups redoublés des aventuriers, non sans avoir sévèrement blessé Redhart.

 

Labashaah

 

Nepuul a à peine le temps d'administrer son dernier onguent de soin à Redhart pour le remettre sur pied : la déesse des Xaliir, Labashaah, apparaît devant les aventuriers ! Le démon semble presque invulnérable : les premières attaques ne lui font aucun effet. Liu sollicite l'aide d'Ajhaskar, qui lui rend une partie de sa force vitale. Redhart et Narjeva font face au démon, dont les griffes plus tranchantes que des éclats de verre atteignent le marin. Mais une flèche de Myrkhan perce enfin ses défenses ; Kalev, enhardi par cette belle réussite, lui décoche un trait enflammé qui la blesse encore davantage. Nepuul, en revanche, se révèle toujours aussi malhabile avec son bâton – c'est à se demander s'il a compris qu'il s'agissait d'une arme ! Labashaah met Narjeva en fâcheuse posture ; mais une nouvelle flèche de Myrkhan atteint l’œil de la déesse, et la tue.

 

L'alchimiste prodigue ses soins à ses camarades, tandis que Kalev et Myrkhan décident d'explorer la pièce suivante… où les attend une dizaine de momies qui s'animent très lentement : les amants de Labashaah ! En vérité, ces créatures sont d'une telle lenteur qu'il suffit aux aventuriers de marcher vers la sortie pour être hors de danger...

 

Ajhaskar, Nyssa et Robos les attendent à l'extérieur. Nyssa a pris ses distances avec Robos ; le mage, quant à lui, est visiblement satisfait, et s'apprête à rentrer à Lysor. Il dit envisager, à la demande du groupe, de libérer les Xaliir de l'emprise du Roi-Sorcier.

 

Épilogue

 

De retour à Lysor, Ajhaskar s'apprête pour son audience auprès du roi Colmus, et quitte enfin sa tour, suivi de l'ensemble du groupe qui traverse sans encombre le champ de protection enfin levé.

 

Comme promis, le capitaine Dramik verse aux aventuriers une forte somme d'argent. Après tout, personne, avant eux, n'avait pu mener à bien cette périlleuse mission, ni même sortir vivant de la tour d'Ajhaskar... Comme quoi, marmonne le capitaine dans un soupir en suivant des yeux les cinq compagnons, la cellule de dégrisement recèle parfois un potentiel insoupçonné.

 

Et voici la vidéo de ce compte rendu :

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai eu recours aux morceaux de Lustmord « Aldebaran of the Hyades » (sur l’album The Place Where the Black Stars Hang) et « Babel » (sur The Word as Power), au morceau « bassAliens » de Sunn O))) (sur l’album White2), au morceau « Saltarello » de Dead Can Dance (sur l’album Aion), à la bande originale du film Apocalypto de Mel Gibson par James Horner, et (surtout) aux bandes originales des jeux vidéo The Elder Scrolls V : Skyrim et Darkest Dungeon. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Et voici l’enregistrement de cette séance :

C’est fini pour « La Tour d’Ajhaskar ». Mais nous allons jouer sous peu un cinquième scénario de la gamme officielle de Barbarians of Lemuria. Et donc…

 

À suivre…

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CR Barbarians of Lemuria : La Tour d'Ajhaskar (02)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : La Tour d'Ajhaskar (02)

Deuxième séance du scénario « La Tour d’Ajhaskar », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Vincent Basset, et figure dans le supplément Chroniques lémuriennes, pp. 76-101. Le compte rendu de la première séance se trouve ici.

 

L’illustration en tête d’article provient de ce scénario (p. 87), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Il y avait six joueurs, qui avaient déjà participé aux premiers scénarios, à savoir « Mariage amer », « Les Larmes de Jouvence » et « Un ennui mortel ». Ils incarnaient Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 3 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 3) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 4 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 1).

 

Voici le compte rendu de cette séance, sur la base des notes de Maître Nepuul Qomrax :

 

La cave (suite)

 

L’aventure reprend en plein combat contre un xolth, toujours vivant malgré la blessure importante que lui a infligée Redhart. La créature s'avère étonnamment résistante, notamment aux attaques à distance, et pourrait bien engloutir tout le groupe sans sourciller, en commençant par Redhart, toujours au corps-à-corps. Liu tente d'amadouer l'animal et le repousse à l'aide d'une torche qu'il a récupérée près de la noria. Maintenant qu'il y repense, Nepuul le crie à ses camarades : les xolths ont peur du feu. Quelques coups bien placés de Narjeva, Myrkhan et Kalev finissent le travail commencé par Redhart, et le xolth disparaît au fond de l'étang souterrain.

 

Maintenant que la tension est redescendue d'un cran, les aventuriers s'intéressent de plus près à la noria actionnée par le squelette, qui se passe régulièrement la main sur le front et semble accomplir cette tâche depuis des années, voire des décennies ; Narjeva croit déceler dans son attitude une certaine souffrance, bien qu'il ne réagisse à aucune interpellation. La prêtresse de Nemmereth s'approche encore davantage, et formule une prière pour le repos de cette âme suppliciée, dont l'effet ne se fait pas attendre : le squelette s'éparpille au sol, et la noria s'arrête.

 

Le groupe remonte au rez-de-chaussée et, après un court échange avec les serviteurs terrifiés, se dirige vers le premier étage, où est supposé se terrer le démon Krulak.

 

Le premier étage