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Patient 13

Publié le par Nébal

Patient 13

Patient 13 (édition Blouse Blanche), Mister Frankenstein, 2015, 164 p.

 

Patient 13 est un jeu de rôle signé Anthony « Yno » Combrexelle, qui fut un temps publié par John Doe. Il est revenu tout récemment avec cette « édition Blouse Blanche », qui marque un retour à l’indépendance, j’imagine. Les modifications sont essentiellement cosmétiques par rapport à la précédente édition. Cela dit, puisque l’on cause de cosmétique, on signalera ici l’aspect très « pro » de la bête, joliment mise en page et bien servie par des illustrations et autres gimmicks à base de sentences absurdes à la typographie dénaturée, qui plongent immédiatement le lecteur dans l’ambiance remarquable de ce jeu tout de même bien perturbant.

 

J’avais déjà entendu parler de Patient 13 dans sa précédente édition, et il me faisait sacrément de l’œil… Ce jeu, en effet, adopte pour cadre un bien étrange hôpital psychiatrique, coupé du reste du monde (si tant est que le reste du monde existe). Les Patients y aboutissent sans savoir pourquoi, et ne pourront jamais le quitter… Riche d’enthousiasmantes références très diverses et dans tous les médias, Patient 13 propose ainsi de jouer dans une atmosphère de huis-clos étouffant, où les notions de folie et de réalité s’entrechoquent sans cesse pour plonger les joueurs, qui sont autant de patients, dans la démence la plus horrible (le personnel de l’hôpital – le Directeur qui n’est connu que sous cette désignation, les Supérieurs qui font office de médecins pour les patients, et les Blouses Blanches apathiques, voire zombifiques, qui les gendarment –, bien loin de chercher à les guérir, cultive cette folie…).

 

Bien évidemment, il s’agit là d’une conception totalement fantasmée de l’hospitalisation psychiatrique : Patient 13 est un jeu d’horreur pleinement assumé, qui joue des clichés et préconçus en rapport avec ce thème pour malmener les joueurs (non, pardon, leurs personnages) dans un enfer aseptisé d’où ils ne parviendront jamais à sortir ; il abonde cependant en idées clairement fantastiques, et son ambiance est avant tout « weird ». Sous cet angle, Patient 13 n’a donc aucune prétention au réalisme – et c’est bien normal. Il use cependant avec astuce de certains renvois au réel (via le règlement intérieur, les consultations, les prises de médicaments, les sanctions, etc.), qui contribuent grandement à sa réussite (l’ambiance y est essentielle, c’est même à mon sens sa plus grande qualité), mais qui peuvent aussi poser problème à certains joueurs… dont votre serviteur.

 

Je ne vais pas m’étendre ici sur le sujet, ce n’est pas le lieu, mais je suis hélas passé par un certain nombre d’hospitalisations en psychiatrie qui, sans être cauchemardesques – ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, un vrai hôpital psychiatrique n’a bien évidemment rien à voir avec l’institution horrifique ici décrite –, ont néanmoins laissé des traces. Les thématiques traitées par Patient 13, en même temps, m’ont toujours fasciné, que ce soit en littérature, au cinéma, que sais-je encore, ce qui a bien sûr joué dans mon acquisition du jeu… Sans me croire totalement blindé (après tout, dans un genre différent, j’avais été un peu affecté par Mnémosyne, dont j’ai apprécié la lecture mais auquel je ne jouerai probablement jamais), je supposais que la distance ludique, la distorsion par rapport au réel, tout ça, me permettraient de lire la chose sans états d'âme malvenus – voire en m'en amusant (c'est un jeu, après tout...). Mais le fait est, bizarrement, que la lecture de Patient 13 m’a chatouillé à l'occasion, en renvoyant malgré tout à un certain vécu… Cela peut paraître absurde, j’imagine, mais, pour une fois, l'avertissement de la première page concernant les précautions à prendre en y jouant, et déconseillant ce jeu aux « personnes instables ou sensibles », n'est probablement pas gratuit, aussi dingue (aha) que ça puisse paraître… Il vaut mieux, très probablement, que je n’y joue jamais, que ce soit en tant que Docteur (maître de jeu) ou Patient (PJ).

 

Et pourtant j’en crève d’envie… Parce que la lecture de Patient 13 m’a vraiment convaincu : je suis persuadé de l’excellence de ce jeu. Le système m’a pourtant laissé relativement froid : très simple, il repose pour l’essentiel sur quelques traits pouvant influencer les actions (on jette 3d6, on modifie éventuellement le dé intermédiaire du fait d’un trait approprié, on compare le résultat à un seuil), et des jauges (Lucidité, Sang-froid, Vitalité) qui bougent en permanence. Ça tourne probablement, mais sans m’enthousiasmer plus que ça, à la lecture tout du moins ; c’est un peu tordu, par ailleurs, mais j’imagine que ça peut se justifier par les principes fondamentaux du jeu…

 

Le véritable intérêt est ailleurs, dans une ambiance remarquable qui fait tout le sel du produit. Les points du règlement, qui ont une incidence directe dans le jeu (la prise de médicaments, par exemple) sont tout à fait pertinents, et n’ont absolument rien de gratuit. La description de l’asile est par ailleurs fort bien faite, complète sans être exhaustive, histoire de laisser de la place aux inventions du Docteur et des Patients, mais suffisamment inspirante pour garantir bien des heures de jeu en l’état. Mais je me suis surtout régalé à la lecture des trois chapitres présentant un certain nombre d’habitants de l’hôpital (personnel, patients… et autres) : ça déborde littéralement d’idées, à un point que je crois avoir rarement constaté dans quelque jeu de rôle que ce soit.

 

Et surtout, tout cela ne se contente pas d’être d’une richesse impressionnante pour un format aussi relativement resserré : la moindre ligne ou presque suscite des émotions fortes, de fascination et de malaise éventuel, et plus généralement de peur ; j’ai pas mal pratiqué l’horreur en jeu de rôle – genre délicat tant les risques sont grands de passer à côté de l’effet recherché –, mais je ne crois pas avoir jamais lu un bouquin de jeu aussi véritablement effrayant et perturbant avant Patient 13. Franchement. Bon, mon ressenti particulier joue peut-être, hein…

 

Le livre se conclut sur une « thérapie » (campagne) intitulée « Thanatos », composée de treize (forcément, il y a toute une symbolique autour de ce nombre récurrent) « séances ». La première est un peu plus détaillée que les suivantes, mais surtout en ce qu’elle montre comment mettre en œuvre les divers conseils donnés précédemment pour plonger les joueurs dans l’univers inquiétant de l’hôpital… Du beau boulot là encore, avec des moments impressionnants : les idées fusent, décidément, et elles sont généralement très bonnes. Par contre, j’ai l’impression que le Docteur doit avoir une certaine expérience pour bien gérer ce cadre, et les joueurs aussi probablement (le côté « bac à sable » est à noter, et le jeu, s’il bénéficie ici de trames qui sont amenées à se rejoindre, repose tout de même beaucoup à mon sens sur les interactions entre joueurs et avec les PNJ, ce genre de choses ; il faut sans doute être en mesure de créer une atmosphère de « quotidien » au-delà de la seule résolution d’énigmes et d’enquêtes).

 

Et donc voilà : Patient 13 est vraiment un excellent jeu, d’une richesse étonnante, et bénéficiant d’une ambiance absolument superbe. Mais je n’y jouerai probablement jamais… quand bien même c’est très frustrant. Je suppose que je ne suis pas le seul dans ce cas, bien sûr, et c’est bien pour cela que j’évoque ce problème : tout le monde ne peut probablement pas y jouer…

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Star Wars : L'Ere de la Rébellion : Livre de règles

Publié le par Nébal

Star Wars : L'Ere de la Rébellion : Livre de règles

Star Wars : L’Ère de la Rébellion : Livre de règles, Edge, [2015], 456 p.

 

L’Ère de la Rébellion est le deuxième jeu de la nouvelle trilogie (forcément) Star Wars chez FFG (et en français chez Edge). Le premier était Aux confins de l’Empire, que j’avais évoqué quand j’avais lu son Kit d’initiation plutôt bien fait, et qui proposait de jouer grosso merdo des contrebandiers dans les systèmes les plus éloignés de Coruscant et compagnie (l’histoire débutant juste après la bataille de Yavin IV qui clôt Un nouvel espoir ; c’est toujours le cas ici) ; le troisième, Force et destinée, se consacrera aux Jedis (et est probablement du coup celui qui m’intéresse le moins, encore qu’il s’agisse peut-être de préjugés de ma part). J’avais certes commencé par jeter un œil à Aux confins de l’Empire, et m’en étais même procuré, d’occasion, le gros livre de base ainsi que le Kit du Maître de Jeu ; cependant, en définitive, je trouvais que Star Wars brillait surtout par son immense et baroque conflit militaire à l’échelle d’une galaxie (lointaine, très lointaine), ce qui m’a amené à me procurer également ce Livre de règles de L’Ère de la Rébellion, et à commencer ma lecture approfondie par là… tout en râlant, bien sûr, du fait de cette politique un peu douteuse de FFG consistant à multiplier les jeux centrés sur une thématique particulière, alors que, il y a longtemps, très longtemps, un seul bouquin nettement plus condensé permettait de se lancer dans tous types d’aventures… Mais j’avais déjà évoqué, en traitant du Kit d’initiation d’Aux confins de l’Empire, ma relation particulière au vieux Star Wars d6.

 

Ceci étant, même centré sur la seule thématique de la Rébellion, ce Livre de règles est gros. Très gros. Parfois absurdement gros. Et il est lourd. Très lourd. À tel point que ma première réaction, en cours de lecture, a été : « PUTAIN J’AI MAL AUX BRAS ! » J’ai décidément de plus en plus de mal avec ces énormes bouquins peu maniables, a fortiori s’ils débordent de règles (si c’est du background, OK, je suis généralement demandeur) ; or, ici, c’est bien essentiellement de règles qu’il s’agit. Il faut cependant reconnaître qu’un effort conséquent a été fait en matière de pédagogie, qui joue sans doute dans le poids final de ce livre : le système – un peu déconcertant de prime abord, avec ses dés spéciaux – est dans l’ensemble clairement expliqué, et détaillé – parfois à l’extrême cependant, puisque toutes les éventualités ou presque sont envisagées, le livre foisonnant d’exemples de constitutions de réserves de dés, avec interprétations à la clef.

 

Ici, finalement, je ne peux pas vous apprendre forcément grand-chose de plus que ce que j’avais déjà dit en traitant du Kit d’initiation d’Aux confins de l’Empire (puisque, à quelques très rares exceptions près, le système est le même, et parfaitement compatible). On retrouve donc ces sept dés spéciaux, chacun d’une couleur particulière : trois « bons » dés (Aptitude – vert –, Maîtrise – jaune –, Fortune - bleu), trois « mauvais » dés (Difficulté – violet –, Défi – rouge –, Infortune – noir), et en prime un dé (blanc) de la Force à l’usage beaucoup plus rare. Les dés de Maîtrise sont des dés d’Aptitude « améliorés », et il en va de même pour les dés de Défi par rapport aux dés de Difficulté. La constitution de la réserve de dés est assez clairement expliquée, même si elle est sans doute trop détaillée à l’occasion (pour des règles « spéciales » dont on peut régulièrement se passer ; le chapitre sur les vaisseaux spatiaux et le combat spatial, très développé, est sans doute celui où cela devient le plus étouffant ; en même temps, c’est du Star Wars, certes, on s’attend donc à des combats spatiaux bien léchés…). Par ailleurs, ces dés ne sont pas chiffrés, mais comportent des symboles (dont le déchiffrage peut éventuellement ralentir le jeu, dans les premières parties tout du moins, je suppose) ; là encore, on en trouve trois « positifs » (Succès, Avantage, Triomphe) et trois « négatifs » (Échec, Menace, Désastre). L’idée, en gros, est que les Succès et les Échecs d’une part, et les Avantages et Menaces d’autre part, se compensent (Triomphe et Désastre jouant plus ou moins le rôle de « critiques ») ; s’il reste un Succès au moins, l’action est réussie, sinon elle est ratée ; mais, au-delà, les Avantages et les Menaces décident, que l’action soit réussie ou pas, d’effets secondaires « narratifs », qui permettent probablement de donner davantage de couleur aux scènes d’action (notamment ; elles sont bien évidemment essentielles ici, c’est du Star Wars, hein – bis). Ce système m’avait pas mal séduit quand je l’avais découvert (nettement moins développé, bien sûr) dans le Kit d’initiation d’Aux confins de l’Empire ; c’est toujours le cas aujourd’hui, sans l’avoir encore testé il est vrai, et malgré les chipotages intimidants qu’il entraîne à l'occasion. Mais il demande sans doute une prise en main plus ou moins délicate, et nettement moins intuitive qu’un bête d100, pour faire dans le jour et la nuit…

 

Les spécificités de L’Ère de la Rébellion, outre le background particulier de l’affrontement galactique, portent sans doute sur la création de personnages (même si, dans les grandes lignes, on y retrouve bien entendu les principes d’Aux confins de l’Empire). On trouve huit Espèces jouables (ce qui inclut les droïdes et les humains) ; j’aurais envie de dire « seulement huit », eu égard au foisonnement des films et compagnie en la matière, ce qui est un peu décevant peut-être (bon, je ne doute pas que des suppléments à venir étendront les possibilités, et c’est peut-être déjà le cas dans les autres sous-gammes…) ; ces Espèces déterminent les caractéristiques de base, et le nombre de points d’expérience dont bénéficie d’emblée le personnage. On choisit ensuite une Carrière (As, Diplomate, Espion, Ingénieur, Soldat, Stratège), chacune de ces Carrières se décomposant ensuite en trois Spécialités (par exemple, l’As peut être Artilleur, Fonceur ou Pilote), qui permettent d’introduire un peu de variété là où on pouvait craindre qu’il n’y en ait pas tant que ça (il faut en outre y ajouter la Spécialité « Recrue », qui consiste en une formation militaire de base, et qui est accessible à tous les personnages, et celle d’ « Aspirant de la Force » pour les – rares – personnages qui y sont sensibles – il y a un tout petit chapitre sur la Force plus loin dans l’ouvrage, même si on est bien entendu dans une optique très différente de celle de Force et destinée). Les Spécialités déterminent dès lors une arborescence de Talents, qui sont autant de traits particuliers, souvent très précis dans leur utilisation (et peut-être trop ?). Un personnage peut par ailleurs, avec de l’expérience, développer plusieurs Spécialités, y compris en dehors de sa Carrière (sauf erreur). Tout cela donne des profils finalement assez variés… même si je crains un peu une tendance à la bourrinade, inhérente sans doute au caractère de jeu d’action et d’aventure qui colle à Star Wars (ce qui débouche d’ailleurs sur un scénario d’introduction, en fin d’ouvrage, qui me paraît plutôt foireux, la vague enquête du départ débouchant en principe sur une infiltration, mais qui fait bien vite parler les blasters, et tant pis pour la subtilité…). Notons aussi quelques aspects des personnages qui viennent les singulariser sur un plan narratif cette fois, comme des Motivations, et – dans le cadre spécifique de la Rébellion – des Devoirs et une Contribution à l’Alliance qui ont davantage de conséquences en matière de règles.

 

On a ici l’essentiel, même s’il faut dès lors le compléter avec des chapitres assez lourds car très techniques et pointilleux, notamment en ce qui concerne le matériel (bon, surtout des armes, hein, même si pas que) et les véhicules, notamment spatiaux (donc).

 

Le jeu, pris dans sa globalité, bénéficie de quelques idées relativement originales (et souvent enthousiasmantes, sur le papier en tout cas), qui viennent ainsi nuancer ses mécanismes autrement très traditionnels. Il y a cependant quelques vrais ratés à mon sens… Au-delà de ce que j’ai pu dire du nombre d’Espèces et des Carrières et Spécialités pas forcément si variées que ça (même si l’on peut sans doute dépasser ce problème avec un peu d’application), le gros souci à mon sens porte surtout sur les Compétences ; elles sont peu nombreuses, dans l’ensemble (enfin, on a vu bien pire, quoi), mais je leur reproche un certain manque de clarté (sur un plan intuitif, disons), et d’éventuelles redondances d’autant plus paradoxales : pour donner un exemple, il me paraît parfois délicat de déterminer les différences entre des Compétences telles que Calme et Sang-froid, ou plutôt l’intérêt de les distinguer ; or c’est d’autant plus gênant que l’usage de l’une ou de l’autre peut déterminer l’initiative dans une scène de combat...

 

(Je ne vais cependant pas m’étendre ici sur ce sous-système, qui découle largement de la mécanique générale, malgré quelques spécificités inévitables – et des conséquences parfois étranges, comme cette table des blessures critiques nécessitant un d100…)

 

Au final, ce Livre de règles de L’Ère de la Rébellion se révèle tantôt enthousiasmant, tantôt lourdingue à force de précision (et lourd tout court aussi, donc). Il me donne cependant l’impression d’introduire des principes qui valent le coup d’être testés. Et puis, bien sûr, il y a l’univers si séduisant de Star Wars… même si, contrairement peut-être à mes préconçus, il n’est finalement pas garanti que le jeu dans cette perspective d’affrontement entre un Empire immense et surpuissant et une Alliance rebelle en nette position d’infériorité soit l’approche la plus pertinente à terme. Faut voir…

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La Cité Sans Nom

Publié le par Nébal

La Cité Sans Nom

La Cité Sans Nom, Gobzink, [2013], 57 p.

 

J’ai lu, et encore tout récemment d’ailleurs, par exemple avec Chroniques Oubliées Fantasy ou encore Brigandyne, un certain nombre de bouquins de jeux de rôle fondés uniquement sur un système générique, et délaissant totalement le background. Pourtant, le background est souvent déterminant pour me donner envie d’acheter, puis lire, puis jouer un jeu… La Cité Sans Nom (rien à voir avec la nouvelle de Lovecraft éponyme), œuvre du sieur Islayre d’Argolh (assisté de Millenium Jones et de l’inévitable John Grümph pour mettre en image tout cela), prend le contrepied des bouquins que j’évoquais à l’instant, puisqu’il s’agit d’un setting entièrement dénué de règles. Idée me bottant bien a priori… Et comme j’avais lu ici ou là quelques retours plutôt favorables, je me suis dit que ça pouvait valoir le coup de lire la bête (un peu chère, par ailleurs, mais bon…).

 

La Cité Sans Nom a probablement une base médiévale-fantastique « classique » (avec des elfes, des nains, des orques…), mais se déploit en un déconcertant patchwork mêlant genres et époques (on y trouve par exemple des éléments victoriens voire steampunk, d’autres renvoyant au Grand Siècle, ce genre de choses). C’est un cadre urbain (sans déconner ?), mais poussé à l’extrême dans un sens, puisqu’il n’y a pas d’arrière-pays (ce qui a des conséquences intéressantes quant aux subsistances). En effet, cette ville, à l’origine plus ou moins incertaine (les secrets de la dernière partie du livre en disent quelque chose, mais de manière assez cryptique – peut-être un peu trop, d’ailleurs), constitue « un univers à elle toute seule, un demi-plan cauchemardesque de quelques centaines de kilomètres carrés perdus dans le brouillard des limbes ». Au-delà de la Cité, il n’y a rien, et il est par ailleurs impossible de la quitter… Islayre d’Argolh, avant de rentrer dans le vif du sujet, cite bon nombre d’inspirations, très diverses et généralement de bon goût (je note par ailleurs que le livre est chargé de clins d’œil, dont on aurait peut-être parfois – souvent ? – gagné à se passer, tant ils se montrent trop appuyés…) ; parmi les influences rôlistiques figure notamment Planescape ; mais, à tout prendre, La Cité Sans Nom m’a surtout fait penser à Ravenloft, tant pour cette idée de plan « à part » entouré de brumes que pour son côté patchwork, l’ambiance relativement horrifique en rajoutant une couche…

 

Après quelques considérations générales, tenant par exemple à l’économie, la technologie ou encore la religion (aspects très importants, à bien appréhender pour gérer au mieux les particularismes de la Cité), on en vient à la description de la ville, découpée en quartiers : on découvre ainsi, tout d’abord, ceux par lesquels les gens aboutissent à la Cité, sans espoir de pouvoir en repartir un jour, les Quais d’un côté, les Portes de l’autre (avec un train bien énigmatique, circulant en boucle dans un désert infini). On passe ensuite aux souterrains, où l’on trouve au premier chef une Cour des Miracles très puissante, mais aussi – forcément – des nains d’un côté, des elfes noirs de l’autre… sans oublier tout un royaume de morts-vivants, et la présence insidieuse et terrifiante de Carnaval, chaos incarné qui se lâche un « jour » (façon de parler…) par an dans la Cité. Suivent les cinq quartiers essentiels de la ville, chacun ayant à sa tête un archimage, et tous ces archimages se frittant la gueule entre eux, comme de juste. Reste enfin… la lune, toujours pleine et immobile dans la nuit perpétuelle de la Cité, et qui abrite un manoir très versaillais. Les descriptions de ces divers quartiers sont fort bien faites, allant à l’essentiel sans négliger l’ambiance ; considérations générales, lieux et personnages permettent de se faire rapidement une idée de la zone et de son potentiel. Une assez bonne idée : les endroits et personnages cités sont repris en marge avec l’indication de la page où ils sont évoqués ; un index aurait sans doute été plus simple, mais c’est assez pratique tout de même.

 

Un problème toutefois, à ce stade : je n’ai pu m’empêcher de trouver que cette Cité Sans Nom manque quelque peu de personnalité… ou d’âme. Le côté patchwork, les références multiples et parfois trop voyantes, s’associent pour donner l’impression d’une « compilation » qui n’a de cohérence qu’à grand peine (si tant est qu’elle en a une) ; mais le problème est surtout que ces éléments empruntés ici ou là… sont souvent d’une banalité un peu regrettable, je trouve. Les idées les plus originales, et du coup les plus à même de conférer une personnalité au setting (par exemple le train des Portes, le manoir sélénite, ou encore – mais là on rentre dans les secrets de la dernière partie – ce qui est dit de l’écoulement du temps et les soubassements de la religion dans la Cité), sont un peu noyés à mon sens dans une abondance de lieux communs fantasy (surtout) ou vaguement steampunk… Il y avait sans doute là une ambition assez compréhensible, visant à rendre ce cadre aisément adaptable à tout jeu de fantasy ou truc, mais le résultat ne m’en a pas moins paru décevant à cet égard, dans son accumulation de clichés, en porte-à-faux à mon sens avec l’ambiance générale, autrement prometteuse. La Cité Sans Nom, à bien des égards, n’a dès lors qu’une singularité de surface, et c’est tout de même assez regrettable.

 

Le dernier chapitre, consacré essentiellement aux secrets de l’univers, et à des pistes de scénarios, améliore un peu les choses – même si les « explications » des secrets sont un poil trop cryptiques à mon goût, donc (ce qui a certes pour atout de laisser une marge d’interprétation au MJ, mais ne lui vient pas toujours suffisamment en aide pour que cela se montre vraiment utile), et si les esquisses de scénarios m’ont l’air assez bourrines pour bon nombre d’entre elles, et d’une violence comme d’une implication dans le setting les destinant souvent à des PJ ayant pas mal vadrouillé dans la Cité, et acquis pas mal d’expérience (c’est vrai tout particulièrement des « maxi-scénarios » qui concluent l’ouvrage).

 

Au final, bilan plutôt mitigé. Il y a de bonnes idées dans cet univers, mais aussi beaucoup trop de redites des grands classiques du genre à mon sens. On peut sans doute beaucoup s’amuser dans La Cité Sans Nom… mais je suis quand même un brin déçu.

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Achtung ! Cthulhu : Le Guide des intrigues

Publié le par Nébal

Achtung ! Cthulhu : Le Guide des intrigues
Achtung ! Cthulhu : Le Guide des intrigues

Achtung ! Cthulhu : Le Guide des intrigues, Sans-Détour, 16 p.

 

Un écran de jeu de rôle, c’est souvent cher, même si éventuellement utile (encore que… Disons que l’on pourrait se demander parfois ce qui est le plus important, de disposer des tables les plus « essentielles », ou simplement d’un machin derrière lequel jeter les dés sans que les joueurs ne voient ce qui se trame…). Et Le Guide des intrigues pour Achtung ! Cthulhu est indéniablement cher pour ce qu’il est. Si l’illustration côté joueurs… fait le boulot, on va dire, on regrettera tout de même un peu la relative fainéantise du côté MJ : en effet, c’est là, tout connement, un écran pour L’Appel de Cthulhu, sans véritable spécificité… Et, oui : pour L’Appel de Cthulhu seulement, et ça c’est tout de même assez regrettable, dans la mesure où Achtung ! Cthulhu est censé pouvoir être joué, soit avec les règles du vénérable jeu de Chaosium, soit avec celles de Savage Worlds – qui me paraissent à la limite plus appropriées, étant donné la dimension passablement pulp du jeu. On retrouve donc le même problème que pour les scénarios – en tout cas ceux du Guide du Gardien pour la Guerre Secrète : le BRP phagocyte l'ensemble… Et si vous voulez faire du Savage Worlds, c’est à vous de bosser. Bon…

 

L’écran est souvent accompagné d’un livret pas bien épais, contenant un scénario ou truc – d’un intérêt parfois douteux… C’est le cas pour ce Guide des intrigues de seize pages qui, après avoir présenté rapidement et inutilement quelques inspirations relativement évidentes, propose des tables supposées aider le Gardien pour bâtir ses scénarios. Ça peut être pas mal, à l’occasion, ces tables… mais là je suis plutôt sceptique, eu égard au contenu proposé ; peut-être parce que, pour le coup, il en rajoute encore dans la dimension pulp – ce qui peut certes se concevoir – mais au détriment d’autres approches, telles l’enquête et l’horreur pure, que je ne sacrifierais pas d’emblée pour ma part, et qui me paraissent avoir toujours leur place dans Achtung ! Cthulhu.

 

Rien d’indispensable, donc. Et c’est cher pour ce que c’est. Bon…

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Brigandyne

Publié le par Nébal

Brigandyne

Brigandyne, 2015, 101 p.

 

Je poursuis mes découvertes de productions rôlistiques indépendantes françaises toutes récentes (après l’excellent La Lune et Douze Lotus et l’intéressant Sur les frontières) avec ce Brigandyne signé James Tornade, dont on a pas mal causé ces derniers temps (sur Casus NO, par exemple). Les très bons échos m’ont incité à lire la bête, un système générique (pas d’univers, ce que je regrette toujours un peu, mais bon, c’est moi) de fantasy, pas mal inspiré par les Warhammer et plutôt axé low fantasy « chair et sang », comme on dit (ce qui n’empêche pas des adaptations à d’autres genres). En fait, ce sont essentiellement deux traits mis en avant qui m’ont poussé à l’acquisition : l’idée d’un jeu très simple où le MJ ne jette quasiment jamais les dés, et, en parallèle, un système de combat très simple, bref et violent – le combat se joue en passes ne nécessitant qu’un unique jet de dés, et on évite ainsi, pour reprendre les mots de l’auteur, les pénibles séquences « à toi, à moi » (un travers fréquent, dans lequel, je plaide coupable, j’ai versé plus qu’à mon tour…). Tout cela méritait bien qu’on y jette un œil, donc.

 

Quelques remarques de pur pinaillage sur la forme avant d’aborder le cœur du sujet… Le livre (oui, je l’ai pris en papier sur Lulu, mais on peut autrement choper le .pdf) n’est à mon sens pas super bien réalisé ; un défaut assez agaçant est l’absence de marges intérieures : pour pouvoir déchiffrer les mots (en tout petits caractères, qui plus est) qui taquinent le bord intérieur, on est contraint de tordre le machin en tous sens, ce qui est un poil désagréable. Les illustrations, plutôt peu nombreuses, manquent singulièrement de personnalité (mais bon : pas grave). Le style déconcerte un peu au premier abord, l’auteur s’adressant directement au lecteur en usant de la première personne et en affichant sa subjectivité (ainsi quand il explique, par exemple, que la phase de création de perso a tendance à le faire chier – moi c’est tout le contraire –, ou qu’il aime bien la dimension tactique en combat, jouant sur les spécificités des armes – alors que moi vraiment pas ; bon…), mais pourquoi pas, après tout ? Ça se défend… Ce qui se défend moins, c’est le nombre assez conséquent de coquilles ; ça aurait bien mérité quelques relectures supplémentaires.

 

Mais passons maintenant au système… en essayant de montrer pourquoi, au final, je ne suis pas tout à fait convaincu. Il y a de très bonnes choses dans Brigandyne, mais aussi d’autres plutôt mauvaises (ou plus exactement en porte-à-faux, à mes yeux en tout cas : j’ai l’impression que le jeu est parfois un peu trop le cul entre deux chaises pour pleinement me séduire), ou un peu trop gadget pour mériter qu’on s’y attarde (les formules magiques rimées, par exemple : j’imagine que ça peut être rigolo la première fois – avec une dose de méta-jeu plus ou moins encombrante, peut-être –, et qu’on peut encore sourire au deuxième usage… mais qu’on laisse vite tomber le machin après ça, parce que bon…).

 

La création de perso est clairement du bon côté – malgré, donc, une approche de cette phase éventuellement différente de la mienne. La fiche est simple, et le système repose pour l’essentiel sur treize caractéristiques qui font tout le boulot (même s’il peut éventuellement y avoir des « spécialisations » pour personnaliser un poil plus). Pour déterminer ces caractéristiques, outre l’inévitable appartenance à une des races classiques des jeux de rôle de fantasy, on a recours pour l’essentiel à un archétype, une sorte de totem animal dessinant à gros traits la personnalité, et à une carrière (un métier, grosso merdo), définissant à son tour les caractéristiques privilégiées, et déterminant les possibilités d’évolution. C’est très simple, mais sans être excessivement simpliste, et me paraît donc bien tenir la route.

 

La mécanique de Brigandyne est une variante du d100 (impliquant par ailleurs un certain challenge, de manière délibérée ; mais bon : je ne suis vraiment pas en mesure de rentrer dans un débat statistique…). La grosse originalité, sans doute, est que le MJ ne jette quasiment jamais les dés. Même pour un jet dit « en opposition » : en fait, la caractéristique du PNJ adverse se contente de déterminer un modificateur au jet du PJ – lequel modificateur est très simplement déduit (il suffit de se référer à une simple ligne, qui apparaît dans le bestiaire final et se conçoit autrement très aisément pour les adversaires et créatures n’y figurant pas). Ça me paraît une très bonne idée (même si, pour le coup, le vieux cliché selon lequel les dés ne sont là que pour faire du bruit derrière le paravent en prend pour son grade).

 

Le gros atout de Brigandyne, néanmoins, c’est donc son système de combat – qui est largement une déclinaison de la mécanique générale. J’ai personnellement beaucoup de mal avec les combats en jeu de rôle : le plus souvent, je n’aime pas ça (et, si je veux bien y sacrifier de temps à autre – faut bien, visiblement –, je trouve ça régulièrement absurde et peu voire pas du tout intéressant), et, pire encore, je ne sais vraiment pas les gérer (enchaînant donc ces pénibles « à toi, à moi » sans saveur, qui font d’un moment qui se voudrait épique et tendu une lassante et ridicule opposition interminable de jets de dés foireux ; bon, il est vrai aussi que les jeux que j’ai le plus pratiqué ces dernières années ne brillent pas exactement quant à leur mécanique de résolution des bastons…). L’idée d’un système simple, bref et violent, dès lors, ne pouvait qu’attiser ma curiosité. Et, oui : en reprenant le principe de l’opposition réduite à un modificateur, James Tornade parvient à rendre quelque chose de parfaitement convaincant, et qui fait le job avec astuce. D’aucuns trouveront peut-être cette approche un poil trop « radicale », mais c’est néanmoins intéressant.

 

C’est juste après, hélas, que les choses se gâtent – à mon avis en tout cas. À s’en tenir à ces premières considérations (création de perso, mécanique générale, combat « de base »), Brigandyne est clairement un très chouette produit. Mais la suite m’a donné une vague impression de remplissage pour donner de l’épaisseur au bouquin, qui n’en avait pas besoin, et même, par un étrange retournement (qui vient peut-être de ce que je me suis braqué, hein…), qui se trouve finalement y perdre…

 

Je disais plus haut que Brigandyne m’avait fait l’effet d’être quelque peu « le cul entre deux chaises » ; ce sont essentiellement les règles avancées de combat qui m’ont donné cette impression. Elles me semblent en effet entrer en contradiction totale avec la mécanique générale : là où celle-ci brille par sa simplicité et sa polyvalence, mettant probablement en avant la narration, les règles avancées, elles, tentent d’introduire une étrange dose de « simulationnisme » qui m’a laissé pour le moins perplexe. Oui, je sais : ce sont des règles optionnelles, on peut très bien s’en passer – et tant mieux. Mais quel intérêt à ces listes d’armes et d’armures pointilleuses, débordant de règles spéciales ? Je ne comprends pas, ici, ce que l’auteur a voulu faire, et tends à y voir comme un défaut de conception. D’autant que cette manière de couper la poire en deux ne satisfera probablement ni les amateurs de simplicité, dont je suis – et qui se contenteront des règles de base –, ni les amateurs de « simulationnisme » – dont je suppose, en m’avançant un peu, peut-être, qu’ils trouveront à tout cela un goût de « trop peu »…

 

La suite, même si pour d’autres raisons, est également un poil décevante à mes yeux, surtout en comparaison avec le brio des premiers chapitres. Le système de magie, ainsi, est fade et sans saveur (y balancer des formules maladroites pour faire « comme dans les films » – c’est l’expression employée – n’arrange rien à l’affaire selon moi, c’est bien trop artificiel et « méta » pour cela). Quant aux derniers développements, consacrés au MJ, on n’en retiendra guère que le bestiaire – banal mais pratique ; les quelques « conseils » qui figurent çà et là ne m’ont pas paru d’une grande utilité…

 

Au final, donc, Brigandyne me fait l’effet d’un produit un poil bancal, comportant du très bon et du nettement moins bon – certes pas rédhibitoire, mais qui pèse quand même un peu à mon sens sur l’enthousiasme que pourrait susciter le bouquin, envisagé globalement : ce superflu, ou « pas à propos », donne une vague impression d’inachèvement, ou de défaut de conception du moins – toujours à mes yeux, hein. Ça n’en fait pas un « mauvais » jeu de rôle, certainement pas ; mais un truc perfectible, j’en suis persuadé. Ceci dit, Brigandyne n’était de toute façon pas un jeu calibré pour me plaire, sans doute : que cela vienne de l’inspiration Warhammer ou d’autre chose, on est quand même là devant quelque chose de passablement bourrin, où la baston s’impose régulièrement… Je ne suis donc sans doute pas le mieux placé pour peser les atouts et inconvénients de ce système générique. Reste néanmoins ce sentiment de « peut mieux faire »… Bon, c’est pas dramatique, hein.

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Sur les frontières

Publié le par Nébal

Sur les frontières

Sur les frontières, 2015, 80 p.

 

Je vous avais parlé il y a peu du très chouette jeu de John Grümph La Lune et Douze Lotus, tout récent. Quand je me le suis procuré sur Lulu, je me suis dit, tant qu’à faire, que je pouvais aussi jeter un œil à quelques autres jeux « amateurs » ou « indépendants », comme vous voudrez, disponibles sur le même site, les tout récents également Sur les frontières de Manuel Bedouet (illustré par John Grümph, d’ailleurs), dont je vais vous causer aujourd’hui, et Brygandine de James Tornade, mais aussi, plus vieux, La Cité Sans Nom et Tranchons & Traquons. Un mélange d’authentique curiosité et d’impulsions plus ou moins bienvenues, l’occasion en tout cas de voir d’un peu plus près certaines des choses qui se font en jeu de rôle indépendant de par chez nous.

 

On a pas mal parlé de ce Sur les frontières récemment (en tout cas sur le forum de Casus NO, pour ne pas le nommer), et le pitch me plaisait bien. Les joueurs y incarnent des enfants (au début, en tout cas : 12 ans) issus de bonnes familles aristocrates, envoyés aux frontières de l’immense empire de Naëscence, au dirigeant immortel, pour y devenir des adultes… en s’y confrontant aux dures réalités d’un monde qui n’est probablement pas tout à fait ce qu’ils croyaient – c’est peu dire. L’idée, toute simple, me séduisait bien, là, comme ça. D’autant que je ne pouvais m’empêcher d’envisager tout cela au travers d’un filtre esthétique napoléonien… qui m’a par ailleurs rappelé, sans qu’il y ait forcément de lien direct, Les Soldats de la mer, le chef-d’œuvre d’Yves et Ada Rémy. Je ne saurais vous dire pourquoi, c’est venu comme ça.

 

Impossible de s’étendre davantage sur l’univers, dans tous les sens du terme : ce court livre n’en dit pas grand-chose de plus (on peut d’ailleurs se demander si ce qu’il en dit est réllement « utile »…) ; tout ou presque, en fait, est à définir : le meneur fait sa part, bien sûr, en dessinant au départ à gros traits une communauté frontalière – il se doit pour cela de répondre à une petite liste de questions –, mais les joueurs aussi participent de cette création, tout d’abord en évoquant des rumeurs parcourant ladite communauté, puis – à partir de la fin de la première partie – en définissant éventuellement des PNJ, notamment ceux qui rempliront les rôles cruciaux d’Amis et d’Ennemis pour leurs personnages (le système leur permet en outre d’influer sur le récit, via les points de Destin, j’y reviendrai).

 

Outre ce pitch, plutôt sympathique, et ce mécanisme de création d’univers, intéressant dans sa dimension collaborative, Sur les frontières se singularise – au-delà du seul système au sens le plus strict, j’entends – par quelques autres traits éventuellement déconcertants de prime abord. Déjà, l’étrange idée pour un jeu de rôle qu’il y a un (et un seul) « gagnant » : un seul des enfants envoyés sur les frontières parviendra à transcender sa destinée – l’objectif ultime – pour devenir un « Héros ». Certes, cela ne fait pas du jeu, pour autant, une compétition – et heureusement ; mais ça m’a perturbé vaguement, moi qui m’en tenais à la vieille et belle idée qu’il n’y a pas de gagnant dans un jeu de rôle… Bon, pourquoi pas. Je ne suis pas certain que ça joue tant que ça sur le récit et le roleplay, de toute façon.

 

Reste que la notion de destin (défini par le joueur à la création de perso) est ici essentielle, dans le fond comme dans la mécanique, qui repose entre autres sur une jauge de six « points de Destin », amenés à disparaître au fur et à mesure – on utilise lesdits points dans des circonstances précises, avant certains jets de dés notamment –, en constituant une sorte de compte à rebours (faute de meilleure comparaison, et histoire de se référer à quelque chose de connu, j’aurais envie de dire que cela tient un peu d’un mélange entre les notions de Santé Mentale et d’Aplomb dans L’Appel de Cthulhu). Quand un joueur n’a plus de points de Destin, il a « perdu », au sens où son destin s’est accompli malgré lui – quel que soit celui-ci (ça n’a rien de nécessairement « fatal », même si l’ambiance du jeu se veut « tragique ») ; concrètement, il perd son « Don » (j’y reviendrai) et devient un « Compagnon ».

 

Par ailleurs – et ça ça m’a paru vraiment bizarre, et je ne suis probablement pas le seul dans ce cas –, les joueurs persistent sous forme de fantômes après leur mort (on ne se précipite donc pas sur une nouvelle feuille de perso…), et, si leurs interactions sont par nature limitées, ils peuvent cependant toujours utiliser leurs points de Destin restants pour venir en aide aux personnages survivants, que ce soit, par exemple, pour un jet de dés crucial, ou, de manière plus intéressante sans doute, en influant sur le cours de la narration (connaître une information utile, connaître une personne qui peut aider, disposer d’un objet approprié). Plus d’un, en faisant part de son expérience de lecture, a craint à ce sujet que le jeu devienne ennuyeux pour ceux qui « incarnent » (…) ces fantômes… et je dois avouer en faire partie. Mais bon : faut voir, j’imagine.

 

Les personnages sont définis très simplement, par des phrases et autres traits (une Devise, un Don surnaturel…), et seulement trois caractéristiques chiffrées (Âme, Corps, Esprit). Celles-ci servent pour tous les jets de dés. Le système, très simple – on jette un dé, on ajoute ou pas une caractéristique, on détermine le nombre de succès en fonction du résultat, que l’on compare alors au nombre de succès réclamé par l’action – repose notamment sur la distinction entre « circonstances favorables » (surnombre, possibilité d’user d’un trait… on jette alors deux dés et on garde le meilleur) et « circonstances défavorables » (en sens inverse, on jette deux dés et on garde le moins bon). Ça coule sans doute tout seul – on ne peut pas dire en tout cas que le système vient perturber le rythme du récit, et c’est tant mieux. Je note cependant que les combats, quand il y en a, sont très rapides et très violents : un personnage qui prend une blessure est « blessé », à la deuxième il est « mutilé », et à la troisième… hop, il est mort (chacun de ces statuts ayant une conséquence sur les jets ; « l’humiliation » et la « déchéance », hors combat, ont des conséquences du même ordre).

 

La notion essentielle, pour le meneur comme pour les joueurs, est celle de « Moment » : ce sont ces épisodes qui participent du chamboulement des perspectives des personnages, central dans Sur les frontières. Douze de ces Moments sont définis : quand un personnage les franchit tous, il devient donc un « Héros » et « gagne ». Les Moments servent par ailleurs à l’expérience (de manière assez bien vue).

 

Quand je suis sorti de ma lecture, il y a de cela quelques jours, je n’ai pu m’empêcher de m’interroger sur l’aspect « dédié » du système, sur son adéquation parfaite au jeu dans tous ses aspects, et me suis demandé s’il n’y aurait pas eu moyen de faire quelque chose de plus… pertinent, disons. L’aspect vaguement « tactique » des combats, notamment, me laissait un peu sceptique. À la réflexion, pourquoi pas ? Ça demande sans doute à être essayé, au-delà du caractère un peu abstrait du jeu sur le papier… Il me semble cependant que seuls les points de Destin et les Moments entrent pleinement en adéquation avec les principes narratifs et ludiques de Sur les frontières… mais bon. Pourquoi pas… Ma seule crainte, maintenant, concerne à vrai dire la manière de concevoir et interpréter les Moments ; les indications données par le bouquin sont assez lapidaires – mais comment en dire plus ? –, et demandent sans doute à être mûrement réfléchies, pour qu’un Moment se révèle véritablement important… sans être artificiel pour autant. Là, il y a sans doute du boulot tant pour le meneur que pour les joueurs. Mais j’imagine qu’avec quelques efforts et avec un peu de « bon sens », cela devrait passer.

 

Sur les frontières, au final, me fait donc l’effet d’un « petit » jeu (il est fait pour tenir en une campagne de six à dix séances a priori, quelque chose comme ça, et la rejouabilité n’est peut-être pas son point fort) très intéressant. Probablement pas « parfait », si tant est que cela veuille dire quelque chose, mais disons « perfectible ». Sans se montrer « révolutionnaire » (même si les idées du « gagnant » et du fait de jouer les « fantômes » me laissent un poil perplexe – n’y a-t-il pas là comme une certaine « gratuité » tranchant sur les jeux de rôle dits « traditionnels » sans que cela soit véritablement utile ? Je ne fais que me poser la question, hein), le jeu de Manuel Bedouet comprend suffisamment de bonnes idées pour qu’on y jette un œil, et même deux, voire – tiens donc – pour qu’on y joue. Je n’en ferais peut-être pas une priorité pour ma part – si tant est que je sois en mesure d’établir des priorités, hein… –, mais, à l’occasion, ça me dirait bien quand même.

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La Lune et Douze Lotus

Publié le par Nébal

La Lune et Douze Lotus

La Lune et Douze Lotus, Chibi, 2015, 273 p.

 

John Grümph est décidément très prolifique, et on croise son nom un peu partout en rôlistie, que ce soit en tant qu’auteur ou illustrateur. Sur ce blog, j’ai eu ainsi quelques occasions de l’évoquer, pour des jeux « pro » comme Mahamoth et surtout Oltréé !, mais aussi pour des « petits » jeux « amateurs » qu’il diffuse sur Lulu dans le cadre de son projet Chibi – je n’en avais cependant lu jusqu’à présent que NanoChrome, qui ne m’avait pas totalement convaincu…

 

La Lune et Douze Lotus est le petit dernier de ces jeux de rôle complets qui tiennent dans la poche (même s’il a dans la foulée sorti un autre bouquin via Chibi, sur l’architecture ai-je cru comprendre). Il est sorti un peu par surprise – j’en ai l’impression, tout du moins –, ce qui a pu susciter quelque méprise dans un premier temps : à en juger par le titre et la couverture, sans autre indication sur le contenu, on avait parfois supposé à tort qu’il s’agissait d’une chinoiserie… Alors qu’en fait c’est de sword & sorcery qu’il s’agit ici – puisant aux classiques tels Howard (surtout) et Leiber. Et, de même que pour le cyberpunk avec NanoChrome, John Grümph se montre ici très pertinent dans sa manière de cerner le genre, bien défini, et, surtout – ce qui manquait à mon sens dans NanoChrome –, il le dote d’un système dédié parfaitement approprié.

 

Le livre, très « pro », aéré et joliment illustré (je ne suis pas toujours fan des dessins de l’auteur, mais là ça rend vraiment bien), est ainsi vraiment un jeu de rôle complet, comprenant tant une mécanique adaptée qu’une description d’univers. Dans les deux cas, on fait dans le simple, voire l’élémentaire, mais ce n’est ici en rien une critique ; car les esquisses du background sont amplement suffisantes pour susciter la curiosité et se lancer dans l’aventure, tandis que le système semble, sur le papier en tout cas, garantir une expérience de jeu aussi souple que violente, pleinement dans l’esprit du genre.

 

Quelques mots sur l’univers, donc. La Lune et Douze Lotus évoque un monde de fantasy plutôt antique (j’ai du moins cette impression globale, mais c’est tendancieux), scindé en divers pays dont les ethnies ont des caractères relativement marqués, sans verser pour autant dans la caricature (et certainement pas dans les ajustements de données chiffrées sur une base « raciale »). On devine un monde dur et violent. La quatrième de couverture évoque pour les personnages « le sentiment diffus que l’indifférence au monde est pire que la mort (tout en prétendant le contraire) », formule que je trouve assez bien choisie ; mais on enchaîne sur « le besoin impérieux de botter des culs », hein… Les personnages, largement errants, se croisent donc sur les routes du lotus, évoquant inévitablement les routes de la soie. Le lotus en question est une plante existant en plusieurs variétés, et qui constitue, selon le mode de préparation, autant de drogues – son commerce est essentiel. Et la Lune, alors, que vient-elle faire dans tout ça ? Eh bien, elle renvoie aux sorciers. Ceux-ci – que l’on suppose rares – acquièrent en effet leurs pouvoirs en sacrifiant des innocents à la Lune… En théorie, rien n’empêche un joueur d’incarner un sorcier, mais ce n’est pas très héroïque, tout de même, et on peut supposer que les sorciers resteront cantonnés au rôle de PNJ (comme dans les récits de Howard). D’autres traits d’univers sont définis – les bêtes astrales, par exemple – mais ce n’est pas ici le lieu de détailler ces aspects. Je vous demanderai du coup de me croire sur parole : l’univers est certes simple, mais il est bien conçu, et parfaitement suffisant – et c’est quelqu’un qui rafole des backgrounds touffus qui vous le dit.

 

Le système de jeu est à l’avenant. Dans l’esprit des nouvelles classiques de sword & sorcery, on le sent calibré pour des parties brèves et violentes – éventuellement générées sur le pouce à l’aide de tables très bien faites –, héroïques et barbares, ne s’embarrassant certainement pas d’une continuité artificielle s’étendant sur des pages et des pages de verbiage (oui, là, je parle de mauvaise fantasy, même si la très bonne, Tolkien en tête, joue également cette carte). Une idée a priori intéressante (même si je ne suis pas sûr de ce que cela peut rendre en dehors du papier) : les scénarios ne sont pas nécessairement linéaires, dans l’esprit des récits emblématiques du genre ; comprendre par là que l’on peut parfaitement jouer une aventure antérieure à la précédente, puis retourner vers l’avenir, etc. : on n’est pas contraint de construire une campagne où les scénarios se suivent chronologiquement. L’expérience, dès lors, est gérée très différemment de ce que l’on connaît d’habitude – l’arbitraire du meneur est préféré à l’avancement linéaire plan-plan.

 

De toute façon, l’expérience ici ne débouche en rien sur du pinaillage chiffré avec moult données évolutives. La fiche de perso, très simple, comprend des cases pour six données chiffrées seulement, et c’est tout (les principales étant la Réputation et la Classe d’Armure ; on trouve ensuite les Points de Vie et la Folie d’une part, la Témérité et la Protection d’autre part : pas d’attributs ou caractéristiques typiques, façon Force, Intelligence ou Charisme, on n’en a pas besoin). Hors chiffres, on note aussi une « Ligne de Vie » qui personnalise, éventuellement des Talents, et un Inventaire sommaire.

 

Il y a quatre types de jets de dés pour envisager toutes les circonstances possibles et imaginables (attaque, prouesse, compétence, sauvegarde). On utilise le plus souvent un d20. Seul un 20 équivaut à un échec. Si l’on fait en dessous, mais au dessus du seuil de maîtrise, très facile à définir, c’est une réussite mineure : on donne alors dans le « oui, mais… ». Si l’on fait en dessous du seuil de maîtrise, la réussite est majeure. Simple, efficace, garantissant que les personnages ne se retrouvent pas contraints par un bête jet de dé raté, et incitant au récit plein de rebondissements, dans la grande tradition du genre. Enfin, si l’on ne sait pas apporter une réponse claire et immédiate quand une question se pose, une règle d’or suggère de jouer à pile ou face… Tout cela est donc élémentaire, d’une simplicité tenant de l’évidence. Je ne dirais pas « simpliste » pour autant, car, là encore, c’est une mécanique dédiée, et parfaitement appropriée à l’univers comme au type de parties souhaité.

 

Un excellent petit ouvrage, donc, qui bénéficie en outre d’une réalisation très « pro ». Vrai jeu de rôle complet, bien pensé tant pour ce qui est de l’univers que pour la mécanique, La Lune et Douze Lotus se dévore et séduit instantanément. C’est vraiment une très chouette surprise. Merci, M. Grümph.

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Chroniques Oubliées Fantasy

Publié le par Nébal

Chroniques Oubliées Fantasy

Chroniques Oubliées Fantasy. Casus Belli HS #1, Black Book, septembre 2014, 336 p.

 

Toujours en quête, pour le principe, d’un jeu donjonneux jouable, et en attendant éventuellement la traduction de la dernière mouture de Donjons & Dragons, la cinquième, qui semble recueillir dans l’ensemble des échos très favorables, j’ai depuis sa parution été attiré par Chroniques Oubliées Fantasy, un jeu de rôle complet publié en tant que hors-série de Casus Belli (la version Black Book), rassemblant divers éléments publiés au fur et à mesure dans la revue rôlistique, après une boîte d’initiation depuis longtemps indisponible. J’avais envie de quelque chose de classique mais enthousiasmant, et de relativement simple – tout en permettant une expérience de jeu variée, et sans faire dans l’ultra-simple comme d’autres jeux contemporains (cela dit, je vous parlerai très bientôt de La Lune et Douze Lotus, que j’ai dévoré, et qui m’a vraiment convaincu).

 

Chronique Oubliées Fantasy semblait bien répondre à ce cahier des charges. Certes, c’est du D20, basé sur la licence OGL 3.5 – comme Pathfinder, par exemple, également distribué en France par Black Book (le présent ouvrage propose d’ailleurs des passerelles entre les deux systèmes) ; mais on est (heureusement) très loin de la dimension simulationniste du titre de Paizo comme du Donj’ équivalent. Chroniques Oubliées Fantasy est en effet d’un abord autrement facile, et pour cause : à l’instar de la boîte qu’il vient prolonger, il garde une très nette optique d’initiation ; mais c’est un jeu d’initiation qui reste jouable une fois celle-ci assurée, et c’est bien tout ce qui en fait l’intérêt.

 

Dense mais lisible, plutôt bien organisé dans l’ensemble, en couleurs, doté d’illustrations allant du sympa à l’atroce, le jeu – que j’ai chopé pour ma part dans sa version « de base », arborant les couleurs de Casus Belli, et non une couverture rigide réservée à l’édition « deluxe » (le contenu étant par ailleurs le même) – a une certaine gueule, et on en a sans doute pour son argent avec ce relativement gros bouquin (même si on regrettera d’assez nombreuses coquilles, mais bon : c’est la norme…).

 

La base est très classique, avec les races habituelles des jeux d’heroic fantasy (même si d’autres, un peu moins convenues, sont présentées ultérieurement, dans le gros chapitre fourre-tout des règles optionnelles), et des profils (équivalent des classes) assez banals dans l’ensemble, même s’il y a quelques originalités relatives ici ou là (et on trouve par ailleurs, ultérieurement, des profils de prestige, inaccessibles à la création du personnage). Chaque profil repose pour l’essentiel sur plusieurs voies, et c’est là à la fois le gros atout et la faille éventuelle de Chroniques Oubliées Fantasy. En effet, ces voies – composées de cinq rangs – sont autant de « règles spéciales » (ce qui vaut d’ailleurs, dans le système de base, pour la magie également : on n’apprend pas des sorts parallèlement dans un grimoire, tout figure dans les voies), passablement rébarbatives à la lecture, et qu’il est bien entendu impossible d’appréhender en totalité pour un pauvre MJ censé faire l’arbitre et porter tout le poids de la mécanique ; mais certes, dès l’instant qu’une collaboration honnête s’instaure entre le MJ et les joueurs, ce problème n’en est plus vraiment un, et ces voies permettent alors de rendre chaque personnage unique, et de l’amener à accomplir des actes héroïques dont on se souviendra longtemps. La dimension épique est en effet très marquée ici, et ce que l’on aborde le jeu selon une approche high fantasy ou low fantasy (les deux sont envisagées).

 

Et il faut bien reconnaître que l’on peut parvenir à tout ça en usant d’une mécanique très simple, voire élémentaire. Oubliez les listes de compétences interminables : on se base ici uniquement sur les caractéristiques (les six classiques), et même plus précisément sur les modificateurs qu’elles entraînent. Tout en découle – avec une éventuelle pondération par les voies. Et il en va de même pour le système de combat, qui tient en quelques pages très claires, bien loin des lourdeurs simulationnistes auxquelles le genre nous a habitués.

 

Cela dit, rien de « simpliste » pour autant. Chroniques Oubliées Fantasy semble garantir une authentique expérience de jeu parfaitement à même de se renouveler sans sombrer dans la répétition et la lassitude. Et si on souhaite pimenter les choses au fur et à mesure, libre au MJ de piocher dans le long chapitre de « règles optionnelles » (une soixantaine de pages), permettant de moduler totalement le système, que ce soit par des détails (qui peuvent avoir leur importance…) ou par des éléments qui semblent a priori plus fondamentaux (par exemple, le système de « magie vancienne » typique du jeu à Gygax). Cet aspect modulaire me plaît beaucoup ; mais on avouera par contre qu’il n’est pas toujours évident de se repérer dans ce gros chapitre fourre-tout (une table des matières interne aurait été bienvenue, déjà…). D’autres chapitres participent d’ailleurs de cette optique, en montrant comment créer des objets magiques, ou, surtout, des rencontres (système complètement refait – l’original avait semble-t-il été critiqué dans la parution en revue –, bien plus complexe que la base, mais qui me paraît assez bien foutu) ; cela dit, dans l’immédiat, on peut très bien se contenter de l’abondant bestiaire qui figure dans cet ouvrage…

 

L’aspect « initiation », dans Chroniques Oubliées Fantasy, vaut aussi comme de juste pour le MJ. Et celui-ci est vraiment pris par la main, d’une manière très élégante : les chapitres de conseils au MJ m’ont rarement paru utiles, mais là c’est très bien fait, rien à redire ; cela vaut d’ailleurs aussi pour le scénario d’initiation en fin de volume (qui reprend, trente ans plus tard, le cadre de Clairval de la boîte d’initiation) : certes, cette aventure à base de gobos crétins n’a rien de vraiment palpitant ; on ne fait pas ici dans l’épique, non ; mais, pour apprendre à gérer une partie, ça me semble vraiment très bien fait.

 

Après avoir un peu hésité sur les voies et ce qu’elles impliquent, donc, je n’ai pu à terme que m’avouer pleinement convaincu par Chroniques Oubliées Fantasy. Ce jeu correspond exactement à ce que je cherchais (enfin !) ; sans aller jusqu’à parler de « perfection », on ne peut qu’applaudir le sérieux et la pertinence dont ont fait preuve les auteurs ; ne manque à vrai dire qu’une chose : un univers. Mais bon, c’est de la fantasy classique, alors on peut adapter sans souci… Je n’en ferais donc même pas un bémol : Chroniques Oubliées Fantasy est bel et bien le jeu donjonneux mais jouable que j’attendais.

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Les Ombres d'Esteren : Livre 0. Prologue

Publié le par Nébal

Les Ombres d'Esteren : Livre 0. Prologue

Les Ombres d’Esteren : Livre 0. Prologue, Agate, 2011, 80 p.

 

Les Ombres d’Esteren est un jeu de rôle de création française, qui s’est depuis exporté, et qui me faisait de l’œil depuis un moment. Les livres très agréables à l’œil, les bons échos que j’en avais reçus dans l’ensemble, aguichaient ma curiosité, ainsi que sa revendication d’être un jeu mêlant fantasy et horreur, dans une perspective relativement sombre et « gothique ». Un mélange qui me plaît bien : même si je suppose que cela n’a pas grand-chose à voir, mes bons souvenirs de Ravenloft (l’univers de Donjons & Dragons dans lequel j’ai le plus joué, avec Dark Sun) m’ont incité à y regarder de plus près.

 

Et inutile pour cela de dépenser immédiatement mes rares sous : le Livre 0. Prologue, qui préfigurait la gamme à proprement parler, est en effet aujourd’hui disponible gratuitement au téléchargement ; une bonne occasion de découvrir, quand bien même de manière considérablement abrégée, les traits essentiels de l’univers des Ombres d’Esteren ainsi que son système de jeu – et trois scénarios viennent compléter le petit ouvrage, constituant une sorte de « prologue » (donc) à la campagne officielle en Dearg.

 

L’action se déroule dans la péninsule de Tri-Kazel, sorte de vilaine Bretagne (beuh) en marge d’un continent sobrement baptisé… le Continent. La vie y est passablement rude, tant du fait de la géographie montagneuse et du climat hostile, que pour des raisons plus mystérieuses (même si l’idée est de jouer dans un univers plutôt low fantasy, avec un surnaturel certes présent mais discret), comme la menace perpétuelle d’étranges créatures répondant au nom de feondas (on n’en saura pas davantage).

 

La péninsule est par ailleurs divisée, schématiquement, en trois royaumes, offrant des cadres de jeu très différents, basés de manière caricaturale sur des niveaux de développements variables : le premier, le plus antique en apparence, révère les traditions les plus obscures dans un cadre ouvertement celtique et druidique ; le deuxième est une théocratie féodale, où un dieu unique a remplacé les esprits d’antan ; le troisième, enfin, évoquant davantage la Renaissance, combine les études de la magie et de la science (on parle de magience) dans une perspective progressiste et rationnelle. Ces oppositions arbitraires sont certes plus ou moins crédibles, mais me paraissent néanmoins fournir un cadre de jeu tout à fait correct. On notera cependant que l’univers obéit à un lexique abondant qui lui est propre, rendant plus qu’utile un glossaire (il n’y en a pas ici).

 

Le système est relativement commun, tout en se voulant très simple, voire dispensable (les auteurs insistent, un peu bizarrement il est vrai, sur ce caractère ; je les suis tout à fait quand il s’agit de privilégier ambiance, récit et roleplay sur la mécanique, quand bien même souple, mais il y a peut-être là une sorte de paradoxe, dans la mesure où un système est bel et bien proposé…).

 

L’élément essentiel, ce sont probablement les Voies, qui définissent la manère d’agir d’un personnage, à la fois à son avantage et contre lui (ce qui m’a un peu fait penser, même si cela diffère pas mal, au système de FATE Accelerated, les Voies tenant pour partie – essentielle – de l’approche, et pour partie de l’aspect – dans cette perspective d’ambivalence). On y ajoute des disciplines en nombre relativement réduit (pour la base ; l’évolution ultérieure est très libre), et quelques jets de dés pour la forme ; c’est assez simple, même si cela nécessite de faire quelques petits calculs (qui sont déjà effectués pour les six personnages prétirés proposés ici). Notons enfin que la santé mentale joue un rôle assez important dans le jeu, mais le système proposé ici est semble-t-il passablement différent de celui du jeu « complet ». Dans l’ensemble, on a donc une mécanique assez simple, qui se veut discrète, assez « traditionnelle » au fond mais avec quelques traits plus modernes.

 

On trouve ensuite six personnages prétirés, un poil caricaturaux, mais en même temps assez subtilement définis quant à leur psychologie et leurs relations aux autres, idéaux pour interpréter les trois scénarios qui concluent le livret – qui constituent donc une introduction à la campagne officielle en Dearg, et peuvent être joués dans des ordres différents, même si celui qui est proposé à la lecture me paraît le plus cohérent… mais certes pas le plus simple (on suggère également de faire usage des prétirés du Livre 1. Univers, ou, bien sûr, d’user de personnages entièrement créés par les joueurs – ce qui nécessite dans les deux cas un petit travail d’adaptation, les personnages étant directement impliqués dans le cadre de jeu). Les trois scénarios sont par ailleurs reliés par un thème commun : le Flux Fossile, précieuse matière riche en énergie, mais pouvant tout autant constituer une sérieuse menace, tant pour ses effets particuliers qu’en raison de la convoitise et des intérêts de tout un chacun.

 

« Loch Varn » est un scénario assez bizarre, et même déroutant, de manière délibérée, dans la mesure où la chronologie y est chamboulée : les personnages débutent l’histoire en pleine scène d’action, sans savoir ce qu’ils font là au juste ; tout s’éclairera cependant par la suite, mais au travers de flashbacks et de cauchemars, où la réalité est passablement malmenée et distordue. Sur le papier, c’est assez intéressant, même si passablement complexe (on ne confiera pas ce scénario à un MJ débutant), et peut-être un peu frustrant pour les joueurs, dans la mesure où leur emprise sur les événements est ainsi considérablement réduite (et puis, personnellement, j’ai plusieurs fois fait usage de ce procédé, faut voir sans doute à ne pas en abuser…).

 

« Poison » est un scénario d’enquête, autrement plus classique, mais tout à fait correct. Là encore, des indications de mise en scène sont données, notamment quant à la manière d’introduire les PJ dans l’histoire, dont on tiendra compte ou pas. Le titre est par ailleurs éloquent quant au fin fond de l’histoire…

 

« Automne rouge » est un autre scénario d’enquête, où il s’agira pour les PJ de disculper l’un d’entre eux d’un meurtre… qu’il a pourtant bel et bien commis (mais il ne s’en souvient plus, là encore parce qu’il se réveille à côté d’un cadavre, sans savoir ce qui s’est passé ; exemple d’abus dont je parlais plus haut…). C’est probablement le scénario le moins intéressant du lot.

 

Au final, ce Livre 0. Prologue remplit bien son objectif : il permet de découvrir en douceur un univers attrayant au-delà de sa tendance à la caricature, car bénéficiant d’une belle ambiance ; les règles abrégées et simplifiées, les prétirés, les scénarios, permettent de se lancer directement dans l’aventure, sans même se référer aux ouvrages de la gamme à proprement parler ; enfin, le livret, agréable à l’œil (on regrettera d’autant plus les quelques coquilles qui le parsèment, comme toujours ou presque…), plaide en faveur de la gamme ultérieure, et donne envie de s’y pencher. On verra, peut-être, plus tard…

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Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth

Publié le par Nébal

Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth

Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth

 

Sans surprise, nombreux sont les jeux vidéos qui s’inspirent plus ou moins des écrits de H.P. Lovecraft, officiellement ou pas. Pour n’en citer que quelques-uns auxquels j’ai pu me frotter, le célébrissime Alone in the Dark, ou encore Prisoners of Ice ; je n’ai que très peu tâté du MMORPG, mais ce que j’ai pu voir du tout début de The Secret World rentre également dans cette catégorie. Le problème, dès lors, réside dans l’adéquation du type de jeu avec l’univers lovecraftien. Et c’est probablement ce qui m’a fait longtemps différer l’acquisition de cet étonnant jeu de Bethesda (The Elder Scrolls, les Fallout les plus récents…) qu’est Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth ; en effet, le jeu était largement présenté comme un FPS, et les images qu’on pouvait en voir – sans s’y intéresser de trop près – donnaient bien l’impression d’un jeu où l’action est essentielle ; j’aime bien les FPS, hein, mais ça correspond tout de même assez peu à l’ambiance lovecraftienne typique, faite d’enquêtes et de rapports (on s’attendrait plutôt à quelque chose comme un point’n’click, sans doute). Je craignais donc un peu une bourrinade, prenant prétexte d’une licence (empruntée à Chaosium, d’aileurs) pour aboutir à un gros n’importe quoi pas vraiment lovecraftien. Mais j’étais malgré tout curieux (forcément, hein), et me suis dit finalement qu’il était bien temps de m’y mettre.

 

Et ce fut dans l’ensemble une très bonne surprise. Notamment du fait de son ambiance que j’aurais bien envie de qualifier d’extraordinaire, qui a su rendre au mieux l’univers lovecraftien sans négliger pour autant une dimension ludique cohérente.

 

On incarne dans ce jeu un détective du nom de Jack Walters. Lors d’un bref prologue (qui sert de tutoriel), Jack, qui se rend dans une demeure assiégée par la police, aux mains d’une secte étrange, découvre que les cultistes qui y résident ont monté un dossier très complet sur lui… Et s’ensuit une longue amnésie et un séjour à l’asile – les amateurs reconnaissent largement dans le récit de cet interlude un emprunt à « Dans l’abîme du temps », qui servira de leitmotiv (peut-être un peu gratuit, ceci dit) tout au long du jeu.

 

Mais l’inspiration essentielle de Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth est bien « Le Cauchemar d’Innsmouth ». Ce qui n’a rien d’étonnant, tant cette nouvelle délicieusement horrifique fournit un cadre idéal pour un jeu façon « survival horror », avec de nombreux antagonistes ; la fuite éperdue du narrateur est bientôt reproduite par Jack avec le joueur aux commandes… Avant cela, cependant, il y a la découverte d’Innsmouth (Jack s’y rend pour enquêter sur la disparition du jeune épicier…) ; une séquence d’aventure relativement longue, et passionnante quand bien même dénuée d’action : le rendu est tout à fait remarquable, très fidèle au texte, et plonge directement le joueur dans l’ambiance glauque au possible de ce patelin perdu, pour le moins hostile à l’égard des étrangers.

 

Et l’action survient très brusquement, quand Jack est assiégé dans sa chambre de l’hôtel Gilman. Désarmé, il n’a d’autre choix que de fuir. Séquence ô combien stressante, ne laissant pas la place à la moindre hésitation, la moindre erreur : là, verrouiller le loquet ; ici, pousser une bibliothèque pour bloquer l’entrée ; emprunter la fenêtre pour rejoindre les toits, etc. Disons-le : la séquence est passablement difficile et a de quoi faire criser à plus d’une reprise… Elle n’en est pas moins exceptionnelle d’horreur et de tension, donnant le la d’un éprouvant jeu à frissons, déconseillé aux cardiaques.

 

Une bonne partie – l’essentiel, sans doute – de ce premier chapitre se déroule donc sans armes. Évidemment, quand Jack parvient enfin à mettre la main sur des flingues, la donne change un peu… Cependant, même dans son deuxième chapitre (j’entends ici l’assaut de l’affinerie Marsh – pas très crédible sur le plan scénaristique, d’ailleurs, Jack étant forcé par nul autre que J. Edgar Hoover de venir en aide aux hommes du FBI…), qui est à mon sens le moins difficile… et le moins réussi, le fait de posséder des armes n’implique pas pour autante que l’on peut foncer dans le tas comme une brute épaisse ; loin de là, un assaut frontal du genre ne pourrait déboucher que sur la mort du personnage, très vite… On préfèrera quand même de loin la première partie, mais aussi la troisième et dernière (le Récif du Diable, en gros), où la dimension « survival horror » reprend de nouveau le pas sur le FPS, avec un Jack plus démuni que jamais face à des ennemis sans nombre… Infiltration et précision sont ici des constantes dans l’approche des antagonistes. Mais on comptera aussi pas mal d’énigmes, parfois un brin capillotractées à vrai dire, qui imposeront la réflexion et dissuaderont là encore de se précipiter au devant des ennuis.

 

Mais, dans tous les cas, l’ambiance est d’une justesse vraiment appréciable. Même dans les pires moments de stress, on se régale de la reproduction vidéoludique de l’univers lovecraftien ; « Le Cauchemar d’Innsmouth », pour l’essentiel donc, y est très adroitement disséqué : on sent que les responsables du jeu ne se sont pas contentés de plaquer des clichés plus ou moins lovecraftiens sur un jeu qui pourrait se passer, au fond, de cette référence : tout ou presque, ici, est parfaitement justifié et bien vu. On appréciera d’ailleurs, sous cet angle, la relative discrétion des éléments les plus ouvertement mythiques : les créatures autres que les hybrides sont finalement assez rares, et leur intervention toujours redoutable. Et même si le jeu, dans la tradition des « boss de fin de niveau », nous conduit à « tuer » Dagon puis, dans les dernières minutes du jeu, Hydra, les scènes sont assez fortes pour que cela passe (d’autant qu’il ne s’agit évidemment pas de vider ses chargeurs sur les grosses bébêtes…).

 

Autre trait notable, emprunté plus directement au jeu de rôle L’Appel de Cthulhu : la gestion de la santé mentale. Ici, je suis un peu plus partagé, toutefois, l’idée étant bonne, mais sa réalisation peut-être un peu outrancière : les hallucinations sonores et visuelles sont les bienvenues, le vertige a un bon rendu (même si c’est un peu too much à mon sens), mais les autres séquences « floutées » en condition de stress sont parfois à la limite de l’injouable… Notons aussi qu’il est des passages où la santé mentale vacillante peut entraîner la fin du personnage (éventuellement en le poussant au suicide), mais je n’ai eu à en souffrir qu’une seule fois dans toute la durée du jeu.

 

Ceci, cependant, nous conduit aux quelques critiques que l’on peut formuler à l’encontre de Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth. La principale, en effet, concerne essentiellement la difficulté, pas toujours très bien dosée. Il y a du challenge (et je n’aurais certainement pas pu franchir les dernières minutes du jeu sans un patch de tricheur bienvenu…) ; ceci, en soi, n’est pas nécessairement un problème, même si cela m’a un peu rappelé mes morts à répétition dans Alone in the Dark (je ne suis jamais allé bien loin dans ce célèbre titre…), ce qui peut très logiquement s’avérer frustrant. Le problème, c’est plutôt que des séquences extrêmement difficiles en précèdent d’autres bien plus tranquilles, puis redébouchent d’un seul coup, pour constituer un « pic » régulièrement agaçant. Il y a à cet égard un contraste un brin fâcheux entre l’évasion de Gilman House et la majeure partie de la scène de l’affinerie, qui m’a paru en comparaison bien simple… Jusqu’à une scène à mon sens absurde où l’on est poursuivi par un shoggoth dans un couloir, scène chronométrée au poil de couille, et que je ne suis parvenu à franchir qu’après bien des tentatives infructueuses et horriblement frustrantes… La fin du jeu, par ailleurs (disons après l’excellente séquence du bateau, vraiment bien foutue), est très, très ardue, et j’ai mis un bon moment à arpenter le très dangereux Récif du Diable, là où l’arrivée dans ses profondeurs est tout d’abord assez tranquille, avant que la difficulté ne devienne carrément insoutenable pour les dernières séquences…

 

La santé mentale, donc, n’arrange rien à l’affaire. La santé physique est par ailleurs gérée selon un système qui se veut plus réaliste sans l’être forcément, où l’on doit faire un usage économique de bandages, attelles et points de suture (avec parfois un petit shoot de morphine), parfois très frustrant là encore (quand le personnage a une jambe cassée et se traîne horriblement, par exemple). Les munitions sont de même assez rares, comme de juste – et cela rend notamment la toute fin du jeu, très, très, trop difficile à mon sens (pas de rechargement automatique, par ailleurs).

 

Un aspect qui m’a clairement déplu – même s’il était sans doute délibéré, notamment donc dans une optique de renforcer le challenge –, c’est l’impossibilité de faire des sauvegardes au moment de son choix : on doit ici trouver des points de sauvegarde, plus ou moins à l’abri des adversaires, et il peut parfois s’écouler un long moment avant d’en dénicher un nouveau… ce qui, en cas d’échec, implique de se retaper pas mal de choses, parfois bien coton ; ce qui est aussi ennuyeux qu’agaçant.

 

Ces petits défauts n’empêchent cependant pas Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth de constituer un bon jeu, qui, dès l’instant que l’on aura appris à en gérer les aspects les plus éprouvants, sera à même de ravir les joueurs – et probablement en premier lieu les amateurs de Lovecraft, même si cela peut éventuellement constituer une porte d’entrée très raisonnable pour des néophytes. L’ambiance tout à fait remarquable de ce soft en fait un titre, peut-être pas incontournable, mais néanmoins tout à fait recommandable ; bien meilleur en tout cas que ce que je redoutais frileusement avant de m’y lancer. Bonne surprise, donc.

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