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Articles avec #nebal joue a des bons jeux tag

The Dying Earth : The Compendium of Universal Knowledge

Publié le par Nébal

The Dying Earth : The Compendium of Universal Knowledge

The Dying Earth : The Compendium of Universal Knowledge, Pelgrane Press, [2006] 2007, 285 p.

 

Jack Vance, avec la tétralogie de « la Terre Mourante », a créé un univers baroque et foisonnant, unique en son genre. Le lexique est abondant, qui n'est pas toujours mis en valeur autrement que par le contexte, et dans le but de susciter l'émerveillement par l'exotisme. Pour dire les choses clairement, et sans porter le moindre jugement de valeur, Vance n'était pas Tolkien. La Terre mourante du dernier Éon n'a pas le côté « carré » et précisément défini de la Terre du Milieu telle qu'elle a pu être élaborée au cours d'une vie entière ou presque. L'univers vancien, d'ailleurs, est du coup peut-être plus sujet encore à contradictions qu'Arda, mais sans doute posent-elles moins de problèmes.

 

Quoi qu'il en soit, la Terre mourante est un univers à la fois séduisant et plein de trous, et la tentation est forte de venir les combler, ou du moins apporter son grain de sel, sous une forme ou une autre. Cela a pu déboucher sur divers projets littéraires, avant même la grosse et très recommandable anthologie de Gardner Dozois et George R.R. Martin Chansons de la Terre mourante (en verra-t-on enfin un jour le troisième et dernier tome en français ? Grmbl...).

 

Une autre possibilité était le jeu de rôle. Dès le début, à vrai dire : Gary Gygax a volontiers reconnu avoir emprunté au monde vancien pour le vénérable Donjons & Dragons, notamment pour la magie, mais aussi au-delà. Puis, bien plus tard, Pelgrane Press a sorti l'adaptation officielle et approuvée par le Maître, The Dying Earth (en « français », Dying Earth, la Vieille Terre). L'univers s'y prêtait tout particulièrement et il y avait tant de choses à explorer dans les creux qu'on pouvait se permettre d'être créatif, tout en respectant l'œuvre vancienne, à la lettre et dans l'esprit. Plusieurs suppléments ont dès lors été publiés, qui ont joué le jeu du bouche-trous. Ce qui a fini par donner une masse d'informations relativement énorme, qu'il pouvait être intéressant de mettre à plat sous forme de synthèse.

 

Tel est l'objet de ce Compendium of Universal Knowledge, qui reprend tout ce qui avait été dit alors sur l'univers de la Terre mourante, dans les livres de Vance comme dans les suppléments de jeu de rôle (et peut-être aussi ailleurs, comme dans le roman La Revanche de Cugel l'astucieux de Michael Shea ?).

 

Ce Compendium est donc présenté sous la forme d'un dictionnaire au format A4, avec police riquiqui mais mise en page aérée, abondamment illustré (mais c'est généralement assez moche, et les cartes sont toujours aussi illisibles à mes yeux...). Et donc voilà : de « Accic Ocean » à « Zo Zam », tout, tout, tout, vous saurez tout sur la Terre mourante.

 

Les visas commencent par définir une catégorie à laquelle renvoyer le terme : objet, lieu, sortilège, créature, terme technique, etc.

 

On trouve ensuite le « Canon », généralement assez court, qui résume les informations certaines et « officielles » (entendre par-là celles qui figurent de manière clairement posée dans les quatre livres de Jack Vance).

 

Après le « Canon », le gros de l'article, le plus souvent, est occupé par les « Opinions », développements plus abondants mais sujets à contradictions, déduits de l'univers vancien, du contexte, etc., et qui forment dans un sens le matériau de base du jeu de rôle. Ces « Opinions » sont rapportées par des « Amis du Compendium », décrits en fin d'ouvrage, tous dotés d'une forte personnalité et qui ne rechignent certes pas à se marcher sur les pieds à la moindre occasion, en fonction de leurs passés réciproques.

 

On trouve aussi parfois des « Rumors of Impending Hazard », qui sont autant de pistes à creuser pour bâtir un scénario ou ne serait-ce qu'une transition ou une fausse piste (mais je n'ai le plus souvent pas été convaincu par ces suggestions, trop légères ou trop bourrines à mon goût...).

 

Enfin, les (assez rares) informations d'ordre technique figurent dans des encadrés grisés.

 

Le Compendium est un dictionnaire : en tant que tel, même pour les fans les plus acharnés, il a sans doute quelque chose de rébarbatif... J'aurais par ailleurs tendance à lui reprocher de trop mettre l'accent sur les créatures (on a parfois l'impression de lire un bestiaire...). J'a enfin trouvé regrettable que, en dépit des « Opinions » et des rivalités qu'elles suscitent, le livre soit nettement moins drôle et flamboyant que les autres textes du jeu que j'avais eu l'occasion de lire jusqu'à présent (en français il est vrai)...

 

Ceci étant, le Compendium of Universal Knowledge reste un supplément intéressant pour les rôlistes, qui y trouveront sans nul doute matière à étoffer leurs parties, et peut-être même pour les simples amateurs de l'œuvre vancienne, qui se replongeront ainsi avec plaisir dans cet univers d'une richesse incomparable (et dont on prend vraiment conscience ici, en se noyant sous les articles). Ouvrage bien conçu (en « hypertexte », au sens où chaque article est lié à nombre d'autres), et qui a le bon goût de distinguer intelligemment ce qui vient de la source originelle et ce qui en a été extrapolé depuis (j'aimerais bien que d'autres jeux de rôles « adaptés » procèdent ainsi, mais bon...), le Compendium of Universal Knowledge s'avère donc satisfaisant, même si l'on peut le critiquer ici ou là.

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Achtung ! Cthulhu : Guide du Gardien pour la Guerre Secrète

Publié le par Nébal

Achtung ! Cthulhu : Guide du Gardien pour la Guerre Secrète

Achtung ! Cthulhu : Guide du Gardien pour la Guerre Secrète, Sans-Détour, [2012-2013] 2014, 368 p.

 

Complément indispensable au Guide de l'Investigateur pour la Guerre Secrète, le présent Guide du Gardien pour la Guerre Secrète est d'une tout autre ampleur. Et correspond sans doute bien davantage à mes attentes ; en effet, ainsi que j'en avais fait la remarque lors de ma chronique du premier livre de la gamme, celui-ci était presque totalement dépourvu d'éléments spécifiquement lovecraftiens. S'il débordait de matériel (plutôt bienvenu – et bien fait) pour créer des investigateurs impliqués dans la « guerre secrète » sous-jacente au second conflit mondial, il ne donnait quasiment aucun élément sur le pourquoi et le comment de cet affrontement occulte. Tout cet aspect essentiel, ou peu s'en faut, a été réservé pour ce deuxième titre. J'avoue que la séparation en deux volumes, qui vient de l'édition originale, sauf erreur, me laissait un peu perplexe... Mais bon, hein, bon : admettons...

 

Une précision d'emblée, cependant : à la différence donc du Guide de l'Investigateur, le volume qui nous intéresse aujourd'hui ne contient que très peu de technique, et renvoie aux livres de base, soit de L'Appel de Cthulhu, soit de Savage Worlds. Deux brefs chapitres évoquent ainsi les spécificités de l'affrontement militaire pour ces deux systèmes ; par la suite, on trouve à vrai dire surtout des éléments concernant Savage Worlds, dans la mesure où la plupart des livres maudits, sorts et créatures du « Mythe » avaient déjà été couverts autrement pour L'Appel de Cthulhu ; mais ça ne vaut étrangement pas pour l'ensemble du livre, dans la mesure où il se conclut (de manière un peu « bizarre » là aussi...) par les deux premiers épisodes (largement indépendants il est vrai) de la campagne « Point Zéro », dans laquelle les (rares il est vrai) données techniques... se basent uniquement sur le BRP de L'Appel de Cthulhu ; ce qui est un peu dommage, tout de même...

 

L'essentiel est cependant ailleurs, dans le background (entendu très largement), qu'il soit spécifiquement « lovecraftien » ou adapté à l'époque du conflit et à ses conditions dans notre histoire. Même si, à vrai dire, l'essentiel du background original se rapporte aux sociétés secrètes occultistes de part et d'autre du Front de l'Ouest (oui, il faut préciser ça aussi : le front russe, celui du Pacifique, celui d'Afrique du Nord seront couverts par d'autres suppléments – celui du Front Pacifique est sorti il y a peu en français, d'ailleurs). Les plus longs développements concernent ainsi deux groupes occultes nazis, le Soleil Noir et Nachtwölfe. Ce qui nous vaut des choses très intéressantes... mais aussi, hélas, quelques déconvenues, la principale à mon sens concernant le sous-texte de cette histoire parallèle, qui s'avère plus derlethien que lovecraftien à proprement parler (et va même à l'occasion jusqu'à flirter avec le sinistre Brian Lumley) ; en effet, les auteurs ont eu recours à la mauvaise idée d'Auggie – véritable falsification philosophique des œuvres de son mentor – selon laquelle il y a un conflit manichéen entre les Grands Anciens et de prétendus « Dieux Très Anciens », lesquels auraient « enfermé » les meuchants Cthulhu et compagnie ; en l'occurrence, ici, on parle surtout [SPOILER!] de Yog-Sothoth, prisonnier dans les Contrées du Rêve – ce qui fait bizarre, pour un gazier indicible dont on nous dit par ailleurs qu'il réside entre les dimensions et qu'il est la porte et la clef de la porte...

 

Bon, après, il y a quelques machins d'un goût douteux, ou disons plus exactement très pulp ou bisseux, mais dans un sens pas terrible, quand même (j'en veux pour preuve cet ersatz d'Ilsa la Louve SS qui y joue un rôle important, et qui agite frénétiquement sa cravache de cuir, ce qui est à n'en pas douter très lovecraftien une fois de plus).

 

Mais bon : là, je dis du mal, alors que j'ai dans l'ensemble bien aimé ma lecture : le mélange entre l'histoire authentique et les délires conspirationnistes les plus weird passe plutôt bien dans l'ensemble. J'ajouterais – ce n'est jamais négligeable – que le livre est beau, avec des couleurs douces qui mettent bien en valeur les illustrations (très mignolesques, avec des aplats de noir en veux-tu oui en voilà merci), ou encore les cartes quand on en vient aux deux épisodes de la campagne « Point Zéro ».

 

Quelques mots d'ailleurs sur ces scénarios : le premier, « Opération : Trois Rois », se déroule dans le Protectorat de Bohême-Moravie, après Munich mais avant le déclenchement du conflit ; on y croise une résistance embryonnaire, confrontée à des atrocités nazies (déjà) qui constitueront probablement un des premiers épisodes authentiques de la « guerre secrète » ; cela, dit, ce scénario ne m'a pas vraiment convaincu – ou pas plus que ça, disons – et je lui ai de loin préféré le deuxième épisode, « Opération : Wotan », qui a la bonne idée de se dérouler en pleine opération Dynamo (l'évacuation des troupes britanniques et françaises de la poche de Dunkerque), ce qui fournit un cadre de choix, à condition de savoir le gérer utilement pour infliger de bonnes grosses doses de stress aux personnages (l'auteur propose des tables de rencontre, dont le principe me laisse tout de même assez sceptique, même si elles sont bien réalisées).

 

 

Mais il est une chose que je ne peux taire, et qui m'a fait fulminer plus qu'à son tour. Bon. Je ne regrette pas mon achat, hein, et suis curieux de voir où tout cela va nous mener... Mais, bordel, les gens de Sans-Détour, vous pourriez faire gaffe à ce que vous êtes supposés éditer et que vous vendez à un prix tout de même conséquent ! Parce que ce bouquin n'est « pas fini ». Le problème de base, c'est la traduction, qui est calamiteuse ; cependant, il y a eu en principe deux relectures, mais j'ai du mal à le croire, tant ce Guide du Gardien pour la Guerre Secrète, au-delà de la langue maladroite et trop souvent moche, déborde littéralement de conneries grosses comme moi. Il ne s'agit pas ici de simples coquilles (même s'il y en a : le grand incendie de Londres a ainsi lieu, à en croire ce texte, en 1966...), mais de bêtises pures et simples : les confusions et contresens ne manquent pas, et l'anglais mal digéré (enfin : pas digéré du tout...) est hélas de la partie, ce qui nous vaut régulièrement un affreux gloubi-boulga où le français, l'anglais et tant qu'à faire l'allemand se mêlent pour nous piquer les yeux. J'ai été particulièrement agacé par certains anglicismes inacceptables, notamment pour ce qui est des noms propres (même si, au-delà, le traducteur – euh... – nous inflige bien, à plusieurs reprises, un « Beer Hall Putsch » reproduit tel quel, en lieu et place de « Putsch de la Brasserie »... ce n'est qu'un exemple, il y en a plein d'autres, hélas) ; ainsi, on trouve (plusieurs fois) « Burma » quand on devrait trouver « Birmanie », ou encore « Warsaw » et pas « Varsovie »... Et « les œuvres complètes de Tacite », ça aurait peut-être été mieux, et sans coûter plus cher, que « les travaux complets de Tacitus », non ? J'en passe et des pires. Boulot bâclé par des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent... et surtout qui s'en foutent. Quitte à faire mon « grammar nazi » (c'est de circonstance), voilà : j'en ai marre de lâcher de la thune pour des bouquins pas finis, et néanmoins onéreux ; à ce stade, je trouve ça pathétique, et même probablement scandaleux.

 

Bon... J'ai quand même apprécié ma lecture, hein, tout en fulminant régulièrement. Je suis même assez bête pour poursuivre les gammes cthulhiennes de Sans-Détour... Ma faiblesse a quelque chose de coupable, peut-être... Mais merde : appliquez-vous !

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L'Anneau Unique : Guide des Terres Sauvages

Publié le par Nébal

L'Anneau Unique : Guide des Terres Sauvages

L'Anneau Unique : Guide des Terres Sauvages, Ubik – Edge, [s.d.], 128 p.

 

Étrangement (enfin, pour moi...), ce Guide des Terres Sauvages n'a été publié qu'après le très recommandable par ailleurs recueil de scénarios Contes et Légendes des Terres Sauvages, qu'il aurait pu compléter utilement à l'occasion. Mais c'est qu'il s'agit dans un sens d'une série autour de la campagne Ténèbres sur la Forêt Noire, entamée avec le livre de base de L'Anneau Unique, et poursuivie avec le présent volume (mais le recueil de scénarios précité peut donc également y être inséré, sous la forme d'un prologue), et qui sera achevée par le volume Ténèbres sur la Forêt Noire à proprement parler. Et je dois dire qu'une chose m'effraie à ce niveau-là : le risque qu'il soit nécessaire de jongler entre tous ces ouvrages... Ainsi, par exemple, les caractéristiques de Radagast et de Béorn (et encore ! Seulement sous sa forme d'ours...) ne figurent pas dans le présent volume, où elles sont pourtant essentielles, mais dans le livre de base. Il en va de même pour le Loup-Garou de la Forêt Noire, ou pour les araignées géantes les plus basiques, qui infestent la contrée... Certes, on évite ainsi des répétitions, mais je ne suis pas certain que l'appréhension du cadre et la maîtrise par la suite y gagnent...

 

Cela dit, passé ce doute introductif, on peut prendre ce livre tel qu'il est – et dans l'absolu, il est très bien fait. Même si (nouveau petit grognement) je le trouve parfois un peu trop succinct pour la matière qu'il traite, tellement vaste... Bon, faut relire Le Hobbit, alors ?

 

Ce guide est découpé en trois parties : la Vallée de l'Anduin, la Forêt Noire, et enfin une sorte de « bestiaire » pour conclure tout ça (qui comprend aussi bien des personnages non-joueurs que les meuchantes bébêtes habituelles) ; les dernières fiches sont brèves mais bien faites, s'en tenant à ce qui est utile ; rien à redire à cet égard.

 

Évoquons plutôt les deux parties « géographiques » qui forment la quasi-totalité du livre. Elles décrivent des paysages variés, des contrées « fréquentables » (et même pour certaines fréquentées, par les Béornides, les Hommes des Bois ou les Elfes sylvains, sans même compter certaines bizarreries mentionnées ici ou là – comme les Hobbits de l'Anduin, dont la présence est plus logique en ces terres que celle des Hobbits de la Comté, mais qui me paraissent à vrai dire aussi peu jouables, quand bien même c'est pour des raisons différentes) à celles où il ne fait vraiment pas bon mettre les pieds, si tant est que l'on puisse jamais le faire, le retour des Nazgûl qui s'annonce à Dol Guldur n'arrangeant bien évidemment pas les choses.

 

Il y a tout de même ici une nette différence entre les berges de l'Anduin, même si elles ne sont pas exemptes de dangers, et la Forêt Noire, tout spécialement en son « cœur » ou bien entendu du côté de Dol Guldur, où la présence de l'Ennemi reste forte et est destinée à s'accroître encore au fil des années précédant la Guerre de l'Anneau. L'ambiance du livre, ici, est une vraie réussite, surtout à vrai dire pour ce qui concerne la Forêt Noire : il y a en effet de quoi avoir peur là-bas, avec toute une flopée de nouveaux périls s'ajoutant aux plus traditionnels.

 

Mais il y a d'autres « rajouts » à noter : j'avais vaguement évoqué les origines culturelles avec ces Hobbits restés en arrière, mais il y en a d'autres. Il y a aussi de très nombreuses possibilités d'action lors de la phase de Communauté (au-delà du seul fait d'établir un Sanctuaire ou de trouver un Garant). Les parties « techniques » (un peu plus que le reste, en tout cas) sont généralement traitées dans des encadrés bien placés et justifiés, s'intégrant parfaitement dans la lecture. Et il faut bien entendu y ajouter de nombreuses cartes...

 

En tant que tel, ce Guide des Terres Sauvages constitue donc dans l'ensemble un bon supplément de contexte ; rien d'exceptionnel, mais tout à fait agréable et utile, bien fait en somme. Mais je le trouve tout de même un peu frustrant, car trop bref à l'occasion, voire lacunaire : il appelle en effet clairement à être complété, par Ténèbres sur la Forêt Noire, donc ; je vous en parle prochainement.

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Tremulus

Publié le par Nébal

Tremulus

Tremulus, Reality Blurs, 2012, 243 p.

 

Dire que Lovecraft a eu une grande influence sur le jeu de rôle relève du lieu commun, voire de l'euphémisme. Le vénérable L'Appel de Cthulhu (septième édition pour bientôt) est incontestablement le plus célèbre jeu basé sur son univers, mais il y en a bien d'autres, comme, bien sûr, le plus moderne Cthulhu basé sur le système « Gumshoe », voire des choses qui s'éloignent du jeu de rôle « traditionnel » pour déboucher sur des expériences à part (j'avais ainsi évoqué De Profundis et Mnémosyne). On a le choix, donc. Mais, si le parfois décrié « BRP » ne me paraît pas si pire, et s'il faudrait sans doute que je relise le « Gumshoe », j'avoue que je n'étais pas contre l'idée, pas si saugrenue que ça, d'une sorte d'intermédiaire entre jeux « classiques » et autres plus « expérimentaux »...

 

On m'avait parlé, il y a de ça un bail, de Tremulus, jeu indépendant signé Sean Preston, et j'étais curieux. Je l'étais à vrai dire d'autant plus que le système sur lequel il se fonde, « Haiku », était censément dérivé pour l'essentiel de celui d'Apocalypse World, avec des morceaux de FATE dedans ; or ces deux systèmes sont semble-t-il placés par-dessus tous les autres par les rôlistes les plus au fait de ce qui se pratique... Pourquoi pas, donc ?

 

 

Hou-là...

 

Bon : ainsi que vous le savez, Nébal est un con ; ça s'est vérifié, j'imagine, dans la mesure où je n'ai absolument rien panné aux premiers chapitres de ce bouquin... Le monsieur Preston a peut-être des idées en veux-tu en voilà (j'y reviendrai), mais niveau pédagogie et clarté d'exposition, j'ai l'impression qu'il a encore du boulot. Pourtant, on ne lui reprochera pas de tirer à la ligne... car Tremulus m'a fait l'effet – désagréable, mais ça c'est moi – d'un jeu « anti-littéraire » ; sa présentation est « scientifique », à base de très courts paragraphes, de points, et de typographie précise. Bon, on s'y fait, hein, mais ça n'en rend pas exactement la lecture agréable... Et il m'a fallu attendre la fin de la première partie pour comprendre vaguement de quoi qu'y causait, le monsieur...

 

Et j'ai un problème avec cet aspect « scientifique », qui ne concerne hélas pas que la forme, mais aussi le fond. La mécanique, centrale ici, a tout d'une démonstration logico-mathématique, et ça m'a vite gavé. Surtout dans la mesure où ce système, bien loin d'assurer liberté et souplesse aux joueurs comme au MJ, me paraît extrêmement rigide et contraignant. Les « mouvements », qui permettent d'agir, sont ainsi en nombre limité, et renvoient forcément à telle ou telle caractéristique de base (précisée), que l'on additionne au résultat de 2d6 : si l'on fait 10 ou plus, c'est cool, ça passe ; de 7 à 9, le succès est mitigé, et le MJ présente en général une alternative au joueur (ce qui, en ce qui me concerne, présente le risque de casser narration et immersion) ; en dessous, c'est un échec, ce qui peut là encore déboucher sur des « mouvements » du MJ. Dit comme ça, cela a l'air élémentaire, et pourrait plutôt bien fonctionner, j'imagine... Pourtant, je ne suis pas convaincu ; j'ai vraiment l'impression d'une mécanique trop sévère et trop « hors-narration »... là où elle est censée participer à son élaboration. Mais de ce point de vue, Tremulus me paraît aux antipodes du séduisant FATE Accelerated, où la combinaison des approches (précises) et des aspects (innombrables et relevant d'un choix personnel), non seulement offre une grande liberté d'interprétation aux joueurs comme au MJ, mais, en outre, participe toujours, et obligatoirement, du récit, sans artifice ; j'y vois de bonnes règles, en ce que leur efficacité passe aussi par leur discrétion et leur simplicité tenant de l'évidence. Or je n'arrive pas à concevoir une partie de Tremulus satisfaisante sous cet angle ; bon, peut-être que je changerais d'avis si je pouvais véritablement essayer la chose, hein... Mais en l'état, non.

 

D'autant que ce que je dis là des « mouvements » se vérifie aussi pour d'autres concepts du jeu ; ainsi, formaliser la confiance que les PJ éprouvent mutuellement les uns pour les autres me laisse un peu perplexe...

 

(Et, c'est sans doute très accessoire, mais j'ajouterais bien que la plume de l'auteur, acharné à défendre le moindre point de son système, à la « faites comme je dis, vous verrez plus tard que j'ai raison (bande de moules) », m'a agacé de par son arrogance implicite...)

 

Bon : Tremulus n'est pas un jeu pour moi, faut croire... Est-ce à dire que tout y est à jeter en ce qui me concerne ? Peut-être pas. Il y a en effet des choses intéressantes après cette douloureuse entrée en matière, des choses qui concernent essentiellement le MJ. Le jeu repose semble-t-il énormément sur l'improvisation, le cadre étant déterminé au fur et à mesure par la table dans son ensemble, et le MJ étant appelé à réagir aux « mouvements » inattendus (et inévitables) des joueurs. Pour ce faire, Sean Preston disserte dès lors longuement sur la manière pour le MJ (notamment) de développer un cadre (même si les joueurs y participent) et de réagir aux « mouvements ». Le problème, à mon sens, consiste à nouveau à partir de schémas aussi rigides – ce qui me paraît un peu paradoxal pour de l'impro, mais bon – pour les plaquer, artificiellement à mon sens, sur la partie en cours ; mais d'un point de vue strictement théorique, c'est assez intéressant...

 

Et, d'ailleurs, le cadre de jeu d'Ebon Eaves qui occupe la fin de l'ouvrage regorge de bonnes idées. Sauf qu'il ne s'agit pas d'un cadre, mais d'une multitude, l'auteur se basant sur quelques concepts primordiaux pour lancer des dizaines (centaines?) de variantes, le plus souvent intéressantes (enfin, à ceci près que les lire toutes à la suite est à peu près aussi chiant que de se taper un annuaire...).

 

Mouais.

 

Bon, Tremulus n'est pas pour moi. C'est pas grave, hein...

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NanoChrome

Publié le par Nébal

NanoChrome

NanoChrome. Cyberpunk de poche, Chibi, [s.d.], 107 p.

 

Il y a certes des vieux grognards pour se plaindre, façon « c'était mieux avant », de ce qu'il ne paraît plus rien de neuf en jeu de rôle, mais ces gens-là ont à mon sens des œillères. Que ce soit chez les gros machins (tout relatifs, bien sûr) ou a fortiori du côté indépendant ou amateur, le catalogue me paraît amplement assez vaste pour que chacun y trouve son bonheur.

 

Et puis il y a cette chose étrange, que j'avais du mal à envisager jusqu'à une date toute récente : des auteurs. En l'occurrence, nous parlerons ici de John Grümph, très prolifique et dans tous les styles ou presque (en témoignent déjà les deux seuls jeux signés par le monsieur que j'avais déjà, l'intriguant Mahamoth et surtout l'enthousiasmant Oltréé ! qu'il faudra bien que je teste un jour). Et puis il s'est mis, via sa collection Chibi, à développer des jeux très simples (façon de parler, hein), au système élémentaire, sans véritable background, mais parfaits pour l'initiation – et sans doute aussi pour la réflexion sur ce qui est constitutif du genre en question. J'avais lu ainsi bien des critiques positives de Dragon de poche. Aujourd'hui, cependant, c'est de NanoChrome (ou Cyberpunk de poche) que je vais brièvement vous parler, et j'ai l'impression qu'il a été plus diversement accueilli. N'empêche qu'il me tentait bien, surtout après ma déconvenue avec le livre de base de la cinquième édition de Shadowrun, tellement complexe et simulationniste qu'il en devenait à mon sens injouable. Alors un petit jeu cyberpunk, abordable et sans prétention absurde d'exhaustivité, moi, je disais oui. La chose est disponible pour pas cher (sur le ouèbe uniquement, pour le moment en tout cas), et on me l'a de toute façon prêté, alors hop.

 

Le premier contact a cependant eu quelque chose d'un peu rude. NanoChrome utilise un système OGL tout con (avec des d6) qui, pour être très simple, ne me paraît pas forcément très pertinent ici. La relative, voire presque complète absence de background, je m'y attendais, donc (on est joyeusement invité à piller ce qui se fait ailleurs, ou – mieux et essentiel ici – à générer tout ça). Je note quand même l'idée de « Panopticon », qui renvoie pas mal à la « sous-veillance » d'Eclipse Phase telle qu'elle est définie dans... Panopticon.

 

Autre chose à signaler, bien sûr : si les tables vous effraient (ce qui est souvent mon cas), fuyez, pauvre fous ! Ce fut à vrai dire mon premier réflexe. Je l'ai dépassé, heureusement, et ai fini par y trouver mon bonheur. Car si, disons-le, NanoChrome n'est à mon sens pas très enthousiasmant pour lui-même en tant que jeu, il fournit par contre un merveilleux outil de création pour le maître de jeu. Besoin d'une faction, d'un allié, d'une nemesis sur le pouce ? Hop ! Ça y est, en quelques jets de dés. Et ça marche aussi pour tout le reste, en fait – les lieux, par exemple, ou encore les événements déclencheurs, les complications, etc. Vous l'aurez compris, tout cela est surtout utile en mode « sandbox », mais je suis persuadé qu'on peut également l'utiliser pour préparer une partie un peu à l'arrache, mais parfaitement à même de satisfaire tous les joueurs.

 

D'où ce bilan : non, NanoChrome n'est pas en ce qui me concerne un très bon jeu de rôle ; mais c'est un outil de choix pour le maître de jeu, aussi vaut-il quand même le détour.

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The Void : Core

Publié le par Nébal

The Void : Core

The Void : Core, Wildfire, [2012] 2013, 237 p.

 

L'horreur lovecraftienne est susceptible de bien des déclinaisons rôlistiques, au-delà du classique L'Appel de Cthulhu, au-delà de la Nouvelle-Angleterre, au-delà des années 1920-1930. Le mouvement d'adaptation est ancien, et sans doute appelé à se développer plus encore au fil du temps. Les meilleures idées côtoient certes les pires en la matière, mais un amateur plus ou moins compulsif tel que votre serviteur est de la sorte attiré par pas mal de choses, plus ou moins fidèles à l'esprit des œuvres du Maître de Providence.

 

The Void en témoigne assurément : conçu par les gens de Wildfire (à qui l'on devait déjà Cthulhutech, qui me laisse plus que sceptique a priori...) à partir d'un supplément pour Traveller, il invite les joueurs à transposer l'univers lovecraftien dans un cadre de science-fiction « hard science » (c'est ce qu'ils disent, en tout cas, mais je ne suis pas très convaincu pour ma part...). Il s'agit par ailleurs, en théorie, du premier jeu du label « The Cthulhu Saga », qui vise à établir un univers cohérent permettant de jouer de la lovecrafterie dans bien des cadres différents, néanmoins liés entre eux. Ajoutons enfin, la belle idée, que ce livre de base est disponible gratuitement au téléchargement légal (ou, plus exactement, en tu-payes-quoi-tu-veux), et qu'il est sous licence Creative Commons, de même que l'ensemble de la gamme.

 

L'action débute en l'an 2159 après Jean-Claude, et prend pour cadre l'ensemble du système solaire, colonisé par l'humanité (et pas vraiment la transhumanité, et plus globalement c'est ce qui me gêne un peu dans le background tel qu'il est présenté ici : plus ou moins crédible, plus ou moins original – mais plutôt moins que plus –, The Void me paraît bien timide sur le plan de la prospective ; disons que la lecture de ce livre de base, après m'être enquillé presque toute la gamme d'Eclipse Phase, ou encore, côté littérature, l'excellent et bluffant Accelerando de Charles Stross, déçoit quelque peu...). Une ombre au tableau, pourtant : un étrange phénomène, totalement incompréhensible aux humains, se rapproche du système solaire ; et à mesure que cette « Étoile Chthonienne » franchit les distances astronomiques qui la rapprochent du berceau de l'humanité, de sombres mystères refont surface, et des choses inconnues de l'homme se rappellent à son attention...

 

Alors, oui, certes, tout cela fournit l'occasion d'exhumer bébêtes et autres entités dues à la plume de Lovecraft ou de ses épigones. Pour autant, on peut se demander si ce jeu est « si lovecraftien que ça »... Surtout dans la mesure où l'intention affichée par les créateurs est de livrer un jeu de « survival horror », très inspiré par les jeux vidéos type Resident Evil ou Silent Hill, mais probablement – à en juger par les nombreuses petites nouvelles qui émaillent ce Core, et par le scénario d'introduction qui y est proposé – plus encore par la saga Alien, et plus précisément par l'Aliens de James Cameron. Que j'adore, hein. Mais disons qu'il s'agit de sortir les gros flingues, quand même, dans l'espoir un peu vain de s'en tirer – pour cette fois. Et je redoute ainsi que le jeu souffre d'une tendance à la bourrinade, vite lassante, et assez peu « HPL-approved ». Mais bon : un jeu de rôle, c'est ce qu'on en fait, j'imagine et ose espérer qu'il y a moyen de biaiser quelque peu. Ce n'est cependant pas pour rien que ce livre de base insiste pour que les joueurs incarne des « Wardens », entre agents secrets et commandos, et que, dans les équipes d'intervention, les « Enforcers » sont censés être plus nombreux que les « Investigators » et plus encore que les « Researchers »... (Une note au passage : ces « Wardens » ont un statut officiel, quand bien même ils doivent rester discrets et faire en sorte que l'humain lambda n'apprenne rien des bizarreries qui justifient leur intervention ; pas forcément grand-chose à voir, finalement, avec la société secrète Firewall dans Eclipse Phase.) Ah, et par ailleurs, le chapitre consacré à l'équipement ne présente que des armes et armures, c'est quand même éloquent...

 

On appréciera par contre grandement la simplicité du système et, dans l'ensemble, la clarté dans l'exposition. Il est basé sur des d6, dont le nombre est déterminé en additionnant classiquement Attribut + Compétence (celles-ci ne sont pas excessivement nombreuses) ; chaque 5 ou 6 est un succès ; il faut alors comparer le nombre de succès à ce que réclame le maître de jeu. J'aime bien : simple, efficace, relativement intuitif. Cela vaut pour le combat aussi ; je n'ai par contre pas été convaincu par l'adaptation de ce système à ce qu'ils appellent le « combat social », qui me paraît inutilement compliqué et un peu trop artificiel, voire contraignant, à vue de nez...

 

En tout cas, la prise en main est aisée. Les auteurs prétendent qu'il suffit d'une heure après avoir acheté le livre pour pouvoir lancer une partie, en se basant sur la présentation générale des premiers chapitres, bientôt suivis par un scénario d'introduction. Ce qui est un peu absurde, mais bon... En tout cas, on appréciera l'absence de bavardages inutiles – je parle des règles, bavardez autant que vous le voulez pour ce qui est background – et de règles spéciales pointilleuses ; et, effectivement, se reporter aux rares encadrés, presque tous des « At a glance » qui synthétisent ce qui est développé de manière plus littéraire et classique autrement, permet de très vite trouver l'information nécessaire, et de jouer rapidement dans de bonnes conditions. Bon, le scénario d'introduction, comme souvent, est un peu bidon (et bourrin, donc), mais c'est une introduction...

 

Sous cet angle, donc, ce n'est pas mal fait. Du tout. L'ouvrage est en outre d'une lecture agréable – les brèves nouvelles comme les illustrations, assez réussies dans l'ensemble, participent de ce sentiment. Aussi veut-on bien laisser sa chance à cette énième déclinaison s'affichant comme lovecraftienne, en dépit des quelques bémols touchant au background que j'ai mentionnés, que l'on peut aisément mettre de côté pour un temps – ou, à terme, retravailler pour obtenir quelque chose de plus satisfaisant. Ce qui demande un peu de travail, mais on peut s'y lancer sans trop renâcler. Il faudra de toute façon voir avec les nombreux petits suppléments qui ont été publiés depuis, et qui sont peut-être à même de remédier à tout cela ; par exemple, je lis très bientôt Secrets of the Void, on va bien voir ce que ça va donner...

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Dying Earth, la Vieille Terre : Le Florilège du Jet Prismatique Excellent, tome II

Publié le par Nébal

Dying Earth, la Vieille Terre : Le Florilège du Jet Prismatique Excellent, tome II

Dying Earth, la Vieille Terre : Le Florilège du Jet Prismatique Excellent, tome II, Archéos – Oriflam, [2000] 2005, 48 p.

 

Le premier tome du Florilège du Jet Prismatique Excellent était essentiellement consacré, on l'a vu, à des scénarios, pour les trois niveaux de jeu, et m'avait paru plus ou moins convaincant. Ce tome II semble en prendre le contre-pied, en se focalisant cette fois sur les aides de jeu (surtout niveau Cugel), et c'est pas plus mal, moi j'dis. En tout cas, c'est une belle réserve d'idées pour des parties toutes plus loufoques les unes que les autres.

 

Il y a cependant une exception (mais toujours dans le domaine des aides de jeu) : les nouveaux Amendements introduits par Sasha Bilton et Phil Masters – qui sont bien, certes, mais auraient du coup parfaitement trouvé leur place directement dans le Compendium des Avantages Indispensables de Cugel.

 

Le reste consiste essentiellement en descriptions de villes, lieux paumés et factions.

 

Lizard présente ainsi de long en large Port de Forell, qu'on ne qualifiera pas exactement de paisible station balnéaire. Ça regorge d'idées, même si elles ne sont pas toutes d'une originalité stupéfiante.

 

Le même Lizard s'intéresse ensuite aux cultes et aux cabales de la Vieille Terre. Car, oui, il y en a toujours pour croire en quelque chose en ce XXIe Éon annonçant la fin de tout, et, oui, ils sont parfaitement cintrés. Cela dit, l'auteur va ici bien au-delà de la simple satire, et il y a amplement de quoi piocher là-dedans.

 

Des sites ruraux (on ne dira pas « bucoliques ») ensuite avec « l'Enfer Vert » : Lizard (encore lui) rapporte de très belles trouvailles ; celles de Ian Thomson sont moins convaincantes, même si pas inintéressantes pour autant.

 

On retourne à une description urbaine, plus complète, riche et enthousiasmante que celle de Port de Forell, avec Efred, la cité-sanctuaire, longuement détaillée par David Thomas. Cette cité qui se veut paisible, bien loin de l'agitation de la plupart des villes de la Terre Mourante, l'est sans doute, mais à quel prix ? Et il faut faire attention aux vrais pouvoirs dans l'ombre, capables de sanctions bien plus radicales qu'un simple exil...

 

On évoquera enfin « Le Collège de l'Infinie Sagesse de Twanlik », sorte de « Bibliothèque de Babel » mâtinée d'Un cantique pour Leibowitz, censée contenir tout le savoir du monde, et visant à sa préservation contre vents et marées, dans l'espoir, peut-être, que viendra un nouvel Éon, où le soleil retardera sa disparition. Une très belle aide de jeu, susceptible de générer bien des aventures.

 

L'ensemble de ce (très) bref supplément est d'ailleurs parsemé de suggestions de scénarios, surtout niveau Cugel, mais elles sont hélas plus ou moins intéressantes...

 

Ce bémol mis à part, il est clair que ce tome II du Florilège du Jet Prismatique Excellent est bien plus intéressant que son prédécesseur (enfin, à mes yeux en tout cas), et constitue un supplément bienvenu. Dommage qu'Oriflam se soit arrêté là...

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"L'Anneau Unique : Contes et Légendes des Terres Sauvages"

Publié le par Nébal

"L'Anneau Unique : Contes et Légendes des Terres Sauvages"

L'Anneau Unique : Contes et Légendes des Terres Sauvages, Ubik – Edge, 2013, 151 p.

 

Sauf erreur, Contes et Légendes des Terres Sauvages est le premier supplément publié en français pour L'Anneau Unique : Aventures dans les Terres Sauvages (oui, avant même l'Écran du Gardien des Légendes et Guide de la Ville du Lac ; on notera d'ailleurs qu'il n'est pas fait mention des Hommes du Lac comme origine culturelle – même chose à vrai dire dans Ténèbres sur la Forêt Noire dont je vous parlerai prochainement).

 

Il s'agit d'un recueil de sept scénarios, permettant d'arpenter une bonne partie des Terres Sauvages. Ils peuvent être joués soit en one-shots (surtout les premiers), soit en campagne (celle-ci prenant de plus en plus d'importance au fur et à mesure ; les derniers scénarios sont ainsi intimement liés, avec même une phase de communauté qui saute).

 

On m'avait vanté la qualité de la gamme de L'Anneau Unique, et ce premier véritable contact en est déjà une belle confirmation. On notera que, si le livre est un peu austère, il est par contre d'une lecture très agréable, faisant preuve d'une grande clarté dans l'expression et dans l'exposition (ce qui à mon sens faisait défaut dans le livre de base). Hormis quelques renvois au bestiaire (limité) de L'Anneau Unique, toutes les informations nécessaires sont disponibles là où elles sont le plus utiles (ce qui vaut pour les encadrés, qui ont généralement tendance à m'énerver dans la mesure où ils cassent un peu la lecture, mais ils sont ici parfaitement justifiés et toujours bien placés).

 

Au-delà, chose remarquable, l'esprit des romans de Tolkien est parfaitement respecté dans ce monde sauvage et rural, où les voyages abondent (mais toujours soigneusement préparés, et avec leurs périls propres), et où les rencontres, pour être rares, sont déterminantes (on notera d'ailleurs une nouvelle règle bienvenue, venant compléter la tolérance, et déterminant la réaction de l'interlocuteur).

 

Les sept scénarios sont en principe conçus pour être de plus en plus ardus (même si je mettrais pour ma part un bémol en ce qui concerne la fin du deuxième, un des très rares épisodes vraiment « donjonneux » de l'ensemble, qui m'a l'air assez coriace à vue de nez).

 

Pour le reste, on a droit à un peu de tout, mais toujours dans un esprit très tolkienien. Ce qui se ressent notamment lors des épisodes de combat les plus épiques : pas question ici de convertir de l'Orque en XP, il y en a trop et cela ne servirait à rien. Non : les joueurs doivent faire preuve de stratégie, et la fuite est une option à ne jamais négliger.

 

Cela dit, tout cela se rapporte aux motivations des personnages, dont la part d'Ombre peut connaître d'impressionnants sursauts les conduisant à la mélancolie...

 

La possibilité de jouer ces scénarios en quasi-campagne m'incite à ne pas détailler outre-mesure les différents épisodes ; en tout cas, on en a pour son argent. Je vais quand même m'autoriser un petit SPOILER pour la fin, où les personnages sont de plus en plus confrontés au Roi du Gibet, un spectre qui faisait office de tortionnaire dans les geôles de Dol Guldur, et qui incarne en partie le retour de l'Ombre dans les Terres Sauvages, jusqu'à une nouvelle bataille déterminante pour s'emparer de Dale... et plus encore, mais là je me tais.

 

Au final, Contes et Légendes des Terres Sauvages me fait l'effet d'un très bon recueil de scénarios, et la possibilité de le moduler en campagne est très intéressante – d'autant qu'elle peut ainsi faire office de prologue au gros machin qu'est Ténèbres sur la Forêt Noire, dont je vous causerai prochainement. On appréciera notamment combien il se montre respectueux de l'univers de Tolkien sans faire dans la servilité timide pour autant. Je n'y mettrais à vrai dire qu'un seul bémol, tout relatif : le niveau de difficulté m'a l'air assez élevé, peut-être trop... mais bon, ça s'adapte.

 

Prochaine étape : le Guide des Terres Sauvages.

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"Dying Earth, la Vieille Terre : Le Florilège du Jet Prismatique Excellent, tome I"

Publié le par Nébal

"Dying Earth, la Vieille Terre : Le Florilège du Jet Prismatique Excellent, tome I"

Dying Earth, la Vieille Terre : Le Florilège du Jet Prismatique Excellent, tome I, Archéos – Oriflam, [2000] 2004, 48 p.

 

Le jeu de rôle Dying Earth, édité par Pelgrane Press, était accompagné d'une revue proposant aides de jeu et scénarios, sous le nom de The Excellent Prismatic Spray ; quand le jeu a été traduit en français par Oriflam, une sélection a été opérée dans les diverses publications de ladite revue, qui a débouché sur deux volumes appelés Le Florilège du Jet Prismatique Excellent.

 

On s'en tiendra au premier tome pour aujourd'hui. En une cinquantaine de pages, il comprend quatre scénarios (deux de niveau Cugel, un de niveau Turjan et un de niveau Rhialto), ainsi qu'une aide de jeu.

 

« Les Mermelants s'unissent ! », de Thomas Russell, est censément un scénario de niveau Cugel, même si j'aurais plutôt tendance à y voir personnellement un épisode intermédiaire entre deux scénarios plus consistants d'une « série ». Cette histoire d'animaux domestiques intelligents ne manque cependant pas de sel, et si la chute n'a rien d'exceptionnel, il y a sans doute de quoi bien s'amuser avec ceci – mais en guise de transition, donc.

 

« Zaramanth », de David Thomas, est un scénario de niveau Turjan (celui qui m'intéresse le moins, donc, car le cul entre deux chaises et par là même trop banal). L'aventure en elle-même – consistant en l'assaut quasi suicidaire, soit d'une caravane, soit de la demeure d'un Archi-Mage – n'a rien de très palpitant ; cependant, le cadre est très bien, fourmillant de détails pittoresques qu'il sera sans doute possible d'utiliser à meilleur escient.

 

« Les Phasmes », signé Robin D. Laws, le créateur du jeu, est un scénario « deux en un » destiné à des personnages de niveau Rhialto. L'auteur lui-même montre bien la difficulté que ce principe de jeu présente : les joueurs étant quasiment omnipotents, il est quasi impossible dans ces conditions d'écrire un scénario « classique » à base d'actes, de scènes, ou plus largement d'événements incontournables. L'improvisation est donc le maître-mot, ce qui explique la forme très particulière adoptée par ce scénario déployant une menace double pour les joueurs, à base de notes et autres considérations théoriques plutôt que de « passages obligés ». C'est passablement complexe, il y a du challenge pour le maître de jeu et plus encore pour les joueurs, mais c'est plutôt intéressant.

 

Ian Thompson signe enfin l'aide de jeu « Lumarth » et un scénario niveau Cugel qui va avec, « La Caravane d'Aktabras ». La description de la cité de Lumarth (quelque peu abîmée par Cugel lui-même dans Cugel Saga...) est intéressante, même si un peu trop succincte à mon goût (bon, c'est le format qui veut ça). On notera l'accent mis sur le quasi-fascisme moral (ou moralisme fasciste, comme vous voudrez) qui caractérise la ville en temps normal, par opposition au carnaval où, comme de juste, tout est permis ou presque. Mentionnons également qu'il y a de nouveaux Amendements (voir Le Compendium des Avantages Indispensables de Cugel) pour les résidents de longue date. Le scénario, pour sa part, est au fond très classique, et seule sa première partie correspond à mon sens pleinement aux intentions de Dying Earth ; la fin, pour sa part, est en effet plutôt donjonneuse... mais après tout, à petite dose ?

 

Au final, ce très bref supplément se montre assez moyen. Il contient quelques passages intéressants, mais rien d'indispensable ; on peut néanmoins y piocher des trucs amusants ici ou là... Je vous cause prochainement du tome II, en ce qui me concerne bien plus convaincant.

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"L'Appel de Cthulhu : Le Musée de Lhomme"

Publié le par Nébal

"L'Appel de Cthulhu : Le Musée de Lhomme"

L’Appel de Cthulhu : Le Musée de Lhomme, Sans-Détour, 2014.

 

À l'époque où j'ai commencé à m'intéresser au jeu de rôle, dans les années 1990, je lisais comme de bien entendu Casus Belli. Je garde de bons souvenirs de cette période. Il est vrai que je ne jouais que rarement, mais fureter çà et là me plaisait bien. Par contre, je plaide coupable, je ne me souviens guère des noms des auteurs de ce temps-là, rédacteurs de la revue ou pas. Quelques rares noms ont cependant échappé à cette descente dans le néant, parmi lesquels celui de Tristan Lhomme. Le monsieur a fait plein de choses différentes, mais il me semble qu'on l'associe quand même surtout à L'Appel de Cthulhu... auquel je ne jouais pas encore à l'époque (même si je lisais déjà Lovecraft et ses épigones). Pourquoi, dès lors, ai-je retenu ce nom ? Je n'en sais rien... Mais j'ai l'impression de l'avoir croisé régulièrement ici ou là, entouré généralement d'éloges (il y a des fans hardcore, j'en ai parmi mes gens) ; suffisamment en tout cas pour éveiller ma curiosité.

 

Et puis Sans-Détour, plus prolifique que jamais en matière de lovecrafteries rôlistiques (je ne peux plus suivre le rythme depuis un bail...), a annoncé la sortie prochaine d'un gros coffret reprenant sur plus de 500 pages toutes les lovecrafteries de Tristan Lhomme, sous le titre de Musée de Lhomme (ah bravo !). Et la présentation de la chose m'a fait baver ; à vrai dire, je crois que je n'avais pas autant attendu un supplément pour L'Appel de Cthulhu depuis Par-delà les Montagnes Hallucinées... Aussi, dès sa parution, j'ai acheté le monstre (sans trop gueuler pour la somme de 60 € à débourser, ça me paraît dans l'ordre des choses ; c'est avec les 109 € de Terreur sur l'Orient-Express que j'ai perdu toute ma SAN, mais je vous en causerai plus tard...).

 

Ce coffret comprend donc sept livrets (généralement thématiques), plus un bloc reprenant les aides de jeu (ce dont on aurait sans doute pu se passer à l'heure d'Internet, mais je ne sais pas si ça aurait représenté une véritable économie ; bon...). Le premier – avec son évocation étrangement touchante de la période Casus Belli – n'est en dehors de cela qu'une grosse table des matières.

 

Les choses sérieuses commencent avec le deuxième livret, « Abominations & Désolations », qui comprend quatre aides de jeu un peu à part. Et là, je tiens vraiment à adresser toutes mes louanges à la première – plutôt un article théorique, en fait –, « L'Appel de... l'inconnu », qui constitue la meilleure des introductions. Tristan Lhomme y reprend classiquement mais intelligemment ce qui a pu être dit du « Mythe de Cthulhu/Derleth », etc., pour développer ensuite de manière très fine sur le « Mythe de Petersen » (je ne m'étais jamais interrogé sur ça, mais c'est vraiment intéressant). Il pose ensuite des questions « métaphysiques » en définissant des « réponses cthulhiennes », de manière pertinente... auxquelles il oppose alors d'autres réponses possibles permettant de transcender le jeu et de le renouveler. Passionnant et très bien vu, même pour quelqu'un qui, comme votre serviteur, joue de plus en plus à « l'orthodoxe » lovecraftien (pour la forme, même si c'est sans doute intrinsèquement absurde...), et découvre ici de quoi subvertir le "Mythe" de manière pertinente. Dans « Des livres qui tuent », Tristan Lhomme donne ensuite cinq exemples très variés de « livres maudits » français (qui reviennent éventuellement par la suite). Perso, j'en ai un peu soupé des « livres maudits » à la pelle (même si c'est bien un aspect essentiel chez Lovecraft lui-même, c'est indéniable, et s'il y a de chouettes trucs dans le catalogue Necronomicon & autres ouvrages impies), que je n'ai finalement qu'assez peu utilisés en jeu (et surtout je n'ai quasiment jamais utilisé la magie)... Mais là (outre que les sorts y sont très, très limités, presque inexistants même, et par ailleurs vraiment « justifiés »), c'est vraiment très bien fait, et constitue une belle source d'inspiration. « Un petit coin d'enfer vert : la Guyane » est ensuite un joli (...) cadre de jeu, qui s'attarde essentiellement sur le bagne et renvoie pas mal à Albert Londres. C'est intéressant et bien fait. Par contre, en dépit de deux petites pistes en fin d'article, ça n'a rien de spécifiquement « cthulhien ». Reste enfin « L'Asile Saint-Gilles » : vu le temps que les investigateurs passent chez les guedins, décrire un asile était une bonne idée. Par contre, attention, si les patients présentés sont rigolos, le reste fait vraiment dans la collection de clichés gros comme moi (mais c'est le jeu, si j'ose dire). Faudra que je complète avec Dementophobia, peut-être, qui traîne toujours dans ma volumineuse pile à lire...

 

Le livret 3, intitulé « Horreurs du Nouveau Continent », contient des scénarios américains, pour la plupart situés dans les « classiques » années 1920. « Celui d’En-bas », pourtant, qui est si je ne m’abuse le plus vieux scénario du recueil, et le premier publié dans Casus Belli, est contemporain. C’est gentiment méchant pour le fandom lovecraftien, mais ça néglige totalement l’horreur au profit de la seule grosse blague… en plus d’être hautement prévisible. Ce n’est pas ce que je recherche. D’autant qu’il y a des goules. J’aime pas trop les trucs à base de goules. Là. « Le Maître des engoulevents » est une histoire de chantage autrement plus intéressante. Mais, même si ça se fonde sur une allusion à « L’Abomination de Dunwich », ça ne relève pas du « Mythe », mais d’un fantastique très classique (qui vient dans un sens le contredire, mais bon) qui en l’espèce ne me parle pas plus que ça... « Yacht, rafiot et liqueur d’algues » est un scénario « moyen-métrage », format qui me convient davantage. Il est assez sympa... Je n'irais pas au-delà, il me paraît tout de même surestimé ; le gros problème à mon sens est qu'il manque cruellement de liant (ce que le titre laisse déjà supposer, en même temps) : le whodunit de l’acte I est bien fait, même si un peu gratuit ; l’acte II, huis-clos à la Alien, est cool ; l’acte III, façon Innsmouth, est à mon sens totalement dispensable, et on ne peut s’y lancer que de manière très artificielle ; mieux vaut faire l’impasse, l’acte II n’appelant pas nécessairement de suite, ou en tout cas pas celle-là. « Théâtre d’ombres » fait intervenir une communauté d'aveugles, et l'on y retrouve le Liber Lacrymae du deuxième livret ; l’acte I est vraiment très bien, très intelligent et bien vu (aha) ; le II, qui m’a rappelé l’excellent « Au-delà des limites » dans Les Secrets de San Francisco, mais sur un mode un peu mineur, du coup, ne me parle pas vraiment, par contre... « Les Manteaux noirs » est un scénario destiné à des débutants complets, pour de l’initiation à gros traits ; mais il ne me paraît pas convaincant même sous cet angle ; et puis c’est un truc à base de goules… « Les Enfants terribles », par contre, me botte carrément : l’idée de départ est très chouette et, même si je ne suis pas fan des « Contrées du Rêve » (dans une partie de L’Appel de Cthulhu, s’entend), la suite est intelligente;ça demande probablement pas mal de travail au Gardien pour être vraiment jouable, par contre, c’est assez lacunaire sur pas mal de points. Puis se pose le problème de « La Commanderie de New Sorans », scénario très prisé des fans, abondamment loué, voire considéré comme une introduction idéale... mais qui ne m'a pas convaincu du tout ; ce scénario d'enquête pure évoque en effet plus Scooby-Doo que L'Appel de Cthulhu ; l'intention n'est pas inintéressante, je peux comprendre que des joueurs réguliers y trouvent un intérêt façon goulée d'air frais, mais je ne joue pour ma part pas assez pour cela ; ce n'est pas ce que je recherche, je trouve ça frustrant et crains qu'il en aille de même pour les joueurs, d'autant que l'enquête à proprement parler ne me paraît pas vraiment satisfaisante, et que j'en ai marre des trucs à base de templiers (j'en ai fait une overdose suite à ma lecture du génial Pendule de Foucault, époque où j'ai lu les pires merdes ésotérico-mes-couilles sur la question – en même temps, pour cette raison justement, j'aurais pu apprécier ce scénario, qui se moque très justement de tout ça, mais non : blocage). Suit « Le Jour des lumières », dont j’aime bien le début, avec notamment son ersatz de Charles Fort, c’est une chouette idée ; mais la suite me paraît un peu bâclée… Par contre, « Dans les griffes de la Flamme Verte »  m’a beaucoup plu ! Ça se passe à Kingsport (oserait-on espérer un jour un supplément dans la série des « Terres de Lovecraft » ? Je l’attends, celui-là…), ça s’inspire du « Festival » (que j’aime beaucoup) et du « Terrible Vieillard » (que je n’aime vraiment pas, mais qui est bien utilisé ici) et, si la fin est peut-être là encore un peu expédiée, il y a de quoi faire quelque chose de très intéressant (a fortiori, je pense, si l’on met en œuvre la troisième « variation » proposée… et aussi si Damballah n’est pas Nodens, bien sûr). Je n'ai pas relu « Singeries », qui avait déjà été publié par Sans-Détour en guise de « fausse piste » new-yorkaise des Masques de Nyarlathotep (c'était le livret accompagnant l'écran de la campagne), et ça ne m’avait pas parlé (d’autant que ça se fonde sur « Arthur Jermyn », nouvelle que je n’aime pas, et que le rapport avec le « Mythe », au-delà de l’ambiance, est donc pour le moins léger). On conclut ce livret (le plus gros) avec « Tempus Fugit », un autre scénario basé sur les Contrées du Rêve… et ça marche très bien une fois de plus (j’en suis le premier surpris, dans un sens, n’ayant jamais vraiment cherché à utiliser ce thème « fantasy » dans mes parties de L’Appel de Cthulhu, mais ça m’amène à reconsidérer la chose...) ; la résolution de l’aventure (avant la conclusion bienvenue) est peut-être un peu faiblarde, par contre, mais ça se travaille. Et la suggestion d’établir un lien avec « Les Enfants terribles », pour constituer éventuellement une base de campagne, me paraît tout à fait pertinente. Il n'en reste pas moins qu'en tournant la dernière page de ce livret, j'étais pas mal déçu, et craignais pour la suite... Mais disons-le tout de suite : j'avais tort, et la suite est bien meilleure à mes yeux (globuleux).

 

Le quatrième livret, « Horreurs du Vieux Continent », comprend des scénarios situés en Europe, dans les années 1920 (en gros). Dans « Un village ordinaire », la population d’un petit village anglais disparaît du jour au lendemain… Il y a une très chouette ambiance dans les divers actes du scénario (très différents par ailleurs), j’aime bien ; par contre, la toute fin me paraît présenter le risque d’être un peu faiblarde, faut sans doute prendre ses précautions pour qu’elle ne tombe pas à plat. « No Man’s Land » se déroule un mois seulement après l’armistice mettant fin à la Première Guerre mondiale, et est une affaire de morts qui ne le restent pas, à Paris et sur l’ancien Front du côté d’Arras… L’occasion de rencontrer un certain Herbert West, réanimateur. Le scénario est varié mais cohérent, bénéficiant d’une ambiance très chouette dès l’instant que les ravages de la guerre sont bien gérés. Ça vire (logiquement ?) au survival gore pour le final, ce qui peut être intéressant également, mais en faisant gaffe de ne pas donner dans le Gordon/Yuzna, certes rigolo, mais qui casserait l’ambiance du départ. Mais j’ai globalement beaucoup aimé, alors qu’il y a des goules dedans, comme quoi tout arrive… « Le Centre Sélène » est de loin mon scénario préféré de ce livret, j’ai beaucoup aimé, c’est vraiment très intéressant, très habile dans sa manière de traiter de thèmes complexes et « dérangeants » (en l’occurrence l’infanticide et la politique nataliste). Par contre, là plus que jamais, je redoute vraiment que la « fin » tombe à plat, il me paraît nécessaire de la retravailler pour rester au niveau. On change radicalement de registre (hélas en ce qui me concerne...) avec « Le Livre des Révélations », une petite campagne ultra-pulp, à la croisée des Indiana Jones et du gros thriller ésotérique, qui débute sur la côte Est des États-Unis et finit en Palestine, en passant par Berlin. C’est de loin l’épisode berlinois qui me paraît le plus intéressant… mais relativement : ça n’a tout de même pas grand-chose de vraiment lovecraftien, tout ça, et surtout ça joue à fond – délibérément, certes – sur les clichés à base d’inévitables nazis et de maudits Templiers (c’est toujours de leur faute), avec moult scènes de poursuite et fusillades en veux-tu (moi pas spécialement) en voilà (ah bon d’accord)… Sans surprise, je n’ai pas accroché, ce n’est vraiment pas ce que je recherche pour L’Appel de Cthulhu (et en plus y a encore des goules, alors bon, hein, bon). Dans « La Maison à la dérive », enfin, une expérience à la « From Beyond » projette toute une maison dans une dimension inconnue, ce qui peut susciter de chouettes tableaux à la façon de La Maison au bord du Monde de William Hope Hodgson. L’atout majeur du scénario à mon sens, c’est cependant sa dimension de drame psychologique. Ça peut donner quelque chose d’intéressant… à condition, là encore, de revoir la fin, probablement. Et ça revient régulièrement : j’ai décidément souvent un problème avec les « chutes » de ces scénarios… mais je crois que ça va bien au-delà de Tristan Lhomme, pas plus « coupable » (le bien grand mot) qu’un autre, les fins satisfaisantes me paraissant finalement assez rares dans les scénarios et campagnes de L’Appel de Cthulhu que j’ai pu lire, maintenant que j’y pense…

 

Le cinquième livret, intitulé « La Débâcle », est un peu différent des précédents (tant mieux ?), et permet de mettre en place une campagne dans la France des années 1940, campagne qui peut se poursuivre avec « La Saga Félicie » du dernier livret. « Aktion Hel », scénario 100 % inédit (le seul du coffret, si je ne m'abuse, même si d'autres ont été bien retouchés), prend ainsi place en pleine « drôle de guerre » dans un fortin de la Ligne Maginot. Malgré la présence de deux fantômes que j'ai décidément du mal à trouver lovecraftiens, ce scénario m'a fait l'effet d'une grande réussite : le cadre est oppressant à souhait, l'ambiance claustrophobe peut donner de très chouettes choses, et quand l'horreur « cosmique » surgit vraiment, elle a de quoi faire authentiquement peur – ce qui est assez rare pour être souligné. « Le Crépuscule du Bureau S » est une aide de jeu passionnante sur un organisme français chargé d'enquêter sur les phénomènes surnaturels, et donc notamment « mythiques ». Sans avoir (encore) lu Delta Green, j'imagine que le lien peut se faire assez facilement. Les personnalités présentées sont complexes, le cadre très bien vu... Un seul regret, en somme : cette aide de jeu ne couvre que les événements contemporains d' « Aktion Hel » et de « La Maison reste ouverte pendant les travaux » ; or je tends à croire qu'entre ça et « Félicie », il y avait en fait de quoi élaborer... ben... un supplément entier, quoi. Mais c'est un bête pinaillage de ma part, sans grande importance : comme ça, c'est très chouette. Le livret se conclut sur un scénario « grand écran », « La Maison reste ouverte pendant les travaux », qui prend place en pleine débâcle, et fait voyager les personnages (éventuellement préparés par « Aktion Hel ») en France, en Angleterre et en Bohême-Moravie, au milieu des débris du Bureau S engagés dans une lutte interne sanguinaire. Ce scénario m'a l'air fort complexe à vue de nez, tant pour le Gardien que pour les joueurs, mais abonde en scènes très fortes (et, pour une fois, en ce qui me concerne en tout cas, la fin est vraiment à la hauteur). Très chouette, ce livret, donc. Bien au-dessus de ceux qui précèdent à mon sens.

 

Mais le meilleur est à venir. Pour moi, il s'agit du livret 6, le plus court par ailleurs, intitulé « Le Septième Chant de Maldoror ». N'y allons pas par quatre chemins : c'est excellent ! On m'avait beaucoup vanté cette mini-campagne, et je confirme : c'est de très, très loin une des toutes meilleures que j'ai lues pour L'Appel de Cthulhu... Même si je ne suis pas fan de Lautréamont (mais je l'avais lu ado, ce qui est sans doute à la fois la pire et la meilleure période pour ce faire), l'idée de mêler Les Chants de Maldoror au Roi de jaune vêtu est vraiment très bonne, d'un à-propos que j'aurais envie de qualifier de génial. Ouais. Et comme le cadre des années 1960, entre cinéma bis et expérimental et explosions contestataires rock'n'roll, est idéal, je maintiens, j'affirme : ce scénario est une merveille. Sans doute assez ardu côté joueurs comme côté gardien, mais on n'a rien sans rien, n'est-ce pas ?

 

Ne reste plus qu'un seul livret, le septième, « La Saga Félicie », de très bonne tenue également (et qui poursuit donc les développements du Bureau S). L'aide de jeu est un peu frustrante, se limitant peu ou prou à une chronologie, quand bien même passionnante. Suit une campagne barbouze (ça change, faut passer un contrat avec les joueurs pour que ça se passe bien), très chouette, même si quelques points cruciaux me laissent un peu amer ; c'est cependant original, bien pensé, et au final (et étrangement ?) vraiment lovecraftien, ce qui est assez rare pour être souligné.

 

Bilan de l'ensemble : c'est de la bonne, et même de la très bonne ; il ne faut surtout pas en rester aux scénarios des années 1920, notamment américains, qui m'ont déçu pour pas mal d'entre eux. C'est en s'éloignant du « canon Lovecraft » (ou plus exactement du « canon Petersen », donc ?) que Tristan Lhomme signe ses plus belles réussites. En résulte un gros coffret bien rempli et qui justifie son prix, probablement le meilleur recueil de scénarios publié à ce jour par Sans-Détour.

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