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Articles avec #nebal joue a des bons jeux tag

"L'Anneau Unique : Ecran du Gardien des Légendes et Guide de la Ville du Lac"

Publié le par Nébal

"L'Anneau Unique : Ecran du Gardien des Légendes et Guide de la Ville du Lac"

L'Anneau Unique : Écran du Gardien des Légendes et Guide de la Ville du Lac, Edge, 29 p.

 

Ah ! Un écran ! Voilà qui est toujours (ou presque) fort utile en matière de rôlisteries. M'étant lancé dans la gamme de L'Anneau Unique, je ne pouvais donc faire l'impasse sur cet accessoire.

 

Côté maître de jeu (pardon : Gardien des Légendes), le résultat m'a l'air tout à fait commode. En quatre volets rigides, on trouve en effet l'essentiel des tables directement utiles en jeu, organisées par un code de couleurs bienvenu (vert pour les généralités, marron clair pour le combat, gris pour les rencontres, marron orangé pour l'angoisse et la corruption). L'essentiel est là, donc, qui évite d'avoir à tourner sans cesse les pages d'un livre de base que, je vous le rappelle, j'avais trouvé mal conçu sous cet angle.

 

Côté joueurs, on a droit à une assez jolie illustration de John Hodgson, bien dans l'esprit sobre qui m'avait séduit dans le livre de base. Un regret pinailleur, cependant ; il s'agit d'une représentation de la Ville du Lac, et ce caractère urbain ne me paraît pas très approprié pour un jeu qui met autant l'accent sur le voyage dans des terres dites « sauvages »...

 

Le Guide de la Ville du Lac, quant à lui, fait environ une trentaine de pages... et je dois dire que son contenu ne m'a pas vraiment convaincu. En effet, l'ancienne Esgaroth, ressuscitée depuis la mort de Smaug, n'y est décrite que de manière très succincte, pour ne pas dire lacunaire, et somme toute assez convenue : il y avait là un beau cadre, qui n'a pas été développé au mieux. Et, à titre d'exemple, si l'on dispose à foison d'archétypes de quidams, c'est au Gardien de se coltiner tout le boulot pour les PNJ « notoires »...

 

Mais ce « guide » n'occupe que les dix premières pages du livret, et le reste est relativement plus intéressant. On notera tout d'abord l'usage possible de ce havre lors de la phase de communauté, qui peut avoir des conséquences très intéressantes (avec en sus un concours de tir à l'arc pour cette sale engeance : les sportifs).

 

On nous recause aussi un peu des Longs Marais, entrevus dans le scénario d'introduction du livre de base. La description est là encore minime, mais on y trouve quelques plantes permettant d'apporter un plus grand réalisme aux concoctions des herboristes du jeu, et trois nouvelles créatures venant quelque peu étoffer le bestiaire du livre de base.

 

Enfin, le livret s'achève sur une nouvelle « origine culturelle », celle des Hommes du Lac. J'étais au départ un peu sceptique, voyant assez mal ce qui pouvait vraiment les distinguer des Bardides, mais force m'est de reconnaître que c'est plutôt bien fait et finalement pertinent (a fortiori dans une optique « commerçante »).

 

Un écran utile, donc, et un livret d'intérêt variable. On verra pour la suite...

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"Eclipse Phase : Transhuman"

Publié le par Nébal

"Eclipse Phase : Transhuman"

Eclipse Phase : Transhuman, Posthuman Studios, 2013, 240 p.

 

Transhuman est très différent des suppléments précédents pour Eclipse Phase : là où ces derniers touchent essentiellement au contexte et ne contiennent que le minimum syndical en matière de mécanique de jeu, c'est tout le contraire qui se produit avec Transhuman, supplément presque intégralement technique (en théorie tout du moins), où les pages rouges dominent de très, très loin les bleues.

 

On se méfiera d'ailleurs de sa désignation comme étant le « guide du joueur » d'Eclipse Phase. Les informations qu'il contient sont en effet grandement susceptibles d'intéresser également le maître de jeu, et certains passages semblent même destinés à ses seuls petits yeux fourbes.

 

Transhuman constitue à vrai dire, contrairement à ce que l'on pourrait attendre, une mine d'informations, techniques ou pas, pour tous. J'avoue que ce supplément à pages rouges m'effrayait un peu, mais j'avais tort : remarquablement bien fait, il est un témoignage supplémentaire de l'excellence de cette gamme. Avec un problème, toutefois : même si tout ce qui est présenté ici se veut « optionnel », dans les faits cela peut contribuer à rendre plus complexe encore un jeu qui l'est déjà extrêmement à la base et dont, on ne va pas se leurrer, la mécanique ne constitue pas exactement le point fort...

 

Tout commence pourtant sous le signe de la simplicité avec les deux chapitres « Character creation : packages » et « Character creation : life path », qui présentent deux systèmes parallèles, éventuellement complémentaires, et aléatoires si l'on y tient, permettant de créer des personnages solides et cohérents avec beaucoup plus d'aisance et de souplesse que le système de base, effrayant de par sa liberté et le grand nombre de points à répartir un peu partout. Pour débuter une campagne, ces tables très bien faites (qui arrivent un peu tard pour ma pomme...)sont franchement idéales. Et je ne doute pas que les maîtres de jeu sauront également mettre à profit ces deux systèmes pour créer des PNJ qui soient autre chose que de la vulgaire chair à fusil-plasma.

 

« Character options » vient dans un sens compléter ce qui précède, mais est également utile pour les personnages créés avec le système de base, en proposant de nouveaux backgrounds (tous très bienvenus ; on notera par contre que beaucoup d'entre eux concernent les surévolués), de nouvelles factions (chouette!), et de nouveaux traits (positifs et négatifs, bien sûr, mais aussi « neutres »). Suivent des règles sur l'utilisation de la vitesse en jeu, puis des développements optionnels sur l'utilisation de l'Audace (plus ou moins intéressants ; mais j'aime beaucoup celui qui incite les joueurs à intervenir directement dans la narration). Il en va de même pour les motivations, avec la possibilité de faire des « motivations de groupe », ce qui va bien avec « l'Audace de groupe » évoquée juste avant. Suivent enfin quelques notes sur les revenus et la réputation.

 

Le quatrième chapitre, « Playing characters », est le gros morceau de Transhuman, et aussi très clairement sa partie la plus ardue. Mais ce vaste fourre-tout contient nombre d'informations très utiles, tant pour les joueurs que pour le maître de jeu, afin d'incarner au mieux les personnages. En témoigne illico le bref développement sur la société « post-scarcity ». Si les éléments concernant « l'optimisation » des personnages ne m'ont pas intéressé (je crains toujours le grobillisme), la suite est autrement plus alléchante. Ainsi ce qui concerne la mort et son impact, notamment sur la Lucidité au moment d'un éventuel ré-enveloppement. Quelques éléments suivent sur l'utilisation des compétences de connaissance, il est vrai – selon ma maigre expérience en tout cas – trop peu utilisées. Un très gros morceau ensuite concerne les IAG et les infomorphes ; la partie « background » est remarquablement bien faite et tout à fait passionnante ; attention, toutefois, quand on rentre dans la technique, surtout pour les infomorphes, il y a de quoi se prendre quelques suées (mais il y a pire, bien pire après...). On passe alors à des développements de même nature concernant les asynchrones (très bien faits) ainsi que les forks (merci, il y en avait bien besoin). Puis vient une passionnante étude du système de l'indenture. Puis c'est au tour de la Muse d'être envisagée (avec là encore une tendance à la maximisation qui me laisse un peu perplexe, mais le reste vaut le coup). De nouvelles indications sont données pour incarner les effets de la psychochirurgie (avec de nouveaux procédés). Quelques développements sur les surévolués ensuite, pas inintéressants, loin de là, mais qui auraient sans doute davantage trouvé leur place dans Panopticon. Et ce long chapitre erratique se termine sur des éléments concernant la nanofabrication et les moyens pour le maître de jeu d'en limiter les abus, avec un guide sous forme de rapport très bien fait.

 

Le dernier chapitre, enfin, concerne les morphes. Je passe sur le début (identification, variantes, nouveaux morphes), dans la mesure où j'avais déjà lu tout cela dans le plus tardif Morph Recognition Guide. Mais ce chapitre va au-delà. Il comprend ainsi de nouvelles augmentations, des règles sur l'amélioration des morphes ou sur les morphes « exotiques », ainsi que sur leur système de mobilité ou de contrôle. Mais on y trouve surtout de très abondants et très pointus développements techniques sur les flexibots (surtout) et les swarmanoids, qui sont certes fascinants, mais pour le coup bien trop complexes à mon goût – j'ai le sentiment qu'à force de pinailler, on en arrive ici à rendre ces morphes injouables... Pas grand-chose à dire sur le système de création de morphes qui conclut le chapitre. Et restent des archétypes.

 

Malgré les quelques bémols exprimés ici ou là (en gros, risque de complexification à outrance et menace du grobillisme), il n'en reste pas moins que Transhuman est très bien fait, en dépit des apparences ou des craintes légitimes que l'on pouvait avoir devant ce projet. Pour moi, qui étais donc un brin sceptique, ce fut une bonne surprise. Indispensable ? Peut-être pas. Mais bourré de bonnes choses à n'en pas douter.

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"Dying Earth, la Vieille Terre : Le Compendium des Avantages Indispensables de Cugel"

Publié le par Nébal

"Dying Earth, la Vieille Terre : Le Compendium des Avantages Indispensables de Cugel"

Dying Earth, la Vieille Terre : Le Compendium des Avantages Indispensables de Cugel, [s.l.], Archéos – Oriflam, [2000] 2004, 78 p.

 

Le Compendium des Avantages Indispensables de Cugel est dans un sens le seul supplément traduit en français pour le jeu de rôle Dying Earth, la Vieille Terre (si l'on omet les deux sélections sous forme de revue du Florilège du Jet Prismatique Excellent). Très court, il se présente comme un « guide des joueurs » pour les personnages de niveau Cugel (et ça tombe bien, puisque c'est ce niveau qui m'intéresse a priori le plus). Il a donc tout naturellement un côté un peu fourre-tout, où l'on pioche ce que l'on veut. Les auteurs vont d'ailleurs jusqu'à parler de « coffre à jouets », ce qui se vérifie surtout dans les premiers chapitres.

 

On notera au passage que la qualité formelle est toujours au rendez-vous, même si elle est desservie à l'occasion par une traduction qui peine un peu (mais reste très agréable dans l'ensemble). L'essentiel est que l'on y retrouve bien la couleur baroque des récits de Jack Vance, ce qui vient égayer joyeusement un supplément qui, à force de listes, avait tout pour être rébarbatif. Du beau boulot, donc.

 

L'aspect « coffre à jouets » saute aux yeux dans le premier chapitre, « Accessoires ésotériques à l'utilité manifeste », qui est une compilation de nouveaux objets magiques (définis par des scores de Possession) venant compléter celle, un peu maigrelette, du livre de base. C'est d'autant plus amusant à lire que c'est particulièrement vicieux, chacun de ces objets ou presque ayant des effets secondaires pour le moins rigolos, mais c'est aussi là que le bât blesse : en tant que tels, bon nombre d'entre eux sont trop ambigus voire suprêmement dangereux pour pouvoir se montrer réellement utiles ; toutefois, un maître de jeu un tantinet sadique n'hésitera pas à piocher là-dedans pour concocter des aventures passablement burlesques...

 

Le catalogue se poursuit avec « Guises, gadgets et gandins », nouvelle liste d'objets cette fois plus communs (certains peuvent néanmoins être magiques, mais sans nécessiter de points de Possession). Il y a là aussi quelques choses amusantes, mais assez peu, somme toute, comparé à ce que l'on vient de lire...

 

« Tours madrés à l'usage du gredin industrieux » vient ensuite combler ce qui me paraissait être un manque dans le livre de base, où les Tours n'étaient qu'à peine esquissés, là où les Sortilèges, comme de juste, prenaient beaucoup de place. Ce chapitre revient donc sur cette thématique particulièrement appropriée aux Dilettantes de niveau Cugel, et donne toute une série d'exemples de Tours – généralement anodins (mais bienvenus quand même), parfois amusants (eh), voire même... utiles. Si.

 

Le chapitre « Farragos, feintes et fustigations » est à mon sens et de loin le plus utile de ce bref ouvrage, en ce qu'il introduit les Amendements – des capacités spéciales, quelque part entre la spécialisation et le trait. Là encore, certains sont très amusants (j'aime beaucoup « Pardonnez mon compagnon qu'on a laissé échapper à la naissance », par exemple...). Si leur emploi nécessite des situations très précises et pas forcément très courantes, ils peuvent, bien utilisés, donner un tour très intéressant à la partie. Évidemment, il y a une contrepartie, tout cela impliquant de nouvelles règles spéciales... D'où cette précision bienvenue : c'est au joueur de connaître les effets de ses Amendements ; s'il vient questionner le maître de jeu sur des aspects techniques relatifs à un Amendement, il en perd aussitôt (et définitivement) le bénéfice. BIEN FAIT POUR TA GUEULE.

 

« L'art subtil de la négociation » est très différent (et est complété par les nombreux stratagèmes émaillant le livre, dont le dernier – impliquant les Puissances Qui Sont – vise à gruger le maître de jeu lui-même...). Il s'agit d'un ensemble de règles élémentaires (ou un peu moins), complétées par de très nombreux exemples, sur les mille et une manières de mettre en œuvre une négociation, cet aspect si fondamental de Dying Earth, a fortiori s'il s'agit, pour des gredins de niveau Cugel, d'escroquer des buses. Mais tout cela, ai-je trouvé, n'est guère convaincant (et les exemples prennent une grosse place qui aurait peut-être, à l'occasion, pu être mieux employée). C'est parfois amusant, là encore, mais guère plus (et l'on peut regretter, même si cela se tient, que les développements consacrés à la négociation avec des demi-hommes soient si brefs...).

 

En annexe, on trouvera... un générateur de costumes. C'est parfaitement futile, et donc tout à fait nécessaire dans le monde de Dying Earth, où l'on juge beaucoup sur l'apparence (ce qui ne viendrait pas à l'idée d'un habitant de l'Âge Larvaire, hein ?). Si le côté « aléatoire » me paraît mal à propos, il est clair qu'il y a là de quoi attifer correctement les PJ, ce qui ne peut que contribuer à leur donner davantage de couleur, et c'est donc plutôt bien vu.

 

Au final, ce Compendium des Avantages Indispensables de Cugel, en dépit de son titre, n'a absolument rien d'indispensable. Il est amusant, certes, et on peut y piocher à l'occasion des choses utiles (pour les joueurs, oui, mais aussi pour le maître de jeu ; je citerais en priorité les Amendements et les Tours, et les costumes aussi parce que ça m'amuserait bien d'inciter des victimes venues faire du jeu de rôle à jouer ne serait-ce que temporairement à la poupée, na) ; rien de transcendant pour autant. Un peu dommage qu'il n'y ait pas eu de suivi sur des suppléments a priori plus ambitieux... En attendant, je vais tout de même vous causer des deux volumes du Florilège du Jet Prismatique Excellent. Un de ces jours...

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"L'Anneau Unique : Aventures dans les Terres Sauvages"

Publié le par Nébal

"L'Anneau Unique : Aventures dans les Terres Sauvages"

L’Anneau Unique : Aventures dans les Terres Sauvages, Edge, [2011] 2012, 332 p.

 

Tolkien et le jeu de rôle ont entretenu une relation privilégiée dès les origines, et il n’y a guère que Lovecraft qui ait eu autant d’influence sur ce loisir (mais un peu plus tard) : à l’évidence, le vénérable Donjons & Dragons de Gary Gygax doit énormément au Seigneur des Anneaux, même s’il emprunte à une multitude de sources pas toujours clairement désignées, ne serait-ce que dans la mesure où les romans « de Hobbits » de Tolkien, tout en se déployant dans un univers personnel d’une grande richesse, ont posé les bases de la fantasy contemporaine dite « médiévale-fantastique » en systématisant, approfondissant et renouvelant des mythes antérieurs.

 

Et la tentation était bien évidemment grande de s’en référer plus ouvertement, et même officiellement, au « Légendaire » tolkienien (même si l’accent a toujours été mis sur la fin du Troisième Âge, ce que je regrette un peu pour ma part, dans la mesure où la « high fantasy » du Premier Âge me fascine encore davantage) : après tout, jamais on n’a vu en littérature d’univers aussi riche et cohérent, fournissant un cadre de choix pour qui voudrait poursuivre l’aventure au-delà des livres – l’univers tolkienien est un univers en expansion.

 

Aussi y a-t-il eu plusieurs jeux de rôle pour se référer directement à l’œuvre du Professeur, « officiels » et amateurs, le plus célèbre (et directement sous licence) étant bien évidemment Le Jeu de Rôle des Terres du Milieu, alias JRTM (MERP en anglais, pour Middle-Earth Role-Playing). Ce fut – inévitablement ? – un des premiers jeux de rôle auxquels j’ai jeté un œil (« joué » serait sans doute un bien grand mot)… et une expérience guère convaincante, c'est rien de le dire. En effet, JRTM était un dérivé de Rolemaster, et reposait sur un système ignoblement lourd, à base de calculs et de tables en veux-tu (non) en voilà (quand même), qui m’a semblé absurde d’entrée de jeu, malgré mon manque d’expérience (et a fortiori de connaissances théoriques) en la matière. Un système aussi archaïque ne pouvait pas (ou ne devait pas, plus exactement peut-être) polluer éternellement les références officielles au monde tolkienien, c’était vraiment trop regrettable, et cela prohibait une authentique expérience de jeu à la hauteur de la puissance créative du « Légendaire ». Aussi ne pouvait-on que se féliciter de la parution d’un nouveau jeu tolkienien de grande diffusion, L’Anneau Unique (The One Ring) – même si je ne peux m’empêcher, là encore, de regretter un peu cette focalisation sur le Troisième Âge finissant (inévitable sans doute, c’est de loin le versant le plus connu du corpus tolkienien, mais bon…).

 

L’Anneau Unique est censé se décliner en trois jeux (ça devient l’habitude…), couvrant la période allant des aventures de Bilbo telles qu’elles ont été rapportées dans Le Hobbit à la « guerre de l’Anneau » du grand-œuvre de Tolkien, quelques décennies plus tard, et se déroulant successivement dans plusieurs régions distinctes, telles qu’elles ont été décrites par Tolkien dans ses romans. Le premier de ces jeux (et sauf erreur le seul à l’heure actuelle) est donc L’Anneau Unique : Aventures dans les Terres Sauvages. La campagne officielle commence très précisément en l’an 2946 du Troisième Âge, soit cinq ans après la Bataille des Cinq Armées, et se centre donc sur la région des Terres Sauvages à l’est des Mont Brumeux (avec la Forêt Noire en son centre), au cœur des aventures du Hobbit, mais largement laissée dans l’ombre (aha) dans Le Seigneur des Anneaux, qui n’y fait guère que quelques allusions – a fortiori quant à ce qui s’y est déroulé durant la période intermédiaire entre les deux romans. C’est ainsi à n’en pas douter un cadre de choix pour un jeu de rôle basé sur Tolkien : les éléments de contexte sont là, importants et précis, mais qui ne sont pas pour autant amenés à brider la créativité du Maître de Jeu (pardon : du Gardien des Légendes), qui peut y baser ses aventures sans trop de risques de commettre de fâcheuses entorses à la ligne officielle…

 

Ce livre de base m’a immédiatement séduit par son esthétique, parfaitement respectueuse de l’imaginaire tolkienien, et qui a su remiser au placard les mochetés flashy hélas trop courantes dans la grosse fantasy pour privilégier une certaine sobriété teintée de mélancolie du meilleur aloi. L’ouvrage est en outre aéré et d’une lecture agréable, et fait preuve dans son texte d’un grand souci pédagogique… hélas contrebalancé, voire anéanti, par un plan à mon sens défaillant : outre que le livre est découpé en deux grosses parties, la première concernant les joueurs et la seconde le seul Gardien des Légendes, découpage assez commun (et même de plus en plus, ai-je l’impression), mais qui ne me semble pas très pertinent ici, et ne facilite pas toujours la tâche du Gardien, le problème est que, de manière générale, les informations les plus techniques s’avèrent disséminées çà et là, ce qui oblige à d’incessants renvois pour le moins pénibles, et donne une triste impression de fouillis. À l’évidence, si je dois un jour maîtriser une partie de L’Anneau Unique (ce que je souhaite de tout mon cœur), il me faudra relire ce livre de base avec une attention très soutenue, et prendre abondamment des notes pour m’y repérer et rendre la chose vraiment jouable (même si j'ai jeté un oeil sur l'écran, qui m'a l'air bien fait, et peut constituer un guide bienvenu)… C’est à mon sens le principal défaut de cet ouvrage.

 

Le contenu, pour peu que l’on s’y retrouve, donc, est cependant intéressant dans l’ensemble. Le système de création de personnages, s’il ne brille pas forcément par l’élégance, est relativement simple, en reposant sur une série de choix tenant à l’origine et à l’ambition du personnage, qui permettent de remplir la fiche assez vite, « mécaniquement » dans un sens, mais sans pour autant limiter outre-mesure les possibilités de jeu. On notera au passage que six « origines culturelles » sont ici jouables, trois humaines (Bardides, Béornides et Hommes des Bois des Terres Sauvages) et trois « fantastiques » (Nains du Mont Solitaire, Elfes de la Forêt Noire… et Hobbits de la Comté, sans doute inévitables, mais qui n’ont à mon sens vraiment rien à faire ici). Les caractéristiques chiffrées sont assez peu nombreuses et rapidement définies : pour l’essentiel, trois attributs (Corps, Cœur et Esprit) qui interviennent occasionnellement, surtout pour conférer des bonus, et dix-huit « compétences communes » (organisées en fonction des attributs – trois colonnes – et de « groupes » – six lignes – qui n’excluent hélas pas à l’occasion les redondances : ainsi, sur la première ligne, « Présence », « Inspiration » et « Persuasion » me paraissent potentiellement se recouper, et la détermination de la compétence la plus appropriée à telle ou telle action n’est peut-être pas toujours des plus évidente…). Les « compétences d’armes » sont distinctes, et dépendent de l’origine du personnage. Il faut enfin y ajouter quelques autres chiffres, les principaux concernant l’Endurance (fortement liée à la Fatigue, et donc à l’Encombrement – notion qui m’effraie d’habitude pas mal mais qui me paraît très bien gérée et pertinente ici), et le couple opposant Vaillance et Sagesse.

 

La mécanique de jeu, à l’image de ce qui précède, est à vue de nez assez simple, même s’il faut donc s’y retrouver dans un exposé mal structuré. Elle repose sur l’utilisation de dés spéciaux (on peut utiliser des dés plus classiques, mais c’est sans doute moins pratique…), des dés à six face correspondant aux Dés de Maîtrise (les 1, 2 et 3, entourés, donnant 0 en cas d’épuisement, tandis que le 6 se voit complété d’une rune Tengwar permettant de déterminer la qualité d’un succès), et un dé à douze faces, dit Dé du Destin (où le 11 est remplacé par l’Œil de Sauron, qui vaut 0 pour les joueurs et provoque des conséquences éventuellement dramatiques, tandis que le 12, illustré par la rune de Gandalf, équivaut à un succès automatique). Il s’agit de battre un seuil de réussite (SR), de 14 par défaut, ajustable en fonction des circonstances : on jette le Dé du Destin et autant de Dés de Maîtrise que le score de la compétence utilisée (au choix du joueur en temps normal, on parle alors de Manoeuvre, au choix du Gardien dans d'autres circonstances, et on parle alors de Test), et on additionne, tout simplement, en ajoutant éventuellement un bonus d’attribut résultant d'une forme de sacrifice (bonus de base en temps normal, « amélioré » pour les compétences dites « favorites », soulignées sur la fiche). Un système assez souple, donc, et plus simple qu’il n’y paraît, qui a en outre le bon goût d’autoriser sous condition des actions « épiques », aussi héroïques qu’invraisemblables, bien dans l’esprit des romans.

 

Le combat reprend cette mécanique de base, avec quelques particularités qui méritent d’être soulignées. On notera surtout que, outre l’initiative dépendant du statut d’attaquant ou de défenseur, la « position » adoptée par les PJ (trois pour le corps à corps et une pour les attaques à distance) est ici déterminante, fixant pour une bonne part le SR (complété par la défense de la cible). Un peu perturbante au premier abord, cette approche ne manque pourtant pas de convaincre à terme, et semble garantir des combats rythmés, brefs et périlleux.

 

D’autres aspects du système doivent être mentionnés. Ainsi, le jeu se découpe en deux phases, celle dite « d’aventures » et celle de « communauté », la première étant narrée par le Gardien des Légendes et occupant l’essentiel de la séance, tandis que la seconde, qui vient à la fin du scénario et en attendant le suivant, est aux mains des joueurs, qui disent ce que font leurs personnages entre deux aventures (on notera au passage que la notion de « communauté » est ici assez importante, impliquant de constituer un groupe soudé, et des liens unissant les PJ entre eux).

 

Le jeu, qui met donc l’accent sur cette notion de « sauvagerie » en se focalisant sur des territoires peu peuplés et longtemps à l’abandon – les cadres urbains ne sont vraiment pas de mise ici –, accorde une grande importance aux voyages (reposant sur des cartes très bien faites). Des règles sont prévues pour les organiser et déterminer ce qui s’y produit au juste (au-delà des vulgaires tables de rencontres aléatoires à l’ancienne…), qui m’ont paru un peu pinailleuses au premier abord, mais peuvent sans doute déboucher sur des choses intéressantes.

 

Mentionnons enfin l’Ombre. Chaque personnage se voit en effet conférer lors de la création une part d’Ombre, indiquant son évolution au fur et à mesure qu’il succombe à la corruption (ce qui peut venir des méfaits qu’il commet, bien sûr, mais aussi, par exemple, des terres qu’il arpente, quand celles-ci sont au mains de Sauron et suscitent angoisse et désespoir). C’est assez bien vu, et surtout parfaitement dans l’esprit de Tolkien, en revenant sur le manichéisme qu’on lui reproche souvent : les PJ sont bien censés être des héros qui accomplissent des actions « morales », et ce mécanisme renforce dans un sens cette idée puisqu’il y a sanction, mais la possibilité de la chute (que ce soit dans la dépression ou dans le mal pur et simple) est toujours présente, ce qui illustre bien l’idée de corruption centrale chez l’auteur, et tout particulièrement sans doute dans les romans « de Hobbits ».

 

Notons que le livre, assez pauvre en background (certes, on a les bouquins de Tolkien pour ça, mais bon, il n’est pas très pratique de s’y reporter diretement ; à compléter sans doute par le Guide des Terres Sauvages, dont je vous causerai prochainement), s’achève sur un scénario d’introduction qui me paraît remplir parfaitement son office, en introduisant en douceur les mécanismes de jeu, de manière très claire et pédagogique, sans nuire pour autant à l’aventure.

 

Au final, je suis plutôt satisfait de ma lecture : L’Anneau Unique est autrement plus alléchant que le vieux JRTM, et offre enfin l’occasion de jouer dans l’univers de Tolkien avec un système correct (et même probablement plus que ça). Je l’ai lu rapidement et avec un grand plaisir, pas forcément toujours très présent dans des livres de règles ; je regrette d’autant plus ce défaut de structure qui ne rend pas toujours les choses très claires… Mais j’aurais bien envie de tester la chose, par exemple dans le cadre de la campagne (tout juste esquissée ici) Ténèbres sur la Forêt Noire, tout récemment publiée en français, et dont le principe (un déroulé sur trois décennies) me paraît très alléchant ; je vous en parlerai un de ces jours…

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"Dying Earth, la Vieille Terre"

Publié le par Nébal

"Dying Earth, la Vieille Terre"

Dying Earth, la Vieille Terre, Archéon – Oriflam, [2000] 2003, 188 p.

 

J’adore le « cycle de la Terre mourante » de Jack Vance (et me rends compte aujourd’hui que mon compte rendu bien maigre et bien tiède, car rédigé lors d’une période un peu difficile pour moi, n’est vraiment pas à la hauteur de mon enthousiasme pour ce monument de la fantasy…). Si le tome inaugural, Un monde magique – par ailleurs le premier livre publié de Vance – est un peu à part, il contient déjà de beaux moments ; mais la substantifique moelle de ce cycle hors-normes réside assurément dans les deux volumes consacrés à ce superbe petit con de Cugel, à savoir Cugel l’Astucieux et Cugel Saga (le dernier volume, Rhialto le Merveilleux, est également très recommandable, et on en retrouve l’esprit, mais la classe de l’archi-mage est tout de même à mon sens un peu moins savoureuse). Vance a décrit ici un univers baroque et picaresque comme il sait si bien le faire, mais en lui donnant une coloration très particulière et ô combien appréciable, essentiellement du fait d’un style, et surtout de dialogues, hilarants de par leur caractère alambiqué et précieux, et de ce personnage de loser magnifique qui enchaîne les pires avanies… Et j’ai retrouvé cet univers avec beaucoup de plaisir dans l’anthologie Chansons de la Terre mourante éditée par Gardner Dozois et George R.R. Martin (hop, le tome 1 ; hop, le tome 2 ; le troisième et dernier, hélas, se fait attendre, et je commence à redouter qu’il ne voie jamais le jour…)

 

Dès lors, « la Terre mourante » avait tout pour être adaptée en jeu de rôle, mais l’exercice pouvait se montrer très périlleux, en risquant de passer à côté de l’essentiel, pour ne plus en conserver qu’un vague exotisme, et, bien sûr, la magie omniprésente. Or, la première fois que j’ai vu la couverture de ladite adaptation, Dying Earth, la Vieille Terre, je l’ai trouvée non seulement très moche – jugez-en par vous-mêmes… – mais aussi et surtout totalement à côté de la plaque : l’humour et la dérision essentiels dans le cycle ne ressortaient guère de cette laideur tragique… Aussi ai-je passé mon chemin, persuadé que l’on aurait là… un bête jeu de fantasy comme les autres, sans grand intérêt du coup.

 

Les choses ont changé assez récemment, quand j’ai fait part sur le forum de Casus NO de mon très, très vague projet d’adapter Le Roman de Renart en jeu de rôle. Au milieu d’autres références intrigantes, on m’a alors évoqué Dying Earth, au-delà du seul caractère de trickster de Cugel, notamment pour quelques aspects du système (par exemple en ce qui concerne les « Résistances » – à la gloutonnerie, à la paresse, ce genre de choses), ce qui m’a suffisamment intéressé pour que je me décide à y jeter un œil. Ayant en outre trouvé ce volume de base de la traduction française chez feu Oriflam à un prix dérisoire du fait d’un déstockage, je n’avais plus aucune raison de rechigner à l’achat. Et je me suis donc enfin lancé dans la lecture de la chose, après avoir été interpellé par le nom du créateur, Robin D. Laws, qui n’est pas tout à fait un inconnu en matière de rôlisteries (même si moi je ne peux pas prétendre le connaître ; il a été secondé ici par John Snead, un habitué des systèmes de magie, et Peter Freeman, qui livre de délicieuses nouvelles d’ambiance, parfaitement dans le ton des récits de Jack Vance).

 

Et ce fut une bonne, voire une très bonne surprise !

 

En effet – et pour peu que l’on veuille bien faire abstraction de la mocheté relative de l’ouvrage –, une chose frappe très vite, et c’est le soin apporté à la rédaction de ce volume (hélas quelque peu desservi par une traduction parfois hasardeuse…). Que ce soit dans le corps de l’ouvrage, ou, donc, dans les très sympathiques nouvelles d’illustration, on retrouve parfaitement le style de « la Terre mourante » : c’est extrêmement alambiqué, mais sans jamais nuire à la clarté d’expression, et c’est surtout très drôle… Une belle performance à ce niveau, qui mérite assurément d’être saluée.

 

Mais cette bonne surprise en cachait une autre, plus fondamentale, qui est la parfaite adéquation du système de jeu à la tonalité bien singulière des récits vanciens. Je ne sais pas – il faudrait sans doute tester la chose – si cette mécanique, de manière générale, est parfaitement convaincante en pratique – même si je note avec plaisir qu’elle repose sur l’utilisation d’un unique dé à six faces, on croit rêver ! Je redoute un peu du griffonnage et gommage répété sur la fiche de perso, dans la mesure où tout cela repose sur un principe de réserves qui ne cessent de fluctuer, mais j’imagine que c’est un coup à prendre… Ce que je peux dire, par contre, c’est que ce système a le bon goût de s’éloigner des clichés toujours à craindre de la fantasy à la Donj’, pour coller parfaitement au contenu du « cycle de la Terre mourante » (brillamment décortiqué et analysé – ainsi dans le chapitre de conseils aux MJ, je crois que c’est la première fois qu’un tel chapitre me paraît vraiment utile…).

 

En effet, et ce quel que soit le « niveau » de la partie (il y en a trois, en fonction de la puissance des personnages, qui change tout : « Cugel », « Turjan » et « Rhialto » – c’est sans surprise le premier qui me paraît le plus amusant, même s’il y a sans doute de quoi faire avec les deux autres), tout est mis en œuvre pour mettre à mal les réflexes hérités d’années de fantasy-baston. Ainsi, une règle fondamentale de Dying Earth est qu’il est mal vu de tuer un adversaire au combat (enfin, un humain ; c’est bien évidemment différent pour les demi-hommes tels que les déodandes ou les pelgranes, par ailleurs redoutables – tiens, au passage : Dying Earth est à la base un jeu de Pelgrane Press, à qui on doit également, entre autres, Trail of Cthulhu et plus largement le système « Gumshoe »…) : non, dans ce jeu, on ne se bat pas en permanence, et on tue encore moins ; ce qui est bien vu, par contre, c’est d’humilier son adversaire à l’aide de reparties piquantes… Et tout est ainsi mis en œuvre pour reproduire en jeu les dialogues si croustillants de Jack Vance.

 

En effet, au-delà des quelques Compétences habituelles – néanmoins fondées sur des réserves, donc, ce qui change pas mal la donne –, on est ici confronté pour l’essentiel à quatre Aptitudes : l’Attaque et la Défense, certes (faut pas déconner, non plus), mais surtout, et c’est bien ce qui est au cœur du jeu, la Persuasion (au sens large) et la Rebuffade (qui vient y résister). Chacune des ces quatre Aptitudes est définie par un Style (il y en a six à chaque fois), qui en « coupe » un autre et est coupé itou. Ce qui amène à développer, tant pour le registre du combat physique que pour celui de l’affrontement oratoire, des joutes très rythmées aux rebondissements perpétuels.

 

Chaque joueur se voit ainsi attribuer une manière de se comporter oralement selon ces deux axes (par exemple, un personnage décalqué sur Cugel sera « Volubile » en Persuasion ; par contre, un personnage agressif dans ses propos sera « Direct » s’il s’en tient aux seules répliques, ou « Comminatoire » s’il joue sur l’intimidation, etc. En face, un personnage pourra être « Obtus » ou « Contrariant » en Rebuffade… voire « Candide », s’il est né de la dernière pluie). Les jets en opposition de Persuasion et de Rebuffade rythment les échanges, et décident de l’évolution de la conversation… avec pour conséquence toujours possible que le personnage incarné par le joueur soit « persuadé », et donc amené à adopter un comportement bien différent de ce qui avait été prévu – voire à l’évidence néfaste pour lui ! – mais toujours en adéquation tant avec l’attitude générale du personnage qu’avec les principes de fonctionnement de la société de la Terre mourante.

 

Et c’est bien là, finalement, ce qui définit un personnage dans Dying Earth : son « histoire » n’a pas grande importance au fond, à l’instar des personnages vanciens il tend à ne pas avoir vraiment de passé bien défini, et nombreux sont ceux qui se révèlent peu ou prou interchangeables à s’en tenir à ce seul critère. Non, l’important, c’est comment il parle – dans une perspective de joute par essence mesquine… (Il semblerait au passage que Robin D. Laws a encore approfondi cet aspect dans un autre jeu de Pelgrane Press, Skulduggery, dont je vous causerai un de ces jours.)

 

Un autre principe très intéressant à cet égard concerne l’évolution du personnage : dans Dying Earth, vous pouvez oublier vos vieux réflexes de donjonneux acharné, votre personnage ne gagnera pas de points d’expérience pour avoir massacré des bestioles à tour de bras ; non, le seul moyen de gagner de l’expérience ici (du moins en principe : c’est susceptible d’adaptations pour ceux qui se sentiraient du coup un peu trop frustrés…), c’est de se livrer à un petit jeu dans le jeu fondé sur ce que l’on appelle les « Répliques » : en début de séance, le MJ confie à chaque joueur plusieurs Répliques, à charge pour eux d’en faire usage au bon moment – par exemple, il tend à un joueur une feuille où est inscrit « Tout d’abord, sachez que je suis un puissant magicien », à un autre « La critique malveillante blesse mon amour-propre, et la louange me laisse sceptique », et à un troisième « En tant que voyageur venu de loin, ignorant de vos coutumes, j’ai jugé préférable de vous observer d’abord tranquillement, dans la crainte de commettre par mégarde un impair ». De nombreux exemples sont fournis, tirés directement des bouquins de Vance pour la plupart. Dès lors, il s’agira pour le joueur de caler cette Réplique en cours de jeu : bien évidemment, l’à-propos est ici de mise, et une Réplique utilisée maladroitement, dans un cadre qui ne la justifie guère voire pas du tout, ne rapportera aucun point d’expérience… Par contre, plus la Réplique s’avère drôle dans son utilisation, et tout particulièrement quand elle se montre aussi surprenante que justifiée – détournant ainsi les intentions parfois transparentes du MJ ! –, et plus le joueur gagnera de points d’expérience.

 

Et tout cela, qui incite les joueurs – et le MJ, cela va de soi – à user de tournures vanciennes dans leurs dialogues, rendus d’autant plus rythmés par le principe de la Persuasion et de la Rebuffade, me paraît bien garantir de savoureux échanges et des moments de jeu aussi originaux que drôles. Aussi, je confirme : le système développé par Robin D. Laws, s’il peut nécessiter d’appréhender quelques règles spéciales un brin pinailleuses, se montre remarquablement approprié à l’atmosphère du « cycle de la Terre mourante », il en tire l’essence pour l’infuser dans les parties, avec des mécanismes faussement contraignants que je suppose devenir rapidement une seconde nature. Chapeau pour ça, c’est vraiment bien vu.

 

Et d’autres aspects du jeu sont parfaitement réussis dans cette optique, au-delà des dialogues : j’aime beaucoup, ainsi, cette idée selon laquelle les personnages de niveau « Cugel » ne peuvent rien « capitaliser » (là encore, on peut oublier, et c’est tant mieux, les réflexes à la Donj’) ; le MJ se voit fortement conseillé de les dépouiller régulièrement de leurs possessions (du moins les plus habituelles, il n’en va pas de même, par exemple, pour les objets magiques dans lesquels ils auraient investi des points), de manière totalement arbitraire le cas échéant, pour qu’ils soient systématiquement à la dèche et contraints de trouver de quoi survivre par tous les moyens – ce qui est après tout la base des récits picaresques de Cugel l’Astucieux et Cugel Saga.

 

D’un autre côté, il est possible d’aborder l’univers de la « Terre mourante » d’une tout autre manière, mais tout aussi cohérente, ainsi en jouant un mage ou a fortiori un richissime archi-mage tel Rhialto le Magnifique. Or la magie est très, très puissante dans cet univers, ce que rend bien la mécanique de jeu (à titre d’exemple, le Jet Prismatique Excellent tue sa cible en un coup)… mais à condition qu’elle veuille bien obéir aux magiciens : en effet, à titre d’exemple, les sandestins sur lesquels repose une bonne partie du pouvoir des archi-mages tendent à interpréter de manière biaisée les instructions qu’on leur donne, et ils ont bien évidemment un score de Rebuffade…

 

Bon, vous l’aurez compris : j’ai vraiment été séduit par Dying Earth, la Vieille Terre, qui constitue (sur le papier, en tout cas, j’aimerais tester la chose…) une très, très bonne surprise, en ce sens qu’il s’agit d’une vraie adaptation, parfaitement réfléchie et dotée d’une indéniable personnalité. Je ne verrais qu’un tout petit reproche à faire éventuellement à ce livre de base : il ne contient que très peu d’éléments de background (même si le petit bestiaire est sympathique)… Mais il est vrai que Vance n’est pas Tolkien, il ne décrit pas par le menu un monde parfaitement cohérent et d’une rigueur à toute épreuve, mais joue avant tout sur l’atmosphère, aussi singulière que délicieuse. Le mieux à faire est donc, pardonnez l’évidence, de lire ses livres – même si ce n’est pas un pré-requis pour aborder ce jeu de rôle, du coup.

 

L’essentiel est que Dying Earth, la Vieille Terre est aussi drôle que bien vu. Et c’est remarquable. Tout ça m’a donné une sacrée envie de m’y mettre… même si je suis un peu sceptique sur mes possibilités en la matière. Mais ça ne m’empêchera pas d’approfondir la gamme. Excellente surprise, vous dis-je !

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CR "Eclipse Phase" (7) : Entreprises de communication

Publié le par Nébal

CR "Eclipse Phase" (7) : Entreprises de communication

Poursuite de la campagne d’Eclipse Phase (épisode précédent ici, première session ici). Attention, il y a un petit peu de spoilers…

 

Le fork alpha de John Doe, fasciné par les Courtiers qui viennent d’arriver en orbite de Hyoden, cherche à les contacter… en faisant état de son « CV » (à savoir son activisme anti-TITANs, mais aussi son travail auprès de Gatekeeper sur Pandore) ! Le Philosophe le joint aussitôt, lui affirmant que les Courtiers ne sont clairement pas ses « amis »… Il lui suggère aussi de se pencher à nouveau sur les dossiers qu’il lui avait envoyés. Le fork envoie ces instructions à sa personnalité d’origine à bord de l’essaim, qui obtempère, mais n’arrive pas à comprendre où le Philosophe veut en venir. John Doe programme alors un logiciel afin d’établir des corrélations entre les différentes œuvres de science-fiction compulsées par Ronald Dufour…

 

Parallèlement, le fork alpha consacre du temps à l’élaboration d’un film documentaire à destination de Terminus les étoiles sur la situation de Hyoden, en suivant les instructions de Callisto Hawke, et à partir de données publiques, mais aussi des films de propagande concernant la fabrication des fenrirs qui leur avaient été fournis par Olaf Munsk. L’idée étant de faire quelque chose d’assez « neutre », « journalistique », mais susceptible de bien des utilisations, et témoignant assurément du militarisme de cette société sous le coup d’une menace permanente.

 

Shad, de son côté, fait campagne sur les réseaux pour que Callisto Hawke fasse figure de représentante officielle de l’essaim (de manière générale, mais aussi en vue, le cas échéant, de l’intégrer à une délégation entrant en contact avec les Courtiers), et se montre brillant, il obtient bien vite des résultats.

 

John Doe, à bord de l’essaim, fait du repérage en infosec sur les systèmes contenant l’infomorphe d’Alice Chu, mais il rate complètement son approche, se fait repérer et passe sous surveillance, sans en avoir conscience (ce qui aura des conséquences plus tard)…

 

Shad obtient, sur la demande d’Adán Lagarto, un rendez-vous avec le Dr. Mindfuck dans son laboratoire (qu’il ne quitte plus depuis les derniers incidents, plus paranoïaque que jamais). Ils s’y rendent tous les deux, accompagnés de John Doe. Mindfuck est extrêmement nerveux, et la présence du futura ne fait que le paniquer davantage. Adán en rajoute une couche… en lui balançant toutes les informations que lui avait confié Fatima Hex sur sa participation au scandale de la « Génération perdue », et son usage de la psychochirurgie et ses manipulations des archives pour en effacer toute trace ! Mindfuck refuse de le croire, affirme que le futura est totalement paranoïaque, et nécessite plus que jamais des soins… Hubertus Khan, également présent, et à la fois intrigué et semble-t-il un peu inquiet par ces révélations, cherche à calmer le docteur. Celui-ci, devant les faits qu’on lui présente, devient progressivement tout blanc – probablement suite à un examen parallèle de ses archives privées – et abandonne la discussion pour se livrer à une séance de psychochirurgie sur lui-même… Khan continue cependant de parler avec les PJ, et Adán le confond quant à son intérêt ambigu pour les futuras. Shad et Khan discutent à fleurets mouchetés, tous deux se complimentant perfidement sur leurs capacités oratoires et leur sens de la politique…

 

Puis Shad et Adán quittent le laboratoire, tandis que John Doe reste, ayant proposé de mettre en place dans cette zone son système de sécurité repérant les altérations d’image dues à une cape-caméléon ou à tout autre procédé similaire. Mais il tente par la même occasion de poser un mouchard… Hubertus Khan vient lui parler pendant qu’il travaille, et l’a de toute évidence grillé. John Doe s’y prend très mal… Mindfuck sort de son simulespace, il prend Khan à part et lui explique que ses sauvegardes ont été effacées ; John Doe est un suspect tout désigné, thèse que le patriote de Hyoden appuie en faisant valoir qu’il aurait tenté de libérer Alice Chu ! Des agents de sécurité sont contactés, qui viennent s’emparer de John Doe et le conduire dans une cellule l’isolant des réseaux…

 

John Doe, cependant, a toujours accès à son logiciel étudiant les séries de SF, etc. Celui-ci a achevé son étude et trouvé un lien entre les différentes œuvres. John Doe ne s’y intéresse que plus tard, mais constate alors que toutes ces productions artistiques traitaient d’une manière ou d’une autre du principe de la « sonde de Bracewell » (un concept scientifique défini dans les années 1960, à propos d’une sonde, éventuellement auto-réplicante, destinée à la communication interstellaire entre espèces éloignées, et censée constituer une alternative plus efficace à la communication radio).

 

Adán, de son côté, a fait des recherches sur le réseau de Firewall afin d’en apprendre davantage sur les pouvoirs psi (ou du moins les rumeurs les concernant) ; il a appris ainsi progressivement ce que Firewall sait de la souche Watts-McLeod du virus exsurgent, ce qui ne le rassure guère, et l’incite à maintenir le secret sur ses capacités…

 

Sur Hyoden, Callisto Hawke est contactée par Arcas, qui l’invite à le rencontrer, sur le mode dragueur, pour discuter du bon vieux temps… Elle ignore ses messages.

 

Shad et Adán vont voir Lena Andropov. C’est alors qu’ils se rendent à bord du Crimepensée qu’ils reçoivent le message d’alerte de John Doe sur les sauvegardes effacées… puis sur son arrestation. Adán explique à Andropov le rôle des terroristes futuras dans les troubles de l’essaim. Shad lui parle ensuite du vaisseau rempli de fenrirs qui a pris la direction de Terminus les étoiles… ce qui ne manque pas d’inquiéter la scientifique, néanmoins fascinée par cette invention remarquable. Shad, face aux diverses menaces qui agitent l’essaim, considère que la seule solution possible consiste à « ramener » Alice Chu (qui est innocentée des meurtres touchant l’entourage de Mindfuck du fait des enregistrements de Fatima Hex). Lena Andropov le croit volontiers, mais se montre un peu molle et indécise… Cela prendra du temps, de toute façon.

 

Puis Shad et Adán vont voir Amrita Shah. Shad explique à la sentinelle la situation, et lui confie le film de Callisto Hawke afin de l’améliorer puis de le diffuser au moment opportun. Il décide par ailleurs de précipiter la fête qu’il avait prévu d’organiser, pour qu’elle ait lieu 48 heures plus tard ; il s’agit d’en faire une sorte de « gala électoral » pour favoriser le retour en scène d’Alice Chu… Il commence, secondé par la porn-star, à susciter le buzz sur les réseaux.

 

Hubertus Khan va voir John Doe dans sa cellule… et il est accompagné de Lucia Sotomayor. Il affirme savoir que le prisonnier travaille pour une organisation secrète du nom de Firewall, et veut en savoir plus à ce sujet ! John Doe ne se montre bien évidemment pas coopératif… et Lucia Sotomayor sort un ecto dans le but évident de pirater son cyber-cerveau et d’en extraire toutes les informations qu’il recèle. Mais John Doe est équipé d’une main-laser… Il fait feu sur Sotomayor, qu’il blesse gravement, et parvient à échapper à l’emprise d’Hubertus Khan ; sur un gros coup de chance, il parvient même à s’évader en les enfermant tous deux dans sa cellule ! Il se connecte aussitôt à un terminal pour lancer un SOS général, avant de se précipiter dans une zone aussi bondée que possible, cherchant la protection de la foule, tout en diffusant des images de ce qui s’est passé. Les écumeurs, d’abord perplexes, constatent que Khan et Sotomayor ont cherché à violer l’ego de John Doe, et il gagne ainsi bientôt leur soutien. Shad et Adán, prévenus, le rejoignent, et en rajoutent en chemin : Amrita balance la vidéo de Callisto Hawke, tandis que les images de Hubertus Khan dans son uniforme de colonel de l’armée de Hyoden circulent, suscitant la colère des écumeurs… en même temps très amusés par la mauvaise posture dans laquelle Khan et Sotomayor se trouvent, pris au piège qu’ils avaient tendu à John Doe ! La communication en faveur d’Alice Chu devient par ailleurs un peu plus explicite.

 

Tandis que Sotomayor est emmenée dans une autre cellule où on la soigne, les PJ vont interroger Hubertus Khan. Ce dernier n’en démord pas : non seulement sa cause est juste, ce que Shad lui concède volontiers, mais à l’en croire ses méthodes le sont tout autant ; tout ce qu’il a fait relève d’une pure entreprise de « communication », et on ne saurait lui reprocher quoi que ce soit (pas même l’envoi du vaisseau des fenrirs, ou ses petites manipulations de la vérité, concernant l’engagement politique de l’essaim ou encore le soutien de la Pluralité titanienne à la cause de Hyoden) : il n’a fait qu’agir dans une perspective « proactive », de « prophétie auto-réalisatrice » dans un sens, en disant les choses pour qu’elles deviennent vraies. Sa sincérité ne fait aucun doute… Et il retourne bientôt l’accusation contre les PJ : Lucia Sotomayor lui a prouvé qu’ils faisaient partie d’une organisation secrète aux buts obscurs du nom de Firewall, et que leur comportement depuis leur arrivée à bord de l’essaim, passant par une surveillance omniprésente et la manipulation constante des réseaux, les rendait hautement suspects d’activités subversives ! Les PJ contactent le Philosophe à propos de Lucia Sotomayor, et celui-ci les met en garde : à ce stade, tout laisse supposer qu’il s’agit d’un agent du Projet Ozma, organisation secrète assez proche à bien des égards de Firewall, mais pourtant rivale acharnée, notamment en ce qu’elle dépend des hypercorps et du Consortium Planétaire… Adán prend les choses en main : il use d’une passe psi (inception), devant les autres PJ, pour que Hubertus Khan « oublie Firewall ». Khan en ressort passablement perturbé, ne sait plus où il en est, et Adán, qui saigne du nez du fait du drain, fait signe à Shad et John Doe qu’ils n’en tireront rien de plus, et qu’il vaut mieux qu’ils s’en aillent ; ceux-ci obtempèrent, mais n’ont pu que remarquer l’étrange comportement d’Adán – qui avait jusqu’alors dissimulé ses capacités psi…

 

À suivre…

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"Eclipse Phase : Morph Recognition Guide"

Publié le par Nébal

"Eclipse Phase : Morph Recognition Guide"

Eclipse Phase : Morph Recognition Guide, Posthuman Studios, 2014, 127 p.

 

Dernier « gros » supplément en date pour Eclipse Phase (mais plus court que les précédents et incomparablement moins dense), Morph Recognition Guide ne contient à vrai dire que très peu, voire quasiment pas, de matériau inédit, et consiste pour l’essentiel en reprises d’informations figurant dans Sunward, Gatecrashing, Panopticon, Rimward et Transhuman. Ce qui, je ne le nierai pas, m’a fait exceptionnellement hésiter avant achat (il est assez cher pour ce qu’il est, en outre), mais bon, fanisme et complétisme jouant, je ne pouvais pas éternellement faire l’impasse dessus… Et force m'est d'avouer qu'il remplit bel et bien son objectif, qui est d’être pratique, tant pour les joueurs que pour le MJ.

 

Comme son nom le laisse entendre, Morph Recognition Guide est avant tout un catalogue (à noter qu’il existe également sous la forme de « cartes », mais là je n’en ai pas fait l’acquisition…) : y sont regroupés tous les morphes décrits tant dans le livre de base d’Eclipse Phase que dans les suppléments qui ont suivi. Ce qui en fait tout de même une bonne centaine ! Il faut dire que les morphes, une originalité essentielle du jeu, sont d’une importance toute particulière. Le morphe, rappelons-le, correspond à l’enveloppe physique du personnage, par opposition à l’ego ; et si l’ego est permanent, le morphe, lui, peut changer, et même très régulièrement, pour tout un tas de raisons, qu’il s’agisse d’un voyage par egodiffusion (avec un morphe acheté ou loué à l’arrivée), d’un réenveloppement suivant la mort du précédent morphe (que la pile corticale ait été préservée ou que l’on procède à partir d’une sauvegarde antérieure), ou, tout simplement… parce que le personnage en a envie, na. Dès lors, disposer d’un outil permettant au joueur de choisir aisément le morphe qui l’intéresse pour sa nouvelle incarnation se révèle assez pratique… même si, bien sûr, rien ne garantit que ledit morphe sera disponible sans souci. Pour le MJ, Morph Recognition Guide est également d’une grande utilité, en ce qu’il permet d’accéder rapidement, sans avoir à multiplier les fouilles éventuellement absconses dans les chapitres « techniques » des volumes précédents, à des morphes parfois hautement fantaisistes ou bien très spécialisés, qui peuvent conférer aux scénarios une couleur non négligeable. Dans tous les cas, en effet, Morph Recognition Guide offre la possibilité (mais en rien l’obligation, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit) de s’éloigner un peu des classiques épisseurs, bondisseurs, etc., pour voir ce qui se fait de plus original dans le système.

 

Chaque morphe – dans l’ordre alphabétique, les biomorphes, cosses et synthomorphes sont mélangés – est décrit en pleine page (éventuellement avec quelques variantes). Ce qui se révèle très utile ne serait-ce que pour se représenter la chose : chaque morphe dispose ainsi d’une illustration (c’était loin d’être le cas dans les suppléments précédents, or ils ne sont pas tous aisés à se figurer), complétée de manière bienvenue par un petit schéma permettant de mieux appréhender la taille dudit morphe, en comparaison avec un morphe transhumain « classique » ; ce qui s’avère particulièrement éloquent dans certains cas, et offre à l’occasion de belles montées de « sense of wonder », notamment devant les spécimens les plus colossaux ; à titre d’exemple, j’ai pour ma part fait usage des fenrirs développés à Hyoden, sur Callisto, dans ma campagne : savoir que ces synthomorphes d’un genre très particulier (et indisponibles ailleurs) sont peu ou prou des « tanks » est une chose, mais se les représenter à l’échelle du transhumain lambda est autrement plus parlant…

 

Les données « techniques » sont rassemblées à côté de l’illustration, après une brève description « textuelle » : implants de base, mouvement (avec les systèmes de déplacement pour les synthomorphes), maximum d’aptitude, endurance, seuil de blessure, avantages divers (aptitudes améliorées, etc.), désavantages éventuels, coût en points de personnalisation puis en cours de jeu, etc. Ce qui facilite là aussi la comparaison.

 

Et puis il y a un petit détail très bienvenu, sous la forme de commentaires émis par des sentinelles de Firewall qui feuillettent le catalogue (et le complètent éventuellement) ; cela permet de mettre en évidence des aspects non négligeables des différents morphes ne ressortant pas nécessairement d’une simple illustration ou des données purement « techniques », et offre à l’occasion… ben, des pistes de scénario. Si. Simplement à partir des morphes. La dernière page du volume en détaillant par ailleurs une belle, en guise de cerise sur le gâteau, mais chut… Cela dit, même au-delà d’une utilité « directe », ces commentaires très personnalisés contribuent à limiter quelque peu la sécheresse des informations de jeu, et on y retrouve le ton si particulier et si appréciable des suppléments de background précédents.

 

Le dernier chapitre (enfin, le seul véritable, sans doute), complété par quatre pages de planches là encore très utiles pour accéder directement à l’information recherchée, comprend non seulement toutes les règles applicables aux morphes – présentées de manière claire et ordonnée –, qu’elles concernent leur acquisition, les effets du réenveloppement ou encore leur identification, mais aussi quelques développements supplémentaires, riches de possibilités, ainsi sur les morphes « améliorés », les variantes spécialisées, voire – et ce sont celles qui m’ont le plus intéressé, même si on les rencontre par nature nettement moins souvent, pour ne pas dire très rarement – les « éditions limitées » hyper-personnalisées, qu’elles résultent d’une démarche artistique (les morphes du Panthéon, par exemple) ou plus saugrenue encore (ainsi des « héritages », avec l’inévitable développement sur les Hitler, très populaires chez les écumeurs, quand bien même ils consistent parfois simplement à, par exemple, faire pousser une petite moustache ridicule sur un octomorphe…).

 

Alors, certes, Morph Recognition Guide n’a rien d’indispensable à proprement parler, a fortiori si l’on dispose déjà des suppléments qu’il reprend (ce qui est mon cas, même si je n’ai pas encore lu Transhuman et Gatecrashing) ; et il est sans doute un peu cher pour ce qu’il est… Néanmoins, il remplit parfaitement son objectif, qui est d’être pratique. Dès lors, sans être à proprement parler nécessaire, il n’est pas véritablement superflu pour autant, et peut même se montrer très utile tant pour le MJ que pour les joueurs, que ce soit lors de l’élaboration de la partie ou au cours de celle-ci.

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"Fate Accelerated"

Publié le par Nébal

"Fate Accelerated"

Fate Accelerated, Evil Hat Productions, 2013, 43 p.

 

Longtemps, j’ai abordé les jeux de rôle d’une manière que j’aurais envie de qualifier de « littéraire », dans le sens où je ne m’intéressais peu ou prou qu’au background, que j’aimais ample et touffu, la mécanique passant presque systématiquement au second plan. Pas toujours, certes, car il y a eu quelques mauvaises expériences : j’ai ainsi un souvenir terrifié du Jeu de rôle de la Terre du Milieu, avec ses calculs à foison et ses tables improbables, et je vous ai fait part il y a peu de ma déconcertante expérience de Shadowrun… Mais, de manière générale, je n’y accordais pas une grande attention ; et si je m’étais procuré, tout gamin, les gros et imbuvables bouquins de base de Advanced Dungeons & Dragons 2, par exemple, c’était de toute façon pour pouvoir jouer dans un cadre précis (d’abord Dark Sun, ensuite Ravenloft), qui changeait parfois radicalement la donne.

 

C’est aussi sans doute pour cette raison que je ne me suis longtemps pas vraiment intéressé aux « systèmes génériques », balançant des règles à la gueule sans souci d’univers – même si j’ai ultérieurement tâté du tétanisant GURPS, c’était dans le cadre précis du Jeu de rôle du Disque-Monde, et ça n’en était qu’une confirmation dans un sens : c’était la somme de documents sur l’univers pratchettien qui m’intéressait (tout en me donnant l’impression d’être largement injouable) ; la donne a peut-être été un peu différente, plus récemment, quand j’ai lu Deadlands Reloaded, et approché ainsi Savage Worlds, qui m’a paru intéressant…

 

C’est en train de changer, cependant, à tous ces niveaux : si je reste avant tout un amoureux du background, je suis néanmoins plus curieux désormais de la mécanique – et rejette sans l’ombre d’une hésitation celles qui me paraissent trop lourdes ou ingérables pour quelque raison que ce soit (par exemple, donc, Le Jeu de rôle du Disque-Monde, même si c’est sans doute pour une bonne part un problème de confusion et de lacunes dans l’exposition, et bien sûr Shadowrun ; et probablement aussi le très bien fait mais très, très lourd Pathfinder…). Cela passe par l’envie de découvrir des jeux de rôle indépendants, notamment – qu’ils tendent vers le « narrativisme » ou pas, je n’ai aucune envie de rentrer dans ce genre de débats. Mais cette curiosité est plus globale : je parcours d’un œil de béotien sites et forums, ainsi, en quête d’idées nouvelles et d’approches différentes. Et c’est ainsi que j’ai découvert Fate

 

Dans certains lieux de perdition que je ne nommerai pas, les rôlisteux n’ont semble-t-il que cette référence à la bouche : Fate ici, Fate là, Fate encore là-bas, Fate derrière toi, attention, etc. C’en est presque lassant, à vrai dire… Le problème du « système générique » se posant toujours, je n’avais pas encore franchi le pas pour approfondir la chose (j’aurais certes pu jeter un œil aux jeux plus ciblés qui en découlent, mais je les connais mal, et le principe de ceux dont j’ai le plus entendu parler – Spirit of the Century, par exemple – ne me bottait pas vraiment…). Mais j’allais bien y jeter un œil un jour, ça paraissait donc incontournable. L’occasion s’est présentée quand j’ai tenté de combattre ma timidité maladive d’asocial fainéant pour essayer d’intégrer un club de jeux de rôle (même si je ne sais pas encore s’il me sera possible de m’y engager véritablement, on verra…). Un des gens de là-bas a proposé, la belle idée, de lancer une campagne super-héroïque basée sur Fate Accelerated (ou FAE), c’est-à-dire la version « abrégée » du Fate Core System, fruit d’un palier du crowdfunding de ce dernier ouvrage (vous le trouverez gratoche ici en VO, et vous trouverez même une traduction en français parfois approximatif, gratoche aussi, ). L’idée me bottait bien, aussi me suis-je lancé dans la lecture de la chose (une toute petite chose, même pas cinquante pages dans le bouquin VO, très aéré et ponctué de dessins moches, puérils et atrocement souriants – que nous épargne Fate : édition accélérée), histoire de m’en faire enfin une idée.

 

La création de personnage donne le ton, et m’a immédiatement séduit. Vous pouvez oublier ici les interminables listes de compétences, l’esprit est tout autre. L’essentiel réside en effet dans des aspects dont aucune liste n’est fournie, mais qui sont laissés à la libre appréciation du joueur (une chose que j’avais découverte, dans un genre différent cependant, avec Bloodlust Metal, et qui m’avait bien intéressé). L’idée, ici, est que ces aspects puissent être très concrètement employés en jeu, tant dans un sens favorable au personnage que contre lui. On commence par déterminer un concept principal qui le définit ; on y adjoint un problème, histoire de ; pour donner de l’épaisseur, un troisième aspect (qui se veut important ou intéressant pour le personnage) ; et, dans l’idéal, on complète avec deux autres (mais éventuellement plus tard). Simple, efficace, directement utile.

 

Ces aspects sont complétés par des approches (j’ai cru comprendre que c’était là la grande spécificité de Fate Accelerated par rapport au Fate Core System, mais je dis peut-être des bêtises) ; celles-ci sont au nombre de six (Flamboyante, Habile, Prudente, Puissante, Rapide et Sournoise), et le joueur attribue un score « bon » (+ 3) à l’une d’entre elles, « honnête » (+ 2) à deux autres, « moyen » (+ 1) à deux autres encore, et « faible » (+ 0) à la dernière.

 

Avec les aspects du personnage et les approches, on a le nécessaire pour que celui-ci se livre à des actions (notons cependant qu’une dernière caractéristiques entre en jeu dans la création de personnage, même s’il est possible de l’élaborer plus tard en cours de partie : la « cascade », ou « stunt », qui concerne une chose pour laquelle le personnage s’avère particulièrement bon – dans le cadre de la campagne super-héroïque envisagée, cela correspond au super-pouvoir – et qui se construit sur la base d’un canevas très simple ; mais cela implique d’envisager d’abord les actions).

 

Les actions font appel à des « Fate dices » (ou des cartes, éventuellement) ornés de + et de –, qu’on peut éventuellement remplacer par des dés classiques, mais c’est probablement moins rapide à la lecture. Il s’agit, pour chaque action, de faire le total de l’approche employée et des bonus éventuels qui s’y appliquent (par exemple du fait d’une cascade), auquel on ajoute le résultat des dés ; on compare classiquement au seuil de difficulté fixé par le MJ ou au jet en opposition, et l’on peut avoir ainsi quatre résultats : échec, match nul, succès, succès avec style. Élémentaire.

 

Dans le détail, les actions sont au nombre de quatre : créer un avantage (ce qui consiste soit à créer ou découvrir des aspects, soit à employer un aspect déjà connu), surmonter (pour, en gros, se débarrasser d’un aspect), attaquer ou enfin défendre (étant entendu que cette dernière action vise à contrer les trois autres). Mine de rien, on a là une forme de systématisation très intéressante. Tout ceci a l’air efficace et toujours simple, même si cela peut passer à vue de nez par une certaine prise de notes (notamment pour ce qui est des aspects de situation en jeu – par exemple, « l’immeuble est en feu »), et implique de mémoriser les conséquences particulières d’un échec, d’un match nul, d’un succès et enfin d’un succès avec style pour ces quatre possibilités (ce qui ne doit guère poser de problème après un temps assez restreint, hein). Les dégâts, stress et conséquences, sont de même très simples à gérer, et laissent supposer des combats (le cas échéant) nerveux et rapides (ouf).

 

Le plus intéressant, dans tout ça, c’est cependant, au-delà de la simplicité toujours appréciable, le jeu permanent qui s’établit ainsi sur les aspects – de personnage ou de situation – et autorise à vue de nez une vraie complicité entre MJ et joueurs pour élaborer une narration qui mérite ce nom, à la fois fluide et susceptible de bien des rebondissements. Les jets de dés, la technique, ne viennent pas ici casser le rythme et le récit, comme trop souvent, sous la forme d’un détour mécanique « indispensable » durant lequel l’histoire se fige. Ils en participent pleinement, bien au contraire.

 

Aussi, si j’étais un peu perplexe suite à ma première lecture (pas pour la création de personnage, que j’avais aimé dès le départ, mais pour l’intégration des concepts ultérieurs, simples mais subtilement différents de ce à quoi on est habitué par ailleurs ; je n’ose d’ailleurs pas vraiment me prononcer sur l’utilisation des « Fate points », en rapport avec les aspects, il faudrait vraiment tester la chose, ici), j’avoue être maintenant assez emballé, sur le papier, par les principes développés dans Fate Accelerated, et curieux de mettre en œuvre la chose. On verra bien… Et je vais sans doute me taper aussi le Fate Core System un de ces jours, pour le principe. En tout cas, je ne saurais trop vous engager à y jeter un œil.

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CR "Eclipse Phase" (6) : Voyage sur Hyoden

Publié le par Nébal

CR "Eclipse Phase" (6) : Voyage sur Hyoden

Poursuite de la campagne d’Eclipse Phase (épisode précédent ici, première session ici ; Natalia et Washak n’étaient pas présents, et cela risque de se reproduire pour plusieurs sessions à venir... Ils deviennent donc des « PJ d’appoint », la partie se focalisant en temps normal sur Adán Lagarto, Callisto Hawke, John Doe et Shadul Kushi Kabhie Gham.).

 

Après la neutralisation de Kalbir Singh, et du fait de l’intervention de Lena Andropov ainsi que de divers éléments modérés, la situation se calme à bord de Terminus les étoiles. Si la faction officieuse qui se revendique du Dr. Mindfuck est en position de force, le psychochirurgien se fait cependant beaucoup moins présent dans les jours qui suivent, et succombe tant à l’apathie qu’à la paranoïa, restant cloîtré dans son laboratoire. Hubertus Khan continue d’agir sur les réseaux, mais la situation politique de l’essaim demeure ambiguë ; dans un sens, Terminus les étoiles est ainsi amené à retourner à une philosophie plus classiquement « écumeuse »… en attendant de voir ce qui va se produire. Le contrecoup de l’assassinat d’Alice Chu joue un rôle à cet égard ; « ressuscitée » en tant qu’informorphe (son « réenveloppement » est envisagé mais n’a pas lieu immédiatement), elle ne joue plus de rôle politique, ses possibilités d’action sont limitées, et on la surveille : certains réclament même une sorte de « procès » visant à établir sa responsabilité dans les assassinats qui ont frappé l’entourage de Mindfuck… L’enquête concernant le meurtrier futura, cependant, ne donne rien pour l’instant, d’autant que la gestion de la sécurité à bord de l’essaim est plus hasardeuse depuis l’arrestation de Kalbir Singh (le sort de ce dernier est à peu près fixé, par ailleurs : tout le monde ou presque, suite à son action violente et autoritaire, considère qu’il n’a plus sa place à bord de l’essaim, et on compte l’en exclure dès que possible). L’assassin d’Alice Chu se faisait appeler Skinny Rottweiler (c’était un membre des Dogs), un jeune type qui n’avait rejoint l’essaim que depuis peu, fuyant son contrat avec Fa-Jing sur Mars. Il ne s’était pas spécialement fait remarquer jusqu’alors ; un peu excité, facilement excitable, il avait certes fait part de son soutien à Mindfuck sur les réseaux, mais rien de plus ; rien ne permet de déterminer qu’il ait été commandé pour perpétrer son assassinat, il a très probablement agi seul (et était de toute évidence complètement défoncé). On l’a lui aussi « ressuscité » sous la forme d’un infomorphe pour l’interroger, mais sans obtenir davantage d’éléments. Il ne se passe pas grand-chose d'autre dans les deux semaines qui suivent.

 

Callisto Hawke et John Doe préparent leur voyage sur Hyoden. John décide de faire un fork alpha, destiné à être hébergé si besoin par un module ghost de l’écumeuse. Grâce à Shad, ils ont pu repérer quelques noms de proches d’Hubertus Khan sur Hyoden, et notamment Blixa Tutti, le chef de la faction patriote, Olaf Munsk, le créateur des fenrirs, et Annegret Carnot, qui dirige l’armée de la colonie. Callisto Hawke compte jouer de la réputation de Shad et de l’approbation d’Hubertus Khan (qui a été prévenu) pour rencontrer ces « notables », après être passée par une vieille connaissance de quand elle était gamine, Rosie, spécialisée dans la prospection d’astéroïdes.

 

Sario, l’ami d’Adán, membre du Cartel de Nuit sur Pallas, le contacte suite à sa « carte postale » pour prendre de ses nouvelles. Adán lui parle du retour de Buck, mais entend aussi le rassurer sur sa situation, et lui dit qu’il s’est fait des amis (Sario a vaguement entendu parler de Shad). Il cherche à user des contacts de Sario, et notamment de l’homme qui lui avait permis de changer d’identité, pour en apprendre davantage sur le futura inconnu qui a provoqué indirectement la crise ; cette faveur ne demandera pas trop de temps, mais il faudra payer… Adán demande à Shad de lui fournir les fonds nécessaires (plus tard, celui-ci fera jouer ses contacts auprès de la Pluralité titanienne pour obtenir la somme en question, mais cela ne permettra somme toute pas d’apprendre grand-chose : on déterminera que le morphe appartenait à un certain Charlie Nicholson, un égaré qui avait été « libéré » de son laboratoire lunaire un peu avant la fin de l’expérience de la « Génération perdue », mais s’est rapidement avéré être un schizophrène dangereux ; on en a cependant perdu la trace depuis quelques années).

 

Shad, qui a décidé de rester à bord de l’essaim (tout en restant en contact avec Callisto Hawke et John Doe – lequel est donc dédoublé, et poursuit sur Terminus les étoiles ses missions de surveillance, mais peut déterminer que Lucia Sotomayor l’a doublé d’une manière ou d’une autre), continue de mener sa politique de socialisation, davantage désormais dans un but d’apaisement et de réconciliation. Il reprend son projet d’organiser une grande fête à bord de l’essaim, cette fois dans l’optique de gommer les dissensions, projet dont il fait notamment part à Hubertus Khan. Il demande par ailleurs à Adán de lui dégoter une drogue exceptionnelle pour que la soirée devienne inoubliable…

 

Callisto Hawke et John Doe s’ego-diffusent donc sur Hyoden (la première, qui bénéficie de l’atout « Comme à la maison » pour les morphes de bondisseurs, n’a pas à faire face aux problèmes d’intégration et d’aliénation). Après s’être équipée, et tandis que John Doe, en tant qu’infomorphe, écume les réseaux de Hyoden, l'écumeuse retrouve Rosie, et discute avec elle de la situation de Hyoden. La colonie a bien changé depuis son enfance : la petite station de recherche d’avant la Chute abrite désormais deux millions d’habitants, des réfugiés qui n’ont pas trouvé leur place dans le système intérieur, et pas davantage au sein de la Junte jovienne… Et le tableau est pour le moins édifiant : constamment sous la menace de la Junte, Hyoden a développé une société passablement autoritaire et fondamentalement militariste, bien loin des idéaux autonomistes… La propagande joue à plein, qui table énormément sur l’extraordinaire avancée technique que sont les morphes de combat fenrirs (mais la faiblesse de la flotte de Hyoden est par contre à peu de choses près passée sous silence…), ne cesse de brandir la menace de l’opération Vautour et de l’impérialisme de l’amiral Pournelle, et reprend largement des déclarations d’Hubertus Khan qui font état du soutien avoué de Terminus les étoiles (avançant également que les négociations avec la Pluralité titanienne suivent leur cours)… Callisto Hawke parvient à obtenir une entrevue avec Olaf Munsk pour dans trois jours.

 

Le fork de John Doe sur Hyoden est contacté par le Philosophe… mais il l’envoie bouler, et lui dit sèchement de s’adresser plutôt à son ego principal à bord de l’essaim. Le Philosophe interroge ce dernier sur sa perception du dossier qu’il lui a envoyé, mais John n’en voit pas l’intérêt. Il lui propose alors… de regarder un vieux film pour se détendre : 2001 l’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick. John s’en désintéresse totalement. Le Philosophe lui envoie néanmoins un autre dossier sibyllin, que John n’ouvre (à nouveau…) que tardivement : c’est là encore un rapport établi par la sécurité de Cognite, à propos des recherches un peu saugrenues de Ronald Dufour dans les jours qui ont immédiatement précédé la Chute ; celui-ci semble s’être énormément intéressé à des œuvres de science-fiction du XXe siècle, des vieilles séries télévisées (des épisodes précis de Star Trek, Babylon V ou encore Doctor Who) ou des romans (Dans l’océan de la nuit de Gregory Benford, 2001 l’Odyssée de l’espace à nouveau, cette fois le roman d’Arthur C. Clarke – mais l’image du Monolithe tirée du film décorait son bureau…). John Doe s’en moque totalement, convaincu que le Philosophe lui fait perdre son temps…

 

Adán, quant à lui, est de nouveau contacté télépathiquement par Fatima Hex alors qu’il se trouve dans la cabine de John. Il répond à voix haute, ce qui interpelle son camarade, qui craint que Buck ne surgisse à nouveau, et prévient Shad… Mais Adán dit que la terroriste futura lui a donné un rendez-vous dans deux heures, et qu’il doit s’y rendre. Malgré les explications hasardeuses d’Adán, John sait parfaitement que Fatima Hex n’est pas entrée en contact avec lui via les réseaux ou par le biais d’un piratage… Le lieu du rendez-vous est une coursive du Rig, épargnée par les caméras ; Shad accompagne Adán (toujours désarmé…) à bord du Rig, mais Fatima lui fait comprendre qu’elle refuse que Shad assiste à leur entrevue, et ce dernier se tient à l’écart. John cherche pendant ce temps à mettre la main sur des drones de surveillance, et met la patte finale à un programme sur lequel il travaillait depuis quelque temps, destiné à repérer les anomalies visuelles suscitées par une cape caméléon ou d’invisibilité, se doutant que la terroriste risque d’en faire usage… C’est bien le cas. Fatima Hex, qui apparaît subitement, commence par reprocher à Adán de l’avoir « vendue ». Elle lui dit qu’en tant que futura, il est de son devoir de rejoindre la cause qu’elle incarne, celle de la justice, qui passe par la vengeance contre les responsables du projet « Génération perdue », affirmant en outre que le Dr. Mindfuck en faisait partie. Adán soutient l’innocence du docteur, qui n’a pas quitté l’essaim selon les archives ; mais Fatima Hex lui montre qu’il a très bien pu falsifier les documents concernant sa présence à bord, et que son rôle de psychochirurgien au sein de l’essaim lui a en outre permis de jouer sur la mémoire de ses patients : elle est persuadée de son rôle au sein du projet, et donc de sa culpabilité. Si Adán est un peu perturbé par l’argumentaire de la futura, reconnaissant qu’elle pourrait bien avoir raison quant à Mindfuck, il refuse cependant d’adhérer à son discours vindicatif et fanatique : quand Fatima Hex affirme que les gens tels que Mindfuck, par leurs expériences sur des bébés innocents, ont créé des monstres dont le système entier cherche à se débarrasser, Adán affirme que c’est le comportement de la terroriste et de ses semblables qui a créé cette image et entraîné ces conséquences. Il refuse de se voir comme faisant partie d’un « camp égaré », qui serait forcément en guerre contre les responsables du projet, et juge la vendetta de Fatima Hex absurde. Celle-ci, voyant qu’elle ne pourra décidément pas convaincre celui qu’elle considère comme un traître, sort sa lame de guêpe. Adán, après avoir tenté une passe Psi pour qu’elle ne l’attaque pas, se met à fuir en appelant Shad à l’aide. Fatima Hex dégaine son flingue et tente de lui tirer dans le dos, mais Adán, bénéficiant de sa Prédiction dynamique, esquive ; il rejoint bientôt une zone surveillée du Rig, où il retrouve Shad, et Fatima Hex ne le poursuit pas davantage. Elle se drape dans sa cape, et, malgré le programme de John – qu’il transmet à la sécurité de l’essaim en demandant davantage de puissance de calcul –, il est impossible de la pister… John, qui se méfie de plus en plus d’Adán/Buck, établit un réseau privé auquel ce dernier n’aura pas accès afin d’étudier son cas plus précisément, mais n’en parle pas encore aux autres.

 

Sur Hyoden, Callisto Hawke se rend à son rendez-vous avec Olaf Munsk, dans le laboratoire-usine où sont produits les fenrirs. Le savant octomorphe, très enthousiaste, est un patriote fébrile, et ne cesse de remercier Terminus les étoiles de son soutien affiché à la cause de Hyoden que pour vanter les mérites de sa stupéfiante invention. Afin que Callisto Hawke puisse témoigner auprès des écumeurs de la puissance de la technologie militaire de Hyoden, il l’autorise à effectuer une visite des locaux, en compagnie de son assistante, Jeanne Chenaud. Celle-ci entretient l’écumeuse du processus de fabrication des fenrirs de manière très technique (Callisto Hawke n’y comprend à peu près rien, le fork de John Doe davantage pour sa part, mais même lui est dépassé par les allusions lacunaires de la savante à la capacité révolutionnaire du fenrir d’abriter plusieurs ego), et lui fait assister à une démonstration – bruyante – de sa puissance de feu. Elle évoque également ses problèmes avec Arcas, et plus largement la place des partisans de la Junte jovienne sur Hyoden, contre lesquels on envisage de sévir. Au sortir de sa visite, Callisto Hawke cherche alors à obtenir un rendez-vous avec Blixa Tutti ; bénéficiant des appuis d’Hubertus Khan et d’Olaf Munsk, et du travail de contact de Shad, elle obtient de le rencontrer trois jours plus tard.

 

Callisto Hawke a transmis toutes ses informations à Shad sur Terminus les étoiles, et a notamment fait mention d’une remarque lâchée l’air de rien par Olaf Munsk, selon lequel « le vaisseau était parti », et rejoindrait l’essaim d’ici un mois environ. Il n’est pas possible de déterminer quel était au juste ce vaisseau, et pas davantage son objectif. Shad va voir Hubertus Khan, et lui demande des informations à ce sujet (après avoir évoqué les déclarations propagandistes auxquelles il s’était livré, assurant Hyoden du soutien de l’essaim ; il rentrait dans son jeu) ; Khan lui explique alors, imperturbable, que Hyoden a envoyé un vaisseau rempli de fenrirs à destination de Terminus les étoiles, une sorte de « cadeau », afin de protéger l’essaim contre toute tentative d’abordage par les troupes joviennes à l’approche de Callisto…

 

Quand Callisto Hawke se rend à son rendez-vous avec Blixa Tutti, on lui refuse l’accès, en lui disant que l’entrevue est reportée sine die du fait de l’actualité, que le fork de John Doe apprend de par de sa veille réseau : un vaisseau des Courtiers est apparu dans l’orbite de Callisto…

 

À suivre…

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"Eclipse Phase : Panopticon"

Publié le par Nébal

"Eclipse Phase : Panopticon"

Eclipse Phase : Panopticon. Volume 1 : Habitats, Surveillance, Uplifts, Posthuman Studios, 2011, 176 p.

 

Retour aux passionnants, mais un peu effrayants par leur densité, suppléments pour Eclipse Phase (en anglais, forcément, Black Book ne se bougeant guère pour traduire tout ça : Sunward n’est toujours pas sorti, bordel…). Et question densité, Panopticon se pose un peu là, c’est rien de le dire… Trois chapitres d’univers ultra-pointus avant de passer à un chapitre « technique » ultra-pointu aussi (et sans doute un peu trop, mais bon, ça, c’est pour ceux qui veulent, hein). Après avoir lu les excellents Sunward et Rimward, suppléments « géographiques » (le terme n’est certes pas très approprié…) assez « traditionnels » finalement, il m’a paru opportun d’enchaîner avec celui-ci. Parce que, contrairement à Gatecrashing (pour m’en tenir aux suppléments de background ; il y a eu aussi, depuis, plus tournés vers la technique, Transhuman et la synthèse un peu onéreuse mais probablement utile du Morph Recognition Guide ; sans compter quelques petits machins téléchargeables parfois fort intéressants, dont j’ai causé ici – manque encore Million Year Echo, qui n’a intégré que tout récemment ma pile à lire rôlistique), Panopticon me paraissait devoir être utile directement dans le cadre de ma campagne (premier épisode ici). Et ça s'est vite confirmé.

 

Mais d’une manière bien particulière, car ici on fait dans la théorie qui vole haut… Aussi, à regarder ce supplément de loin, on pourrait croire qu’il serait plus difficile à utiliser directement ; mais c’est une erreur, qui ne résiste pas à la lecture : à vrai dire, si les éléments contenus dans Panopticon (surtout ceux concernant la surveillance et les habitats ; les surévolués sont un cas particulier, donc d’application plus limitée, même si la question m’intéressait particulièrement dans la mesure où j’en ai un parmi mes joueurs) n’auraient bien entendu pas trouvé leur place dans le livre de base déjà fort volumineux et à même de coller une sacrée migraine à l’occasion, ils n’en sont pas moins indispensables à une appréhension correcte de cet univers si complexe, proche en apparence et pourtant fondamentalement et subtilement différent.

 

Panopticon (présenté comme un « volume 1 », je n’ai aucune idée de ce qui est à suivre) vient traiter de trois sujets hautement délicats, et a priori pas directement liés entre eux (même s’il y a bien quelques passerelles).

 

Le premier, qui vient conférer son titre à ce recueil, est donc la surveillance, avec son très intéressant corollaire la « sousveillance », qui vient répondre à la fameuse question : « Qui garde les gardiens ? » par : « Tout le monde, tout le temps. » La société d’Eclipse Phase – avec des nuances selon les groupes politiques, bien sûr, la question ne se pose certes pas de la même manière dans la Junte jovienne et à Extropia, par exemple… – est en effet largement définie comme un « panoptique volontaire ». Le premier réflexe du quidam de ce début du XXIe siècle, dont votre serviteur, est d’en déduire aussitôt un fantasme à la « Big Brother » ; et ça n’a pas manqué dans ma campagne, où un des joueurs avait beaucoup de mal à admettre que la surveillance soit aussi omniprésente, jusque dans une barge d’écumeurs… Je ne lui jette donc certes pas la pierre. Mais c’est que cette représentation est largement erronée. Panopticon, en mettant l’accent sur l’abandon délibéré de larges pans de notre notion (un peu archaïque, du coup ?) de « vie privée » (dont témoignent déjà assez les réseaux sociaux, ce n’est certes pas votre exhibitionniste de serviteur qui prétendra le contraire ; or les réseaux sont bien entendu d’une importance capitale dans Eclipse Phase) et de la masse étouffante d’informations disponibles rendant difficile et improbable (mais pas impossible) le suivi personnalisé à toute heure, nous confronte à ce qui devrait être une évidence, mais va largement à l’encontre de nos conceptions politiques, philosophiques et littéraires : la (possibilité de la) surveillance n’est pas elle-même un problème, tout dépend de ce que l’on en fait. Le cas de la Junte jovienne est à cet égard particulièrement intéressant : cette société autoritaire, qui nous renvoie plus directement que les autres à 1984, est en même temps probablement la seule à valoriser encore, en théorie tout du moins, la sacro-sainte vie privée, du fait d’un héritage ambigu entre libertariens et néo-conservateurs ; l’hypocrisie de la chose n’en est que plus flagrante… Bien sûr, ce panoptique ne vient pas sans poser de nombreux problèmes dans l’ensemble du système, du spam au voyeurisme, mais – et c’est là ce qui est particulièrement intéressant – il est intégré. Les joueurs d’Eclipse Phase sont ainsi appelés à remettre en cause une notion qui leur apparaît sans doute essentielle, tout simplement parce que sa perception même est fondamentalement différente dans la société transhumaine. Et c’est bien là une des choses qui me séduisent tant dans ce jeu : sa réflexion poussée (le chapitre est vraiment pointu, tant dans ses considérations les plus abstraites que dans celles qui trouvent immédiatement une application sur le terrain), qui amène le joueur à s’interroger en permanence tant sur le monde d’après la Chute que sur le nôtre. Comme la meilleure science-fiction, vous dis-je… Ces données très théoriques sont à mon sens ce qui fait vraiment la force de ce long chapitre ; mais il comprend aussi des éléments plus concrets, permettant de comprendre comment joue la surveillance (et du coup aussi la contre-surveillance…) en pratique, ce qui est vraiment indispensable. Et tout cela donne lieu à divers éléments « techniques » dans le dernier chapitre (mais ceux-ci, s’ils sont d’une utilité indéniable, n’en sont pas moins un peu rébarbatifs à la lecture, notamment les listes très pinailleuses de matériel de surveillance et de contre-surveillance).

 

Le deuxième sujet, s’il est sans doute celui qui m’attirait à vue de nez le moins (car on sort ici du domaine philosophique et notamment éthique pour se confronter plus directement à la technologie dans ce qu’elle a de plus quotidien), n’en est pas moins capital ; à vrai dire, il est même probablement indispensable. Il s’attarde en effet longuement et de manière à peu près exhaustive (autant que possible en tout cas) sur la question des habitats (notamment, mais pas uniquement, spatiaux), question là encore très complexe, et sans doute un peu trop rapidement expédiée dans le livre de base ; ce qui pouvait se comprendre, certes, mais m’en avait rendu l’appréhension quelque peu malaisée… Je me paumais dans les différents types d’habitats, à vrai dire, qui sont devenus beaucoup plus concrets pour moi à la lecture de ce long chapitre (même si je ne saurais prétendre pour autant être incollable sur les cylindres Hamilton, hein…). On est vraiment ici dans l’aspect le plus « hard science » d’Eclipse Phase, et en même temps le plus concret. Mais l’étude de la technologie du quotidien qui est ici déployée, si elle m’a moins passionné que les développements plus abstraits et, oui, philosophiques, des deux autres chapitres de Panopticon, n’en est pas moins fort intéressante. Et d’une utilité indéniable, donc. Là encore, le dernier chapitre contient des éléments techniques en rapport avec ce questionnement, des plus indispensables aux plus improbables (comme la possibilité pour un ego de s’envelopper dans un habitat, dès lors considéré comme un morphe…).

 

Dernier sujet traité, et le plus spécialisé donc, les surévolués (et par la même occasion les animaux intelligents). Je me dois ici de noter une chose qui est tout à l’honneur de ce supplément : plus encore que les précédents, il est vraiment remarquablement écrit (a fortiori pour un bouquin de jeu de rôle…), sous la forme de rapports divers présentant des points de vue variés. Mais ce chapitre diffère un peu, dans la mesure où il consiste presque intégralement en une unique conférence (un cours ?) donnée par un néo-dauphin ; et le résultat est encore plus appréciable à mes yeux. Quoi qu’il en soit, c’est ici l’occasion de se poser des questions éthiques extrêmement complexes sur ce qui définit la personnalité, la conscience, l'intelligence, la place des animaux, le rôle de l’homme à leur égard… Vraiment super bien foutu. Les considérations plus concrètes ne sont pas mises de côté pour autant, bien sûr ; mais ce sont vraiment les aspects philosophiques et politiques qui m’ont ici le plus séduit. Le dernier chapitre, consacré aux informations de jeu, contient quant à lui des éléments très intéressants, dont une palanquée de nouveaux morphes qui faisaient défaut dans le livre de base (notamment ceux des néo-cétacés, certes rares, mais ô combien intriguants...).

 

Panopticon n’est donc pas facile à aborder : complexe, pointu, faisant usage d’un vocabulaire (notamment scientifique et technologique) extrêmement précis… Mais, s’il donne de loin l’impression de voler haut, il se révèle à la lecture aussi passionnant qu’indispensable. Une vraie réussite, pour un jeu qui n’a décidément pas fini de me fasciner…

 

Mais l’intérêt de Panopticon dépasse en fait la seule pratique d’Eclipse Phase : il est à même d’intéresser tout amateur de science-fiction, qu’il s’agisse d’en adapter les développements dans le cadre d’un autre jeu, ou simplement de trouver matière à réflexion sur des sujets hautement complexes, à même de nous permettre d’envisager le monde d’un œil un peu différent. Et c’est pas si courant que ça, sans doute.

 

Prochaine étape, très probablement, et dans un genre à vue de nez très différent : Gatecrashing. Je vous tiens au jus…

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