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"Eclipse Phase : Kit d'introduction"

Publié le par Nébal

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Eclipse Phase : Kit d’introduction

 

Avant même la parution (retardée…) d’Eclipse Phase en français, les gens de chez Black Book avaient sorti ce petit Kit d’introduction, disponible gratuitement au téléchargement. Il me semble mériter que j’en dise quelques mots, dans la mesure où il est autrement plus conséquent que celui qui avait été fait, par exemple, pour Deadlands Reloaded.

 

On commence en gros par une présentation succincte de l’univers. Et là, autant le dire, c’est le point faible de ce Kit d’introduction : l’univers foisonnant d’Eclipse Phase est tout simplement trop riche pour être réduit en ces quelques pages beaucoup trop réductrices. Si la chronologie et le glossaire abrégé sont utiles pour se donner une idée de ce dans quoi on s’embarque, le reste se révèle plus frustrant qu’autre chose. Pas d’indications véritables sur le système intérieur et le système extérieur, trop peu d’hypercorps, quelques vagues données sur les factions criminelles, en gros rien sur Firewall… Ben, ça ne marche pas, quoi. On ne peut cependant en blâmer les responsables, résumer cet univers extrêmement dense au format d’un Kit d’introduction relevait de la mission impossible.

 

Rien à redire, par contre, sur les règles abrégées qui suivent immédiatement. C’est là un outil qui pourra même se révéler utile une fois une véritable campagne lancée. L’essentiel est là (et on prend déjà la mesure de sa complexité relative). Bien évidemment, il n’y a ici rien sur la création de personnage, mais les valeurs, les tests et le combat sont suffisamment détaillés et illustrés par des exemples pour approcher en douceur le système.

 

Suit un scénario d’introduction. ATTENTION, à partir de là, spoilers Intitulé « Prenez garde aux ADM », il se joue avec quatre personnages prétirés, membres de Firewall depuis un certain temps mais qui ne sont pas censés se connaître au début. On les lance, alors qu’ils se trouvent sur une barge d’écumeurs, sur la piste d’un marchand d’armes, qui compte vendre une nanonuée relique des Titans. Bien entendu, les PJ sont censés empêcher que la vente aboutisse, et si possible se débarrasser de cette dangereuse arme. Pour cela, une excellente idée du scénario consiste à inciter les joueurs à faire mourir leurs personnages pour les ressusciter ensuite avec leurs sauvegardes… On intègre ainsi un concept fondamental d’Eclipse Phase. La morphose se fait ensuite avec des synthémorphes plus taillés pour le combat, et le scénario se poursuit, assez bourrinement certes, sur Mars, là où la relique a été découverte. Un scénario plutôt bien conçu ; des phases libres sur la barge et sur Mars permettent de découvrir l’univers, là où l’intrigue (certes minimaliste et bourrine), plus linéaire, permet bien de tester divers aspects du système et des principes fondamentaux de la transhumanité. On trouve en fin de livret les personnages prétirés sous leurs deux aspects, et deux plans (qui me paraissent difficilement utilisables…).

 

Aussi, en dépit de l’inévitable bémol concernant la présentation de l’univers – je reste persuadé qu’il faut que les joueurs sachent presque tout avant de se lancer dans une campagne… –, ce Kit d’introduction me paraît remplir parfaitement son office. Une bonne porte d’entrée, donc, pour un jeu qui m’a toujours l’air très exigeant, mais résolument fascinant.

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"B.I.A. : Ghost Dance"

Publié le par Nébal

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B.I.A. : Ghost Dance

 

B.I.A., dont je vous avais parlé il y a peu, est bel et bien un jeu de la collection « Intégrale » des XII Singes et, en tant que tel, se suffit en théorie à lui-même ; aucun supplément n’était donc prévu. Mais c’était sans compter sur les gens de chez Studio 9 qui, devant la richesse du matériau offert, ont sorti plusieurs petits suppléments qu’on va qualifier de « semi-officiels », puisque réalisés avec la bénédiction des XII Singes. Ghost Dance est le premier d’entre eux (et un des plus longs, puisqu’il fait 80 pages), qui présente une nouvelle réserve indienne selon les mêmes modalités que celles qui sont présentées dans le jeu de base, puis une campagne en six scénarios aux liens relativement lâches, et qui peuvent donc être joués indépendamment ou intégrés à une campagne plus vaste.

 

Si vous êtes joueurs et que vous êtes susceptibles de jouer un jour à Ghost Dance (ce qui vaut pour mes petits camarades, mmmh ?), N’EN LISEZ PAS DAVANTAGE. Il est en effet impossible de parler de ce premier supplément semi-officiel sans balancer du SPOILER à tire-larigot… Vous êtes prévenus.

 

Adonc : pour faire simple, la « Ghost Dance », dans notre monde, est en gros un mouvement spirituel syncrétiste mélangeant croyances indiennes et christianisme. Mais il s’agit ici d’en remonter aux racines, avant le massacre de Wounded Knee ; le mouvement est alors plus frontalement hostile aux Blancs, et c’est bien dans cette perspective qu’un chaman traditionaliste shoshone essaye de le ressusciter. Il s’agit pour lui d’exécuter une série de rituels reposant notamment sur l’utilisation d’une drogue appelée « Spirit Cure » pour invoquer le wendigo Uktena et foutre une branlée mémorable aux envahisseurs. C’est essentiellement à travers le « Spirit Cure » que le lien va s’opérer aux yeux des joueurs, qui seront autrement baladés d’une réserve à l’autre : seuls le premier et le dernier scénarios font véritablement intervenir les mêmes personnages et le même cadre, à savoir la « nouvelle » réserve de Wind River, déchirée entre Arapahos et Shoshones, et souffrant de l’archaïsme de ses institutions, que le B.I.A. aimerait bien moderniser.

 

La campagne s’ouvre sur « Problem Solver », qui adopte donc pour cadre la réserve de Wind River. Les joueurs y sont confrontés, en gros, aux premiers « tests » du « Spirit Cure », aux conséquences dramatiques puisqu’ils débouchent sur l’intervention d’un wendigo (pas Uktena d’emblée, un « plus petit ») et sur la mort de plusieurs personnes, vaguement reliées entre elles. Le scénario, comme la plupart de ceux du présent volume, adopte le format déjà employé dans le livret des secrets de B.I.A. Il est ainsi découpé en scènes et événements, procurant chacun (ou pas…) des indices permettant de progresser dans l’enquête. Une assez bonne entrée en matière, plutôt bien ficelée.

 

« Romeo & Juliet », dans la Navajo Nation, fait intervenir un couple de jeunes Indiens désireux d’apaiser les tensions entre leurs peuples respectifs, les Navajos et les Hopis, et qui entendent pour ce faire réaliser un complexe rituel, qui doit les emmener dans les principaux sites spirituels de la Nation, à l’aide d’objets sacrés dérobés aux deux peuples… et de « Spirit Cure ». Pas inintéressant mais tout de même un cran en dessous.

 

« Get High » change complètement de cadre, puisqu’il se déroule, non pas dans une réserve, mais à Albuquerque, où une drogue dérivée du « Spirit Cure » fait des ravages, d’une part dans la mesure où elle aggrave les troubles causés par la guerre des gangs, d’autre part en plongeant ses consommateurs dans une spirale infernale de violence. Pas mal, l’idée de sortir des réserves est plutôt intéressante (même si, du coup, l’implication des agents du B.I.A. peut paraître un peu spécieuse).

 

« Guns N’Roswell » va plonger les joueurs dans un amusant délire conspirationniste, puisqu’on y parle tout d’abord d’un enlèvement censément accompli par des extra-terrestres… La vérité est ailleurs (bien sûr), même si conspiration il y a bel et bien : un chaman de la « Ghost Dance » a été enlevé par des militaires, qui le torturent à bloc pour étudier l’apparition des oiseaux-tonnerre et la formation de wendigos ; ces cons-là vont être servis… Très amusant à vue de nez.

 

« Faites vos jeux » adopte une structure différente des autres scénarios ; dans cette enquête réalisée incognito dans un casino d’Agua Caliente, les joueurs vont partir de menus larcins pas bien graves… pour être ensuite confrontés à l’invocation d’un wendigo particulièrement destructeur lors d’un événement de grande ampleur. Cette fois, je suis un peu sceptique, tout cela me paraît un peu trop tiré par les cheveux (surtout, à vrai dire, l’implication quelque peu « forcée » du chaman invocateur…).

 

Et la campagne de s’achever sur « Pow-Wow », qui ramène les agents à la réserve de Wind River, en pleine négociation entre Arapahos (qui l’ont dans l’os) et Shoshones. Le scénario est très intéressant, mettant en avant les différents rôles du B.I.A. tout en plongeant les joueurs dans les traditions indiennes et en les confrontant aux épineux problèmes rencontrés par les Amérindiens de nos jours. Mais je suis un poil sceptique, une fois de plus, cette fois sur la possibilité pour les joueurs de rassembler toutes les ficelles des précédents scénarios pour faire apparaître la cohérence de l’ensemble de la campagne. Mais ça se tente.

 

Au final, bilan plutôt satisfaisant, voire très satisfaisant, pour cette campagne à vue de nez assez alléchante. Les gens du Studio 9 ont accompli un travail sérieux, et, pour être « semi-officiel », Ghost Dance n’en est pas moins mûrement réfléchi, et permet de mettre en évidence les aspects les plus intéressants du jeu, au travers de scénarios variés et dans l’ensemble plutôt intéressants.

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"Tenga"

Publié le par Nébal

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Tenga

 

Tenga est un jeu de rôle conçu par Jérôme Larré et publié par John Doe, qui propose de vivre des aventures dans le Japon de la fin du XVIe siècle, dans l’époque troublée mais riche de possibilités qui suivit l’assassinat de Nobunaga Oda, avant la prise de pouvoir de Ieyasu Tokugawa. L’archipel est alors à la fois sur la voie de l’unification et tiraillé par des luttes féodales impitoyables, en une apogée révolutionnaire. Un cadre superbe, propice à bien des histoires, et qui ne pouvait que séduire l’amateur du Japon, de son histoire et de sa culture, qui sommeille (à peine) en moi. L’excellente réputation du jeu, à tous les points de vue, a achevé de me convaincre d’y jeter un coup d’œil. Hélas, autant le dire de suite, je ne sais pas si c’est que je suis un peu plus aigri que de coutume en ce moment, mais je n’ai pas été pleinement convaincu par cet ouvrage, fourmillant certes de bonnes idées, mais aussi de bonnes intentions qui me laissent davantage perplexe…

 

Mais ne mettons pas la charrue avant le Breton. On peut déjà commencer par dire qu’il s’agit là d’un bel ouvrage, d’une lecture agréable, orné d’illustrations vaguement naïves mais plutôt bien vues. Le jeu est à l’évidence mûrement réfléchi et très bien conçu, du moins dans sa présentation, reposant, pas mal, outre une mise en page élégante, sur des exemples clairs qui construisent tout au long du livre une histoire, une sorte de compte rendu de partie. La richesse de l’univers, enfin, est d’ores et déjà à signaler, et nous vaut de passionnants développements sur l’histoire et la culture japonaises (encore qu’un poil complexes, et méritant sans doute un approfondissement de la part du meneur). On appréciera tout particulièrement la dimension « réaliste » souhaitée par l’auteur, qui sait jouer des archétypes (j’y reviendrai) sans pour autant verser dans la furie du chambara ou des mangas. Même le fantastique est ainsi finement inséré d’une manière très subtile, jouant avant tout sur l’ambiguïté (j’ai déjà eu l’occasion de dire que ce n’était pas là ma conception fétiche du genre, mais pour le coup c’est très approprié).

 

Pour ce qui est de la création de personnages, il y a deux possibilités : soit partir de zéro, comme le plus souvent, soit se baser sur un archétype (donc)… et il y en a tout de même 54. Généralement, cette idée des archétypes ne me séduit guère, mais ici je ne peux qu’avouer qu’ils sont très bien pensés et véritablement prêts à jouer, dans le sens où ils ont, malgré leur caractère « importé », de la substance qui les rend intéressants et riches. Un très bon point, donc : l’auteur, ici, sait jouer des codes sans verser dans les clichés (j’insiste : la nuance est subtile, mais fondamentale). Une idée que j’ai trouvée tout particulièrement intéressante et riche de possibilités consiste à s’interroger sur la destinée du personnage, avec les trois notions de « karma », d’ « ambition » et de « révolte » (encore que cette dernière soit davantage tournée vers le passé) ; on élabore ainsi les orientations, quand bien même squelettiques, d’une authentique histoire personnelle – des indications sont données plus loin pour la mettre en scène. Parallèlement, le personnage fait partie d’un groupe, et la création de ce groupe est une étape à part entière ; idée intéressante là encore, mais dont la mise en œuvre me paraît peut-être un peu plus délicate à vue de nez.

 

Jusqu’ici, c’est donc du tout bon, et Tenga mérite bien les lauriers dont on l’a unanimement couronné.

 

Mais ce qui me gêne – ou plus exactement me rend sceptique –, c’est le système de jeu. Certes, n’ayant pas pratiqué Tenga, je ne peux me fonder ici que sur des a priori. Et j’imagine que, vu la longue phase de maturation du jeu et les critiques enthousiastes qu’il a reçues de rôlistes plus enthousiastes, assidus et confirmés que votre serviteur, c’est que ça doit fonctionner… Mais je dois être un peu réac, sur le coup, trop attaché aux systèmes très intuitifs et longuement pratiqués du Basic Role Playing ou du « Monde des Ténèbres ». C’est en effet une chose qui me tient à cœur dans un système de jeu de rôle : le caractère intuitif, oui, au sens où l’on comprend immédiatement ce dont est capable le personnage et où un simple jet de dés, sans consulter nécessairement un paquet de tables, permet de déterminer si une action est réussie ou non, et à quel degré. Ce caractère intuitif va à mon sens de pair avec la fluidité et la rapidité – ce qui explique que j’ai également apprécié, par exemple, le système très simple de Savage Worlds. J’apprécie également quand le système participe de la narration – ainsi, toujours chez John Doe, dans Bloodlust Metal. Et, même si cela m’effraie un peu plus, je suis prêt à utiliser des systèmes faisant justement plus de place à la narration, sans aller jusqu’au narrativisme, comme par exemple le « Gumshoe » de Cthulhu, etc.

 

Un objectif évident de cette dernière catégorie est de réduire le nombre de jets de dés, et de ne pas faire dépendre l’histoire d’un lancer malencontreux. J’ai l’impression que c’est ce qu’a souhaité faire également le concepteur de Tenga, mais je suis donc beaucoup plus réservé (ou, pour dire les choses de manière plus juste sans doute, beaucoup moins enthousiaste) que la plupart sur la pertinence des règles de ce jeu. En effet, il s’agit ici – banalement au départ – de comparer la compétence du personnage à un seuil de difficulté : si la compétence est suffisamment élevée par rapport à la difficulté de l’action, nul besoin de jet de dé, l’action réussit, et on peut même déterminer la marge de réussite en suivant toujours ce même rapport ; sinon, l’action échoue. Rien de plus simple. Là où les choses se compliquent un peu, c’est quand les circonstances viennent pondérer le rapport : on gagne alors (ou on perd) des « crans », qui déplacent le curseur sur une table. Et c’est bien ce qui me gêne, pour l’essentiel, dans le système de Tenga : ce recours a priori presque systématique à des tables, qui me paraît présenter le risque de ralentir l’action finalement davantage qu’un jet de dé, en se montrant en outre moins intuitif, d’autant qu’il faut y rajouter tout un paquet d’autres règles, intervenant cette fois… quand le jet de dé (un d20, en l’occurrence) devient malgré tout nécessaire (en cas d’ « effort » ou de « prise de risque », notamment) ; finalement, on se retrouve ainsi malgré tout à faire rouler du plastique sur la table, mais on doit quand même passer par des tables pour l’interprétation… ce qui me paraît à vue de nez cumuler les aspects les plus déplaisants des systèmes envisagés. Encore une fois, c’est à vue de nez, hein : le jeu a été longuement testé et pratiqué, et, s’il est sorti ainsi et s’il a été aussi bien noté, c’est que ça doit marcher… Mais je ne peux m’empêcher de me montrer un poil perplexe, voire sceptique ; j’ai le sentiment (sans doute infondé…) qu’il y a là de bonnes intentions, mais que leur concrétisation (beuh) laisse à désirer. En tout cas, sur le papier, ce système original ne m’a pas enthousiasmé…

 

Ce que je viens d’évoquer de manière générale vaut pour l’ensemble des points de détail du jeu, que ce soit le combat (forcément ; avec des règles optionnelles pour les acharnés du sabre) ou tout autre aspect de l’aventure du groupe comme de l’itinéraire personnel du PJ. Et je ne peux m’empêcher de trouver ça un brin dommage, inutilement complexe ; car c’est bien, en fin de compte, une certaine complexité que je reproche à ce système. Non, décidément, pas convaincu par cet aspect du jeu ; je fais mon réac, et préfère mes bons vieux d100…

 

Aussi ai-je été au final un peu déçu par Tenga. Ce qui ne veut pas dire que le jeu est mauvais, loin de là ! Simplement, mes attentes étaient élevées, à la hauteur de l’excellente réputation du jeu, mais son système ne m’a pas convaincu. Toujours passionné par ce cadre de toute beauté, j’y jouerais malgré tout volontiers, et c’est avec intérêt que je testerais la chose, faisant fi de mes préjugés… mais, les circonstances étant ce qu’elles sont, je pense que, cette fois, je préfèrerais être joueur que meneur (et que ça serait mieux pour tout le monde).

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"Les Mille et Une Nuits"

Publié le par Nébal

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Les Mille et Une Nuits

 

Attention : il ne s’agit ici bien évidemment pas des célèbres contes arabes introduits en Europe par Galland (et dont j’avais indirectement parlé ici), mais d’un « jeu narratif » qui s’en inspire, créé par Meguey Baker, et publié en français par Narrativiste. Un tout petit bouquin, bien loin des monstrueux pavés originaux, mais qui, une fois de plus, m’a donné sacrément envie de m’y mettre : un de ces étés, faudra que…

 

Une chose frappe immédiatement à la lecture de ce bref volume, et c’est, en dépit d’une police pas forcément heureuse car pas toujours très lisible, sa très grande beauté. Il regorge en effet de superbes illustrations et peintures de Maxfield Parrish, Edmond Dulac, H.J. Ford, Frank Godwin, Harry G. Theaker, René Bull, Viktor Vasnetsov, Jean Léon Gérôme… Un vrai régal pour les yeux, tout en couleurs. Ne serait-ce que pour cela, on peut bien tirer son chapeau à Narrativiste, qui nous a proposé ainsi un très beau produit.

 

Mais parlons maintenant du jeu en lui-même. Il ne s’agit pas ici de vivre des aventures à la manière des Arabian Nights dans un monde arabe donné et abondamment détaillé, mais de revenir à l’essence même des Mille et Une Nuits (et peut-être même du jeu de rôle, dans un sens ?), à savoir le conte. Dans ce jeu sans MJ, une fois de plus (enfin, pas tout à fait, mais on y reviendra…), chaque joueur incarne en effet plusieurs personnages : au premier niveau, il est un membre de la cour du Sultan, qui, outre ses fonctions bien précises (astrologue, danseuse, eunuque, caravanier…), fait ici office de conteur ; mais, à un second niveau, il incarne également un personnage dans les contes élaborés par ses rivaux.

 

Ainsi, les contes des Mille et Une Nuits ne sont pas innocents : il s’agit en effet pour les joueurs (de premier niveau) de rivaliser d’astuce pour briller à la cour, aux dépends des autres s’il le faut ; le but étant soit de réaliser son ambition (définie lors de la création du personnage), soit d’obtenir sa liberté (et de quitter ainsi indemne la cour), tout en assurant sa sécurité (pour ne pas obtenir de blâme du Sultan, et encore moins se faire décapiter par le despote ulcéré…). Le jeu se finit ainsi quand une de ces trois conditions est remplie : sécurité, ambition et liberté sont donc les trois données fondamentales de la très sommaire fiche de personnage.

 

Celle-ci comprend d’autres aspects, bien sûr : le nom et la fonction sont fondamentaux (des listes sont proposées) ; les envies, par rapport aux autres personnages, sont également importants, et déterminent largement l’ambition. J’avoue être un peu plus sceptique pour ce qui est des sens et de l’habillement, censés contribuer à la définition du personnage (oui, certes), mais qui, en l’état, avec les nombreux exemples et listes, me paraissent tout de même gaspiller de l’encre… Bon, admettons : cela peut contribuer à se mettre dans l’ambiance…

 

La partie commence au premier niveau. Les joueurs décrivent la cour du Sultan, ce qu’ils font, et ainsi les conditions dans lesquelles l’art du conteur va se déployer. Ils se fondent pour cela sur leurs envies et leur ambition (en s’inspirant en outre, pour la description, des sens et de l’habillement, donc). Les rivalités peuvent ainsi se mettre en place.

 

Puis un des joueurs va se mettre à raconter une histoire. Mais il ne s’agira pas pour lui de l’improviser entièrement : il va en fait donner un titre, une situation de départ, et des personnages (de second niveau) dont il va attribuer l’interprétation aux autres joueurs, en fonction de son ambition et de ses envies, dans l’espoir, par exemple, de ridiculiser untel, ou d’élever tel autre. Le brillant courtisan peut ainsi être amené à incarner un chameau, etc. Le conte, dès lors, se déploie en fonction des éléments apportés par tout un chacun : ici plus qu’ailleurs, Les Mille et Une Nuits prend toute sa dimension de jeu narratif.

 

Et c’est également à ce moment-là que les gemmes entrent en jeu, sous la forme, dans un sens, d’interrogations ou de paris sur le cours que va prendre l’histoire. C’est le conteur (le meneur de jeu) qui tranche, en fonction des diverses possibilités offertes par la narration. Quand la situation est résolue, on jette un dé : si le résultat est pair, le joueur place la gemme dans son bol ; s’il est impair, il place la gemme dans le bol du MJ ; quand celui-ci a obtenu huit gemmes, on ne peut plus en déposer de nouvelles, et il s’agit alors pour lui de mettre fin à l’histoire (les autres gemmes déposées sont, soit résolues, soit « victimes » d’une interruption du Sultan).

 

Chaque joueur, à la fin du conte, se retrouve ainsi avec un certain nombre de gemmes, qu’il répartit entre la sécurité, l’ambition et la liberté. Pour ce qui est de la sécurité, il faut obtenir au moins un résultat pair, sous peine de déplaire au Sultan (et la troisième fois que ça arrive… couic !) ; on compte également les résultats pairs pour l’ambition et la liberté : s’il y en a cinq en ambition, le courtisan atteint son but et gagne la partie ; de même s’il y en a sept en liberté. Sinon, le jeu se poursuit, en jouant tout d’abord les scènes de cour (en fonction des résultats des gemmes), puis en passant à un nouveau conte (le MJ sera celui qui n’a pas encore conté et qui a le moins de gemmes dans son bol). En fin de partie, chacun raconte en outre un épilogue en fonction de ce qui s’est produit.

 

Ce jeu des Mille et Une Nuits ne manque donc pas d’astuce, et propose des concepts très intéressants (même s’ils me paraissent à première vue parfois un brin artificiels dans leur mise en place). Pourtant, je dois reconnaître qu’il ne m’emballe pas autant que les deux autres jeux narrativistes dont je vous ai parlé récemment : il ne me paraît pas aussi enthousiasmant que Fiasco, et n’a pas le côté fascinant/troublant/dérangeant de Mnémosyne. J’ai en outre l’impression qu’il ne peut prendre véritablement tout son sens qu’avec des joueurs relativement chevronnés, et l’improvisation nécessaire me paraît d’une certaine manière plus difficile à mettre en place… Mais ce n’est qu’une impression. Il peut néanmoins s’avérer très distrayant, et constitue une intéressante mise en abyme du conte. Faut voir, donc…

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"L'Appel de Cthulhu : Par-delà les Montagnes Hallucinées"

Publié le par Nébal

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L’Appel de Cthulhu : Par-delà les Montagnes Hallucinées

L’Appel de Cthulhu : Par-delà les Montagnes Hallucinées : Kit d’expédition

L’Appel de Cthulhu : Par-delà les Montagnes Hallucinées : La Bande originale

 

Tiens, pour une fois, j’ai fait les choses dans l’ordre, moi (ou à peu près…). Du coup, je vous parle de cette monumentale campagne qu’est Par-delà les Montagnes Hallucinées après l’avoir fait jouer. D’où un compte rendu qui va adopter une forme un peu particulière. Dans un premier temps, je vais donc présenter à mon habitude les différents suppléments composant cette campagne (auxquels il faut ajouter le « roman » de Lovecraft Les Montagnes Hallucinées ainsi que celui d’Edgar Allan Poe Les Aventures d’Arthur Gordon Pym) ; dans un second temps, je vais tâcher de résumer la campagne telle que nous l’avons vécue, mes joueurs et moi-même (avec des SPOILERS à la pelle, donc) ; enfin, viendra l’heure du débriefing, qui permettra de faire le bilan de l’ensemble.

 

I/ Les suppléments

 

La campagne Par-delà les Montagnes Hallucinées en elle-même se présente sous la forme d’un très gros et très beau volume d’environ 700 pages ; ça pèse son poids, et fait d’emblée prendre conscience du caractère hors-normes de cette campagne, une des plus grosses jamais publiées pour L’Appel de Cthulhu, à même de rivaliser avec les légendaires Masques de Nyarlathotep (notons cependant que le découpage en livrets de cette dernière en rend le maniement autrement plus facile ; ici, au contraire, il faut sans cesse jongler entre de très volumineux chapitres et des annexes énormes – d’environ 200 pages…).

 

On saluera – une fois n’est pas coutume… – le très beau travail réalisé par Sans-Détour sur ce gros tome (je précise au passage qu’il s’agit ici de la première édition de Sans-Détour ; l’ouvrage a été réédité récemment, avec un certain nombre, semble-t-il, de modifications d’ordre essentiellement cosmétique) : pour une fois, le livre est bien écrit dans l’ensemble (voire trop écrit, mais on aura l’occasion d’y revenir), mais aussi bien traduit et édité, avec étonnamment peu de coquilles, surtout en comparaison de la moyenne générale des produits de la gamme. Le livre est en outre fort beau, avec une iconographie abondante et plus qu’à son tour fascinante (surtout pour un amateur presque fanatique d’expéditions polaires tel que votre serviteur ; on regrettera juste que les personnages soient « dessinés », petite faute de goût dont j’ai cru comprendre qu’elle avait été gommée à l’occasion de la réédition) et un joli portfolio en couleur signé Marc Simonetti.

 

La campagne débute en 1933, et se focalise sur l’expédition antarctique Starkweather-Moore, évoquée dans Les Montagnes Hallucinées (le « roman » de Lovecraft se présente en effet comme une mise en garde du professeur Dyer pour dissuader de monter cette expédition, censée revenir sur les traces de celle qu’il avait dirigée quelques années plus tôt). Elle se compose pour l’essentiel de cinq grosses parties, elles-même subdivisées en un certain nombre de chapitres généralement de taille assez conséquente. L’aventure débute à New York par une phase d’enquête ; ensuite vient le voyage jusqu’en Antarctique à bord de la Gabrielle ; puis la traversée jusqu’au camp de Lake, théâtre des terribles événements du « roman » ; il sera alors temps de franchir les montagnes Miskatonic ; et de fuir en temps utile… Mais je ne vais pas rentrer dans les détails ici, voyez pour ce faire le compte rendu de campagne ci-dessous.

 

L’ouvrage se conclut enfin sur environ 200 pages d’annexes, parfois extrêmement détaillées. Sans doute trop, à vrai dire, et c’est valable pour l’ensemble du volume, qui est très écrit : le Gardien se voit ainsi confier bon nombre d’éléments d’ambiance, très intéressants à la lecture, mais qu’il n’est pas forcément évident de mettre en scène en cours de partie, ce qui, là encore, rend le maniement de cette campagne assez délicat ; elle est en effet très bavarde, et parfois trop (des pages et des pages de description pas toujours utilisables en jeu, loin s’en faut, et des annexes extrêmement précises voire techniques d’un usage également douteux). D’un point de vue « littéraire », c’est très agréable… mais il y a de quoi s’y noyer. D’autant que des pages et des pages quasiment inutiles en termes de jeu peuvent être suivies de développements extrêmement importants mais aussi très denses, et présentés très brièvement… Il y a un net déséquilibre à cet égard. Cela dit, si l’ouvrage n’est donc pas toujours hyper « pratique » (ce qui, en cours de partie, n’est hélas pas sans conséquences… surtout si, comme moi, on n’a pas assez préparé la chose, mais j’y reviendrai…), il est donc beau et d’une lecture agréable. Contrairement à bon nombre de campagnes de L’Appel de Cthulhu, il constitue à vrai dire, pour reprendre des termes que je crois avoir lus à l’époque dans JDR Magazine, une « réussite littéraire », qui ne manque pas d’intérêt même si l’on ne joue pas le scénario.

 

Le Kit d’expédition, par contre, est une véritable escroquerie ; on n’en sauvera que l’écran de la campagne, assez joli, pour les collectionneurs… Mais la carte de l’Antarctique qui est fournie est totalement inutilisable, étant pour ainsi dire vide ; quant au livret… il se contente de reprendre les aides de jeu de la campagne, de toute façon téléchargeables ! Bref : gardez vos sous.

 

Une curiosité, par contre : la campagne a été accompagné d’une Bande originale signée Erdenstern. J’avoue avoir frémis quand j’en ai entendu les premières notes, très synthé cheap, mais ça s’améliore radicalement par la suite ; si les morceaux vaguement jazzy illustrant les scènes new-yorkaises sont assez dispensables, la suite, entre ambiant et musique de film, connaît quelques beaux moments, qui en font un accompagnement sonore a priori intéressant ; a priori, disais-je : il ne m’a en effet pas été possible de sonoriser la campagne, ce que je n’ai pas manqué de regretter… Aussi, je ne sais pas si l’usage de ces courts morceaux est aisé ou pertinent.

 

Passons maintenant au compte rendu de la campagne, que je vais tâcher de faire aussi détaillé que possible.

 

II/ Compte rendu de campagne (avec des SPOILERS à la pelle)

 

Il y avait du monde autour de la table : outre le Gardien (votre serviteur, donc), il y avait en effet six joueurs (un groupe conséquent, pas forcément très facile à gérer du seul fait de sa taille). Les voici : Nathaniel Coates, maître-chien ; Paul Erickson, cartographe ; Tobias Fünke, géologue ; Nicholas Newton, guide polaire ; Percival Willen Sutton, alpiniste ; Abigail Watkins, pilote. Je les désignerai ultérieurement par leur prénom. Précisons enfin que la campagne a duré pas loin d’un an (avec un rythme de jeu assez souple, cependant – dont une grosse pause pendant l’été ; en tout une quinzaine de sessions de quatre à cinq heures de jeu).

 

La campagne a débuté le 1er septembre 1933 (je n’ai en effet pas fait jouer les « entretiens d’embauche », ce qui aurait pu être intéressant, mais individuellement…). L’équipe de l’expédition Starkweather-Moore est alors presque au complet ; presque : elle ne comprend pas encore de membres féminins (Abigail rentre donc en jeu un peu plus tard)… Les membres déjà sélectionnés se réunissent et sont présentés ; ils résident ensemble dans un hôtel new-yorkais. On annonce le départ de l’expédition pour le 14 septembre. Il s’agit de rejoindre l’Antarctique du côté de la barrière de Ross, en passant par Panama et l’Australie ; sur place, l’expédition se rendra tout d’abord au camp de Lake, puis franchira les montagnes Miskatonic découvertes par la précédente expédition de 1930-1931. En attendant, il y a encore du travail : Starkweather donne très vite l’image d’un leader incompétent (Moore est plus sérieux), et l’on constate de nombreux dysfonctionnements dans les commandes et le matériel ; Percival, qui est riche et dispose de nombreux contacts, tente à sa manière d’y remédier. Tous sont cependant embauchés pour gérer les arrivées, et assurer le chargement du matériel.

 

Le lendemain, alors que Starkweather et Moore n’en avaient encore rien dit, la presse annonce que le capitaine Douglas, de la précédente expédition, reviendra sur celle-ci. Dans la journée, les membres de l’expédition travaillent sur les quais et le bateau, la Gabrielle. Mais Tobias est accosté à l’hôtel par un mendiant qui lui remet un mot étrange, visant à le dissuader de participer à l’expédition.

 

3 septembre : une nouvelle fracassante. Une dénommée Acacia Lexington, que Starkweather qualifie de tous les noms (lourd passif entre les deux personnages…), annonce qu’elle monte elle aussi une expédition antarctique, destinée à partir le 9 septembre ; elle entend bien être la première femme à survoler le pôle sud. Starkweather, furieux, cherche à embaucher à son tour une femme pour que l’expédition ne soit pas en reste : ce sera, très vite, l’aviatrice Abigail (que connaissait déjà Percival, qui suggère son nom à Moore).

 

4 septembre : le capitaine Douglas est retrouvé mort. Percival, dans un geste inconsidéré, tente de « corrompre » le capitaine de l’expédition Lexington, et se fait rabrouer. Abigail, de son côté, quitte New York pour se rendre à un aérodrome et y tester les Boeing de l’expédition.

 

Suite à l’annonce de la mort de Douglas, l’expédition est littéralement assiégée par les journalistes, à l’hôtel comme au bateau. Nathaniel et Tobias entrent en contact avec l’inspecteur Hansen, de la brigade des homicides. Paul lance une étrange campagne de désinformation auprès de la presse, répandant les rumeurs les plus saugrenues… Tobias retrouve le clochard qui lui a donné le mot, mais celui-ci n’était qu’un intermédiaire, et il est impossible de remonter au commanditaire. Paul, Nathaniel et Tobias écument ensuite les bars de marins ; dans l’un, ils tombent sur un nain, qui a vu Douglas discuter avec trois matelots peu avant sa mort. Nicholas se rend à l’hôtel de Douglas ; mais sa chambre est surveillée par un policier, et il ne peut y accéder. Paul, Nathaniel et Tobias le rejoignent ; pendant que Tobias occupe le planton et que Paul fait le guet, Nathaniel et Nicholas parviennent à pénétrer dans la chambre ; celle-ci a été fouillée, et les journaux du capitaine relatant l’expédition de 1930-1931 ont disparu. Les investigateurs ne repartent cependant pas les mains vides : ils trouvent des notes de Douglas mentionnant les noms de Starkweather, Moore et Lexington, ainsi qu’une lettre inachevée, adressée à son frère Philip, dans laquelle il évoque son voisin – un Allemand excentrique – et dit clairement ne pas souhaiter prendre part à l’expédition ; il évoque par ailleurs quelques-uns des survivants de cette dernière. Percival cherche justement des renseignements sur les membres de la précédente expédition, et obtient quelques pistes auprès de l’université Miskatonic d’Arkham, mais Dyer et Danforth, notamment, ont disparu (et Danforth a été interné pendant un temps). Abigail contacte de son côté un ancien pilote, mais n’obtient pas beaucoup d’informations supplémentaires. Tobias cherche à rencontrer le voisin allemand de Douglas, mais se fait jeter à la réception ; de toute façon, ledit Allemand est parti… Percival essaye sans succès d’entrer en contact avec Acacia Lexington. Le soir, les investigateurs retournent au bar de marins, mais les amis de Douglas ne s’y présentent pas ; ils récupèrent cependant leurs adresses, mais les matelots ne sont pas chez eux. Paul, de son côté, qui n’est plus à ça près, passe la nuit en cellule de dégrisement…

 

Le 7 septembre, lors de la traditionnelle réunion du matin, Starkweather et Moore annoncent la mise en place de mesures de sécurité. Paul, qui arrive en retard après sa nuit au commissariat, paye en outre ses bêtises auprès des journalistes, et perd du crédit… On apprend que les trois marins disparus avaient participé à la précédente expédition. Nathaniel tente à son tour d’entrer en contact avec Lexington, mais c’est à nouveau un échec. Percival, en faisant jouer ses contacts, accède au dossier de la police sur la mort de Douglas. Les investigateurs s’intéressent en outre au passé de Lexington ; ils découvrent qu’elle et Starkweather se sont connus quelque temps auparavant, mais aussi que Lexington a hérité de la fortune de son père après le suicide de ce dernier (ou bien était-ce un meurtre ? Elle avait d’abord dénoncé à la presse le vol du manuscrit d’Arthur Gordon Pym à cette occasion, mais s’est rétractée quelques jours plus tard). On apprend aussi qu’elle a côtoyé des groupes extrémistes, de droite comme de gauche.

 

Le lendemain, c’est l’enterrement de Douglas. Percival y prend contact avec le frère du défunt, Philip, ainsi qu’avec son notaire. Ensuite, Abigail et Paul tentent de fouiller les appartements des marins disparus ; après un premier échec auprès d’un concierge, ils fracturent la porte du second ; tout indique un départ précipité. Mais ils se font serrer par Hansen, et finissent l’après-midi au commissariat… Le soir, lors du dîner sur le bateau (départ précipité pour le lendemain), Tobias montre la lettre de menace qu’il a reçue, et Paul révèle qu’il en a eu une également.

 

En pleine nuit, il y a une explosion sur les quais ; un entrepôt prend feu, des dockers y sont coincés. Paul et Percival tentent de venir à leur secours. Le feu atteint un container attaché à un treuil au-dessus du bateau, et menace de faire exploser ce dernier ; Abigail et Starkweather utilisent la lance à incendie, tandis que Nathaniel manipule le treuil pour éloigner la menace. Paul repère et poursuit un type portant des bidons d’essence ; il tente de le maîtriser, mais est blessé au couteau et revient bredouille… Et pendant ce temps, le bateau de Lexington prend le large. Percival raconte tout ce qui s’est passé à Hansen ; dénoncé par Abigail auprès des autres investigateurs, il se prend une mandale de la part de Paul…

 

Le 9 septembre, le départ est repoussé de quelques jours à cause de l’incendie. En lisant le journal, les investigateurs tombent sur un fait-divers qui leur met la puce à l’oreille : l’artiste Nicholas Roerich a été agressé devant la maison de Lexington et enlevé, puis on l’a retrouvé dans un entrepôt près des docks. Percival parvient à le rencontrer à son hôtel ; il apprend que Roerich s’est fait voler un paquet contenant un manuscrit de Dyer destiné aux chefs des expéditions antarctiques (Lexington, donc, mais aussi Starkweather) et censé les dissuader de se lancer dans cette aventure. Les agresseurs étaient trois, l’un d’entre eux avait un fort accent allemand ; ils l’ont interrogé sur Dyer, Danforth et Pym. Pendant ce temps, Paul, Nathaniel et Abigail discutent avec les dockers de l’incendie, mais ça ne débouche sur rien. Tobias et Percival se rendent ensuite à la salle de vente où aurait dû être vendu le manuscrit d’Arthur Gordon Pym ; ils obtiennent une lettre du précédent possesseur, qui le décrit, et fait mention de chapitres inédits, sans rentrer dans les détails mais en doutant de leur authenticité. Paul et Nicholas tentent d’appâter les agresseurs en répandant des rumeurs dans la presse et auprès de bouquinistes sur ledit manuscrit.

 

La réunion du 10 septembre au matin est houleuse. On apprend ensuite que Starkweather s’est mis Lexington à dos lors d’un safari où il l’avait mise en danger, mais s’était présenté comme un sauveur à la presse. Quand les investigateurs partent déjeuner, ils sont suivis par deux personnes ; Nicholas entraîne à sa suite un policier (qui l’arrêtera un peu plus tard…) ; Nathaniel et Paul discutent avec l’autre, qui se présente comme un acheteur potentiel du manuscrit de Pym (censé être en possession de Tobias), et leur donne rendez-vous un peu plus tard dans un restaurant. Après quelques péripéties (surveillance du restaurant où se trouvent des gros bras, etc.), Tobias et Percival se font enlever. Tobias appelle l’hôtel sous la contrainte des ravisseurs, qui veulent le manuscrit. Hansen envoie une équipe pour retrouver les disparus. Percival apprend que le restaurant appartient à Lexington. Je passe sur les détails, assez complexes, mais les ravisseurs sont prévenus de la descente de la police, relâchent Tobias et Percival dans la rue, et s’en vont sans laisser de traces. Nicholas est libéré.

 

Le 11 septembre, c’est le départ. Petite fête sur le bateau…

 

Le 17 septembre, c’est la traversée du canal de Panama. On constate alors une certaine froideur entre les marins et les membres de l’expédition.

 

Le 25 septembre, le bateau franchit l’équateur. A lieu le « baptême de la ligne » (Abigail est particulièrement « bizutée »). Pendant la fête, la chambre froide de la Gabrielle est sabotée à l’acide. Une bonne partie des réserves est devenue impropre à la consommation. Starkweather refuse de faire demi-tour.

 

Nathaniel découvre plus tard que les chiens de l’expédition ont été empoisonnés ; bon nombre ont dû être achevés… dont Keira, la chienne de Nathaniel.

 

Fouille générale du bateau, du coup. Abigail trouve une bombe artisanale près des avions ; le matériel radio est en outre foutu, de même que les radios de l’expédition. Réunion de crise, qui débouche sur une fouille des cabines. Nathaniel (qui tente vainement de lancer une « mutinerie » contre Starkweather et Moore qu’il juge incompétents, et en vient aux poings avec Turlow) trouve des flacons d’acide dans la cabine d’un cuisinier et de deux serveurs, tout accuse le cuisinier (noir…) qui est mis aux fers. Il clame son innocence.

 

Le lendemain, le vrai coupable, un serveur, est confondu grâce à un stratagème de Nicholas. Il est à son tour mis aux fers. Interrogé, il garde le silence… même quand Nathaniel, Abigail et Paul emploient la manière forte. Il cède le lendemain devant une mise en scène de torture par Nicholas. Il avoue qu’il a été engagé pour saboter l’expédition (il ne sait pas par qui exactement) et dit avoir agi seul pour se venger de Starkweather.

 

On passe au 12 octobre, avec l’arrivée de la Gabrielle à Melbourne, accueillie par une horde de journalistes et la police, qui embarque le saboteur (on déplore unanimement une « mauvaise chute » pour expliquer les coups qu’il a reçus…). L’escale dure six jours, le temps de refaire les réserves de matériel et de nourriture (problème notamment avec le pemmican). Le bateau quitte enfin Melbourne le 18 octobre.

 

Tempête le 23.

 

Le 25, le brouillard tombe et on aperçoit les premiers icebergs.

 

Nouvelle tempête du 26 au 28 octobre.

 

Le 4 novembre, entrée dans la mer de Ross.

 

Le 6 novembre, la Gabrielle tombe sur un baleinier abandonné, disparu depuis six mois.

 

Le 14 novembre, les membres de l’expédition posent le pied sur le continent antarctique (barrière de Ross). Les jours suivants sont consacrés au débarquement du matériel et à l’installation du camp de base quelques soixante kilomètres plus loin (des fissures imprévues dans la banquise accélèrent le mouvement, et du matériel est perdu).

 

Le 20 novembre est capté un SOS radio en provenance du camp de Lexington. Une expédition de secours est mise en route. Là-bas, deux « saboteurs », victimes semble-t-il de la « folie des neiges », ont en effet mis le feu au camp, afin de tuer d’immenses araignées qu’ils voyaient partout. Starkweather et Lexington s’engueulent en privé. Percival retrouve Priestley, le cameraman de Lexington, qu’il connaissait déjà avant ; celui-ci leur apprend qu’il y a également eu des sabotages sur le bateau de Lexington, et qu’on en accusait Starkweather.

 

Le 23 novembre, après avoir rapatrié les deux fous sur le bateau de Lexington, les deux expéditions se réunissent, bon gré, mal gré.

 

Starkweather part ensuite à l’aventure de son côté. Le 27, le reste des expéditions arrive au camp de Lake. Là-bas, Moore donne carte blanche aux investigateurs (qui se sont montrés curieux…) pour enquêter sur le sort de la précédente expédition. Ils commencent par trouver un cairn à quelque distance du camp, avec onze corps qu’ils exhument : ils ont été disséqués, mutilés, il leur manque des organes…

 

Le 28 novembre arrivent les premiers éléments de la foreuse. L’équipe se répartit en binômes pour fouiller le camp. On déterre une créature morte (une « chose très ancienne »). L’équipe et Moore s’écharpent sur la question de forer ou pas, de rapporter la créature pour l’étudier ou pas… Le soir, Lexington est surprise à communiquer en allemand avec un certain Dr. Meyer.

 

Le 29 novembre, les expéditions sont au complet, et la fouille du camp se poursuit. La foreuse est montée sur le site d’excavation. On déterre une autre créature. En dégelant, elles dégagent une odeur insoutenable.

 

Le 30 novembre, l’exploration se poursuit, englobant cette fois la grotte dégagée par la foreuse. Plusieurs des investigateurs l’explorent, Tobias y rassemble et étudie des spécimens.

 

Le 1er décembre, des Allemands, membres de l’expédition Barsmeier-Falken, arrivent au camp de Lake. Le chef du détachement, Meyer, donne à Moore le manuscrit rédigé par Dyer (c’est-à-dire, en fait, le « roman » de Lovecraft Les Montagnes Hallucinées).

 

Le 3 décembre, les investigateurs partent pour un vol de reconnaissance au-delà des montagnes Miskatonic, et découvrent la Cité. Ils franchissent la passe de Dyer sans problème, alors que l’avion de Lexington est contraint de faire demi-tour. Sur un coup de tête, cependant, les investigateurs décident de se poser dans la Cité, ce qui n’était pas prévu… et ont des ennuis mécaniques qui les empêchent de repartir. Ils sont contraints de passer la nuit sur le plateau, et font des rêves étranges.

 

Le 4 décembre, ils explorent un peu la place où ils ont atterri, et découvrent une immense fresque dans un puits. Finalement, Abigail parvient à réparer l’avion. Ils retournent au camp… mais l’avion se crashe à moitié à l’atterrissage. Les investigateurs s’en sortent, mais l’avion est inutilisable. Ils se font passer un savon, mais Starkweather est en même temps heureux d’avoir damé le pion à Lexington. L’expédition retourne dans la journée à la Cité, et se pose au même endroit. Plusieurs allers-retours sont effectués pour transporter membres de l’expédition et matériel. Débute alors presque instantanément l’exploration des environs. Starkweather, accompagné de Nathaniel, part examiner deux immenses piliers au-dessus de la passe. Les autres explorent la Cité par groupes. Un archéologue commence à étudier la fresque du puits.

 

Le 5 décembre, suite de l’exploration. Parmi les sites importants, il y a notamment des sortes de « cuves » près du lit d’une rivière, explorées par Paul et Tobias, assurés par Percival. Le Dr. Greene disparaît. Le soir, le pilote de Lexington essaye de saboter l’avion, mais il est repéré par Nicholas, qui lui tire dessus et le tue. Il est bientôt identifié : il s’agissait en fait de Danforth… qui avait auparavant saboté l’avion de Lexington, dont il manquait des pièces – Nathaniel l’avait pisté avec Lexington et Priestley et ils avaient retrouvé les pièces dans une grotte piégée aux explosifs… Nathaniel, qui vouait auparavant une haine mortelle à Lexington qu’il accusait des précédents sabotages – et de la mort de Keira – change radicalement d’opinion sur elle, qu’il juge bien plus compétente que ses chefs, et s’installe dans son camp.

 

Le 6 décembre, suite de l’exploration. Les Allemands informent Nathaniel qu’ils ont trouvé des choses étranges sur un site baptisé « Hagia Sofia ». Ils sont rejoints par Percival et Nicholas. Le Dr. Meyer déclenche un mécanisme dans la géode du bâtiment et ils sont tous propulsés dans le passé, dans l’esprit d’un anthropoïde serviteur des choses très anciennes. Ils essayent d’en prendre le contrôle mais manquent de pouvoir, et doivent subir la scène. L’anthropoïde, avec d’autres, descend une cargaison dans des souterrains, où des shoggoths s’en emparent… et se nourrissent de quelques-uns des anthropoïdes et de leurs bêtes de somme (Nicholas devient presque fou à ce spectacle). L’anthropoïde se met à paniquer, court dans les souterrains, manque se faire manger par des choses innommables, avant de réussir à remonter en surface, où il est le témoin d’un étrange événement : une immense créature noire, animalcule indéfinissable, rôde autour de la Cité, et les choses très anciennes s’en occupent. Fin de l’expérience.

 

Le 7 décembre, Starkweather est enlevé par les choses très anciennes. Sous la pression de Lexington et de Moore, deux avions partent à leur poursuite, dont un emportant les investigateurs. Ils suivent la direction empruntée par les choses, et arrivent aux abords d’une immense tour au milieu d’une tempête perpétuelle, suscitant en outre des « secousses » temporelles. Ils se posent dans une vallée non loin ; deux pilotes restent auprès des avions, ainsi que Rilke, visiblement malade. Tobias est atteint du même mal, mais qui ne l’affecte pas encore trop. La tour est construite autour d’un immense puits central ; les investigateurs, accompagnés de Lexington, Priestley et Meyer, en entament l’ascension. Tobias et Abigail tombent bientôt dans un état catatonique : ils entrent en résonance avec la Tour et comprennent qu’il s’agit d’une sorte de « piège divin » renfermant une entité extrêmement puissante, et qu’il ne faut surtout toucher à rien… mais ils sont incapables de communiquer avec leurs camarades. En grimpant, le groupe tombe sur un shoggoth dans une cuve, qui effraie grandement Meyer. Finalement, l’équipe atteint un mur de crânes, où l’on trouve ceux de Starkweather et de Greene. Lexington retire le crâne de Starkweather afin de lui donner une sépulture, mais un tremblement de terre secoue alors la tour ; Meyer panique et s’enfuit ; Abigail et Tobias sortent alors de leur catatonie et tentent immédiatement, sous le coup de la panique, de tuer Lexington ; Priestley, Nathaniel et Paul essayent de calmer le jeu, tandis que Percival bloque ; Nicholas, lui, réagit à l’instinct… et tire sur Lexington. Priestley en vient à blesser Nathaniel et est tué à son tour dans des circonstances un peu confuses, et il meurt dans les bras de Percival. Abigail, Tobias et Nicholas s’emparent du corps de la défunte pour le confier à un shoggoth, afin de le « préparer » pour le mur de crânes et de réparer la faille. Tout le monde se met donc à courir vers les étages inférieurs. Un autre shoggoth « jardinier » vient à toute vitesse des étages supérieurs ; Percival devient fou de terreur à cette vision et saute dans le vide. Abigail s’empare alors de la tête « préparée » de Lexington et va la tendre au shoggoth « jardinier ». Il prend la tête, remonte, et bloque le passage à deux choses très anciennes qui fonçaient à leur tour sur les investigateurs. Tout le monde est très éprouvé par ce qui vient de se passer, et retourne aux avions. Le Boeing a disparu, les Allemands se sont enfuis avec ; le Belle de Lexington est toujours là, marqué d’impacts de balles ; quand l’équipe essaye de s’en approcher, elle est accueillie par des coups de feu : Halperin, le pilote, est devenu fou. Bien évidemment, Nicholas (toujours lui !) le tue… Abigail prend les commandes et décolle ; Tobias et elle expliquent ce qu’ils ont ressenti, mais les autres sont sceptiques. Eux deux sont toutefois obnubilés par la Tour et par le fait que personne ne doit y retourner. Courte escale au camp de la Cité. Moore est brièvement mis au courant de ce qui s’est passé dans la Tour, mais on insiste sur le fait que rien ne doit filtrer. Tout le monde rentre alors au camp de Lake.

 

Là-bas, le séisme a provoqué un incendie dans le dépôt de carburant. Le camp est sous le choc, et deux scientifiques sont morts. Le Boeing ne s’est pas posé ici. Moore encourage les investigateurs à repartir immédiatement à la poursuite des Allemands. Paul et Nathaniel refusent. Moore accompagne les autres, ainsi que Samuel Winslow. Le Boeing est repéré près d’un dépôt de matériel de l’expédition allemande. Le Belle se pose à proximité. Baumann, le pilote allemand, sort de la tente et accueille les investigateurs avec joie ; ils croyaient qu’ils étaient tous morts. Meyer est dans un état catatonique, et n’a quasiment pas décroché un mot (il n’a en tout cas pas mentionné la mort de Lexington). Rilke est désormais très malade. Les investigateurs s’assurent que les Allemands n’ont pas pu échanger trop d’informations avec leur camp de base. Mais Baumann tente une communication radio ; Abigail l’en empêche ; elle et Moore tentent de raisonner le pilote, et de le convaincre d’oublier tout ce qui s’est passé. Mais Tobias pète un plomb et tire sur Baumann. Brève échauffourée : Baumann est blessé, Nicolas essaye sans succès de maîtriser Tobias… et finit par lui tirer sur la main pour le désarmer. Le Zeppelin de l’expédition allemande survole alors la tente…

 

Pendant ce temps, au camp de Lake, Paul et Nathaniel s’accordent pour dire qu’il faut empêcher les autres investigateurs de nuire à l’expédition : il faut protéger les échantillons et les rapports, et mettre les fauteurs de troubles au arrêts dès leur retour, au moins le temps d’éclaircir les circonstances de la mort de Lexington. Ils préviennent Packard et Sykes que Moore et Winslow, partis avec Abigail, Tobias et Nicholas, sont potentiellement en danger, sans parler des Allemands. Nathaniel est convaincu que c’est une entité bénéfique qui est emprisonnée dans la Tour, et peut-être bien Dieu…

 

Au dépôt allemand, Abigail tente de rapatrier les blessés à bord du Belle pour les ramener au camp de Lake. Tobias, de son côté, parvient à mettre le feu à la tente… Malgré le vent, une nacelle commence à descendre du Zeppelin pour porter secours aux Allemands. Nicholas et Baumann portent Rilke vers le Belle, Abigail guide Meyer, et Moore suit le mouvement. Tobias se rue sur le Belle. Là-bas, il saisit une barre de fer et tente de fracasser le crâne de Baumann… mais ne lui fait que peu de dégâts. Abigail change alors de stratégie et court vers le Boeing, Tobias sur ses talons. La nacelle du Zeppelin touche terre. Abigail prépare le décollage en urgence ; Tobias, qui était monté à bord, comprend subitement ce qu’elle manigance et sort de l’appareil. Les Allemands embarquent les leurs dans la nacelle, ainsi que Moore et Winslow (Nicholas est à l’écart, de même que Tobias). Abigail décolle pendant ce temps, commence par s’éloigner en direction du camp de Lake… puis revient et se suicide en se crashant sur le Zeppelin. Nicholas, Tobias et Baumann sont les seuls survivants…

 

Au camp de Lake, Nathaniel et Paul traitent avec les Allemands (qui sont arrivés avec leurs avions). Ils vérifient leurs informations, et planifient avec eux un éventuel retour à la Tour, et l’évacuation du camp de Lake. L’idée est d’assurer les arrières, et de permettre une nouvelle expédition dans les meilleures conditions.

 

De l’autre côté, Tobias s’est enfermé dans le Belle, laissant Nicholas et Baumann dehors. Ils parviennent cependant à rentrer en fracassant un hublot, maîtrisent Tobias et l’attachent à l’arrière. Ils rentrent au camp de Lake. Pendant le voyage, Nicholas et Baumann s’accordent sur le fait que la Tour a rendu tout le monde fou, et qu’il ne faut surtout pas y retourner. De retour au camp, l’accueil est mouvementé, Paul et Nathaniel ayant monté le camp contre les autres. Nicholas refuse de parler en leur présence. Tobias hurle au complot, accuse Nathaniel et Paul d’être des saboteurs, et prétend que ce sont les Allemands qui ont tué Lexington ; il est mis sous sédatifs. Les chefs des camps américain et allemand interrogent plus tard Tobias, Nicholas, Nathaniel, Paul et Baumann au cours d’une confrontation… laquelle est mouvementée. Nathaniel et Paul maintiennent qu’il faut retourner à la Tour ou en tout cas préparer une nouvelle expédition. Nicholas suggère quant à lui que tous ceux qui s’y sont rendus soient rapatriés sur le bateau et placés sous surveillance, lui y compris.

 

Le camp (allemand) de Palmer ne répond plus. Les Allemands décident d’évacuer le camp de Lake et de s’y rendre. Tout le monde proteste, mais ils emportent la décision. Le camp de base allemand est désert, avec des traces de sang et des empreintes de choses très anciennes. Un énorme shoggoth sort d’une caverne près d’une tente et s’en prend à un des avions. Nicholas et Baumann étaient prêts à repartir en vitesse. Tobias, Nathaniel et Paul sautent dans l’avion, tandis que le shoggoth continue son massacre.

 

Au bateau allemand, Nicholas demande à être déposé en Argentine par l’intermédiaire de Baumann. Tobias, Nathaniel et Paul demandent à rejoindre le Gabrielle. Nathaniel et Paul dressent des plans pour une prochaine expédition, et comptent bien revenir à la Tour. Mais Tobias, à moitié fou, devient une sorte de nouveau Danforth… et est en outre infecté, non seulement par la « mort lente », mais aussi par les animalcules ; il est condamné à devenir un cadavre ambulant, porteur de destruction…

 

III/ Débriefing façon autocritique

 

À la fin de la campagne, les joueurs et moi-même nous sommes livrés à un débriefing, d’abord « en direct », puis par mail. Je n’en retiens ici que les éléments concernant directement la campagne (mais il y a eu également d’intéressants échanges sur l’implication des personnages, la dynamique de groupe, les conflits, l’acceptation de l’échec, etc.)

 

De mon point de vue, donc, j'ai commis je pense deux grosses erreurs. La première, et sans doute la plus handicapante pour moi – je ne sais pas ce que ça a donné pour les joueurs –, ça a été de me lancer dans cette énorme campagne sans suffisamment de préparation, et même sans lire ce (putain de gros) livre en entier au préalable. J'aurais dû... Je me suis laissé emporter par mon enthousiasme pour le récit de Lovecraft, probablement mon préféré, et pour les aventures polaires, et ai foncé tête baissée là-dedans sans forcément toujours savoir ce qui m'attendait. D'où grosse panique à chaque préparation... Et ça a de suite joué sur la deuxième erreur : je reconnais volontiers avoir foiré la toute fin. Un peu paumé après certains événements non prévus dans le livre (en l'occurrence essentiellement la mort de Lexington et de Priestley), j'ai bricolé en improvisant mal une conclusion bancale, en ne voulant pas en outre jouer les chapitres, au choix, 16 ou 16-B, faisant intervenir les animalcules à la Alien dans le Gabrielle, ou à la The Thing dans le camp de Palmer. J'avais le sentiment que ça rajoutait une couche un peu artificielle à la campagne (surtout la version Gabrielle), mais je conçois que ça ait été frustrant, tant pour les joueurs que pour moi à vrai dire. Il aurait probablement été plus convaincant de ne pas faire massacrer les Allemands du camp de Palmer et de jouer le chapitre 16-B. Mais j'ai décidément du mal à conclure les histoires...

 

D'un point de vue général, je me souviens d'une critique de cette campagne que j'avais lue dans JDR magazine, évoquée plus haut, et qui en faisait « une réussite littéraire, mais un échec rôlitistique ». Je ne serais pas aussi catégorique, mais il y a du vrai là-dedans. J'ai énormément apprécié l'ambiance de cette campagne, et certaines scènes qui m'ont paru très réussies (notamment le premier atterrissage dans la Cité, le retour dans le passé, les témoins muets dans la tour...) ; mais je note que sur ces trois scènes, l'une était largement due à l’initiative des joueurs (un peu couillonne, mais rigolote), tandis que les deux autres étaient fortement dirigistes. C'est là le gros problème de cette campagne à mon avis : elle est, par la nature des choses sans doute, trop linéaire. L'exploration du camp de Lake et de la Cité ont un côté « bac à sable », mais pas suffisamment développé. Pour le reste, on suit une ligne, et une chronologie très stricte (probablement trop stricte).

 

Un autre souci, peut-être assez typique de L'Appel de Cthulhu, mais particulièrement sensible dans cette campagne, a concerné les personnages, qui ont manqué de corps et d'âme à mon avis, et d'implication émotionnelle : finalement, ils n'ont été que des « techniciens » (dont les aptitudes spécifiques n'ont pas forcément été super utiles, d'ailleurs) ; on ne savait pas vraiment pourquoi ils étaient là (à part en tant « qu'employés »), ce qu'ils voulaient, ce qu'ils avaient vécu, etc. Du coup, j'ai eu le sentiment (pas forcément partagé) que les personnages se sont assez vite effacés, et que ce sont les joueurs qui ont pris le dessus. Mais je pense donc que ça vient en partie du jeu, en partie de la campagne, et aussi de la manière dont j'ai géré tout ça.

 

Mais, si je me suis ici longuement étendu sur les défauts, tant ceux de la campagne que ceux venant des joueurs et du MJ, le fait est que j'ai pris beaucoup de plaisir à diriger cette campagne, et j'espère que les joueurs également.

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"B.I.A."

Publié le par Nébal

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B.I.A.

 

B.I.A. (pour Bureau of Indian Affairs, donc) est, à l’instar de Mahamoth dont je vous avais parlé il y a quelque temps de cela, un jeu de la collection « Intégrale » des XII Singes (même si, pour le coup, il existe des suppléments « semi-officiels » pour celui-ci) utilisant le « dK system ». Nous sommes donc en terrain relativement familier, ce qui m’épargnera de m’appesantir outre-mesure sur les règles (je noterai juste que l’utilisation du « dK » et ses contrecoups m’apparaissent plus intéressants ici). Comme tous les autres jeux de la collection, B.I.A. se compose donc de deux livrets de 80 pages chacun, le premier ouvert à tous, le second, intitulé « Les Secrets », réservé au MJ, et d’un écran.

 

Il s’agit donc ici pour les joueurs d’incarner des agents spéciaux du B.I.A. (qu’ils soient amérindiens ou non), de nos jours, dans un monde toutefois légèrement différent puisque imprégné de surnaturel. Quelque part entre Tony Hillerman (auquel il est d’ailleurs fait directement allusion, puisque l’on y croise avec plaisir dans le premier livret Jim Chee et Joe Leaphorn) et les X-Files, on va dire, mais centré sur les mythologies amérindiennes. Un mélange pas forcément si étonnant que ça, mais à coup sûr très intéressant. Enfin, en tout cas, moi, ça m’intéresse…

 

Inutile de nous étendre, donc, sur les règles et la création de personnage. Le système est très simple, et a priori suffisamment souple pour être concrètement jouable. Notons juste que le « dK » (pour « Kitski Manitou », cette fois) renvoie ici chaque personnage à son Totem, qui lui octroie des atouts particuliers (en plus de ceux dépendant de son cursus, notamment). Les contrecoups de l’utilisation des « dK » figurant dans le livret des secrets, je ne vais pas les détailler ici, mais ils ont l’air ma foi assez amusants.

 

L’essentiel du premier livret est de toute façon ailleurs, d’abord dans la description du B.I.A., puis dans un « guide amérindien » assez long… et pourtant trop court, tant il y aurait de choses à dire. Si mon enthousiasme pour ce jeu ne fait aucun doute, je me dois en effet d’avouer une légère frustration à la lecture de ce « guide », à mon sens beaucoup trop lapidaire pour pouvoir être employé directement : j’ai le sentiment que des recherches personnelles supplémentaires sont indispensables, à presque tous les niveaux du background, pour pouvoir véritablement maîtriser une partie intéressante de B.I.A. L’organisation est ainsi traitée très rapidement, mais le problème concerne surtout, à mes yeux, les différentes réserves indiennes présentées dans le jeu (Annette Island, Agua Caliente, Cheyenne River, Navajo Nation – la plus grande et celle qui m’intéresse le plus, sans surprise… –, Skull Valley et Tanarak Forest), réduites à quelques éléments très brefs (territoire, organisation politique et administrative, personnalités, lieux, mythes et légendes), et sans doute trop brefs. La lecture est donc finalement aussi frustrante qu’enthousiasmante, et, en fait de jeu « clé en main », le MJ a encore beaucoup de boulot… Cela dit, tout ce qui est traité dans le « guide amérindien » est franchement passionnant, et se lit avec beaucoup de plaisir ; on a envie de se plonger dans cet univers extrêmement riche, d’un exotisme fascinant sans tomber excessivement dans les clichés sur les Américains d’origine (mais un peu quand même, bon).

 

Le livret des secrets comprend deux « dossiers ». Le premier renferme essentiellement des éléments de background et de règles destinés en principe au seul MJ, et concernant pour l’essentiel les aspects surnaturels du jeu (« dK », chamanisme, et une grosse conspiration qui sous-tend l’ensemble…) ainsi que la vérité sur les mystères des réserves. Le second dossier comprend cinq scénarios, généralement des enquêtes plutôt bien ficelées (sauf le dernier, qui tient davantage du survival), décomposés en scènes procurant des indices et événements, puis six « pitchs » très brefs et plus ou moins intéressants. Une chose est cependant claire à la lecture de ces divers éléments : si le surnaturel n’est pas forcément de la partie, il donne tout de même de suite une autre dimension au jeu, et le rend à mes yeux bien plus intéressant.

 

 B.I.A., original dans sa thématique et porté par des règles simples, est à l’évidence un bon jeu, et j’espère pouvoir en maîtriser un jour quelques enquêtes (le jeu, même s’il offre un cadre de campagne, se prête très bien au one-shot, du coup). Toutefois, ainsi que je l’ai noté plus haut, il me semble trop riche pour s’adapter vraiment au format tout riquiqui de la collection « Intégrale » : il aurait mérité bien plus de pages pour être véritablement abouti. C’est un peu frustrant, du coup… Mais peu importe au final. Moi, en tout cas, ça me botte bien, et il y a fort à parier que je vous en reparlerai un de ces jours.

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"Mnémosyne"

Publié le par Nébal

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Mnémosyne (A Penny for my Thoughts)

 

Mnémosyne est un jeu.

 

Ou peut-être que non…

 

Je ne sais pas, je ne sais plus !

 

Bon, on va dire que oui. Mnémosyne, de son titre original A Penny for my Thoughts, est donc un jeu de « narration collaborative » de Paul Tevis, entendez par là une sorte de jeu de rôle sans maître de jeu ni préparation, tellement narrativiste que c’est même écrit dessus.

 

Le principe en est simple : chaque joueur (trois à cinq) est un patient devenu amnésique suite à un sévère traumatisme. Ensemble, ils forment un groupe de thérapie. Ils se sont fait injecter une drogue – la mnémosyne, donc – qui permet d’avoir accès à l’inconscient d’autrui. Chaque patient est ainsi en mesure d’aider les autres à se souvenir de ce qui s’est passé, et peut donc compter sur l’assistance de ses camarades pour le « guider » dans son « voyage » et ainsi retrouver la mémoire.

 

Le jeu ne nécessite aucune préparation : en théorie, on peut se lancer dedans même sans lecture préalable du livre, dès l’instant qu’un des joueurs assume le rôle de « lecteur », rapportant à voix haute les différentes étapes du processus thérapeutique (d’où une construction du livre assez particulière, toute en flash-back et flash-forward), ce qui renforce à mon avis le côté « secte » ou du moins « thérapie de groupe » (expérience douloureuse…), mais bon, hein, bon.

 

Concrètement, dans la version « basique » du jeu (deux variantes sont proposées en annexe, l’une façon « Jason Bourne », et l’autre lovecraftienne, mais pas forcément très convaincante ai-je trouvé), chaque patient à tour de rôle va devenir le « voyageur » en fonction du nombre de pièces de monnaie dont il dispose, ces pièces matérialisant la capacité à se souvenir. Il lui faudra tout d’abord se souvenir d’une chose agréable, puis d’une chose désagréable, et enfin de ce qui l’a conduit à perdre la mémoire.

 

Pour ce faire, le joueur commence par piocher un « déclencheur de mémoire » (un objet, par exemple, une sensation, etc.). Chaque autre patient lui pose alors une « question directrice » sur le souvenir impliqué par ce déclencheur, question à laquelle la réponse sera forcément « oui, et… (précision) ». Le « voyage » se met ainsi en place. Mais le « voyageur » ne doit pas encore aller trop loin. Il va devoir ensuite demander une « direction » à deux autres joueurs : « Qu’ai-je fait ou dit à ce moment-là ? » Les autres patients ayant accès à l’inconscient du joueur font ainsi chacun une suggestion, et le « voyageur » choisit en échange d’une pièce de monnaie en disant : « Oui, je me souviens maintenant », et brode sur cette direction. L’étape se répète tant que le « voyageur » a des pièces à donner. Et on alterne ainsi jusqu’à ce que chaque joueur ait retrouvé la mémoire… et décide de conserver ses souvenirs ou non.

 

Mnémosyne est à n’en pas douter un jeu aussi astucieux que fascinant dans sa manière d’explorer les souvenirs et de faire appel à la collaboration de tous pour l’élaboration du récit. Le livre est peut-être un peu abstrait à la première lecture (notamment du fait des incessants renvois) mais, de même que pour Fiasco, une partie retranscrite permet de mieux en saisir les tenants et les aboutissants.

 

Cependant – et c’est là une première en ce qui me concerne –, Mnémosyne m’effraie presque autant qu’il me séduit. Je ne suis pas en train de faire mon Jacques Pradel ou ma Mireille Dumas, hein ; mais le fait est que, dans son principe, Mnémosyne rappelle si fortement l’expérience de thérapie de groupe, et se révèle tellement à même de faire parler l’inconscient du joueur plutôt que du « personnage » (si tant est qu’il y en ait un…), que je ne peux m’empêcher de lui trouver un caractère quelque peu inquiétant, voire oppressant… C’est aussi en cela que A Penny for My Thoughts me paraît dépasser le cadre « simplement » ludique pour constituer une expérience à part. D’où l’interrogation sur laquelle s’est ouvert l’article, moins gratuite qu’on ne pourrait le penser. J’y vois presque une expérience limite, que je ne qualifierais pas vraiment de « dangereuse », n’allons pas jusque-là – à vrai dire, ça repose tellement sur le processus thérapeutique que je serais prêt à croire en son caractère utile, voire salutaire (j’aimerais bien avoir l’avis d’un psychiatre là-dessus…) –, mais tout de même quelque peu angoissante. En un mot comme en cent, je ne jouerais pas à Mnémosyne avec tout le monde, de crainte de « m’ouvrir » trop (mais ça, c’est moi, ça) ; mais avec un petit groupe motivé, soudé et conscient de la portée du « jeu », je suis persuadé qu’il y a là de quoi vivre une expérience hautement enthousiasmante, brillamment conçue, très intelligente dans le fond comme dans la forme.

 

Mnémosyne vaut donc assurément le détour. Mais – c’est sans doute la première fois que je le dis, et probablement la dernière – je tends à croire qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains, et nécessite des conditions bien particulières pour fonctionner de la meilleure manière. Impressionnant, séduisant, mais quelque peu inquiétant aussi, donc, en ce qui me concerne tout du moins. Un jeu pas seulement ludique ; bien plus que ça…

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"Fiasco"

Publié le par Nébal

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Fiasco

 

Je poursuis ma découverte des jeux de rôle « différents », cette fois avec un titre « narrativiste » fort primé et qui me faisait de l’œil depuis quelque temps déjà. En effet, le Fiasco de Jason Morningstar s’inspire de films chers à mon cœur, tels Fargo des frères Coen ou Un plan simple de Sam Raimi : des films où des médiocres montent une combine plus ou moins hasardeuse, censée les sortir de leur médiocrité, mais qui tourne invariablement mal, pour tout un tas de raisons saugrenues, jusqu’à s’achever en foirade totale. Concept qui me plait beaucoup et, après lecture de ce petit ouvrage (120 pages très aérées environ, avec une sympathique charte graphique), je confirme que cela a l’air très réjouissant.

 

Fiasco est prévu pour trois à cinq joueurs – il n’y a pas de maître de jeu – et pour durer de deux à trois heures. Il nécessite un bon paquet de d6, quatre par joueurs de deux couleurs différentes ; il faut bien entendu de quoi prendre des notes, mais, à part ça, il n’y a pas de longue préparation requise (autre que celle du « cadre », qui se fait en commun et fait donc déjà partie du jeu), pas de fiches de personnage riches en données chiffrées, etc. Il s’agit vraiment d’élaborer une histoire en commun, et la seule règle qui tienne vraiment consiste à faire en sorte que cette histoire soit amusante et palpitante.

 

Une partie de Fiasco se divise en cinq étapes : le cadre, l’acte I, l’embrouille, l’acte II et enfin les dénouements. Tout cela est censé être vif et rapide. Les quelques (rares) jets de dés ne servent pas à déterminer si une action réussit ou échoue, mais sont là pour élaborer le cadre, puis déterminer ce qui cause l’embrouille. Les dés – noirs ou blancs – servent enfin à déterminer l’orientation des dénouements, l’idée étant d’additionner séparément les dés noirs et les dés blancs que l’on a reçus durant les deux actes, et de soustraire le plus petit nombre du plus grand : plus le résultat final s’approche de zéro, plus les conséquences seront catastrophiques pour le personnage. En théorie il y a donc un peu de stratégie dans le jeu, consistant à accumuler le plus de dés possibles d’une couleur pour améliorer le sort final de son personnage ; mais je n’y accorde a priori pas beaucoup d’importance pour ma part, le plaisir ludique me paraissant intact quel que soit le dénouement, dès lors que l’histoire est bonne.

 

Quatre cadres sont proposés dans ce livre (et on en trouve semble-t-il d’autres gratuitement sans difficultés, et l’on peut bien sûr les élaborer soi-même) : le bled paumé du Sud, l’Ouest sauvage, chez les banlieusards (au sens américain, hein), et la station McMurdo en Antarctique. Les cadres reposent sur des relations entre les personnages, des besoins, des lieux et des objets. On peut les tirer aux dés, ou choisir (mais ça me paraît moins intéressant…) d’employer un « cadre instantané ». C’est alors, donc, que l’on élabore les personnages, qui ne sont définis que par ces différents aspects et, bien sûr, le background que l’on développe pour eux ; pas de compétences chiffrées ou truc, ce n’est pas le propos.

 

Les deux actes fonctionnent en gros de la même manière. Chaque joueur à son tour – en commençant par celui qui vient de la plus petite ville (!) – se retrouve à impliquer son personnage dans l’histoire élaborée en commun, en fonction des éléments du cadre qui l’intéressent. Il peut choisir d’établir (auquel cas c’est lui, en somme, qui raconte l’histoire, et qui se voit attribuer un dé d’une couleur ou de l’autre par les autres joueurs) ou de résoudre (les autres joueurs décrivent la scène, et le joueur qui résout choisit un dé). Cependant, dans l’acte I, à la fin de la scène, le joueur donne le dé qu’il a reçu à un autre joueur, tandis qu’il le garde à la fin de l’acte II (où l’on cumule les dés des deux actes).

 

L’embrouille, quant à elle, repose sur des tables, et est déterminée par les joueurs ayant les deux scores noirs et blancs les plus élevés.

 

Tout cela est à vrai dire quelque peu confus, trouvé-je – j’essaye ici de synthétiser de la manière la plus claire possible mais, à la lecture du bouquin, passablement bordélique, on s’y paume un peu… Heureusement, le livre s’achève sur un exemple de partie qui clarifie pas mal les choses.

 

Ceci étant, même si la première lecture peut donc donner quelques suées ou laisser perplexe, le bilan final ne saurait faire de doute : cette fois, je n’ai pas les réserves dont j’avais pu témoigner pour Monostatos et De Profundis, et je suis clairement enthousiasmé par le concept ; je doute que Fiasco gagne à être joué plus de quelques fois, de même que Dés de sang, mais il m’apparaît sacrément réjouissant dans son principe. J’espère pouvoir tester ça un de ces jours, comme un dépannage particulièrement ludique, et que ça donne une belle foirade, et donc une bonne histoire. J’ai vu par ailleurs qu’Edge allait sortir très prochainement un complément du nom de Fiasco assuré, et vais sans doute y jeter un œil ; à suivre, donc.

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"Eclipse Phase"

Publié le par Nébal

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Eclipse Phase

 

C’est peut-être une preuve d’ignorance de ma part, mais j’ai longtemps déploré l’absence, en français en tout cas, d’un authentique jeu de rôle de science-fiction au sens le plus strict. Certes, il est des sous-genres, comme le cyberpunk ou le post-apocalyptique, qui ont connu des jeux importants ; mais au-delà, pas grand-chose, du moins c’était mon impression. Pour qui voulait vivre des aventures dans l’espace, j’avais le sentiment qu’il n’y avait pas grand-chose au-delà de Star Wars (je ne crache certainement pas dessus, ce fut mon premier jeu de rôle), de Warhammer 40 000, et autres trucs du genre. Autant dire que l’on n’y fait généralement pas trop dans la subtilité (même s’il est vrai, règle qu’il est toujours bon de rappeler, qu’un jeu de rôle, c’est ce qu’on en fait).

 

Heureusement cette lacune me paraît aujourd’hui comblée avec la traduction d’Eclipse Phase, impressionnant jeu tournant autour des notions de transhumanisme et de singularité, et qui reprend à son compte le meilleur de la science-fiction contemporaine. Il n’est qu’à parcourir la bibliographie en fin de volume : Banks, Doctorow, Egan, Reynolds, Robinson, Simmons, Stephenson, Sterling, Stross, Vinge, Watts, Williams, et j’en passe, m’en tenant ici à ceux que j’ai pratiqués (je note au passage l’étonnante absence de John Varley dans cette liste, alors qu’il y aurait parfaitement sa place ; c’est même, des auteurs que j’ai lus, celui dont l’univers me paraît le plus proche de celui d’Eclipse Phase). Voilà déjà qui me parle beaucoup plus, et place ce jeu de rôle sous les meilleurs auspices. Sans vouloir faire mon intégriste borné, j’ai donc tendance à voir en ce jeu, enfin, l’univers d’authentique science-fiction que j’appelais de mes vœux.

 

Cet univers, justement, parlons-en. Il est d’une richesse et d’une intelligence proprement fascinantes, à la hauteur des ambitions très élevées du jeu. À vrai dire, il soulève tellement de questions passionnantes d’ordre philosophique, politique, social et technologique, que j’ai passé des heures et des heures (dont une improbable nuit blanche…) à cogiter dessus, et je suis loin d’avoir épuisé le sujet…

 

Un futur indéterminé, mais que l’on peut supposer relativement proche. L’humanité a mué, devenant transhumanité ; en effet, diverses innovations technologiques ont considérablement bouleversé la société humaine, la faisant passer à un autre stade : la sauvegarde permet ainsi à peu de choses près l’immortalité, tandis que la morphose autorise peu ou prou qui en a les moyens a changer de corps comme on changerait de chemise. En outre, l’économie, avec la nanofabrication et les « cornes d’abondance », a été totalement chamboulée, et le vieux capitalisme a en partie laissé la place à une nouvelle économie fondée non pas sur l’argent mais sur la réputation ; l’accès permanent aux réseaux, via implant ou ecto, change radicalement la notion même de savoir, etc.

 

Et puis il y eut la singularité, ce point au-delà duquel les bouleversements technologiques prohibent toute anticipation, caractérisé en l’espèce par le développement d’IA germes, c’est-à-dire douées de conscience et capables d’auto-évolution récursive. On les appela les Titans… et on les rendit responsables de la Chute. Peut-être les Titans n’ont-ils pas été les premiers à faire feu, les débris des États-nations s’étant subitement lancés dans des guerres à outrance aux conséquences désastreuses pour notre planète. Mais les Titans ont porté le coup de grâce, avec leur machines tueuses et leur pratique du téléchargement forcé sur des milliards d’êtres humains. Rares, en fin de compte, sont ceux à avoir survécu en quittant la Terre pour l’espace, le système solaire déjà en partie colonisé (et nombreux, en l’occurrence, sont ceux qui n’existent plus que sous forme d’infomorphes, n’ayant pas trouvé de corps à intégrer). La singularité a ainsi conduit l’humanité à son annihilation quasi totale.

 

Et puis les Titans ont subitement disparu, presque du jour au lendemain, sans que l’on sache pourquoi… Peu de temps après, deux autres événements majeurs ont bouleversé les perspectives de la transhumanité : la découverte des « portails de Pandore » (peut-être créés justement par les Titans ?) permettant de quitter le système solaire, et l’arrivée dans ce dernier des Courtiers, intrigants extra-terrestres qui n’ont pas manqué de mettre en garde les transhumains contre le développement d’IA germes et l’utilisation de ces portails…

 

Nous sommes dix ans après la Chute. Le système solaire, pour l’essentiel, se scinde en deux parties (sachant que la Terre, infestée de reliques des Titans, a été abandonnée, et qu’il est en principe interdit d’y retourner) : le système intérieur (du soleil à la ceinture d’astéroïdes) est essentiellement sous la coupe des hypercorps, héritières des multinationales puis mégacorporations d’antan ; le système extérieur, au-delà, est devenu un terrain propice à l’expérimentation sociale et politique : si l’on excepte la Junte de Jupiter, farouchement bioconservatrice et militariste, on y trouvera ainsi nombre de courants « autonomistes », souvent anarchistes ou anarchisants, qui ont réalisé des utopies concrètes.

 

C’est l’univers incroyablement riche (je ne l’ai dessiné qu’à très gros traits…) dans lequel vivent les PJ. Ceux-ci peuvent être issus de bien des factions différentes, voire clairement antagonistes ; ils peuvent être des biomorphes, des synthomorphes, des infolifes ou des animaux surévolués ; mais ce qui les unit, c’est leur appartenance à Firewall, une organisation secrète qui a pour but de lutter contre toute menace, quelle qu’elle soit, pesant sur la transhumanité. Et l’univers science-fictif (voire « hard science ») d’Eclipse Phase de se teinter ainsi de conspirationnisme, et même d’horreur…

 

Sur le plan de la technique de jeu, Eclipse Phase se montre relativement classique, la principale innovation consistant en la distinction entre l’ego et le morphe (l’esprit, qui demeure, et le corps, qui change). Pour le reste, nous avons affaire à un système très détaillé (pas à la Pathfinder, quand même, mais il y a un peu de ça…) reposant essentiellement sur l’utilisation de d100. Un jet inférieur ou égal à la compétence requise (ou par défaut à l’aptitude dont elle découle), modificateurs inclus, est une réussite. Un « double » (00, 11, 22, 33…) est un « critique », qu’il s’agisse d’une réussite ou d’un échec. Il peut parfois être important de prendre en compte la marge de réussite d’un jet (qui doit être le plus élevé possible tout en restant en dessous du seuil de compétence, donc) ou, dans le cas contraire, sa marge d’échec. Je ne vais pas rentrer dans les détails du système de combat, plus complexe (et peut-être un peu lourd…). Il est clair que les règles d’Eclipse Phase ont quelque chose d’un peu « rigide », qui peut demander quelques adaptations ; bon, verra bien…

 

Mais peu importe. Ce qui fait la très grande richesse d’Eclipse Phase, c’est donc son background extrêmement fouillé et pointilleux (peut-être parfois à l’extrême, ainsi en ce qui concerne la Toile) ; c’est ce qui rend le jeu fascinant… mais aussi, probablement, un peu délicat à prendre en main : le MJ et les joueurs doivent en effet s’imprégner de cet univers très complexe et jouer en permanence sur des notions et concepts qui doivent être naturels pour les personnages, mais ne le sont pas pour nous autres archaïques humains du début du XXIe siècle… Mais je suis persuadé, si j’ose dire, que le jeu en vaut la chandelle ; je m’y mets bientôt, et j’ai hâte…

 

D’ailleurs, j’ai tellement hâte que j’en ai eu marre d’attendre les traductions sans cesse repoussées promises par Black Book, et me suis procuré la plupart des suppléments du jeu en VO… Je n’ai donc pas fini d’explorer cet univers extraordinaire, loin de là, et de vous en parler, si vous le voulez bien…

 

EDIT : Gérard Abdaloff en fait l'apologie dans la Salle 101 : hop.

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"De Profundis"

Publié le par Nébal

De Profundis

 

 

De Profundis. Lettres des abysses

 

Allez : chose promise, chose due, une dernière petite chronique de lovecrafterie avant quelque temps. Et une chronique ludique, donc. Mais attention : il ne s’agit pas d’un produit L’Appel de Cthulhu. Et même si cela se rapproche énormément du jeu de rôle, d’aucuns vous diront que ce De profundis n’est pourtant pas un jeu de rôle.

 

Ah.

 

En effet, la désignation exacte serait « psychodrame épistolaire ». Qu’est-ce à dire ? Le psychodrame, tout d’abord, est une variante du jeu de rôle sans maître de jeu, et sans règles, laissée entièrement entre les mains des joueurs, qui improvisent au fur et à mesure et surenchérissent les uns par rapport aux autres. Ce qui constitue d’une certaine manière un retour aux sources, mais a de quoi déstabiliser un peu le rôliste lambda, et confère à ce De Profundis de création polonaise une certaine saveur expérimentale.

 

Mais il ne s’agit pas ici d’un « simple » psychodrame. En effet, l’originalité de ces Lettres des abysses, comme leur nom l’indique, est de reposer sur l’envoi de lettres, lesquelles, en s’agglomérant, construisent le psychodrame. L’ouvrage se présente d’ailleurs sous la forme de lettres – une quarantaine de feuilles volantes –, qui décrivent comment l’auteur a rêvé de De Profundis et s’est trouvé embarqué dans la réalisation de ce jeu, au péril, bien évidemment, de sa santé mentale, et plus puisque affinités.

 

L’idée en elle-même est très intéressante, et indubitablement lovecraftienne. Difficile, à la lecture de De Profundis, de ne pas penser aux échanges de lettres entre Wilmarth et Akeley dans « Celui qui chuchotait dans les ténèbres ». Au-delà, cependant, le principe même de bon nombre de nouvelles de Lovecraft – celui du « rapport » – s’adapte aisément à la forme du psychodrame épistolaire.

 

Le problème, à mon sens, est dès lors le suivant : l’idée étant lancée, avait-on besoin d’un « livre » pour la travailler ? Je n’en suis pas tout à fait convaincu, et je doute en tout cas que ce livre-ci soit à cet égard une réponse pertinente. Je ne remettrai pas en cause l’ambiance de ces lettres, qui donne assurément envie de s’y plonger (malgré un côté un peu « sectaire » par moments). Mais il n’en reste pas moins que De Profundis se confine à un stade élevé d’abstraction, là où l’on aurait aimé, au-delà de la seule mise en condition, des données plus « concrètes », des exemples plus frappants, permettant de donner des indications sur la création de personnages, ainsi, ou les écueils à éviter une fois la partie lancée.

 

Hélas, en lieu et place, nous n’avons droit qu’à quelques généralités. L’univers de Lovecraft n’est pas du tout explicité (or il me semble, à première vue du moins, qu’une connaissance de ses principaux aspects est sans doute plus importante ici que pour un joueur de L’Appel de Cthulhu), les deux cadres proposés – très traditionnellement les années 1920 et, ce qui me paraît plus jouable, l’époque contemporaine (éventuellement en jouant son propre rôle) – sont à peine esquissés, la construction de la partie ne l’est pas davantage. Sur le tard, quand l’auteur en vient à parler des formes avancées de psychodrame, le « psychodrame expérimental » et le jeu en solo (aboutissement ultime de De Profundis ?), on manque vraiment trop d’éléments à mon sens pour pouvoir les mettre en œuvre…

 

En contrepartie, nous avons droit à quelques conseils pratiques qui, hélas, relèvent soit du sens commun, soit, en ce qui me concerne tout du moins, d’un certain « maniérisme » pas forcément bienvenu : par exemple, pourquoi, si le réalisme est une donnée fondamentale, prohiber les e-mails dans le cadre d’un jeu contemporain au profit de « vraies » lettres ? Je ne suis pas convaincu par le manque d’implication supposé de ce support, qui me paraît au contraire très adapté. Honnêtement, de nos jours, vous en recevez beaucoup, vous, des lettres écrites à la plume (ben oui, pas au Bic !), avec les inévitables taches de café dessus « pour faire vrai » ? Je crois au contraire que cela participe de la multiplicité des supports permettant d’enrichir une partie… à première vue, du moins.

 

Au final, De Profundis me fait donc l’effet d’une excellente idée, mais le « livre » me paraît plutôt raté. Certes, à un prix de 12,95 €, on ne va pas raler comme pour un jeu de rôle « traditionnel » ; mais le fait est que ces quelques feuilles volantes, en elles-mêmes, ne présentent guère d’intérêt. Cela dit, je me lancerais bien dans un échange de correspondance lovecraftienne, moi…

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