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Articles avec #the horus heresy tag

A Thousand Sons, de Graham McNeill

Publié le par Nébal

 

McNEILL (Graham), A Thousand Sons – All is Dust, Nottingham, Games Workshop – Black Library, coll. Warhammer 40,000 – The Horus Heresy, [2010] 2018, 558 p.

 

Retour aux bouquins Warhammer 40,000, et plus précisément à la série « The Horus Heresy ». Ma dernière lecture à cet égard, c’était le désastreux Descent of Angels de Mitchel Scanlon – de quoi dériver un fâcheux « Non, merci, plus jamais ça » tristement définitif. Pourtant certains titres continuaient à me faire de l’œil… et je me suis dit, enfin, écoutant la voix de la sagesse, que je n’étais pas obligé de tout lire dans cette colossale saga. Alors j’en ai sauté quelques volumes, cinq en fait – dont certains sur lesquels je reviendrais bien ultérieurement, comme Légion de Dan Abnett et surtout Mechanicum de Graham McNeill, les deux meilleurs auteurs de la série jusqu’alors (avec une préférence pour le second en ce qui me concerne, responsable des Faux Dieux et de Fulgrim)… et il se trouve que le bouquin dont je vais vous causer aujourd’hui est signé Graham McNeill, et forme un diptyque avec un autre bouquin signé cette fois Dan Abnett – étonnant, non ?

 

C’est que j’ai voulu me pencher sur un épisode majeur de l’Hérésie d’Horus : la chute des Thousand Sons, la légion de Magnus le Rouge, avec comme moment clef l’assaut mené par les Space Wolves sur Prospero. A Thousand Sons (Un millier de fils en french in ze texte), douzième livre de la série, contextualise et rapporte ces événements pour l’essentiel du point de vue des Thousand Sons – mais il fonctionne donc en binôme avec le tome 15 de « The Horus Heresy », soit Prospero Burns (Prospero brûle, donc), de Dan Abnett, qui développe à vue de nez plutôt le point de vue des Space Wolves (et qui a, pour autant que je sache, une excellente réputation pour un roman Warhammer 40,000).

 

Cette histoire est d’une ampleur mythique impressionnante, aussi glorieuse que navrante, épique et terrible – comme il sied à l’Hérésie d’Horus, cet affreux gâchis bigger than life qui décide de dix mille années de guerres à venir. Elle figure des personnages à la stature colossale, semi-divine, et d’autres héros plus complexes. Or les Thousand Sons sont une des pistes que j’ai envie d’explorer pour une éventuelle seconde armée à Warhammer 40,000 – je me suis donc dit qu’il pourrait être intéressant d’en savoir un peu plus sur eux avant de me lancer dans des achats, d’où ces lectures, rendues plus attrayantes par le nom des auteurs, et tout spécialement celui de Graham McNeill.

 

À vrai dire, ce dernier reproduit ici pas mal ce qu’il avait fait dans Fulgrim (mais peut-être aussi du coup Dan Abnett dans Légion ?) : c’est le récit de la chute des héros, avec une longue mise en place qui rend inévitable le moment de fauter et de sombrer – un mythe des origines en forme de tragédie grecque, segmentée en trois actes ici, où le destin a comme de juste sa part. Magnus le Rouge renvoie à Fulgrim, et le goût en définitive fatal de la connaissance chez les Thousand Sons rappelle l’intérêt à terme morbide pour l’art et les lettres chez les Emperor’s Children en quête de perfection – et, dans les deux livres, ces nobles passions incitent le lecteur à la sympathie pour les futurs hérétiques, dans un premier temps du moins, même s’il sait très bien que Tzeentch veille d’un côté, et Slaanesh de l’autre. D’autant que, dans les deux cas, la légion qui est dépeinte en train de chuter se retrouve confrontée à une autre légion spécifique, loyaliste quant à elle et qui le restera, ici les Space Wolves, là les Iron Hands, et si les membres de ces dernières et leurs primarques font figure de brutes épaisses, intellectuellement repoussantes, dans l’univers perverti de Warhammer 40,000 alors en gestation, elles ont tristement… « raison ». Le récit de la déchéance est inévitablement ponctué de batailles assurément épiques, une par acte, et qui ont toutes leur spécificité (ce qui n’est pas le moindre atout de Graham McNeill, pour ce que j’en ai lu – trop de bouquins Warhammer 40,000 font dans la baston permanente, mécanique et parfaitement interchangeable, je vous causais de La Chute de Damnos il y a peu, mais, ici, il y a toujours le truc qui fait qu’on s’y intéresse et qu’on s’en souvient, outre qu'il y a beaucoup d'autres choses en dehors des batailles). À l’arrière-plan, les commémorateurs illustrent le propos sur un plan plus humain – et plus ou moins nécessaire, à vrai dire. Car les tares de Fulgrim se retrouvent également ici, et A Thousand Sons, qui est plus long que votre roman 40K lambda, est probablement un peu trop long.

 

Détaillons un peu plus l’histoire – ce qui implique des SPOILERS seulement pour qui n’en connaîtrait pas déjà les grandes lignes : A Thousand Sons contextualise et développe, mais les moments clefs des deux derniers actes sont bien connus des adeptes du lore de Warhammer 40,000 sans avoir à lire ce roman. Ceci dit, méfiance si vous n’êtes pas de ces adeptes et êtes en plus allergiques aux révélations intempestives mais néanmoins curieux de lire ce genre de bouquins, car… euh, je vais tout raconter, même si à gros traits et en m’en tenant à l’essentiel.

 

Le premier acte est une longue mise en place. Les Thousand Sons se trouvent sur la planète Aghoru – où ils s’attardent un peu trop au goût des autres légions, et tout spécialement des Space Wolves, avec leur barbare primarque Leman Russ, qui auraient bien besoin de leur soutien dans tel ou tel théâtre d’opérations de la monumentale Grande Croisade. C’est que le primarque des Thousand Sons, Magnus le Rouge, est intrigué par des découvertes archéologiques majeures sur cette planète isolée – il y a des choses à en apprendre, et, pour les Thousand Sons, la connaissance est la vertu cardinale. Au risque de jouer avec le feu, et la conclusion de ce premier acte en sera une démonstration éloquente… tout en incitant d’ores et déjà à envisager le passé trouble de la XVe légion, avec l’idée d’un pacte méphistophélique, conclu par Magnus avec des entités du Warp qu’il ne comprend pas, destiné à libérer ses « fils » de leur malédiction génétique, mais aussi en présageant du futur, et concrètement de l’Hérésie d’Horus (qui ne s’est pas encore déclenchée quand le roman débute – et n’a encore rien d’officiel quand il s’achève), mais aussi, éventuellement, de la destruction de Prospero… Le type même d’avertissement qu’on ignore parce qu’on refuse d’y croire, en même temps que la malédiction de Cassandre s’abat sur ceux qui seraient davantage disposés à ouvrir les yeux. Le vrai héros de cette histoire, Ahriman, oscille entre ces deux tendances.

 

Le deuxième acte s’ouvre sur la colossale bataille d’Ullanor, opposant l’Imperium aux Orks – mais Graham McNeill n’en fait pas trop : on n’assiste qu’à quelques épisodes éparts du combat, la grosse bataille de ce roman sera pour plus tard. C’est un triomphe – mais pas sans conséquences, et de taille : l’Empereur annonce qu’il est temps pour lui de retourner sur Terra, et il confie la poursuite de la Grande Croisade à son fils préféré, Horus. Mais une autre affaire concerne plus spécialement les Thousand Sons : Magnus le Rouge est convoqué sur Nikaea, où se tiendra… un concile. Forcément. Le Roi Pourpre s’y rend très confiant, et ne réalise que bien tardivement que c’est en fait de son procès et de celui de sa légion qu’il s’agit… L’objet du concile est de trancher la « crise des archivistes » – ainsi que l’on désigne les psykers au sein des légion de Space Marines –, mais ce sont bien les Thousand Sons qui sont concernés au premier chef, eux qui manipulent les énergies du Warp avec bien trop de nonchalance, à en croire leurs détracteurs, tous portés à la superstition et à l’ignorance bigote (et tous passablement hypocrites !), tout spécialement Leman Russ des Space Wolves et Mortarion de la Death Guard (qui présente pourtant déjà, et assez logiquement au fond, des signes de sa corruption par Nurgle). : les Thousand Sons, à les en croire, ne seraient qu’un « convent de sorciers », et les laisser continuer de la sorte pourrait avoir des conséquences fatales : ne sont-ce pas les psykers qui ont plongé l’humanité dans la Longue Nuit ? C’est un coup dur pour Magnus – et il choisit d’ignorer les résolutions du concile… qui, au passage, a interdit l’usage des psykers dans toutes les légions, et je ne sais pas dans quelles circonstances on y est revenu après coup.

 

Avec le troisième et dernier acte, la tragédie des Thousand Sons passe la mesure (ce n’est certainement pas une critique : on fait dans le gros mythe ultra épique, ici). De retour sur leur monde originel de Prospero, Magnus et ses fils cultivent plus que jamais les arts occultes. Mais le primarque réalise qu’Horus va trahir l’Imperium, et, s’il a désobéi aux ordres de son père résultant du concile de Nikaea, il demeure farouchement loyaliste, tel qu’il voit les choses : il essaye d’interférer dans le processus devant aboutir à la corruption du Maître de Guerre – sans succès. Alors, il entend au moins en prévenir son père, avant qu’il ne soit trop tard : il use pour cela d’un sortilège de grande ampleur, nécessitant moult sacrifices… et les conséquences sont catastrophiques. L’Empereur ignore les avertissements de Magnus : tout ce qu’il voit, c’est que le Roi Pourpre lui a désobéi, et au vu et au su de tous – furieux, il envoie les Space Wolves punir les Thousand Sons (il semblerait qu’Horus y a eu sa part, peut-être Prospero brûle en dira-t-il davantage à ce propos). La légion emmenée par Leman Russ frappe sans prévenir : il s’agit d’anéantir Prospero et les Thousand Sons. Magnus, horrifié, reste calfeutré dans sa tour – réalisant son erreur un peu tard, il considère à ce stade que le seul moyen de demeurer loyal à son père consiste à ne rien faire pour prémunir sa légion de l’anéantissement… Une trahison de plus ? Mais les Thousand Sons, avec ou sans le soutien de leur primarque, ne comptent pas se laisser massacrer par les loups de Leman Russ – Ahriman, tout spécialement, ne mange pas de ce pain-là : la bataille est totalement déséquilibrée, la planète et la légion sont condamnées, mais ils se battront jusqu’au bout, eux qui ne se sont jamais perçus comme des traîtres à l’Empire, bien au contraire même. Et là je peux vous assurer qu’on fait dans le sacrément épique, avec des saynètes d’une puissance d’évocation admirable…

 

En dernier ressort, pourtant, Magnus ému par le sort de ses fils se joint au combat, affrontant en personne Leman Russ. Et quand tout est perdu ou presque, il fait usage d’un ultime sortilège, en évacuant la capitale de Tizca sur un autre monde au cœur du Warp – ce sera la Planète des Sorciers… Mais le Warp réveille les mutations génétiques latentes des Thousand Sons – le déterminé Ahriman y mettra bientôt un terme, avec sa rubrication… et tout ne sera plus que poussière. À ce stade, la partie est perdue : ils ne le désiraient pas spécialement, et jusqu’à la dernière minute, mais les Thousand Sons sont alors voués à servir le Chaos, Tzeentch plus précisément – leur loyalisme parcellaire les a précipités dans l’hérésie, et ils seront bel et bien, tout au long de la Longue Guerre, ce « convent de sorciers » qui avait été si injustement dénoncé à Nikaea. Et ils chercheront à se venger de l’Imperium et des Space Wolves…

 

Il s’en passe, des choses, hein ? Et avec le ton qui va bien. Oui, répétons le mot : A Thousand Sons est une tragédie – et si l’esthétique de la XVe Légion et de Prospero renvoie clairement à l’Égypte antique, c’est quelque chose de grec qui infuse tout du long, dans ce récit qui fait l’effet d’un triste gâchis, fatal mais d’autant plus navrant, comme un condensé du tableau plus général de l’Hérésie d’Horus.

 

Mais si cette histoire fonctionne aussi bien, au-delà du seul art narratif de Graham McNeill, très professionnel mais pas au point de manquer d’âme (on ne tranchera pas la question du style, guère pertinente ici, mais c’est plutôt honorable dans son genre, je suppose), cela tient probablement aux personnages mis en scène, très différents, très singuliers, globalement très bien vus. Deux, surtout, doivent être mis en avant, dont les rapports complexes font une bonne partie du sel du roman : Magnus le Rouge, et Ahriman.

 

Le primarque des Thousand Sons est forcément au-dessus de tous les autres. C’est un géant, à tous points de vue, un colosse – mais pas une brute. Son désir de connaissance, absolu, et qui précipitera sa perte, suscite à vue de nez plutôt la sympathie du lecteur – même si, encore une fois, il y a cette ambiguïté fondamentale de l’univers de Warhammer 40,000 qui fait du savoir une menace et de l’ignorance une bénédiction… C’est en fait au cœur du propos. Mais, si la soif de connaissance a incontestablement sa part dans la déchéance du Roi Pourpre, le vrai souci est peut-être ailleurs – et c’est l’arrogance de Magnus. Voilà un être qui s’est toujours considéré comme largement supérieur à tous les autres. À bon droit souvent : c’est un primarque, après tout, un surhomme conçu comme tel. Mais la conviction qu’a Magnus de sa supériorité s’étend à absolument tout le monde – en y incluant les autres primarques, mais aussi, encore qu’il ne s’en rende pas forcément compte, l’Empereur (c’est bien ce qui fait enrager ce dernier !)… et enfin ces entités du Warp dont il n’a jamais bien perçu le potentiel menaçant avant qu’il ne soit trop tard. En fait, Magnus, au-delà de son attrait pour le savoir, n’est pas sympathique – ce n’est pas un héros. Et, pire encore, on a toujours plus envie de le baffer au fur et à mesure qu’il enchaîne les mauvais choix. Car il ne fait que ça tout au long de A Thousand Sons : cet être censément si intelligent, si parfait, prend systématiquement les pires décisions, parce que son arrogance ne lui permet pas de faire autrement – la scène est révélatrice, du Roi Pourpre gagnant Nikaea en étant persuadé que ce sera son triomphe, quand c’est sa condamnation qui l’attend en vérité… Magnus, en fait, aveuglé par sa propre gloire, et par la dévotion que ses fils lui vouent, se trompe, et s’est toujours trompé : il a fait le mauvais choix pour mettre un terme à la malédiction génétique de son Millier de Fils, ou sur Aghoru, ou sur Ullanor, ou à Nikaea, ou en tentant d’interférer dans la corruption d’Horus, ou bien sûr dans sa très maladroite tentative de prévenir son père du danger, et après cela il enchaîne les erreurs sur Prospero en flammes, son indécision entraînant des milliers de morts dans les rangs de ses fils, avant de parachever le sort funeste de sa légion en exilant Tizca dans le Warp.

 

Il lui fallait une contrepartie, plus sympathique, plus humaine (mais dans une certaine mesure seulement, comme de juste : c’est un Space Marine, après tout), et plus héroïque (d’une certaine manière, là encore) – et c’est Ahriman, un des personnages les plus attrayants et complexes de l’univers de Warhammer 40,000, le sorcier par excellence (un des plus puissants du jeu, à vrai dire). Ahriman étant membre des Thousand Sons, et donc des Space Marines du Chaos, on pourrait avoir tendance à y voir par essence, au 41e millénaire en tout cas, un « méchant », du moins si l’on s’attache à une lecture très premier degré de cet univers – sauf que dans cet univers, il n’y a pas de gentils, l’Imperium n’est certainement pas gentil, et le qualificatif de « méchant » n’a donc pas forcément de sens, relativement. Mais cet Ahriman des origines, dans tous les cas, n’a rien de maléfique : à la différence de l’arrogant et finalement borné Magnus, Ahriman suscite bel et bien la sympathie, et tout du long. Si les autres officiers supérieurs de la XVe Légion cultivent l’arrogance de leur primarque, et font preuve du dédain habituel des Space Marines pour les humains, Ahriman, en même temps qu’il est plus puissant que tous, se montre plus ouvert et généreux envers ceux qui lui sont inférieurs. Il n’est certes pas sans cynisme, loin de là, mais, dans ce roman, il se montre finalement très moral tant que la situation n’est pas totalement désespérée, ce qui le rapproche des commémorateurs humains qui accompagnent les Thousand Sons (même si, pour le coup, ils en feront les frais à terme). Surtout, lui n’est pas arrogant : il doute, il n’a pas une confiance absolue en ses capacités ou en celles des Thousand Sons, il entrevoit les menaces derrière le voile, quelles qu’elles soient et quel que soit le voile. Il a des émotions, aussi – en cela, il est humain. Au fond, sa tare, dans cette histoire, c’est la confiance qu’il voue à un autre : son primarque Magnus le Rouge. Ahriman est un personnage qui va de déception en déception, en fait – et cela aussi le rend humain et sympathique. Il est courageux, enfin – et, à terme, il ne se laisse pas indéfiniment marcher sur les pieds : si cela lui en coûte énormément, il ose en définitive dire quand son primarque ou ses comparses se trompent – et il prend des initiatives, au risque de la désobéissance, dont il s’accommode même dans la douleur, quand la subordination aveugle équivaudrait au plus absurde des suicides ; c'est le type qui prend les choses en mains quand tout s'effondre autour de lui. Ce n’est sans doute pas un hasard si le roman se conclut sur une phrase lapidaire annonçant la rubrication à venir – et par-là même les relations très tordues que le sorcier entretiendra avec son primarque dans les dix mille années qui suivraient. Ahriman est clairement un atout majeur de ce roman.

 

Et, oui, avec ses défauts, A Thousand Sons m’a fait l’effet d’une réussite. En fait, c’est probablement le roman Warhammer 40,000 que j’ai préféré jusqu’à présent. Et comme le précédent était probablement Fulgrim (même s’il présentait plus de défauts encore), eh bien, cela entretient mon sentiment que Graham McNeill est un des auteurs Black Library les plus doués, et que son nom sur la couverture peut inciter à d’autres lectures.

 

Ceci étant, la prochaine, ce sera donc un roman de Dan Abnett : Prospero Burns, le reflet de A Thousand Sons, où le point de vue est celui des Space Wolves. Forcément, les brutes poilues de Leman Russ m’inspirent moins de sympathie que les sorciers de Prospero à première vue, mais le roman a pour ce que j’en sais une très bonne réputation, alors on verra bien…

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Descent of Angels, de Mitchel Scanlon

Publié le par Nébal

Descent of Angels, de Mitchel Scanlon

SCANLON (Mitchel), Descent of Angels: Loyalty and Honour, Nottingham, Games Workshop – Black Library, coll. Warhammer 40,000 – The Horus Heresy, [2007] 2013, [416 p., édition électronique]

Retour à « The Horus Heresy »… Enfin, plus ou moins. Parce que ce sixième volume de la série qu’est Descent of Angels (en françouais Le Retour des anges, allons bon ?) n’a vraiment pas grand-chose à voir avec ses prédécesseurs : Horus est bien loin de tout ça, et, longtemps, l'Imperium de manière générale. Bon, le contexte temporel est approximativement le même, disons, même s’il serait plus exact de dire que, une fois de plus, nous revenons en arrière – plus drastiquement, en fait ; et, si l’on y tient, Descent of Angels n’est pas sans avoir une forme de parenté avec son prédécesseur, le plutôt convaincant Fulgrim, dans la mesure où ils se focalisent tous deux sur l’histoire d’une légion à chaque fois, dans le cas présent celle des Dark Angels.

 

Sauf qu’il s’agit de remonter aux origines de cette légion, et ça change tout. Seul le dernier tiers, au plus, du roman (voire le dernier quart), l’inscrit dans le contexte de la Grande Croisade (et bien avant que Horus ne se mette à déconner). Ce qui précède, le cœur du roman, c’est ce qui s’est produit avant la création de la légion des Dark Angels, sur Caliban, une planète isolée et ne disposant pas de technologie spatiale – une planète qui ne sait absolument rien de l’Empereur et de ses space marines, les Adeptus Astartes. Dès lors, l’approche de Descent of Angels, sur l’essentiel de sa longueur, relève bien davantage d’une forme de planet opera – à moins qu’il ne soit plus juste de parler de fantasy, car il s’agit d’un monde outrancièrement archaïque, sur un mode féodal et chevaleresque, avec de braves guerriers qui se lancent dans des quêtes consistant à fritter des monstres pour protéger la paysannerie.

 

En effet, le monde de Caliban – dont les légendes rapportent qu’il a été colonisé il y a longtemps par des hommes en provenance d’une lointaine planète appelée la Terre, mais qui pourrait dire au juste ce qu’il en est ? –, ce monde donc, assez densément boisé, est en proie aux assauts des « Grandes Bêtes », des créatures monstrueuses qui n’ont que ce titre de commun : chacune est parfaitement unique – et parfaitement à même de ravager toute une contrée, tuant et tuant des dizaines voire des centaines de pauvres bougres ; on y suspecte la griffe du Chaos comme de juste, enfin, le lecteur, car les habitants de Caliban n'en ont jamais entendu parler. Depuis des temps immémoriaux, des ordres chevaleresques protègent le quidam contre ces monstres – ce sont des institutions très conservatrices par essence. Puis est créé l’Ordre, sans autre précision : l’Ordre ne s’attache guère à la noblesse, et ouvre ses portes aux roturiers désireux de faire leurs preuves et de servir les leurs en combattant les Grandes Bêtes. L'Ordre gagne rapidement en influence, en suscitant la méfiance voire l’hostilité ouverte des autres groupements de chevaliers.

 

Mais, quand le roman débute, avec l’initiation de notre personnage point de vue, le jeune Zahariel (enfin, il sera notre point de vue sur la quasi-totalité du roman, hors très brèves mises en situation çà et là, jusqu’à ce que Mitchel Scanlon, dans la dernière partie, décide de ne pas se faire chier avec tout ça), la situation sur Caliban a radicalement évolué : Luther, un des plus brillants chevaliers de l’Ordre, a découvert dans la forêt un jeune homme au potentiel surhumain – destiné à devenir le plus grand guerrier de Caliban… en laissant Luther lui-même dans son ombre. L’enfant prodige est Lion El’Jonson (j'ai un peu de mal avec ce nom...), et nous savons d’emblée qu’il s’agit du futur primarque des Dark Angels, un de ces « enfants de l’Empereur » dispersés on ne sait trop comment à travers la galaxie par les Puissances de la Ruine (voilà bien un point du background de Warhammer 40,000 qui m’a toujours laissé hautement perplexe…). Lui ne sait rien de tout cela, comme de juste. Mais c’est un meneur né, qui bouleverse l’ordre des choses : le vieux système, avec des chevaliers revendiquant ponctuellement des « quêtes » consistant à éradiquer une unique Grande Bête, ne lui convient pas. Lui proclame une grande quête visant à l’anéantissement de toutes les Grandes Bêtes – au risque (qu’il néglige ostensiblement) de bouleverser toute la structure de la société sur Caliban. Bien sûr, cette quête constitue d’une certaine manière un écho de la Grande Croisade qui fait rage en dehors de Caliban, et dont Lion El'Jonson ne sait absolument rien…

 

Et, parce que la vie est bien faite, les space marines déboulent sur Caliban pile au moment où la dernière Grande Bête est abattue. L’Empereur ne tarde plus guère, Lion El’Jonson reconnaît « son père », et devient le primarque des Dark Angels, dont nombre de membres ne sont pas, comme dans les autres légions, des rejetons-éprouvettes de leur primarque (si j’ai bien tout compris ?), mais des chevaliers de l’Ordre, trafiqués génétiquement a posteriori (enfin, pas tous – car ce traitement aurait été fatal à certains) pour acquérir les capacités surnaturelles caractéristiques des Adeptus Astartes.

 

Après quoi le roman rapporte une histoire remontant aux premiers temps de la légion des Dark Angels dans le cadre de la Grande Croisade, une histoire aussi convenue que vous pouvez le supposer – ce qui s'est passé sur Sarosh, un monde qui proclame haut et fort qu'il entend intégrer l'Imperium de l'Humanité, comme les Adeptus Astartes l'exigent, mais qui fait pourtant preuve d'une certaine mauvaise volonté. Ce récit, en même temps, ne fait qu’appuyer sur le fait que Mitchel Scanlon est globalement passé à côté de son sujet, ai-je l'impression : Sarosh se « rebelle » (et plus si affinités) parce que Caliban ne l'a pas fait, c'est tout juste si cette dernière a bougé le petit doigt, dans une séquence tellement isolée et sans suites qu'elle en a quelque chose de presque absurde, et indubitablement fainéant.

 

Ben oui : ce roman est mauvais. Très mauvais, même. On me l’avait dit, et ça s’est putain de vérifié. Pourtant, ça aurait pu être pas si mal… En quelques endroits, j’ai voulu y croire… Ouais, je suis bon public. Mais non. C’est qu’il souffre de plusieurs travers, et l’un d’entre eux porte sur le contexte : c’est un roman Warhammer 40,000 dans lequel le riche univers de cette licence est totalement absent sur les deux tiers voire les trois quarts du volume. En soi, ça n’aurait pas été forcément un problème, si le cadre précis du roman avait été habilement travaillé – et l’idée même à la base du roman n’était pas mauvaise en tant que telle ; cette histoire des « Grandes Bêtes » est un peu absurde, mais aurait pu donner un truc amusant, et, sur un mode sans doute plus convenu, les rivalités philosophiques entre les ordres chevaleresques auraient pu fournir au moins un socle de matière a minima… C’est parfois presque le cas – mais bien trop rarement. Finalement, Descent of Angels n’est jamais à cet égard qu’un énième planet opera sans saveur ; la plus-value Warhammer 40,000, il n'en bénéficie que bien tardivement.

 

À ce stade, Descent of Angels aurait pu n’être que médiocre – mais il est véritablement mauvais, pour diverses raisons attachées à la forme. Mitchel Scanlon, disons-le, écrit comme mon cul. « Hey, c’est du Warhammer 40,000 ! On s’attend pas à du Proust ! » Certes pas – et je ne prétendrai pas que la star Dan Abnett, ou Graham McNeill, sont des stylistes habiles et subtils, faut pas déconner non plus. Seulement, ils savent faire ce qu’ils font, indéniablement. C'est pro. Mitchel Scanlon, non… C’est d’une lourdeur pachydermique, d’une maladresse de tous les instants ou presque, bourré de petits pains qui, en s’additionnant, constituent l’entrepôt d’une grosse boulangerie industrielle – avec la même saveur.

 

Mais le pire, dans tout ça – et là, ouais, vous allez dire que je suis gonflé, vu mes articles –, c’est la redondance. Mitchel Scanlon se répète en permanence. La moindre information donnée dans le texte y est répétée deux ou trois fois – je vous jure que je n’exagère pas. Pour donner un exemple un peu au pif, pas spécialement tiré d’un passage précis du bouquin mais qui illustre bien le souci, voici : la narration prend ses distances avec Zahariel pour expliquer de manière impersonnelle que les dernières Grandes Bêtes vont être tuées dans l’année ; ensuite un personnage, mettons Luther, explique au jeune Zahariel que les dernières Grandes Bêtes vont être tuées dans l’année ; après quoi Zahariel perdu dans ses pensées songe que les dernières Grandes Bêtes vont être tuées dans l’année. C’est peu ou prou systématique, oui. Et infernal, à ce stade.

 

Mathématiquement, le roman aurait ainsi pu et dû être écourté des deux tiers au bas mot. Il aurait alors constitué une novella un peu fade au regard de son propos initial, mais raisonnablement lisible. Descent of Angels est hélas interminable, et d’une lecture très pénible.

 

Un mauvais cru, donc – très mauvais : le pire roman Warhammer 40,000 que j’aie lu jusqu’à présent, et de loin.

 

Le septième tome de la série est Legion, de Dan Abnett – les retours sont assurément plus enthousiastes ; nous verrons bien, d’ici quelque temps…

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Fulgrim, de Graham McNeill

Publié le par Nébal

Fulgrim, de Graham McNeill

McNEILL (Graham), Fulgrim: Visions of Treachery, Nottingham, Games Workshop – Black Library, coll. Warhammer 40,000 – The Horus Heresy, [2007] 2013, [édition électronique]

Chose promise, chose due : je reviens (bourrinement) aux romans Warhammer 40,000, et, après l’expérience assez peu concluante (mais qui sera tout de même poursuivie) de First and Only de Dan Abnett, dans la série des « Fantômes de Gaunt », c’est bien cette fois à « L’Hérésie d’Horus » que je reviens, avec son cinquième tome, Fulgrim, signé Graham McNeill – qui avait en son temps commis le tome 2, Les Faux Dieux, jusqu’alors celui que j’avais préféré. Fulgrim, dans sa lignée, m’a fait l’effet d’une bonne voire très bonne pioche – surtout après un quatrième tome, La Fuite de l’Eisenstein, de James Swallow, tout de même passablement faiblard.

 

Ceci étant, Fulgrim n’est pas pour autant sans défauts – car il est trop long ; à l’époque de sa sortie, c’était d’ailleurs clairement le plus long roman de la série, mais je suppose que cela a pu changer depuis. Cependant, ayant lu quelques autres retours sur ce roman avant de me lancer dans cette chronique, j’ai l’impression que les autres lecteurs et moi-même, qui identifions tous ce défaut, ne plaçons pas du tout le curseur au même endroit…

 

Fulgrim n’est pas à proprement parler la « suite » des quatre premiers volumes ; comme le quatrième, il opère un retour en arrière, mais il a une dimension plus ample en même temps que plus resserrée, plus épique aussi, en traitant de l’évolution de la légion des Emperor’s Children et de son primarque, Fulgrim donc, sur toute la période couverte par la « trilogie Loken », mais aussi sauf erreur un peu avant et un peu après.

 

Les Emperor’s Children sont une des légions les plus « brillantes » engagées dans la Grande Croisade, et Fulgrim est un des primarques les plus estimés. Sous sa gouverne, les Emperor’s Children sont en quête de la perfection – une véritable obsession, à ce stade… et qui ne sera pas pour rien dans leur perte ; car il s’agit bien, sur plusieurs années, et sur plusieurs théâtres d’opération très divers, de rapporter comment ces soldats d’élite et leur charismatique maître ont succombé aux séductions des Puissances de la Ruine – et, autant le dire d’emblée, ça n’est guère longtemps un mystère, de Slaanesh plus précisément. Le choix de cette divinité hédoniste et cruelle permet, de manière aussi troublante qu’intéressante, d’user de l’art et de la philosophie comme véhicules de la corruption – art et philosophie issus de la vieille Terra comme des xénos… C’est pertinent dans l’optique faf de Warhammer 40,000 – et destiné sans doute à manifester, chez le lecteur moins bourrin que ces personnages nazillonnants (espérons-le), la séduction intellectuelle aussi bien qu’esthétique du Chaos : ce sont tout d’abord les space marines qui lisent et prisent la beauté que nous sommes portés à apprécier – ils nous changent agréablement des brutes lambda, archétypes un peu navrants de la machine de guerre des Astartes. Pourtant, dans l’optique de cet univers, ce sont ces brutes qui ont « raison », en se préservant de toute corruption chaotique (une menace alors pas bien définie, puisque nous en sommes encore au prélude de l’Hérésie d’Horus) ou xénos – on ne doit pas permettre au xénos de vivre ! Ce sont les Solomon Demeter, les Saul Tarvitz… Les militaires droits qui se moquent de l'art et ne sont là que pour massacrer. De fait, les autres légionnaires, artistes et hédonistes, toujours un peu plus, même avec les meilleures intentions du monde, succombent progressivement – ainsi que les « commémorateurs », ces artistes qui accompagnent la légion pour témoigner de sa gloire… On les a régulièrement croisés dans les précédents volumes de la série, mais ils n’ont sans doute jamais été autant à leur place que dans Fulgrim.

 

C’est toutefois un long processus – qui va être déroulé par Graham McNeill au fil de plusieurs théâtres d’opérations. Et c’est au regard de ce processus que mon opinion diffère assez largement de celles d’autres chroniqueurs lus çà et là : pour dire les choses, j’ai apprécié que l’auteur prenne son temps pour illustrer la corruption des Emperor’s Children, sans négliger pour autant les hauts faits aussi braves que répugnants, dans des opérations militaires très bien rendues, très palpitantes ; mais, en dernier ressort, le roman m’a paru s’essouffler quand il a fallu rattacher tout cela aux événements primordiaux de l’Hérésie d’Horus, impliquant la démesure épique – sauf que j’ai alors eu le sentiment d’un auteur épuisé et qui, du coup, épuisait également le lecteur (le Nébal en tout cas) ; finalement, ces grandes batailles finales m’ont donc bien moins parlé et transporté que celles qui précédaient, d’une ampleur assurément moindre, d’une portée dramatique sans doute bien moindre également, et pourtant narrées avec beaucoup plus d’astuce et de brio.

 

Il s’agit en l’espèce de trois théâtres d’opérations, très divers dans leurs implications. Le premier voit les Emperor’s Children s’en prendre aux Laers, une espèce xénos très étrange, et qui oppose aux space marines une résistance inattendue. C’est bel et bien le point de départ de la corruption de la légion et de Fulgrim, car un « temple » farouchement défendu y abrite des merveilles artistiques, musicales notamment (un bon point !), qui fascinent et contaminent invariablement tous ceux qui y sont confrontés, en même temps que l’apothicaire Fabius Bile, intrigué par l’ingénierie génétique des Laers, décide de se livrer à quelques expériences sur cette base, avec des Emperor’s Children pour cobayes… Il les corrompt littéralement avec du matériau génétique xénos ! Qui a besoin d'une métaphore, à ce stade...

 

Le caractère de guerre d’extermination, dans le cas des Laers, est très appuyé – mais il connait des variantes saisissantes dans le deuxième théâtre d’opérations, qui oppose les Emperor’s Children et la légion amie des Iron Hands, avec à sa tête le primarque Ferrus Manus, au Diasporex, une civilisation issue de la vieille Terra, avant même semble-t-il le Moyen Âge Technologique, car vivant toujours dans un ensemble d’arches stellaires – ces humains-là ont entre-temps frayé avec des xénos, ce qui justifie sans l’ombre d’un doute, pour les space marines, la nécessité absolue de les exterminer tous autant qu’ils sont ; autant pour la bienveillante libération des humains égarés qui est supposée constituer la raison d’être de la Grande Croisade. Quoi qu’il en soit, cela permet à Graham McNeill de mettre en scène une chouette bataille spatiale (abordage inclus), mais aussi d’introduire un thème fondamental du roman – l’amitié, bah, disons la bromance, entre Fulgrim et Ferrus Manus ; qui n’est pas sans comporter des agacements réciproques, sous le vernis camarade pue-la-sueur-et-la-testostérone… Cela sera bien sûr crucial pour la suite des événements : à ce stade, on sait déjà que le point d’orgue (théorique...) du roman consistera en une lutte à mort entre les deux primarques ; or Ferrus Manus est une brute, là où Fulgrim, à ce moment du roman, se découvre esthète…

 

En témoignera le troisième théâtre d’opérations, nouvelle étape cruciale dans la corruption de Fulgrim et des Emperor’s Children : des mondes (presque) vierges, d’une beauté sidérante – telle que le primarque, ému aux larmes, décide de ne pas les ouvrir à la colonisation/exploitation, ce qui est pourtant sa tâche (il suscite dès lors l’incompréhension outrée de ses soldats les moins corrompus, Solomon Demeter et Saul Tarvitz). Mais ces mondes ne sont pas totalement vierges, ils sont en fait sous la surveillance des eldars du vaisseau-monde Ulthwé… Ce n’est pas la première rencontre entre humains et eldars, mais les deux espèces se connaissent encore très mal. Le Grand Prophète Eldrad Ulthran a prédit l’Hérésie d’Horus – et le comportement étonnamment ouvert de Fulgrim (en fait un stigmate de sa corruption, ce dont pouvaient se douter ces eldars « responsables » de l’apparition de Slaanesh) l’incite à tenter le tout pour le tout, en organisant une rencontre au cours de laquelle il lui révèle le pot aux roses. Bien sûr, le primarque réagit très mal : Horus ne ferait jamais une chose pareille ! La rencontre dégénère en escarmouche, pas dépourvue cela dit de moments épiques – à vrai dire, l’affrontement avec le Seigneur Fantôme Khiraen Heaume d’Or m’a probablement davantage impressionné que celui, alors encore à venir, entre les primarques des Emperor’s Children et des Iron Hands.

 

Jusqu’ici, à mes yeux, c’était un quasi sans fautes – un space op’ militaire mais pas bœuf, bien conçu, avec un fond, une âme, outre des scènes de batailles très bien gérées, très palpitantes ; une cerise sur le gâteau : en face des bolters de la légion, des civilisations xénos (ou pas tout à fait dans le cas du Diasporex) bien typées et tout à fait intéressantes. C’est long, oui, mais c’est bon.

 

Ensuite… Eh bien, ça m’a beaucoup moins parlé. La corruption de Fulgrim devient bien plus franche, très vite – et sans doute trop. La séquence orgiaque qui constitue l’aboutissement des travaux dégénérés des commémorateurs, en face d’un public militaire étonnamment esthète, ou plutôt avec lui, produit un tableau halluciné pas vraiment attendu dans un roman Warhammer 40,000, mais intéressant ; Fulgrim lui-même, toutefois, est trop facilement embrigadé dans les rangs de l’Hérésie d’Horus, comme tous ceux de ses pairs qui succombent, et, à ce stade, Graham McNeill me paraît achopper un peu sur cette difficulté typique de cet univers faf, qui transmute invariablement la déviance louable (selon nos critères libéraux, ou en tout cas les miens) en maléfice infâme (selon les critères propres à l'univers de Warhammer 40,000).

 

Le reste… C’est la grande histoire – les pièges sur Isstvan III et Isstvan V, le tournant révélateur de l’Hérésie d’Horus. Cela devrait être démesuré, épique, tétanisant, révoltant… Mais, non, ça ne m’a pas emballé plus que ça. Peut-être parce que l’auteur était alors beaucoup plus contraint par sa « bible » ? J’ai eu l’impression qu'il était un peu épuisé, oui… Il y a de bons moments – des trahisons impardonnables, des mutations terrifiantes, des actes de bravoure à la mesure des méfaits odieux. Et, oui, le combat entre Fulgrim et Ferrus Manus, certes… Mais sa résolution tragique ne m’a pas touché autant qu’elle l’aurait dû. Et, encore une fois, les scènes de batailles antérieures, pourtant bien moins épiques, m’ont fait l’effet d’être bien plus palpitantes. Incomparablement, à vrai dire. Cela doit sans doute, au moins pour partie, à la démesure des affrontements du système Isstvan, certes : on ne peut pas tout dire, il faut laisser le champ libre à d'autres auteurs, dans d'autres livres...

 

Ceci dit, même dans cette dernière centaine de pages un peu poussive à mon goût, le résultat reste plus qu’honorable – meilleur que First and Only en ce qui me concerne. Et, dans ce qui précède, il y a vraiment des trucs très bien ; pas seulement pour les amateurs de Warhammer 40,000, j’entends – dans la catégorie space op’ baston-mais-pas-con, ça me fait l’effet d’être dans le très haut du panier.

 

Et ça m’incite à noter sur mes tablettes le nom de Graham McNeill – parce que, du coup, sur la base des seuls six romans Warhammer 40,000 que j’ai lus, c’est certes peu, je me dois de relever qu’il a commis les deux qui m’ont le plus emballé pour l’heure (celui-ci et, antérieur, Les Faux Dieux, donc). Il y a peu, un camarade me disait que Dan Abnett était l’auteur qui avait le mieux compris et intégré cet univers ; c’est possible sur le long terme, mais, pour l’heure, me concernant, c’est bien Graham McNeill qui a su le mieux mettre en scène les ambiguïtés morales de cet univers cauchemardesque,  un point qui m'intéresse tout particulièrement, sans négliger le moins du monde les batailles et l’action pour autant, et sans non plus succomber aux facilités d'une écriture « professionnelle » (contrairement à First and Only, donc, par exemple) et distanciée.

 

Suite des opérations ? D’abord Ghostmaker, de Dan Abnett, dans la série des « Fantômes de Gaunt » ; et, concernant « L’Hérésie d’Horus », ce sera Descent of Angels, de Mitchel Scanlon… dont je n’ai entendu dire que du mal. Absolument partout. Pas sûr d’aller jusqu’au bout, dans ces conditions – mais ça ne me dissuadera pas de lire la suite a priori, car je sais qu’on y trouvera çà et là des romans tels que ce Fulgrim, certainement pas parfait mais tout de même bougrement enthousiasmant et qui remplit très bien son office.

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