Les Filles mortes se ramassent au scalpel, de Gudule
GUDULE, Les Filles mortes se ramassent au scalpel, Paris, Bragelonne, coll. L’Ombre de Bragelonne, 2009, 701 p.
Hop, ma chro de ce deuxième tome de l’intégrale des romans fantastiques de Gudule après Le Club des petites filles mortes est à lire (ou pas) sur le beau site du Cafard cosmique. Je la reproduis ici au cas où...
Sous ce titre improbable, au double jeu de mots scandaleux, se cache le deuxième tome de l’intégrale des romans fantastiques de Gudule, ou Anne Duguël, après l’indispensable Club des petites filles mortes. Un beau volume comprenant à nouveau huit courts romans, dont deux inédits (et un « quasi-inédit »…). Autant de cinglants et cruels cauchemars, dont on attend le plus grand bien après la réussite incontestable du premier volume. Hélas, le niveau n’est pas vraiment le même.
On peut d’ores et déjà évacuer très vite les deux inédits, franchement décevants. Poison, qui ouvre le recueil, est un polar passablement raté dans le milieu de la pornographie (très soft, cela dit). L’intrigue, lourde de rebondissements, ne se montre pas franchement crédible (euphémisme), et la forme trop adolescente tranche maladroitement sur le fond adulte. Dommage…
L’autre inédit, le très bref Les Transfuges de l’enfer, qui prend la forme d’une courte pièce de théâtre en deux actes, ne convainc pas beaucoup plus : ce récit de science-fiction n’est pas sans intérêt, mais son style bancal et sa précipitation donnent une fâcheuse impression d’inachevé.
On y préférera largement Un amour aveuglant, le « manuscrit maudit » de Gudule (elle revient sur sa complexe histoire éditoriale, qui en fait un « quasi-inédit », dans un avant-propos). Cette fois, l’auteur retrouve, dans les passages contemporains tout du moins (les flashbacks ayant peut-être un peu souffert des réécritures), la justesse et la cruauté des plus belles réussites du Club des petites filles mortes, avec son héroïne adolescente et ses phantasmes juvéniles. Le roman n’en est pas moins bancal, et un peu gratuit par endroits…
À s’en tenir à ces trois textes, le bilan ne serait donc guère positif. Heureusement, les autres romans sont dans l’ensemble bien meilleurs, quand bien même on ne retrouve véritablement Gudule au sommet de sa forme que dans une seule occasion : le superbe Petit Théâtre de brouillard, récit d’une petite vieille atteinte d’Alzheimer et qui retombe en enfance. Or il n’y a rien de plus cruel qu’une petite fille… Un vrai petit chef-d’œuvre, horrible et intelligent, ménageant un terrible crescendo dans l’atrocité. Ce texte brillamment conçu, à vrai dire, aurait sans doute été davantage à sa place dans Le Club des petites filles mortes}, dont il retrouve la très grande qualité.
Le reste n’est pas aussi marquant, mais pas dénué d’intérêt non plus. L’Innocence du papillon, ainsi, se lit fort bien, et on se prend au jeu de cette femme remodelant son époux dans ses rêves orgasmiques. Il en va de même pour L’Asile de la mariée, récit de SF horrifique dont le héros est un enfant (décidément ce qui réussit le plus à Gudule). Rien d’exceptionnel, cela dit.
Les deux romans restants sont plus intéressants : Bloody Mary’s Baby (avec à nouveau un enfant pour « héros ») traite assez intelligemment de la psychose actuelle concernant la pédophilie ; Géronima Hopkins attend le père Noël, enfin, séduit de par son héroïne, sorte de Barbara Cartland machiavélique marquée à vie par un traumatisme enfantin.
Mais cela ne change rien à l’essentiel : si l’on excepte l’excellent Petit Théâtre de brouillard, qui vaut franchement le détour, le menu proposé par ce second tome n’est pas aussi gouleyant que celui du Club des petites filles mortes. Les amateurs de Gudule ne seront probablement pas déçus, mais les autres pourront passer leur chemin sans regrets excessifs, et se contenter du premier volume…
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