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Japon ! Panorama de l'imaginaire japonais, de Julie Proust Tanguy

Publié le par Nébal

Japon ! Panorama de l'imaginaire japonais, de Julie Proust Tanguy
Japon ! Panorama de l'imaginaire japonais, de Julie Proust Tanguy

PROUST TANGUY (Julie), Japon ! Panorama de l’imaginaire japonais, Bordeaux, Les Moutons Électriques, 2018, 464 p.

(Et qui c’est c’est qui qui a égaré ses notes ? C’eeeest Nééébaaaaaaaaaaaal ! Putain…)

 

Japon ! Panorama de l’imaginaire japonais est un gros « beau livre » (j’y reviendrai...) publié par les Moutons Électriques au travers d’un financement participatif – soit une méthode devenue tellement courante chez cet éditeur qu’elle en est presque systématique, ce qui m’ennuie quand même un chouia.

 

Le sujet m’intéressait, forcément, et j’ai craqué – à ceci près que le sujet… eh bien, s’avère ne pas correspondre tout à fait, voire du tout, à ce à quoi je m’attendais. Disons que j’ai été leurré par le titre : le mot « imaginaire », chez un éditeur de littératures de l’imaginaire (SFFF si vous prisez les acronymes), disons qu’il avait ses connotations qui me parlaient tout particulièrement. Seulement voilà : cet « imaginaire » doit être entendu au sens large – beaucoup plus large : c’est au fond la culture japonaise qui est ici envisagée (ou qui est censée l'être, car il y a des biais conséquents, j'y reviendrai), avec plein de développements qui n’ont absolument rien à voir avec la SFFF – sur la gastronomie, par exemple, ou l’érotisme, mais aussi bien le vieillissement de la population, les arts martiaux, la figure de la lycéenne, celle du yakuza, « le Japon entre traditions et modernité », ce genre de choses. Je suppose toutefois que je ne peux pas vraiment blâmer l’éditeur ou l’autrice, ici : si je m’étais renseigné un peu plus avant de souscrire, peut-être aurais-je alors perçu ce que le mot « imaginaire », ici, signifiait au juste. Il n’en reste pas moins que ç’a été d’emblée une petite déconvenue.

 

D’autant que ce prisme assez large, en apparence tout du moins, a un côté « Le Japon pour les nuls » un peu ennuyeux, parfois. De fait, les bouquins sur la culture japonaise « en général » ne manquent pas, les meilleurs comme les pires, et celui-ci, sans je crois faire partie des pires, ne fait certainement pas partie des meilleurs. L’analyse est régulièrement assez approximative, et emprunte un certain nombre de clichés, en prétendant justement les dépasser. Et l’enthousiasme de l’autrice, tout en qualificatifs extatiques et parfois points d’exclamation, vient contrebalancer une objectivité de façade qui ne trompe pas bien longtemps. Selon les sujets traités, cela fonctionne plus ou moins…

 

À vrai dire, parfois, le volume pâtit d’un côté un peu « touristique » à cet égard – pas certes au même plan que dans Le Guide géographique des otaku, petite, euh, « brochure » bonus issue du financement participatif, et qui proposait des itinéraires touristiques, avec indications de trajet, d’horaires, de coûts, etc., qui auraient pu figurer dans un Lonely Planet, mettons ; mais bon, pourquoi pas… Après tout, je n’ai moi-même jamais mis les pieds au Japon, ça ne fait pas exactement de moi quelqu’un de particulièrement qualifié pour trouver à y redire de quelque manière que ce soit. Reste que, dans certains chapitres de ce Panorama, le côté « touriste » ressort à fond, et se montre assez pénible : les pages consacrées à la bouffe, tout spécialement, sont édifiantes à cet égard.

 

Et elles souffrent d’un travers assez récurrent dans cet ouvrage : le lexique japonais abondant, et pas toujours bien employé, et parfois même erroné (les coquilles ne manquent pas), balancé façon bombardement dans une énumération par le menu (aha) de plats, comme plus loin de termes techniques liés aux voies du samouraï ou du ninja, etc. Ce qui généralement ne sert pas à grand-chose, et donne plus qu'à son tour l’impression d’un remplissage tenant pas mal du cache-misère – ces paragraphes saturés d’italiques ne vous apprendront absolument rien d’utile.

 

Mais justement : le caractère assez « généraliste » de l’approche est en même temps contrebalancé par une approche « otaku » assez franche, et qui biaise plus qu’à son tour l’analyse, tout particulièrement – eh – quand c’est « l’imaginaire », au sens où je l’entendais à première vue, qui est enfin traité (mais pas que, loin de là). De fait, passé le long chapitre « Monogatari » qui introduit l’ouvrage, plus ou moins un fourre-tout de tout ce qui a fait la culture littéraire et artistique du Japon, disons jusqu’à la Seconde Guerre mondiale,  même si ça dépasse régulièrement, « l’imaginaire » devient le domaine réservé des mangas, des animes, et même des goodies et du merchandising en général, avant les jeux vidéo. Le reste ? La littérature et le cinéma, tout spécialement, ne sont alors plus guère traités, et, quand ils le sont, c’est le plus souvent de manière assez superficielle. Je suppose, dès lors, qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que le chapitre consacré à « l’imaginaire scientifique », par exemple (encore qu'ici les mangas et les animes ont certes leur mot à dire), soit aussi lapidaire, et lacunaire, tandis que le fantastique et l’horreur n’ont droit qu’à quelques paragraphes égarés dans des ensembles plus vastes, et plus lacunaires encore. Ceci étant, cette dimension « otaku » dépasse assurément le seul « imaginaire » au sens SFFF – prenez le chapitre sur la musique contemporaine (oui) : passé la J-Pop, point de salut !

 

(Dit-il en allant nettoyer ses oreilles dégoulinantes de sucre à coup de Merzbow.)

 

(Après avoir lu dans cet ouvrage que Kraftwerk était connu pour leurs tubes des années 1980, et que The Prodigy étaient des pionniers de la musique électronique. Oh...)

 

Tout ceci n’est donc guère convaincant. Oh, j’y ai appris plein de trucs, hein, je ne prétendrai pas le contraire ! Et c’était bien pour cela que j’avais participé au financement de cet ouvrage. Seulement… Eh bien, dans les quelques domaines où mon ignorance n’est pas totale, j’ai quand même eu le sentiment d’une analyse plus superficielle qu’elle n’en a l’air, et plus qu’à son tour approximative. Certaines interprétations me paraissent simplistes, mais je suppose que c’est à débattre – encore une fois, je ne suis pas le plus qualifié pour contester telle assertion ou telle autre. Mais j’ai régulièrement eu l’impression d’une analyse « à distance », empruntant à des ouvrages de seconde main (ce que commet votre serviteur, hein).

 

Plus ennuyeux, en un nombre non négligeable d’occasions, je suis tombé sur des erreurs pures et simples – j’entends par-là des erreurs factuelles, pas des interprétations contestables. Comme un con, j’ai égaré mes notes, et n’ai plus forcément tant d’exemples en tête, mais je peux tout de même avancer que, dans l’immense majorité des cas, l’autrice n’a pas lu, vu, etc., les œuvres dont elle parle ; c’est bien évidemment inévitable au regard de la masse énorme des œuvres traitées, et pas toujours problématique dans l’absolu, mais quand les erreurs à leur propos se multiplient, eh bien, ça se voit. Par exemple quand l'autrice fait du Dit de Heichû un récit épique comme les dits de Hôgende Heiji ou des Heiké. Ou, dans un autre registre, quand elle attribue aux moines au biwa (qu'on n'appelle pas ainsi pour rien !) interprétant lesdits récits épiques, un bien plus encombrant koto. Ou encore quand elle cite, et à plusieurs reprises, Umezu Kazuo, non pour ses mangas, mais pour leurs adaptations cinématographiques, en en faisant le réalisateur (et en faisant l'impasse sur les BD). Même en mettant de côté des erreurs qui sont peut-être avant tout des maladresses dans l'expression (par exemple, du fait d'une apposition peut-être, Le Tombeau des lucioles est d'abord présenté comme traitant du « traumatisme d'Hiroshima », si, ultérieurement, l'autrice rapporte bien que son point de départ est le bombardement de Kôbe), dans bien des cas les références avancées sont tout simplement erronées.

 

(Et ces erreurs ne concernent donc pas que le Japon, voyez les exemples musicaux européens précédemment cités.)

 

Tout cela n’est donc guère satisfaisant – et clairement pas à la hauteur du projet. Hélas, il y a une dernière dimension à mettre en avant, et pas moins navrante : ce « beau livre »… n’est pas très beau. Les photographies sont très inégales, le meilleur côtoie le pire, ce qui inclut des clichés baveux (ici l’impression est peut-être en cause – le papier glacé est agréable au toucher, mais ce côté baveux est tout de même très récurrent) ou d’un flou qu’on n’osera certainement pas qualifier d’artistique. Régulièrement, le bouquin a recours à la très mauvaise idée de glisser des photographies à l’arrière-plan du texte – ce qui rend, et les photographies, et le texte, peu ou prou illisibles. Les légendes de ces photographies se contentent d’avancer un titre en italiques, et parfois hermétique, et le nom du photographe (généralement l’autrice ou Morgan Thomas) ; aussi ne comprend-on pas toujours ce qui est photographié au juste… D’autant que ces photographies, de manière générale, ne renvoient pas toujours, et même pas le moins du monde, pour certains sujets traités, au texte en regard ! Bon, je suppose que ces critiques concernant les photographies sont parfois subjectives…

 

Mais j’ajouterai que la maquette est franchement dégueulasse ! Pour un « beau livre », c’est quand même ennuyeux… Et, comme dit plus haut, les coquilles ne manquent pas, dans un texte français insuffisamment relu (et la plume de l’autrice est globalement assez lourde, par ailleurs, qui sature son propos d’adjectifs parfois incongrus, tout spécialement quand c’est l’enthousiasme qui parle), parfois dans le lexique japonais ou les noms des œuvres originales (aussi bien que des artistes, en fait : « Akira Kurozawa », « Ozamu Tezuka »…), qui n’ont probablement pas été relus.

 

Japon ! Panorama de l’imaginaire japonais, même en prenant en compte que la méprise quant au sujet traité ne tient qu'à moi et ne saurait légitimer un reproche pertinent, s’avère hélas un ouvrage très décevant bien au-delà. Pas inintéressant dans l’absolu, mais mal branlé et trop souvent approximatif ; pas outrancièrement mauvais, mais au mieux médiocre. Clairement pas à la hauteur du projet. Que ça me serve d’avertissement…

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Les Derniers Jours du Nouveau-Paris, de China Miéville

Publié le par Nébal

Les Derniers Jours du Nouveau-Paris, de China Miéville

MIÉVILLE (China), Les Derniers Jours du Nouveau-Paris, [The Last Days of New Paris], roman traduit de l’anglais par Nathalie Mège, Vauvert, Au Diable Vauvert, [2016] 2018, 254 p.

China Miéville ? Ça faisait un bail que je n’en avais plus rien lu… En fait, depuis The City & the City, ah oui tout de même. Je m’étais promis de poursuivre le « cycle du Bas-Lag », après avoir beaucoup aimé Perdido Street Station et adoré Les Scarifiés, mais ça ne s’est pas fait, pas plus que je n’ai lu… eh bien, quoi que ce soit d’autre de l’auteur depuis. Il faut dire que les retours portant sur ses ouvrages postérieurs n’étaient à vue de nez pas forcément très enthousiasmants, de manière générale (à part peut-être pour ce qui est de Légationville ? Peut-être ?) ; l’auteur, qui avait si brillamment commencé, semblait avoir quelque peu perdu de son aura…

 

Et c’est finalement avec Les Derniers Jours du Nouveau-Paris, un court roman traduit Au Diable Vauvert (comme Lombres en son temps, mais en France China Miéville était et est plutôt un abonné du Fleuve), que je retente l’expérience – un bouquin relativement bref, donc, que l’auteur lui-même (ou pas ?) qualifie de « novella » à vrai dire, ce qui serait sans doute quelque peu excessif, même selon les standards d’un pondeur de pavés comme, encore une fois, Perdido Street Station ou Les Scarifiés. Problème : je savais pertinemment qu’il n’avait pas très bien été accueilli… Et je me souvenais notamment d’avoir parcouru une recension assez sévère de nul autre que Christopher Priest himself. Mais j’étais quand même curieux, que voulez-vous...

 

Ne serait-ce que parce que l’idée de base était plutôt séduisante ? De fait, Miéville sait faire dans les concepts accrocheurs – ce qui vaut pour les trois autres romans que j’en ai lu, même si probablement d’abord et avant tout pour The City & the City. Ici, il nous sort un truc particulièrement bizarre – un monde dans lequel la Seconde Guerre mondiale s’est prolongée au moins jusqu’en 1950 (OK), en tout cas dans un Paris coupé du reste du monde depuis qu'il a été chamboulé et redéfini par l’explosion d’une bombe S qui a matérialisé les créations délirantes des surréalistes, oui, ceux-là mêmes, ces « manifs » se frittant avec les nazis qui font quant à eux appel à des démons (allons bon).

 

Le roman alterne deux époques : l’essentiel et de loin se déroule donc dans ce contexte très bizarre, le Stalingrad dément du Nouveau-Paris relooké par André Breton et son abondante et excessive clique, où Thibaut, un résistant unique en son genre (et pas très copain avec les gaullistes, on fait la Révolution ou on ne la fait pas), Thibaut donc, le dernier de la Main à Plume, survit sans plus d’objet dans un environnement absurde en même temps que sanglant. Il fait bientôt la rencontre de Sam, une… artiste ? espionne ? qui ne devrait en tout cas pas se trouver ici ; ensemble, ils parcourent la ville folle, traquant plus ou moins une inévitable arme secrète des nazis, mais passant bien plus concrètement d’une « manif » à l’autre (en prenant notes et photographies, c'est gentil de nous documenter tout ça), et takatak boum les Schleus et les démons (et l’art massif et massivement terne d’Arno Breker).

 

L’autre trame, bien moins développée, se déroule dix ans plus tôt, du côté de Marseille essentiellement, où le groupe surréaliste central s’est délocalisé pour fuir l’occupation. Là, Breton et compagnie jouent à des jeux débiles, c’est là leur forme de Résistance, l’art se revendiquant dégénéré opposant sa liberté absolue à la brutalité nazie, la fausse futilité au service de la Révolution. Et c'est tout ? Cela agace considérablement un curieux bonhomme qui se voudrait bien davantage proactif, Jack Parsons, un Américain prisant aussi bien la science de pointe et notamment les fusées, en alternative sans uniforme à Wernher von Braun, que l’occultisme à la sauce Aleister Crowley – et on y devine sans peine l’origine très concrète de la bombe S.

 

L’idée est suffisamment dingue, et grotesque, pour être bonne – du moins dans les grandes largeurs, c'est ce qui renvoie au surréalisme qui est bon : les nazis qui copinent avec les démons, c’est autrement banal, et je ne suis pas persuadé que ça se mêle bien au reste, la sauce ne prend pas toujours. Mais, ceci mis à part, l’idée centrale, surtout, suscite sans peine un imaginaire débridé, riche en images folles en même temps que fortes, et que la plume de l’auteur, et/ou la traduction de Nathalie Mège, servent plutôt bien – en fait, c’est quand le roman s’abandonne au délire, aux confluents de l’écriture automatique forcément, qu’il fonctionne le mieux, autant dire quand il louche sur le poème en prose, alignant cadavres exquis au sens le plus littéraire ou artistique et authentiques cadavres probablement un peu moins exquis, réifiés sous les yeux terrifiés des protagonistes, car on ne s’habitue jamais vraiment au non-sens du Nouveau-Paris.

 

Le problème, c’est que China Miéville… eh bien, se plie totalement à sa caricature – cette critique qu’on lui a souvent adressée, parfois à bon droit, parfois (je le crois, du moins) à tort : il a de bonnes idées, des idées fortes, mais ne sait pas en dériver d’intrigues qui tiennent la route. Et, de fait, The City & the City, même si j’ai beaucoup aimé ce roman, n’était probablement pas tout à fait à la hauteur de son postulat proprement génial. Ma première lecture de l’auteur, Perdido Street Station, était affectée d’un travers du même ordre, mais je dois dire que j’avais eu tendance à retourner la proposition, quant à moi : l’univers était tellement bon qu’il suffisait à m’emballer, et j’en venais presque à regretter que China Miéville, tardivement, ait jugé bon, malgré tout, de raconter une histoire, une concession sans vrai enthousiasme, voire sans vraie compétence… Mais Les Derniers Jours du Nouveau-Paris ? La folie grotesque de cet univers ne saurait avoir la cohérence foisonnante du Bas-Lag, et, passé quelques effets de manche, nous ne sommes plus guère surpris jusqu’à la fin. Quant à l’intrigue, disons-le, elle ne vaut absolument rien (et sa résolution passablement grotesque ne satisfera probablement personne) ; les déambulations de Thibaut et Sam dans les arrondissements parisiens virent bien vite au catalogue de « manifs », en même temps que les combats se poursuivent sans cesse, dénués d’âme – et la sauce ne prend absolument pas. Honnêtement, les chapitres de 1940 sont en fait ceux qui s’en tirent le mieux à mes yeux : c’est moins fou, forcément, mais on a tout de même parfois l’impression que l’auteur a quelque chose à nous raconter…

 

Dix ans plus tard, on n’a hélas plus guère qu’un catalogue d’exposition agrémenté de takatak boum. Les notes en fin de volume en rajoutent dans cette dimension (même si j’aurais pesté, sans doute, si je n’avais pas pu m’y référer). Miéville compulse ses histoires du mouvement surréaliste, et s’applique à reproduire les œuvres avec ses mots ; cela fonctionne peut-être au début, mais, assez rapidement, l’exercice devient laborieux, trop démonstratif, trop propre et trop servile quand c’est la liberté irrépressible de l’inconscient qui devrait triompher. Et les clins d’œil amusants virent aux clins d’œil pénibles, à la science qui s’étale gratuitement, comme du mauvais Alan Moore mais en bien plus agaçant, et le constat est sans appel : tout cela est, oui, parfaitement dénué d’âme.

 

(Y compris, d’ailleurs, dans la dimension politique, engagée, à laquelle l’auteur est notoirement attaché… Ici, je sauverais au mieux l’incompréhension de Jack Parsons, qui pourrait être l’auteur je suppose, face à la futilité de la « résistance » ludique et frivole des surréalistes de Marseille, puis la contamination exercée par cette idée, débouchant sur la bombe S. Ce qui devrait être, plus encore que le moteur du roman, le moteur de l’histoire, dans l’idée – mais il n’y a pas d’histoire.)

 

Ce manque d’âme vaut pour le Nouveau-Paris en général, et pour les protagonistes : Thibaut et Sam sont tristement creux – la ville, en fait, devrait être le protagoniste principal, le Nouveau-Paris devrait (forcément ?) répondre à la Nouvelle-Crobuzon, tout autant à Besźel, voire à Armada… China Miéville, c’est ça, au fond, et sa bibliographie en témoigne presque systématiquement, dès les titres le plus souvent : des villes folles, qui sont des personnages, les vrais personnages, ceux qui importent le plus – quand ces personnages brillent vraiment, ils se passent très bien de personnages plus conventionnels, aussi bien que d’intrigues ; seulement, ici, cela ne fonctionne pas. Nous n’avons rien d'autre qu’un catalogue de musée, absurdement terne, et des fusillades en guise de liant qui ne lie absolument rien.

 

Notez, je ne me suis pas forcément ennuyé à la lecture de ce roman : il ne fonctionne pas, en ce qui me concerne, mais il est plus médiocre que mauvais – c’est à se demander, cependant, si cela n’est pas pire, d’une certaine manière, avec un postulat pareil… Mais, oui, c’est certain, il ne fonctionne pas – et parce que le Nouveau-Paris ne brille pas, la vacuité des personnages ressort d’autant plus, et parce que l’hommage au surréalisme est trop servile, scolaire et d’une érudition plate, l’absence de véritable intrigue se montre criante et navrante.

 

L’auteur a pu faire tellement mieux…

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Adventures in Middle-Earth : Rivendell Region Guide

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Rivendell Region Guide

Adventures in Middle-Earth : Rivendell Region Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2018, 144 p.

Je poursuis l’exploration de la gamme d’Adventures in Middle-Earth, cette fois avec le Rivendell Region Guide, transposition D&D5 du supplément Fondcombe pour L’Anneau Unique – et, à l’instar de son prédécesseur, ce supplément de contexte et de règles est intimement lié à un recueil de scénarios, en l’espèce Eriador Adventures, transposition des Vestiges du Nord, et j'y reviendrai plus tard.

 

Or j’avais chroniqué en leur temps ces deux suppléments de manière assez détaillée (surtout Les Vestiges du Nord, certes) – et les différences entre les deux gammes, système mis entre parenthèses car je ne me sentirais pas encore très bien de le critiquer de manière approfondie, ces différences donc ne justifient pas fondamentalement une « nouvelle » chronique, « nouvelle » de bout en bout. En fait de différences, il n’y a probablement que trois choses à mettre en avant : tout d’abord, un ajout, en toute fin de volume, avec un chapitre intitulé « A Barren and Pathless Country », addition très bienvenue visant à personnaliser les événements tirés sur les tables de voyage – en notant, c’est important, que les suggestions contenues dans ces pages prennent souvent Eriador Adventures pour base, et il faudra donc sans doute y revenir en traitant de cet autre supplément. Ensuite, en dehors de cet ajout, il nous faut relever au rang des différences deux « absences »… qui n’en sont en fait pas vraiment : en effet, si la culture héroïque des Rôdeurs du Nord ne figure pas dans ce supplément… c’est tout simplement qu’elle apparaissait dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth dès le Player’s Guide ! De même, les règles de création d’objets magiques, qui étaient un apport essentiel du supplément Fondcombe dans la gamme de L’Anneau Unique, sont ici à vue de nez moins détaillées ou inédites, pour la simple raison que le Loremaster’s Guide comprenait déjà un système développé à cet égard (ce qui ne suffit pas à régler totalement la question : les chapitres dédiés aux objets magiques et aux armes et armures légendaires dans le Rivendell Region Guide demeurent assez amples, car il faut traiter des règles sur les jets pour trouver des objets magiques, de celles sur les objets maudits, du principe de l’index et de son illustration…). Mais, pour tout le reste, c’est bien de transposition qu’il s’agit.

 

Le Rivendell Region Guide ne couvre pas que Fondcombe, bien sûr – la demeure cachée d’Elrond le Demi-Elfe est assurément un endroit important et même probablement crucial pour les héros, qui ne trouveront en principe guère d’autres sanctuaires dans le coin, mais le supplément couvre plus globalement l’Eriador oriental : nous avons franchi les Monts Brumeux qui marquaient la frontière occidentale de la gamme jusqu’alors, et envisageons désormais le pays qui s’étend à l’ouest jusqu’à Bree (cette ville et ses environs immédiats ne sont toutefois pas décrits ici, mais réservés pour un autre supplément, déjà sorti semble-t-il – quand je le lirai, ce sera la première fois que je me pencherai sur un supplément d’Adventures in Middle-Earth sans avoir lu au préalable « l’original » dans la gamme de L’Anneau Unique), au nord jusqu’aux Monts d’Angmar, et au sud jusqu’aux ruines de Tharbad.

 

Et il faut bien prendre en compte un aspect fondamental de la région ici dépeinte : elle est en fait bien plus « sauvage », incomparablement plus, que les Terres (pourtant dites) Sauvages à l’est des Monts Brumeux ; en effet, si la Forêt Noire au cœur de la région jusqu’ici dépeinte n’était certes guère propice à l’établissement des « Peuples Libres du Nord », l’Ombre y planant de nouveau et les araignées rôdant entre les arbres, on trouvait cependant çà et là des foyers de « civilisation » (certes, le terme est parfois un peu fort…) de part et d’autre – dans la vallée de l’Anduin à l’ouest et surtout, à l'est, dans les environs du Mont Solitaire, avec Dale et la Ville du Lac en redescendant vers le sud, non loin du Palais de Thranduil à la lisière nord-est de la Forêt Noire. La situation est tout autre dans l’Eriador oriental ; c’est bien simple : entre Bree à l’ouest et Fondcombe à l’est, il n’y a peu ou prou… rien. Aucun centre urbain de quelque taille que ce soit ; on évoque bien des fermes, voire des hameaux à l’occasion, mais, pour l’essentiel, nous sommes dans un désert ; et si les Rôdeurs du Nord, héritiers des Dúnedain, l’arpentent sans cesse, et éventuellement de même pour certains Hauts Elfes de Fondcombe, plus rares encore sans doute, le fait est que la région est on ne peut plus sauvage et dangereuse, tout sauf propice à l’établissement des hommes – ou du moins de ceux d’entre eux qui ne succombent pas à l’appel du Mordor… Mais même ces derniers ne peuvent véritablement être rattachés à des centres urbains de quelque importance que ce soit (on déconseillera cependant aux novices de s'aventurer en Angmar). La carte de la région est éloquente à cet égard, qui comprend plusieurs régions, et vastes encore, simplement appelées « terres désertes » (et dont on ne saura rien de plus) ; or les régions nommées et décrites dans le supplément ne sont guère plus peuplées… Si l’ensemble de la région n’est pas qualifié de « sauvage », à l’encontre de ce qui se produit à l’est des Monts Brumeux, c’est sans doute parce que cette zone géographique n’a pas toujours été ainsi : elle a abrité des civilisations importantes, les Elfes d’Eregion s’alliant (outre les Nains de la Moria) aux héritiers de Númenor ayant fondé le royaume d’Arnor, bien vite cependant scindé en trois royaumes concurrents, qui ont succombé progressivement. Les ruines sont partout dans le Nord… à condition de pouvoir les repérer, tant nombre d’entre elles, sous le poids des ans et des assauts des Orques et autres troupes du Roi-Sorcier d’Angmar, ont été peu ou prou réduites à néant. Et la défaite, au bout du compte, du chef des Nazgûl… n’y a en fait rien changé : l’Eriador oriental n’est plus que le reflet désert et déprimant d’une vaine gloire depuis longtemps oubliée… Et, aux araignées géantes de la Forêt Noire, qui formaient une part essentielle du bestiaire de la gamme antérieure pour compléter les inévitables Orques, répondent ici les Trolls, qui ont fait des régions les plus orientales de l’Eriador leur terrain de chasse, tandis que les morts-vivants, d’une espèce ou d’une autre, y abondent plus que partout ailleurs, des sinistres Hauts des Galgals aux inquiétants reliquats de l’Angmar…

 

C’est là la force indéniable et l'éventuelle faiblesse de ce cadre de jeu : il est superbement rendu dans ce supplément, qui met bien en valeur l’ambiance très particulière de cette région maudite ; mais c’est aussi un cadre très rude, plus sauvage encore que les Terres Sauvages, donc, qu’il peut être délicat de mettre en scène, et je suppose qu'il ne se montre pertinent qu’à la condition d’une adversité à la hauteur – même si, à la différence de Fondcombe, et probablement en raison du système D&D5 avec la progression des héros par niveaux, mais aussi, en face, les niveaux de challenge adaptables, etc., le Rivendell Region Guide n’avance pas explicitement que l’Eriador oriental devrait être réservé à des héros ayant déjà beaucoup de bagage (ce qui ressort particulièrement dans le traitement très distinct des « nouvelles » cultures héroïques dans les deux gammes : dans AiME, on pouvait jouer un Dúnedain dès le départ, et un Haut Elfe de Fondcombe « relativement jeune », à la suggestion de ce supplément cette fois, n’est pas absurdement plus puissant que tout autre personnage du même niveau).

 

Le cadre de jeu décrit dans ce supplément fait l’objet de deux chapitres constituant clairement son cœur. Le premier, portant sur l’histoire de l’Eriador, est remarquablement bien fait, d’une lecture passionnante et, en même temps, il transmet bien au lecteur le caractère passablement dépressif associé à la région. Tout au plus émettrais-je une très mesquine et pinailleuse remarque – en fait exactement la même que celle que j’avais formulée en chroniquant Fondcombe : outre la chronologie des événements passés, très bien faite, une autre, même très souple et guère détaillée, portant sur l’époque de jeu, aurait peut-être été utile – à moins certes de se contenter de dire qu'il ne se passe rien dans ce désert, mais ce serait tout de même un peu frustrant... C'est que l’écoulement du temps, dans la gamme, a une importance toute particulière, en collant au canon tolkiénien, et ce supplément précis semble qui plus est couvrir une période immédiatement postérieure à celle de la gamme des Terres Sauvages ; l’agitation de Sauron en témoigne, on aura l’occasion d’y revenir. On n'a pas besoin de quelque chose d'aussi détaillé que dans Mirkwood Campaign, hein ! Mais peut-être est-ce un faux problème et une critique infondée...

 

Le second, et le plus long, de ces chapitres de background, est donc géographique, et décrit l’Eriador oriental, zone par zone. Comme dit plus haut, il y a cependant des « Terres désertes » laissées absolument à la seule imagination du Gardien des Légendes, le cas échéant – ce que je trouve un brin regrettable, tout de même… Mais le reste est très bien fait, en donnant les informations utiles en matière de géographie générale, de faune, etc., et en décrivant aussi quelques « lieux » à visiter (ou à fuir comme la mort…) et des « rencontres » potentielles. Mais, concernant ces dernières, il faut noter une différence essentielle par rapport à la gamme antérieure et tout spécialement au « modèle » du présent supplément, le Rhovanion Region Guide : les PNJ de l’Eriador Oriental ne se contentent pas d’être beaucoup, beaucoup moins nombreux que ceux du Rhovanion (Fondcombe au sens strict étant bien sûr une exception), ils sont aussi incomparablement plus souvent des antagonistes, qu’il s’agisse d’Orques, de Trolls, de Wargs ou de morts-vivants ; les PNJ « positifs » sont vraiment très rares, une Elfe mélancolique ici, un Rôdeur bourru là, et un vieux débris excentrique entre les deux… C’est dans l’ordre des choses, au regard des caractères propres à cette région, mais c’est décidément une dimension sur laquelle il me paraît important d’insister.

 

Pour en finir avec le background pur, revenons brièvement sur le premier chapitre, « Imladris », et qui décrit donc la maison d’Elrond le Demi-Elfe – que l’on peut bien sûr croiser, de même qu’Arwen, etc. Le format est comparable à ce que l’on a déjà pu lire dans les précédents éléments de contexte de la gamme : on y trouve l’essentiel, et pas grand-chose de plus – les plans assez pointilleux de la demeure et de ses environs ne bénéficient du coup pas nécessairement de développements liés : au boulot, Gardien des Légendes ! C’était là un aspect que je regrettais en chroniquant Fondcombe, mais mon ressenti a évolué, et j’envisage aujourd’hui cette approche assez caractéristique d’un œil plus favorable. Ce chapitre a bien sûr des aspects techniques essentiels, liés à l’idée de faire de Fondcombe un sanctuaire (et, encore une fois, ils ne sont pas exactement nombreux dans cette région déserte…), ce qui autorise ensuite diverses entreprises de la phase de communauté spécifiques (consulter un maître du savoir – ce qui peut s’avérer utile notamment au regard des objets magiques, j’y reviendrai –, mais aussi composer une poésie…), outre la possibilité de faire de certains personnages des garants de poids – dont bien sûr Elrond lui-même, mais d’autres options peuvent être envisagées, comme celle liant les héros, non pas à un personnage unique, mais à une « association » des grands de ce monde, à savoir le Conseil Blanc.

 

Passons au chapitre « Evils of the North », qui est une sorte de « bestiaire amélioré », lié à la base au cadre de jeu de l’Eriador oriental (en y incluant nombre de PNJ antagonistes uniques, donc), mais dont les développements peuvent en fait se montrer utile dans d’autres cadres de jeu – d’une part en étoffant un peu un bestiaire relativement succinct jusqu’alors (qui combinait les éléments du Loremaster’s Guide et du Rhovanion Region Guide), en mettant l’accent surtout sur les Trolls et les morts-vivants, endémiques dans la région couverte mais que l’on peut éventuellement rencontrer ailleurs (à vrai dire, j’avais fait cette remarque concernant les morts-vivants en chroniquant le Loremaster’s Guide ; le chapitre se montre particulièrement détaillé les concernant, avec une typologie utile, des capacités propres, etc.) ; d’autres part en développant de nouvelles facultés, de nouveaux traits, destinés à produire des antagonistes « puissants », qu’il s’agisse de créatures uniques ou, et c’est là peut-être quelque chose de plus spécialement pertinent dans le système D&D5, de troupes pas moins puissantes en raison d’aptitudes propres et qui jouent régulièrement de la synergie. Et c’est bien fait : de quoi donner du challenge à ceux qui en veulent (j’avais noté des critiques de ce type sur le ouèbe, en chroniquant les précédents volumes de la gamme d’Adventures in Middle-Earth), mais sans déséquilibrer l’univers au seul motif d’abreuver les héros en équivalents simili-tolkiéniens de déités et demi-dieux à défoncer au marteau de guerre pour pexer comme des porcs. En fait, à tort ou à raison, ce chapitre me paraît plus « subtil » et adéquat que son équivalent dans Fondcombe.

 

Au plan technique, reste enfin deux sujets à traiter qui, là encore, dépassent le seul cadre de l’Eriador oriental. On trouve tout d’abord deux chapitres consacrés aux « objets magiques » (ou du moins de valeur), ainsi qu’aux armes et armures légendaires. Chroniquant Fondcombe, j’avais fait part de mon scepticisme au regard de cet intitulé, puis de mon enthousiasme après lecture – et c’est ce même sentiment qui domine aujourd’hui, en relevant cependant, donc, que le système ici décrit, s’il comprend nombre d’apports appréciables, est peut-être moins « exhaustif » que dans le supplément de L’Anneau Unique, dans la mesure où le Loremaster’s Guide comprenait déjà nombre d’éléments à ce propos. Mais, oui, c’est vraiment très bien fait : les auteurs ont su éviter le travers de l’artefact grobillesque, tout en offrant la possibilité au Gardien des Légendes de semer dans sa campagne des trésors d’un ordre à part, aux capacités éventuellement amusantes (et même « magiques »), mais pouvant aussi (surtout ?) jouer un rôle crucial dans l’histoire. Car on y insiste : si la méthode ici décrite, combinée à celle du Loremaster’s Guide, peut le cas échéant générer des objets magiques sur le pouce, ce n’est pas sans danger… et c’est même assez fortement déconseillé. Non, si la découverte de ces objets tiendra éventuellement du hasard (avec des règles simples sur les « jets de trésor »), ou à vrai dire d'un hasard un peu forcé par la prédestination (on y revient souvent), le MJ doit quant à lui créer au préalable un « index » directement approprié à sa campagne : y figureront de simples objets précieux, mais aussi des reliques merveilleuses (c’est-à-dire des objets « magiques » hors armes et armures) et des armes et armures fabuleuses, personnalisés pour qu’ils puissent servir la campagne en tombant dans les mains de qui en aura l’utilité, et par ailleurs dotés d’un nom et d’une histoire – détails en apparence, qui changent pourtant tout. Trois exemples d’index en témoignent, le premier approprié au cadre des Terres Sauvages (avec les personnages prétirés de ce cadre dans L’Anneau Unique comme dans Adventures in Middle-Earth), un autre adapté aux scénarios d’Eriador Adventures/Les Vestiges du Nord, et enfin un exemple sans doute plus parlant dans l’absolu, mon chouchou – portant sur la compagnie de Bilbo dans Le Hobbit. Mentionnons enfin qu’il se trouve des objets maudits, et que le rôle de la corruption dans l’acquisition et l’utilisation de ces merveilles s’inscrit là encore pleinement dans les concepts tolkiéniens.

 

Reste enfin un chapitre sur l’Œil du Mordor : Sauron se manifeste de plus en plus (d’autant que nous sommes en principe quelques années après le début de la campagne dans les Terres Sauvages, comme défini dans les suppléments antérieurs), et ce n’est pas sans incidences pour nos héros – quels qu’ils soient, d’ailleurs : ils peuvent attirer son attention, chose toujours dangereuse… D’où l’idée de tenir un compte de la Vigilance de l’Œil, fluctuante au gré des situations et incidents (dépendant par exemple du nombre de personnages de la compagnie, de leurs origines, de la région où ils se trouvent, de leur démonstration de facultés hors-normes voire « magiques »…) ; passé un certain seuil (car les héros peuvent se montrer précautionneux), il en résulte la Traque – qui n’est pas à prendre au pied de la lettre : bien sûr, il ne s’agit pas de faire systématiquement apparaître une bien opportune bande d’Orques de passage, mais bien plutôt, pour le MJ, de traduire d’une manière ou d’une autre une adversité plus forte – ou « pesante », ce mot me paraît très indiqué : plus que de confronter systématiquement les héros à tel ou tel combat ou obstacle, l’idée sera donc d’exprimer une « mauvaise volonté » de la nature elle-même à laisser faire les choses – évocatrice d'un sombre destin, s’acharnant tout particulièrement sur la communauté. À condition de prendre bien soin d’éviter les solutions de facilité, il y a sans doute là un bel outil d’ambiance – et qui, comme toujours dans cette gamme décidément subtile, s’avère parfaitement approprié à l’univers tolkiénien. Il faut toutefois prendre garde à ne pas rendre l’épreuve des PJ insurmontable avec ce genre de règle optionnelle ; mais avec des héros un peu aguerris, et un MJ qui fait preuve de souplesse, c’est sans doute tout à fait pertinent.

 

Un bon supplément, donc – voire très bon ; même si à manier avec quelques précautions. Il comprend un cadre aussi fascinant que rude, et des éléments techniques ou de background pouvant changer la perspective du jeu – d’où la nécessité de prendre bien garde à ce que l’on en fait.

 

Prochain épisode, le supplément jumeau de celui-ci : Eriador Adventures, transposition des Vestiges du Nord. À un de ces jours…

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Un nouveau blog dédié à X-Wing : Random Academy Pilot

Publié le par Nébal

Un nouveau blog dédié à X-Wing : Random Academy Pilot

Comme vous avez pu le constater, ces derniers mois, j’ai livré un certain nombre d’articles consacrés au jeu de figurines Star Wars : X-Wing. Soit une nouvelle orientation de ce blog, décidément toujours plus hétéroclite – au risque de ne plus rien vouloir dire ? Et depuis quelque temps si ça se trouve ? Je ne sais pas, mais c’est une question que je me suis posé à plusieurs reprises depuis le bilan du nouvel an…

 

Et le cas de X-Wing, en tout cas, me paraissait le plus problématique à cet égard : je suppose qu’un certain nombre de lecteurs n’en ont pas grand-chose à carrer que je m’amuse à pousser de la figouze ; d’un autre côté, des amateurs du jeu pouvaient peut-être regretter que ce sujet soit noyé dans tous les autres sur Welcome to Nebalia ? Honnêtement, je ne sais pas ce qu’il en est au juste. Reste que des camarades m’ont suggéré, à plusieurs reprises, de consacrer un blog distinct à ces articles… et, après avoir quelque peu hésité tout de même (ne serait-ce que parce que je ne pense pas que ça intéresse vraiment grand-monde…), j’ai décidé de tenter le coup.

 

Adonc, vous ne trouverez en principe plus d’articles consacrés à X-Wing sur Welcome to Nebalia : tout ça se passera désormais sur Random Academy Pilot – dont la maquette est exactement la même, oui, je sais… Ce nouveau blog dédié a sa propre chaîne YouTube, ainsi que sa propre page Facebook.

 

Pour le moment, il n’y a pas de contenu inédit, je n’ai fait que transposer les articles antérieurs sur ce nouveau support (en les éditant un chouïa le cas échéant, mais assez peu, ça reste globalement la même chose). Mais cela devrait changer rapidement – avec d’abord de nouveaux articles consacrés à des listes et à des plus-ou-moins rapports de batailles, mais probablement assez vite aussi des chroniques.

 

Et puis, je ne suis pas encore sûr de moi, mais je songeais aussi à livrer de temps en temps quelques articles consacrés à l’univers Star Wars, mais seulement dans la mesure où il entrerait directement en résonance avec le matériel du jeu – il s’agirait de parler de BD, de romans, de films, de séries, mais pas pour en faire des chroniques à proprement parler (et je ne pense a priori pas en faire davantage sur Welcome to Nebalia), plutôt pour relever ce que fait tel personnage et pourquoi en jeu il a telle capacité, ou ce que les récits ou illustrations de batailles spatiales peuvent nous enseigner par rapport à tel ou tel vaisseau, son pilotage, ses spécificités, etc. Ce genre de choses. Qu’en pensez-vous ? Dites-moi !

 

Et donc, bye bye X-Wing sur Welcome to Nebalia, maintenant c’est sur Random Academy Pilot que ça se passe !

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La Confession d'une âme fausse, d'Ilarie Voronca

Publié le par Nébal

La Confession d'une âme fausse, d'Ilarie Voronca

VORONCA (Ilarie), La Confession d’une âme fausse, suivi de deux contes, préface de Thierry Gillybœuf, Bordeaux, L’Éveilleur, [1942] 2018, 98 p.

Ma chronique pour Bifrost a été publiée directement sur le blog de la revue, dans la rubrique Objectif Runes en plus (Bifrost 93) – 2.

 

N’hésitez pas à commenter ici même le cas échéant.

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Adventures in Middle-Earth : Mirkwood Campaign

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Mirkwood Campaign

Adventures in Middle-Earth : Mirkwood Campaign, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 144 p.

Retour à la gamme d’Adventures in Middle-Earth, avec Mirkwood Campaign. Comme pour le Rhovanion Region Guide et Wilderland Adventures précédemment, il s’agit d’une transposition (presque mot pour mot, si le système diffère, et si l’on trouve en annexe un bref complément inédit sur les événements de voyage adaptés à certains backgrounds, qui ne m'a pas convaincu plus que ça), une transposition disais-je d’un supplément de la gamme de L’Anneau Unique, en l’espèce Ténèbres sur la Forêt Noire – une campagne, ou un squelette de campagne, qui se déroule sur trente années... Et, même si je ne vais pas rentrer dans les détails, quelques SPOILERS sont à craindre : alors ouste les joueurs !

 

Trente années, donc – plus précisément, la campagne se déroule entre les années 2947 et 2977 du Troisième Âge, et se situe intégralement dans les Terres Sauvages, si pas toujours dans la Forêt Noire. Le Rhovanion Region Guide est peu ou prou indispensable pour mener cette campagne, non seulement parce que certains lieux et personnages y sont décrits qui y jouent un rôle parfois crucial sans qu'ils soient détaillés plus avant dans le présent supplément, mais aussi, j’y reviendrai, parce que le MJ sera probablement amené à développer des épisodes de son cru pour faire le liant.

 

Quoi qu’il en soit, la campagne compte parmi ses principaux atouts une ambiance remarquable, parfaitement adaptée à l’univers tolkiénien, et qui parvient à se montrer à la fois farouchement épique… et foncièrement déprimante. Et c’est un aspect à prendre en compte, tout particulièrement si vos joueurs, sur un mode donjonnesque plus classique, s’attendent à voir leurs héros surpuissants vaincre le Mal. Les PJ seront bien les héros de cette aventure, aucun doute à ce sujet, mais, aussi brillants et courageux soient-ils, ils ne parviendront pas à triompher de leurs ennemis – ils ne seront pas ceux qui vaincront l’Ombre, cette tâche appartiendra à une certaine Communauté un demi-siècle après la fin de cette aventure ; ils pourront, cependant, retarder un peu la domination de l’Ombre, ou la contenir pour un temps – et il faudra leur faire sentir combien c’est déjà quelque chose d’énorme et de digne des plus grands héros.

 

Maintenant, dans tous les cas, comme le titre de la campagne dans la gamme de L’Anneau Unique l’exprime plus ouvertement que cette transposition D&D5, les ténèbres s’abattront sur la Forêt Noire, sous la forme de trois Nazgûl que Sauron, préparant son retour en Mordor, dépêche pour rebâtir Dol Guldur et affecter les Peuples Libres du Nord dans leur ensemble, devenus trop confiants depuis la mort de Smaug et la Bataille des Cinq Armées. Les esprits maléfiques sauront user de toutes leurs ressources pour accomplir cette funeste mission – incluant des alliés puissants, comme le Loup-Garou et le Dragon de la Forêt Noire, ou la progéniture d’Arachne, mais aussi en tablant sur les faiblesses et la mesquinerie des hommes, des elfes et des nains, la corruption qui ronge leurs cœurs, la jalousie et l’arrogance qui leur font prendre les pires décisions, leur refus obstiné d’envisager le tableau dans son ensemble pour s’en tenir à la pureté illusoire et bien précaire de leurs îlots culturels plus ou moins solidement fortifiés… Oui, les ténèbres s’abattent une fois de plus sur la Forêt Noire, et les personnages seront aux premières loges pour le constater.

 

Plus précisément, ils seront amenés à prendre part à de nombreux événements tournant autour des Hommes des Bois des Terres Sauvages, le sort de ces derniers étant au cœur de la campagne ; et, d’une manière ou d’une autre, ce destin sera tragique : passé ces trente années, les Hommes des Bois ne seront plus en tant que tels – et leur sort affectera considérablement d’autres communautés des Peuples Libres du Nord, tout spécialement les Béornides et les Elfes Sylvains. Mais les personnages sont censés intervenir dans cette affaire, à plusieurs reprises, et de manière éventuellement déterminante : il est très recommandé, à vrai dire, qu’un au moins des PJ soit un Homme (ou une Femme…) des Bois, afin, non seulement de l’impliquer plus personnellement dans cette histoire, mais aussi de lui donner un levier, des possibilités d’action, qui seraient moins justifiables pour des personnages issus d’autres cultures héroïques – cela dit, on peut, concernant ces derniers, jouer sur les titres : « Ami des Hommes des Bois », ce genre de choses ; maintenant, l’implication n’est probablement pas aussi forte, et un PJ Homme des Bois est donc très bienvenu voire nécessaire. Car ces personnages pourront ainsi participer aux assemblées des Hommes des Bois, qui, au fil de ces trente années, auront bien des questions compliquées à régler – et, à cet égard, même si on reste dans une ambiance tolkiénienne (et qui plus est rustique et/ou martiale) bien éloignée des politicailleries machiavéliques du « Trône de Fer », dilemmes, alliances de circonstances et trahisons inéluctables seront de la partie, qui scelleront, en bien ou en mal, le destin de communautés spécifiques d’abord, celui de la culture héroïque dans son ensemble à terme – et c’est vraiment très bien fait, très bien écrit, avec là encore une ambiance travaillée et tout à fait remarquable.

 

Maintenant, le tragique destin des Hommes des Bois ne relève bien sûr pas que de la parlotte, loin de là, et des héros sont requis pour repousser des menaces autrement concrètes. Ce gros fil rouge de la campagne est en fait constitué de multiples fils rouges qui constituent autant de trames en tant que tels : des morts-vivants s’en prennent aux Hommes des Bois de la Brèche Est, dont le statut est encore à définir ; à l’ouest, les Filles de la Rivière elles-mêmes peuvent succomber à la corruption ; et, surtout, le Loup-Garou de la Forêt Noire, peu ou prou intuable, multiplie les massacres… en même temps qu’il envenime les rapports entre les Hommes des Bois et les Elfes Sylvains, notamment quand on découvre la véritable nature de la Lampe de Balthi. En fin de compte, cette lampe jouera un peu le rôle d’un ersatz (approprié) de l’Anneau Unique dans cette campagne – la fin de celle-ci sera largement déterminée par la décision des joueurs quant à ce qu’il faut faire de cet artefact. Dans tous les cas, la conclusion sera on ne peut plus épique : un assaut guerrier perdu d’avance mais pas moins stimulant et éventuellement à même de porter des fruits malgré tout, ou la fuite vers Fondcombe… et éventuellement un autre théâtre de jeu dans l’Eriador (j’avais déjà chroniqué les suppléments pour L’Anneau Unique qu’étaient Fondcombe et Les Vestiges du Nord, je reviendrai si nécessaire sur leurs transpositions pour Adventures in Middle-Earth, à savoir Rivendell Region Guide et Eriador Adventures).

 

Voici pour les grandes lignes. Quelques mots maintenant sur la forme de ce supplément, avec quelques vagues données techniques le cas échéant. Et, d’ores et déjà, on peut relever que, dans les termes de D&D5, la campagne s’adresse à des PJ de niveau 5 au départ et qui devraient avoir atteint au moins le niveau 15 au moment du dernier scénario ; le fait que la campagne débute avec des personnages de niveau 5 incite à jouer un prologue plus ou moins développé – le cas échéant, la petite campagne de Wilderland Adventures peut tout à fait remplir ce rôle (même si je suppose que le tout début de Mirkwood Campaign pourra paraître un peu mou après les ultimes confrontations entre les PJ et le Roi au Gibet).

 

La campagne se déroule donc sur trente ans (2947-2977 T.A.), et chaque année se voit attribuer son scénario, avec phase d’aventure et phase de communauté – même si ces trente années sont regroupées en cinq périodes plus vastes qui témoignent de ce que l’Ombre s’abat toujours davantage sur la Forêt Noire.

 

Maintenant, la maigre épaisseur de ce supplément, d’autant plus s’il est censé couvrir trente années de jeu et comprendre trente scénarios, trahit d’emblée son caractère quelque peu « squelettique » : Mirkwood Campaign n’est absolument pas une campagne « clef en main » (si ce n’est pas un bac à sable non plus), plutôt un squelette de campagne, oui, et les trente « scénarios » la composant ne sont le plus souvent que des synopsis. Cela dit, le supplément est plutôt varié à cet égard : certains de ces épisodes sont assez développés, avec des personnages, des lieux et des événements approfondis, quand d’autres affichent frontalement leur caractère de synopsis (par exemple, pour ce qui est de l’an 2970, la phase d’aventure se contente peu ou prou de dire : « Les PJ chassent le Dragon de la Forêt Noire », et, pour les détails, il faudra repasser, il n’y a absolument rien concernant l’environnement, le comportement du monstre, etc.) ; et, pour certaines années, le « scénario » ne consiste en fait qu’en une simple rencontre de passage avec tel ou tel PNJ, n’impliquant pas vraiment d’action, etc., et qui ne durera probablement pas le temps d'une séance de jeu complète. Pour le coup, la campagne se montre assez diverse, oui, tout en demeurant essentiellement cohérente.

 

Certains épisodes ne constituent donc pas vraiment des aventures – et c’est normal : c’est au MJ de boucher les trous avec des scénarios de son cru. Le supplément n’en fait pas mystère : on ne peut pas se contenter d’enchaîner les années dans ces circonstances, il faut y mettre un peu de gras, et de personnel. Ici plus que jamais, le Rhovanion Region Guide est un outil indispensable, permettant au MJ d’étoffer le squelette de campagne sans quitter l’environnement de jeu – mais en prenant quelques précautions : dans Mirkwood Campaign, tel geste ici, telle parole là, peuvent avoir des répercussions cruciales des années voire des décennies plus tard – il faut donc s’assurer que l’on ne dispose pas avec trop de liberté d’un PNJ ou d’un lieu importants pour la campagne. Cette dimension de la campagne est aussi enthousiasmante… qu’intimidante, tout particulièrement en ce qui me concerne : quand je dispose d’un cadre de jeu aussi riche, et que je sors des scénarios du commerce, j’ai une fâcheuse tendance à trop me disperser, au point de me perdre et de rendre l’ensemble injouable… Dans la perspective de maîtriser Mirkwood Campaign, il me faudra, si j’ose dire aha, apprendre à me maîtriser moi-même, à me discipliner….

 

Mais cet effort personnel bien compris est un moyen de choix pour rendre l’épopée de Mirkwood Campaign plus enrichissante et stimulante pour tous – notamment en ce qu’il s’agit d’accentuer l’implication des PJ : pour que la campagne fonctionne, ils doivent nouer des liens, et si possible plus émotionnels qu’utilitaires, avec des personnages et des lieux de la campagne – de sorte que le personnage souffre dans sa chair quand sa communauté se fait attaquer, ou quand un ami succombe à la peste ; ceci étant, à ces extrêmes de noirceur, il faut probablement opposer aussi des moments plus lumineux et qui impliquent tout autant (la campagne incite à jouer à fond de l’opposition entre les ténèbres et la lumière, et je suppose que ça en fait partie) : ici une fête qui ressoude les liens dans la communauté, là un mariage ou la naissance d’un enfant… C’est d’autant plus important que nous parlons d’une histoire se déroulant sur trente années – et tous les aventuriers ne comptent pas persévérer dans leur fonction sur une aussi longue période ; à vrai dire, les chances pour que le groupe des aventuriers de 2947 et celui des aventuriers de 2977 coïncident parfaitement, sont assez limitées ; la mort au combat n'étant pas seule en cause, mais tout autant la progression inéluctable de la corruption... ou tout simplement la vieillesse qui incite à se poser enfin quelque part. La désignation d’un héritier peut constituer un ressort narratif utile, qui permet de relancer l’aventure. Et la campagne incite à jouer de tout cela. Elle propose d’ailleurs un système très simple permettant aux PJ de gérer leurs « domaines », qui ne sont pas nécessairement fonciers même s’ils le sont souvent ; il ne faut certainement pas y voir un moyen d’accumuler de la fortune, mais un moyen d’ancrer les personnages dans leurs communautés respectives, de les impliquer personnellement et émotionnellement. Mais, au-delà des seuls domaines, il est donc sans doute très important que les personnages nouent des liens autres que purement utilitaires avec tel ou tel personnage, etc. – c’est une affaire d’immersion, et la campagne n’en sera que plus forte.

 

Et l’immersion passe par un autre aspect très important de Mirkwood Campaign, et qui m’intéresse tout particulièrement : le sentiment nécessaire que le monde évolue en dehors des seules actions des personnages. Pour chaque année, la première entrée liste un certain nombre d’événements – et, dans certains cas, le bref paragraphe dédié à la phase de communauté à la fin de chaque année en comprend quelques autres, ne serait-ce que des indications d’ordre climatique (avec leur impact éventuel sur les domaines). Les PJ doivent pouvoir y avoir accès ; il ne faut probablement pas tout leur dire, et certainement pas en bloc au travers d’un artifice de narration gros et lourd comme un blogueur rôliste, mais certaines au moins de ces informations doivent atteindre les PJ, des informations qui leur permettent de se faire une vague idée (je suppose qu’elle doit demeurer un peu vague) de ce qui se produit ailleurs. À vrai dire, cette approche peut être employée également pour informer les PJ d’événements auxquels ils auraient pu prendre part, quand la tournure de la campagne en a décidé autrement : les PJ ne sont pas forcément supposés jouer tous les trente « scénarios » de Mirkwood Campaign – parfois, pour des raisons de cohérence ou de dynamique interne, mieux vaut faire l’impasse sur tel épisode, quand ses implications ne sont pas trop bouleversantes ; à moins justement de jouer sur ce qu’elles peuvent avoir de bouleversant à terme pour affecter les PJ et renforcer leur sentiment d’immersion, tout en leur offrant la possibilité de s’intéresser davantage, mettons, à tel coin de la Forêt Noire qui n’avait pas plus que ça retenu leur attention jusqu’alors (une méthode dont je suppose qu’elle pourrait se montrer tout particulièrement utile concernant le Royaume Sylvestre, surtout bien sûr s’il n’y a pas d’Elfe dans le groupe…).

 

Tout cela rend cette campagne un peu intimidante parfois, souvent enthousiasmante en tout cas, bien conçue et bénéficiant d’une ambiance remarquable. J’ajouterai pour conclure que ce supplément est, une fois de plus, et peut-être plus encore que ses prédécesseurs, très bien écrit, vraiment très agréable à lire – les illustrations de qualité renforçant encore le plaisir du lecteur.

 

J’aurais juste un tout petit bémol à cet égard : je regrette un peu que le supplément ne comprenne pas vraiment de cartes spécifiques, ou de plans de tel ou tel lieu (éventuellement des bons vieux donjons des familles, même s’ils sont rares) ; une mise à jour de Ténèbres sur la Forêt Noire à cet égard aurait pu se montrer utile, ou en tout cas bienvenue.

 

Ce léger regret mis à part, Mirkwood Campaign est un supplément de grande qualité, et j’espère pouvoir maîtriser cette campagne, ou commencer à le faire en tout cas, d’ici quelques mois. À suivre, donc – même si d’ici-là je vais poursuivre l’exploration de la gamme, tout d’abord avec le Rivendell Region Guide (je verrai cependant si en livrer une chronique, ainsi que d’Eriador Adventures, sera pertinent ou pas, car je m’étais déjà montré très bavard concernant Fondcombe et Les Vestiges du Nord pour L’Anneau Unique).

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Les Portes de la Maison des Morts, de Steven Erikson (abandon)

Publié le par Nébal

Les Portes de la Maison des Morts, de Steven Erikson (abandon)

ERIKSON (Steven), Les Portes de la Maison des Morts (Le Livre des Martyrs, t. 2), [Malazan Book of the Fallen, Deadhouse Gates – A Tale of the Malazan Book of the Fallen], traduction [de l’anglais (Canada) par] Nicolas Merrien, Paris, Éditions Leha, [2000] 2018, 892 p.

Ma chronique de ce deuxième tome du « Livre des Martyrs » se trouve dans le cahier critique du Bifrost n° 93, pp. 106-107.

 

Le moment venu, elle figurera sur le blog de la revue, et j’en donnerai alors le lien ici.

 

Mais n’hésitez pas à commenter d’ici-là si jamais !

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Population : 48, d'Adam Sternbergh

Publié le par Nébal

Population : 48, d'Adam Sternbergh

STERNBERGH (Adam), Population : 48, [The Blinds], traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Bonnot, Paris, Super 8, [2017] 2018, 418 p.

Ma chronique se trouve dans le cahier critique du Bifrost n° 93, pp. 102-103.

 

Le moment venu, elle figurera sur le blog de la revue, et j’en donnerai alors le lien ici.

 

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Eymerich ressuscité, de Valerio Evangelisti

Publié le par Nébal

Eymerich ressuscité, de Valerio Evangelisti

EVANGELISTI (Valerio), Eymerich ressuscité, [Eymerich risorge], roman traduit de l’italien par Jacques Barbéri, [s.l.], La Volte, [2017] 2018, 307 p.

Ma chronique de ce onzième tome de la série « Nicolas Eymerich, inquisiteur » (reprenant les affaires après L’Évangile selon Eymerich) se trouve dans le cahier critique du Bifrost n° 93, pp. 100-101.

 

Le moment venu, elle figurera sur le blog de la revue, et j’en donnerai alors le lien ici.

 

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Moi, d'un Japon ambigu, de Kenzaburô Ôé

Publié le par Nébal

Moi, d'un Japon ambigu, de Kenzaburô Ôé

ÔÉ Kenzaburô, Moi, d’un Japon ambigu, [Aimaina Nihon no watashi あいまいな日本の私 ], traduit du japonais par René de Ceccatty et Ryôji Nakamura, Paris, Gallimard, [1986, 1988, 1990, 1992, 1994-1995] 2001, 96 p.

Ce très bref ouvrage qu’est Moi, d’un Japon ambigu, rassemble quatre essais d’Ôé Kenzaburô – plus précisément, quatre discours ou conférences. La première de ces communications, qui donne son titre à l’ensemble, est la plus significative en même temps que la plus « récente » : il s’agit du discours prononcé par l’auteur à Stockholm à l’occasion de la remise de son Prix Nobel de Littérature, le 7 décembre 1994 ; les autres communications ici rassemblées, bien qu’antérieures et, en ce qui me concerne, d’un intérêt moindre, développent des thématiques synthétisées dans le discours du Nobel, et l’ensemble forme ainsi un tout cohérent.

 

Ces diverses communications ont leur dimension protocolaire, forcément, et comprennent quelques « passages obligés », relatifs notamment à la vie de l’auteur – cela dit, c’est d’autant moins surprenant en l’espèce qu’Ôé Kenzaburô est un écrivain qui a beaucoup puisé dans son expérience personnelle pour écrire ses romans et nouvelles : qu’il parle de son enfance dans la forêt de Shikoku, ou surtout de son rapport avec son fils handicapé Hikari, tout cela est dans l’ordre des choses, et moins gratuit qu’il n’y parait peut-être – pas le moins du monde, en fait. Il en va d’ailleurs de même quand l’écrivain, au cours d’un voyage, ressent le besoin d’expliquer la littérature et plus largement la culture japonaises à son auditoire européen ou américain (avec trois jalons : Le Dit du Genji de Murasaki Shikibu, l’œuvre de Sôseki… et la sienne, d’une certaine manière, même s’il prétend aussitôt ne pas avoir l’arrogance de se hisser au niveau des deux jalons précédents ; mais il faut aussi mentionner, et ça le concerne là encore, son enthousiasme pour la « littérature d’après-guerre », il faudra y revenir), ou, dans une égale mesure, quand il témoigne de son goût pour la littérature occidentale : parcourant la Scandinavie deux ans avant de recevoir le Nobel, il évoque la littérature suédoise, notamment, et tout spécialement Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, comme un livre qui l’a beaucoup marqué dans sa jeunesse (et il y reviendra lors de son discours à Stockholm, dans les mêmes termes), mais aussi d’autres œuvres peut-être moins « cliché » des lettres scandinaves ; son goût pour la littérature française (et tout autant les philosophes français, à vrai dire) est connu, et régulièrement illustré ici, via par exemple aussi bien Rabelais que Céline ou Sartre, et, dans le discours du Nobel, d’une certaine manière, il joue des cartes de William Butler Yeats et de W.H. Auden contre Kawabata Yasunari.

 

Et c’est probablement là que réside l’essentiel. Le titre Moi, d’un Japon ambigu, qui est donc celui du discours du Nobel, renvoie directement et ouvertement au discours prononcé dans les mêmes circonstances par Kawabata Yasunari en 1968 – ils demeurent à ce jour les seuls écrivains en langue japonaise à avoir été récompensés par le Prix Nobel de Littérature. L’auteur des Belles endormies, entre autres, avait livré une communication intitulée « Moi, d’un beau Japon », et Ôé le dépeint avec force, lisant en japonais, à un auditoire qui n’y comprenait rien, des poèmes de Heian. Kawabata, dans son discours, avait choisi de mettre en avant son pays et sa culture, pour mieux les faire connaître et apprécier tous deux de par le monde, et le Nobel était sans doute une occasion idéale pour cela – même si cette anecdote sur les poèmes non traduits constitue en même temps comme une métaphore éloquente. Quoi qu’il en soit, Kawabata parlant de son pays ne pouvait l’envisager que comme étant « beau ». Ôé ne nie pas cette beauté, pas plus d’ailleurs qu’il ne dénigre de la sorte son prédécesseur au Nobel ou son œuvre, loin de là ; cependant, le discours de Stockholm lui paraît l’occasion d’envisager la question d’un œil différent – et, faisant appel donc à Yeats, Ôé choisit de mettre en avant l’ambiguïté de son pays, et les sentiments contrastés qu'il suscite en lui.

 

Et, au-delà de la diversité du Japon ainsi constatée (notamment quand l'auteur oppose un Japon périphérique, dont il serait, lui, l'homme de la forêt, et un japon urbain et surtout tokyoïte visant à l'hégémonie), c’est une question politique : à l’époque comme aujourd’hui, Ôé Kenzaburô est au Japon une figure emblématique de l’écrivain engagé. Le « beau Japon » de Kawabata a produit des merveilles, et Ôé ne le nie certainement pas, louant donc Murasaki Shikibu ou Sôseki, mais l’envisager uniquement de la sorte revient trop souvent à cacher sous le tapis ce qui n’est pas aussi beau – ce qui est à vrai dire atroce : Ôé parle d’un pays qui n’assume toujours pas le rôle qu’il a joué un demi-siècle plus tôt – responsable de guerres d’agression émaillées d’horreurs comme le massacre de Nankin ou la prostitution forcée des « femmes de réconfort » coréennes ; et, pour l’auteur des Notes de Hiroshima, il est particulièrement détestable que ce pays, parfois, ose se draper dans son rôle de seule victime au monde de bombardements atomiques pour faire l’économie d’une véritable réflexion sur ses torts (tout en développant très cyniquement des programmes nucléaires). Et ce « Japon ambigu » inquiète tout spécialement l’auteur, qui se retrouve confronté aux tentatives révisionnistes du PLD, notamment aux manœuvres visant à « éditer » les manuels scolaires pour les expurger des pourtant très vagues aveux qu’ils contiennent de la responsabilité du Japon dans la guerre, mais aussi aux votes récurrents dans le but d’amender la constitution « imposée par les Américains » pour en ôter l’article 9 stipulant la renonciation perpétuelle à la guerre. Le Japon dont parle Ôé Kenzaburô n’a pas accompli son devoir de mémoire, il s’y refuse toujours, et cela pourrait se montrer nuisible à terme ; il serait en tout cas sur une mauvaise pente.

 

(À noter : à l’occasion de son Nobel, Ôé Kenzaburô a été nommé pour l’Ordre du Mérite Culturel Japonais, distinction dépendant de la maison impériale, et, cohérent avec lui-même, il l’a refusée. À noter toujours, très peu de temps après son Nobel, Ôé a polémiqué sur la reprise des essais nucléaires français, après quoi il s’est beaucoup investi dans divers combats au Japon, dans la lignée de ceux précédemment évoqués, mais aussi, tout particulièrement, concernant Okinawa, et la catastrophe de Fukushima l’a amené à reprendre la plume, avec un écho non négligeable.)

 

Mais ce discours doit être envisagé dans une perspective historique aussi bien que culturelle. Dans ces diverses communications, de manière plus marquée à vrai dire dans les trois antérieures au Nobel, Ôé Kenzaburô loue plus qu’à son tour la « littérature d’après-guerre » japonaise – une littérature bénéficiant tout à la fois d’une liberté inouïe et d’un degré de conscience que seul le traumatisme de la guerre et de la défaite (outre celui plus spécifique de Hiroshima et Nagasaki) était en mesure de susciter. Et ceci rassemblait les auteurs d’alors, en dépassant les divergences de façade : l’obsession impériale de Mishima Yukio n’y changeait rien, dans sa formation comme dans sa vie et dans son œuvre, il était pleinement un écrivain de ce temps, au même titre que ceux qui se situaient à l’extrême gauche… ou que Ôé lui-même. Sans que l’auteur ne le dise de manière aussi brutale, c’est au fond ici que réside le troisième jalon de la littérature japonaise dont il parle – en même temps qu’il semble hésiter à s’inscrire totalement lui-même dans ce courant, ce que l’on ne déduit véritablement que de la chronologie qu’il expose, notamment quand il fait se poursuivre ce moment littéraire jusque dans les années 1970 ; à cet égard, il demeurerait donc au mieux un exemple tardif de ce mouvement.

 

Et c’est ici qu’il se montre tout particulièrement inquiet : qu’en est-il de la relève ? Il ne la voit pas vraiment. À l’énergie militante et audacieuse de l’après-guerre a succédé un Japon au mieux je-m’en-foutiste, typique des mœurs du temps de la bulle spéculative et héritier de la croissance économique forcenée, au pire arrogant à nouveau – cette arrogance pouvant rappeler celle qui se trouvait à la source des atrocités de la guerre. La littérature japonaise contemporaine lui paraît en témoigner, qui verserait dans ces deux travers. On est d’ailleurs tenté de relever combien il se montre au mieux sceptique à l’égard de l’œuvre à succès d’un Murakami Haruki, déjà, ce même auteur que l’on pronostique chaque année pour le Nobel ces derniers temps. Cependant, cette critique pourra laisser un goût amer en bouche, notamment au lecteur de SFFF comme votre serviteur, un peu chatouilleux quand l’expression de « littérature d’évasion » se pare de connotations un tantinet méprisantes (l'auteur n'épargne pas non plus les mangas, à ce titre)… Et cela va sans doute au-delà : Ôé Kenzaburô, tout brillant écrivain qu’il soit, et nobélisé, donne régulièrement ici l’image bien naturelle au fond d’un homme qui vieillit, et qui, inévitablement, ne saurait envisager « la relève » comme digne de succéder aux auteurs majeurs de son temps. C’est particulièrement sensible, et parfois un brin agaçant, dans la dernière communication du recueil, « Sur la littérature japonaise moderne et contemporaine », prononcée en 1990 (et rédigée directement en anglais). Les bons auteurs ne manquaient pourtant pas dans les années 1980 et depuis… Et la figure de l’écrivain militant n’est certes pas la seule à mériter d’être louée.

 

D’autres passages de ces quatre discours et conférences peuvent également laisser sceptique – éventuellement pour des raisons très différentes. Je me dois d’avouer mon inculture : quand Ôé Kenzaburô verse davantage dans la philosophie, surtout contemporaine (et régulièrement française), j’ai du mal à le suivre. En comparaison, mais cela tient peut-être (probablement…) à l’auditoire de ces communications, occidental et plus ou moins familiarisé avec la culture japonaise, Ôé Kenzaburô tend à présenter cette dernière de manière assez convenue et somme toute assez peu enrichissante.

 

Non, décidément, c’est quand il traite de ce « Japon ambigu » qu’il se montre le plus convaincant. Cependant, même si le discours du Nobel me l’a parfois laissé croire, ce petit ouvrage n’a certainement pas à mes yeux la force d’évocation, la pertinence et l’étrange beauté des Notes de Hiroshima, pour en rester dans le registre de la non-fiction. Et, à cet égard, cette lecture a été globalement une déception : si le discours du Nobel n’est pas sans intérêt, l’ensemble me paraît cependant un peu mineur, et somme toute très dispensable. J’ai plusieurs romans et nouvelles de l’auteur à lire, et j’en attends bien davantage.

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