Une bien belle affiche, à tonalité assez electro-pop, pour cette deuxième édition du festival Summercase à Barcelone, les 13 et 14 juillet 2007 ; on en jugera bientôt.
Mais commençons par poser le cadre, on en sera débarrassés… Le festival avait lieu au Parc del Forum, dans la périphérie de Barcelone, face à la mer (enfin, celui auquel j’ai assisté, le festival ayant lieu, avec la même programmation mais un petit décalage, à la fois à Madrid – Boadilla del Monte – et à Barcelone). Le site ouvrait chaque jour à 18h00 pour fermer ses portes vers 6h00 (et il n’y avait nul endroit où planter sa tente, par ailleurs). Un joli site, ma foi, à l’architecture très contemporaine, mais gardant une certaine dimension humaine. Pas facile d’y accéder, par contre : c’était terriblement mal indiqué… et on y est arrivés, mes compères et moi, un peu par hasard. D’autant plus qu’il n’y avait pas de parking spécialement dédié au festival.
Le site, assez vaste, comprend quatre scènes. Sur la droite en entrant se trouve la scène S, sous chapiteau, de taille moyenne, et à la programmation très éclectique, avec quelques grosses pointures comme PJ Harvey, LCD Soundsystem et !!!, et d’autres groupes beaucoup moins connus. Il y règne très vite une chaleur à crever, ce qui peut éventuellement gâcher le spectacle… Un peu plus loin sur la gauche, un deuxième chapiteau abrite la scène N, de loin la plus petite, destinée à accueillir les artistes les moins connus (quelques noms détonnent, cependant, par exemple Electrelane). On atteint ensuite la scène O, qu’on a pris l’habitude d’appeler, sans doute à tort, « la grande scène » ; cette fois, on est en plein air, et des milliers de personnes peuvent y assister aux performances de groupes particulièrement attendus comme Arcade Fire, Scissor Sisters, The Jesus And Mary Chain ou encore Kaiser Chiefs. Face à la scène, mais à relativement bonne distance tout de même, on trouve deux « zones vertes » destinées au repos des festivaliers, très appréciables, mais vite surchargées. Enfin, dos à la Méditerranée se trouve la scène E, vaste amphithéâtre aboutissant sur une gigantesque fosse, et prolongé sur les ailes par une pente douce ; il s’agissait en fait de la plus vaste scène, même si l’on pouvait en douter le premier jour : mais il deviendra très vite évident que le public qui y assiste aux concerts de Bloc Party, DJ Shadow, Air et surtout des Chemical Brothers se chiffre en dizaines de milliers ; l’effet, depuis l’esplanade, est particulièrement saisissant. Pour en finir avec les scènes, on notera juste qu’il est très aisé de s’y repérer, et que l’on circule de l’une à l’autre très facilement.
Quelques mots sur des détails plus sordides, qui n’ont sûrement pas gâché la fête, mais bon quand même hein : les boissons et la bouffe étaient très chères (avec un pénible système de tickets, d’autant plus agaçant que les tickets achetés le vendredi ne pouvaient être utilisés le samedi…) ; la bouffe, en outre, était littéralement immonde : je me méfie des superlatifs dans ce genre de circonstances, mais je peux vous assurer que je n’ai jamais rien mangé d’aussi dégueulasse (et on n’a pas manqué de noter ce détail pour le lendemain…). Petit détail glauque toujours : pas du tout de poubelles ; très vite, l’ensemble du site devient un véritable dépotoir croulant sous les verres en plastique et autres sandwichs pas finis parce que non vraiment non. Et pour finir sur une note de bon goût, les chiottes ont rapidement débordé, dans tous les sens du terme…
Mais bon, c’est pas ça qui va nous empêcher d’apprécier le festival, tout de même. Rentrons (enfin…) dans le vif du sujet. Nous sommes arrivés le vendredi soir un peu avant 20h00, et après un bref instant de panique dû à nos billets achetés à la Fnac en France qui ne sont pas reconnus par la machine, on parvient enfin à rentrer sur le site, étiquetés cela va de soi. Vite vite vite : de la bière ! Ah, non, en fait : des tickets, puis de la bière…
Bon. OK. On se pose devant la scène O, où les Editors entament leur set. Leur pop énergique et carrée, sous haute influence des années 1980, constitue une mise en jambes des plus sympathiques. Ce n’est certes pas transcendant, on a un peu l’impression d’écouter toujours le même morceau, mais c’est quand même plus qu’honnête, et les mélodies rentrent insidieusement dans la tête.
Sitôt fini, on se promène un peu, et l’on subit par la même occasion la variétoche sauce reggae de Lily Allen à destination des minipoufs vaguement chichoneuses (scène E). On se rend bien vite sous le chapiteau de la scène S, où les Guillemots achèvent leur concert, relativement sympathique, en dépit de quelques fautes de goût.
Mais c’est ensuite au tour de PJ Harvey de monter sur scène. Pas « PJ Harvey et ses musiciens », non : PJ Harvey. Seule. Avec sa guitare, un piano et un sampler. Première baffe, du coup, et pour le mieux. Le concert n’en est que plus original, plus énergique, plus punk à certains égards. La grande dame, vêtue d’une robe blanche à la coupe, heu, « particulière », se donne toute à son public, avec une jubilation visible et qui force l’adhésion d’une salle conquise d’emblée. Les morceaux – souvent issus des premiers albums, pour mon plus grand plaisir, même s’il y a quelques inédits – sont brefs et intenses, et Miss Polly Jean nous réapprend ainsi, avec une simplicité appréciable, ce que c’est, au juste, que le charisme, ma bonne dame. Et ce malgré quelques petites imperfections techniques (le piano pas super bien sonorisé, un micro qui cafouille, et de même pour une table de mix…), sans que jamais la chanteuse ne se départisse de son sourire. Ce soir, PJ Harvey, qui m’avait plutôt déçu ces derniers temps, est clairement remontée dans mon estime (bon, elle était pas tombée trop bas, non plus…).
Fait chaud, par contre. Après quelques rappels, on quitte le chapiteau pour prendre un peu l’air en face de la scène O. Un de mes compères, guère séduit par la performance de PJ Harvey (c’était spécial, faut dire…), s’était rendu au concert de The Whitest Boy Alive (scène N), particulièrement bon semble-t-il. Pendant ce temps, on perçoit quelques échos du concert de The Flaming Lips (scène E), qui nous font regretter de ne pas pouvoir y assister… Le programme, hélas, ne nous permet pas de faire autrement. Le concert de Phoenix s’est achevé sur la scène O à peu près en même temps que celui de PJ Harvey, et les Arcade Fire vont bientôt prendre le relais.
Et cette petite troupe a une fort jolie scène. Au fond, un immense écran bordeaux accueillera bientôt quelques projections, sobres, mais à l’effet esthétique remarquable. Sur la gauche de la scène, un immense orgue joliment éclairé attire les regards intrigués, de même que les quatre petits écrans sphériques qui parsèment le décor. Les Arcade Fire entament enfin un set irréprochable, nous régalant de leurs superbes mélodies et de leur énergie unique ; si le chanteur reste très stoïque, ce n’est pas le cas du batteur et de la chanteuse, hilares, cette dernière nous gratifiant même d’une reprise inattendue… de « Poupée de cire, poupée de son ». Mais ce n’est qu’une petite blague, pas déplaisante au demeurant, permettant de relâcher la tension entre deux perles pop, a fortiori les nombreux extraits du sublime Funeral. Mais… Car il y a un « mais », hélas. A savoir un public insupportable… Je n’ai jamais vraiment fréquenté les festivals avant celui-ci, et ne saurais donc dire s’il s’agit d’une spécialité locale ou de quelque chose d’inévitable. Toujours est-il que les cons encocaïnés et / ou tazés jusqu’au sphincter qui passent leur temps à tchatcher en hurlant et en se foutant totalement du concert, mais en bouffant l’espace des autres spectateurs malgré tout, moi, ça m’énerve. Il se seraient mis un peu en retrait pour parler avec leurs potes, ça ne m’aurait sûrement pas dérangé, je fais après tout la même chose… Mais en plein milieu du public, c’est quand même particulièrement pénible ; ça témoigne d’un profond manque de respect pour les artistes, et ça gâche le plaisir des admirateurs. Mes chers camarades, du coup, ont trouvé le concert nul et ont déclaré forfait. Pas moi (d’autant plus que j’ai fini par trouver un endroit plus calme, qui m’a permis d’assister à la fin du concert sans souffrir davantage de ce parasitage). Mais je n’ai sûrement pas apprécié le concert autant qu’il le méritait, à cause de ces blaireaux. Pourtant, Arcade Fire faisait partie des groupes que je voulais voir à tout prix…
Je me rends ensuite scène S, où j’ai appris que le concert de Mika était annulé. M’en fous, mais je me demande naïvement si, pour cette raison, le concert de LCD Soundsystem ne va pas être avancé… Mais non, bien sûr. A la place, on a droit à un groupe d’illustres inconnus parfaitement médiocres, qui font trois petits tours et puis s’en vont. Moi aussi.
Je me dirige vers la scène E, où Bloc Party fait son show. Impossible de dépasser l’esplanade, déjà bondée, ce qui ne me permet guère d’apprécier le concert ; mais de là haut, en tout cas, on peut voir une foule énorme se trémousser dans la fosse, et qui a l’air de bien s’amuser. Vu de loin, ça avait l’air autrement plus convaincant que leur poussif concert à Ramonville, il y a de ça quelque temps (juste après la sortie de Silent Alarm), qui m’avait terriblement déçu. Dommage…
Je retourne scène S, où la laborieuse balance de LCD Soundsystem s’achève enfin. Le groupe déboule assez rapidement sur scène et entame un set très énergique, punk et dansant, malgré un son moyen. James Murphy, par contre, n’est pas à l’aise et ça se voit ; il dandine mollement son petit bidon, trippe avec ses cloches et sa cymbale et présente ses musiciens à la moindre pause (le monstrueux batteur, « Pat », se voit même accorder cet honneur deux fois…). Il se détend quand même progressivement, et adopte une excentricité un peu forcée et maladroite, qui rend le bonhomme encore plus sympathique, finalement. Les morceaux de Sound Of Silver ("Get Innocuous!", "Time To Get Away", "North American Scum"...) et LCD Soundsystem ("Daft Punk Is Playing At My House", "Tribulations", "Movement"...) s’enchaînent avec bonheur, tout le monde danse, le son s’énerve, ça monte, ça monte… et le concert de s’achever sur une version particulièrement hystérique du génial « Yeah (Crass Version) ». Ca fait du bien. Le meilleur concert de la soirée en ce qui me concerne.
Ceci dit, la suite n’est pas mauvaise pour autant, loin de là. En effet, tandis que James Murphy et ses potes achèvent leur concert, les joyeux frappadingues des Scissor Sisters entament le leur sur la scène O, devant laquelle s’est réunie une foule impressionnante de grandes folles, authentiques ou pour un soir, et qui s’amusent de toute évidence beaucoup. Le début fut un peu mou, à ce qu’on m’en a dit plus tard. Mais, au moment où j’arrive, ça commence à se déchaîner sur la grande scène submergée d’éclairages roses et violets. Jake Shears est littéralement dingue, et parcourt la scène de long en large, en sautillant, les yeux exorbités et le sourire au lèvres ; son costume de dandy perd progressivement des éléments, et il finit le concert quasiment à poil (étonnant, non ?). Mais, quoi qu’il fasse, il conserve toujours une voix parfaite. Un type très charismatique et un excellent chanteur. Mais pour ce qui est du charisme, à vrai dire, Ana Matronic n’est pas en reste, très professionnelle dans son rôle de meneuse de revue. Elle parle ainsi à son public, entre chaque morceau, de sexe, de drogue, de musique et de politique, avec une aisance égale ; loin de constituer des entractes ennuyeux, ces petits interludes font partie du spectacle, et le public en redemande. Pour le reste, de toutes façons, il est comblé. Le son est d’une qualité exceptionnelle, et les tubes s’enchaînent : « Take Your Mama », l’inévitable et cultissime reprise de Pink Floyd « Comfortably Numb », « Paul McCartney », « I Don’t Feel Like Dancin’ », « Kiss You Off », j’en passe et des meilleures. Tout le monde danse, toute résistance est inutile. Le concert s’achève enfin sur une nouvelle version du tubesque « Filthy/Gorgious », sans doute moins énergique que l’originale, mais très efficace néanmoins, et fort bien vue. Le groupe salue à la manière d’une troupe de comédiens, et quitte la scène sous les applaudissements de la foule qui en redemande. Un excellent concert, qui clôt agréablement cette première soirée.
Qui la clôt, oui, parce que franchement, mes chers camarades et moi, on n’en peut plus. On est contents, repus, crevés. Il est environ 5 h du matin, et les 2manydjs mixent scène S. On comptait d’abord les voir, mais on n’en a franchement pas la force... Perso, je m’en foutais un peu, donc ça ne me dérange pas plus que ça de me diriger vers un repos bien mérité.
On s’en va clochardiser sur la plage, quelques centaines de mètres plus loin ; sans surprise, d’autres ont eu la même idée que nous, étrangement peu nombreux cependant. Trois heures plus tard, le soleil, qui tape déjà dur, nous réveille dans un sale état ; il y a bien pire à côté de nous, néanmoins, dont un couple passablement défoncé qui en chie visiblement, et, plus loin, un type face contre terre et littéralement carbonisé (quelque temps plus tard, on entend une ambulance ; m’étonnerait pas qu’il y ait fait un petit tour…). La journée est longue et chaude. C’est difficile, mais on reprend quand même des forces. Le temps de préparer quelques sandwiches pour ne pas refaire la même erreur que la veille, et l’on reprend le chemin du Parc del Forum.
On arrive un peu à la bourre, ceci dit. Certains d’entre nous souhaitaient voir Soulsavers feat. Mark Lanegan (scène S), d’autres James (scène O). On passe devant les deux concerts, bien entamés, et ça n’est guère convaincant…
Du coup, on préfère se poser directement dans l’amphithéâtre de la scène E, où DJ Shadow va bientôt commencer son set. La gapette vissée sur le crâne, celui monte bien vite sur scène, et commence à bidouiller ses platines et son sampler, s’interrompant de temps à autre pour papoter avec son public (assez nombreux). Derrière lui défilent de fort sympathiques vidéos, à la tonalité très politique le plus souvent ; et au-delà, la mer… C’est un peu mou, dans un premier temps, même si la technique du bonhomme ne saurait faire de doute. Et puis arrive « Organ Doner » ; Shadow s’amuse avec son public, qui connaît nécessairement par cœur cette petite ritournelle à l’orgue (derrière lui, sur l’écran, on peut lire « Yeah, yeah, I know what you’re thinking… Still that organ thing ? Couldn’t he play something new ? Well, the fact is I play it since 1997, as I know it always turns the audience. Crowd’s pleasure... » Je cite de mémoire, hein, et probablement en très mauvais anglais…). Il s’amuse, le bougre. Il se fait désirer… Et puis ce tube démarre vraiment, et le concert s’enflamme définitivement. Les morceaux de bravoure s’enchaînent, mixes et scratches sont à chaque fois plus virtuoses sans être vains pour autant, et des échantillons piochés un petit peu partout dans l’ensemble de la production du DJ sont réutilisés sans cesse pour aboutir à des morceaux totalement différents et toujours intéressants. Plaisir des yeux et des oreilles. Pour ma part, je retiens surtout, vers la fin, un dantesque mix basé principalement sur des morceaux d’UNKLE, qui commence calmement avec le joli « Celestial Annihilation » pour être ensuite emporté par le furibard « Nursery Rhyme », sur lequel vient finalement se coller la voix éthérée et mélancolique de Thom Yorke sur le très beau « Rabbit In Your Headlights »… Très belle performance. Shadow remercie humblement son public, et quitte la scène sous les applaudissements. Ce samedi soir s’annonce plutôt bien…
Sur la scène O, c’est bientôt le tour de The Jesus And Mary Chain. Je connais très mal ce groupe culte (honte sur moi…), mais ça me fait quand même bien envie. Aïe. A peine entré en scène, le groupe se foire lamentablement sur son premier morceau… Ca s’annonce pas top. Le son est pourri, le groupe amorphe, le public aussi. Cruelle déception…
Autant aller voir ailleurs. Sous le chapiteau de la scène S, c’est bientôt le tour de The Gossip. Je connais pas du tout. Certains, qui ont écouté l’album, me disent que c’est sympa, sans plus. Pourquoi pas ? Et là, surprise : la chanteuse, passablement bouboule, débarque sur scène comme une furie hystérique qui saute partout… et le groupe se plante sur son premier morceau. C’est une malédiction, ou quoi ? Non. Oh que non. Parce que la suite est une énorme baffe. Les morceaux sont très simples (batterie qu’on qualifiera poliment de « minimaliste », guitare OU basse, jamais les deux à la fois, et chant). Après quelques problèmes de son au début (chaque fois que la chanteuse se lâchait un peu, ça donnait un horrible larsen qui vrillait méchamment le crâne, petit souci technique heureusement vite réglé), le concert débute vraiment. Et c’est, en ce qui me concerne, la révélation du festival. La chanteuse y est pour beaucoup. Pas complexée un seul instant par son physique à l’opposé des canons de beauté de notre triste époque superficielle (là, c’est dit), elle se déchaîne avec une exubérance et un charisme sidérants, sa robe à paillettes ras-la-touffe succombant bientôt sous ses gesticulations frénétiques. Elle souffre, ceci dit : il fait terriblement chaud, et elle a la moitié du temps une serviette humidifiée collée au front ; mais rien à battre ; rrrriot grrrrrrl hystérique, elle continue de sauter partout et de faire le spectacle, tout en conservant du début à la fin une voix véritablement exceptionnelle, puissante, très soul ; on pense à Janis Joplin, ou à Aretha Franklin… La musique, par contre, est très sobre, très rock’n’roll, très punk, très dansante. Un excellent concert, qui file une patate d’enfer à tout le monde. On sort de là ébahis. Plus qu’une surprise agréable, c’est bien d’une véritable révélation qu’il s’agit. Je sais, je me répète, mais c’était vraiment très très bon.
Le concert fut relativement bref, par contre. The Jesus And Mary Chain, de leur côté, n’ont toujours pas achevé le leur. Et force est de reconnaître que la fin n’a plus rien à voir avec le calamiteux début. Les derniers morceaux sont très bons, plus bruitistes, plus sauvages, et imparables. Rien à redire. L’honneur est sauf. Enfin, presque… Parce que The Gossip, c’était mieux, na !
On attend un peu devant la scène N. Electrelane commence son concert un peu tard. Problème : c’est bientôt Air qui doit jouer scène E, et une énorme foule s’y rue. Or on ne voulait pas rater les Versaillais… Dommage. Electrelane, ça partait vraiment bien…
Maintenant, il s’agit de se caler pour le grand moment de calme de la soirée. La fosse est remplie, l’amphithéâtre aussi. Argh. Restent les pentes latérales. On se pose dans la paille. Pour Air, c’est plutôt approprié ; sauf que c’est pas très confortable, d’être coincé comme des sardines sur une pente à 45°… surtout que l’on retrouve à cette occasion cet insupportable public tchatcheur qui m’avait déjà gâché Arcade Fire. Sauf que là, c’est pire. Air, c’est une musique calme et subtile, nom d’une sieste ! Ca s’annonce pénible. Le son, au mieux médiocre, renforce cette impression (beaucoup de larsens, de basses tremblantes, la batterie abominablement mal réglée…). Ils sont bien mignons, nos petits Franchouilles tout de blanc vêtus (ce qui leur confère une petite dégaine de Bee Gees néo-romantiques définitivement versaillais) ; et les morceaux sont très bons aussi, bien sûr. Mais, mal calé, agacé par les bavardages incessants et le son pourri, un peu malade enfin, je ne parviens pas à rentrer dans le concert. Je préfère me retirer un peu, pour mieux apprécier la fin. Ca s’améliore, d’ailleurs ; quelques rares morceaux un peu plus rythmés que la moyenne (« Sexy Boy », « Kelly Watch The Stars ») arrachent même quelques pas de danse mollassons à la foule sous tranxène ; le dernier morceau (dont j’ai oublié le nom…) est même excellent, un long délire progressif qui passe très bien (mais serait sans doute bien mieux passé si la batterie avait été mieux réglée…). Quant au light show, etc., c’est un peu le minimum syndical (enfin, disons que, pour cette scène, et pour ce groupe, je m’attendais à mieux…). C’était pas nul, donc, mais Air reste quand même la grosse déception du festival en ce qui me concerne. Je regrette d’autant plus de n’avoir pu assister au concert d’Electrelane…
Je retrouve mes compères… à moitié endormis. On se remet en douceur face à la scène O, où c’est bientôt le tour des Kaiser Chiefs. Leur scène est très sobre, très « Beatles », avec le nom du groupe inscrit en grosses lettres par-dessus la batterie, au cas où on n’aurait pas compris. Bientôt résonnent les premières mesures de… « The Wizard » de Black Sabbath ? Tiens donc. Bon, c’est pas moi qui vais m’en plaindre, hein… Les membres du groupe ramènent leur sympathique frimousse sous les derniers accords de guitare stoner, et se lancent aussitôt, inévitablement, dans leur excellent tube « Everyday I Love You Less And Less » (après un faux départ tout aussi inévitable). Ils ont une pêche impressionnante, et en premier lieu le chanteur, très énergique, une vraie bête de scène qui use de tous les artifices pour motiver son public, et y parvient sans souci (« Hello Barcelona ! You’re such an audience ! ... Really better than Madrid ! » Ben tiens...). Les tubes s’enchaînent à toute vitesse, et on en a clairement pour notre argent : le son est excellent, le groupe très motivé, le public danse à tout crin... En bref, les Kaiser Chiefs nous offrent tout ce que la pop anglaise a de meilleur : fougue, arrogance, humour, légèreté, indéniable talent mélodique… Très bon concert.
Mais on ne peut hélas y assister jusqu’au bout… C’est qu’un gros morceau, que je ne veux rater sous aucun prétexte, nous attend scène S, à savoir !!! (chk chk chk pour les intimes). Je les avais vus à Toulouse peu après la sortie de Louden Up Now, et j’attendais beaucoup de leur concert de ce soir… Je n’ai pas été déçu. Sur l’ensemble du festival, ils ont incontestablement été les meilleurs. Impossible de prétendre le contraire. !!! est un groupe qui fait d’excellents albums ; mais ils nous ont montré une fois de plus qu’ils sont avant tout un groupe phénoménal en live, hystérique et très pro, tout dévoué à l’énergie, moins expérimental et plus direct. Et avec quelle réussite… Les musiciens, tous très talentueux, se déplacent en permanence, et échangent leurs instruments, dans une joyeuse partouze musicale. Nic Offer, très relax dans son short, semble monté sur ressorts ; il se rallie la foule avec aisance, qui se met progressivement à danser, et ne peut bientôt plus s’arrêter : c’est une drogue infernale, les morceaux s’enchaînant à la perfection, irrésistibles et jubilatoires. Tout le monde danse, toute résistance est inutile (oui, encore une fois !) : même votre serviteur, dont ce n’est vraiment pas la tasse de thé en temps normal… Le son parfait (d’autant plus surprenant, étant donné la complexité de la musique de !!!) sert à merveille les morceaux ; la basse, ronde et puissante, vient compléter le terrible arsenal de percussions dans une frénésie tribale incontrôlable (ils sont parfois quatre à malmener la batterie en même temps !). C’est carré, énergique, fabuleux. Puis, nouvelle surprise : une chanteuse noire, elle aussi un peu bouboule, pénètre sur scène. Ah ? Autour de moi, on s’interroge : est-ce qu’ils vont calmer le jeu ? TU PARLES ! Elle est au moins aussi dingue que les autres, et se lance dans de réjouissants jeux de voix avec Nic Offer, lequel, pour le coup, laisse tomber la voix de fausset pour se concentrer sur les éructations rythmiques. Puissance, encore et encore. Le chapiteau bondé se mue progressivement en un club de la plus belle eau, un palace voué à la danse jusqu’au-boutiste, jusqu’à la mort par épuisement, un sourire béat collé aux lèvres. Ils ont tout pour eux, et l’offrent au public avec une sincérité et une compétence rares. Gloire à !!! et à son disco-punk-funk-mutant-et-ce-que-vous-voudrez-tant-qu’à-faire. Le public ne veut pas s’entendre dire que c’est la fin ; il reste encore, trépigne, les jambes secouées de soubresauts spasmodiques, supplie le groupe de lui offrir un rappel bien illusoire – « Me And Giuliani Down By The School Yard (A True Story) », à tout hasard ? Peine perdue : c’est un festival, après tout. Alors on quitte le chapiteau, heureux ; on se dit qu’il fallait y être, et qu’on y était, et que oui, c’était vraiment aussi bien qu’on le dit, et non en fait, c’était encore mieux, pas exprimable avec des mots. Voilà.
Après, du coup, les Chemical Brothers, c’est quand même un peu des pédés… Nan, je blague. Seulement, le problème, c’est que le concert a déjà commencé, et qu’il est impossible de dépasser l’esplanade de la scène E. Mais il y a déjà de quoi se prendre une sacrée montée : en bas, dans la fosse, c’est une foule énorme qui s’est rassemblée pour danser sur les tubes breakbeat / big beat / ce que vous voudrez des deux Anglais. Je serais bien incapable d’en donner une estimation pertinente, mais je sais d’ores et déjà que je n’ai jamais vu autant de monde rassemblé quelque part ; au moins 50 000 personnes, probablement plus (il y a bien des concerts sur les autres scènes, mais ils n’attirent guère de foule, et il est 4h00 du matin…). On ne peut guère apprécier la musique d’où l’on se trouve, mais c’est à vrai dire un peu secondaire. Etrange, pour un concert… Mais le fait est que l’on peut dire des Chemical Brothers ce que l’on a souvent dit de Kraftwerk, par exemple : ils pourraient aussi bien ne pas être là ; les morceaux du duo s’enchaînent de manière assez pépère, dans des versions qui ne s’éloignent guère des enregistrements, sans la virtuosité d’un DJ Shadow qui les avait précédés quelques heures plus tôt sur cette même scène. Oui, je déteste qu’on dise ça en temps normal, mais pour une fois, c’est vrai : ils auraient aussi bien pu se contenter d’appuyer sur la touche « play », de passer des disques sans véritablement mixer, quoi… Etait-ce inintéressant pour autant ? Sûrement pas ! Déjà, je n’ose imaginer les sensations qui pouvaient parcourir les dizaines de milliers de spectateurs dansant dans la fosse, et probablement acidifiés bien comme il faut. Et surtout, ensuite, il y a le spectacle. On ne voit pas les frangins chimiques, cachés derrière leurs machines, mais ce n’est pas bien grave : le phénoménal light show agrémenté de lasers compense amplement cette absence, et surtout, il y a ces géniales projections sur un écran monumental englobant toute la scène, à la définition parfaite : voir une tête de clown ricanante de 50 m de haut, ça fait son petit effet, croyez-moi ; de même que les délires psychédéliques décortiquant le vol d’un oiseau, les explosions de boules de peinture, ou, et là je suppose que ça en a fait bad tripper quelques-uns dans la fosse, cette armée de robots géants qui s’avancent, s’avancent, s’avancent… Il y a le spectacle, incontestablement. Pour ce qui est de la musique, je serais plus critique, la sélection ne me semblant pas toujours du meilleur goût (il y avait quand même un peu de soupe dans le tas). Mais on ne peut guère profiter de l’ambiance, rejoindre la fosse est impensable. Allez, il nous faut nous rendre à l’évidence : après cette petite séance de cinoche expérimental, ça sera fini, et il sera temps de rentrer chez nous (ou plus exactement dans l’appartement que nous avions loué à Palafrugell, mais ça, c’est une autre histoire…).
Conclusion : un excellent festival, avec une affiche remarquable, et qui laisse plein de souvenirs dans la tête. Merci encore à Katia, Sandra, Anne-Sophie et aux deux Xavier pour m’avoir permis de les accompagner dans ce très chouette prélude à de très sympathiques vacances…
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