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"Le Chasseur et son Ombre", de George R.R. Martin, Gardner Dozois & Daniel Abraham

Publié le par Nébal

 

MARTIN (George R.R.), DOZOIS (Gardner) & ABRAHAM (Daniel), Le Chasseur et son Ombre, [Hunter’s Run], traduit de l’anglais (États-Unis) par Fabienne Rose et Jean-Daniel Brèque, Paris, Bragelonne, coll. Bragelonne SF, [2004] 2008, 310 p.

Ma chronique figurait sur le défunt site du Cafard cosmique... La revoici.

 

 

Six mains pour écrire, quatre pour traduire (celles, émérites, de Jean-Daniel Brèque et de Fabienne Rose) : c’est à croire que Le Chasseur et son Ombre entend rentrer dans le livre des records, catégorie roman choral. À l’origine, il y avait une novella, Shadow Twin, publiée sur scifi.com par George R.R. Martin (celui du Trône de fer), Gardner Dozois, éditeur, auteur et 15 fois primé au Hugo (un record), et le nettement moins connu Daniel Abraham. « La réunion de ces trois talents est l’équivalent littéraire d’un supergroupe de rock ! », nous dit la quatrième de couv’. Certes, mais reste à voir ce que donne cette collaboration sur la durée.

 

Le Chasseur et son Ombre, dont les premières pages reproduisent une carte, indique bien vite la couleur : nous sommes ici en plein planet opera, du genre classique, et ne prétendant à rien d’autre qu’au divertissement.

Dans cet univers, l’Humanité n’a pu bénéficier du voyage interstellaire que par l’entremise de « généreuses » races extraterrestres plus développées. C’est ainsi qu’elle a finalement essaimé à travers la galaxie.

 

Parmi les colons de la planète São Paulo, qui comme son nom l’indique, a connu majoritairement une immigration latino-américaine, nous faisons la connaissance de Ramon Espejo, originaire du Mexique, et aujourd’hui minable prospecteur indépendant, écumant le nord sauvage de la planète, infesté de chupacabras, dans l’espoir d’y faire fortune. Un bon point, très vite : Ramon Espejo est un anti-héros comme on les aime, un loser un tantinet crétin, passablement beauf, et macho jusqu’au bout des santiags. « Peut-être Dieu l’a-t-il voulu pauvre, sinon Il ne l’aurait pas fait si mauvais. »

Ramon est bien une brute au front bas, qui, au cours d’une énième baston suivant une énième cuite dans un énième bar pouilleux, a malencontreusement tué un diplomate étranger, sans trop savoir pourquoi. Du coup, en plus d’une énième engueulade de sa colérique Elena, Ramon se retrouve avec la police aux fesses, une police rendue d’autant plus nerveuse que la victime est un gros ponte et que les extraterrestres démiurgiques doivent bientôt rendre une visite en forme de bilan de la colonisation sur São Paulo.

Ramon fuit donc les pandores dans le nord de la planète, poursuivant (maladroitement) son travail comme si de rien n’était. Mais il joue décidément de malchance : bien loin de trouver un précieux gisement à même d’assurer ses vieux jours, il découvre par hasard un refuge caché abritant une mystérieuse race extraterrestre... qui a tôt fait de le réduire en esclavage, et de le contraindre à se lancer dans une frénétique chasse à l’homme. Et... on n’en dira pas plus. Si ce n’est qu’à poursuivre sa proie, Ramon va être amené à se poser bien des questions à même de changer sa vie.

Le roman adopte dans un premier temps une tonalité assez clairement humoristique, et se montre plutôt efficace. Ramon est un minable tellement antipathique qu’il en devient un personnage très sympathique. Action bien menée, rythme enlevé, dialogues souvent bien vus. L’incompréhension entre Ramon et ses maîtres extraterrestres suscite bien des scènes amusantes. Le cadre, en outre, n’est pas déplaisant, avec son atmosphère latino-américaine finalement assez originale.

Puis le ton change, et, si le roman reste avant tout un divertissement porté sur l’aventure, sorte de survival science-fictif et exotique (dans une veine qui n’est pas sans rappeler Jack Vance par moments), il devient cependant de plus en plus grave. La rupture doit-elle être mise sur le compte de la multiplicité des auteurs ? C’est fort possible. Mais hélas, si les questions qui sont posées sont loin d’être inintéressantes (identité, communication et compréhension, justice...), elles tendent par contre à se montrer répétitives, assez superficielles, parfois artificielles, et à nuire finalement au rythme du récit. Ainsi, après avoir débuté sur les chapeaux de roues comme le bon divertissement foutraque et léger, mais efficace et réjouissant, que l’on était en droit d’attendre, Le Chasseur et son Ombre, à se montrer plus sérieux, perd progressivement de sa fougue et de son intérêt, jusqu’à ne susciter qu’un ennui léger, une attention défaillante mais polie. Dommage...

 

Roman déséquilibré, Le Chasseur et son Ombre peine à convaincre totalement, se perdant un peu entre le divertissement léger et efficace des premières parties, et la plus grande ambition des pages suivantes, qui le dessert plus qu’autre chose. Le « supergroupe » succombe ainsi plus ou moins aux défauts récurrents de ce genre de réunions alléchantes à première vue, mais souvent décevantes à l’arrivée. On le regrettera d’autant plus que la première moitié environ du roman constitue un planet opera tout à fait sympathique, doté d’un chouette personnage et ne manquant pas de bonnes idées...

 

CITRIQ

Commenter cet article

D
<br /> En même temps... C'est peut être bien de s'essayer à des genres différents mais pourquoi lutter contre sa destinée... Le Trône de fer est une pure merveille, autant continuer dans ce qu'il maîtrise<br /> tant!<br /> <br /> <br />
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N
<br /> La destinée ? Et puis quoi encore ? Sinon, pas lu "Le Trône de fer" ; c'est trop long, ça me fait peur.<br /> <br /> <br />
N
M'enfin !
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U
Trop tard.<br /> Tu es un anti-bragelonien primaire.
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N
Eh, c'est pas si pire non plus, hein...
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G
Je me méfiais et visiblement j'avais raison. Dommage.
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E
Si décevant que ça ?<br /> Bon et bien je vais faire l'impasse dessus.
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