"Chimère", de Mary Rosenblum
ROSENBLUM (Mary), Chimère, [Chimera], traduction de Bruno B. Bordier, préface de David Calvo, Lyon, Les Moutons électriques, coll. La Bibliothèque voltaïque, [1993] 2009, 407 p.
Chimère est le deuxième roman de Mary Rosenblum, mais le premier à avoir les honneurs d’une traduction française… avec une quinzaine d’années de décalage par rapport à sa sortie outre-Atlantique. Eh oui, tout de même.
Ce qui explique sans doute en partie l’anachronisme relatif de ce roman, présenté comme inaugurant plus ou moins un certain mouvement « post-cyberpunk », mais qui, à le lire aujourd’hui, donne surtout l’impression d’un roman tout ce qu’il y a de cyberpunk tout court.
Mais voyez plutôt. Un futur proche, et passablement glauque (normal, quoi). Nous suivons essentiellement dans Chimère deux personnages, travaillant tout deux au départ pour un richissime (et détestable) homme d'affaires du nom de Harmon Alcourt, basé dans le complexe d’Erebus en Antarctique.
Jewel Martina s’est arrachée à force de travail de sa condition de banlieusarde sordide, pour devenir assistante médicale ; elle tente par ailleurs d’améliorer encore son niveau de vie en élaborant des « packages » sur le réseau ; sans grand succès, hélas pour elle, d’autant que son patron ne voit pas d’un très bon œil cette activité parallèle, et fait capoter sa dernière tentative en ce sens.
David Chen, quant à lui, est issu d’un milieu bien plus favorisé ; il a cependant coupé les ponts avec sa famille (chinoise et stricte au possible) pour devenir un artiste RV, et un des plus appréciés sur le marché.
C’est le compagnon de David Chen, Flander, par ailleurs un connard fini qui adopte en réalité virtuelle un avatar de renard, qui va provoquer la rencontre des deux personnages, et bientôt les faire sombrer dans un complexe engrenage pouvant entraîner leur mort à tous.
Enfin, « bientôt »… c’est vite dit.
Car malgré ce canevas en apparence typique du techno-thriller à tendance cyberpunk, Chimère se révèle surtout être un roman affreusement long et mou.
Mary Rosenblum dilue en effet considérablement l’action, et la noie d’une part dans une sorte de soap opera lourdingue (avec moult relations familiales et sentimentales critiques, et les violons en fond sonore), et d’autre part dans une réflexion (plus ou moins convenue, quoi que laisse entendre – ? – le préfacier dans son texte, euh, pour le moins, euh, hermétique, ou l'auteur elle-même dans sa postface) sur le réel et le virtuel. Sur ce second plan, Chimère accuse indéniablement son âge. Et, que ce soit dans le fond ou dans la forme, il s’en dégage une fâcheuse impression de déjà-lu.
Ce qui ne serait pas forcément problématique (ou insurmontable) si le roman se montrait par ailleurs subtil, ou haletant et divertissant. Hélas, Chimère n’est ni l’un ni l’autre. C’est en effet un sentiment de lourdeur qui domine à la lecture de ce roman sans doute beaucoup trop long et lent (sentiment accru, il faut le dire, par l’objet lui-même, certes fort joli, mais d’un maniement peu aisé et d’une lecture fatigante – un problème typique de la Bibliothèque voltaïque…). Oui, on a déjà lu tout cela, chez William Gibson ou Walter Jon Williams, par exemple (du coup, en fait de « post-cyberpunk »…), et on l’a déjà lu en mieux.
Tout juste s’il surnage ici ou là quelques bonnes idées, et, passé un certain temps, un joli travail d’ambiance pour les scènes désertiques… Mais l’ennui reste prédominant de la première à la dernière page, tandis que l’intrigue, malgré son caractère passablement capillotracté, se traîne sur un rythme d’escargot asthmatique, en accumulant lors de brèves hausses de tension rebondissements mous et révélations qui n’en sont pas, et que la plume de l’auteur se montre erratique et plombée, parfois franchement agaçante.
Du coup, il ne reste pas grand chose en faveur de ce roman trop long, trop lent, et déjà lu en mieux.
Une jolie couverture de Michelle Bigot…
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