La Brigade Chimérique, t. 1, de Serge Lehman, Fabrice Colin, Gess & Céline Bessonneau
LEHMAN (Serge), COLIN (Fabrice), GESS & BESSONNEAU (Céline), La Brigade Chimérique, t. 1, Nantes, L’Atalante, coll. Flambant neuf, 2009, 48 p.
Ma chronique se trouvait sur le défunt Cafard cosmique... La revoici.
On connaissait déjà Serge Lehman et Fabrice Colin scénaristes de bandes dessinées. Leur association nous vaut aujourd’hui une œuvre ambitieuse et un tantinet iconoclaste : La Brigade Chimérique se présente comme une tentative française (oui, oui) de comic super-héroïque. Un programme audacieux et pour le moins alléchant.
Très vite – dès le titre ? –, une référence vient immédiatement en tête : la fameuse Ligue des gentlemen extraordinaires d’Alan Moore et Kevin O’Neill. Serge Lehman et Fabrice Colin ont en effet trouvé leurs héros tout prêts dans la littérature et le cinéma de l’entre-deux-guerres (et sa réalité…). Pas nécessairement dans la seule culture populaire : de Zamiatine à Kafka en passant par Fritz Lang et Jacques Spitz, c’est tout un pan de la culture européenne (en science-fiction et en fantastique) qui sert ici de source d’inspiration.
Mais le ton se montre assurément plus grave (et moins ouvertement « fun ») que dans le comic de Moore : les auteurs nous décrivent rien de moins que « la fin des super-héros européens », dans une Europe en proie au totalitarisme (« Nous Autres » à Moscou, le Docteur Mabuse à Métropolis, Gog à Rome, la Phalange en Espagne), et à la veille de basculer dans une nouvelle guerre mondiale. Les autres pays sont également dominés par les super-héros « nés sur les champs de bataille de 14-18, dans le souffle des gaz et des armes à rayons X » ; mais ils ne sont pas forcément beaucoup plus fréquentables… Les alliances se dessinent déjà, définissant l’avenir de l’Europe… et de ses super-héros.
Ce premier tome (d’une série de six, à parution « accélérée » – les tomes 2 et 3 sortiront en septembre et octobre) comprend deux épisodes, dont un prologue (« Mécanoïde Curie », tout un programme, suivi de « La Dernière Mission du Passe-muraille »…). On ne cherchera pas à les résumer ici, tant le risque serait grand de déflorer excessivement l’histoire. En effet, après avoir dévoré ces deux aventures bien trop brèves (et relativement denses), on en veut encore… Les auteurs savent incontestablement nous accrocher, à la manière des meilleurs feuilletonistes, et concluent chaque épisode sur un cliffhanger de bon aloi. Un bon point pour eux. Mais on peut s’interroger sur la pertinence du format choisi, à mi-chemin entre comics (au fascicule, pas en TPB…) et BD franco-belge. Or, même s’il est triste d’en arriver à ces comptes d’apothicaire, 11 € pour 48 pages, certes passionnantes, c’est un peu cher, tout de même… Surtout si l’on reste, en définitive, un peu sur sa faim.
On fait cependant confiance aux auteurs pour nous régaler dans les épisodes suivants, tant ils ont placé la barre haute dès ce premier volume. L’histoire est belle et bien intrigante – pour ne pas dire encore un peu (trop ?) floue… –, et les personnages hauts en couleur, « surhumains » ou non. En outre, à l’instar de la fameuse bande dessinée d’Alan Moore précitée, le plaisir du lecteur se double d’un jeu de piste de références plus ou moins cryptiques, merveilleuse occasion de faire des découvertes enrichissantes. Sur le plan du scénario, rien à redire ou presque.
Pour ce qui est du graphisme, on se permettra de se montrer plus réservé. Le trait de Gess et son sens de la mise en page évoquent Mike Mignola avec beaucoup d’à propos. Cependant, on est loin de la maestria de l’auteur d’Hellboy, et ce dessin se révèle en définitive souvent un peu fade…
Le bilan reste néanmoins tout à fait satisfaisant, le seul véritable « défaut » (si c’en est un) étant la brièveté du volume. On attend la suite avec impatience. Preuve que cette tentative de comic super-héroïque à la française est une belle réussite.
EDIT : J'ai depuis chroniqué l'intégrale.
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