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Echos de Cimmérie, de Fabrice Tortey (dir.)

Publié le par Nébal

TORTEY (Fabrice) (dir.), Échos de Cimmérie. Hommage à Robert Ervin Howard. 1906-1936, Paris, L’Œil du sphinx, coll. La Bibliothèque d’Abdul Alhazred, 2009, 318 p.

Ma chronique était sur le défunt site du Cafard cosmique... La revoici.

 

 

 

Plus de soixante-dix ans après la mort de l’auteur, l’actualité howardienne en France est pour le moins chargée : après les rééditions entreprises chez Bragelonne par l’excellent Patrice Louinet (les intégrales de Conan et de Solomon Kane, auxquelles il faut ajouter Le Seigneur de Samarcande), suivies du volume de la « Bibliothèque rouge » consacré à Conan sous la direction de Simon Sanahujas, voilà que les éditions de L’Œil du Sphinx nous proposent à leur tour une impressionnante somme sur Robert E. Howard, sous la direction de Fabrice Tortey.

 

L’ouvrage, inévitablement orné d’une couverture signée Frank Frazetta, s’ouvre comme il se doit sur des articles biographiques, à l’iconographie abondante. On en retiendra surtout le très long texte (environ 90 pages) de Fabrice Tortey, érudit et passionnant, qui fait enfin le point sur la vie et l’œuvre du barde de Cross Plains. Les autres communications biographiques sont plus anecdotiques : on ne s’arrêtera guère sur les deux brefs articles de Glenn Lord (ce qui n’enlève rien à la qualité exemplaire de ses travaux). Christopher Gruber évoque ensuite rapidement la pratique de la boxe par Howard, tandis que Rusty Burke livre un article, pointilleux à l’extrême, visant à établir les circonstances exactes du suicide de R.E.H., et surtout l’existence ou non d’une hypothétique « lettre de suicide ».

Suivent deux fragments narratifs et deux poèmes de Robert E. Howard, tous inédits, offerts — bonne idée — en version bilingue. Avouons-le, cependant : ils ne s’adressent qu’aux howardiens forcenés… On notera néanmoins, dans le premier de ces textes (« Sous l’éclat impitoyable du soleil… »), la passerelle établie entre les textes « lovecraftiens » de Howard (par le biais du fameux Unaussprechlichen Kulten) et l’Âge Hyborien (on aura l’occasion d’y revenir ultérieurement).

Après un portfolio en couleur reprenant des illustrations pleine page de Jean-Michel Nicollet et Philippe Druillet (initiative bienvenue, mais d’un d’intérêt variable, disons ; et reconnaissons que l’on aurait bien pris un peu de rab de Frazetta…), s’ouvre la partie consacrée aux études howardiennes. Après un bref article anecdotique de Don Herron, c’est tout d’abord le style de l’auteur qui est disséqué. Simon Sanahujas s’intéresse à la construction des récits howardiens et aux influences de l’auteur, dans un article passionné mais qu’on pourra trouver un tantinet bancal. On lui préférera probablement la communication d’Argentium Thri’ile consacrée essentiellement à l’art de la description chez Howard, tout à fait intéressante.

Si le bref article de Donald Sidney-Fryer sur la dimension « pionnière » de l’œuvre d’Howard ne retient guère l’attention, il n’en va pas de même du suivant, dû à la plume de Patrice Louinet, et qui s’intéresse au thème de la royauté dans l’œuvre howardienne, à travers les personnages de Kull, Bran Mak Morn et Conan. Pierre Favier s’interroge ensuite sur l’éventuelle dimension shakespearienne de la nouvelle « Kings of the Night », tandis que Rodolphe Massé tente, avec plus ou moins de réussite, une lecture « spirituelle » de l’œuvre howardienne, en s’appuyant notamment sur la première nouvelle consacrée à Conan, « Le Phénix sur l’épée ».

Suivent deux textes consacrés à la figure de Solomon Kane. Le premier, signé Patrice Allart, ne convainc guère, tant il adopte des allures de paraphrase des textes howardiens. De manière paradoxale, il ne suscite véritablement l’intérêt du lecteur qu’en évoquant les réécritures et continuations par d’autres auteurs qu’Howard… Après quoi, sa liste de « plagiats » et sa « filmographie rêvée » sont trop subjectives pour emporter l’adhésion. On y préférera l’article (un peu trop court, peut-être ?) d’Olivier Legrand sur le racisme dans Solomon Kane, honnête et salutaire mise au point.

Le thème du racisme reste très présent dans les deux passionnants textes qui suivent, et qui confrontent Howard à son éminent confrère et correspondant H.P. Lovecraft. Dans un premier temps, Michel Meurger nous régale, à son habitude, avec un article au titre alléchant (« Des rites impies de sadisme et de sang. Le réveil de l’archaïque chez Howard, Lovecraft et Vere Shortt »), même s’il frôle allègrement le hors-sujet (dans la mesure où l’on retient surtout l’évocation de « l’inconnu » Vere Shortt, dont l’œuvre antérieure à « L’Appel de Cthulhu » de Lovecraft et au « Monolithe noir » d’Howard présente de saisissantes ressemblances avec ces deux fameux textes)… Dans un second temps, Patrice Allart se rattrape de sa précédente communication en s’attardant heureusement sur le « club des aventuriers » d’Howard, petit cycle plus ou moins volontaire de nouvelles au parfum lovecraftien.

Avant de se conclure comme il se doit sur d’imposantes bibliographies, Échos de Cimmérie comprend deux autres textes qui s’intéressent davantage à la réception de l’œuvre howardienne en France. Joseph Altairac se penche ainsi sur le rôle de Jacques Bergier dans la découverte de l’auteur de par chez nous (un article assez amusant, notamment du fait des nombreuses approximations dont Bergier était semble-t-il coutumier…), tandis que Quélou Parente et Fabrice Tortey interrogent brièvement François Truchaud, le traducteur historique d’Howard.

 

Le bilan, malgré quelques baisses de régime ici ou là, est très largement positif. Échos de Cimmérie est un très bel ouvrage et une somme passionnante et érudite, qui ravira à l’évidence tous les amateurs d’Howard. Un ouvrage tout à fait remarquable et du plus grand intérêt, sur un auteur de légende que l’on n’a pas fini de redécouvrir…

 

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