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The Dunwich Horror and others, de H.P. Lovecraft

Publié le par Nébal

The Dunwich Horror and others, de H.P. Lovecraft

LOVECRAFT (H.P.), The Dunwich Horror and others. The Best Supernatural Stories of H.P. Lovecraft, selected and with an introduction by August Derleth, Sauk City, Arkham House, [1963] 1973, XX + 431 p.

 

Cela devait arriver, c'était inéluctable (« toute marche irrésistible vers un destin »...) : à force de lire des choses sur Lovecraft ou autour de Lovecraft, j'ai eu très envie de relire ses nouvelles, et cette fois dans le texte. The Dunwich Horror and others, qui est présenté, dans l'ensemble à bon droit, comme un best-of des histoires surnaturelles du gentleman de Providence, s'est inévitablement imposé à mes yeux (malgré ou à cause de la couverture peu ragoûtante...) : il est vrai qu'il contient presque toutes les meilleures histoires de Lovecraft ; ne manquent à l'appel que ses « romans » (rassemblés dans At the Mountains of Madness & other novels) et, plus étrangement, « The Dreams in the Witch-House » (même recueil). Tout le reste se trouve dans ce volume.

 

Avec quelques étrangetés qui n'y ont peut-être pas leur place,cela dit : en ce qui me concerne, deux des textes compilés ici sont même plutôt mauvais (« Cool Air », qui ne fait pas peur, car n'ayant aucune raison de faire peur quoi qu'en dise le narrateur, et « The Terrible Old Man », très court heureusement, dont je ne sais s'il est avant tout lamentable de par sa xénophobie affichée ou sa profonde puérilité – les deux s'associant, à vrai dire). « In the Vault » est par ailleurs une histoire à la Poe assez anecdotique, mais je lui reconnais une sensation assez remarquable de claustrophobie ; enfin, mais c'est là très personnel, je trouve « Pickman's Model », « The Picture in the House » et « The Thing on the Doorstep » un cran inférieures aux autres nouvelles du recueil, sans être mauvaises pour autant (loin de là).

 

Le reste, c'est que du bonheur : « The Rats in the Walls », « The Outsider », « The Colour out of Space », « The Music of Erich Zann », « The Haunter of the Dark », « The Call of Cthulhu », « The Dunwich Horror », « The Whisperer in Darkness », « The Shadow over Innsmouth » et « The Shadow out of Time », tout de même (dans l'ordre du recueil, pas forcément très bien choisi). Tout n'y relève pas du « Mythe de Cthulhu », au passage, mais on en trouve les textes essentiels.

 

Le « Mythe »... Inévitablement, dans sa préface, August Derleth brode sur ce thème, et, hélas, c'est à sa manière... Il affirme donc le substrat manichéen et/ou judéo-chrétien de cet ensemble en dépit du bon sens et, à n'en pas douter, en dépit des intentions et de la philosophie lovecraftiennes, et en rajoute une couche avec l'idée particulièrement stupide d'un panthéon élémentaire (Cthulhu = eau, etc.). Il pousse enfin le vice, mais c'est assez logique, du coup, jusqu'à hisser ses propres contributions au « Mythe », et notamment ses « collaborations posthumes », au niveau de celles de Lovecraft...

 

Bon, peu importe. Ce n'est qu'une introduction, et les textes purement lovecraftiens qui suivent parlent d'eux-mêmes. Je note quand même que Derleth affirme que « The Dunwich Horror » était aux yeux de Lovecraft sa meilleure nouvelle (dans ce genre-là, en tout cas), d'où le titre du recueil, mais cela peut laisser perplexe : si j'aime toujours beaucoup ce texte, avec sa belle ambiance rurale dégénérée, je ne peux qu'avouer, à la relecture, que S.T. Joshi n'a pas totalement tort – même s'il est trop sévère à mon sens – quand il condamne la fin, pour l'essentiel, de ce texte séminal (et très rôlistique indéniablement, il y a là une source essentielle des investigations ultérieures), comme étant passablement ridicule et inscrivant du coup la nouvelle dans le registre parodique à force de caricature... Je note aussi, forcément, l'appréciation de Robert M. Price montrant combien ce texte était étrangement « derlethien » avant d'être « lovecraftien »... Bon. Il est cependant clair à mon sens que des nouvelles comme « The Colour out of Space », « The Call of Cthulhu », ou « The Shadow over Innsmouth » sont bien meilleures, voire « The Whisperer in Darkness » ou « The Shadow out of Time », pour m'en tenir aux seuls textes de ce recueil (mais, encore une fois, j'aime quand même vraiment beaucoup « The Dunwich Horror »...).

 

C'était Cocteau, je crois, qui prétendait que Lovecraft gagnait à être lu en français. Cette première lecture des nouvelles du gentleman de Providence dans le texte m'a permis de tordre le coup à cette idée reçue ; je n'étais certes pas le dernier à critiquer « l'adjectivite aiguë » de Lovecraft, mais le fait est que ça coule tout seul en anglais. Certes, on ne conte pas les « hideous », « ghoulish » ou « cyclopean », mais ça passe mieux... Je ne prétendrais pas pour autant que Lovecraft est au-dessus de toute critique stylistique (j'ai ainsi souffert, par exemple, de l'accumulation de tournures interrogatives dans les longues dernières pages de « The Shadow out of Time », pourtant un texte brillant), mais dans l'ensemble, c'est quand même très fort (malgré quelques tirages à la ligne, dans les textes les plus tardifs essentiellement, qui sont aussi les plus longs).

 

Ces nouvelles – on le sait, je n'invente certes pas l'eau chaude – adoptent souvent la forme de « rapports » (lettres ou journaux intimes), dans lesquels l'horreur a déjà eu lieu, même si elle est annonciatrice de pire encore, probablement. Ce procédé est souvent très efficace (« The Call of Cthulhu », « The Whisperer in Darkness », « The Shadow over Innsmouth », peut-être aussi « The Colour out of Space »), mais n'est pas sans défauts ou risques, notamment quand la question du réalisme de ces « rapports » entre en contradiction avec les besoins littéraires : ainsi de la révélation retardée ou qui n'en est pas vraiment une (« The Outsider », « The Dunwich Horror », « The Whisperer in Darkness », « The Shadow out of Time »), ou – là ça en devient un peu gênant – le fait de coucher sur le papier en temps réel ou peu s'en faut des scènes ou comportements qui ne devraient pas supporter ce procédé (ce qui est surtout vrai ici de la fin de « The Rats in the Walls », mais on pourrait citer aussi, non recueilli ici, « Dagon »).

 

Par ailleurs, lesdits rapports sont dénués de dialogues, mais non exempts de longs, très longs monologues : les exemples les plus flagrants, ici, sont peut-être ceux que l'on trouve dans « The Shadow over Innsmouth », et notamment celui de Zadok Allen dans son sabir d'ivrogne.

 

Je note enfin une distorsion entre la peur et le « weird », parfois. Le cas – à mon sens raté – de « Cool Air » a déjà été évoqué, mais d'autres textes, nettement plus réussis, présentent également ce caractère à mon sens – et notament « The Whisperer in Darkness », qui annonce d'emblée que le narrateur n'a somme toute rien vu d'horrible à proprement parler ; procédé qui me paraît également notable dans certains des textes les plus tardifs, abondant en merveilles (distinctes de celles des nouvelles « dunsaniennes », pas reprises ici), et notamment « The Shadow out of Time » et, forcément, At the Mountains of Madness.

 

Ces quelques remarques générales ne signifient en rien que ma passion pour les textes de Lovecraft a été affectée ; bien au contraire, je sors de cette lecture avec une profonde admiration, totalement renouvelée, pour l'auteur au sommet de sa forme, d'une adresse incomparable dans la construction notamment, mais aussi remarquablement doué pour introduire ses textes façon « pan dans ta gueule », et les imprégner d'une philosophie originale et aussi séduisante qu'effrayante. Je me suis régalé à la lecture de cet excellent recueil, plus que jamais. Et je compte bien poursuivre prochainement, probablement avec At the Mountains of Madness & other novels...

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