GUÉRAUD (Guillaume), La Brigade de l’Œil, Paris, Gallimard, coll. Folio Science-fiction [2007] 2009, 317 p.
Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 56 (pp. 85-86).
Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant un an.
En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…
EDIT : Hop :
La Brigade de l'Œil est le premier roman de science-fiction de Guillaume Guéraud, après une dizaine d'autres titres publiés aux éditions du Rouergue. Un roman qui annonce franchement la couleur, dès sa première page : l'auteur joue en effet de la carte dystopique dans ce récit (jeunesse ? malgré l’âge d’un des principaux protagonistes, et, semble-t-il, le passé de l’auteur, on est en droit d’en douter…) qui se présente d'entrée de jeu comme un hommage appuyé au Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Mais pas de pompiers pyromanes pour autant, ici : cette fois, ce ne sont pas les livres qui trinquent, bien au contraire : on lit beaucoup, dans ce roman, et l'on y révère les grands noms de la littérature.
Dans l'État de Rush Island, dans un futur proche, ce sont en effet les images que la Loi Bradbury (aha) interdit depuis une vingtaine d'années. Le dessin, la photo, le cinéma, la télévision ont été bannis de l'île par l'Impératrice Harmony, après sa Révolution victorieuse. La propagande l'assène : les images sont néfastes, elles mentent, elles sont l'opium du peuple (refrain connu). Une brigade spéciale a été créée pour appliquer cette loi draconienne ; ses agents, les najas aux yeux grand ouverts par les galiscopes, brûlent les documents interdits, au chalumeau ou au lance-flammes. Quant aux contrevenants – il y en a nécessairement, même après toutes ces années –, ils se voient tous appliquer une même sanction, terrible : ils sont purement et simplement aveuglés. Ils sont ainsi châtiés par où ils ont péché ; mais les écrits du philosophe officiel Kimsoon les consolent... en braille, et en lieux communs.
Falk est un capitaine de la Brigade de l'Œil, et un des plus brillants avatars de ces iconoclastes modernes... même s'il a bien entendu lui aussi ses faiblesses. Face à lui, le lycéen Kao, petit-fils d'un projectionniste « résistant », est un « terroriste » : un dealer d'images interdites... Le roman alterne les points de vue du chat et de la souris, jusqu'à leur inévitable confrontation finale, dans un grand incendie inéluctable...
Rien que de très classique, on le voit. Si l'objet de la censure change, on se retrouve bien devant un plaidoyer en faveur de la liberté sous toutes ses formes. L'hommage est appuyé, dès le postulat un tantinet absurde lorgnant vers la fable surréalisante. Mais, si le roman vibre en quelques occasions d'un amour frappant du cinéma autorisant quelques jolies scènes, il peine cependant à convaincre, et n'arrive en tout cas pas à la cheville de son illustre modèle, sans surprise. Là où la quatrième de couverture, élogieuse comme il se doit, nous promet « un roman coup de poing » par « l'un des auteurs les plus stimulants et dérangeants de sa génération » (rien que ça !), on n'a en fin de compte qu'une dystopie falote et déjà lue, saturée de clichés, et qui n'apporte rien au genre... L'hommage est un peu trop poussé, en somme. Et sans grande pertinence, ce qui est plus gênant...
Hélas, si la narration assez « cinématographique » n'est pas désagréable, le style est par contre à l'avenant : lapidaire, tout en répétitions, et perclus de tics parfois horripilants, il se montre au mieux fade, au pire un brin pénible.
Le roman n'a du coup pas grand chose pour lui ; on pourra lui concéder, outre sa brièveté relative, sa violence sèche, et, en contrepoint, quelques séquences cinéphiles plutôt réussies, parfois même émouvantes. C'est peu...
Bien trop peu. On peut s'interroger, dès lors, sur l'intérêt de cette publication anodine, pas nécessairement mauvaise, mais franchement médiocre. Une fois n'est pas coutume : on préférera l'original (les originaux...) au remake...