Valkyria Chronicles
Valkyria Chronicles (PC)
Là, j’ai fait les choses à l’envers, puisque j’ai découvert Valkyria Chronicles via son deuxième opus, sur PSP. Je vous en avais parlé à l’époque, en bien et ô combien, tant je m’étais régalé avec ce « tactical-RPG », disons, genre que j’ai toujours beaucoup apprécié (même si la dimension RPG est limitée), depuis ma découverte émerveillée des Shining Force, plus tard de Final Fantasy Tactics : The War of the Lions, ou encore des hilarants Disgaea. Or Valkyria Chronicles, s’il s’inscrit dans le genre (ou dans celui du combat tactique, comme vous voudrez), bénéficie d’un certain nombre de singularités qui en font un titre à part, et c’est tant mieux. Quand j’ai appris que ce premier volet avait été repris sur PC, et possédant enfin une machine à même de le faire tourner, je me suis jeté dessus – et m’en suis bien vite délecté.
L’histoire prend pour cadre un monde alternatif, assez proche à bien des égards du nôtre, et notamment de l’Europe plongée dans la Deuxième Guerre mondiale (et l’esthétique du jeu, certes très manga, joue clairement cette carte) : ici, la Deuxième Guerre d’Europa oppose pour l’essentiel deux entités énormes, la Fédération à l’ouest (rassemblant des sortes de démocraties libérales) et l’Empire à l’est, davantage tourné vers l’autocratie. Entre les deux, on trouve çà et là quelques États-tampons, comme la petite principauté de Gallia, qui sera le cadre du jeu.
Or Gallia, en dépit de sa neutralité affichée, ne sera pas épargnée par le titanesque conflit qui embrase Europa : l’Empire lance ses troupes sur le petit pays, pour des raisons plus ou moins bien connues – on pense tout d’abord à ses précieux gisements de ragnite, cette roche aux capacités étranges qui s’avère cruciale pour l’effort de guerre (elle sert entre autres de « carburant » pour les chars, mais constitue aussi l’élément de base d’une sorte de médicament universel), mais on en vient à envisager une autre cause, liée : l’héritage des Valkyrurs, cette race semi-divine des temps anciens, qui a vaincu les Darcsens maudits (ces individus aux cheveux bleus-noirs subissent toujours l’opprobre à l’époque du jeu – ils sont au mieux discriminés et méprisés, au pire chassés et parqués dans des camps de travail forcé…) et posé les bases de la civilisation d’Europa ; Or, à la tête de Gallia, on trouve la jeune princesse Cordelia, censée être du sang des Valkyrurs…
En tant que « tactical-RPG », Valkyria Chronicles ne fait sans doute pas tout à fait incarner un unique personnage – c’est le groupe qui compte –, mais le héros de l’histoire n’en est pas moins un certain Welkin Günther – fils d’un célèbre général de Gallia qui s’était illustré pendant la Première Guerre d’Europa, vingt ans plus tôt. Welkin n’a cependant pas embrassé la carrière militaire – même s’il a reçu une formation d’officier et de commandant de tank durant ses études supérieures (la conscription est essentielle à Gallia, et tout le monde y reçoit une formation militaire) ; ce qui l’intéresse avant tout, ce sont les sciences naturelles, et son plus cher désir est d’enseigner. Il n’échappera cependant pas au conflit : alors qu’il se trouve dans sa ville natale de Bruhl, près de la frontière avec l’Empire, ses troupes lancent l’assaut… Aidé par un membre de la milice locale, Alicia Melchiott, et par sa propre demi-sœur de sang darcsen, Isara, qui ressort de son garage l’Edelweiss, le tank du général Günther, Welkin est amené à repousser l’assaut. Tous trois intègrent bien vite la milice de Gallia – tenue en piètre estime par les généraux nobles qui n’ont que mépris pour la roture –, et Welkin prend le commandement de la septième escouade, qui sera amenée à enchaîner les missions les plus pourries et les plus dangereuses… D’autres personnages essentiels en font partie, qui sont directement liés à son histoire, comme la chanteuse Rosie (animée par une profonde haine à l’encontre des Darcsens) ou le vétéran Largo… Le reste de l’escouade est géré par le joueur, qui se voit proposer plusieurs profils pour chaque classe, et fait son choix parmi eux (sachant, et c’est là une grande subtilité du jeu, que tous ont une histoire, des sentiments – untel est à l’aise auprès de tel autre, mais déteste vigoureusement un troisième, ce genre de choses – et des aptitudes spéciales, en positif comme en négatif – allergie au pollen, tir impossible à esquiver, sadisme, vision nocturne, panique, camaraderie… ou même passion des légumes ! – ; tous ne sont donc pas interchangeables, et le terrain comme les circonstances des batailles à venir impliquent dès lors de bien peser ses choix).
Au-delà des chars – Welkin dirige donc l’Edelweiss dans la plupart des missions (il est quelques rares fois à pied, considéré alors comme un scout), mais il y aura en outre un second tank ultérieurement –, on compte cinq types de soldats (qui progressent en expérience par classes entières, ce qui évite les disparités trop contraignantes et rend le levelling moins nécessaire que dans pas mal de jeux du genre, ouf) : les scouts, comme Alicia, sont des soldats très rapides – leur marge de déplacement est bien supérieure à celle de toutes les autres troupes –, équipés de fusils et de grenades, et à même de dévoiler le terrain dans tous ses aspects et de repérer les adversaires, même s’il faut tenir compte de leur fragilité relative ; les troopers, comme Rosie, sont des soldats un peu plus costauds mais aussi un peu plus lents, équipés d’une mitrailleuse et de grenades, et plus tard d’un lance-flammes – les troupes anti-personnel par excellence ; les lancers, comme Largo, sont des troupes anti-chars pour l’essentiel (leurs lances sont en fait des sortes de bazookas, indispensables ou peu s’en faut pour se débarrasser des blindés – on vise les radiateurs à l’arrière si possible… –, mais d’une imprécision qui les rend peu fiables contre les fantassins) ; plus rares, on trouve encore les engineers, qui, pour être équipés d’un fusil et de grenades, remplissent avant tout des missions d’assistance – surtout les réparations des chars sur le terrain, mais aussi des soins plus puissants que ceux que peuvent prodiguer les autres troupes ; ils servent en outre à « recharger » les unités qui ont besoin de munitions (grenades, lances, mortiers, cartouches de snipers) ; et ils peuvent enfin reconstruire des éléments du décor, comme des sacs de sable servant de protection, mais je dois dire que je ne les ai jamais utilisés à cet effet… –, et enfin les snipers, lents et fragiles, et dont le fusil à un coup ne leur permet pas de faire des tirs de barrage ou d’interception (contrairement aux scouts, troopers et engineers, voire les chars), mais qui bénéficient d’une lunette et d’une portée incomparable, leur permettant de faire des dégâts colossaux à l’ennemi à distance et en toute discrétion – à condition d’être bien placés, donc.
Chaque chapitre comprend des scènes d’histoire – façon manga ou anime, cela dépend ; relativement sympathiques, même si l’histoire est plutôt convenue et un peu niaise (ce qui ne l’empêche pas de se montrer à l’occasion drôle ou touchante, car on s’attache bien vite aux personnages) –, ainsi qu’une ou plusieurs batailles, qui sont évidemment au cœur du jeu.
Les batailles – je parle ici de celles qui constituent l’histoire, pas des escarmouches qui en découlent et que l’on peut librement rejouer pour gagner en expérience – sont presque toutes « scénarisées », entendre par-là que l’objectif n’est presque jamais simplement d’éliminer tous les adversaires ou de se contenter de capturer le camp de base ennemi (même si ce dernier objectif est souvent de la partie), mais bien d’accomplir des tâches précises (parfois trop « scriptées » au goût de certains, semble-t-il – au sens où il faut employer une tactique précise pour l’emporter –, mais je n’ai pas eu de problème avec ça), comme par exemple atteindre une destination particulière, éliminer un adversaire précis, faire sauter une bombe, protéger un camp, intercepter un véhicule, ce genre de choses ; les batailles sont ainsi très variées, mais leurs objectifs ne sont pas seuls en cause : le terrain est d’une importance cruciale, et, au-delà de quelques effets classiques (se protéger derrière des sacs de sable, ramper dans les hautes herbes, tirer depuis une tour…), on trouve quelques originalités bienvenues, adaptées aux circonstances précises de chaque assaut – emprunter des trains ou des ascenseurs pour atteindre des positions inaccessibles autrement, faire sauter des ponts, éviter la lumière de projecteurs, tirer des fumigènes pour dissimuler son approche, éviter les bombardements dans les tranchées… On évite ainsi toute lassitude, et chaque bataille présente des caractéristiques qui lui sont propres, et qui en font autant de nouveaux défis à relever. On pourra juste regretter que la difficulté ne soit pas toujours très bien dosée – globalement, les dernières batailles m’ont toutes paru bien plus faciles que pas mal des précédentes ; ça provenait peut-être du fait que je m’étais amélioré et avais acquis certains réflexes, oui, mais je ne crois pas que cela explique tout.
Après avoir choisi, dans un nombre limité, les troupes que l’on compte utiliser (au moins dans un premier temps : il sera possible et souvent nécessaire, en cours de bataille, de replier des unités depuis un camp et d’y faire apparaître d’autres soldats en remplacement, plus appropriés à la tournure de la bataille), on accède au mode de commandement, qui fonctionne par tours. On dispose d’un certain nombre de points de commandement qui permettent de faire agir les unités (certains soldats – Alicia, Rosie, Largo et, plus tard, Zaka – fournissent des points de commandement supplémentaires, qui disparaissent s’ils sont éliminés, et il en va de même pour certaines troupes ennemies, à abattre en priorité, du coup – notons que la bataille est toujours perdue si Welkin est abattu, ce qui vaut parfois aussi pour d’autres personnages, en fonction des circonstances ; de même, si le camp de base tombe, c’en est fini de l’escouade…) ; pour faire agir une unité, on doit dépenser un point de commandement – deux pour les chars (on peut par ailleurs, via ce mode, lancer des ordres qui améliorent telle ou telle capacité ou produisent un effet spécial – par exemple, mettez tous l’accent sur la défense, guérissez tel personnage, faites intervenir un sniper sur telle cible… – qui coûtent entre un et trois points de commandement) ; les points de commandement non utilisés dans un tour sont reportés sur le suivant, jusqu’à un maximum de vingt (ça ne m’est que très rarement arrivé, voire jamais…). L’intérêt des points de commandement réside dans la souplesse : on n’est pas obligé de faire intervenir toutes les unités, mais, surtout, on peut (et on doit souvent) en faire agir une plusieurs fois dans le même tour – mais elle disposera alors de moins en moins de points d’action à chaque fois, ce qui diminuera ses capacités de déplacement (et il sera peut-être un peu moins efficace à l’assaut, mais je n’en suis pas sûr).
Quand on fait agir une unité, on passe en vue à la troisième personne – et surtout en semi-temps réel : pendant les déplacements, on subira ainsi « en direct » les tirs d’interception de l’ennemi, qui évolueront en fonction du mouvement adopté et du temps que l’on y consacre. Par contre, quand il s’agira pour l’unité d’agir et non simplement de se déplacer, le temps se figera : on peut prendre ainsi le temps de viser (à la tête, tant qu’à faire... ou dans le radiateur à l'arrière des tanks pour les éliminer d'un seul coup de lance), ne pas réparer ou soigner dans la panique, etc. C’est là une originalité essentielle du jeu, très bien vue, et que l’on prend rapidement en main (même si l’on peut regretter que le jeu, dans son portage sur PC, ait conservé une certaine ergonomie « console », pas toujours bienvenue).
Si un personnage autre que Welkin (dans son char le plus souvent, mais pas toujours) est abattu, il n’est pas nécessairement mort pour autant. Il reste en fait au sol pendant un certain temps, ce qui donne la possibilité à une autre unité de le rejoindre et d’appeler les secours pour l’évacuer en toute sécurité (et il sera alors possible de le faire revenir via un camp dans les tours qui suivent) ; par contre, si on laisse passer trop de temps (trois tours, sauf erreur) ou si une unité ennemie se retrouve juste à côté, le personnage sera bel et bien mort (sauf ceux qui importent à l’histoire et fournissent des points de commandement outre Welkin – Alicia, Rosie, Largo et plus tard Zaka). Cela ne m’est que très rarement arrivé au cours de la partie (trois fois – et pour trois scouts si je ne m’abuse, il est vrai que je leur en demandais beaucoup…), mais ça produit toujours son petit effet, tant les personnages sont singularisés…
En dehors des batailles, quand on rejoint le mode « livre » qui fait avancer l’histoire d’épisodes en épisodes, on peut accéder à plusieurs index, fournissant le plus souvent des éléments de background (pour chaque personnage ou arme, mais aussi pour certains traits historiques, culturels, etc., particuliers, via un glossaire), mais permettant aussi de jouer des « escarmouches », au niveau de difficulté variable ; mais on peut surtout accéder au quartier général, et ainsi se lancer dans l’aspect « gestion » du jeu. La caserne permet d’accéder aux différentes fiches des personnages membres de l’escouade, avec leurs caractéristiques, leurs amitiés, leurs « potentiels » spéciaux, et permet surtout de gérer leur équipement (les armes développées en R&D, mais surtout celles, plus rares et souvent plus puissantes, que l’on prend à l’ennemi, et les armes spéciales conférées en guise de récompense). La salle de commandement permet de déterminer qui fait partie de l’escouade « active » (et de nouvelles recrues potentielles arrivent régulièrement). Le terrain d’entraînement permet de dépenser l’expérience acquise dans les batailles pour faire progresser les différentes classes d’unités – ce qui, à terme, en plus d’améliorer leurs caractéristiques, dévoile leurs « potentiels » cachés, mais permet aussi à Welkin d’apprendre de nouveaux ordres (on notera au passage que l’expérience gagnée à chaque bataille dépend pour une part essentielle de la vitesse à laquelle on parvient à la terminer – il y a ainsi une tension qui court sur l’ensemble du jeu, impliquant de choisir entre célérité et sécurité…). Le centre de recherche et développement, à partir des crédits gagnés à chaque bataille (là encore, on retrouve la question de la vitesse, dans les mêmes conditions que pour l’expérience), permet de développer des équipements plus perfectionnés, pour les unités d’infanterie – armes, armures, grenades, etc. –, mais aussi pour les chars (et il faut alors régulièrement faire des choix en déterminant quel équipement au juste va être apposé sur le tank – ce qui implique de faire un petit casse-tête un brin… casse-couilles). On a là l’essentiel, mais trois autres « lieux » sont à noter : à Castlefront Street, on trouve une journaliste qui nous informe de l’actualité (qu’elle soit ou pas en rapport avec la guerre) et qui permet surtout, contre rémunération, d’accéder à des « rapports » en forme de flashbacks – certains sont simplement des épisodes approfondissant l’histoire globale sous l’angle de tel ou tel personnage, mais d’autres offrent aussi l’opportunité d’accomplir des missions supplémentaires. Il faut également mentionner le cimetière, où l’on trouve un vieil homme mystérieux qui, contre expérience, peut apprendre à Welkin de nouveaux ordres (mais, sauf erreur de ma part, cela n’est possible que lorsqu’un membre de la septième escouade meurt sur le champ de bataille…). Reste enfin, au bout d’un certain temps, la salle d’audience, où la princesse Cordelia récompense Welkin, soit avec des médailles commémoratives, soit avec des armes spéciales.
Tout cela est vraiment très chouette, globalement, et on prend beaucoup de plaisir à accomplir le jeu dans ces différentes dimensions. On reconnaîtra cependant quelques menus défauts à Valkyria Chronicles : outre la difficulté plus ou moins bien dosée, comme dit plus haut, l’intelligence artificielle n’est pas toujours au top, les Impériaux commettant régulièrement de grosses boulettes – et je note par ailleurs que, sauf erreur, l’ordinateur ne fait jamais jouer une même unité plus de deux fois dans le même tour, alors qu’il en aurait la possibilité (or, je me répète, mais cette relative souplesse dans le commandement me paraît essentielle – a fortiori s’il s’agit d’accomplir la mission au plus vite). La protection via les sacs de sable ou les hautes herbes est par ailleurs assez agaçante car peu réaliste : l’adversaire, même pris de dos, bénéficiera souvent quand même du bonus défensif ; par ailleurs, dans ces circonstances, même si l’on est à bout portant et que l’on vise en pleine tête un ennemi immobile, les dégâts du fusil ou de la mitrailleuse seront souvent considérablement amoindris, ce qui est absurde (et, du coup, béni soit le lance-flammes, après quelque temps consacré à son amélioration…). Un détail, enfin : les troupes, alliées ou ennemies, sur lesquelles roule un char ne subissent pas le moindre dégât, mais sont simplement repoussées, ce qui est un peu dommage et vient à mon sens réduire un peu l’intérêt de faire agir les tanks (ce qui est donc deux fois plus coûteux que pour une unité à pied – en fait, je les ai plutôt rarement utilisés, même s’ils sont parfois indispensables, et si leur mortier, notamment, est remarquablement destructeur ; le fait que la bataille soit perdue si l’Edelweiss est détruit n’incite par ailleurs guère à le placer en première ligne, c’est souvent bien trop dangereux…).
Mais l’essentiel est ailleurs, et le jeu, dans ses différents aspects, affiche une forte singularité, qui n’a rien de gratuit mais vient bien au contraire procurer un plaisir multiforme ; « tactical-RPG » hors-normes, Valkyria Chronicles s’avère un excellent jeu, original et bien conçu, et passionnant de bout en bout. J’y ai pris au moins autant de plaisir que pour le deuxième opus, et espère pouvoir poursuivre prochainement l’aventure – et ça tombe bien : un nouvel épisode est semble-t-il prévu pour 2016 ! J’ai hâte…