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El Borak, de Robert E. Howard

Publié le par Nébal

El Borak, de Robert E. Howard

HOWARD (Robert E.), El Borak : l’intégrale, [El Borak and other desert adventures], traduit de l’anglais (États-Unis) et édité par Patrice Louinet, illustrations par Tim Bradstreet et Jim & Ruth Keegan, Paris, Bragelonne, coll. Robert E. Howard, [2010] 2011, 518 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 84, dans le dossier Howard, pp. 173-174 – avec également Agnès la Noire.

 

Le moment venu, je fournirai le lien de ladite chronique commune sur le blog de la revue (hop), et en publierai également une version plus longue, personnelle et spécifique ici-même.

 

D’ici-là, n’hésitez pas à réagir, hein !

AVENTURES ORIENTALES

 

Où l’on poursuit la collection de Bragelonne consacrée à Robert E. Howard ; à l’instar du Seigneur de Samarcande, lu il y a quelques années de ça, et d’Agnès la Noire, postérieur et le seul titre de la collection qu’il me reste à lire [à l'époque de cette chronique...], El Borak ne relève pas du fantastique ou de la fantasy : le dénominateur commun est l’aventure – si d’autres de ces récits relèvent en outre du genre historique, ce n’est sans doute pas tout à fait le cas pour ces nouvelles-ci, qui se déroulent dans un passé très proche par rapport à leur rédaction : le début du XXe siècle, avant la Première Guerre mondiale pour la plupart de ces textes, avec cependant (au moins) une exception pour le dernier, qui prend place en 1917 ; mais il y a certes un autre point commun, avec au moins Le Seigneur de Samarcande, et c’est l’Orient…

 

LE PERSONNAGE

 

« El Borak », ou « le Rapide » en arabe, c’est un certain Francis Xavier Gordon – et les circonstances de sa genèse sont assez troubles… comme souvent quand les déclarations de Robert E. Howard sont la principale source d’information. À l’en croire, il s’agit là d’un de ses plus vieux héros – un qu’il avait conçu alors qu’il n’était qu’enfant (et de même pour Bran Mak Morn). En fait il est plus que douteux que ce personnage soit apparu en bloc, et sous ces noms, dans l’œuvre juvénile d’un Robert E. Howard qui, par ailleurs, ne s’imaginait sans doute pas encore auteur professionnel, à l’époque… Demeure cependant l’idée d’esquisses successives, « ressuscitées » à plusieurs reprises, et qui, partant de vagues brouillons enfantins, allaient aboutir au personnage tel que nous le connaissons, dans une série de nouvelles conçues entre 1933 et 1936, à la fin de la carrière de l’auteur ; en fait, la dernière nouvelle ici compilée, « Le Fils du Loup Blanc », est probablement un des derniers textes sur lesquels Howard a travaillé avant son suicide…

 

Le personnage, ainsi, s’il n’a probablement pas le charisme d’un Conan ou d’un Solomon Kane, ou la sombre majesté d’un Bran Mak Morn, a quelque chose d’une figure idéale ayant traversé toute la carrière du jeune auteur – témoignant de sa prédilection pour l’aventure (et les pulps qui vont avec, plus prestigieux et rémunérateurs que Weird Tales – y placer ses textes n’en était que plus délicat encore…) et pour le cadre oriental (l’Afghanistan surtout, l’Arabie ou le Moyen-Orient éventuellement), assaisonné de traits typiques de l’auteur.

 

Comme souvent chez Howard, nous n’en savons finalement que fort peu sur le personnage – ou plus exactement sur sa biographie. Francis Xavier Gordon est d’origine texane (ben tiens, et irlandaise au-delà, re-ben tiens), et d’un physique plutôt ramassé mais costaud (avec quelque chose de picte ?) ; son surnom arabe, mais typique du bon Texan, lui vient sans doute de sa rapidité à dégainer – encore qu’il soit tout aussi efficace avec une épée qu’avec un pistolet. Pour des raisons qui ne sont jamais vraiment précisées, Gordon s’est rendu en Orient et y a mené l’intégralité de sa carrière : en tant que Texan, il n’est pas exactement une figure de « civilisé » dans un cadre spécifiquement américain, mais, en Orient, il correspond bien à cette figure du Blanc qui rompt tout lien avec la civilisation pour vivre au milieu des barbares – les clans afghans pour l’essentiel.

 

Il a ses modèles historiques : surtout l’étonnant Sir Richard Francis Burton, même si l’on n’a pas manqué d’évoquer aussi Lawrence d’Arabie (en fait, dans la dernière nouvelle du cycle, Gordon est même nommément associé à l’auteur des Sept Piliers de la Sagesse). Mais, si ses aventures ont un cadre plus ou moins colonial (avec la mainmise de l’Empire britannique – qui a cependant maille à partir, sur le terrain oriental, avec d’autres intérêts et ambitions, de la Russie tout particulièrement), Gordon n’est pas à proprement parler un héros colonial : au mieux, les Britanniques l’indiffèrent (même s’il confesse, à un moment au moins, préférer l’emprise anglaise dans la région à tout autre, quand bien même c’est par défaut…), et il vit au milieu des colonisés, en totale indépendance (à vrai dire, les « colonisés » qu’il fréquente sont bien sûr tout aussi indépendants…). En fait, les Occidentaux, dans les nouvelles d’El Borak, sont souvent des ennemis (et il y a là, sans doute, un trait vaguement « colonial », même paradoxal à première vue : il faut presque toujours qu’un Blanc tire les ficelles, les indigènes sont systématiquement manipulés, ou presque…), ou, au mieux, des gens qui ne sont pas à leur place… là où lui y est parfaitement.

 

LA TENTATION DU « WEIRD »

 

Reste un point à aborder avant de faire le détail des nouvelles… Nous avons tendance, aujourd’hui, à associer immédiatement Howard à la fantasy, éventuellement au fantastique, disons globalement au « weird ». De son vivant, pourtant, il avait connu des succès conséquents, voire supérieurs, dans des genres totalement détachés du surnaturel, etc. – par exemple ses aventures « de boxe » centrées sur le marin Steve Costigan, ou plus tard ses westerns humoristiques autour de Breckinridge Elkins (sans même parler des avatars de ces deux-là). El Borak, à tout prendre, s’insèrerait donc parfaitement dans cet aspect de l’œuvre howardienne.

 

Mais il y demeure du moins une certaine tentation du « weird »… Si le surnaturel n’est à proprement parler jamais de la partie (mais on n’en est sans doute pas très loin avec le singe géant de la « version longue » de « La Mort à Triple Lame »), Howard use par contre bien volontiers d’une thématique abondamment employée dans ses récits fantastiques : celle de la civilisation ou au moins de la cité perdue – avec une certaine dose de conspirationnisme qui va bien.

 

Cela contribue sans doute, encore que d’une manière un brin paradoxale, à singulariser ce pan de son œuvre ; mais cela a aussi une autre conséquence – à vrai dire typique de ces « intégrales » exhaustives, dont le rythme de lecture n’a pas grand-chose à voir avec celui d’un fan d’alors lisant les textes directement dans les pulps : c’est pour le moins répétitif… Et, bien sûr, l’action débridée et riche de violents combats en rajoute encore une couche dans cet aspect.

 

LES ÉPÉES DES COLLINES

 

Passons maintenant au détail des sept nouvelles composant le recueil – assez longues pour la plupart (et dotées de titres aussi répétitifs que fades, une constante chez l’auteur… encore que, globalement, Glenn Lord y a eu sa part, titrant lui-même des manuscrits de Howard qui en étaient dépourvus).

 

On commence avec « Les Épées des collines », où notre héros tente d’empêcher le déclenchement d’un périlleux conflit généralisé en Asie Centrale (le conspirationnisme est donc d’emblée de la partie) ; en cherchant à échapper aux Turcomans et Afghans aux ordres du cruel Hongrois Hunyadi (le méchant Européen qui tire les ficelles), El Borak tombe par hasard – hop ! – sur une civilisation perdue (ben tiens) descendant directement des troupes d’Alexandre le Grand (forcément).

 

On a là à peu près tout El Borak, du coup… Mais en condensé, et d’autant plus convenu.

 

LA FILLE D’ERLIK KHAN

 

« La Fille d’Erlik Khan » est une nouvelle bien plus ambitieuse que la précédente… mais elle s’est pourtant avérée une déception. C’est d’autant plus regrettable que j’en ai énormément aimé le début, qui bénéficie d’une très belle ambiance – avec ces deux Anglais hautement suspects que guide un peu naïvement Francis Xavier Gordon dans une région très mal fréquentée de l’Asie centrale, non loin d’une inquiétante montagne abritant, cette fois pas tout à fait une civilisation perdue à proprement parler, mais du moins une ville vaguement mythique et largement inaccessible, bâtie par des ersatz kirghizes de satanistes (façon Yézidis ? C’est un thème sur lequel l’auteur aura l’occasion de revenir).

 

La trahison des deux Européens n’a rien d’une surprise, mais la situation dans laquelle ils abandonnent El Borak est suffisamment terrible pour susciter et entretenir l’intérêt du lecteur – et peu importe à cet égard que le récit tourne très vite, et une fois de plus, à la vengeance pure et simple.

 

Les problèmes sont ailleurs, et, par la suite, j’ai trouvé que ça ne marchait hélas plus du tout – du fait d’une motivation bien improbable des « méchants » (franchement, on n’y croit pas deux secondes…), débouchant sur un récit enchaînant les rebondissements, soit improbables, soit convenus, ainsi de cette nécessaire princesse qui se fait nécessairement enlever… Une autre constante, et pénible.

 

El Borak en chef de guerre d’une tribu barbare partagée entre la cupidité et sa conception très spécifique de l’honneur, ça n’est pas sans charme (et ça reviendra), mais tout le reste paraît tellement terne – et les scènes récurrentes où les méchants expliquent à grands renforts de détails, et tout de go, comment ils ont en fait survécu, mouhahahaha, sont vite bien navrantes…

 

LE FAUCON DES COLLINES

 

« Le Faucon des collines » est, à en croire la postface de Patrice Louinet, la meilleure nouvelle du recueil… Je n’en suis pas tout à fait convaincu : elle est bonne, oui, bien meilleure que celles qui précèdent sans doute, mais pas plus enthousiasmante que cela à mes yeux… Et si les récits qui suivront sont tous critiquables pour une raison ou une autre, ils n’en ont pas moins, régulièrement, de bons moments eux aussi, à même de les amener à rivaliser avec celui-ci.

 

Mais il y a dans cette nouvelle des choses intéressantes, c’est vrai : Francis Xavier Gordon y est pleinement intégré dans le monde des clans afghans, au point de se retrouver personnellement impliqué dans les querelles de sang du coin. Victime d’une abjecte trahison qui a coûté la vie à ses amis à la tête d’un certain nombre de clans, le Texan s’improvise à son tour chef de guerre afghan, dans un combat qui ne pourra prendre fin qu’une fois la vengeance accomplie…

 

Ce que n’est pas en mesure de comprendre l’Anglais Willoughby, incarnation sur place du pouvoir colonial, autant dire de la « civilisation », quand El Borak est plus « barbare » que jamais. Étrangement ou pas, Willoughby est le principal atout de la nouvelle – plus ou moins personnage point de vue, il a bien plus de chair et d’âme que bon nombre de personnages howardiens hors têtes d’affiche. Il n’a rien d’un « méchant », par ailleurs ; c’est simplement qu’il ne comprend pas ce qui se passe autour de lui… Ce qui n’en fait pas un demeuré pour autant – juste un type qui n’est sans doute pas à sa place dans ce schéma, et est bien amené à l’admettre en définitive. Censé servir d’arbitre dans la vendetta, il n’est certainement pas envisagé comme tel par les antagonistes : pour les « méchants », il est une menace… et pour Gordon un outil. Quant à son agenda métropolitain, il a quelque chose d’absurde dans un cadre pareil… encore que pas tout à fait – dans la mesure où une autre puissance européenne est en fait de la partie (encore une fois)... Mais sans que le personnage, en tant que tel, en soit pénalisé, donc.

 

Mentionnons aussi le décor de la forteresse d’Akbar, qui parvient à intéresser, bizarrement, alors qu’elle est peu ou prou imprenable, assurant largement la sécurité d’El Borak et de ses hommes – mais Gordon n’est pas du genre à rester en place, et va au devant des combats…

 

Une bonne nouvelle, oui ; je n’en ferais pas pour autant une lecture exceptionnelle (et quelques traits lourdingues l’affectent bien, comme cette fâcheuse manie des « méchants », mais tout autant de Gordon, d’exposer toute l’ingéniosité et éventuellement la fourberie de leurs plans – les « méchants » sont ici très, très fourbes, envoyant aux orties une chose aussi superflue que « l’honneur » –, avant de se sauter à la gueule), mais je l’ai appréciée, c’est vrai.

 

LA MORT À TRIPLE LAME

 

Suit le plus long récit consacré au héros, « La Mort à Triple Lame », qui atteint les dimensions d’un court roman. C’est sans doute sa faiblesse : il est inégal, souffre parfois de remplissage, et d’une cohérence peut-être pas toujours au top… Mais globalement, j’ai bien aimé, en fait : le côté complot démesuré dans tout l’Orient, aussi improbable soit-il, ne m’a pas déplu, et si le procédé n’est décidément pas bien original, de la cité coupée du monde, encore que peut-être moins qu’on pourrait le croire, ça me paraît plutôt bien fonctionner.

 

Il est vrai que ladite « civilisation » relève plus ou moins du cliché – et sans doute déjà à l’époque… Il est vrai aussi que la novella est peut-être plus que jamais le cul entre deux chaises, louchant sur le surnaturel sans totalement se l’autoriser… Il est vrai enfin que certaines reprises, accompagnant le thème de la cité perdue, passent plus lourdement – ainsi de cette énième princesse tout juste bonne à être enlevée, et que connaît forcément El Borak, tombant dessus par le plus grand des hasards (comme dans « La Fille d’Erlik Khan », quoi)…

 

Mais l’aventure est épique, ne manque pas de souffle, et les combats éventuellement monotones à s’enquiller plein de Howard d’un coup m’ont paru mieux couler ici, en fait – notamment la grande bataille finale, où la stratégie a sa part, si l’audace et la force brute en ont une prépondérante…

 

Notons que Francis Xavier Gordon, ici, a plus ou moins, au début du récit, un rôle d’arbitre dans un conflit opposant l’amir de Kaboul et un chef de clan – comme un Willoughby, finalement, mais conscient de son environnement ; il n’est pas dit que le personnage y gagne en cohérence, mais ça ne m’a pas déplu…

 

(On trouve dans les appendices une « version courte » de cette novella… mais j’ai tendance à la considérer plus « inachevée » que « courte » : l’action est exactement la même ou presque sur la majeure partie du récit – notons tout de même que Howard a un peu étoffé le caractère de la cité cachée, et j’ai trouvé ça plutôt bien vu –, puis, d’un seul coup, tout s’accélère, et va beaucoup trop vite : dans les quarante ou cinquante pages qui giclent, certes le singe géant passe à l’as, mais aussi la longue bataille désespérée qui conclut le récit, et que je trouvais plutôt sympathique…)

 

LE SANG DES DIEUX

 

« Le Sang des Dieux » change radicalement de cadre : adieu les collines afghanes, et place à l’Arabie – pour un récit dont il est précisé qu’il a lieu après ceux déjà lus, même s’il est pour Francis Xavier Gordon, du moins je le suppose, l’occasion de revenir là où il a gagné son surnom arabe.

 

Quoi qu’il en soit, El Borak s’y enfonce seul dans le désert pour secourir un sien ami, un Russe mystique qui a voulu jouer au prophète érémitique, mais dont les trésors suscitent la convoitise d’une bande de brigands européens emmenés par l’Anglais on ne peut plus fourbe Hawkston – une sorte de jumeau maléfique de Gordon.

 

En ce qui me concerne, c’est une réussite : la lecture en bloc des nouvelles de Howard dans ces volumes tendant à l’exhaustivité a souvent quelque chose de lassant, au bout d’un moment, tant les sujets se répètent et l’action omniprésente plus encore ; mais, ici, les scènes de combat, etc., ont presque toujours un petit plus qui les distingue (j’ai tout particulièrement aimé l’affrontement pour un puits avec les Bédouins, El Borak seul contre tous s’engageant dans une lutte vraiment désespérée, et cette fois ce caractère est palpable, bien plus que dans bon nombre de nouvelles prétendant user de ce ressort), et le rythme enlevé du récit n’interdit pas l’approfondissement de quelques personnages – notamment Hawston, avec qui Gordon est contraint de nouer une alliance temporaire, mais pas moins paranoïaque, pour soutenir un siège dont le caractère oppressant est fort bien rendu, mais aussi le Russe, de son nom arabe Al Wazir, devenu fou du fait de l’isolement… ou pas – oui, la toute fin m’a sans doute un peu déçu, pour le coup…

 

Mais ça demeure un bon récit, très efficace – en fait, c’est peut-être celui qui m’a le plus parlé dans le recueil (même s’il ne bénéficie pas du sous-texte du « Faucon des collines » : c’est de l’aventure à l’état pur, mais c’est très bien comme ça).

 

LES FILS DE L’AIGLE

 

On retrouve le cadre afghan avec « Les Fils de l’Aigle »… mais pas tout de suite : l’aventure commence à San Francisco, de manière assez improbable, introduisant un Américain du nom de Brent qui sera bien vite amené à errer à Kaboul puis dans les collines afghanes, où il n’a bien sûr pas sa place – et se fait très vite capturer.

 

Par ailleurs, El Borak lui-même n’arrive que très tard dans la… Oui, non, bon, d’accord : il est là bien avant, sous une identité secrète, et on s’en doute…

 

La nouvelle, par ailleurs, joue encore une fois de la cité cachée – avec des relents de complot mondial plus ou moins crédible.

 

Mais figurez-vous que j’ai bien aimé ! Dans sa postface, Patrice Louinet relève des « facilités » de la part de Howard à partir du milieu environ, et, oui, sans aucun doute (inclus le méchant qui raconte tout son plan diabolique à Brent sans la moindre raison). Quant à la fin, elle est clairement expédiée… Mais il y a quelque chose, je trouve : une ambiance, en tout cas – avec de beaux moments y compris dans les parties incriminées, j’aime bien la scène du souk, par exemple –, et la couverture de Francis Xavier Gordon est assez savoureuse. Son identité secrète implique en outre d’user de points de vue différents – essentiellement celui de Brent, du coup – et ça fonctionne plutôt bien : le héros gagne à être ainsi vu de l’extérieur (ou plus que d’habitude, disons – mais cela renvoie sans doute au Willoughby du « Faucon des collines »). Quant à la cité des voleurs, elle acquiert de par son attachement aux coutumes qui la fondent, aussi absurdes et parfois contradictoires soient-elles, un supplément d’âme qui fait parfois défaut aux autres variations sur ce thème rencontrées précédemment dans le recueil (et il y en a un paquet).

 

LE FILS DU LOUP BLANC

 

Le recueil se conclut avec « Le Fils du Loup Blanc », un récit plus court que la plupart de ceux qui précèdent, et assez différent par ailleurs, notamment en raison de son cadre – pas tout à fait l’Arabie, plutôt le Moyen-Orient, mais (et c’est là qu’est la différence essentielle) un peu plus tard, en 1917 : le conflit mondial y joue un rôle à la fois essentiel, et, bizarrement, marginal – disons qu’une certaine ambiguïté est maintenue à cet égard.

 

Tout commence avec une garnison turque qui se mutine, le lieutenant Osman ayant été pris de folie des grandeurs : dans la foulée du mouvement nationaliste qui agite l’Empire, il rejette l’Islam, mais ne s’arrête pas là – honorant le Loup Blanc, il entend reconstituer le royaume touranien de ses ancêtres, avec lui tout au sommet, et lance sa petite troupe dans le pillage et le massacre des environs…

 

Mais El Borak est là, hein – El Borak qui, bizarrement là encore, est supposé se battre aux côtés de Lawrence d’Arabie, lequel monte du Sud avec ses Bédouins… Mais Francis Xavier Gordon est seul quand on le croise – et amené à lutter contre Osman dans l’esprit d’une querelle de sang, plutôt qu’en fonction des alliances du conflit mondial…

 

Je ne sais trop que penser de cette nouvelle. À maints égards, elle me paraît ratée ; même si Howard s’éloigne des intérêts des puissances européennes dans la région, dans le cadre spécifique du récit, j’ai tout de même du mal à gober ce Gordon en compagnon de route de Lawrence. Par ailleurs, le coup de l’espionne allemande, femme censément dure mais qui se réfugie bien vite dans les bras musclés d’El Borak, bof, bof – et le retournement final la concernant ne passe vraiment pas (sans même s’étendre sur son nom « révélé ») : en fait, il anéantit banalement le mince intérêt que sa présence pouvait malgré tout susciter (en dépassant donc les uniformes)… C’en est presque parodique.

 

Mais la nouvelle n’est pas totalement sans intérêt ; en fait, il est une chose qui la singularise – je n’irais peut-être pas jusqu’à dire que ça la sauve –, et c’est son étonnante ultraviolence. Howard, dans ses récits, n’est certes pas vraiment un tendre, de manière générale, mais là c’est quand même la catégorie au-dessus, avec ce dingue d’Osman incitant ses hommes aux pires exactions ; le héros ne peut qu’assister, et de manière assez graphique, au massacre des femmes enlevées par les mutins, ainsi que de leurs enfants – le sadisme à la petite semaine d’Osman menaçant l’espionne de son fouet avait quelque chose de vaguement ridicule prêtant à sourire, mais la suite, pas vraiment, non… Bizarre, tout ça.

 

CONCLUSION

 

Bilan ? C’est sans doute un peu médiocre, mais, globalement, ça se lit… El Borak n’est probablement pas le héros le plus charismatique créé par Howard, et ses aventures sont bien répétitives à force de cités cachées et de querelles de sang, mais nous sommes vers la fin de la carrière de l’auteur, et sa maîtrise se sent régulièrement – même s’il y a des pains çà et là, l’habileté de Howard, notamment dans sa manière de narrer les scènes d’action, est flagrante. Un volume à réserver aux fans, sans doute… Ce que je ne suis probablement pas tout à fait. Mais ça se lit, oui.

 

(Ah, si, un point positif en plus ! Les illustrations de Tim Bradstreet sont vraiment superbes – à mon sens, c’est le plus bel ouvrage de la collection, sous cet angle ; et de loin…)

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