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"Espace", de Stephen Baxter

Publié le par Nébal

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BAXTER (Stephen), Espace, traduit de l’anglais par Sylvie Denis et Roland C. Wagner, Paris, Fleuve noir, coll. Rendez-vous ailleurs, série Science-fiction, [2001] 2007, 555 p.
 
Vous vous souvenez de Temps, de Stephen Baxter ? Nan ? Ben vous devriez. Tout d’abord parce que je m’étais esquinté le sphincter à vous en pondre un compte rendu élogieux à l’époque où je débutais ce blog (et où c’était donc, enfin je crois, encore pire qu’aujourd’hui) ; ensuite, parce que, effectivement, Temps était (et est toujours, d’ailleurs) un très très bon roman de science-fiction tendant vers la « hard science », sans doute un des meilleurs parus en France en 2007, et qui m’avait foutu une baffe métaphysique gigantesque (et je sais de source sûre que je ne suis pas le seul dans ce cas). Bref, au boulot. Et plus vite que ça.
 
 
* Sifflote *
 
 
Ayé ? Bien. Et que je ne vous y reprenne plus ! Je disais donc :
 
Vous vous souvenez de Temps, de Stephen Baxter ? Oui ? Vous avez bien raison. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour reconnaître que c’était (et c’est toujours, d’ailleurs) un très très bon roman de science-fiction tendant vers la « hard science », sans doute un des meilleurs parus en France en 2007, et… Oui, vous avez raison, vous le savez déjà, tout ça.
 
Passons donc à quelque chose d’un peu plus actuel, avec Espace, toujours de Stephen Baxter. Qui est donc la suite de Temps. Enfin, « suite » n’est pas un terme très approprié… Comme vous avez lu et adoré Temps, vous n’êtes pas sans savoir que la fin ne laissait guère présager de suite. Espace, s’il s’agit bien du deuxième tome de la « trilogie des univers multiples », ne constitue donc pas la suite chronologique de Temps. Comme le nom générique de la « saga » le laisse entendre, il en est en fait une sorte de « variation » dans un univers parallèle. Et on y retrouve bon nombre de personnages du premier tome, et notamment et surtout Reid Malenfant.
 
Reid Malenfant, cette fois, ne s’est pas fait virer de la NASA, et n’est pas devenu un richissime homme d’affaires. Il est par contre toujours aussi obsédé par la conquête de l’espace, et ne cesse de déplorer la décadence dans laquelle les Etats-Unis ont sombré ; tout ça pour ça, après avoir marché sur la Lune ? Désormais, ce sont les Japonais qui dominent en la matière. Ils ont même installé une base permanente sur notre satellite. Et Malenfant est un jour contacté par une jeune chercheuse de cette base, Nemoto, qui connaît bien ses obsessions, pour avoir à peu de choses près les mêmes.
 
Le paradoxe de Fermi. Formulé d’une manière particulièrement lapidaire en exergue du roman : « S’ils existaient, ils seraient là. » « Ils », ce sont les extraterrestres, bien sûr. Tout amateur de science-fiction (et pas uniquement, loin s’en faut) connaît, au moins approximativement, ce troublant questionnement dû à l’un des plus grands scientifiques du XXe siècle. Depuis, on a pu apporter bien des réponses, plus ou moins pertinentes, au paradoxe de Fermi (pour ceux, s’il y en a, qui découvriraient pour la première fois ce questionnement, cette page Wikipédia – avec ses défauts inhérents, hein… d’autant que certaines « solutions » pas scientifiques pour un sou, à base de délires religieux ou conspirationnistes, etc., sont répertoriées à côté d’explications bien plus sérieuses – peut constituer une première base de réflexion). Baxter – qui ressemble décidément beaucoup à Malenfant, et sans doute plus à ce Malenfant-là qu’à celui de Temps – est lui aussi obsédé par cette question, et Espace tente d’y apporter une explication.
 
Car Nemoto vient d’obtenir la preuve, enfin, de l’existence d’extraterrestres… dans le système solaire, et plus précisément dans la ceinture d’astéroïdes. Cela dit, cette nouvelle certitude n’est pas sans soulever à son tour bon nombre de questions : pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Est-ce une chance ? Une menace ? Mais pourquoi ces « Gaïjins », comme Nemoto les désigne, semblent-ils nous ignorer et ne pas chercher à prendre contact avec nous ?
 
Et d’ailleurs, pourquoi est-ce que tout le monde ou presque, sur Terre, semble s’en foutre complètement ? Passé l’énorme effet médiatique de la révélation, les humains semblent bien vite se désintéresser des Gaïjins et retourner à leurs petits tracas quotidiens ; jusqu’aux gouvernements qui semblent n’y prêter aucune importance ! Il se trouvera bien, cependant, quelques individus pour s’attaquer à ces épineuses questions – Malenfant et Nemoto, donc, mais aussi, par exemple, Frank Paulis, richissime ingénieur totalement cynique qui reprend ici les commandes du « Pied à l’étrier »… Et le paradoxe de Fermi va bientôt ressurgir, sous ses formes les plus apocalyptiques. Les phénomènes relativistes aidant, Stephen Baxter va ainsi nous conter une histoire s’étendant sur plusieurs milliers d’années, et émaillée de rencontres stupéfiantes et de massacres incompréhensibles, levant le voile sur la naissance, le développement et l’extinction de la vie, partout dans la galaxie, selon un cycle qui semble inéluctable.
 
Baxter semble décidément avoir un don pour nous faire prendre conscience de la petitesse, de l’insignifiance de l’humanité, en soulevant le voile, nous laissant ainsi entrevoir l’inconcevable immensité de l’univers, dans l’espace comme dans le temps. On ressent à la lecture d’Espace cette déconcertante sensation d’ailleurs évoquée par Malenfant lui-même : celle du petit enfant, allongé dans un champs, qui se perd, qui se noie, dans la contemplation du ciel étoilé. On peut bien à nouveau parler ici de « vertige métaphysique ». Et Espace, à cet égard, constitue bien le pendant de Temps.
 
Ceci dit, je ne le placerais pas pour ma part au même niveau. La densité de la narration joue sans doute un rôle, ici ; le récit d’Espace, s’étendant sur plusieurs milliers d’années, est nécessairement plus décousu que celui du premier volume (certes pas avare en vertigineux bonds temporels, mais où l’action était néanmoins plus concentrée) ; certains passages d’Espace, d’ailleurs, avaient déjà été publiés séparément dans des versions différentes. D’où, à l’occasion, un sentiment de dispersion, voire de superflu ; même si j’ai apprécié ce roman, je considère néanmoins qu’il a une fâcheuse tendance à tirer à la ligne, et qu’il aurait sans doute gagné en puissance à être expurgé de 100 à 200 pages, pas inintéressantes en tant que telles, mais qui n’apportent pas grand chose au roman…
 
En même temps, et en sens inverse, là où Temps brassait de très nombreux thèmes de la science-fiction et de tout aussi nombreuses théories scientifiques, Espace se focalise bien davantage sur la seule thématique de la vie extraterrestre (je schématise, hein…). Cela ne serait guère un problème si Baxter ne retombait pas, à l’occasion, dans certains lieux communs de la science-fiction à l’ancienne, risque à vrai dire difficilement évitable en partant d’un sujet aussi largement traité. Par moments, Espace sombre ainsi dans une certaine paranoïa à mon sens maladroitement justifiée concernant « l’invasion » extraterrestre – voir le personnage finalement plutôt agaçant et peu crédible de Nemoto –, tendant même par endroits, heureusement assez rares, vers le space opera relativement bourrin, ce qui s’accorde assez mal avec l’atmosphère bien plus éthérée, voire contemplative, de l’ensemble…
 
Enfin, dernière critique en ce qui me concerne, très personnelle celle-ci : le personnage de Malenfant tend cette fois à prendre une allure un peu christique, et la tonalité assez légitimement mystique du roman débouche hélas sur une certaine tendance à l’héroïsation, avec une sorte de thème de « l’élu », qui m’agace énormément. Avec des nuances, n’exagérons rien : la fin d’Espace est indéniablement brillante, et permet d’oublier ces quelques travers passagers.
 
Qui aime bien châtie bien, braves gens : ces critiques ne doivent pas faire perdre de vue qu’Espace reste un très bon roman de science-fiction, souvent fascinant, plutôt pertinent, et un digne successeur de Temps. Mais je ne le placerais pas au même niveau pour autant.
 
Le troisième tome devrait bien arriver un de ces jours. Affaire à suivre, donc…
 
Enfin, façon de parler.

CITRIQ

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N
Tu fais bien : si tu n'as pas aimé "Temps", je crois que ce n'est pas la peine...<br /> <br /> Dommage.
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E
C'est bien ce que je craignais une idée brillante mais un traitement maladroit.<br /> Je continuerai de faire l'impasse dessus.
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N
Ah ben oui, ça vaut le coup. Surtout "Temps", dont la fin est vraiment...<br /> <br /> vertigineuse.<br /> <br /> Oui, je sais, j'arrête pas d'employer ce mot, comme tout le monde... Mais y'a bien une raison.
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P
honte sur moi, je n'ai meme pas lu le précédent... mais tout cela a l'air très alléchant... allez hop, ce sera dans les prochains à lire!
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