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"Du néant de la vie", d'Arthur Schopenhauer

Publié le par Nébal

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SCHOPENHAUER (Arthur), Du néant de la vie, traduit de l’allemand par Auguste Dietrich, postface de Didier Raymond, Paris, Fayard – Mille et une nuits, [1906] 2004, 78 p.

 

Ah, Schopenhauer ! Le philosophe du pessimisme ! Avec une signature pareille, je ne pouvais que m’y intéresser, vous pensez bien. Je cite (de mémoire, hein) : « La vie oscille tel un pendule entre souffrance et ennui. » La classe. Alors, logiquement, lors de mes émois existentialistes adolescents, je me suis tout naturellement attelé à la lecture du Monde comme volonté et comme représentation.

 

Inutile de préciser que je n’y ai rien panné (mais alors rien du tout).

 

Mais j’en ai quand même retenu ceci : l’influence déterminante de Schopenhauer sur Nietzsche, puis sur Freud, à travers son concept de « vouloir-vivre », et plus précisément son idée du primat de la volonté sur l’intellect.

 

Un de ces jours, il faudra que je m’y remette, au Monde comme volonté et comme représentation, voir si mon esprit un peu mieux configuré (?) est plus à même d’y saisir quelque chose. Mais en attendant, j’avais envie de retrouver Schopenhauer par quelque chose de moins impressionnant, de plus petit (car ce qui est petit est joli), d’où ma lecture de cet opuscule à la zoulie couverture qui traînait depuis fort longtemps dans mon étagère de chevet.

 

(Au passage, toujours dans la même collection et du même auteur, j’avais pu lire le jouissif L’Art d’avoir toujours raison, belle adaptation contemporaine des principes de la sophistique, ou, comme préférait le dire l’auteur, de la dialectique éristique).

 

Sous le titre, plus ou moins trompeur, Du néant de la vie, il s’agit en fait d’un recueil de deux brefs essais initialement publiés dans le chapitre « Sur la religion » des Parerga & Paralipomena (ce nom !), le dernier grand ouvrage de Schopenhauer, et celui qui lui a permis (enfin !) d’accéder à la célébrité. Précision utile, sans doute, car on pourrait autrement s’étonner de la direction prise par l’auteur dans les dissertations qui vont suivre…

 

Inutile de dire, d’ailleurs, que je n’y ai rien panné.

 

Enfin, si, un peu.

 

Bon, bref, je vais essayer de vous rapporter ce que j’ai cru en comprendre, en espérant ne pas dire trop de conneries.

 

Commençons donc avec « Sur la doctrine de l’indestructibilité de notre être réel par la mort », à mon sens le plus complexe et le plus perturbant de ces deux essais. L’idée essentielle repose sur la distinction classique depuis Kant entre le phénomène, connaissable, et la chose en soi, inconnaissable. Pour Schopenhauer, la vie telle que nous la concevons n’est qu’une manifestation du vouloir-vivre, commune à tous, y compris aux animaux, et par-là même un phénomène, et non la chose en soi. Aussi la peur de la mort est-elle absurde – quelle que soit par ailleurs la valeur accordée à la vie, mais on y reviendra –, car celle-ci ne consiste pas en la destruction de l’être réel, mais en sa transformation. Transformation qui peut d’ailleurs être, pour ce que j’en ai compris (ou ce que j’ai cru en comprendre…) prolongement ou continuation, que ce soit sous la forme de la reproduction, ou de manière plus « intègre » – et la on touche vraiment au domaine du religieux – sous la forme de la métempsycose ou de la palingénésie (entre lesquelles Schopenhauer fait une distinction subtile, et qui témoigne de l’influence de la pensée bouddhiste sur sa philosophie).

 

Le second essai s’intitule « Affirmation et négation de la volonté de vivre ». Il consiste essentiellement en un éloge de l’ataraxie, du détachement, et plus particulièrement de l’ascèse chrétienne des origines (notamment sexuelle – voir ce qui concerne la reproduction, plus haut), caractéristique selon Schopenhauer de la négation du vouloir-vivre, et donc très proche de son éthique personnelle. En effet (pp. 53-54), « chaque vie humaine, envisagée dans son ensemble, nous montre […] les caractères d’une tragédie, et nous voyons que la vie n’est autre chose, en règle générale, qu’une série d’espérances avortées, de projets déçus et d’erreurs reconnues trop tard ». Il faut donc (p. 55) « envisager la vie comme une sévère leçon qui nous est infligée, bien que, avec nos formes de pensée dirigées vers de tout autres buts, nous ne puissions comprendre comment nous avons eu besoin de cette leçon. Nous devons donc songer avec satisfaction à nos amis défunts, en considérant qu’ils en ont fini avec elle, et en souhaitant de tout cœur qu’elle leur ait profité. Et du même point de vue nous devons envisager notre propre mort comme un événement désirable et heureux, et non en tremblant d’effroi, ainsi que c’est d’ordinaire le cas. » On rejoint donc indirectement le premier article. Mais Schopenhauer poursuit de manière on ne peut plus franche : « une vie heureuse est impossible »…

 

D’où le titre de la postface de Didier Raymond, qui permet utilement de faire le point sur ces deux articles et de les lier entre eux : « De l’impossibilité de vivre et de mourir »

 

Joyeux, non ?

 

Sur ces bonnes paroles…

 

 Parti Socialiste (moribond) : Si j’ai écrit des conneries, et qu’un philosophe compétent se sent de me rectifier, qu’il n’hésite surtout pas à le faire, ça m’intéresse.

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