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"L'Edition", de Bertrand Legendre

Publié le par Nébal

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LEGENDRE (Bertrand), L’Édition, Paris, Le Cavalier Bleu, coll. Idées reçues – Arts & Culture, 2009, 126 p.

 

Où l’on retrouve Bertrand Legendre, directeur du Master 2 « Politiques éditoriales » à Villetaneuse (qui ne m’a pas pris, bouhouhou…), mais cette fois pour un exercice bien différent et bien moins aride que ses Regards sur l’édition co-écrits avec Corinne Abensour dont je vous ai déjà entretenu. Il s’agit cette fois, dans ce petit ouvrage, de discuter quelques « idées reçues » concernant l’édition, puisque tel est le principe de cette collection du Cavalier Bleu. Mais le mieux à faire est sans doute de vous en laisser ici la note d’intention (p. 4) :

 

« Les idées reçues sont tenaces. Nées du bon sens populaire ou de l’air du temps, elles figent en phrases caricaturales des opinions convenues. Sans dire leur origine, elles se répandent partout pour diffuser un « prêt-à-penser » collectif auquel il est difficile d’échapper… Il ne s’agit pas ici d’établir un Dictionnaire des idées reçues contemporain, ni de s’insurger systématiquement contre les clichés et les « on-dit ». En les prenant pour point de départ, cette collection cherche à comprendre leur raison d’être, à déceler la part de vérité souvent cachée derrière leur formulation dogmatique, à les tenir à distance respectable pour offrir sur chacun des sujets traités une analyse nuancée des connaissances actuelles. »

 

Une analyse nuancée, effectivement. C’est là le mot juste pour désigner les réponses apportées par Bertrand Legendre aux seize « idées reçues » concernant l’édition (entendue dans un sens assez large, d’ailleurs) qu’il a retenues. Impossible, donc, à chaque fois, de se contenter d’un lapidaire « c’est vrai » ou « c’est faux », même si parfois la tentation est forte. Ce qui, honnêtement, ne me facilite pas la tâche pour ce compte rendu, mais c’est une autre histoire…

 

Chaque « idée reçue » est traitée de la même manière. Sous son intitulé, on trouve une citation qui l’illustre, puis Bertrand Legendre vient y répondre en quatre ou cinq pages, parfois accompagnées de documents.

 

Il commence par s’intéresser aux auteurs. Première idée reçue : « Pas de livres sans auteurs. » Ici, par exception, on peut faire une réponse tranchée : si, il y en a ; tous ceux qui ne relèvent pas de la seule initiative de l’auteur et qui sont le fruit de collaborations : les encyclopédies et dictionnaires, notamment, mais il y a d’autres exemples, où les auteurs deviennent des « fournisseurs de contenu », et où le rôle de l’éditeur prime. « Pour être publié, il faut être pistonné. » Ici, Bertrand Legendre appelle à faire la distinction entre « piston » et vedettariat ; et s’il concède que le « piston » peut jouer, il pense néanmoins – et je le suis volontiers – que ce n’est que dans des cas rares. « Il est plus facile d’être publié chez un petit éditeur. » Une « vérité » sociologique… qu’aucune enquête sociologique n’a jamais permis de démontrer. « Les éditeurs exploitent les auteurs. » Des cas célèbres qui ont constitué cette « idée reçue » : Balzac, Céline, plus récemment Houellebecq… Mais si la réponse se doit d’être nuancée, Bertrand Legendre tend néanmoins logiquement à se faire ici l’avocat du diable, et note que, en fait d’exploitation, le problème tient surtout à la méconnaissance de l’économie du livre et du droit de la part des auteurs…

 

On passe ensuite au milieu de l’édition. « L’édition est un milieu parisien. » Essentiellement, oui, certes, mais pas que ; et peut-être de moins en moins (et de citer notamment Actes Sud, qui reste tout de même la référence en-dehors de Paris). « Les éditeurs ne servent à rien. » Eh eh… Bon, si, là, on peut faire une réponse tranchée : bien sûr, qu’ils servent à quelque chose, même si le public a parfois du mal à comprendre à quoi au juste, ou si Internet, notamment, a pu faire croire que l’on pouvait s’en passer. « L’édition n’est pas rentable. » C’est très variable, des petites maisons fonctionnant a minima aux grands groupes générant des fortunes… « Le livre est un artisanat. » Elle est jolie, celle-là. Mais si elle recouvre une certaine réalité – l’amour du travail bien fait, du bel ouvrage –, elle ne doit pas faire oublier pour autant que l’édition a recours à des pratiques de type industriel visant à limiter les risques du « prototype ». « L’édition, c’est avant tout la littérature. » Oui et non : si la littérature est bien le premier poste de l’édition (21,8 % du chiffre d’affaires… « seulement », 17,6 % des nouveautés), il ne faut pas pour autant négliger les autres (livres pratiques et beaux livres, juste derrière ; jeunesse ; ouvrages scolaires ; dictionnaires et encyclopédies ; sciences humaines et sociales ; bandes-dessinées) ; c’est simplement que la littérature est plus médiatisée. « Le numérique va tuer le livre. » Un grand classique… sur lequel je reviendrai probablement plus en détail prochainement.

 

Bertrand Legendre s’intéresse enfin au circuit du livre. « Il y a trop de livres. » Là encore un grand classique, mais qui appelle une réponse plus nuancée qu’il n’y paraît… « Les livres sont trop chers. » On continue dans les grands classiques, mais là, même avec les meilleures explications du monde (que fournit Bertrand Legendre), et tant que je n’ai pas franchi la barrière (eh eh), je ne peux qu’accréditer cette idée reçue… « L’offre des librairies en ligne est plus large. » Ben non… mais pour qui peut bénéficier des services d’une vraie grande librairie, comme Ombres Blanches à Toulouse (citée, d’ailleurs) ; mais il est clair que les « librairies » en ligne font tout pour nous le faire croire. « Les distributeurs sont tout puissants. » On retourne aux grands classiques… « Il n’y a que le « grand public » qui se vende. » Où l’on retrouve le vedettariat… mais il y a heureusement des exceptions. « On n’a plus besoin des bibliothèques. » Là, j’avoue être intrigué ; même moi qui ne suis pas un grand amateur de bibliothèques, je n’arrive pas à comprendre qui peut penser une sottise pareille…

 

Et de conclure, en récapitulant un peu tout ça.

 

 L’exercice, sous ses abords légers, est diablement intéressant et instructif. Voilà un petit livre d’une lecture aisée, qu’on pourrait même sans doute qualifier – sans connotation péjorative – de vulgarisation, mais qui remplit parfaitement son office. Bonne pioche.

CITRIQ

Commenter cet article

C
<br /> Oh, j'adore le principe de cette collection. Ça doit être le bouquin sur le sujet qui me tente le plus dans ceux que tu as présentés (sans compter les premiers).<br /> <br /> Le point sur la survie du livre face au numérique m'intéresse énormément, vu que c'est une idée qui commence à me faire peur, même si elle n'a certainement pas lieu d'être... Aussi rétrograde que<br /> ça paraisse, je ne peux pas savourer un livre numérique comme un livre papier, et j'ai peur que les plus petits auteurs, les livres moins vendeurs, plus audacieux, etc., ne soient dans le futur<br /> publié que via le numérique, sans support papier qui suit, surtout si le livre ne se vend pas... J'ai certainement tort, mais l'idée est là, et elle m'obsède.<br /> A part pour Actes Sud, j'avais cette idée de la Mecque parisienne des maisons d'éditions aussi. Mais où sont-elles alors? (si tu me dis qu'il y en a à Lille, je saute de joie!)<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Pour l'implantation, Paris reste de loin dominante, aucun doute à cet égard. Mais ça commence à se développer ailleurs... mais surtout dans le sud. Raté.<br /> <br /> <br /> <br />