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"Utopiales 13", de Jérôme Vincent (dir.)

Publié le par Nébal

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VINCENT (Jérôme) (dir.), Utopiales 13, Chambéry, ActuSF, coll. Les Trois Souhaits, [1991, 1994, 2008-2012] 2013, 386 p.

 

Ben oui. Comme chaque année depuis que c’est ActuSF qui s’en occupe – c’est-à-dire depuis 5 ans –, j’ai lu l’anthologie des Utopiales. Parce que, au fil des années, j’y ai tout de même lu de bien bonnes choses. Pas toujours, certes… Et il m’était difficile, en entamant la lecture de ce nouvel opus plus volumineux qu’à l’accoutumée, de faire l’impasse sur mon ressenti hérissé concernant Utopiales 12, et les réactions qu’il avait suscitées… Mais peu importe : du passé faisons table rase, tout ça… Mieux valait aborder cette nouvelle anthologie sans a priori, parce que sinon, hein, bon.

 

Et tant mieux, d’ailleurs : je peux d’ores et déjà vous dire que l’on n’y trouve rien d’aussi ignoblement putassier que l’affreuse novella d’Ayerdhal qui a fort logiquement remporté tous les suffrages la dernière fois, jusqu’à se taper le Rosny, prix du pire bien moins rigolo que les Razzies. Cela dit, le bilan reste des plus mitigé… et ce en dépit des jolis noms à l’affiche, qui ne tiennent pas forcément toutes leurs promesses.

 

Mais passons – ainsi que sur les présentations des auteurs, un tantinet risibles tant elles sont maladroites – et décortiquons plutôt les quatorze nouvelles et novellas composant cette anthologie officielle.

 

Commençons par le meilleur, tiens. C’est-à-dire, dans l’ordre de présentation des textes, par Sylvie Lainé avec « Grenade au bord du ciel » : une nouvelle irréprochable, non dénuée d’un certain charme poétique, qui confirme le grand talent de nouvelliste de cet auteur trop rare (mais on annonce un nouveau recueil toujours chez ActuSF, ai-je cru comprendre). L’autre très grande réussite de ce recueil, on la doit à Ian McDonald, avec « Trois Futurs », qui sont autant de révolutions ; l’auteur baroudeur nous régale de ses récits ô combien lucides aux quatre (enfin, trois) coins du monde : du très beau boulot, qui témoigne bien de ce que McDonald est capable de faire de meilleur.

 

D’autres textes sont au pire sympathiques, disons même plutôt bons, sans cependant atteindre le niveau des précédents, à mon sens tout du moins. On citera ici notamment Stéphane Beauverger pour « Vert Dur », nouvelle bourrée de bonnes idées sur les métamorphoses de l’écologie et du féminisme (j’ai inévitablement pensé à Ballard), au style plutôt léché, qui ne pèche à mes yeux que par son optimisme… autant dire que ce bémol, plutôt que cette critique, n’engage que moi, et que ce texte reste tout à fait recommandable. Même « problème » tout relatif pour « Comment je suis devenu un biotech » de Lucas Moreno, probablement un nouvelliste à suivre, décidément : il signe là un texte très ambitieux, très riche (je ne vois guère que le McDonald pour rivaliser sur ce plan, et encore, même pas sûr), sur la singularité et le devenir de l’humanité ; le problème… ben c’est que je n’adhère pas du tout, mais alors pas du tout, au propos, que je ne peux m’empêcher de trouver fâcheusement réac. Je reconnais néanmoins la grande qualité de la chose : c’est assurément très bien fait. Citons également ici Thomas Day pour « La Femme aux abeilles », seule nouvelle résolument axée « fantasy » de l’anthologie ; là encore, c’est très bien fait – ce qui n’étonnera pas de la part du monsieur – mais j’ai trouvé que ce texte manquait singulièrement de personnalité : le cadre m’a inévitablement fait penser au dernier Jaworski, le personnage à Chien du heaume de Justine Niogret… à tort ou à raison. Certes, il y a pire comme « modèle » (le terme n’est sans doute pas très bien choisi, je le concède…), mais c’est un peu déconcertant tout de même. Reste enfin dans cette catégorie Peter Watts qui, dans « Nimbus », nous dessine une terrible apocalypse ballardienne (oui, encore) à base de nuages intelligents… C’est très bien fait, c’est fort, mais je n’ai pu m’empêcher de trouver ce texte un brin frustrant de par sa brièveté.

 

Quelques textes médiocres, ensuite… à commencer par le « Dougal désincarné » de William Gibson, variation relativement amusante sur les fantômes, hélas desservie par un style tout bonnement affreux (je ne saurais dire si le problème vient de l’original ou de la traduction, mais il y a assurément comme un souci…). Andreas Eschbach livre avec « Les Fleurs de ma mère » un texte tout juste correct, mais sitôt lu, sitôt oublié. Orson Scott Card se montre très « pro » dans « Noël en enfer », ce qui aurait pu lui valoir une place dans la précédente catégorie ; mais j’ai trouvé (peut-être à cause de certaine prévention contre l’auteur…) que le « problème » rencontré dans la nouvelle de Lucas Moreno était ici beaucoup plus difficilement supportable, ce conte de Noël versant affreusement dans la moraline et la bondieuserie… Thierry Di Rollo, ensuite, fait du Thierry Di Rollo dans « J’ai eu trente ans », nouvelle tristement banale (ou plutôt « nano-banale »…). Citons enfin Jeanne-A Debats, qui conclut l’anthologie sur « La Fontaine aux serpents », une longue novella prolongeant son roman Métaphysique du vampire (aïe…), ce qui nous donne un polar transgenre parcouru de bonnes idées, mais un brin facile et pontifiant… et surtout plombé par un cul d’autant plus lourdingue qu’il est omniprésent.

 

Le reste est mauvais, à mes yeux en tout cas. Jean-Louis Trudel émaille « Trois Relations de la fin de l’écrivain » de quelques rares bonnes idées, mais le texte n’en est pas moins avant tout pénible, et la fin clairement ratée. Norman Spinrad livre avec « La Main tendue » une nouvelle fort convenue, et horriblement « mignonne », voire carrément niaise (c’est marrant, je voyais vraiment pas l’auteur se compromettre dans ce registre…). Jean-Pierre Andrevon, enfin, retoque à peine (j’imagine) une nouvelle datant de 1971, « Dans les mines de Mars » ; à l’époque, ça pouvait peut-être passer… mais aujourd’hui, a fortiori pour qui a lu Dick et Ballard (oui, encore !), dont l’œuvre a autrement mieux vieilli, c’est tellement caricatural et prévisible que cela en devient carrément risible.

 

Bilan plutôt mitigé, donc, pour cette nouvelle anthologie des Utopiales. Si l’on excepte l’abomination ayerdhalienne, les précédentes livraisons m’avaient – du moins j’en ai l’impression – habitué à mieux. Bon, je m’en remettrai, hein… En attendant, Utopiales 13 me fait l’effet d’un recueil plutôt dispensable, même si rien ne s’y montre à proprement parler scandaleux ; mais les bons textes sont noyés dans les moyens, et les bonnes idées dans la médiocrité. Dommage…

 

EDIT : Gérard Abdaloff, ce pochard, se montre bêtement méchant ici.

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Les Utopiales sont à Nantes ce week end, j'y serais pour la première année en ce qui me concerne, mais qu'une journée seulement. On m'a dit que c'était plutôt sympa l'année dernière par contre...
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