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CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

Cinquième séance du scénario pour L’Appel de Cthulhu intitulé « Au-delà des limites », issu du supplément Les Secrets de San Francisco.

 

Vous trouverez les éléments préparatoires (contexte et PJ) ici, et la première séance . La précédente séance se trouve quant à elle .

 

Tous les joueurs étaient présents, qui incarnaient donc Bobby Traven, le détective privé (qui s'est toutefois absenté en fin de partie) ; Eunice Bessler, l’actrice ; Gordon Gore, le dilettante ; Trevor Pierce, le journaliste d’investigation ; Veronica Sutton, la psychiatre ; et Zeng Ju, le domestique.

I : MERCREDI 4 SEPTEMBRE 1929, 19H – CHEZ FRANCIS, 59 O’FARRELL STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

[I-1 : Zeng Ju : Jonathan Colbert, Andy McKenzie] Tandis que ses associés se rendaient à la Résidence Reece, Zeng Ju préférait enquêter sur le terrain en fouinant dans les rues du Tenderloin, d’abord à proximité du Petit Prince, dans l’espoir de trouver un indice lui permettant de mettre la main sur Jonathan Colbert et/ou Andy McKenzie. Il espère, sinon tomber par hasard sur les deux hommes, du moins rencontrer un habitué du quartier qui pourrait le renseigner.

 

[I-2 : Zeng Ju : Eugénie ; Bobby Traven, Jonathan Colbert] Mais déambuler simplement dans les rues ne donne rien. Cela dit, c’est le moment où le quartier commence à s’animer, avec l’ouverture des « restaurants français »… à l’exception bien sûr du Petit Prince, fermé par la police. Zeng Ju décide d’aller boire un verre dans un de ces établissements, pour y dénicher des informations ; par le plus grand des hasards, il se rend ainsi Chez Francis, où Bobby Traven a ses habitudes (il n’en sait rien). Il y est bientôt accosté par une souriante serveuse qui se fait appeler Eugénie. Elle lui tend la carte, où les noms des alcools sont à peine déguisés – va pour un whisky canadien. Mais il essaye de discuter avec elle : sans doute connaît-elle bien le quartier ? Il est à la recherche d’un artiste, un peintre qu’on lui a recommandé, mais impossible de dégoter son adresse… Un jeune homme du nom de Jonathan Colbert, il sait qu’il traîne dans le quartier. Eugénie y réfléchit un instant, puis sourit : oui, ça lui dit vaguement quelque chose. Ce n’est pas un habitué de la maison, mais le quartier est petit, on connaît un peu tout le monde… Que veut-il faire avec lui ? Des affaires – ou plus exactement c’est ce que souhaite faire son employeur, qui est tombé sur une toile du jeune peintre qui lui a beaucoup plu. Oh, elle, ce qu’elle en dit… Mais que Monsieur veuille bien patienter, elle va voir si elle peut lui dégoter quelque chose. Eugénie se retire, et se rend dans le couloir attenant aux cuisines, au fond du restaurant.

 

[I-3 : Zeng Ju : Francis ; Eugénie, Gordon Gore, Bobby Traven, Jonathan Colbert, Parker Biggs] Eugénie en ressort quelques minutes plus tard, mais ne revient pas à la table de Zeng Ju – elle a du travail auprès d’autres clients. Par contre, dans sa foulée, un homme encore assez jeune, très décontracté, sort du couloir et se rend aussitôt à la table du domestique de Gordon Gore : c’est Francis, ainsi qu’il se fait appeler (en vérité, ça doit être « John quelque chose », ainsi que Bobby Traven le sait parfaitement), et c’est le patron de ce « restaurant français ». Alors, il s'agit de parler affaires ? Effectivement – Zeng Ju lui répète ce qu’il a dit à Eugénie. Il se passe quelques secondes de silence – et puis le domestique se rend compte que Francis lui parlait, que les lèvres de son interlocuteur bougeaient, mais il n’entendait rien pour autant… Et c’est comme si le son revenait d’un seul coup, brusquement, en plein milieu d’une phrase. Perturbé, Zeng Ju présente ses excuses à Francis, lui demandant de bien vouloir répéter ce qu’il venait de dire. Le propriétaire du « restaurant français » est un peu interloqué, mais reprend volontiers : oui, il voit bien le bonhomme… En fait, le peintre a fait le tour du quartier, ses nus sous le bras, pour… « épicer » la décoration des « restaurants français ». Francis n’a pas trouvé ses œuvres du meilleur goût (« C’est un établissement de qualité, ici ! »), aussi n’ont-ils pas fait affaires. Mais ce Jonathan Colbert a persévéré, et trouvé au moins un gogo dans « la concurrence » : il a cru comprendre que Parker Biggs, du Petit Prince, l’avait pris sous son aile – mais le Petit Prince est fermé, une sombre histoire de bagarre… Peut-être le peintre a-t-il placé ses toiles ailleurs dans le quartier, mais Francis en doute : « Biggs est plutôt du genre exclusif. Personne n’a envie de lui marcher sur les pieds, faut dire. »

 

[I-4 : Zeng Ju : Francis ; Jonathan Colbert, Gordon Gore] Quoi qu’il en soit, dénicher Jonathan Colbert ne s’annonce pas évident ; sauf erreur, il n’avait même pas laissé d’adresse où le contacter à Francis, quand il était venu le démarcher en personne. Mais… Le patron va vérifier quelque chose dans son bureau. Zeng Ju le remercie, et attend qu'il revienne à sa table, ce qui ne demande que quelques minutes : en fait, si, le peintre lui avait bien donné une adresse, mais en lui expliquant qu’il allait déménager dans les jours qui suivaient – la nouvelle adresse, Francis ne la connaît pas. Mais si l’ancienne intéresse le domestique de Gordon Gore… La voici : appartement 3, 412 Eddy Street ; c’est bien dans le Tenderloin. Il n’en sait pas plus. Zeng Ju le remercie chaleureusement : le propriétaire ou les anciens voisins de Colbert pourront peut-être le renseigner quant à son domicile actuel ! Francis lui adresse un grand sourire : « C’est ce que je me suis dit. Bon, maintenant que vous avez cette information, il va quand même falloir la mériter un petit peu… Deux billets de dix ? » La somme est un peu élevée, elle dépasse le niveau des dépenses courantes de Zeng Ju, mais il avait pu piocher un peu dans la caisse de Gordon Gore – il a tout juste de quoi payer, mais il ne lui reste plus que quelques cents d’ici à ce qu’il retourne au manoir de Nob Hill. Zeng Ju termine son verre, puis quitte Chez Francis.

 

II : MERCREDI 4 SEPTEMBRE 1929, 19H – CERCLE DE BOXE AMATEUR DE L’USINE DE GLACE CARVER, 17 ALABAMA STREET, MISSION DISTRICT, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

[Nous avions alors joué une scène impliquant Bobby Traven, mais qui ne pouvait pas s’insérer logiquement dans le récit, ce que j'aurais dû remarquer de manière plus explicite sur le moment... Je l’ai donc supprimée de ce compte rendu, et me contenterai ici de la résumer pour mémoire. Le détective privé partait du nom de « grizzli » évoqué au Napa State Hospital, mais dont il ne pouvait pas avoir connaissance, et considérait que cela devait être le surnom d’une brute, éventuellement employée par la pègre ; il voulait alors se renseigner auprès de ses amis d’un cercle de boxe amateur, mais ça ne donnait absolument rien – plein de types dans ce milieu pourraient s’affubler de ce sobriquet. Des recherches du même ordre dans ses dossiers ou les journaux ne donnent rien de plus. Fausse piste. Et il n’y a pas de communauté amérindienne à San Francisco ou quoi que ce soit du genre – là aussi, de toute façon, Bobby Traven n’avait aucune raison valable d’enquêter à ce propos...]

 

III : MERCREDI 4 SEPTEMBRE 1929, 21H – RESTAURANT SACREBLEU !, 102 GEARY STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO

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[III-1 : Gordon Gore, Eunice Bessler, Veronica Sutton, Trevor Pierce : Bridget Reece, Byrd Reece, Zeng Ju] Il est environ 20h30 quand Gordon Gore, Eunice Bessler, Veronica Sutton et Trevor Pierce achèvent de s’entretenir avec Bridget Reece et son père Byrd. Et Eunice a son idée de la suite de leur programme : elle a une faim de loup ! Ils décident donc de dîner dans un restaurant (impensable de retourner pour ce faire au manoir en l’absence de Zeng Ju, cuisinier hors-pair), et, tant qu’à faire, supposent que le Tenderloin, et plus précisément Geary Street, conformément à l’adresse imprécise que leur avait donnée Bridget, serait un bon choix. Ils y trouvent un restaurant appelé Sacrebleu !, qui a bonne réputation, servant vraiment de la cuisine française authentique ; bien sûr, c’est aussi un bordel, mais de qualité supérieure.

 

[III-2 : Veronica Sutton, Trevor Pierce, Gordon Gore : Curtis Ashley, Nicolas Robinson, Jonathan Colbert] À l’initiative de Veronica Sutton, ils profitent de ce repas pour faire le point sur les éléments qu’ils ont découverts dans la journée. La psychiatre est très intéressée par ce qu’a déniché Trevor Pierce dans l’article de Curtis Ashley sur les statistiques de la Noire Démence. Serait-il possible de retrouver ce journaliste ? Cela paraît difficile : cette feuille socialiste n’est plus éditée, et Trevor n’a pas trouvé d’autres mentions de ce nom. Mais peut-être serait-il possible d’en trouver la trace via des contacts socialistes ou syndicalistes… Veronica fait la remarque que le Pr Nicolas Robinson, de la California School of Fine Arts, avait mentionné que Jonathan Colbert fréquentait là-bas des cercles gauchistes ; peut-être pourrait-on y apprendre quelque chose ? Gordon Gore trouve effectivement la piste intéressante – mais tout cela est bien vague, et, quant à lui, il ne sait pas à qui s’adresser… Lui, les socialistes… Il ne s’intéresse pas à la politique – il trouve ça vulgaire ; mais surtout les socialistes… En tant que collectionneur d’art, il aime les gens qui cherchent à se distinguer, voyez-vous ! Gordon se tourne donc vers Trevor : « Allez-y, mon vieux, c’est pour ça que je vous paye, après tout ! » Son sourire, même amical, met le journaliste socialisant mal à l’aise...

 

[III-3 : Trevor Pierce, Veronica Sutton : Zebulon Pharr] Mais ce que dit Trevor Pierce de la Collection Zebulon Pharr intéresse aussi énormément Veronica Sutton ; en fait, elle en avait déjà vaguement entendu parler : la Collection n’est pas un mythe, elle existe bel et bien, aucun doute à cet égard. Elle ne sait pas où elle se trouve, mais se souvient qu’elle est gérée par un cabinet d’avocats, via une fondation ; elle n’a plus le nom du cabinet en tête, mais pense pouvoir le trouver assez facilement dans ses dossiers. Toutefois, la Collection n’est délibérément pas facile d’accès ; on ne peut pas simplement s’y rendre et se voir accorder l’entrée… Dans tous les cas, il faudrait une recommandation.

 

IV : MERCREDI 4 SEPTEMBRE 1929, 22H – 412 EDDY STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

[IV-1 : Zeng Ju : Francis, Jonathan Colbert, Andy McKenzie] Zeng Ju se rend à l’adresse que lui a donnée Francis, et où il espère trouver une piste l’amenant à Jonathan Colbert et/ou Andy McKenzie. Eddy Street est une des principales artères du Tenderloin. L’immeuble, ou sa façade du moins, ne fait pas trop miteux, mais le domestique ne se fait aucune illusion sur l’état de l’intérieur ; ce genre d’immeubles est dévolu aux loyers très bas et peu scrupuleux, voire tout bonnement aux marchands de sommeil.

 

[IV-2 : Zeng Ju : Jonathan Colbert] Zeng Ju pénètre à l’intérieur de l’immeuble, ça ne présente pas de difficulté particulière. Par contre, il y a une loge de concierge – mais la brute qui l’occupe tient plus du videur qui fait dégager les mauvais payeurs, à l’évidence. Le domestique s’adresse au gardien, lui expliquant qu’il cherche un jeune peintre du nom de Jonathan Colbert, on lui a donné cette adresse, et… « Ben c’est pas la bonne. Qu’est-ce tu veux ? » Zeng Ju commence à répondre : « Eh bien, je suis mandaté par... » Mais il est aussitôt interrompu : « T’es mandaté par mon cul. » Le domestique interloqué tente de reprendre, mais la réplique ne se fait pas attendre : « Bon, le Chinetoque, tu dégages ! » La brute se lève lentement en faisant gonfler ses muscles. Zeng Ju ne bouge pas. Le costaud reprend : « T’es encore là ? Tu sais compter ? Tu sais compter jusqu’à dix ?

Oui, Monsieur, je sais compter jusqu’à dix.

Et à l’envers ? Tu sais faire ? Jusqu’à zéro ? Attends, j’vais t’montrer : dix, neuf, huit, six... »

Zeng Ju débarrasse le plancher : « Au revoir, Monsieur. » La brute retourne s’asseoir à sa place.

 

[IV-3 : Zeng Ju : Gordon Gore] Dehors, Zeng Ju peste – il faut qu’il retrouve des armes, puisqu’on lui a confisqué les siennes quand il a été emmené au poste après l’échauffourée au Petit Prince ! Face à un type pareil, ça pourrait s’avérer utile… Il va faire une virée à Chinatown à cet effet. D’ici-là, il se rend dans un café (un vrai, exceptionnellement !), non loin, pour appeler au Manoir Gore, afin de savoir si son employeur s’y trouve, mais ce n’est pas le cas, et il n’a aucune idée d’où le chercher ainsi que ses associés. Rentrer au manoir ne lui servirait à rien, il décide donc de faire le pied de grue à proximité du 412 Eddy Street pour guetter les entrées et les sorties – en pure perte.

 

V : MERCREDI 4 SEPTEMBRE 1929, 23H – RESTAURANT SACREBLEU !, 102 GEARY STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO

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[V-1 : Gordon Gore : Amélie ; Jonathan Colbert, Andy McKenzie] Le repas touchant à sa fin, Gordon Gore tente de parler de Jonathan Colbert avec une serveuse du nom d’Amélie, venue s’assurer de ce qu’ils sont satisfaits (c’est bien le cas). Comme à son habitude, le dilettante joue de son nom : « Vous avez peut-être entendu parler de moi ? » Eh bien, non, pas du tout… En fait, la jeune femme ne voit pas ce qu’un peintre viendrait faire dans un quartier tel que celui-ci, porté sur le… « pragmatisme ». Et McKenzie ? La serveuse le regarde d’un air suspicieux : McKenzie est sans doute un nom très répandu, mais… Andy McKenzie, précise Gordon – semble-t-il un ami du peintre, il se pourrait qu’ils vivent ensemble. Il n’en sait pas davantage – la serveuse non plus, à ceci près que « si votre peintre est un ami d’Andy McKenzie, il faudra le prévenir qu’il a de très mauvaises fréquentations... » Gordon joue le naïf : « Comment ça ?

C’est un escroc, un minable. Vous avez l’air de bonne famille, Monsieur, ne vous fatiguez pas à retrouver ce type, il n’en vaut vraiment pas la peine…

Eh bien, je le note, merci, mais raison de plus pour retrouver ce Colbert, s’il est sous l’influence de McKenzie... »

Elle explose de rire : « L’influence de McKenzie ?! Ça, c’est la meilleure ! Il n’a aucune influence. Ce tocard va prétendre avoir tout le monde dans sa poche : il connaît les Combattants Tong, il a des amis à la mairie… Tu parles ! C’est une petite frappe. Il ment, c’est tout ce qu’il sait faire – sauf qu’il ment mal, en fait… Protéger votre ami de son "influence" ne devrait pas être bien compliqué, du coup. Et il n’est pas dangereux : il joue le hargneux, mais n’en a pas les moyens pour être crédible... » Gordon demande lors à Amélie si elle aurait une idée d’où trouver Andy McKenzie – c’est qu’il prend bonne note de ses opinions, mais il n’a pas le choix, il lui faut le dénicher… Mais elle n’en sait rien – et tant mieux, en ce qui la concerne : « Le jour où ce restaurant devra faire affaire avec McKenzie, il sera bien temps de mettre la clef sous la porte ! »

 

[V-2 : Eunice Bessler, Trevor Pierce : Parker Biggs, Zeng Ju] Les investigateurs n’ont rien de plus à faire ici ; ils sortent du restaurant, et flânent quelque temps dans Geary Street, dans l’espoir un peu vain de tomber sur une de leurs proies… Ce n’est bien évidemment pas le cas. [J’avais demandé à ce qu’un des joueurs fasse un test de Chance pour le groupe, et ils ont désigné Eunice Bessler… qui a obtenu un échec critique, d’où la conséquence suivante.] Trevor Pierce, aux aguets, entend les bribes d’une conversation, où il devine que les potins se mêlent vaguement d’une sorte de panique : il semblerait que Parker Biggs, on ne sait vraiment pas comment, se serait échappé de l’hôpital où les policiers l’avaient placé pour le rabibocher (il en avait bien besoin, Zeng Ju pensait même lui avoir cassé la jambe, à tort faut-il croire) avant de l’envoyer en prison… La nouvelle jette un froid, mais tous sont fatigués, et ils décident de rentrer chez eux pour dormir.

 

VI : JEUDI 5 SEPTEMBRE 1929, 1H – CABINET DE VERONICA SUTTON, 57 HYDE STREET, FISHERMAN’S WHARF, SAN FRANCISCO

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[VI-1 : Veronica Sutton : Zebulon Pharr, Randolph Coutts, Miles Winthrop] Mais Veronica Sutton, une fois arrivée à son cabinet à la lisière de Fisherman’s Wharf, ne compte pas se coucher immédiatement. Elle commence par retrouver le nom du cabinet d’avocats gérant la fondation Zebulon Pharr : il s’agit de Coutts & Winthrop, dans South of Market. Elle se rafraîchit aussi les souvenirs concernant Pharr lui-même ; c’était un anthropologue du XIXe siècle, originaire de la côte Est, mais qui s’était rendu ensuite dans la Bay Area, dès lors sa base arrière pour d’autres expéditions de par le monde ; il fut un des premiers anthropologues à véritablement travailler sur le terrain – il était très crédible, et on prétend qu’il a constitué, au fur et à mesure que son intérêt pour l’occultisme se développait, une collection unique au monde.

 

[VI-2 : Veronica Sutton : Charles Smith] Veronica Sutton jette ensuite un œil à sa bibliothèque, pour voir si elle peut y repérer des éléments utiles, d’ordre anthropologique ou occulte, suite aux découvertes qu’elle avait faites au Napa State Hospital. En priorité, elle se penche sur le folklore indien de la région, mais elle manque d’ouvrages suffisamment approfondis pour se montrer utiles… Il faudra qu’elle consulte un spécialiste – elle en connaît, à vrai dire, notamment Charles Smith, qui enseigne à l’Université de Californie, à Berkeley.

 

[VI-3 : Veronica Sutton : Sir James George Frazer] Cependant, elle trouve quelque chose dans sa belle édition étendue en treize volumes du Rameau d’or, de Sir James George Frazer – un de ses ouvrages fétiches : elle se souvenait qu’il avait évoqué des légendes propres à la région de San Francisco, et c’est bien le cas – une histoire concernant les « chamans du grizzli » ; ils auraient disparu à une époque non précisée, mais la légende prétend qu’ils ne sont pas morts, comme on le croyait, mais se sont en fait transportés dans le « monde des esprits », où ils errent à jamais ; si Frazer en parle, c’est surtout parce que c’est pour lui l’occasion, dans une optique comparatiste, de se livrer à un développement sur le principe de la magie sympathique – des représentations des chamans permettraient de les ramener dans notre monde, ou plus généralement de faire la bascule entre notre monde et celui des esprits. Mais la légende était catégorique : ces chamans ne pouvaient être atteints d’une manière ou d’une autre (et détruits, notamment) que dans le monde des esprits, pas dans le monde « réel ». Par ailleurs, la magie sympathique, ici, ne fonctionne pas vraiment à la façon du Portrait de Dorian Gray : s’en prendre à la représentation ne produit pas d’effet sur le sujet représenté (la magie sympathique doit donc être relativisée sous cet angle). Fatiguée, et pas en mesure de trouver quoi que ce soit de plus (notamment concernant cet étrange « Yog-Sothoth »), la psychiatre va se coucher.

 

VII : JEUDI 5 SEPTEMBRE 1929, 8H – MANOIR GORE, 109 CLAY STREET, NOB HILL, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

[VII-1 : Gordon Gore, Veronica Sutton : Daniel Fairbanks, Timothy Whitman, Clarisse Whitman, Jonathan Colbert, Andy McKenzie, Bridget Reece, Lucy Farnsworth, Byrd Reece] À leur habitude, les investigateurs se retrouvent au manoir de Gordon Gore, sur Nob Hill, à 8h, afin de préparer le rapport quotidien que le dilettante doit faire à Daniel Fairbanks, le secrétaire de Timothy Whitman. Le problème est qu’il n’ont pas forcément grand-chose de concret à lui rapporter… Veronica Sutton considère qu’il faut parler de la Noire Démence, mais le dilettante se méfie : il a essayé de l'évoquer par deux fois, et les deux fois le secrétaire l’a envoyé bouler… Il faut établir un lien direct entre cette menace et Clarisse Whitman. Par ailleurs, Gordon avait soigneusement évité de mentionner le nom de Jonathan Colbert, ce qui devient de plus en plus difficilement tenable… Parler d’Andy McKenzie, alors ? Il y a aussi les cas de Bridget Reece et Lucy Farnsworth : Gordon avait parlé de ces deux filles semble-t-il liées à leur affaire, mais sans mentionner leur nom (seul celui de Bridget était connu lors du précédent rapport) ; en même temps, Fairbanks avait clairement exprimé que c’était pour lui un avancement majeur de l’enquête – en fait la seule raison de prolonger leur contrat… Mais Gordon avait promis à Byrd Reece de rester discret. Par contre, parler du chantage, même de manière évasive ?

 

[VII-2 : Gordon Gore, Bobby Traven : Daniel Fairbanks ; Timothy Whitman, Andy McKenzie, Clarisse Whitman, Lucy Farnsworth, Bridget Reece, Arnold Farnsworth] Mais il est trop tard pour atermoyer : il est 9h, Gordon Gore doit appeler Daniel Fairbanks, qui, comme d’habitude, décroche aussitôt. « Mon Dieu, Fairbanks, c’est à croire que vous dormez à côté du téléphone ! » Bien, le rapport : il se souvient sans doute de ces deux jeunes filles mentionnées hier à la même heure ? Il ne peut pas révéler leur identité – certes, M. Whitman est son patron, mais il a promis aux intéressés de se montrer discret, et c’était le seul moyen d’obtenir des informations utiles : homme d’honneur, il ne reprendra pas sa parole. Il n’en a pas moins des choses à dire – notamment qu’une de ces familles au moins a fait l’objet d’un chantage : la fille avait posé nue pour des photographies , et les maîtres-chanteurs menaçaient ses parents de les divulguer dans la presse, sauf paiement d’une rançon conséquente… Un de ces maîtres-chanteurs a été identifié, une petite frappe du nom d’Andy McKenzie, qui se livre à ses activités douteuses dans le Tenderloin. Leurs efforts se concentrent sur lui, il faut qu’ils mettent la main dessus. Silence… « Autre chose, M. Gore ?

Eh bien, c’est déjà pas mal, non ?

Je suppose qu’il y a des jours avec et des jours sans, et que je ne peux pas vous en blâmer. J’espère toutefois que vous obtiendrez au plus tôt des résultats davantage probants. Il va de soi que le contrat qui nous lie n’est pas indéfiniment extensible.

Il y a bien autre chose, même si cela risque de ne pas vous faire plaisir… C’est en rapport avec cette maladie dont nous vous avions déjà parlé, et qui ne vous intéressait pas. Nous avons consulté des spécialistes, des psychiatres notamment – l’existence de cette épidémie est un fait. Et tout porte à croire que Mlle Whitman a pu être contaminée.

Et qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

Des deux jeunes filles que nous avons retrouvées, l’une présentait des signes de contamination, et l’autre en était gravement affectée. »

C’est un demi-mensonge : Lucy Farsnworth était à l’évidence contaminée (Gordon évoque les taches sombres partout sur son corps, ses absences...), mais Bridget Reece n’en présentait pas le moindre symptôme. Finalement, Gordon décide de lâcher le nom de la première – l’information n’était pas un grand secret. Oui, il s’agit bien de la fille d’Arnold Farnsworth, le magnat du fret. Fairbanks admet que, pour la première fois, Gordon Gore a bien établi un lien entre cette « maladie » et la disparition de Mlle Whitman. Le secrétaire continue de penser que c’est une piste très secondaire, mais il transmettra à M. Whitman – cela risque de l’inquiéter, évidemment... Raison de plus de faire preuve de célérité dans la résolution de cette enquête. Bobby Traven ne participe pas à la conversation, mais, de ce qu’il entend, il presse Gordon à se montrer plus offensif : « Il sait quelque chose ! Il veut pas nous le dire, mais il sait quelque chose ! » Le dilettante lui intime de se calmer, puis reprend le combiné et demande au secrétaire si lui n’aurait pas non plus des choses à leur apprendre ? Qui pourraient leur permettre d’aller plus vite ? Fairbanks hésite un instant, puis : « Disons simplement que vous toucherez un bonus conséquent si vous mettez rapidement la main sur les photographies et les négatifs. Au revoir, M. Gore. » Il raccroche.

 

[VII-3 : Bobby Traven, Trevor Pierce, Gordon Gore : Daniel Fairbanks, Byrd Reece, Timothy Whitman] Bobby Traven trépigne : il avait raison, Fairbanks cachait quelque chose ! Il a toujours trouvé le secrétaire suspect, et c’est un aveu ! Trevor Pierce pense de même : le chantage était de la partie dès le départ… Mais cela ne le met pas en joie. Pour Bobby, cela va plus loin : ces rapports, c’est seulement pour contrôler que les investigateurs vont dans la bonne direction, mais sans se mouiller ! Il sait très bien ce qu’ils sont censés trouver ! Gordon Gore, que la véhémence du détective privé fatigue (et son langage ordurier tout autant), se montre bien autrement modéré – c’est davantage une question de confiance, et Daniel Fairbanks, à cet égard, n’est pas Byrd ReeceD’autant qu’il est dans une position subordonnée par rapport à Timothy Whitman. Pour Trevor, la conscience de classe du dilettante l’aveugle…

 

[VII-4 : Gordon Gore, Zeng Ju, Eunice Bessler : Jonathan Colbert, Andy McKenzie] Gordon Gore est un peu agacé : « Passons ! » Zeng Ju saisit la balle au bond : ils ont deux adresses, plus ou moins précises, où chercher Jonathan Colbert et Andy McKenzie, et c’est cela qui compte, présentement. Le domestique détaille sa déconvenue au 412 Eddy Street, avec « ce molosse qui n’estime pas beaucoup les Asiatiques ». Eunice Bessler avance que ce gardien pourrait adopter un comportement tout autre à l’égard d’une jeune fille comme elle…

 

[VII-5 : Eunice Bessler, Gordon Gore, Zeng Ju : Clarisse Whitman, Bridget Reece, Lucy Farnsworth, Jonathan Colbert, Andy McKenzie] Eunice Bessler marque une brève pause… puis elle reprend, avec un enthousiasme marqué : et si elle servait d’appât, d’ailleurs ? Pas seulement vis-à-vis de cette brute ! Elle a un profil assez proche de celui de Clarisse Whitman et Bridget Reece, probablement aussi de Lucy Farnsworth… Et si elle se faisait à son tour passer pour une jolie jeune fille de bonne famille, un peu rebelle, un peu bohème, et pas le moins du monde farouche – qui serait toute disposée à poser nue, et donc prête à tomber dans les filets de Jonathan Colbert et Andy McKenzie ? Gordon Gore relève avant toute chose que cela lui paraît bien périlleux ; Zeng Ju, pour sa part, suppose que cela pourrait marcher, mais le danger est effectivement conséquent, la jeune actrice a besoin de « protection »… Eunice dégaine son Derringer, un sourire éclatant aux lèvres : « Je sais me défendre ! Contre une personne, en tout cas... » Le domestique lui fait entendre que « ces gens-là sont probablement habitués à ce qu’on leur brandisse une arme autrement impressionnante sous le nez. Il nous faudra assurer votre sécurité. » Gordon Gore, qui revient à la question du 412 Eddy Street, concède que les options du charme et de l’intimidation sont également envisageables – dans ce cas, mieux vaudrait sans doute commencer par le charme…

 

[VII-6 : Veronica Sutton, Trevor Pierce, Bobby Traven, Zeng Ju, Eunice Bessler, Gordon Gore : Charles Smith, Jonathan Colbert, Andy McKenzie, Arnold Farnsworth] En tout cas, l’emploi du temps de Veronica Sutton (qui s’impatiente un brin) est tout trouvé : elle va se rendre à Berkeley pour y discuter avec son ami Charles Smith, l’anthropologue. Trevor Pierce propose de l’accompagner – ainsi que Bobby Traven, même si la psychiatre semble douter que ce soit une bonne idée… Zeng Ju est de toute façon un peu sceptique concernant cette virée universitaire : ils ont des pistes directes conduisant à Jonathan Colbert et Andy McKenzie, qui sont autrement prioritaires ! Et il faut assurer la sécurité de Mlle Eunice : le domestique craint que, Gordon Gore et lui, ça ne soit pas suffisant ; mieux vaudrait pour Bobby rester avec eux, plutôt que de perdre son temps dans cet « autre monde », auquel il ne comprend rien, qu’est le campus de l’Université de Californie ! Eunice concède qu’elle se sentirait plus en sécurité si le détective privé surveillait ses arrières. Bobby l’admet – mais il lui faut récupérer une arme, dans ce cas ; il a ses contacts… De toute façon, ainsi qu’elle le précise, si Eunice doit jouer la comédie, elle ne le fera pas dans la matinée (elle doit déjà passer chez elle pour trouver les tenues les plus appropriées) : Bobby peut accompagner Veronica et Trevor à Berkeley le matin, et rentrer à temps pour assurer la protection de la starlette. Zeng Ju, quant à lui, va également récupérer une arme auprès de ses contacts à Chinatown. Ils se retrouveront en milieu de journée au Manoir Gore, et décideront d’un plan d’action plus précis à ce moment-là. Quant à Gordon Gore, il va tâcher de contacter Arnold Farnsworth.

 

VIII : JEUDI 5 SEPTEMBRE 1929, 11H – UNIVERSITÉ DE CALIFORNIE, BERKELEY

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

[VIII-1 : Veronica Sutton, Trevor Pierce, Bobby Traven : Charles Smith] Veronica Sutton, Trevor Pierce et un Bobby Traven un peu fébrile (ce qui ne rassure pas exactement les deux autres) se rendent donc à l’Université de Californie, à Berkeley, de l’autre côté de la baie de San Francisco, ce qui implique à nouveau de prendre le ferry ; toutefois, le voyage est plus court que celui de la veille au Napa State Hospital, qui prenait bien trois heures – cette fois, une grosse heure suffit. Arrivés sur le campus, ils se rendent au bureau de Charles Smith, de la faculté d’anthropologie – un vieil ami de Veronica, qui les reçoit très cordialement. Ainsi qu’elle en avait prévenu Trevor et Bobby, la psychiatre entend présenter sa requête sous un jour strictement professionnel, et elle aborde donc la conversation avec ce biais. Qui prend plus ou moins… mais à vrai dire Smith n’y attache pas grande importance, et parle de toute façon ouvertement.

 

[VIII-2 : Veronica Sutton : Charles Smith ; Hadley Barrow, Ishi, Alfed Louis Kroeber, Pedro Maldonado] Veronica Sutton parle néanmoins d’un de ses patients dont le tableau clinique la rend perplexe, et qui l’amène à se poser des questions sur le folklore des Indiens dans la région de la Bay Area. C’est un domaine que Smith connaît bien, certes – mais Veronica pourrait-elle se montrer plus précise ? Il a du mal à faire le lien avec un cas psychiatrique… Veronica lui demande s’il a déjà entendu parler de la Noire Démence, mais ce n’est pas le cas : « Démence ? C’est effectivement davantage votre partie… Il y aurait donc un rapport avec les populations indiennes locales? » Aucune certitude, mais elle a quelques hypothèses à explorer à ce propos. Elle fait un bref récapitulatif de ce qu’elle sait sur la Noire Démence, et explique que le Dr Hadley Barrow, du Napa State Hospital, lui avait montré la retranscription d’un entretien où une victime de cette affection parlait d’un certain « chaman du grizzli » ; et il semblerait que des références similaires aient surgi dans d’autres cas. Cela lui dit-il quelque chose ? Cette fois, oui, tout à fait. « D’ailleurs, les symptômes que vous avez décrit me rappellent quelque chose, maintenant – c’est seulement que je n’avais pas fait l’association avec cette qualification de Noire Démence. Et c’est bien en rapport avec les chamans du grizzli. » Toutefois, pour aborder utilement cette question, il faut sans doute disposer de quelques bases concernant la présence indienne dans la région de San Francisco et plus largement de la baie. Smith ne sait pas quelles sont les connaissances de Veronica en la matière – ainsi qu’il l’exprime très courtoisement. La psychiatre admet n’avoir que quelques connaissances superficielles en l’espèce – elle a bien quelques notions d’anthropologie, mais probablement à une échelle davantage globale, comparatiste… Charles Smith, professeur jusqu’au bout des ongles, est au fond ravi de livrer à son amie un petit cours sur les tribus costanoanes…

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

Quand les Espagnols sont arrivés dans la région, ils ont qualifié l'ensemble des Indiens qui s'y trouvaient de Costanos ou Costanoans (« ceux de la côte »). En réalité, il fallait distinguer deux tribus, les Miwoks au nord de la baie, les Ohlones au sud et à l'emplacement actuel de San Francisco.

 

Leur style de vie était proche, mais il y avait pourtant des différences significatives – et notamment concernant leurs langues respectives. Toutefois, ils restaient ensemble enracinés dans l'âge de pierre, sans avoir vraiment développé d'agriculture ou d'artisanat. Ils menaient une vie semi-nomade, sur la base de petits groupes constitués en clans, et de taille très variable (aussi bien trente individus, ou cinq seulement) ; chaque groupe était placé sous l'autorité d'un chef (en fait chargé des seules questions de « frontières » entre bandes, au sein du groupe il n'avait guère de pouvoir) et d'un chaman. Il s'agissait de peuples très paisibles et pacifiques ; les différends internes comme externes étaient réglés le plus souvent par des « duels d'insultes », et si le combat devenait nécessaire, c'était de sorte à ce qu'il s'interrompe après quelques blessures superficielles. Un sujet qui me passionne, à vrai dire ! Et je ne vous apprends rien, Mme Sutton : entre la réalité des faits et le portrait encore très prégnant de l’Indien forcément sauvage et assoiffé de sang, la distance est souvent considérable...

 

En matière religieuse, les différences étaient davantage marquées. Les Miwoks adoraient surtout Wuyoki (« Vieil Homme Coyote »), dieu des morts. Les Miwoks décédés étaient censés voyager vers l'ouest après s'être élancés d'une falaise dans les eaux de la baie. Les âmes jugées fidèles par Wuyoki demeuraient alors avec lui dans la félicité et pour l'éternité, dans une sorte de paradis du nom d'Ute-Yomigo. Offrandes et rituels étaient pratiqués pour favoriser ce passage dans les meilleures conditions.

 

Les Ohlones aimaient « Vieil Homme Coyote » et d'autres dieux miwoks, mais leur culte était davantage animiste, portant sur les esprits de la nature. Les chamans communiquaient avec ces esprits, et les Ohlones accordaient une grande importance aux rêves et aux présages.

 

Ça, c’était avant la venue des Blancs. Mais, avec l'arrivée des Espagnols dans la région, surtout à partir de la fin du XVIIIe siècle, les populations costanoanes ont très vite diminué – du fait de la violence des conquérants, mais aussi des épidémies qu'ils avaient amenées avec eux. Les survivants ont été « assimilés » (réduits en esclavage pour bon nombre d'entre eux). Quand la Californie est devenue américaine, au milieu du XIXe siècle, on a officiellement jugé qu'il n'y avait plus assez d'Indiens dans la région pour les reconnaître en tant que groupe. Le dernier Indien « sauvage » est capturé en 1911 – comme vous le savez sans doute, il s'agit d'Ishi, avec lequel a beaucoup travaillé mon éminent collègue, le Pr Kroeber.

 

Voici pour l’essentiel – ou le plus notoire. Mais ces préalables étaient indispensables pour appréhender les sujets que je vais aborder maintenant, et qui concernent davantage votre requête, Veronica. En effet, quelques rares mentions dans de très vieux documents, eux-mêmes fort rares, évoquent une troisième tribu qui aurait vécu dans la région avant l'arrivée des Espagnols, sans plus guère laisser de traces ensuite : il s'agit des Rumsens, tribu au sein de laquelle les chamans, dits « chamans du grizzli », exerçaient un pouvoir particulier ; au point, en fait, où l’expression désignait la tribu entière !

 

Miwoks et Ohlones, tout paisibles qu'ils aient été, détestaient les Rumsens, en qui ils voyaient de cruels sorciers offrant à de sombres divinités des sacrifices humains... tandis que ces créatures maléfiques se disposaient parfois sur le chemin des morts désireux de rejoindre Ute-Yomigo pour les distraire de cette route et s'en repaître. C'en est arrivé au point où Miwoks et Ohlones se sont alliés pour livrer combat contre les Rumsens – à l'échelle de la région, proprement une guerre d'extermination, et abondant en cruelles exactions de part et d'autre.

 

Quand les Espagnols sont arrivés, il n'y avait plus trace des Rumsens, et rares étaient ceux, parmi les Miwoks et les Ohlones, qui se montraient désireux de leur en parler ; ceux-là ne s'étendaient par ailleurs pas sur les raisons de cette guerre d’annihilation : les Rumsens étaient mauvais et devaient être détruits, point.

 

Les sources concernant les Rumsens, et plus encore les chamans du grizzli, sont donc très limitées, évoquant tout au plus une magie noire qu’on peut, à gros traits, rapprocher à certains égards du vaudou (comme l'utilisation de poupées à l'effigie d'individus à posséder ou affliger), ou provoquant des tempêtes sur la côte ou la baie... Le peu que les Espagnols du temps ont pu consigner se trouve dans un livre datant de 1781, dont le titre, en anglais, donnerait quelque chose comme Mythes des chamans du grizzli rumsens ; son auteur était un moine franciscain, un certain Pedro Maldonado. Très peu d'exemplaires en ont été conservés, mettre la main dessus est une tâche compliquée – il n’y en a même pas d’exemplaire dans la bibliothèque de l’Université, c’est dire ! Mais cet ouvrage contient semble-t-il des informations très intéressantes.

 

En fait, j’y ai eu un accès… de seconde main, disons. Et il y a quelque temps de cela. Mais j’en ai conservé quelques souvenirs ! Et c’est là que nous rejoignons peut-être votre Noire Démence : en effet, certains Ohlones auraient déclaré que les chamans du grizzli pouvaient maudire des hommes à l’aide d’une « ombre maléfique ». Les Ohlones maudits sombraient dans la folie, parce que cette malédiction envoyait leur esprit dans le royaume des sombres entités vénérées par les Rumsens, tandis que leur corps restait prisonnier, coquille peu ou prou vide, sur Terre. Du coup, la victime était… entre deux mondes. Littéralement. Intéressant, non ? Bien sûr, si l’on accorde quelque crédit à cette vieille légende, c’était avant tout tragique : les êtres maudits, irrémédiablement fous, ne tardaient guère à mourir – et au premier chef ceux qui tentaient de partir : rester dans la région pouvait permettre de survivre plus longtemps, car c’était le seul endroit où l’esprit et le corps demeuraient un tant soit peu… « unifiés », disons.

 

Je n’en sais pas forcément beaucoup plus. Il y a sans doute matière à creuser, mais cela nécessiterait des fouilles autrement ciblées et précises… Et dans des sources difficilement accessibles, comme le compte rendu de Maldonado.

 

Est-ce que ça répond tout de même à votre question, Veronica ?

 

[Note « méta » : le tableau qui est ici dressé de l’histoire indienne dans la Bay Area vient du supplément Les Secrets de San Francisco, tant dans ce scénario que dans les éléments plus généraux du guide. Il ne faut bien sûr pas prendre ce qui est dit ici au pied de la lettre – surtout dans la mesure où la tribu locale des Rumsens, qui existait bel et bien (en fait, il s’agissait d’un sous-groupe au sein des Ohlones), n’avait pas davantage disparu que les autres avant l'arrivée des Blancs ; c'était même la première tribu costanoane rencontrée par les Espagnols ! Aujourd’hui, parmi les rares descendants de ces peuples, le sentiment communautaire a pu prendre un autre aspect qu’en 1929, sans doute, et l’on trouve des individus qui affichent volontiers leur identité ohlone et éventuellement rumsen. D'autant plus, bien sûr, que les Rumsens historiques n’avaient absolument pas cette réputation magique et maléfique… J’avoue que les libertés prises par l’auteur avec l’histoire d’un peuple entier ont un peu interloqué le vilain Social Justice Necromancer en moi – même si pas au point de disqualifier le scénario, que j’aime beaucoup par ailleurs. Je suppose qu’on peut faire avec, sur le monde du traitement pulp des Yézidis ou du vaudou à l’époque même où se situe le scénario...]

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[VIII-3 : Veronica Sutton : Charles Smith ; Pedro Maldonado] Veronica Sutton remercie son collègue : c’est passionnant, et, oui, sans doute exactement ce qu’elle cherchait ! Mais… cette « zone » où le corps et l’esprit demeuraient relativement unifiés, peut-on la localiser ? Les sources telles que Mythes des chamans du grizzli rumsens en disent-elles davantage à ce propos ? Charles Smith prend le temps de réfléchir à la question – de faire le tri dans ses souvenirs. Cela ne donne pas grand-chose : « C’était une colline, de cela je suis certain – très probablement une des collines sur lesquelles a été bâtie San Francisco depuis ; mais cela n’est pas d’un grand secours, avec les quarante et quelques collines que compte l’agglomération… Il y a peut-être des informations plus précises chez Maldonado»

 

[VIII-4 : Trevor Pierce, Veronica Sutton : Charles Smith ; Curtis Ashley] Trevor Pierce, très discret jusqu’alors, décide de prendre la parole. Il évoque plus frontalement la Noire Démence au Pr Smith, là où Veronica Sutton s’était montrée davantage évasive. L’épidémie est un fait constaté, et elle frappe régulièrement – il évoque l’étude statistique de Curtis Ashley. L’anthropologue est un peu déconcerté – voire mal à l’aise… Tout ceci, c’est du folklore. Ces histoires de chamans aux pouvoirs étranges, qui provoquent des tempêtes, qui font appel à des entités d’un autre monde… Ce sont des histoires tout à fait intéressantes, il ne dit certainement pas le contraire – tout particulièrement ce qui concerne ces individus maudits dont l’esprit et le corps sont irrémédiablement séparés ! Mais cela reste des légendes… Trevor ne s’avoue pas vaincu : les Miwoks, les Ohlones, avaient-ils des moyens de mettre un terme à cette malédiction ? « Eh bien, ils ont fait un choix assez radical, oui, en exterminant les Rumsens... » Smith le répète : il n’en sait pas davantage, au débotté – il faudrait faire des recherches plus spécifiques. Mais, en tout cas, il n’a pas souvenir d’avoir jamais lu quelque chose à propos d’un « remède » à la malédiction des chamans du grizzli ; au mieux, les victimes semblaient devoir… « s’en accommoder », en ne quittant pas la zone où ils étaient relativement « entiers », et pourtant toujours « partagés ». Trevor a l’air déçu, et ça n’échappe pas au Pr Smith : « Des légendes… Nous parlons de très vieilles histoires, cela fait plus de deux siècles que les Rumsens ont été éradiqués de la surface de la Terre… Nous n’avons que quelques vieilles sources, et sans doute pas des plus fiables de toute façon. »

 

[VIII-5 : Veronica Sutton : Charles Smith ; Ishi, Pedro Maldonado] Veronica Sutton reprend la parole : outre ces sources livresques, est-il inconcevable que des descendants des Ohlones ou des Miwoks, aujourd’hui même, puissent les renseigner à ce sujet – de par leur tradition orale, disons ? Le professeur d’anthropologie en doute – en fait, il est même convaincu que c’est impossible. Ils ont été assimilés depuis si longtemps… Le cas d’Ishi était vraiment à part. S’il se trouve encore aujourd’hui des descendants des Ohlones ou des Miwoks, sans doute ne se considèrent-ils plus  que comme des Américains et des San-franciscains ; leur passé… Surtout un passé aussi trouble ! Eh bien, il est très improbable qu’ils puissent encore en dire quoi que ce soit, quand bien même ils le voudraient. En fait, Maldonado lui-même en faisait la remarque : les Miwoks et les Ohlones qu’il avait pu rencontrer à cette époque où ils étaient encore nombreux dans la région rechignaient à parler des Rumsens ; si c’était déjà le cas en 1781, alors, en 1929, après un siècle et demi d’assimilation forcée sinon d’extermination…

 

[VIII-6 : Veronica Sutton, Trevor Pierce : Charles Smith] Veronica Sutton revient cependant aux découvertes de Trevor Pierce – en assurant Charles Smith qu’elle comprend très bien sa réticence à envisager la question sous cet angle parfaitement absurde. Les dates de « pics » de l’épidémie ne lui évoquent rien, en rapport avec les mythes des Indiens costanoans ? « Eh bien, par définition, ces dates sont largement postérieures à l’annihilation des Rumsens, et même, à vrai dire, à l’assimilation des Miwoks et des Ohlones ; dès lors, elles ne peuvent rien signifier pour moi... » Il prend cependant le temps de les examiner. « Un instant, il y a peut-être quelque chose... » Il se creuse visiblement la tête. Puis : « Les intervalles… Oui, ils ont visiblement un caractère assez cyclique… Oui, ce genre de cycles semblent pouvoir, à vol d’oiseau du moins, être associés avec les pratiques cultuelles des chamans du grizzli… Vous voyez, ça fait, disons, dans les huit années, en moyenne – rien de très précis. Je crois que certaines sources évoquaient des moments, périodiques, des « saisons » mais au-delà de l’échelle d’une année, où les rites étaient censément plus efficaces. Notamment ceux… Comment les appelaient-ils, déjà… Il y avait… Il y avait « l’Esprit de la colline », mais surtout ceux qui permettaient de l’aborder, de se rendre dans le mondes des esprits, ou des entitésAh, oui ! Les « Fantômes qui marchent » ! C’était ainsi qu’ils les désignaient, il me semble. Quant à dire ce que ça signifie au juste… Entendons-nous bien : j’extrapole à partir de vos données contemporaines… Mais, si vous y tenez, cela pourrait, très éventuellement, correspondre aux cycles des chamans du grizzli, oui... Que ce soit significatif ou pas. »

 

[VIII-7 : Trevor Pierce : Charles Smith ; Curtis Ashley] Trevor Pierce note tout ceci précieusement, puis revient à l’étude statistique : le Pr Smith aurait-il entendu parler de l’auteur, ce Curtis Ashley ? Il avait l’air très bien renseigné, peut-être aurait-il pu le contacter, ou un autre anthropologue de Berkeley… Cela ne dit absolument rien au professeur, non.

 

[VIII-8 : Veronica Sutton, Trevor Pierce : Charles Smith ; Zebulon Pharr, Alfred Louis Kroeber, Harold Colbert] Veronica Sutton reprend la parole : toujours eu égard à ces recherches, la psychiatre s’était dit qu’il y aurait peut-être des choses à trouver dans la Collection Zebulon Pharr. Qu’en pense le Pr Smith ? C’est très possible, oui – mais, s’il connaît la Collection de nom, il n’y a hélas jamais eu accès. Zebulon Pharr avait certes longtemps étudié les Indiens de la région, avant que ses recherches ne prennent un tour plus… moins… Bref. Mais oui : s’il était un endroit, par exemple, où l’on pourrait trouver un exemplaire de Mythes des chamans du grizzli rumsens, par exemple, ce serait sans doute là-bas. « Et bien d’autres choses ! Cette Collection, c’est un peu un fantasme d’anthropologue... » Veronica lui demande s’il sait pourquoi elle est si difficile d’accès. « C’était une volonté de Zebulon Pharr lui-même. Quant à dire ce qui la motivait… Je crois que c’était le type de bonhomme qui, à force d’avoir fricoté avec l’occulte dans ses recherches scientifiques, s’est convaincu que ces lectures pouvaient comprendre une certaine vérité, une vérité dangereuse entre de mauvaises mains… Une vérité qui pourrait s’avérer nuisible aux curieux, ou aux autres... De l’hermétisme, oui – au mieux une conception élitiste du savoir qui n’est certainement pas la mienne, et pas davantage celle de cette Université, plus généralement. C’est sans doute très regrettable… Des "livres dangereux", prétendent ceux qui croient à ces fadaises… Quelle ineptie. Zebulon Pharr a été un grand scientifique, c’est indéniable ; mais, à la fin de sa vie, il avait sans l’ombre d’un doute sombré dans la folie. C’est bien triste. » Un cas éloquent de paranoïa, admet la psychiatre. Mais, pour revenir à la Collection : le professeur saurait-il auprès de qui elle pourrait obtenir une recommandation pour y avoir accès ? Il n’en est pas bien sûr – s’il avait une quelconque certitude en l’espèce, il n’aurait pas manqué d’en faire usage lui-même, à vrai dire. Certaines sommités pourraient en avoir les clefs – des gens qui s’intéressent à ces matières, mais attention, de manière très sérieuse : « Pas question d’en donner l’accès à des charlatans du type de la Théosophie, ou que sais-je… L’idée était bien d’en réserver l’usage à ceux qui le méritaient. » Il faut chercher auprès de grands spécialistes – probablement davantage en matière de savoir ésotérique qu’en anthropologie, hélas. Trevor Pierce lui demande s’il pourrait leur conseiller un tel « spécialiste » de ce type. « C’est le souci. Mr Kroeber est assurément un grand anthropologue, mais l’occultisme ne l’intéresse pas le moins du monde – je ne pense pas qu’il fasse l’affaire. D’autres davantage, peut-être… [Très bonne réussite au jet de Chance de Veronica] Le Pr Harold Colbert ? Il a travaillé sur ce genre de choses – il a écrit un livre qui fait autorité, Symbole des Anciens, ou quelque chose comme ça ; et c’est à coup sûr un expert en matière de symbolisme médiéval – un domaine qui fricote plus qu’à son tour avec l’ésotérisme ; c’est notoire, d’ailleurs, la direction catholique du Jesuit College où il enseigne a émis des réserves à ce sujet – si les Jésuites ne s’en séparent pas, c’est parce qu’il est un intellectuel assurément brillant ; mais un peu hétérodoxe, oui… Je ne le connais pas personnellement, ceci dit. » Veronica et Trevor échangent un regard lourd de sous-entendus… Ils ne s’attardent guère plus, et quittent Berkeley après avoir abondamment remercié le Pr Smith.

 

IX : JEUDI 5 SEPTEMBRE 1929, 12H – MANOIR GORE, 109 CLAY STREET, NOB HILL, SAN FRANCISCO

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[IX-1 : Gordon Gore, Eunice Bessler : Arnold Farnsworth] Gordon Gore, resté à son manoir, où Eunice Bessler répète avec sérieux et talent le rôle qu’elle devra jouer dans la soirée, obtient sans grandes difficultés le numéro de téléphone personnel d’Arnold Farnsworth, qu’il appelle en milieu de journée.

 

[IX-2 : Gordon Gore : Arnold Farnsworth ; Lucy Farnsworth] Gordon Gore demande à Arnold Farnsworth des nouvelles de sa fille Lucy ; dans un soupir, le magnat du fret admet qu’elle est très malade, elle a été envoyée dans une institution psychiatrique, et le diagnostic n’est… pas favorable. Farnsworth avait cru comprendre que Gordon Gore était pour quelque chose dans la découverte de sa fille, et l’en remercie – quand bien même le dilettante redoute d’être arrivé trop tard. Il explique les circonstances – son enquête sur la disparition d’une autre jeune fille issue d’une bonne famille de San Francisco ; c’est ainsi qu’ils sont tombés par hasard sur Lucy – et, peu de temps après, ils ont découvert une troisième jeune fille de bonne famille passée par le même parcours : cela n’a rien d’une coïncidence… Peut-être la maladie même y est-elle liée ? Gordon et ses associés, quoi qu’il en soit, n’ont pas encore pu mettre la main sur la demoiselle qu’ils cherchaient – et ils s’inquiètent de plus en plus de ce qui a bien pu lui arriver.

 

[IX-3 : Gordon Gore : Arnold Farnsworth ; Lucy Farnsworth] Aussi les circonstances de la disparition de Lucy Farnsworth pourraient-elles s’avérer éclairantes et même décisives au regard de l’enquête de Gordon Gore, si Arnold Farnsworth veut bien en parler… Le magnat du fret hésite tout d’abord, puis décide de répondre aux questions du dilettante – il se sent redevable à son égard. Il ne s’est rendu compte de la disparition de sa fille qu’un peu trop tard, il l’admet – ou, plus exactement, il a laissé passer quelques jours avant de réagir. Il a alors contacté la police, mais cela n’a rien donné, ou presque : tout juste s’il a appris que sa fille aurait été entraînée dans le Tenderloin par « un artiste » ; Gordon avance qu’il s’agissait d’un peintre, plus précisément, et Farnsworth acquiesce – reste qu’il n’en sait pas davantage, et on ne lui a pas donné de nom. Le dilettante lui explique que cet homme a été mouillé dans la disparition de chacune des trois jeunes filles, c’est lui qu’ils recherchent. Gordon Gore, en assurant Mr Farsnworth de sa discrétion, ainsi qu’il l’a fait pour les deux autres pères délaissés, demande si on a essayé de le faire chanter. Le magnat du fret le confirme – une lettre reçue quelques jours après la disparition de Lucy, alors qu’il avait déjà confié l’affaire à la police ; oui, la lettre était accompagnée de photographies… La police n’a rien fait à cet égard ; mais, maintenant, sa fille est entre la vie et la mort, c’est bien plus important que quelques portraits salaces… Gordon ne l’en assure pas moins que, s’il met la main sur les photos et les négatifs, il les lui donnera, afin d’éviter que la réputation de Lucy n’en soit écornée. Farnsworth l’en remercie, alors que le dilettante précise aussi qu'il va chercher s’il y a… un « antidote » à la maladie de sa fille. Le magnat du fret n’a pourtant plus aucun espoir…

 

X : JEUDI 5 SEPTEMBRE 1929, 16H – 412 EDDY STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO

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[X-1 : Gordon Gore, Eunice Bessler Zeng Ju : Jonathan Colbert] En milieu d’après-midi, Gordon Gore et Eunice Bessler (pleinement dans son rôle) accompagnent Zeng Ju au 412 Eddy Street, l’ancienne adresse de Jonathan Colbert, où un molosse faisant office de concierge l’avait refoulé. Le domestique chinois conduit. Ils décident ensemble de laisser faire Eunice seule, dans un premier temps – bien entendu, mieux vaut pour Zeng Ju ne pas se montrer… Gordon et lui débarqueront si la comédienne se met à hurler !

 

[X-2 : Eunice Bessler : Zeng Ju, Jonathan Colbert, Robert Larks, Jason Middleton] Eunice Bessler pénètre dans l’immeuble ; la brute est à sa place, et l’actrice est un peu intimidée par sa carrure, mais prend sur elle ; le gardien, de son côté, est subjugué par la beauté de la jeune femme [réussite exceptionnelle de Eunice au jet d’Apparence], et son comportement en est largement affecté – beaucoup moins agressif qu’envers Zeng Ju… Quand il demande à Eunice s’il peut l’aider, celle-ci lui explique qu’elle cherche Jonathan Colbert – il lui avait donné cette adresse… Mais le gardien dit ne jamais avoir entendu ce nom. Il travaille ici depuis longtemps ? Quelques années, oui… Eunice joue la naïve : c’est curieux, elle avait vu le peintre il n’y a pas si longtemps que cela… Quelques mois tout au plus… « C’était pour poser nue pour lui – des choses artistiques ; oh, mais, je ne devrais peut-être pas vous le dire... » La brute rougit. Peut-être la jeune femme a-t-elle le numéro de l’appartement ? C’est le cas : le 3. Le molosse se creuse la tête : « Ouaip. Y avait un artiste, là, mais son nom c’était pas Colbert. Y s’était installé avec un aut’ type, p’t-êt’ des pédés, je sais pas… Euh… Alors les noms, c’était… Euh… Oui, voilà : Robert Larks et Jason Middleton» Des noms qui ne disent rien à Eunice… « De toute façon, sont plus là. L’appartement a été repris par un type, j’peux vous jurer qu’c’est pas un peintre, euh euh. » Mais peut-être saurait-il où ont déménagé ces deux messieurs ? Ouais, ils avaient laissé une adresse pour faire suivre… La brute semble sur le point de demander à Eunice de payer pour l’information, puis jette un œil sur sa poitrine, et baisse les yeux en rougissant à nouveau… Il retourne dans sa loge, fouine dans des papiers épars, et en ressort avec une nouvelle adresse : appartement 5, 206 Hyde Street (c’est toujours dans le Tenderloin). Eunice le remercie avec un sourire horriblement charmeur, et, pour la forme, une petite pièce que le molosse chérira jusqu’à la fin de ses jours…

 

[X-3 : Eunice Bessler, Gordon Gore, Zeng Ju] Eunice Bessler fait un détour avant de rejoindre Gordon Gore et Zeng Ju. Son amant était visiblement anxieux, et le domestique redoutait que le gardien ne se montre violent, mais rien de la sorte ! Un véritable agneau ! Et elle a obtenu une nouvelle adresse, ainsi que deux noms suspects… Ils s’y rendent aussitôt. Blagueur, entre deux félicitations pour l’art et le charme de sa compagne, Gordon dit : « Espérons que le gardien ne sera pas une femme... » Eunice lui répond : « Dans ce cas, mon cher Gordon, ce sera à vous de faire la démonstration de vos talents ! » Zeng Ju conduit jusqu’à la nouvelle adresse, non loin de toute façon.

 

XI : JEUDI 5 SEPTEMBRE 1929, 16H – JESUIT COLLEGE, FULTON STREET & PARKER AVENUE, RICHMOND DISTRICT, SAN FRANCISCO

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[XI-1 : Veronica Sutton, Trevor Pierce : Charles Smith, Harold Colbert, Zebulon Pharr, Judith Colbert, Jonathan Colbert] De leur côté, Veronica Sutton et Trevor Pierce, suite à la suggestion de Charles Smith, souhaitent rencontrer à nouveau le Pr Harold Colbert, afin le cas échéant qu’il leur accorde sa recommandation pour accéder à la Collection Zebulon Pharr. À cette heure de la journée, et en prenant en compte la réaction de Judith Colbert quand ils s’étaient rendus à leur appartement de Nob Hill, ils choisissent plutôt de rendre visite à l’universitaire au Jesuit College, dans Richmond District, où il enseigne la théologie. Veronica se souvient de l’impression que lui avait fait le Pr Colbert lors de leur précédent entretien : les relations avec son fils Jonathan étaient assurément houleuses, mais il demeurait un père aimant ; que les investigateurs enquêtent sur le jeune homme attisait sa méfiance, et, à l’évidence, il ne fera rien qui pourrait avoir des conséquences judiciaires pour son héritier – attention, donc, le terrain est glissant. Mais la psychiatre se souvient aussi que le théologien lui avait accordé une attention toute particulière, comme s’il la « testait », d’une certaine manière...

 

[XI-2 : Veronica Sutton, Trevor Pierce : Harold Colbert ; Jonathan Colbert] Veronica Sutton et Trevor Pierce patientent quelque temps, que le Pr Colbert achève son cours, après quoi il accepte de les recevoir dans son bureau – une pièce assez grande, meublée avec goût et méticuleusement rangée ; le professeur garde sa collection d’ouvrages anciens pour son domicile personnel, mais les livres abondent ici également, qui sont davantage des outils de travail très régulièrement consultés. Le professeur a toujours l’air un peu méfiant, et l’atmosphère est pesante, mais il prend enfin la parole : du nouveau ? Ont-ils appris quelque chose concernant Jonathan ? Pas exactement, confesse Veronica ; c’est que leurs recherches ont pris un tour assez inattendu, et ils auraient besoin de l’aide du professeur… Elle parle des compagnes de Jonathan Colbert, et de ce qu’ils ont appris depuis : la Noire Démence qui affecte au moins l'une d’entre elles, surtout. Et cela pourrait avoir un lien avec ses recherches d’ordre occulte. Harold Colbert est un peu perplexe : « Mes recherches ? Comme vous présentiez les choses, je pensais plutôt à une maladie… vénérienne, autant le dire. Quel rapport avec mes recherches ? Et avec mon fils… Je ne vois pas du tout où vous voulez en venir. »

 

[XI-3 : Veronica Sutton, Trevor Pierce : Harold Colbert ; Charles Smith, Zebulon Pharr, Jonathan Colbert] Veronica Sutton perçoit bien qu’il lui faut jouer davantage franc jeu. Dans la foulée de Trevor Pierce, un brin maladroit, elle évoque alors leur entretien avec le Pr Charles Smith, à Berkeley, qui a cité le nom du Pr Colbert comme faisant partie des sommités locales pouvant avoir accès à la Collection Zebulon Pharr – ils auraient grand besoin d’y consulter certains documents ; et c’est bel et bien en rapport avec la Noire Démence, et éventuellement avec Jonathan Colbert – ils n’ont aucune envie de nuire à ce dernier, mais il y a là un phénomène d’une extrême gravité, requérant une approche pluridisciplinaire, mêlant médecine, anthropologie et éventuellement occultisme. Harold Colbert admet avoir accès à la Collection, et pouvoir les recommander pour y avoir accès à leur tour ; mais il ne comprend pas bien pourquoi il devrait le faire… « Mme Sutton, je n’apprécierais vraiment pas d’être… "utilisé" en pareille affaire. Comme vous le savez, l’accès à la Collection Zebulon Pharr est limité, et il y a de très bonnes raisons à cela. Si vous ne me donnez pas une justification impérative, je ne vais pas vous recommander. D’autant que je ne comprends toujours pas ce que tout ceci pourrait bien avoir à faire avec mon fils. » Veronica ne peut s’empêcher de remarquer que son interlocuteur est bien moins souriant que la fois précédente – il est mortellement sérieux. La psychiatre, secondée par le journaliste, avance que Jonathan Colbert pourrait être lui-même en danger, comme porteur de la maladie. « Mais quel rapport avec la Collection Zebulon Pharr ? »

 

[XI-4 : Veronica Sutton, Trevor Pierce : Harold Colbert ; Harold Hadley Copeland] Tandis que Veronica Sutton patine un peu dans son argumentaire, les yeux du timide journaliste Trevor Pierce se promènent sur les divers ouvrages figurant dans la bibliothèque du Pr Harold Colbert ou sur son bureau. Nombre de ces livres sont très pointus, et le dépassent complètement. Un attire plus particulièrement son attention, en raison du nom de son auteur – à savoir le Pr Colbert lui-même : il s’agit de Symbole des Anciens, dont la couverture arbore un pentagramme. Il remarque un autre livre – ou plutôt une brève brochure, sans doute tirée à fort peu d’exemplaires, et sur laquelle le Pr Colbert travaille probablement ces derniers temps ; le titre en est Les Tablettes de Zanthu, et il est visiblement dédicacé à même la couverture par son auteur, du nom de Harold Hadley Copeland.

 

[XI-5 : Veronica Sutton : Harold Colbert ; Jonathan Colbert, Charles Smith, Zebulon Pharr, Pedro Maldonado] Veronica Sutton poursuit : cette maladie semble être en rapport avec la mythologie des chamans du grizzli rumsens. Cette fois, elle constate qu’elle a attiré l'attention du Pr Colbert, et qu’il la prend soudain beaucoup plus au sérieux – mais elle perçoit aussi, chose très diffuse mais que son bagage de psychiatre lui permet de comprendre, que son interlocuteur… a peur. Il l’invite cependant à continuer, et elle brode sur les similitudes entre la malédiction des Rumsens condamnant leurs victimes à errer entre deux mondes, et la Noire Démence. Colbert émet un profond soupir : « Les chamans du grizzli rumsens… La dernière fois que j’ai vu Jonathan, il m’avait fait part de son intérêt pour les peuplades indiennes de la région ; c’était assez inattendu, parce qu’il ne s’était jamais intéressé à ces questions auparavant. Et… Les chamans du grizzli… Vous avez entendu parler du livre Mythes des chamans du grizzli rumsens » Veronica explique que le Pr Smith l’avait mentionné. « Un livre très rare… J’en avais un exemplaire, pourtant. Qui a disparu de ma bibliothèque à l’époque de cette dernière visite de mon fils. Je suis à peu près persuadé qu’il l’a emporté, si je n’en avais pas fait grand cas jusqu’alors… Je sais aussi qu’il s’en trouve un autre exemplaire dans la Collection Zebulon Pharr, oui. » Profond soupir. Puis : « Que savez-vous au juste de ce livre, ou plutôt de ce genre d’ouvrages ? » La psychiatre dit avoir une idée de leur contenu, du fait de son intérêt pour l’anthropologie, et indirectement pour l’occultisme, et… « Je n’en suis pas si sûr, Mme Sutton. Voyez-vous, en fait "d’occultisme"… Comprenez bien qu’il s’agit de livres parfaitement sérieux – rien à voir avec les inepties des illuminés et des escrocs, théosophes, Rose-Croix, Aube Dorée, que sais-je… Non, nous parlons d’un savoir extrêmement rare et d’autant plus précieux, mais aussi dangereux. C’est à la fois la raison d’être de la Collection Zebulon Pharr, et de son accès restreint. Il y a des livres qui sont dangereux, oui – qu’il faut aborder avec une certaine préparation, pour ne pas en subir les effets les plus pervers. Même un livre en apparence aussi innocent que celui de Pedro Maldonado peut s’avérer dangereux. »

 

[XI-6 : Trevor Pierce : Harold Colbert ; Pedro Maldonado] Trevor Pierce mentionne alors le Symbole des Anciens du Pr Colbert – est-ce un de ces livres « dangereux » ? Traite-t-il spécifiquement des Indiens ? Non – c’est une étude comparatiste, à travers le monde et l’histoire, englobant même la préhistoire : la symbolique du pentagramme, au-delà de la seule littérature judéo-chrétienne, éventuellement dans l’Égypte ancienne ou la Chine antique… et en bien d’autres endroits et bien d’autres époques. Un livre dangereux ? Non – plutôt un moyen de se prémunir contre les risques d’autres ouvrages quant à eux dangereux ; ce qui peut inclure celui de Maldonado, mais d’autres sont bien pires.

[XI-7 : Veronica Sutton : Harold Colbert ; Zebulon Pharr, Jonathan Colbert] Le Pr Colbert se retourne vers Veronica Sutton : « Cessons de tourner autour du pot. Dites-moi précisément, sans ambage, ce que vous comptez faire avec les informations contenues dans la Collection Zebulon Pharr. Cela décidera une bonne fois pour toutes de ma recommandation ou de son absence. » La psychiatre joue le jeu – revenant notamment sur « l’emprunt » par Jonathan Colbert de l’exemplaire de Mythes des chamans du grizzli rumsens appartenant à son père. Harold Colbert pèse tous ces arguments ; il ne cache pas vraiment qu’il a peur de ce que son fils a peut-être fait, ou pourrait s’apprêter à faire… « Je vais vous aider. Mais je veux un engagement de votre part, que vous ne chercherez pas à nuire à Jonathan de quelque façon que ce soit. Prévenir ses éventuelles exactions, très bien – c’est ce qu’il faut faire, je ne vais pas me voiler la face parce qu’il s’agit de mon fils. Mais je ne veux pas entendre parler de prison ou que sais-je ; je veux retrouver mon fils, et faire en sorte, moi-même, qu’il ne s’égare plus. C’est entendu ? » Veronica acquiesce – précisant qu’elle est médecin, pas policière.

 

[XI-8 : Veronica Sutton, Trevor Pierce : Harold Colbert ; Randolph Coutts, Miles Winthrop, Zebulon Pharr] Harold Colbert explique alors qu’il va rédiger une lettre d’introduction à remettre à MM. Coutts ou Winthrop, à leur cabinet d’avocats : « Elle contiendra ma recommandation, et je les presserai de vous ouvrir au plus vite l’accès à la Collection Zebulon Pharr – qui ne se trouve pas à San Francisco, au passage, mais de l’autre côté du Golden Gate, sur les pentes du mont Tamalpais. J’espère que vous en ferez bon usage. Une dernière précision, Mme Sutton : vous êtes de toute évidence une intellectuelle, la curiosité fait partie de vos attributs, et il en va de même, je suppose, pour M. Pierce, journaliste de son état… Mais ces livres sont dangereux. Faites preuve d’une extrême précaution. » Il se tait un instant, puis, dans un soupir : « Je travaille moi-même sur ce genre d’ouvrages depuis fort longtemps ; je pense m’être relativement… blindé contre leurs dangers, sans pour autant prendre à la légère leurs périls ; mais quelqu’un comme vous, qui s’y jetterait tête baissée et sans préparation… Je ne plaisante pas. »

 

[XI-9 : Trevor Pierce, Veronica Sutton : Harold Colbert ; Randolph Coutts, Miles Winthrop, Zebulon Pharr] Mais Trevor Pierce l’interrompt peu ou prou : peut-être pourrait-il les accompagner, alors ? Cela permettrait d’aller plus vite, et de bénéficier de son savoir dans une matière si redoutable… Harold Colbert est surpris, mais pèse le pour et le contre. Enfin : « Vous avez sans doute raison, M. Pierce. Je pourrais vous assister dans cette affaire, et je serais un bien mauvais conseiller si, après vous avoir infligé ce sermon, je vous refusais mon aide. » Le journaliste et la psychiatre le remercient. Il faut tout de même prévenir MM. Coutts et Winthrop, il va leur téléphoner, mais sans doute pourront-ils se rendre à la Collection Zebulon Pharr dès demain dans la matinée. « Retrouvez-moi tous les deux, personne d'autre, à l’Embarcadero, demain matin à 10h. » Veronica Sutton perçoit toujours la peur dans les manières du Pr Colbert, mais aussi la détermination – en tout cas, il est assurément très sérieux. Trevor et elle prennent congé.

 

XII : JEUDI 5 SEPTEMBRE 1929, 17H – 206 HYDE STREET, TENDERLOIN, SAN FRANCISCO

CR L'Appel de Cthulhu : Au-delà des limites (05)

[XII-1 : Gordon Gore, Eunice Bessler, Zeng Ju : Robert Larks, Jason Middleton] Le 206 Hyde Street présente une configuration assez similaire au 412 Eddy Street, mais paye encore moins de mine. C’est pire encore à l’intérieur, où il n’y a cette fois pas de gardien – des individus squattent les couloirs et les escaliers, souvent de la viande soûle, et d’une misère flagrante. Gordon Gore et Eunice Bessler s’interrogent sur la marche à suivre – aller directement à l’appartement 5, questionner d’abord les squatteurs… Mais ils sont interrompus par Zeng Ju qui dit – très fort, il crie presque – ne pas avoir entendu ce dont ils parlaient, en multipliant les excuses. Gordon le lui répète, et suppose qu’ils peuvent mentionner les noms de Robert Larks ou Jason Middleton en rejoignant l’appartement…

 

[XII-2 : Eunice Bessler, Gordon Gore : Robert Larks, Margaret] Eunice Bessler ne tergiverse pas davantage. Elle s’approche d’un homme entre deux âges, effondré contre un mur et visiblement ivre : « Bonjour ! Nous cherchons le peintre, il est bien ici ? » Le type est à moitié endormi. « C’que vous v’lez… V’m’offrez un verre ? » Eunice se tourne vers Gordon Gore, qui tire un billet de son portefeuilles : « Avec ça, vous pourrez vous en payer plein. » Le peintre est-il donc chez lui ? Deux types qui vivent ensemble – l’un d’eux est un peintre. L’appartement 5. Le regard de l’ivrogne s’illumine : « Ah, les pédés ! Nan, nan, z’habitent plus ici… C’est des sales types. M’faisaient chier quand j’étais tout peinard tranquille ici… J’emmerdais personne à ronfler dans mon coin, mais z’aimaient pas ça, eux, y en a même un des deux, le Robert, là, m’donnait des coups d’pied. Z’ont bien fait d’partir, parce que moi j’allais pas m’laisser faire éternellement ! » Sait-il où ils sont partis ? Non, ils se sont fait dégager d’ici, il faudrait demander à Margaret – la propriétaire ; le grand appartement du rez-de-chaussée, à droite. Ils remercient l’ivrogne et s’y rendent de ce pas.

 

[XII-3 : Gordon Gore, Eunice Bessler : Margaret ; Robert Larks, Jason Middleton, Parker Biggs, Bridget Reece, Jonathan Colbert, Andy McKenzie] Ils toquent à la porte, puis entendent une voix de rombière qui braille : « Ouais, ouais, j’arrive ! » La porte s’ouvre sur une bonne femme entre deux âges, plutôt ronde, et passablement alcoolisée elle aussi. Gordon Gore prend l’initiative : ils cherchent deux amis à eux – Eunice Bessler précise : « Robert et Jason. » La propriétaire est de mauvais poil, et peine invraisemblablement à s’allumer une cigarette. « Des amis ?

Plutôt des connaissances. En fait, ils nous doivent de l’argent…

Ah ben moi aussi ils m’en doivent ! Même que c’est pour ça qu’ils ont dégagé… Oh, mais j’sais où y sont allés, hein ! Faut pas croire !

Vous pourriez nous le dire ? On pourrait récupérer votre argent en même temps que le nôtre…

Mais pourquoi j’dirais ça à des "amis" d’ces connards… Vous v’lez m’escroquer vous aussi, c’est ça ? »

Eunice donne un coup de coude à Gordon en chuchotant : « Billet ! » Le dilettante ne fait pas de manières, et sort un billet de 10 $ qu’il tend à la rombière. Elle hésite deux secondes pour la forme, puis s’en empare : « Ouais, j’ai leur adresse. Oh, m’l’avaient pas laissée, hein… Biggs. C’est lui qui m’a dit.

Biggs… Vous voulez dire le patron du Petit Prince ?

Ben ouais, y en a pas d’autres… C’est lui qui m’a renseignée. M’avait rencardée, au cas où… Z’allez y aller pour récupérer mon argent, alors ?

Oui, et le nôtre aussi »

Margaret va fouiner dans ses papiers, dans une grande commode occupant tout un mur de la cuisine, et où ils ne sont pas le moins du monde rangés. Cela demande un peu de temps, mais elle tombe enfin sur l’adresse que lui avait donnée Parker Biggs : appartement 302, 250 Geary Street, toujours dans le Tenderloin. Cela semble correspondre aux souvenirs de Bridget Reece, cette fois ! « Sont là-bas, Larks et Middleton. Et m’doivent de l’argent ! Faut m’rapporter mon argent ! » Eunice lui demande combien ils lui doivent. La propriétaire se fige un moment, puis : « 60 $ !

Disons 70 avec les intérêts.

Ouais, voilà, exactement, j’avais oublié les intérêts... »

Ils laissent là Margaret, et quittent l’immeuble – à ce qu’il semblerait, ils connaissent enfin l’adresse actuelle de Jonathan Colbert et Andy McKenzie...

 

À suivre...

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