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Je suis un chat, de Cobato Tirol

Publié le par Nébal

Je suis un chat, de Cobato Tirol

COBATO Tirol, Je suis un chat, [吾輩は猫である, Wagahai wa neko de aru], d’après le roman de Natsume Sôseki, traduit du japonais par Patrick Honnoré, Arles, Philippe Picquier, [2010] 2016, [208 p.]

 

SÔSEKI : UNE GROSSE LACUNE PERSONNELLE…

 

Natsume Sôseki est une de mes plus flagrantes lacunes en matière de littérature japonaise contemporaine – entendre par là après Meiji (ou plutôt pendant, en l’espèce). Pourtant, cela fait un moment que je compte m’y mettre – et j’en ai deux titres dans ma pile à lire, le très bref Une journée de début d’automne, le plus volumineux Le Pauvre Cœur des hommes. Mais, en fouinant ici ou là, j’en avais forcément remarqué un autre livre, au titre assez aguicheur : Je suis un chat – il s’agit en fait de son premier livre, après une prépublication en feuilleton ; il a rencontré rapidement un grand succès, et demeure un classique souvent cité – ce que j’avais pu constater assez récemment encore, avec Nosaka aime les chats, livre de Nosaka Akiyuki qui m’avait par ailleurs franchement déçu, mais qui fait directement référence à Je suis un chat

 

SÔSEKI ET AKUTAGAWA

 

Quant à Sôseki (visiblement, on peut voire doit employer ce nom de plume éventuellement seul, de préférence au patronyme Natsume ?), son ombre semble planer sur la littérature japonaise d’alors et d’ensuite ; parmi mes lectures récentes, La Vie d’un idiot et autres nouvelles d’Akutagawa Ryûnosuke l’avait rappelé à mon bon souvenir : Sôseki était le maître, Akutagawa le disciple – même s’il a peut-être pu s’en émanciper, soulagé, à la manière des disciples de Bashô veillant le poète à sa mort, tels qu’il les évoque, en pleine connaissance de cause, dans la splendide nouvelle « Lande morte »… Les deux auteurs n’étaient effectivement pas sans lien, au-delà – ne serait-ce que parce qu’ils étaient tous deux professeurs d’anglais autant qu’écrivains, dans un Japon bouleversé par la Restauration de Meiji et l’ouverture sur le monde (Sôseki précède Akutagawa, il est au cœur de Meiji, là où le disciple est davantage associé à l’ère Taishô) ; et au-delà même de cette profession, ils étaient baignés de culture occidentale, notamment littéraire (on a souvent fait la remarque que Sôseki avait beaucoup étudié Laurence Sterne et son extraordinaire La Vie et les opinions de Tristram Shandy, gentilhomme, le plus grand roman du monde et ça n’admet pas la moindre contestation – et la pratique essentielle de la digression dans ce gros volume, avec tout ce qu’elle peut avoir de loufoque, a d’ailleurs probablement influencé la rédaction de Je suis un chat), même si celle-ci entretenait un rapport éventuellement ambigu avec leur goût de la culture classique japonaise, associée à une morale bien définie, laquelle ne pouvait qu’être chamboulée par l’évolution rapide des événements et des mentalités. Par ailleurs, tous deux étaient portés à exprimer leur art, éventuellement, dans un registre autobiographique : c’est flagrant dans nombre des nouvelles de La Vie d’un idiot (les dernières tout particulièrement), mais cela vaut aussi pour Sôseki, dès ce premier livre qu’était Je suis un chat.

 

ÉTRANGE ADAPTATION…

 

Le hasard (ou presque…) m’a cependant fait tomber sur cette adaptation en manga du célèbre roman, toute récente de par chez nous – et j’ai craqué. Je ne sais pas s’il est très pertinent de lire cette BD avant le roman dont elle s’inspire, et j’en doute un peu… Mais trop tard.

 

Étrange ouvrage que celui-ci – publié chez Philippe Picquier (qui a dans son catalogue plusieurs ouvrages de Sôseki, mais pas Je suis un chat, pour le coup), guère habitué à la BD sauf erreur, et, surtout, dû à un mystérieux Cobato Tirol ; un nom qui, a fortiori dans ce rendu latin, ne sonne pas très nippon, mais, en fouinant un peu au pif, j’ai trouvé la graphie Kobato Chiroru, OK – renvoyant éventuellement à un manga dont je ne sais absolument rien, ceci dit… Et l’éditeur joue de ce secret dans cette présentation, laissant entendre que « Cobato Tirol » n’est très certainement pas un débutant, et pourrait être un célèbre mangaka désireux d’œuvrer sous couverture, ou l’assistant d’un célèbre mangaka, ou… Bref : le petit jeu habituel – prétendant même que l’éditeur japonais de la BD n’a aucune idée de l’identité du gazier… Et je suis à l’évidence bien trop ignare en matière de manga pour émettre quelque jugement que ce soit à cet égard.

 

« MOI, JE SUIS UN CHAT, QUI N’A PAS ENCORE DE NOM. JE N’AI AUCUNE IDÉE DE L’ENDROIT OÙ JE SUIS NÉ… JE MIAULAIS DANS LE NOIR… QUAND, POUR LA PREMIÈRE FOIS, JE VIS UN ÊTRE HUMAIN. »

 

Notre narrateur – anonyme, il y insiste – est donc un félin, ce qui peut renvoyer au Chat Murr d’Hoffmann, semble-t-il. Plus précisément, il s’agit d’un chaton… Mais son inexpérience (il n’a jamais attrapé une souris !) ne l’empêche certainement pas d’adopter une approche toute féline du monde et de la vie – hautaine et pleine de morgue… encore que cette dimension ne soit pas forcément trop mise en avant dans la BD, probablement davantage dès le roman (elle s’exprime cependant clairement dans le texte, dès cette phrase-titre, Wagahai wa neko de aru, tranchant sur le simple Neko desu, qui correspondrait bien plus exactement au sobre titre français Je suis un chat).

 

Le chaton trouve cependant à s’installer auprès des hommes, en l’espèce auprès du professeur d’anglais Kushami, jeune homme en dépit de sa moustache foisonnante qui le vieillit, et que les maux d’estomac rendent parfois aigre – par ailleurs désireux d’être artiste, mais d’un talent des plus contestable, quel que soit le domaine où il tente sa chance : c’est un évident décalque de Sôseki lui-même. Le chat apprécie, somme toute, cet environnement – et admire chez le professeur ce trait tout aussi professoral que félin, qui consiste à dormir la moitié du temps…

 

C’est que notre narrateur est un observateur des plus pertinent ! Au fond, ce ne sont guère ses propres aventures qu’il narre ici – même si, dans les premiers chapitres, ses rencontres successives de Kuro, chat noir donc, et qui a du vécu, et de l’on ne peut plus charmante Mikeko, que tout le monde s’accorde à considérer comme la plus jolie chatte du voisinage, sans contredit, ont une certaine importance (le sort de ces premières amitiés est d’ailleurs passablement étonnant…).

 

Mais, pour l’essentiel, le chaton observe des hommes – tout ce microcosme gravitant autour du professeur Kushami. Sa famille, tout d’abord – son épouse, leurs trois filles en bas âge, la domestique. Davantage, cependant, les collègues et amis de Kushami, aux traits d’autant plus marqués qu’ils ont eux aussi quelque chose d’archétypes, sans que cela les prive pour autant d’existence. Ainsi de Meitei, pédant peut-être, facétieux sans doute, qui aime en tout cas à faire tourner en bourrique le naïf Kushami – mais peut s’avérer d’une aide cruciale ; ainsi également de Mizushima Kangetsu, bon étudiant qui peine sur sa thèse, et qui en vient somme toute assez vite à occuper une place centrale dans le récit – si récit il y a vraiment, puisque les digressions, nombreuses, sont autrement essentielles, dans une perspective effectivement assez shandéenne.

 

UNE COMÉDIE DE MŒURS

 

C’est qu’il s’agit de marier le jeune homme ! Mais il vaudrait mieux, pour cela, qu’il ait achevé sa thèse et soit docteur ; s’il ne doit s’agir que d’un intellectuel sans titre, ça ne va pas – et ils courent les rues, de toute façon… Discours que tient à Kushami (et Meitei toujours là quand il le faut) sa voisine l’horripilante Mme Kaneda, désireuse de placer sa fille Tomiko, certes mignonne mais au fond tout aussi désagréable. Mme Kaneda (ou Hanako comme nos intellectuels l’appellent bientôt, sidérés par son nez horriblement proéminent) est la femme d’un industriel, typique des bouleversements de Meiji – elle est d’une classe qui n’a que l’argent en tête, assurant la considération de tout un chacun quand bien même c’est à la hideuse façon de snobs ; un « matérialisme » au sens le plus vulgaire, que l’on a tôt fait de qualifier de symptôme de l’ouverture au monde, et tout particulièrement à l’Occident…

 

La rencontre se passe mal – Kushami et Mme Kaneda sont issus de mondes tellement distincts qu’il leur est impossible de s’accorder. Les rancœurs ne tardent guère, débouchant sur des puérilités variées… Mais si Kushami, Meitei et quelques autres n’ont pour eux que leur satire du nez atroce de la pimbèche, à l’occasion de savoureusement méchants poèmes, elle et son époux ont bien d’autres ressources – ils se livrent rapidement à une conspiration de tous les instants pour nuire au prétentieux professeur ! Ce qui génère nombre de scènes cocasses (j’ai une affection particulière pour les gamins de l’école d’à côté qui « égarent » systématiquement leur balle dans le jardin du professeur, qui n’en peut plus…). Mais aussi des moments plus critiques, où le culte de l’argent est ausculté au regard de ses innombrables failles morales – ainsi avec le fourbe homme d'affaires Suzuki, prétendument un ami de Kushami (eux aussi avaient fait leurs études ensemble), en fait tout disposé à le trahir quand son intérêt « l’exige »… Heureusement, le jeune Tatara, pour être lui aussi un homme d'affaires, est autrement sympathique.

 

LE CHAT DANS TOUT ÇA

 

Tout ceci, notre chaton le voit – et l’étudie, même. Omniprésent, il peut passer de la demeure de Kushami à celle de Kaneda sans qu’on y prête attention, et prête l’oreille à ce qui se dit, démasquant ainsi des complots dont le professeur d’anglais n’a pas la moindre idée… Mais, bien sûr, il ne dispose d’aucun moyen de lui communiquer tout cela – bah, peu importe…

 

À vrai dire, à ce moment-là, notre chat n’est plus depuis un bon moment qu’un témoin – dimension qui m’a un peu déçu, je dois l’avouer… L’intrigue sentimentale, surtout la comédie de mœurs qui la sous-tend, prennent bien davantage d’importance. Toutefois, nous n’avons pas forcément lieu de nous en plaindre : parce que le tableau est pertinent, un microcosme bien rendu et d’une jolie vivacité, suscitant régulièrement des scènes vraiment drôles, où les caricatures et quiproquos, en se mêlant de burlesque, débouchent sur un sentiment d’absurde ma foi pas désagréable…

 

UNE FIN DÉCONCERTANTE…

 

Mais la fin est à cet égard assez déconcertante – qui voit pourtant le chat, de manière ultime, reprendre les commandes du récit.

 

La comédie de mœurs était réjouissante – la critique du « matérialisme » au sens vulgaire tout autant, qui faisait la balance entre conservatisme et progressisme aux divers niveaux où la question peut se poser.

 

Mais, tout à la fin, le ton change passablement – le tableau jusqu’alors léger cède la place à des considérations plus abstraites, pouvant s’accorder à la pompe naturelle du chat, mais qui tombent quand même quelque peu comme un cheveu sur la soupe…

 

Kushami, jusqu’alors systématiquement bourrique, laisse maintenant s’exprimer son aigreur, en dressant par exemple un portrait global des femmes qui aura de quoi faire hurler ces dernières (mais il est emprunté à un auteur anglais du XVIe siècle, paramètre à prendre en compte…), puis en s’étendant sur la futilité de la vie et la bénédiction de la mort – développant sous une forme apologétique le thème classique et nécessaire du suicide, qui, à vrai dire, avait déjà suscité quelques scènes dans les chapitres précédents.

 

Étrange… J’ai cru comprendre qu’à l’époque du feuilleton, Sôseki, qui s’en lassait, avait choisi d’expédier la fin, mais, oui, c’est très déconcertant – avec l’impression qu’il y a un peu plus qu’un simple désir d’en finir… Je dois avouer, sans l’ombre d’un doute, que je préférais nettement la comédie vive et fraîche qui précédait, jusque dans ses implications « romantiques », qui me laissent généralement sur le carreau, pourtant.

 

L’À-PROPOS D’UN DESSIN LIMPIDE

 

Et le dessin de « Cobato Tirol » ? Il est effectivement intéressant – mais très différent de ce que j’ai pu lire en manga ces derniers temps (sauf peut-être, mais l’outrance en moins, ce qui change tout, pour ce qui est de Kago Shintarô ?).

 

Il s’agit en effet d’un style très, très « simple », voire « simpliste », qui se focalise essentiellement sur les personnages, le décor n’étant souvent réduit qu’à quelques traits de situation. Les personnages, par ailleurs (je mets à part les chats, le narrateur on ne peut plus kawaï, la jolie Mikeko, si fémininement chatte et coquette, pour laquelle on ne peut que fondre…), sont eux aussi esquissés en quelques traits à peine, à la limite de la caricature – facilitant souvent l’identification, mais en affichant pourtant tous tel ou tel aspect privilégié qui permet de les singulariser d’emblée : l’abondante moustache « prussienne » de Kushami (personnage essentiellement drôle, et dont les colères sont régulièrement hilarantes), les lunettes de Meitei (facétieux bonhomme que l’on a envie de mépriser mais que l’on ne peut s’empêcher d’adorer), la dent cassée de Mizushima Kangetsu, ou bien sûr le gros nez de Mme Kaneda…

 

Autant de méthodes qui appuient la fraîcheur et la vivacité de l’ensemble – il faut y ajouter l’emploi du texte, dans les phylactères ou presque aussi souvent en dehors, qui participe également de ce rendu « naturel » et enjoué (même si quelques traductions m’ont un peu étonné de par leur familiarité qui me paraît parfois trop « moderne » pour le Japon des dernières années de Meiji, mais je dis peut-être n’importe quoi…).

 

Mais le découpage, qui relève tant du montage que de la mise en scène, est dans tous les cas très habile – ainsi quand c’est, littéralement, le point de vue du chat qui s’impose, mais aussi, plus globalement, pour rendre au plus juste des discussions sur le pouce, avec tout l’élan qui doit les caractériser ; c’est aussi manière, bien sûr, de mettre en avant les digressions…

 

BREF

 

Une lecture très agréable, donc. Je ne saurais dire s’il s’agit d’une bonne adaptation du roman de Sôseki – en matière de fidélité, disons –, mais en l’espèce c’est très bien passé. Il me faudra tout de même lire le roman un de ces jours… et bien d’autres ouvrages de Sôseki, sans doute.

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (31)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (31)

Trente-et-unième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

La joueuse incarnant Romy était absente. Les PJ présents étaient donc Dwayne O’Brady, Michael Bosworth, et, en ce qui me concerne, le garde du corps aux ambitions d’écrivain Anatole « Froggy » Despart.

 

I : FOUINER DANS LES AFFAIRES DES AUTRES

 

[I-1 : Dwayne, Michael, Anatole : Anya ; Romy] Dwayne, Michael et moi venons d’arriver dans un couloir d’hôtel, après avoir emprunté la porte suspendue à la chaîne de gauche au fond de l’abîme. Nous avons vu deux gardes disparaître dans une pièce sur la gauche, par une double porte – ils suivaient une sorte de serveuse aux traits slaves et à la tenue connotée… [Il s’agit d’Anya, mais nous ne le savons pas – seule Romy connaît son nom.] Ils ne nous ont pas prêté la moindre attention – nous supposons que c’est parce qu’ils ne surveillent guère la porte que nous venons d’emprunter : personne ne passe jamais par là…

 

[I-2 : Dwayne, Anatole] Dwayne se dirige prudemment vers la première porte sur notre droite, tandis que je surveille ses arrières en longeant précautionneusement le mur de gauche – celui qui donne sur la double porte, à travers laquelle nous entendons la musique jazz qui avait attiré Dwayne, et les éclats de voix festifs d’un petit nombre de convives. Arrivé près de la première porte sur la droite, Dwayne y colle son oreille, et n’entend absolument rien. Il entrouvre prudemment la porte pour y jeter un œil – personne. C’est un dortoir, pouvant accueillir trois ou quatre personnes, mais seuls deux lits sont faits ; les effets personnels présents dans la pièce permettent de déterminer que ce sont deux femmes, et probablement assez jeunes, qui l’occupent. Dwayne pénètre dans la pièce, et la fouille rapidement ; il trouve des « couteaux de femmes », petites lames rétractibles qui ne l’intéressent guère, lui qui dispose déjà de poignards de qualité. Rien d’autre ou presque – pas de papiers permettant d’identifier les jeunes femmes, notamment.

 

[I-3 : Michael, Anatole : Kelly Gillian ; Dwayne O’Brady] Michael, pendant ce temps, se rend à la porte suivante, toujours sur le mur de droite. J’étais parti pour suivre Dwayne, peu désireux que l’on se sépare à nouveau dans cet environnement inconnu, mais Michael me fait bientôt signe, chuchotant : « Ça pue le cadavre ! » Je le rejoins. La puanteur est flagrante, oui – mais il ne s’agit pas que d’un cadavre : flottent aussi dans l’air des remugles de poisson pourri… Nous ouvrons la porte, qui donne sur un autre dortoir – en rien « féminin » celui-ci : il est horriblement sale, jonché de déchets en tous genres (nourriture, mégots, bouteilles…) et de revues pornos. S’y trouvent cinq lits dont deux seulement semblent être utilisés. Des costumes masculins de domestiques, relativement classes, sont suspendus à des patères – contrastant avec le caractère plus que négligé du dortoir. Mais à l’entrée de la pièce ou presque se trouve aussi le cadavre encore tiède d’une femme – que je ne connais pas, mais Michael si : il s’agit de la journaliste Kelly Gillian. Elle a une plaie béante au cœur, mais la lame qui s’y était enfoncée a été retirée.

 

[I-4 : Dwayne : Michael Bosworth, Anatole « Froggy » Despart, Kelly Gillian ; Nathaniel Sanders] Dwayne ressort du premier dortoir, passe hâtivement devant la double porte donnant sur le salon de détente (il prend soin de passer sous la fenêtre en hublot à hauteur d’homme), nous rejoint brièvement Michael et moi (il reconnaît lui aussi Kelly Gillian), mais poursuit bientôt son chemin, vers l’endroit où le couloir bifurque à angle droit sur la gauche. La porte en face semble singularisée – s’y trouve une plaque dorée gravée aux initiales « N.S. ». [Nathaniel Sanders, mais seule Romy le sait.] Il tend l’oreille, et perçoit le bruit de quelqu’un en train d’écrire sur du papier – un bruit léger, qui aurait été imperceptible s’il n’y avait pas prêté attention, noyé sous les airs de jazz et les rires des fêtards.

 

[I-5 : Anatole : Kelly Gillian ; Dwayne O’Brady] Je fouille le dortoir négligé. [Trouver Object Caché, réussite critique.] Un tiroir, dans un meuble, est constellé de sang frais ; je l’ouvre, et y trouve deux Derringers (un vide, l’autre chargé à moitié), ainsi que deux chargeurs de .38 (je n’en ai pas l’usage, mais cela intéressera Dwayne). Je m’intéresse aussi au cadavre de la jeune femme : je trouve des papiers l’identifiant bel et bien comme étant Kelly Gillian, et même sa carte de presse – déchirée ; enfin, une fiasque vide qui avait contenu du whisky irlandais.

 

[I-6 : Dwayne] Dwayne progresse discrètement dans le couloir qui bifurque sur la gauche, se rendant tout d’abord à la première porte sur sa gauche. [Discrétion, réussite critique.] Il pénètre sans un bruit dans la chambre dont la porte n’était pas verrouillée, et y voit un homme assez âgé, affalé sur son lit toujours habillé, et qui ronfle profondément. La chambre est aussi luxueuse que le couloir ; mais il faut y ajouter des effets personnels très onéreux. Pour autant, Dwayne n’y trouve pas grand-chose d’utile – valeur pécuniaire mise à part : porte-cigarettes en argent, ce genre de choses… Il prend cependant un briquet en or.

 

[I-7 : Anatole, Michael : Kelly Gillian, Dwayne O’Brady] Je laisse là le dortoir négligé et le cadavre de Kelly Gillian, et me rends à la porte faisant face à celle que Dwayne vient de franchir. Je colle mon oreille à la porte, mais ne perçois rien à l’intérieur. Michael me suit. J’ouvre la porte, mais la chambre est vide, ou plus exactement ne semble pas avoir été occupée récemment. Je poursuis vers la porte suivante sur le mur de droite.

 

[I-8 : Dwayne] Dwayne fouille le vieil homme profondément endormi – à la recherche de clefs. Il remarque que le bonhomme s’est endormi comme une masse, avec un porte-clefs qui pend toujours de sa main droite… Il parvient à s’en emparer sans susciter la moindre réaction du dormeur. Puis il ressort en fermant la porte – et en la verrouillant.

 

[I-9 : Anatole, Dwayne] Je tends une fois de plus l’oreille devant la nouvelle porte, sans rien entendre ; elle est de toute façon verrouillée… Je poursuis : même chose… Et même chose pour la deuxième chambre à laquelle se rend Dwayne.

 

[I-10 : Michael : Warren Parrington] Michael, quant à lui, va plus loin. [Discrétion, réussite critique.] Il pénètre dans une autre chambre, où dort également un homme là aussi relativement âgé, bien gras, et arborant une petite barbe finement entretenue ; ses effets personnels témoignent une fois de plus de son immense richesse. Et Michael le reconnaît : il s’agit de Warren Parrington, le directeur d’une des plus grandes banques de Boston – il figure dans le Who’s Who, et ses traits sont reconnaissables, ainsi que sa grande canne très caractéristique, et qui apparaît souvent sur les photographies du notable.

 

[I-11 : Dwayne, Anatole : Kelly McGillian] Dwayne essaye ses clefs, mais elles ne fonctionnent pas : une seule, du métal léger que nous croisons sans cesse, permet d’ouvrir une chambre – celle qu’il vient de verrouiller. Je n’ai tout d’abord pas davantage de succès, entrevoyant plusieurs chambres vides, mais je me rends ensuite à celle du fond, tout au bout du couloir, et y relève des traces de lutte ; par ailleurs, s’y trouve une fenêtre brisée, aux volets ouverts (ils étaient fermés dans toutes les autres chambres)… et elle donne sur de la terre, qui s’écoule en partie à l’intérieur de la chambre : cet étrange hôtel est toujours souterrain… [C’était la chambre de Kelly McGillian.] Je retourne auprès de Dwayne pour l’informer de ce que j’ai vu.

 

[I-12 : Michael : Warren Parrington, Dwayne O’Brady, Anatole « Froggy » Despart] Michael, de son côté a pénétré dans la chambre de Warren Parrington, qui dort d’un sommeil « normal ». Il fouille la pièce. [Trouver Objet Caché, réussite critique.] Sans le faire exprès, son pied heurte la canne de Parrington, sans pour autant la faire tomber ; mais le son suffit à faire prendre conscience à Michael de ce que l’objet est creux… Une cachette ? Il se saisit prudemment de l’ustensile, qu’il manipule – et le manche se dévisse : il forme un petit poignard, arme de défense, mais il y a autre chose, dans le fourreau ; Michael renverse l’objet, et en fait tomber des bons au porteur, pliés et enrubannés comme autant de cigarettes – il y en a beaucoup, et qui représentent une jolie fortune… Michael les met dans sa poche, referme la canne (qu’il garde), sort de la chambre et nous rejoint Dwayne et moi.

 

II : AMITIÉS FRATERNELLES

 

[II-1 : Dwayne, Michael, Anatole : « N.S. »] Dwayne nous parle, à Michael et à moi, du bruit qu’il avait perçu dans la chambre marquée aux initiales « N.S. », et nous propose d’y jeter un œil. Je rechigne un peu tout d’abord, sachant que je ne suis guère discret, mais justement – pour Dwayne, il ne s’agit pas de tenter de passer inaperçu, mais bien de maitriser le type qui se trouve à l’intérieur ; et ça, c’est dans mes cordes… Michael et moi acquiesçons.

 

[II-2 : Dwayne, Anatole : « N.S. »] Dwayne et moi prenons place devant la porte : lui va l’ouvrir, en essayant de ne pas attirer l’attention, et je me jetterai aussitôt sur le type à l’intérieur, pour l’assommer de ma matraque en cuir. [Discrétion, réussite critique.] Dwayne parvient à ouvrir la porte sans faire le moindre bruit… Depuis l’ouverture, j’entraperçois des fenêtres aux volets ouverts, donnant sur des lieux inconnus autant que fantasques ; puis je vois « N.S. », un homme élégant, bien coiffé, à la moustache artistiquement apprêtée – mais il me voit à son tour. Il hausse un sourcil de surprise, puis esquisse un sourire amusé tandis que je me jette sur lui. Mais la pièce suscite un étrange effet de « dissociation », qui me perturbe : avec ces paysages étranges et animés de toutes parts – ce ne sont pas des œuvres d’art, mais des vues bien réelles et actuelles de paysages extraterrestres ! –, le lieu fait aussi grand que petit, et j’estime mal la distance qui me sépare de l’occupant des lieux. Ce trouble de la perception me fait en définitive rater mon coup – j’ai frappé trop tôt, et ma matraque rase le crâne de l’inconnu sans lui faire le moindre dégât…

 

[II-3 : Dwayne, Michael, Anatole : « N.S. »] L’homme, pour autant, ne fait aucun geste de défense ou d’attaque, et n’exprime pas la moindre peur ; il se contente d’émettre un petit rire désagréablement nasillard. Dwayne et Michael m’ont suivi, en fermant la porte derrière eux. Je relève ma matraque pour tenter un nouveau coup, mais l’homme me regarde droit dans les yeux, en déplaçant son index gauche au-dessus de son bureau… l’immobilisant sur un bouton d’alarme. Mais il n’appuie pas dessus – il se contente de menacer sans un mot de le faire, l’air plus moqueur que jamais. Michael aimerait agir, mais lui aussi est affecté par cette « dissociation » des distances caractéristique de la pièce… Dwayne se montre plus accommodant : à haute voix, il suggère que tout le monde se calme et que nous discutions en hommes civilisés… Mais Michael, ayant pris la mesure de la distance réelle le séparant de « N.S. », lui saute dessus et dégage son doigt du bouton d’alarme.

 

[II-4 : Dwayne, Anatole : « N.S. »] Je lève ma matraque, mais la réaction de l’homme est déconcertante – plus vexée qu’antipathique : « Vous ne souhaitez vraiment pas discuter ? » Dwayne veut parler, oui – il le répète, et, guère désireux de prendre une initiative qui pourrait s’avérer fâcheuse, j’abandonne mon intention d’assommer « N.S. » : je passe derrière lui pour le maîtriser, le maintenant sur sa chaise en lui immobilisant les bras – ce qui le fait pouffer, méprisant…

 

[II-5 : Dwayne/« Leonard Border » : Nathaniel Sanders ; Leonard Border] « N.S. » exprime sa déception : pour des gens parvenant jusqu’ici, et qui ont déjoué les pièges mortels de son mentor, il s’attendait à ce que nous soyons plus « élégants » ! Et nous ne savons même pas qui il est… Il en est visiblement offusqué. Dwayne avance qu’il ne nous connaît pas davantage, ce à quoi l’homme répond : « Êtes-vous célèbre, Monsieur ? » Forcément : il est arrivé jusque-là ! L’homme concède que « la célébrité a parfois mauvais goût »… Dwayne se présente comme étant Leonard Border (il arbore toujours l’apparence du journaliste). Et lui ? « M. Nathaniel Sanders, dénicheur de talents pour personnes de qualité ! » Ce que nous ne sommes de toute évidence pas ; dès lors, il n’est finalement guère étonnant que nous ne sachions pas qui il est…

 

[II-6 : Dwayne, Anatole : Nathaniel Sanders ; Hippolyte Templesmith] Dwayne lui demande quel est le nom de son maître – Sanders corrige aussitôt : son « mentor » (il y insiste, et n’accepte pas d’autre désignation qui le rabaisserait d’une manière ou d’une autre). « Sous quel nom le connaissez-vous ? » Dwayne répond : « Hippolyte Templesmith. » En effet… Tout en maintenant Sanders sur sa chaise, je l’éloigne du bureau afin d’éviter tout coup fourré. Dwayne lui demande si « son mentor » le paye bien ; oui, mais ce n’est pas très important… Il confirme cependant, à la demande de Dwayne que, par rapport à Templesmith, il est bien « un mortel »… Puis il désigne de la tête une armoire débordant de stupéfiants et d’alcools, « pour égayer notre discussion ».

 

[II-7 : Anatole, Michael, Dwayne : Nathaniel Sanders, « le frère jumeau »] Mais nous remarquons alors tous quelque chose chez notre otage : sa mine calme, un brin amusée, contraste avec une agitation de son corps au niveau du ventre, sous sa chemise – je le perçois très bien, moi qui le contiens. Je baisse rapidement les bras pour relever sa chemise… et apparaît un visage humain au niveau du ventre, évoquant un frère siamois, sur une couche d’organes internes ainsi visibles de tous ; ses yeux et sa bouche sont obstrués par des bandes de tissu – humidifiés par les pleurs et les vaines tentatives de la créature pour mordre son bâillon… Nathaniel Sanders tourne la tête dans ma direction : « Monsieur, un peu de pudeur ! À moins que… Seriez-vous attiré par les personnes du même sexe ? » Il arbore un sourire moqueur et m’adresse un clin d’œil – je l’ignore. Mais il tient le même discours à Michael – qui en est davantage amusé… Il reprend : « Souhaitez-vous continuer à me déshabiller ? Je peux vous y aider… » Dwayne lui demande s’il cache encore un autre visage ; mais non, il n’y a que celui-ci… Le maintenant sur sa chaise, je ne lui laisse guère de marge de manœuvre, mais il peut tout de même caresser son « jumeau » au niveau du front.

 

[II-8 : Michael, Dwayne, Anatole : Nathaniel Sanders, « le frère jumeau »] Michael approche, et prend l’initiative de déchirer le bâillon de sa lame. Peu importe que Nathaniel Sanders ait dit que « son frère » était beaucoup moins calme que lui… Effectivement – dès le bâillon retiré, le jumeau ventral hurle : « À l’aide ! » Sanders ricane : « Mon frère a toujours été un trouble-fête… » Le jumeau nous supplie de l’aider, de le libérer… mais reste sourd aux injonctions de Dwayne, lui disant de se taire ! Michael avance que l’on peut tenter une « opération », pour sortir le jumeau de là… Mais celui-ci ne l’écoute pas, il ne peut rien faire d’autre que de réclamer du secours à tue-tête… Je tente de le bâillonner de mes mains, mais ça ne fonctionne guère, et je me résous à l’assommer pour qu’il se taise – j’y vais même un peu plus fort que ce que je souhaitais… Mais il continue de hurler, tandis qu’un filet de sang jaillit d’entre ses lèvres, de même que pour Sanders lui-même ! Lequel est hilare…

 

[II-9 : Dwayne : Nathaniel Sanders] Dwayne entrouvre la porte pour jeter un œil dans le couloir. Il aperçoit un invité, l’air inquiet, qui passait la tête par la porte de sa chambre… Mais il y a aussi un garde qui, lui, sort résolument dans le couloir. Dwayne referme aussitôt. Il se tourne vers Sanders : comment sortir d’ici ? Sanders lui rétorque : « Vous pensez en être capables ? » Il en doute – pas sans aide extérieure…

 

[II-10 : Dwayne : Nathaniel Sanders] Un garde frappe à la porte : « M. Sanders, tout va bien ? » Dwayne lui fait signe de répondre affirmativement ; mais il dit alors : « Moi, ça va… Mais nous avons des invités ! » La porte s’ouvre brutalement, et deux gardes stupéfaits (dont un est armé d’un .38) apparaissent dans l’encadrement – qui répandent une infecte odeur de poisson.

 

[II-11 : Michael, Anatole : Nathaniel Sanders, « le frère jumeau » ; Hippolyte Templesmith] Michael bondit sur Sanders, et lui colle sa dague (celle de la canne) sous la gorge : « Un pas de plus et je le saigne comme un cochon ! » En même temps, le jumeau continue de beugler, et Sanders, tout sauf effrayé, s’amuse à parodier ses gémissements… Après quoi il enjoint les gardes de rester : « On s’amuse ! » Et il avance sa gorge sur la dague de Michael – ce n’est pas du bluff : il serait parfaitement capable de s’égorger lui-même ! Michael ne bouge pas pour autant – même quand la peau de Sanders est légèrement entamée et que le sang coule (pas encore à flots, les artères principales sont pour l’heure épargnées). Sanders continue pourtant d’avancer, en dépit de ma résistance, et chante même une petite comptine… Il se dit heureux d’avoir vécu cette vie, et remercie Hippolyte Templesmith pour tout ce qu’il lui a permis de découvrir et de faire : il ne regrette absolument rien. Et c’est alors qu’avec un sourire de joie perverse, il avance brutalement sa gorge sur la dague de Michael ; le sang gicle en cascade, et Sanders meurt en quelques secondes… Son jumeau hurle encore, mais il est à son tour interrompu par des crachats de sang : « Qu’est-ce qui se passe ? » Il ne comprend rien à ce qui se produit, et devient livide à son tour…

 

[II-12 : Michael, Anatole, Dwayne : Nathaniel Sanders] Le garde armé d’un .38 fait alors feu sur Michael, tandis que l’autre, un long surin en main, se jette sur moi – tous deux ratent. Michael avance avec sa dague sur celui qui l’a agressé – tandis que Dwayne, à la porte, entrevoit un nouvel invité curieux… qui se réfugie aussitôt dans sa chambre quand résonne un coup de feu. Usant de la porte comme d’un bouclier, Dwayne assure sa protection, mais tire aussi deux balles sur l’homme au pistolet. [Deuxième balle : Armes de poing, réussite critique, dégâts doublés.] La deuxième suscite un vif cri de douleur ; Dwayne qui s’abrite derrière la porte n’en est pas tout à fait certain, mais il pense avoir touché sa cible à la tête. Je fais basculer le cadavre de Nathaniel Sanders sur le côté, afin de me jeter sur mon assaillant et de le plaquer au sol… mais Sanders avait disposé son bras en arrière, ce qui me gêne dans mon assaut. Je suis du coup en mauvaise posture… et mon agresseur est habile ! [Armes blanches, réussite critique ; le Gardien des Arcanes me laisse le choix : soit je tente une esquive, mais subis des dégâts doublés si je rate, soit je subis automatiquement des dégâts normaux ; je choisis l’esquive.] Au tout dernier moment, je parviens heureusement à éviter un coup vicieux : la lame de mon assaillant rase ma gorge… La victime de Dwayne a bien été atteinte à la tête – la balle s'est logée à proximité de son cerveau… Il est pourtant encore en état de faire feu ! La porte repoussée par Dwayne le lui interdit cependant pour le moment. Quant à Michael, il continue à lutter contre sa cible… mais trébuche sur le cadavre de Sanders, et se blesse tout seul ! [Armes blanches, échec critique à 100.] Il est en sale état : aucun organe vital n’a été touché, mais la blessure est extrêmement douloureuse, et il s’est peut-être fêlé une côte au passage… Dwayne achève le garde blessé à la tête en lui logeant une balle dans l’œil ; il entreprend alors à nouveau de fermer la porte. Je sors cette fois mon .45 amélioré, et fait feu sur l’homme au couteau, qui a bien failli avoir ma peau ; mes deux balles l’atteignent. [Deuxième balle : Armes de poing, réussite critique, dégâts doublés.] Pour autant, je ne le tue pas… et, par réflexe, il tente un ultime assaut et me lacère le bras ! Les dégâts sont conséquents, et je saigne abondamment ; j’étais jusqu’alors indemne, mais la douleur est terrible… Michael blessé se relève, et ôte sa propre lame de son ventre – faisant fi de la douleur, il se retourne sur mon agresseur pour l’achever, mais c’est trop compliqué… Dwayne, après avoir fermé la porte, vient à notre secours, en ramassant au passage le .38 abandonné : il tire dans le dos du second garde, et l’achève.

 

III : LA CHAMBRE AU BORD DES MONDES

 

[III-1 : Anatole, Dwayne, Michael] Le chaos cessant, nous tendons instinctivement l’oreille. [Anatole, Écouter, réussite critique à 1.] Je perçois des bruits de panique dans le couloir, où les « invités » s’affolent – je le signale à Dwayne, juste devant la porte. Mais Dwayne n’en tient pas compte pour l'heure, il se rend auprès de Michael, et lui fait un bandage rapide ; il rate cependant quand il tente la même chose sur moi – ma blessure est trop complexe pour sa compétence en premiers soins… Il n’aggrave cependant pas la situation. [Je tente plus tard de me soigner moi-même, sans plus de succès ; mon état demeure stable, et, ayant été épargné jusqu’alors, en plus d’être d’une constitution solide, j’encaisse, mais de nouvelles tentatives de Premiers Soins sont exclues avant un long moment, suite à ces deux échecs.]

 

[III-2 : Dwayne, Anatole : Nathaniel Sanders ; Hippolyte Templesmith/« 6X »] Dwayne va fouiller les cadavres des gardes, tandis que je m’occupe, l’hémorragie s’amenuisant, de celui de Sanders. Je trouve notamment sur lui un médaillon avec deux photographies, le représentant enfant puis adolescent – mais je l’ai impression qu’à ces époques-là, c’était la tête du ventre qui se trouvait sur les épaules de Sanders… La situation a-t-elle changé depuis – peut-être du fait de l’intervention de Templesmith ? La tête de Sanders me dit cependant quelque chose… [Culture artistique – littérature contemporaine, échec critique à 100.] Mais je ne parviens pas à mettre le doigt dessus – peut-être d’autant plus que je suis révolté à l’idée de cette « prise de pouvoir » suscitée par l’abject « 6X », qui semble gâcher tant de vies…

 

[III-3 : Dwayne, Anatole, Michael] Il y a de moins en moins de bruit dehors – nous n’entendons plus les invités paniqués, et le jazz s’est interrompu dans le salon. Dwayne a trouvé un chargeur de .38 sur un des gardes – je lui donne aussi les deux que j’avais ramassés plus tôt. Puis Dwayne déplace le bureau, d’allure gréco-romaine (il est étonnamment léger, en fait parce qu’il est fait du métal que nous savons), afin de bloquer la porte. Il semble inquiet de ce que pourraient faire les invités ; mais je lui dis que, dans le dortoir que nous avons fouillé avec Michael, il n’y avait semble-t-il que deux lits occupés par des gardes… Ce qui ne le rassure pas.

 

[III-4 : Dwayne, Michael : Romy] Dwayne ayant barricadé la pièce – qui nous met tous mal à l’aise : il est impossible de compter les fenêtres, et les visions mouvantes de tous ces mondes inconnus nous inquiètent par elles-mêmes… –, il entreprend maintenant de la fouiller. Il trouve les mêmes dossiers que Romy avait survolés auparavant. [C’était lors de la séance précédente ; elle avait par contre pris avec elle le carnet de notes ? Dwayne ne le trouve pas sur le bureau.] Il ne s’y attarde pas. Sur chaque meuble se trouvent des figurines antiques en métal léger – très diverses : des animaux en pierres précieuses comme des créatures inconnues et d’une allure inquiétante ; leur taille également est très variable : certaines sont minuscules, d’autres plus volumineuses – la plus grande atteint bien les trente centimètres, et représente un nain noir à trois jambes et six bras, tous armés de kriss ; et Dwayne a à nouveau la sensation d’être observé… Les petites lames l’intriguent ; il se doute qu’elles coupent parfaitement. Il aimerait les prendre… mais, quand il touche la statuette, il ressent comme une décharge électrique – et a l’impression d’avoir vu un bras bouger ! Et quand il emprunte la dague de Michael pour la passer sur la statue… c’est cette dague qui est abîmée. Dwayne abandonne – il rend sa dague à Michael. Reprenant ses recherches, il met la main sur un trousseau de clefs – permettant sans doute d’ouvrir toutes les chambres ; rien d’autre.

 

[III-5 : Anatole : Nathaniel Sanders ; Hippolyte Templesmith] Je jette un œil à ce que Sanders était en train d’écrire quand nous avons surgi dans son bureau. C’est une sorte de profession de foi, rédigée dans un langage assez soutenu qui ne me laisse pas indifférent. Il y explique qu’il était pleinement conscient de ce que « l’ère de gloire » qu’il avait connue grâce à « son mentor » touchait à sa fin. Sans en connaître la cause, il avait bien saisi que les entreprises de son mentor avaient été contrées, ce qui l’avait mis en colère – il allait donc « hiberner », pour retenter la même chose bien plus tard… Mais la fin de son mentor signait aussi la sienne. Son mentor entretenait une relation ambiguë avec le genre humain – mêlant étrangement envie et mépris. Mais, ces derniers temps, le mépris dominait, et se transformait même en courroux ; Sanders en témoigne avec un plaisir non dissimulé… Il savait cependant qu’il ne tarderait guère à périr – soit du fait de son mentor, soit en raison des actions de ceux que ce dernier qualifiait de « justiciers à la gomme »… Mais il ne regrette rien : Hippolyte Templesmith lui a permis de vivre à la place de son frère, et de faire souffrir ce dernier ; du temps où son jumeau dominait, il était un artiste, après quoi l’activité de Nathaniel Sanders a évolué : il travaillait pour l’essentiel à mettre en scène des spectacles hors-normes, destinés à séduire de riches amateurs et à profiter de leurs abondantes ressources. Des spectacles « hors-normes »… C’est peut dire : sa plus grande réussite avait consisté à kidnapper le rival d’un invité, puis à lui avoir cousu les paupières et la bouche ; après quoi il l’avait enchaîné, nu, sur une scène – les chaînes pénétrant dans sa chair, celle de son dos, de ses bras, dans ses testicules… Puis il avait diffusé auprès de lui un enregistrement d’une meute de chiens en train d’aboyer, dont il augmentait progressivement le volume : la victime, aveugle, et terrifiée à l’idée de périr sous les crocs des molosses toujours plus proches, cherchait alors à fuir en arrachant les chaînes figées partout dans sa chair, s’automutilant pour se dégager… et tombait enfin directement sur un pal. C’était la dernière fierté de Sanders – qui en parle comme de l’accomplissement d’une vie. Peu importe dès lors ce qui l’attendait désormais : il l’accueillerait avec plaisir et satisfaction…

 

IV : AU SERVICE DE NOTRE AIMABLE CLIENTÈLE

 

[IV-1 : Dwayne, Michael] Dwayne perçoit des cris étouffés dans le couloir – ce que confirme Michael, qui entend en outre des bruits de pas, probablement vers le salon… mais aussi des bruits de lutte : des femmes en train de se battre ?

 

[IV-2 : Dwayne ; Anya, Romy] Dwayne sort dans le couloir. Il entend toquer à l’intérieur de la chambre qu’il avait verrouillée, où ronflait un vieil homme, mais progresse vers le salon de détente – jetant au passage un œil aux deux dortoirs, vides. Collant ses yeux au hublot de la double porte, Dwayne voit, sur la scène du salon de détente, deux femmes vêtues en « bunnies » qui se battent à mains nues, et avec une grande violence. L’une d’entre elles, qui arbore des traits plutôt slaves [il s’agit d’Anya], succombe sous les assauts de l’autre [Romy], d’un type ethnique moins marqué, qui l’étrangle de ses propres mains. Mais la blonde avant d’expirer a pu planter ses longs ongles dans la chair de sa meurtrière – dans l’idée de la faire souffrir autant que possible avant de périr… La survivante laisse tomber le cadavre de sa victime, et extrait péniblement ses ongles de sa chair.

 

[IV-3 ; Dwayne, Michael, Anatole : Romy] Dwayne pénètre alors dans le salon, mais en se dissimulant sur le côté. Michael et moi l’avions suivi : lui rejoint Dwayne, tandis que je reste devant la porte pour faire le guet. Mais Michael a la chair à vif – il est régulièrement pris de pics de douleur, et émet par réflexe des couinements guère discrets… Romy l’aperçoit, reste un instant perplexe, puis, d’un ton angoissé mais pourtant soulagé : « Vous n’avez pas l’air d’invités… ou du moins pas d’invités volontaires. » Dwayne acquiesce – elle, par contre, a l’air de faire partie de la boîte… Romy concède que c’est vrai – mais elle essaye justement d’en sortir ! Dwayne lui demande alors si d’autres personnes se dissimulent quelque part. Sans un mot, elle lui désigne de la tête la réserve – après quoi elle panse ses plaies.

 

[IV-4 : Dwayne, Anatole] Dwayne me fait signe de rentrer dans le salon. Suivant ses instructions muettes, j’approche de la réserve, me tenant près du comptoir du bar – j’entends des respirations angoissées derrière la porte. Dwayne se tient devant la porte : « Sortez de là, les mains en l’air ! » Silence tout d’abord, puis une voix vexée et exprimant une propension à l’autorité, en dépit de la panique, répond : « Savez-vous qui nous sommes ? Comment osez-vous ? » Dwayne tire un coup de feu dans le sol : « J’ai dit : sortez de là, les mains en l’air… » À l’intérieur, les gens se disputent. Dwayne tire une fois de plus : « Maintenant ! »

 

[IV-5 : Michael, Dwayne, Anatole : Warren Parrington] Puis un type est poussé par les autres hors de la réserve ; il sort contraint et forcé… puis, stupéfait, pointe le doigt sur Michael : « Mais… Rendez-moi ma canne ! » C'est bien Warren Parrington. Dwayne le menace de son pistolet, et l’invité ulcéré est bien obligé de lever les mains et de se tenir à carreau. Michael approche de la porte, et fait sortir les deux autres individus qui s’y cachaient – je veille à ce qu’ils se tiennent tranquille depuis le comptoir. Michael se rend compte que, dans un angle de ce comptoir (il se tient lui aussi à côté), est incrustée, dissimulée, comme une fine lentille évocatrice d’un appareil photo – mais il faut vraiment avoir l’œil pour la voir. Étonné, il s’en approche, la dague en main ; les invités n’étaient visiblement pas au courant. Mais impossible d’atteindre le dispositif sans démonter le comptoir – ce qu’il dit plus tard à Dwayne ; rien de plus dans le long meuble, sinon des alcools variés…

 

[IV-6 : Dwayne : Romy] Dwayne les interroge, mais ces richissimes bonshommes se rebiffent : ils ne parleront qu’en présence de leurs avocats ! Mais Dwayne leur montre son .38 : « Je vous présente mon avocat… » Le ton change – l’un d’entre eux avance même qu’ils sont eux aussi des victimes des tenanciers des lieux, qu’ils ne souhaitent qu’une chose, partir d’ici au plus tôt… Romy les entend plaider, et ça la met dans une rage folle : « Vous vous foutez de nous ? Vous savez très bien ce que vous faites ici ! » Les invités débordant de haine la traitent de catin… Mais, revenant à Dwayne, le plus têtu d’entre eux reprend sur le mode originel, excédé par ce traitement : « Vous ne savez pas qui nous sommes ! » Il s’en trouve même un pour jeter une liasse de billets… et il se trouve profondément décontenancé quand Dwayne, le plus sincèrement du monde, n’en a absolument rien à foutre.

 

[IV-7 : Dwayne, Anatole : Hippolyte Templesmith] Dwayne entreprend de les interroger, s’assurant de leur coopération en agitant son flingue sous leurs yeux. Qui les a invités ? Silence tout d’abord, Dwayne redresse le canon de son .38… Ils répondent dans un bel ensemble : « C’est Hippolyte Templesmith ! » Ils expliquent qu’il les a faits venir chez lui, où ils ont emprunté une porte très étrange… Où sont-ils arrivés ? Directement dans leurs chambres, ici. Depuis combien de temps sont-ils là ? Pas beaucoup : un ou deux jours avant le gala… Quand doivent-ils partir ? Ils ne le savent pas, Templesmith ne leur a rien dit à ce sujet… Se sont-ils bien amusés ? persifle Dwayne... Ils n’ont vraiment pas l’habitude d’être ainsi rabroués : « Mais qui êtes-vous pour nous traiter de la sorte ? » Et autres variations sur le même thème. Le plus vieux est le plus ulcéré à cet égard. Dwayne m’adresse un signe de la main ; je m’approche du vieux, et lui enfonce violemment mon poing dans le ventre – ce qui est très douloureux sur le moment, sans présenter trop de risques de séquelles à terme. Il tombe à genoux, stupéfait, le souffle coupé – et les autres regardent la scène, terrifiés… Dwayne réclame un ton plus aimable de leur part ! Sinon…

 

[IV-8 : Dwayne : Romy ; Kelly Gillian, Hippolyte Templesmith] Mais Dwayne se tourne alors vers la serveuse en « bunny », qui a pansé ses plaies. Il lui demande son nom : Romy. Il se présente en retour. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle y travaillait… mais la mort de Kelly Gillian lui a fait comprendre certaines choses. Comment est-elle arrivée là ? Elle s’était endormie après une soirée très arrosée chez Hippolyte Templesmith… et quand elle s’est réveillée, elle était ici. Et comme hypnotisée : elle ne s’inquiétait de rien, et était même ravie de travailler en tant que serveuse ici… Elle parle d’un véritable envoutement – qu’elle associe à la consommation frénétique de Miska-Tonic !, et aux aphtes qui en résultaient ; mais les choses ont changé quand elle est parvenue à s’imposer de ne plus en boire…

 

[IV-9 : Anatole, Dwayne, Romy] Un des invités, le plus jeune, fait à nouveau le malin : « Vous avez votre catin, maintenant, laissez-nous ! » Je n’ai pas besoin d’attendre les instructions de Dwayne : même sort qu’au vieux… Et Romy profite de ce que le grossier personnage soit au sol pour lui donner un coup de pied.

 

[IV-10 : Michael : Anya] Michael va jeter un œil à la scène, où le cadavre de la serveuse aux traits slaves est étendu. Un rideau sépare la scène des coulisses, qu’il franchit. S’y trouvent des armoires à costumes, et autres ustensiles divers pour les spectacles… mais aussi une porte déguisée, qui aurait probablement été indiscernables si elle n’avait été grande ouverte : elle donne sur des cellules, totalement vides, et puant l’ordure et les excréments.

 

[IV-11 : Anatole, Dwayne, Michael : Romy] Nous avons du coup quelque peu délaissé nos invités, qui sont dans l’attente. Je les fouille pour le principe, mais ne trouve rien, sinon leur argent. Dwayne va jeter un œil dans la réserve, où il trouve ce qu’il était en droit d’imaginer : de la nourriture, de la drogue, des produits ménagers… Dwayne prend conscience qu’il a faim – et moi aussi… Avant de nous restaurer, toutefois, je suggère d’enfermer les invités dans les cellules dont nous a parlé MichaelRomy nous y aide : elle fera tout pour nous aider, elle veut seulement rentrer chez elle… Dwayne me demande si je n’ai pas une arme à confier à la serveuse. J’hésite tout d’abord… puis suppose que je peux lui faire confiance – sa haine viscérale des invités m’apparaissait tout à fait sincère… Je lui donne un Derringer, et elle me remercie. Après quoi nous mangeons, ce qui nous fait le plus grand bien.

 

[IV-12 : Dwayne, Anatole : Romy ; Nathaniel Sanders, Kelly Gillian] Que faire, maintenant ? Dwayne suggère de retourner à l’abîme : nous pourrions hisser la seconde chaîne, voir ce qui se trouve au bout ? Je ne sais pas trop… Retourner dans cet enfer de perceptions faussées ne m’enchante pas vraiment. J’évoque la possibilité d’emprunter les fenêtres du bureau de Sanders… mais la perspective de plonger encore une fois dans l’inconnu ne dit rien à qui que ce soit. Et Romy est inquiète du fait de la terre qu’elle a vu jaillir de la fenêtre brisée de Kelly Gillian… Dwayne suggère que nous employions les invités comme cobayes…

 

[IV-13 : Dwayne : Hippolyte Templesmith] Ce qui lui rappelle qu’il reste encore un invité – le vieil homme qu’il avait enfermé dans sa chambre ! Il s’y rend et toque à la porte. Le vieux, paniqué, lui demande si tout est sous contrôle, et Dwayne confirme que c’est bien le cas. Mais l’invité ne reconnaît pas sa voix : « Qui vous envoie ? » Dwayne répond que c’est M. Templesmith, bien sûr… Mais le vieil homme ne lui fait pas confiance ! Dwayne reprend : « Il nous faut évacuer tout le monde, au cas où – c’est le protocole de sécurité qui veut ça ; et cela vous concerne vous comme les autres ! » Non, il n’a pas confiance ! Et pourquoi l’a-t-on enfermé ? Dwayne lui ouvre, pistolet en main : personne en face. L’invité s’était mis sur le côté, armé d’un vase, mais Dwayne s’en doutait – il n’a rien à craindre ; et exhiber son pistolet sous le nez du vieil homme incite ce dernier à se montrer plus coopératif. Dwayne continue pourtant de le baratiner : des individus inconnus ont pu passer, ils ont tué quelques gardes, mais ont depuis été neutralisés – lui est resté sur place pour assurer l’évacuation des invités, avec un collègue. L’honorable invité connaît bien entendu la procédure pour quitter l’endroit ? Il répond que oui, il faut l’intervention de Hippolyte Templesmith lui-même… Dwayne lui répond que le patron n’est pas disponible – et claque la porte au visage du vieux, lui brisant en doigt au passage. Il verrouille à nouveau la chambre, puis vient nous retrouver.

 

V : TITI ET GROS-MINET-SADIQUE

 

[V-1 : Anatole, Dwayne : Romy] Sommes-nous prêts à retourner dans l’abîme, voir ce qui se trouve au bout de l’autre chaîne ? Oui… Même si c’est à contrecœur en ce qui me concerne. Romy est tout aussi angoissée, même si elle n’a jamais mis les pieds dans la cuvette… d’autant plus que Dwayne lui dit que l’endroit où nous nous rendons va lui faire tout drôle ! Mais il va ensuite chercher un invité en guise de cobaye, et choisit le plus jeune, celui qui avait traité « Romy » de catin à plusieurs reprises… Dwayne passe tout d’abord devant, tandis que je reste derrière notre cobaye. La porte était restée entrouverte – et Dwayne a eu un instant d’appréhension : que se serait-il passé si elle avait été fermée ?

 

[V-2 : Dwayne, Anatole : Romy ; Hippolyte Templesmith] Nous traversons… De l’autre côté, la porte est toujours posée contre la paroi, et donne sur la même plateforme. Romy et l’invité couinent de surprise quand ils se retrouvent téléportés… Nous remontons la seconde chaîne, qui donne elle aussi sur une porte – mais pas en bois : en métal léger, cette fois. Par ailleurs, une chose y est incrustée… et c’est un crâne. Au premier abord, nous l’avons supposé humain, mais, à y regarder de plus près, il évoque davantage une sorte d’hybride entre humanoïde et reptile. La porte présente une poignée en cuir froid et un peu suintant, évoquant celui des petites boîtes de Templesmith… Nous la disposons contre la paroi, comme la précédente. Dwayne se réjouit à haute voix de ce que nous avons maintenant quelqu’un pour ouvrir la porte ! L’invité proteste – en étalant son CV : ses études sont importantes, il est un vrai génie, on ne peut pas lui faire risquer sa vie ainsi, ce serait une bien trop grande perte pour l’humanité ! Je lui donne une tape à l’arrière du crâne… Et Dwayne lui dit qu’il a le choix : c’est la porte… ou l’abîme. Le jeune homme désemparé se soumet à son instinct de survie et tente une chose parfaitement folle : essayer de filer entre nous… Mais cela nous surprend, et il esquive le bras que Dwayne avait tendu pour l'arrêter ! Nous ne pouvons le laisser nous échapper ainsi… Dwayne dégaine son .38, vise soigneusement, et fait feu : il lui loge une balle dans l’articulation du genou, qu’il pulvérise littéralement. Le type tombe en avant en hurlant de douleur. Nous nous avançons dans sa direction, tandis qu’il nous adresse des suppliques désespérées : « Pitié ! » Dwayne, jouant l’ingénu : « Mais pourquoi t’as couru ? » Il lui fait un petit bandage hâtif, et nous le ramenons devant la porte, lui faisant signe de l’ouvrir – sinon, c’est l’autre genou ! L’invité, sous le coup de la douleur, doit se résigner à nous obéir. Il met la main sur la poignée, tandis que Dwayne se dispose de sorte à être en mesure de se replier dans la première porte si jamais…

 

[V-3 : Dwayne] La porte donne sur un couloir sombre et relativement étroit (même s’il doit être possible de circuler à deux de front). Passé vingt mètres, il y a une lanterne au plafond, qui émet une faible lumière ; sur le côté, non loin, nous entrapercevons le cadre d’une porte – et peut-être y en a-t-il d’autres plus loin ? Mais le couloir présente un détail étrange et inquiétant : ses parois ne sont ni de terre, ni de métal… Ce sont des ossements entassés de part et d’autre. Là encore, nous les supposons tout d’abord d’humains, mais un examen plus poussé évoque la même nature hybride que pour le crâne sur la porte – encore que « hybride » ne soit pas forcément le terme le plus approprié : cela évoque plutôt une espèce à part entière. Les doigts finissent en pointes, les crânes sont allongés, les pattes ont deux orteils et un ergot… L’ouverture de la porte a généré un appel d’air, qui a fait dégringoler quelques os du plafond – mais la structure semble autrement solide. Dwayne se tourne vers notre cobaye : « Eh bien, voilà, ce n’était pas si dur ! » L’invité, paniqué et souffrant mille morts, sanglote…

 

[V-4 : Dwayne, Michael, Anatole] Dwayne avance en direction de la première porte sur le côté – elle est d’un vieux bois décrépi ; l’interstice la séparant de son encadrement est obstrué par la poussière et les toiles d’araignées. Michael remarque, au niveau du sol, un trou qu’il suppose être l’œuvre d’un rongeur – il y a même quelques marques de quenottes… Et ce passage dans le passage, quant à lui, n’est ni poussiéreux ni envahi de toiles d’araignées. Michael s’accroupit pour observer la pièce à travers le trou, mais, à ce niveau, il ne voit guère que le sol – envahi de masses de papier constellées de notes… À distance, cependant, il croit reconnaître une cage à oiseau – et peut-même les toutes petites pattes de l’animal qui y est enfermé ? Quant aux murs, ils sont eux aussi submergés par les notes, mais tout autant par de nombreuses photos, toutes différentes, d’une même jolie jeune femme blonde… Dwayne lui demande ce qu’il a trouvé, et Michael lui parle de tout cela ; il est tout particulièrement intrigué par l’oiseau – un canari, suppose-t-il ? Puis Michael tente autre chose : à l’aide de sa dague, il essaye de ramener du papier de leur côté de la porte – mais le papier est aussi fragile que son ustensile est coupant : il ne parvient guère qu’à ramener des fragments déchirés… C’est suffisant pour reconnaître une petite écriture très précise, usant de caractères aklo parfaitement exécutés – le texte est serré, et utilise l’espace au maximum ; mais on y trouve aussi quelques bavures et l’empreinte d’un doigt… évoquant bien plutôt la patte d’un rongeur qu’un doigt humain. Michael me montre le papier, mais ces caractères me sont totalement inconnus… Dwayne nous demande si nous souhaitons ouvrir cette porte. Michael est très curieux – et nous parle alors des photographies de la jeune femme. Il met sans plus attendre la main sur la poignée, ouvre la porte, et pénètre dans la pièce au-delà – nous le suivons.

 

[V-5 : Michael] Il y a effectivement des notes absolument partout, et pas seulement au sol, qui en est certes jonché. Même les murs sont gravés de notes similaires, sous le papier, qui nous font l’impression d’être l’œuvre de toutes petites griffes… Il en va de même pour la profusion de photos de la même jeune femme ; certaines sont un brin scandaleuses… Ses vêtements laissent supposer une femme fortunée. Quoi qu’il en soit, elle obsède visiblement le maître des lieux… On trouve aussi des dessins, nombreux également, assez « jolis », ou plus exactement « bien exécutés » ; elles ont par contre un thème généralement morbide… Nombre de ces documents sont déchirés, comme par de petites pattes griffues. Puis nous entendons pépier le canari dont parlait Michael – effectivement, il y en a un dans une cage vers le fond de la pièce, surplombant des bocaux fermés ; nous en approchant, nous voyons qu’ils contiennent une multitude d’insectes et de vers de terre : la pitance de l’oiseau. Nous marchons par ailleurs régulièrement sur des bouts de crayons, ou des stylos… En survolant les notes, ce sont toujours des caractères aklo que nous voyons.

 

[V-6 : Anatole : Goody Fowler] Mais je vois, par terre, presque au centre de la pièce, un gros livre qui excite ma curiosité ; je ramasse le grimoire, puisque c’est de cela qu’il s’agit, et vois inscrit sur la couverture : Manuel de Goody Fowler. Par réflexe, je l’ouvre à la page de garde ; il est épais, et pèse un bon kilo… Par ailleurs, au contact, je réalise que la reliure n’est pas faite d’un quelconque cuir animal… Je feuillette l’ouvrage au hasard.

 

[V-7 : Michael : Radzak] Pendant ce temps, Michael, qui cherchait des notes qui ne soient pas en aklo, en trouve enfin – ou plutôt un unique mot, en alphabet latin, gravé sur un mur : RADZAK

 

[V-8 : Romy] Puis Romy pousse un cri bref – et désigne, à trente centimètres au-dessus du sol, la moitié inférieure d’un rat fichée dans le mur : il se serait téléporté dedans ? Cette moitié jaillit en tout cas d’un dessin réalisé sur le mur – c’est comme si le rat avait disparu dans la bouche de la jeune femme, encore elle… Une feuille a été déposée sous le cadavre, maculée de sang – dont il y a par ailleurs une trainée sur le mur.

 

[V-9 : Anatole, Dwayne : Goody Fowler] Je poursuis mon examen du Manuel de Goody Fowler. Je ressens bientôt comme une très légère décharge d’électricité statique… J’ai le sentiment incompréhensible d’avoir établir un lien avec le livre, en l’ayant ramassé par terre ; puis c’est comme si le poids des ans s’abattait sur moi, et que la gravité se faisait davantage sentir… Et Dwayne, qui m’observait, remarque que mes cheveux deviennent poivre et sel à vue d’œil, tandis que des rides apparaissent sur mon visage ! Et j’ai bientôt l’impression d’avoir vingt ou trente ans de plus… [Perte définitive d’un point de FOR.] Mais ce vieillissement cesse bientôt : le livre ne me fera pas vieillir davantage ; au fond, je m’en accommode : j'ai le sentiment que le livre le vaut bien…

 

[V-10 : Dwayne, Anatole, Michael] Dwayne, oppressé par la salle et ce qui vient de m’arriver, veut sortir aussitôt de la pièce… mais, alors qu’il recule, c’est soudain comme s’il ne sentait plus sa jambe, et il s’effondre par terre ; elle a disparu ! Et Michael sent aussitôt la jambe de Dwayne apparaître juste à côté de lui – il la frappe, par réflexe ! Mais elle n’est pas coupée, et Dwayne ne ressent aucune douleur (sinon celle du coup instinctif de Michael...) ; c’est simplement qu’elle est « déphasée »… Dwayne sent tout au plus une certaine tiédeur. Et, quand il cherche à bouger sa jambe, elle bouge effectivement, mais à distance… Michael étant prêt à lui donner un autre coup, Dwayne lui dit d’arrêter…

 

[V-11 : Michael] Au fond de la pièce, le canari est excité par notre entrée dans la salle – sans doute a-t-il l’espoir qu’on le nourrisse ? Michael, subitement, y voit la clef de l’énigme : il nous faut nourrir le pauvre oiseau ! Il se rend auprès de la cage et ouvre un bocal, y pêchant un ver de terre qu’il tend au canari – ce qui, à l’évidence, ne change rien à notre situation... Mais Michael se prend d’affection pour le petit oiseau jaune – y voyant comme une lueur d’espoir dans notre irrépressible cauchemar…

 

[V-12 : Anatole, Dwayne : Goody Fowler] Ne pouvant gère examiner davantage le Manuel de Goody Fowler ici, je m’avance vers Dwayne ; ce qui lui est arrivé à la jambe ne serait-il pas l’effet d’une rune aklo gravée sur le sol ? Je déblaie le plancher autour de lui de ses notes, mais ne trouve absolument rien… ou plus exactement rien de plus que ces inévitables notes elles-mêmes surchargées de caractères aklo. Serait-ce alors l’amas de notes qui génère ce phénomène ? Mais Dwayne n’a pas ce genre de questionnements : quand il se recule sur le dos, une partie de sa jambe revient ; il poursuit jusqu’à ce qu’elle soit entièrement revenue, puis roule sur le côté. Et quand je veux à nouveau feuilleter le grimoire depuis l’endroit où je me trouve, c’est ma main gauche qui disparaît… pour réapparaître derrière ma tête ! Inutile de tenter quoi que ce soit ici, mieux vaut sortir.

 

[V-13 : Michael, Dwayne, Anatole] Mais Michael ne saurait partir sans son nouveau camarade : il ouvre la cage de l’oiseau, lequel n’est pas très rassuré, même s’il s’est régalé des vers et des insectes dont Michael l’a nourri… Délicatement, Michael parvient à saisir la petite créature dans sa main – tandis que, de l’autre, il lui tend un nouveau ver de terre, que l’oiseau accepte de bon gré. Michael lui caresse affectueusement la tête… et, quand Dwayne et moi sortons (je retrouve ma main gauche en me décalant à peine), Michael nous suit avec son nouveau copain…

 

[V-14 : Dwayne, Michael, Anatole : Romy] Dwayne longe le couloir jusqu’à la porte suivante. Michael, tout prêt, perçoit de la musique classique qui en provient… mais aussi de légers cris de douleur et de supplication – des voix différentes à chaque fois, et qui ne semblent pas être produites sur le moment : s’agirait-il d’un enregistrement, que quelqu’un prendrait plaisir à écouter ? Il nous le signale… Dwayne approche sa main de la poignée, prêt à faire usage de son pistolet – et moi de même. Michael, plus que jamais obsédé par son canari, nous interpelle : « Le petit oiseau nous dit de nous méfier ! » Dwayne et moi sommes interloqués par le réconfort qu’éprouve Michael à cette seule compagnie… Romy est juste derrière nous, par ailleurs. Cette fois, pas de poussière ni de toiles d’araignées sur la porte – que Michael entrouvre le plus discrètement possible ; à travers l’ouverture, il aperçoit un individu d’une trentaine d’années, à l’allure d’étudiant, par ailleurs assez élégamment habillé, qui travaille sur un bureau. Mais leurs regards se croisent… Aussitôt, l’étudiant recule, fait basculer sa chaise en arrière et s’appuie des deux mains sur le bureau pour se redresser, puis se réfugie très vite derrière une armoire dans le coin de la pièce. Dwayne et Michael l’entendent chuchoter quelque chose – de ces formules aux noms saugrenus, « Sothoth », « Nyarlathotep »…

 

À suivre…

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