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Croaaa, croaaa, ou laissez-moi déprimer

Publié le par Nébal

corbeau.jpg

 

 

Bon ben voilà.

 

J’ai ruminé, j’ai ruminé… et je craque. Je vais donc une fois de plus me ridiculiser en m’énervant pour rien et dans le vide. Pas grave. J’en ressens le besoin, c’est l’essentiel, je ne vois dès lors pas pourquoi je me priverais…

 

Donc, oui, vous pouvez très bien d’ores et déjà vous arrêter de lire, je ne vous en voudrais certainement pas.

 

 

Toujours là ?

 

Pervers.

 

OK.

 

Donc, à l’origine, il y a eu ce billet de Lionel Davoust sur son blog, billet qui a rencontré un grand succès et suscité moult commentaires laudateurs (je n’en attends certainement pas autant pour ce texticule-ci… mais après tout, je ne suis personne ; c’est donc dans l’ordre des choses).

 

Ce billet m’a cependant un tantinet agacé (peut-être pour de mauvaises raisons, c’est à débattre), et plus encore certains des commentaires qui l’ont suivi. Mais j’en viendrai à l’article à proprement parler et aux commentaires en question plus tard. Il me faut en effet prendre quelques précautions.

 

Alors, tout d’abord, je n’ai pas pour intention de vous faire déprimer. Vous êtes heureux ? Tant mieux ! Je ne souhaite que votre bonheur à tous… Une chose que j’ai justement tendance à reprocher à l’article en question, c’est son caractère d’injonction : « Vos gueules. » Je n’entends donc pas reproduire ici ce « défaut » que je condamne.

 

Seulement, c’est plus fort que moi, un réflexe adolescent, quand on me dit de la fermer, me pousse à l’ouvrir.

 

Je ne suis pas seulement un gamin porté sur l’auto-flagellation : je suis aussi – c’est diagnostiqué, j’entends – un dépressif. Je l’ai probablement toujours un peu été, mais cela fait en gros dix ans que l’on me suit pour cette maladie qui me pourrit la vie. Ne nous méprenons pas : je n’en tire certainement aucune fierté… Mais pas davantage de honte. C’est juste un fait. Et il sera pas mal question de faits, ici, ne portant en eux aucun jugement de valeur, mais pouvant à bon droit en entraîner. Justement : vous êtes libres. Alors ne vous en privez pas. Mais il me paraissait nécessaire de préciser ce point (qui, cela dit, doit ressortir de certains des articles plus traditionnels de ce blog…) : oui, j’ai tendance à voir les choses en noir. Je ne vous demande pas de faire de même.

 

Ceci étant, passons au fond du sujet. Quand j’ai lu le billet de Lionel Davoust, j’ai immédiatement – à tort à en croire l’auteur – eu une idée en tête : celle de la « pensée positive ». À vrai dire, ce n’est pas ce seul article qui m’a amené à cette conclusion peut-être un peu hâtive : j’avais déjà lu, sur le même blog, des articles concernant notamment l’écriture qui me paraissaient émettre le même son de cloche. C’est la conjonction de ces vieux articles et de celui d’aujourd’hui qui m’amène à parler de « pensée positive ».

 

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : l’optimisme philosophique n’a certes pas attendu la mystification pseudo-scientifique et très rentable du pasteur Norman Vincent Peale pour exister. Après tout, hein, pour me contenter d’un exemple qui parlera à tous, Candide vivait bien dans le meilleur des mondes possibles… En outre, si le caractère d’imposture de la « pensée positive » au sens strict n’est plus (ou ne devrait plus être…) à démontrer, je sais bien que certaines de ses supposées « méthodes » ont cours auprès d’instances a priori plus « légitimes ». Moi-même, dans le cadre de ma thérapie (oui, j’y reviens), j’ai ainsi subi pendant quelque temps, dans le cadre d’un groupe, les « jeux de rôle » (comme il les appelait, ce qui me fait rire jaune) d’un psychiatre cognitivo-comportementaliste. Bon… Ce fut un échec lamentable : je suis décidément imperméable à cette réflexion… et j’ajouterais que la thérapie cognitivo-comportementale me paraît être un triste rejeton du béhaviorisme, dont les maigres connaissances que j’en ai m’ont toujours fait froid dans le dos (brrr…).

 

Il n’en reste pas moins que, à la lecture de ce billet, c’est bien la « pensée positive » qui m’a sauté à la gueule (à tort ou à raison, là encore, je vous laisse libre de vous faire une opinion). Celle-ci (que j’ai pour ma part découvert avec ce chouette morceau d’Ethnician et, à peu près à la même époque, avec un hilarant court-métrage dont j’ai hélas perdu toute trace) a connu un très grand succès, je ne vous apprends rien, et continue de faire florès aujourd’hui. Tapez seulement – si vous l’osez – « think positive » ou « positive thinking » dans YouTube, et admirez. Oui, ces discours lénifiants rencontrent encore (peut-être même plus que jamais ?) beaucoup d’écho.

 

Moi, ils m’ont toujours donné envie de vomir…

 

Parce que voilà : désolé, mesdames et messieurs, mais le « You can get it if you really want » qui ressort du discours de la « pensée positive » et de l’article de Lionel Davoust (sans que je fasse nécessairement d’amalgame strict entre les deux), ben… c’est de la pensée magique. Pas « religieuse », comme on pouvait l’attendre de la part d’un pasteur (qui a rencontré néanmoins des objections théologiques, mais ça je m’en cogne un peu), mais bel et bien « magique ». Entendre par là l’idée suivante : si vous suivez un rituel précis, vous serez à même d’agir sur vous-même et sur le monde qui vous entoure. Cela dépasse en effet la simple perception : il s’agit bel et bien de changer le monde (après avoir changé soi-même). Si vous suivez la méthode de la « pensée positive », vous serez plus heureux… et le monde sera plus beau.

 

Foutaises.

 

Non, désolé, mais il ne suffit pas de vouloir une chose pour qu’elle se produise. Même avec ce machin si redoutable qu’est « l’effort ». Cette valorisation du travail (travail sur soi, et activité « extérieure »), bien de notre temps et de notre triste monde tragique, me répugne, pour des raisons politiques dont je vous ferai grâce. Mais surtout, philosophiquement et psychologiquement, je n’y crois tout simplement pas. Cette variation « matérielle » sur le vieux « aide-toi et le ciel t’aidera » me paraît au mieux illusoire, au pire dangereuse. Illusoire, parce qu’elle donne de faux espoirs ; dangereuse, parce qu’asséner ces faux espoirs au quidam, c’est lui donner, bien plus que l’occasion de réussir, celle de se vautrer et d’en souffrir, d'autant plus qu'on le rend ainsi seul responsable de son échec.

 

Je ne dis évidemment pas qu’il ne faut rien faire, parce que c’est pas la peine de toute façon, hein, bon. Certes, en bon dépressif, je suis porté (notamment en politique) sur « l’à-quoi-bonisme » ; mais c’est une vilaine tendance que j’essaye de combattre. C’est là le meilleur terme, je pense : il s’agit bien d’un combat contre soi-même. Du coup, ça ressemblerait presque à de la « pensée positive », me direz-vous ? Ben non. Parce que la perception des choses, de même que l’objectif à atteindre, n’ont rien à voir.

 

En effet, une autre chose que je reproche à la « pensée positive », et, si ce n’est au billet de Lionel Davoust, à certains commentaires édifiants qu’il a généré, c’est leur profond… égoïsme. Car, oui, à mon sens, si la dépression pousse à l’égocentrisme (je, je, je sais de quoi je, je, je parle), la « pensée positive » implique une sur-valorisation de soi qui équivaut au rejet du monde et des autres.

 

Ce qui est apparu clairement dans certains commentaire, mais me paraissait implicite dans le « vos gueules » adressé initialement aux corbeaux (dont votre serviteur ; oui, égocentrisme). Et c’est probablement là l’objet essentiel de cette beuglante mal structurée, vaine et probablement ridicule, réaction épidermique dont, je plaide coupable, je suis coutumier.

 

Les corbeaux ont ceci de fâcheux, semble-t-il, qu’ils vous plongent, avec leurs petites ailes, le nez dans le caca. Ils commentent (bêtement, bien sûr) l’actualité, ô combien réjouissante, et en tirent des conclusions sur l’état général du monde et son évolution probable que, nous dit-on, ils feraient mieux de garder pour eux.

 

Bien entendu, chacun est libre d’ignorer ce qui se passe autour de lui. Et, passé un certain stade, le commentaire de l’actualité est certes susceptible de participer d’une forme de voyeurisme morbide qu’on ne saurait encourager.

 

Mais – re-désolé –, moi, je, me, myself, I, refuse de porter des œillères « pour me sentir mieux ». Je refuse d’ignorer le monde au nom de mon seul confort personnel. Celui des autres ? Ben, vous n’êtes pas obligés de me lire, hein… Vous trouvez que je suis « déprimant » ? Je vous rétorquerais que c’est le monde qui l’est. Vous me dites que ouais ben c’est pas la peine d’en rajouter ou même tout simplement de le dire ? OK. Je ne vous oblige pas à m’approuver.

 

Mais de quel droit pouvez-vous m’ordonner de la fermer ?

 

Non. Je refuse de la fermer. Je préfère me révolter, m’indigner, même dans le vide, plutôt que de m’en foutre, ou de faire l’impasse sur ce qui me déplait pour cette seule et unique raison… que ça me déplait. Parce que cet égoïsme me répugne.

 

Je ne prétends certes pas, par le fait, être meilleur que les autres, ou détenir La Vérité. Je ne vous demande pas de faire comme moi. Je ne vous dis pas que vous vous en porterez mieux (certainement pas) ou que le monde s’en trouvera mieux (probablement pas). Encore une fois, libre à vous. Mais libre à moi de ne pas m’en foutre. Libre à moi de trouver le monde déprimant. Et de le dire.

 

C’est bien, du coup, ce qui au terme de ruminations longues et pénibles, m’a amené à dépasser le stade des simples sarcasmes idiots dont je m’étais contenté jusqu’à présent pour écrire ce billet (sans doute tout aussi idiot, mais je m’en fous). Que l’on puisse s’enthousiasmer pour une injonction de fermer sa gueule, ça m’énervait déjà un peu ; que l’on fasse l’éloge, directement ou indirectement, des méthodes de la « pensée positive », encore plus ; que l’on fasse celui de l’indifférence au monde, c’était plus que je ne pouvais en supporter.

 

Si le bonheur est à ce prix, je préfère me complaire dans le malheur.

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L
Je sors de mon anonymat de lectrice silencieuse pour appuyer ce post. Il n'est pas ridicule, il est même plutôt justifié. Je l'ai apprécié - il m'a poussé à commenter, c'est dire ! C'est très<br /> fort.<br /> <br /> Quand à cet article de L. Davoust... Eh bien il m'a fait me sentir coupable de dire à mon conjoint "Arrête de croire qu'un jour ton entreprise florira, trouve un vrai boulot, j'en ai marre<br /> d'assumer les finances pour nous deux". Après tout, je ne suis qu'une fille bassement vénale qui écrase les rêves des autres, visiblement...
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J
T'es plutôt Hugin ou Munin ?
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N
<br /> <br /> Plutôt le corbac de "Sandman", je sais plus comment il s'appelle... Matthew ?<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je ne suis ni dépressif (en ce moment, en tout cas), ni religieux, mais Amen.
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N
<br /> <br /> Alléluia, même.<br /> <br /> <br /> <br />