"Don't Be Afraid of the Dark", de Troy Nixey
Titre alternatif : No temas a la oscuridad.
Réalisateur : Troy Nixey.
Année : 2010.
Pays : USA / Australie / Mexique.
Genre : Fantastique / Horreur.
Durée : 99 min.
Acteurs principaux : Katie Holmes, Guy Pearce, Bailee Madison, Jack Thompson…
La jaquette, signée TF1 Vidéo, est un modèle de racolage malhonnête : il s’agit ici de faire péter aussi souvent que possible (et en gros, tant qu’à faire) le nom vendeur de Guillermo Del Toro, réalisateur que je trouve pour ma part très inégal, mais qui a su faire quelques jolies choses (comme Le Labyrinthe de Pan et plus encore L’Échine du diable), et nous a fait rêver un temps avec un démentiel projet d’adaptation des « Montagnes Hallucinées » de Lovecraft. Mais qu’on ne s’y trompe pas : malgré les apparences, ce Don’t Be Afraid of the Dark n’est pas un film de Guillermo Del Toro, qui se contente des rôles (pas anodins, certes, et qui lui permettent effectivement d’insuffler au film sa « patte ») de producteur et de co-scénariste (en notant toutefois qu’il s’agit là d’un remake d’un téléfilm de 1973) ; non, non, le réalisateur est le Canadien inconnu – pour moi, en tout cas – Troy Nixey, dont c’est le premier long-métrage.
Don’t Be Afraid of the Dark s’ouvre sur une scène à la fois terrible et un peu ridicule, qui semble a priori inscrire le film dans une sorte de « gothique latin », un peu dans la filiation d’un Mario Bava en forme (voyez par exemple ce putain de chef-d’œuvre – dans tous les sens du terme – qu’est Le Masque du démon) : aux États-Unis, dans une demeure aussi somptueuse qu’inquiétante (hélas un peu trop mise en valeur par une photographie à mes yeux trop lumineuse, problème récurrent du film sur lequel j’aurai l’occasion de revenir), un peintre naturaliste du nom – probablement pas choisi au hasard – de Blackwood tend un piège à sa servante pour lui arracher les dents et les donner à de mystérieuses créatures… qui s’emparent de lui.
Générique, assez joli. Puis l’on se retrouve de nos jours, à accompagner une petite fille du nom de Sally, qui vient s’installer chez son père Alex (Guy Pearce, incroyablement mauvais) et sa nouvelle compagne, la jeune Kim (Katie Holmes, correcte), décorateurs d’intérieur qui ont emménagé dans le manoir gogoth de Blackwood pour le retaper et espèrent bien en tirer gloire et fortune. Un point de départ qui, vous l’avouerez, n’est pas exactement d’une originalité foudroyante… Mais passons.
Bien évidemment, Sally fait sa grognonne dans cette famille recomposée qui lui est imposée par sa mère qui l’a « abandonnée », et cette petite conne de bientôt susciter un bordel monstre, en retrouvant la cave murée de la bâtisse, et en libérant les petites bestioles qui s’y cachent, sortes de ouistitis féeriques (jolis effets spéciaux, certes) inspirés – c’est revendiqué – d’Arthur Machen, qui l’invitent à venir jouer avec elles… comme elles ont « joué » avec le fils de Blackwood plus d’un siècle plus tôt.
Je vais faire comme les auteurs, et briser illico tout suspense : ce Don’t Be Afraid of the Dark est à mes yeux un film raté. Et ce pour plusieurs raisons. J’ai déjà évoqué le jeu désastreux de Guy Pearce, mais le reste de la distribution ne vaut le plus souvent guère mieux (sauf, à la limite, la gamine, qui joue… ben, comme une gamine, quoi). Mais le film souffre également au niveau de l’écriture – sur le thème du gosse confronté à son imaginaire noir et souffrant de la défaillance familiale, on privilégiera franchement les films d’Hideo Nakata, le Shining de Kubrick ou, plus proche dans l’esprit, le très beau Les Autres d’Alejandro Amenabar –, ainsi que du rythme, franchement hasardeux.
Mais le gros problème, à mon sens, est ailleurs : c’est que Don’t Be Afraid of the Dark est un peu le cul entre deux chaises, si ce n’est plus, ce qui nuit considérablement à son ambiance. Et la réalisation plan-plan de Troy Nixey n’arrange rien à l’affaire. On a l’impression que le film se cherche sans jamais vraiment parvenir à se trouver. Je parlais plus haut de « gothique latin » : c’était une erreur. En effet, le cadre gothique du film est étrangement sous-exploité, la faute notamment à une image beaucoup trop lumineuse, franchement inappropriée. Puis le film hésite entre un onirisme noir à la Guillermo Del Toro versant Labyrinthe de Pan (ou Burton première manière) et, en opposition totale, une horreur « graphique », très démonstrative. Et à mes yeux clairement trop démonstrative. On sent les auteurs très contents de leurs effets spéciaux (réussis, il est vrai, ainsi que je l’ai déjà dit) ; aussi Don’t Be Afraid of the Dark est-il un film où l’on voit tout, absolument tout, et ce très rapidement. Or ça ne passe pas, mais alors pas du tout. Impossible d’installer une ambiance dans ces conditions, et impossible surtout de faire peur : le film est entièrement dénué de suspense, hautement prévisible jusqu’à son final éculé, et le spectateur, qui s’habitue très tôt à voir les vilaines bébêtes partout, ne frissonne jamais à leur apparition, systématique ou presque. Aussi le film tente-t-il de faire dans l’horreur « presse-bouton », celle qui fait sursauter à coups de gros plans et de petites giclées de sang, mais c’est là aussi un échec. Notons d’ailleurs qu’il ne s’épargne du coup pas quelques scènes franchement ridicules, comme un étrange pastiche de Psychose avec la gamine dans sa baignoire… Pas d’ambiance, donc, ou trop d’hésitations à ce niveau pour qu’il puisse véritablement s’en instaurer une d’efficace.
Aussi se retrouve-t-on en définitive devant un énième film fantastique sans âme. C’est en effet surtout à ce niveau que Don’t Be Afraid of the Dark pèche : il est tristement dénué de personnalité (malgré l’apport de Del Toro), et ressemble à beaucoup de choses bien plus convaincantes, à la cheville desquelles il ne parvient jamais à se hisser. Une déception, donc, pour un petit film anodin qui ne mérite guère qu’on s’y attarde.
Commenter cet article