"Lieux secrets et vilains messieurs", de R.A. Lafferty
LAFFERTY (R.A.), Lieux secrets et vilains messieurs, [Does Anyone Else Have Something Further to Add?], traduit de l'américain par Roland Delouya, Paris, Denoël, coll. Présence du futur, [1961-1974] 1978, 253 p.
Poursuite de mon mini-cycle consacré à Raphaël Aloysius Lafferty, cette fois avec un recueil de nouvelles, alternant, comme son titre français l'indique, lieux secrets et vilains messieurs. Encore que les vilains messieurs rodent souvent dans les lieux secrets, ce qui rend la distinction parfois difficile... Mais bon : la quatrième de couverture nous a avertis, « Raisonneurs, s'abstenir ! » Ce qui est peut-être aller un peu loin. Mais cela traduit bien la difficulté inhérente à l'œuvre de Lafferty, qui ne me semble relever de la science-fiction que par défaut, tant le délire et la folie douce y priment sur la raison et la rigueur... Mais bon (re) : admettons, et voyons de la SF dans les 16 nouvelles composant ce bref recueil.
Il serait sans doute vain de les détailler par le menu, ce qui ne me facilite pas la tâche. Contentons-nous de quelques exemples : nous y découvrons la société secrète (encore !) du Crocodile, qui gouverne le monde depuis 8809 ans ; nous voyons comment et pourquoi rendre un homme fou furieux (cette nouvelle obtenant la palme de l'hilarité en ce qui me concerne) ; nous en apprenons beaucoup sur les îles flottantes et les pagodes roses ; nous traquons l'Abominable Homme Des Neiges à Boomer-les-Plaines ; nous revisitons le jardin d'Eden ; nous voyons ce qui arrive quand le monde tourne sur ses gonds ; et bien d'autres choses tout aussi délirantes...
Le recueil entier (ou presque) est placé sous le sceau de l'humour absurde, du nonsense le plus frénétique, et parfois grinçant. Difficile de trouver quoi que ce soit de rationnel dans tout ça... Mais bon, on a dit qu'on admettait, alors admettons. Ce qui est par contre certain, c'est que, en dépit d'une traduction qui m'a semblé parfois approximative et qui abuse de noms francisés (ce qui est un crime), on se marre bien à la lecture de Lieux secrets et vilains messieurs. La nouvelle semble le format idéal pour Lafferty, qui y exprime sans soucis son imagination sidérante, sa dinguerie fascinante. Aussi est-il impossible pour le lecteur de s'y ennuyer le moins du monde : tout va très vite, mais jamais trop vite ; les idées folles sont développées juste ce qu'il faut pour éviter que ça ne devienne lourd ou répétitif. Bref : j'ai l'impression qu'on tient là la quintessence de l'art de Lafferty. Et si j'y ai préféré Tous à Estrevin ! et Annales de Klepsis, il n'en reste pas moins que c'est là de la fort bonne SF humoristique, toujours aussi fraîche et percutante aujourd'hui.
C'est donc avec délice que j'ai lu ces Lieux secrets et vilains messieurs. Ne me reste plus, outre le livre d'or sur lequel je n'ai pas mis la main, que Chants de l'espace pour conclure mon mini-cycle. À bientôt...
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