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Adventures in Middle-Earth : Lonely Mountain Region Guide

Publié le par Nébal

 

Adventures in Middle-Earth : Lonely Mountain Region Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2019, 144 p.

 

Le supplément Lonely Mountain Region Guide pour Adventures in Middle-Earth est pour l’essentiel, et comme souvent, une transposition d’un supplément de la gamme de L’Anneau Unique, en l’espèce Erebor – Le Mont Solitaire. Or j’avais déjà chroniqué ce dernier, assez récemment (moins de six mois), et mon point de vue demeure essentiellement le même. Du coup, la majeure partie de cet article reprendra tel quel le précédent ; il y a toutefois quelques apports spécifiques dans le portage D&D5 de ce « guide », que je mentionnerai le cas échéant.

LA RÉGION JUSTE À CÔTÉ

 

Comme pour la gamme de L’Anneau Unique, la sortie relativement tardive de ce supplément consacré au Mont Solitaire et, en fait, aux régions environnantes, incluant la ville de Dale mais allant bien au-delà, au nord-est de la Forêt Noire, peut sembler étrange, dans la mesure où son absence jusqu’alors avait quelque chose… d’une anomalie ? La campagne « classique » d’Adventures in Middle-Earth comme de L’Anneau Unique débute peu ou prou au pied du Mont Solitaire : la proclamation de Bard, roi de Dale reconstruite, est un bon prétexte pour rassembler une compagnie, et la Ville du Lac, ou Esgaroth, à peine un peu plus au sud, est théoriquement le premier sanctuaire ouvert. Le Mont Solitaire est là, juste à côté, il domine l'horizon initial des PJ, mais il n’avait jusqu’alors pas eu droit à une description relativement approfondie – et, à vrai dire, il avait à peine eu droit à une description superficielle. Il en allait de même pour Dale, ce qui, à tout prendre, était bien plus problématique encore – car la cité de Bard est « ouverte », bien plus accessible que le riche et puissant royaume nain d'Erebor ! Il était donc un peu handicapant, dans le contexte de base des Terres Sauvages, de ne pas avoir véritablement d’éléments de background concernant Erebor et Dale, qui en sont indubitablement le cœur civilisé…

 

Dès lors, à la différence de Fondcombe/Les Vestiges du Nord, ou plutôt ici Rivendell Region Guide/Eriador Adventures, le Lonely Mountain Region Guide est un supplément utile dès le début d’une campagne « classique » dans les Terres Sauvages – il faut d’ailleurs relever qu’il s’insère dans la chronologie initiale de la gamme, débutant cinq ans après la Bataille des Cinq Armées, et permettant d’enchaîner Wilderland Adventures et Mirkwood Campaign, là où les suppléments consacrés à l’Eriador adoptent une chronologie plus tardive, illustrant plus ouvertement le retour de Sauron aux affaires

 

Mais cette chronologie, dans le contexte du Lonely Mountain Region Guide, est semble-t-il conçue avant tout pour une autre campagne, alternative, dont la version pour L’Anneau Unique a été publiée en anglais sous le titre The Laughter of Dragons (la transposition pour Adventures in Middle-Earth n’existe pas encore). Je n’ai pas lu cette campagne, et ne peux donc pas en dire davantage ici.

 

LE MONT SOLITAIRE ET SA BANLIEUE

 

On peut distinguer trois ensembles dans ce supplément, qui regroupent des chapitres épars. Le premier, assez logiquement, est essentiellement géographique, mais a sa part de développements historiques et n’est pas totalement dépourvu d’éléments techniques (bien dosés). Il s’agit donc de décrire la région couverte par le supplément, en trois chapitres : le premier consacré au Mont Solitaire à proprement parler, le second à la ville de Dale immédiatement au sud, le troisième traitant des régions environnantes.

 

C’est du bon voire très bon boulot : Erebor et Dale ont droit à leurs très jolies cartes (même si celle du Mont Solitaire est forcément « insuffisante », en ce qu’elle n’illustre pas vraiment l’idée d’un royaume « en trois dimensions », si j’ose m’exprimer ainsi – cependant, elle a quelque chose de démesuré qui fascine, et c’est bien le propos), et, passé les rappels historiques particulièrement utiles dans ce contexte (et qui résonneront, plus loin, avec les développements consacrés au passé tragique des nains, toujours à vif), la description des principaux lieux est bien gérée : le lecteur n’est pas noyé sous les informations, mais en a amplement assez pour savoir quoi faire de tout ça.

 

Le cas d’Erebor est peut-être un minimum problématique, car, à tout prendre, les joueurs (non nains ?) ne sont pas censés y avoir aussi facilement accès qu’à Dale – ouvrir le sanctuaire d’Erebor demandera sans doute du temps et des efforts, mais, après tout, c’est dans l’ordre des choses… Et, comme de juste, cela permettra alors aux PJ de « débloquer » très vidéoludiquement de nouvelles entreprises pour la phase de communauté : les chapitres consacrés à Erebor et à Dale s’achèvent sur ce genre de développements, de manière pertinente – j’aime bien, notamment, cette idée de la « forge naine », une sorte de « super-entreprise » courant sur plusieurs phases de communauté, et qui voit un PJ s’appliquer à la confection d’une arme vraiment exceptionnelle…

 

Les descriptions d’Erebor comme de Dale abondent en PNJ joliment décrits – Erebor est particulièrement bien servi à cet égard, car c’est l’occasion de s’instruire du sort des compagnons du Hobbit qui ont survécu à la Bataille des Cinq Armées, et qui ont tous leur personnalité (osera-t-on dire : bien plus que dans le roman de Tolkien ?) ; mais il faut aussi relever que les deux monarques de ces puissants royaumes, respectivement Dáin Pied-d’Acier et Bard le Tueur de Dragon, ont du caractère, ce qui en fait des PNJ très intéressants, et des garants potentiels à la forte personnalité.

 

La description des régions environnantes, enfin, est tout à fait réussie – et complète utilement le Rhovanion Region Guide. Nous avons droit à des environnements variés, des Terres Septentrionales de Dale à reconquérir par la charrue plutôt que par l’épée, à la Brande Desséchée mystérieuse et terriblement angoissante. Chaque région a droit à ses lieux et PNJ notables, allant du brigand… au dragon, bien sûr.

 

LA TRAGIQUE GLOIRE DES NAINS

 

Mais je reviendrai aux dragons plus tard. Le deuxième ensemble que j’ai envie de singulariser dans ce supplément porte en effet sur les nains. Bien évidemment, la description d’Erebor au sens strict les met en avant, mais cela va bien au-delà, puisqu’il faut y ajouter encore d’autres chapitres.

 

Il y a, notamment, deux nouvelles cultures naines jouables – ou pas tout à fait : l’une des deux, les Nains des Monts du Fer, n’est pas spécialement inédite, mais brode (amplement) sur la « sous-catégorie » correspondante associée jusqu’alors aux Nains du Mont Solitaire, la culture naine initiale de la gamme, dans le Player's Guide ; c’est intéressant, cela dit, et sans doute bienvenu – même si la refondation extrêmement récente du Royaume Sous la Montagne rend parfois la distinction entre les cultures naines, et tout spécialement ces deux-là, un peu spécieuse. À vrai dire, d’une manière ou d’une autre, elles demeurent proches.

 

La nouvelle culture naine véritablement inédite, les Nains des Montagnes Grises, se singularise davantage, et j’aime bien leur caractère d'errants frustrés et rancuniers, leurs royaumes ayant été anéantis par les dragons, et leur désir de réclamer leur héritage n’étant que plus fort après la mort de Smaug – or ce désir maniaque de retour au pays peut les amener à se montrer assez pénibles pour certains des Libres Peuples du Nord, tout particulièrement les Bardides et les Elfes de la Forêt Noire… Un bon moyen de foutre le bordel ! Les Nains des Montagnes Grises, comme les Nains des Montagnes Bleues du Bree-Land Region Guide, offrent ainsi davantage de variété aux joueurs désireux d'incarner des nains – et il est appréciable que nous disposions maintenant de quatre cultures naines jouables, au lieu d’une seule se scindant plus ou moins logiquement en deux sous-catégories.

 

Mais les nains et leurs cultures sont au cœur de deux autres chapitres encore de ce supplément. Le premier porte sur « le trésor des nains », et complète utilement les développements consacrés aux objets « magiques » amorcés dans le Loremaster’s Guide et (considérablement) augmentés dans le Rivendell Region Guide (auquel il faudra probablement se référer, c’est à noter) ; et, comme dans ce précédent supplément, ce qui pouvait m’inquiéter un peu vu de loin s’avère très bien fait dès l’instant qu’on s’y attarde – c’est une fois de plus une démonstration du beau travail d’adaptation réalisé dans les gammes cousines de L’Anneau Unique et d’Adventures in Middle-Earth, qui se montre souvent bien plus subtil qu’il n’y paraît, et en tout cas toujours pertinent. À vrai dire, plus que jamais, l’insistance sur le brio des réalisations naines, et tout particulièrement des plus antiques, est un élément de caractérisation essentiel notamment (mais pas seulement, en fin de compte) pour les personnages nains, et tout à fait bienvenu. À noter, on trouve dans ces pages des exemples ou suggestions d’objets légendaires et d’armes et armures merveilleuses issus de l’artisanat nain le plus raffiné (ainsi que d’autres plus spécifiquement destinés à affronter les dragons).

 

Or le supplément en rajoute en dernier ressort une ultime couche à cet égard, avec un chapitre consacré à « la guerre des nains et des orques », dont l’intérêt me paraît essentiellement fluff, mais qui a aussi ses implications éventuellement techniques, sous forme de rancunes irrémédiables, de rêves traumatisants, d’artefacts perdus et de sources de corruption en pagaille… Oui, tout cela est très intéressant, et très juste.

 

LES COUSINS DE SMAUG

 

Reste un ultime aspect de ce supplément, qui, à la fois, coule de source, et est à manier avec beaucoup de précautions : les dragons… L’ombre de Smaug le Doré plane sur le Mont Solitaire, même après sa mort – les dragons, même si Tolkien en parle assez peu au-delà dans le Troisième Âge (il en va tout autrement du Premier), sont encore une réalité bien présente après le haut fait de Bard, qui lui a valu de devenir roi. Les nains ont considérablement souffert des déprédations des grands vers bien avant que Smaug ne se rue sur le Mont Solitaire : les royaumes nains des Montagnes Grises ont été anéantis par les dragons – et la Brande Desséchée, cette vallée embrumée dissimulée au cœur de la branche orientale des Montagnes Grises, abrite nombre de ces créatures titanesques… à quelque chose comme 150 kilomètres, à peine, au nord d’Erebor et de Dale. La menace draconique pèse donc sur les Peuples Libres du Nord, même après la mort de Smaug. Il n’est peut-être qu’une chose pour les en préserver, temporairement du moins : une sorte de « darwinisme » acharné qui voit les dragons lutter entre eux dans cette région. Mais, oui, les dragons sont donc toujours une réalité durant l’époque de jeu.

 

Les dragons sont des PNJ hors-normes, des antagonistes extrêmement puissants, et il n’y a guère que le balrog de la Moria, aka Le Fléau de Durin (ça tombe bien), pour rivaliser en puissance. Il fallait bien un Bard pour faire tomber Smaug, et les PJ ont déjà fort à faire avec une adversité plus « classique » : ils ne sont à vue de nez pas censés être aussi forts que les classiques héros de Donj’ à très haut niveau, qui cassent des divinités et demi-dieux au p'tit déj’.

 

Je suppose que ce chapitre s’en tire plutôt bien et pourrait – oui, pourrait – s’avérer malgré tout utile en jeu (il est de toute façon d’une lecture intéressante, hein, l’écologie des dragons fascine, et le jeu sur les rumeurs les concernant, vraies comme fausses, est très malin, et utilisable dans une campagne même sans véritablement y faire figurer un dragon en tant que PNJ à meuler, je suppose). Car l’accent est mis sur un système de création destiné à concocter des dragons qui soient vraiment des antagonistes singuliers : chaque dragon est unique – et, par-là, il ne faut pas entendre seulement sa liste de pouvoirs destructeurs, mais tout autant ses traits de personnalité, qui, régulièrement, peuvent en définitive jouer contre lui : nombre de dragons sont sensibles à la flatterie, d’autres sont joueurs au point où cela pourrait leur nuire considérablement, certains s’avèrent très lâches en dépit de leur puissance remarquable, etc. Quelques exemples en sont fournis, en fin de chapitre (dont des versions « augmentées » du mystérieux Dragon de la Forêt Noire, qui apparaissait dans le Rhovanion Region Guide ainsi que dans Mirkwood Campaign, et de l'arrogant Raenar, issu quant à lui de Wilderland Adventures), et, oui, ils ont vraiment de la personnalité, et témoignent en même temps des diverses manières de faire figurer un dragon dans une campagne – de l’archétype essentiellement solitaire au chef suprême d’une bande de gobelins terrorisés, en passant par la créature de la Brande Desséchée engagée dans une lutte à mort pour la survie du plus apte.

 

Ici, j’ai l’impression, toutefois, que le présent supplément pour Adventures in Middle-Earth, soit un truc à base de Donjons & (eh) Dragons, a une composante martiale/tactique plus marquée que son équivalent pour L’Anneau Unique : la perspective d’y affronter un dragon n’y est pas vraiment plus probable, mais les outils sont là, le cas échéant, pour un gros combat épique avec un (putain de) grand ver. Ça n’est à vue de nez pas ce que j’ai envie de faire, et à vrai dire je me pince un peu le nez en l’écrivant, mais, pour d’autres… et sait-on jamais ?

 

Un point intéressant à cet égard prolonge plus concrètement l’idée des « défauts » bienvenus des dragons : tous ont leur faiblesse – comme cette écaille manquante qui a permis à la Flèche Noire de Bard d’abattre Smaug… Alors, peut-être que les PJ pourraient en profiter ? Même si peut-être dans une moindre mesure que pour L’Anneau Unique, ce sera probablement le seul moyen, pour des joueurs, d’abattre un dragon – ils ne peuvent pas se contenter, espérons-le, d’être des barbares niveau quarante-douze qui meulent dans la cuirasse de gemmes à la hache à deux mains (si vous le voulez bien)… Mais cette approche correspond pleinement à la manière d'envisager l'héroïsme dans cette gamme comme chez Tolkien, je suppose : l'adversité est élevée, mais les hauts faits épiques, s'ils demeurent par essence exceptionnels, sont possibles.

 

Alors je suppose que c’est tout de même plus subtil et malin que ça n’en a tout d’abord l’air, et que c’est une adaptation réfléchie de l’œuvre tolkiénienne. Finalement, on peut sans doute en tirer quelque chose en jeu, oui – et quelque chose de chouette… Il faudra compléter avec The Laughter of Dragons, j’imagine.

 

VOYAGE, VOYAGE, PLUS LOIN QUE LA NUIT ET LE JOUR

 

Le Lonely Mountain Region Guide est pour l’essentiel une transposition fidèle d’Erebor – Le Mont Solitaire. Ceci étant, le système très différent change forcément la donne sur bien des points, même si cela n’appelle pas vraiment davantage de développements dans pareille chronique. Demeure tout de même ce point : Adventures in Middle-Earth a décidément une approche davantage martiale et/ou tactique que L’Anneau Unique – ce qui ressort plus particulièrement du chapitre consacré aux dragons, je suppose. Et cela me pose toujours un peu problème… Mais je suppose qu’il faudra s’en accommoder, et qu’un peu de travail permettra de reléguer de côté les excès les plus donjonesques pour préserver la saveur proprement tolkiénienne d’une campagne en Terre du Milieu, D&D5 ou pas.

 

Les apports véritablement spécifiques sont donc limités. À vrai dire, ils ne concernent guère qu’un seul chapitre, devenu coutumier dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth, et qui adapte les événements de voyage au contenu du supplément. C’est toujours une aussi bonne idée, un apport vraiment bienvenu (en revanche, les quatre petits paragraphes qui suggèrent de faire des « événements de voyage urbain » ne sont pas d’une très grande utilité).

 

DRAGON DOWN

 

Au final, à l’instar de son modèle Erebor – Le Mont Solitaire, le Lonely Mountain Region Guide s’avère donc un supplément convaincant, s’inscrivant très bien dans une gamme dont la qualité est de toute façon globalement élevée.

 

Et, au passage, comme pour toute la gamme, il faut louer la beauté du livre, clair, aéré, et émaillé d’illustrations de qualité.

 

À suivre un de ces jours – probablement avec la transposition de The Laughter of Dragons ? On verra bien.

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