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"Crépuscule Vaudou", de Jean-Marc Lofficier

Publié le par Nébal

 

LOFFICIER (Jean-Marc), Crépuscule Vaudou, [s.l.], Baleine, coll. Club Van Helsing, 2008, 187 p.

 

Où l’on attaque la deuxième saison du CVH, avec ce premier titre dû à la plume de Jean-Marc Lofficier (à moins que le premier ne soit La Nuit du Minotaure de Paul Halter ? Pfff, je m’y paume… Pas grave, de toute façon, j’avions déjà lu les deux, en attendant Saigneur des loups de Pierre Grimbert). Acheté lors de la sympathique séance de dédicace déjà évoquée à l’occasion de mon compte rendu de Cold Gotha, Crépuscule Vaudou s’annonçait en ce qui me concerne sous les meilleurs auspices : auteur qui affiche clairement son goût pour la « littérature populaire », SF, fantastique ou polar, ainsi au sein de la collection Rivière blanche qu’il dirige chez Black Coat Press avec Philippe Ward, le souriant Jean-Marc Lofficier est aussi scénariste de bandes-dessinées, comics inclus (chez Marvel et DC, tant qu’à faire) ; son CVH adopte un chouette cadre louisianais très détaillé (décidément…), avec des vrais morceaux de vaudou dedans (donc), et de zombies tant qu’à faire.

 

Or, qu’on se le dise, Nébal aime les zombies.

 

Qu’on se le dise.

 

Août 2005. Tout commence dans la joie et les hurlements, avec des bouts de tripes qui volent, quand un jeune crétin de la Nouvelle-Orléans pète les plombs pour avoir trop joué aux jeux-vidéos (‘fin… y paraît…) et se met à tirer sur tout ce qui bouge en braillant les yeux exorbités : « Longue vie au Seigneur Zaryan ! » Bilan : 14 victimes (et un lecteur qui ricane bêtement et agréablement). Un des cadavres nous intéresse plus particulièrement : celui d’Ohisver van Helsing, l’oncle de Hugo, et dernier représentant de la branche américaine des van Helsing.

 

Hugo se rend donc à la Nouvelle-Orléans, accompagné de son avocat hippie Zigor Side (plus proche ici de la version qu’en avait donné Xavier Mauméjean dans Freakshow!, et donc bien autrement sympathique et attachant que ses illustrations par Guillaume Lebeau et l'ignoble Philip Le Roy), pour régler quelques petits problèmes de succession. Un certain M. Legendre prétend en effet s’être associé avec le défunt pour une vague histoire de concession minière en Haïti, et bénéficier d’une hypothèque sur Saint-Amadou, LA maison des van Helsing. Celle où Hugo avait passé son enfance, avant de quitter son oncle en mauvais termes, le patriarche craignant que le dernier rejeton du clan ne lui fasse pas honneur, tant il semblait trouver plus d’intérêts aux albums de Judas Priest qu’à la chasse aux monstres… Bien évidemment, les deux hommes n’ont pas eu le temps de se réconcilier.

 

Quoi qu’il en soit, Hugo n’entend pas lâcher aussi facilement Saint-Amadou. Il se méfie de cet étrange M. Legendre… et il a bien raison. L’Haïtien est un dangereux sorcier vaudou, désireux de s’approprier une précieuse relique conservée dans la vieille bâtisse, et à même d’en faire littéralement un Dieu ! Hugo van Helsing et Zigor Side, aidés notamment par le fidèle Zaka et la célèbre et inquiétante Marie Laveau, la plus fameuse des prêtresses vaudoues, comptent bien s’opposer de toutes leurs forces aux sinistres ambitions de Legendre… lequel, en attendant de mettre la main sur la relique du Baron Samedi conservée à Saint-Amadou, dispose déjà de quoi exercer un terrible chantage : l’ouragan Katrina est sur le point de frapper la Louisiane, et ce n’est certainement pas une coïncidence…

 

Une fois n’est pas coutume, on va commencer par les défauts. En notant tout d’abord, oui, certes, évidemment, bien sûr, aucun doute là-dessus, que Crépuscule vaudou n’a pas pour ambition de faire dans la « grande littérature » ou « d’élever » son lecteur : c’est un roman qui ne vise qu’au pur divertissement, oui, certes, évidemment, bien sûr, aucun doute là-dessus ; et ce n’est certainement pas un défaut. De même pour ce qui est du style : Jean-Marc Lofficier ne brille certainement pas par la finesse de l’écriture, mais ne pique pas non plus les yeux, contrairement au consternant Le Roy

Ceci étant, Crépuscule Vaudou n’est pas sans maladresses à l’occasion : étrange idée, déjà (mais ce n’est qu’un détail), de présenter la majeure partie des chapitres comme étant tirés du journal de Hugo van Helsing ; pour tout dire, c’est pas franchement crédible… Il en va de même, et c’est plus gênant, de certains rebondissements clairement saugrenus (ainsi de la conversation ralliant le jeune Jonathan Hamilton au camp des van Helsing…). Pour continuer dans les twists, si certains sont très réussis (Zigor…), d’autres sont un brin téléphonés (Zaka…). J’ajouterais également que, sur le plan formel, l’abandon de la première personne (du « journal ») vers la fin du roman m’a semblé un peu maladroit… d’autant que cette brève scène joue la carte de la théorie du complot avec Katrina. Certes, dans l’optique du CVH, c’est parfaitement acceptable ; mais – et sans doute les maladresses commises par Guillaume Lebeau et a fortiori l'épouvantable Philip Le Roy à propos du 11-Septembre n’y sont-elles pas pour rien – on n’en retire pas moins un certain arrière-goût désagréable, d’autant que, pour dire les choses comme elles sont, c’était franchement dispensable… Dernière remarque, mais qui n’engage que moi : j’ai un peu regretté le côté très « sage » de Crépuscule Vaudou, avec son langage très chaste – ce qui m'a surpris, après Léviatown, mais ça fait des vacances, en même temps… – et sa violence finalement plutôt contenue, là où j’aurais bien aimé davantage de gore… Bon, je pinaille, là.

 

Et la plupart de ces critiques ne portent que sur des points de détail. Crépuscule Vaudou est bien à mon sens un divertissement très correct, un CVH efficace dont j’ai retiré un indéniable plaisir de lecture, et c’est bien suffisant. Plusieurs éléments plaident en effet en faveur du roman de Jean-Marc Lofficier. Tout d’abord – et c’est vraiment le point qu’il me semble indispensable de mettre en avant –, le cadre est excellent : les détails pittoresques abondent, concernant tant la Louisiane en général que la Nouvelle-Orléans en particulier, mais avec un sens de la mesure qui évite le trop-plein façon « guide touristique » (malgré les parfois très dispensables notes de bas de page qui me semblent décidément un peu trop fréquentes dans la série...) pour ne pas noyer le récit ; le fait est que l’on s’y croirait… Il en va de même pour ce qui est du vaudou, qui n’est pas ici un simple vocable passe-partout servant de prétexte à l’histoire – à la différence des néanmoins réjouissants nanars zombifiques italiens… –, mais correspond à une réalité solide et bien documentée. Enfin, Jean-Marc Lofficier parvient à insérer son récit dans la méta-histoire du CVH avec une certaine astuce (on est bien loin de l’immondice de Léviatown…).

 

Dans la même lignée, on notera que les personnages sont très réussis, malgré leur côté archétypal un peu forcé : on en apprend cette fois vraiment pas mal sur Hugo van Helsing, dont on pouvait regretter la franche platitude dans les opus précédents, y compris ceux qui le mettaient au premier plan (Cold Gotha et Freakshow! ; une fois de plus, la seule véritable réussite de la première saison le concernant était à mon sens Délires d’Orphée de Catherine Dufour), même s'il est peut-être un peu trop sentimental pour le coup... Zigor Side, comme déjà noté précédemment, est fort sympathique, ma foi ; Marie Laveau, quant à elle, est très charismatique, et passablement inquiétante ; quant à Legendre, il fait un adversaire très correct, tantôt séduisant comme un bon « méchant » hitchcockien, tantôt effrayant dans sa mégalomanie délirante, et toujours dangereux.

 

Enfin, Jean-Marc Lofficier joue pleinement le jeu du roman de gare avec un indéniable professionnalisme : il sait ainsi faire monter la tension (notamment avec Katrina en arrière-plan, les ravages causés par l’ouragan étant d’ailleurs présentés avec une certaine subtilité bienvenue, évitant le racolage pour pointer du doigt les vraies responsabilités et les vrais drames – en-dehors, bien sûr, du maladroit écart final déjà envisagé), l’entretenir, et s’amuser à l’occasion avec les codes du genre, que ce soit pour s’y plier (Zaka, donc…) ou pour les malmener (« Ouf ! Ce n’était qu’un rêve ! », et Zigor, bien sûr…). Cerise sur le gâteau qui, jusqu’à présent, a toujours distingué les meilleurs CVH des pires : Crépuscule Vaudou ne se prend pas trop au sérieux, et ne manque pas d’humour. C’est souvent drôle, et c’est tant mieux.

 

J’accorderais d’ailleurs pour ma part une mention spéciale à la fort sympathique friandise figurant en appendice (pp. 177-[197]), petite historique des hauts-faits de la branche américaine des van Helsing, saturée de références jubilatoires (surtout, et de loin, lovecraftiennes, mais on y croise aussi Edgar Poe, Washington Irving, Autant en emporte le vent, Le Magicien d’Oz, Angel Heart – ce dernier dès le corps du roman, à vrai dire, avec le personnage d’Ascension Proudfoot… –, etc.), qui en font un chouette jeu de piste, un peu à la manière de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires du Divin Alan Moore.

En ce qui me concerne, Crépuscule Vaudou est donc plutôt une réussite. Oh, rien d’exceptionnel ou d’indispensable, hein ; mais un roman de gare honnête et divertissant, qui, pour peu que l’on soit bon public, saura distraire agréablement son lecteur. Moi, ça me va très bien.

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