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"Le Chant du Monstre", n° 1

Publié le par Nébal

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Le Chant du Monstre, n° 1, Paris, Intervalles, novembre 2012, 123 p.

 

Encore une découverte due à la librairie Charybde, qui avait fait comme qui dirait un certain lobbying en faveur de cette revue toute nouvelle toute belle (c’est rien de le dire : l’objet, au format iconoclaste, est franchement sublime) avant même la soirée qu’elle lui consacra ainsi qu’au Visage Vert. Je ne pouvais donc pas décemment passer à côté de cette revue de « création littéraire & curiosités graphiques », projet enthousiaste de Sophie Duc, Angélique Joyau et Céline Pévrier, visant à casser les frontières entre les arts et qui, ma foi, fait ça très bien, je peux d’ores et déjà vous le dire, bien que ne faisant sans doute pas partie du « cœur de cible » de la chose (mais j’y reviendrai).

 

La revue est organisée en six rubriques d’ampleur variable. On commence avec « Affinités électives », qui s’intéresse aux éditeurs « autres ». Cette fois, c’est Monsieur Toussaint Louverture qui s’y colle, un choix logique eu égard aux ambitions du Chant du Monstre, tant la maison de Dominique Bordes fait preuve d’exigence littéraire fonctionnant au coup de cœur, sans jamais négliger l’objet-livre pour autant, ainsi qu’en témoigne à merveille Enig Marcheur de Russell Hoban, que je ne vous recommanderai jamais assez. On commence donc avec une passionnante et passionnée interview de Dominique Bordes, suivie de trois extraits de productions maison (dont Enig Marcheur). Tout cela est plus qu’alléchant, et milite intelligemment en faveur d’une édition différente, dont Monsieur Toussaint Louverture est un représentant idéal.

 

Avec la rubrique « Alchimie », on est peut-être au cœur des préoccupations de la revue, puisqu’il s’agit bien ici de donner la parole à des couples d’auteurs mêlant littérature et graphisme. Au programme, deux poèmes illustrés. Si vous fréquentez quelque peu ce blog interlope, vous savez sans doute à quel point je suis réfractaire à la polésie, aussi ne suis-je guère en mesure de porter une appréciation un tant soi peu judicieuse sur ces textes… Mais visuellement, quelle claque ! « Géants » de Donatien Garnier & Guillaume Bullat est à cet égard une véritable merveille (j’avoue avoir été sur ce plan moins séduit par « Ce sera suffisant » de Thomas Vinau & Émilie Alenda, mais ça reste de la belle ouvrage).

 

Suit « Seul contre tous », rubrique destinée à « donner un coup de pied dans la fourmilière » de l’édition. La parole est à Fabrice Colin, qui, dans « Ne m’invite pas à déjeuner David », livre une chronique acide, tout droit échappée du Golden Path dont on retrouve bien le ton, qui « questionne les adoubements et excommunications prononcés par la critique littéraire » Au menu, David Foenkinos et Guillaume Musso. Si.

 

« Ex-qui ? » s’intéresse aux auteurs morts mais dont la plume est toujours bien vivante. La rubrique est, pour cette première occurrence, consacrée à Kathy Acker et à son Don Quichotte. Le portrait (en plagiat/sampling, bien sûr) de cette terroriste littéraire est passionnant (au passage, le sampling définit bien Le Chant du Monstre en général ; rien d’étonnant, du coup, si…). Suivent trois extraits : si le premier (« L’Avortement de Don Quichotte ») m’a paru tout à fait remarquable, j’avouerai cependant que la suite, pouvant évoquer William Burroughs (forcément), mais aussi La Foire aux atrocités de J.G. Ballard, m’a laissé assez froid ; trop expérimental pour ma pomme, sans doute…

 

On passe alors au « Cabinet de curiosités », collection de bizarreries dénichées en librairie ou sur le ouèbe. Les dessins de Frédéric Noël, à l’imaginaire enfantin perverti (ou bien… ?) sont tout à fait intéressants. Suit un autre duo écrivain/graphiste, avec Géométrie dans la poussière de Pierre Senges & Killoffer : c’est à nouveau très beau sur le plan visuel, mais je ne suis une fois de plus pas en mesure de critiquer de manière pertinente le texte…

 

Et puis il y a « Parce que ! », dernière rubrique sans autre justification que celle de l’enthousiasme (la meilleure justification possible, donc : « certains choix ne se défendent plus tant ils semblent évidents »). Une nouvelle de Pierre Terzian intitulée « À manger pour les cailloux », préfigurant la Crevasse de l’auteur. Belle plume, sujet qui, ai-je trouvé, entre bizarrement (ou pas) en résonance avec le début du Don Quichotte de Kathy Acker, mais j’avoue n’avoir pas adhéré plus que ça.

 

C’est que c’est pointu, tout ça. Exigeant. Ce n’est pas une critique, juste un constat. Il y a dans Le Chant du Monstre un goût de la création littéraire (et plus puisque affinités) la plus extrémiste, la moins sage ; ce qui est bien. Mais, du coup, ça ne m’a pas toujours parlé, ça allait parfois (souvent ?) trop loin pour mon pauvre petit moi… Non, je crois très franchement, même si je l’ai lu dans l’ensemble avec plaisir et si j’en ai pris plein les mirettes, que Le Chant du Monstre s’adresse à un public dont je ne fais pas vraiment partie. Je reconnais cependant la très grande qualité de la chose, le travail étonnant qu’elle représente, et son audace rafraîchissante. Je ne peux donc que souhaiter longue vie et prospérité à cette revue différente et passionnée, le plus sincèrement du monde, tout en n’étant pas certain de poursuivre l’aventure de mon côté ; mais on verra : je suis faible…

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