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Adventures in Middle-Earth : Eaves of Mirkwood & Loremaster's Screen

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Eaves of Mirkwood & Loremaster's Screen

Adventures in Middle-Earth: Eaves of Mirkwood & Loremaster’s Screen, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 31 p. + écran quatre volets

L’ÉCRAN DU MAÎTRE DE JEU

 

Je poursuis l’exploration de la gamme d’Adventures in Middle-Earth avec un autre petit supplément +¨matos bonus, après The Road Goes Ever On et ses cartes : cette fois, c’est du traditionnel écran du MJ qu’il s’agit, qui est accompagné d’un livret d’une trentaine de pages consistant essentiellement en un scénario d’introduction, sauf erreur totalement inédit (au sens où il ne s’agit pas de transposer quelque chose qui existait dans la gamme de L’Anneau Unique).

 

Comme parler du scénario impliquera de balancer quelques SPOILERS, autant commencer par le reste. Et d’abord cet écran (en précisant, comme pour The Road Goes Ever On, qu’ayant lu ce supplément en pdf, je ne peux pas juger de la qualité matérielle de cet écran).

 

Il est un peu problématique, à plus d’un titre… Déjà, il reprend, côté joueurs, l’illustration de l’écran de L’Anneau Unique (dans Écran du Gardien des Légendes et Guide de la Ville du Lac – ledit guide, au passage, ayant été intégré pour Adventures in Middle-Earth dans le Loremaster’s Guide), avec le même inconvénient : cette vue de la Ville du Lac est très jolie, mais elle n’est vraiment pas, absolument pas, représentative de l’atmosphère « normale » du jeu, focalisé sur les voyages dans les Terres Sauvages, autant dire des zones où la densité de population est par essence extrêmement faible – Esgaroth est une exception dans cet univers… Cette remarque de bon sens était très répandue du temps du supplément de L’Anneau Unique, mais Cubicle 7 n’en a pas moins simplement repris cette illustration. Dommage…

 

Et côté MJ ? Dans l’ordre, le premier panneau est principalement occupé par la table des attitudes de départ des diverses cultures (probablement très utile), avec en complément la table de la progression de l’Ombre chez les personnages (très certainement inutile sur un écran). Le panneau 2 est presque intégralement consacré aux sources de corruption (OK...), avec aussi un index des règles de référence (admettons). Le panneau 3 est consacré à un récapitulatif des règles spéciales portant sur les voyages, les audiences et la corruption (décidément…), avec aussi un bref listage (pour le coup totalement inutile – c’est un mini-index qui porte sur trois pages seulement du Player’s Guide...) des entreprises de communauté « génériques ». Enfin, le dernier panneau comprend les tables « brutes » pour les jets d’embarquement et d’arrivée lors des voyages, ce qui peut le faire.

 

Et donc, oui : cet écran ne comprend que des éléments propres à la gamme d’Adventures in Middle-Earth – rien ne renvoie à D&D5, là où certaines données du corpus de règles auraient été fort utiles (les états et conditions, notamment). Il semblerait que se posait un problème de licence (impliquant de reproduire toute la licence OGL dans l’écran, un truc comme ça ?), mais du coup cet écran n’est pas forcément des plus pratique en jeu – d’aucuns le doubleront en fait avec l’écran de D&D5, je suppose, une solution pas forcément très ergonomique ni élégante. Enfin, si l’on a besoin d’un écran, en même temps...

 

RÈGLES OPTIONNELLES (OU ERRATA ?) DE CLASSES

 

Rapidement – mais cela peut avoir son importance : ce supplément contient un élément complémentaire qualifié de « règles optionnelles » pour les classes d’érudits et de gardiens ; en fait de « règles optionnelles », certains parlent plus ouvertement d’errata… Il s’agirait d’équilibrer un peu plus ces deux classes – ce qui, globalement, revient en fait à les rendre plus puissantes. Je suppose que cette évolution a été suggérée par des retours d’expérience quant à ce déséquilibre des classes, mais, en même temps, ça me gêne un chouia – j’étais déjà pas fan de la guérison plus ou moins magique dans le Player’s Guide, là l’orientation devient décidément très « guérisseur de Donj ou de meuporg »… Bon, si c’est utile, en pratique, OK, mais...

 

LE SCÉNARIO

 

Généralités inoffensives

 

Et donc, le scénario, Eaves of Mirkwood. Les SPOILERS n’interviendront qu’un peu plus tard, vous pouvez donc lire deux paragraphes supplémentaires de cette chronique sans vous gâcher quoi que ce soit.

 

Il s’agit d’un scénario d’introduction, conçu comme tel – il ne faut donc pas en attendre des miracles de narration, encore que, il y a quelques bonnes surprises à cet égard. Mais l’objet principal de ce scénario, outre donner un premier aperçu de l’ambiance de la gamme, est de présenter en douceur les particularités techniques du jeu – au regard notamment de deux ensembles de règles spécifiques, portant d’une part sur les voyages, et d’autre part sur les audiences ; pour ce qui est des autres systèmes spécifiques, la corruption peut certes commencer d’ores et déjà à ronger les personnages, mais sans que cela nécessite de faire appel à des considérations très techniques, et la phase de communauté peut être envisagée un peu de la même manière (avec une suggestion de garant, ou de pré-garant, quand même bien excessive…). Cependant, même pour ce qui est des voyages et des audiences, les systèmes utilisés ici sont simplifiés – il s’agit d’une première approche.

 

Conséquence notable : puisque des personnages prétirés sont fournis (en fait ceux que l’on retrouve tout au long de la gamme des Terres Sauvages d’Adventures in Middle-Earth comme de L’Anneau Unique en son temps), vous avez dans ce petit livret de quoi faire jouer ce scénario sans vous référer au Player’s Guide (sans même parler des autres suppléments), dès l’instant que vous avez accès au SRD (que vous trouverez par exemple en français sur le site AideDD). Introduction, qu’on vous dit !

 

Dans le détail, SPOILERS inclus

 

OK, maintenant, envisageons plus concrètement ce scénario, avec des SPOILERS, donc.

 

Une première idée est à noter d’emblée : ce scénario se situe à l’ouest de la Forêt Noire, alors que les PJ souhaitent se rendre à Dale (ou probablement d’abord à Esgaroth), attirés qu'ils sont par les opportunités offertes par le décret du roi Bard. Le scénario repose donc sur l’idée que les personnages vont traverser la Forêt Noire, d’une manière ou d’une autre, si on en reste ici pour l’essentiel à la lisière. C’est à prendre en compte si vous souhaitez en faire le point de départ d’une campagne qui se prolongerait par exemple avec les scénarios de Wilderland Adventures (je vous en parlerai très prochainement), dont le premier scénario suppose que les PJ se trouvent à l’est de la Forêt Noire, à proximité du Long Lac – or ce scénario est à son tour conçu comme une introduction, surtout à l’ambiance très particulière de cette forêt hors-normes (qu’il s’agit donc de traverser d’est en ouest). On peut supposer, même en partant seulement de ce dernier scénario, que les personnages, à un moment ou à un autre, ont déjà traversé l’ex-Verbois le Grand, et Eaves of Mirkwood peut donc se montrer utile à cet égard ; cependant, si vous comptez l’employer dans cette optique, qui fait très certainement sens, je vous conseillerais à vue de nez de vous référer également à « Don’t Leave the Path », du coup – un scénario certainement pas parfait, et même un peu problématique, mais qui comprend des éléments d’ambiance très intéressants à mettre en scène : de quoi « gonfler » un peu Eaves of Mirkwood, car les PJ doivent vraiment se rendre compte que cette forêt n’est absolument pas comme les autres ; or Eaves of Mirkwood, en tant que scénario d’introduction, se montre assez peu disert à cet égard, et il serait dommage, si vous comptez aller au-delà, que la Forêt Noire manque autant de caractère, tout particulièrement pour une première exploration. Bon, je suppose que ça se discute, mais, perso, je vois les choses comme ça, et songe en fait à combiner les deux aventures, pour en tirer une introduction un peu plus costaude. Ce qui en changera très probablement la durée : Eaves of Mirkwood, en tant que scénario d’introduction, est vraiment conçu comme un one-shot jouable en trois ou quatre heures (c’est la théorie, mais je n’y arrive jamais, bouhouhou) – associé à « Don’t Leave the Path », c’est forcément plus long...

 

Quoi qu’il en soit, dans Eaves of Mirkwood, les PJ entament donc la traversée de la Forêt par l’ouest, en partant des contrées des Hommes des Bois. Après un peu de préparation, c’est ici que le scénario offre une version simplifiée (considérablement) du système de voyage – du coup, il n’a rien ici d’intimidant, là où la mécanique complète peut facilement tourner au gros machin lourdingue si on n’y prend pas garde. Simplifier est pertinent pour ne pas effrayer – mais, oui, c’est vraiment une première approche, une mise en bouche disons.

 

Dans tous les cas, les personnages sont amenés à croiser la route d’une bande de voyageurs nains aux prises avec des orques – et c’est donc une occasion de tester le système de combat, de manière relativement inoffensive. C’est fait pour.

 

Après quoi les PJ sont amenés à sympathiser avec ces nains – et c’est probablement le moment le plus intéressant du scénario, propice à de sympathiques opportunités de roleplay bien dans l’esprit du Hobbit (bien plus que du Seigneur des Anneaux – c’est approprié pour un début) : les personnages festoient (ils s’en mordront bientôt les doigts), échangent des nouvelles, chantent (on est chez Tolkien, hein !), se livrent à des concours d’énigmes (une aide de jeu en donne douze exemples, généralement assez aisés à transposer en français ai-je l’impression, mais pensez-y à l’avance), et le clou de la soirée est probablement le concours de ronds de fumée, avec table et règles rigolotes à la clef. Tout ça, pour le coup, ne coulait pas forcément de source dans un scénario d’introduction, a fortiori si on est porté à le réduire à sa dimension mécanique, mais il y a de quoi faire, c’est bien pensé et enthousiasmant.

 

Seulement voilà : cet excellent cochon, dont les convives se réjouissent ? Il a été « emprunté » par un des nains, un peu indélicat pour le coup… C’était une offrande en sacrifice, par des Hommes des Bois du coin (rappel, même avec un peu de voyage, nous en sommes encore pour l’essentiel à la lisière de la Forêt de Grand-Peur…), une offrande conventionnelle donc au gros warg du coin, un tyranneau qui les persécute depuis bien trop longtemps. Les Hommes des Bois ont découvert que les nains et/ou les PJ ont volé leur cochon (parlez-moi d’enjeu dramatique ! Et pourtant ça colle parfaitement), et capturent les voleurs en groupe – pas de vraie scène de combat ici, on fait dans le narratif, les joueurs ne peuvent de toute façon pas y échapper, et (peut-être surtout ?) il ne faut vraiment pas leur donner la moindre occasion de tuer un des Hommes des Bois. En fait, même « narratif », ce faux combat, à mon sens, doit être envisagé comme une leçon : vous êtes dans la Terre du Milieu, pas dans un donjon aléatoire, ne faites rien que vous pourriez regretter – vos gestes ont des conséquences, et vous êtes censés, à la base au moins, être des personnages moraux : en fait, il faut vraiment, dans l’idéal, que les personnages ressentent une certaine culpabilité pour le vol du cochon, même s’ils n’en sont pas directement responsables.

 

Les PJ et les nains sont ainsi ramenés au village des Hommes des Bois, où la patronne, Gailavira, va les interroger – et c’est donc l’occasion d’introduire les joueurs au système, un peu simplifié, des audiences. Encore que : en fait de simplification, il est très tentant d’envisager cette scène au prisme des suggestions en la matière du Loremaster’s Guide – d’ailleurs, le scénario propose une table très riche renvoyant aux motivations et attentes de Gailavira. Du coup, là encore, il ne s’agit pas seulement d’aborder un élément purement technique : clairement, il s’agit aussi d’introduire les PJ aux manières et aux modes de pensée des gens qu’ils seront amenés à rencontrer – et à peser, là encore, combien dans cette optique des comportements un peu trop je-m’en-foutistes leur nuiront immédiatement et irrémédiablement. Bien vu !

 

Maintenant, le scénario d’introduction impliquait sans doute un dernier combat, plus velu, si j’ose dire, que celui contre les orques : vous vous en doutez, le warg déboule au pire moment, et les PJ ont ainsi l’occasion, éventuellement, de se racheter, si nécessaire, aux yeux de Gailavira et des siens. Le warg est un antagoniste autrement conséquent que les orques de passage un peu plus haut, et c’est très bien ainsi – cela incite d’autant plus les PJ à tirer parti des options du terrain, ce genre de choses : un combat de cet ordre ne saurait être réduit à « je le tape, il me tape ». Maintenant, si je suis incapable d’en juger moi-même, j’ai lu çà et là des retours d’expérience selon lesquels le warg peut se montrer vraiment dangereux pour des personnages de niveau 1, qui n’ont tout de même pas des masses de PV, et pourraient aisément se faire éliminer en un tour chacun – c’est à prendre en compte, et il faut notamment avoir cet élément en tête quand on envisage, ou pas, d’associer au warg quelques orques ou truc, d’autant que le gros loup s’y connaît en tactiques de meute… Un PNJ dévoré pour l'exemple, éventuellement, peut constituer un avertissement (pas très subtil certes).

 

Mais on va partir du principe que tout est bien qui finit bien : le warg est éliminé, Gailavira pardonne à ses « invités », et en ture vers de nouvelles avenroutes. C’est le bon moment, si jamais, pour placer une phase de communauté : en fait, il est suggéré de permettre aux PJ d’envisager ce village comme un sanctuaire, ou en tout cas Gailavira comme un garant – il n’est jamais trop tôt pour souligner aux joueurs que les sanctuaires, et les garants dans une moindre mesure, sont cruciaux dans une campagne.

 

Cependant, pour ma part, je me passerais certainement de l’ultime suggestion en la matière : faire que les persos, hop ! tombent direct sur… Gandalf, à la fin de ce scénario ! Je trouve ça grotesque, en fait… En clin d’œil à la fin d’une partie isolée et sans conséquences, admettons, mais si vous voulez poursuivre vos aventures au-delà, non, franchement, non. Même si cela pourrait expliquer une traversée sans plus d’encombres de la Forêt Noire pour gagner Esgaroth puis Dale – quelle coïncidence, c’est justement où se rend Mithrandir ! Mf…

 

CONCLUSION

 

Ce tout petit bémol mis à part, et il est vraiment sans importance, Eaves of Mirkwood me paraît faire le job, et plutôt bien. Toutefois, en guise d’introduction à une campagne, je tends donc à croire que ce scénario gagnerait à être un peu plus développé en matière d’ambiance, ce pour quoi « Don’t Leave the Path » pourrait être utile.

 

L’écran, par contre, n’a franchement rien d’indispensable. À vous de voir, donc.

 

Quant à moi, la prochaine étape sera le Rhovanion Region Guide – oui, même si Wilderland Adventures est antérieur dans la gamme : je suis têtu, j’aime avoir mon gros contexte avant de zoomer sur les aventures...

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Adventures in Middle-Earth : The Road Goes Ever On

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : The Road Goes Ever On

Adventures in Middle-Earth : The Road Goes Ever On, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 33 p. + cartes

Le voyage est un thème essentiel des romans de J.R.R. Tolkien figurant les hobbits, et la gamme de L’Anneau Unique s’en faisait brillamment l’écho – le « portage D&D5 » qu’est Adventures in Middle-Earth ne pouvait sans doute pas faire autrement, et The Road Goes Ever On est un petit supplément essentiellement dédié au voyage, visant à faire en sorte que chaque périple se singularise, diffère des autres de telle ou telle manière.

 

Dans la gamme de L’Anneau Unique, c’était l’objet du supplément Journeys & Maps, que je n’ai pas lu. The Road Goes Ever On l’adapte mais pour partie seulement, en mettant en avant le cas échéant d’autres aspects, l’ensemble étant forcément affecté par l’optique quelque peu différente qu’implique D&D5.

 

Le supplément se divise en deux parties : il y a tout d'abord un lot de quatre cartes double face au format poster, représentant non seulement les Terres Sauvages, cadre de base de la gamme, mais aussi l’Eriador, développé ultérieurement pour L’Anneau Unique (avec Fondcombe et Les Vestiges du Nord) et pour Adventures in Middle-Earth (Rivendell Region Guide et Eriador Adventures), le Gondor et le Rohan ensemble (il y a des suppléments de L’Anneau Unique consacrés au Rohan, mais pas encore traduits), et enfin… le Mordor. Bon, en définitive, c’est plus ou moins le découpage en quatre parties de la carte de la Terre du Milieu réalisée par Christopher Tolkien et concluant les divers volumes du Seigneur des Anneaux (même si Gondor et Mordor surtout sont un peu décentrés de manière plus pragmatique). Chacune de ces cartes est livrée sous deux formes, celle destinée aux joueurs, et celle relevant du MJ (avec ses hexagones et ses codes couleurs).

 

Hélas je ne peux pas en dire beaucoup plus ici, du moins quant à la qualité matérielle de ces cartes, dans la mesure où j’ai lu ce supplément en pdf… À vue de nez cela m’a l’air d’être du bon boulot, en tout cas – même s’il faut sans doute relever que, pour deux de ces quatre cartes, la gamme d’Adventures in Middle-Earth ne comprend (pour l’heure) aucun supplément de contexte, ce qui les rend un peu abstraites. Mais ça n’est pas vraiment une critique : ces cartes permettent, le cas échéant, d’extraire les PJ du seul cadre un peu trop contraignant des Terres Sauvages, et à chacun dès lors de faire jouer son imagination, les romans de Tolkien en main – c’est bien l’objet de ces cartes, mais aussi du petit livret qui les accompagne.

 

Celui-ci consiste essentiellement en suggestions, souvent accompagnées de tables de génération aléatoire, pour agrémenter les voyages au travers de rencontres variées. Et cela va bien au-delà de la faune et de la flore, même si ce sont des aspects à prendre en compte – de même que le moment de la rencontre ou le climat à ce moment-là : il y a des tables pour tout cela.

 

La plus longue partie du livret est ainsi consacrée aux personnes rencontrées, avec des tables différentes selon la région traversée et des suggestions de motivations pour chacune de ces rencontres ; c’est très détaillé, et très inspirant, notamment dans la mesure où les auteurs proposent de jouer avec les codes et les clichés afférents à ces diverses rencontres. Un autre chapitre tout aussi inspirant (probablement celui qui m’a le plus intéressé ici, en fait) propose un système de génération de ruines, avec un fort caractère, prenant en compte qui a construit le bâtiment, ce qu’il était initialement, ce à quoi il ressemble désormais et à quoi il sert dès lors.

 

Ceci dit, si les systèmes ici proposés sont supposés permettre de créer un événement sur le pouce, je suis un peu sceptique à cet égard – d’autant plus à vrai dire que le système de voyage d’Adventures in Middle-Earth est déjà assez copieux voire lourd comme ça. Mais jeter quelques dés durant la préparation de la partie permet de faire usage de ces tables sans ralentir le rythme de jeu.

 

Plus loin dans le supplément, mais de manière moins détaillée et sans tables de génération aléatoire, on trouve aussi quelques développements du même ordre portant sur les « merveilles » rencontrées lors des voyages (et, comme je l’avais noté en traitant du Loremaster’s Guide, j’apprécie beaucoup l’idée de faire gagner de l’Inspiration de la sorte, qui me paraît très tolkiénienne), ou sur les habitations où espérer passer une nuit (fermes ou auberge), mais ces dernières n’apportent à peu près rien et les merveilles ne sont pas toujours si merveilleuses, trouvé-je – il y a un fort contraste, ici, entre les développements très poussés consacrés aux individus rencontrés et aux ruines d’une part, et d’autre part ces derniers ajouts un peu trop hâtifs et creux.

 

Maintenant, si de la sorte on ne fait pas dans le monstre aléatoire typiquement donjonneux, avoir des antagonistes sous la main peut toujours s’avérer utile, à balancer sur des PJ jouant de malchance ou un peu trop imprudents (à moins qu’il ne s’agisse de dynamiser un peu une séance, tout connement). Le livret propose dès lors six groupes d’adversaire (wargs et gobelins comme trolls ou araignées) avec le cas échéant un minimum de background, pour des challenges ajustables en fonction du niveau de la compagnie – un système assez bien pensé, pour le coup.

 

Mais l’optique davantage martiale d’Adventures in Middle-Earth, because of que D&D5, par rapport à L’Anneau Unique, me pose un tantinet problème, et il me faudra réfléchir, avec mes joueurs, sur ce que nous souhaitons exactement ; dès lors, les règles ici proposées pour éviter l’affrontement (et en retirer quand même de l’expérience) sont bienvenues sous cet angle, même si, honnêtement, on n’avait peut-être pas besoin de lire ce système couché noir sur blanc pour en faire de soi-même usage.

 

Tant qu’on y est, ce supplément propose aussi des règles pour récompenser les PJ en expérience au travers des voyages, et pas seulement des affrontements. Et c’est très bienvenu. L’idée de récompenser les persos en XP en fonction de leur seul body count, à la Donj’ dans son versant le plus brutal, me paraît totalement absurde dans ce contexte (voire au-delà) et archaïque. Et j’avais regretté que le Loremaster’s Guide ne fournisse pas la moindre indication à cet égard… The Road Goes Ever On y remédie donc pour partie, avec ces deux systèmes. Un plus indéniable, même s'il y a probablement encore du boulot.

 

Relevons enfin une petite option amusante, si pas cruciale, qui permet aux PJ de développer un rapport particulier avec un lieu – que ce soit qu’ils jurent de ne plus jamais y remettre les pieds (« Dooms of Departure », mais attention, cela doit affecter soit le pays natal du héros, soit un Sanctuaire – et les conséquences peuvent donc être redoutables), ou qu'ils font la promesse à un autre PJ d’y revenir en sa compagnie (« Oaths of Return », qui débouchent sur une Entreprise de la Phase de Communauté).

 

La question matérielle des cartes mise à part, dont je ne peux juger, The Road Goes Ever On s’avère un supplément très sympathique, même si probablement dispensable. J’ai beaucoup aimé, surtout, les développements visant à singulariser les rencontres, et le système de génération de ruines. Même s’il reste du travail dans ce registre, que le livet offre des systèmes pour gagner de l’expérience en dehors des seuls combats est très appréciable. Le reste est plus ou moins utile, mais globalement bien fait.

 

Voilà : très sympathique, mais assurément dispensable.

 

Prochaine étape dans l’exploration de la gamme d’Adventures in Middle-Earth : Eaves of Mirkwood & Loremaster’s Screen.

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Adventures in Middle-Earth : Loremaster's Guide

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Loremaster's Guide

Adventures in Middle-Earth : Loremaster’s Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 155 p.

UN GUIDE DU MAÎTRE UTILE ?!

 

Il y a eu une interruption plus longue que prévue, mais j’en viens enfin à ma deuxième chronique de la gamme Adventures in Middle-Earth (dont la traduction française a été entamée par Edge), avec le Loremaster’s Guide.

 

Classiquement, ce titre oppose un « guide du maître » à un « guide du joueur », un découpage fréquent dans nombre de jeux de rôle, mais dont je ne suis pas toujours certain de la pertinence. De fait, certains éléments, ici, et finalement assez nombreux, auraient très bien pu figurer dans le Player’s Guide, tandis que d’autres, dans ce premier supplément, auraient peut-être été davantage à leur place ici (en notant au cas où que le présent supplément est plus court que son prédécesseur, d’une soixantaine de pages). Que ce soit dans un sens ou dans l’autre, la distinction en deux volumes ne me paraît pas toujours très sensée – à titre d’exemple, les règles sur le voyage ou sur les audiences auraient sans doute gagné à être rassemblées dans un seul supplément, évitant dès lors de jongler entre les volumes (les pdf en ce qui me concerne) ; cela me paraît tout particulièrement vrai des développements concernant les audiences, ici, qui, dès l’instant que l’on compte faire usage de ce système, me paraissent à vrai dire indispensables et auraient donc dû être associés à la base du système dès le départ, que l'ensemble figure dans un livre ou dans l'autre.

 

Ceci étant, les « guides du maître », dans cette optique… Mouais. Je ne suis pas toujours persuadé de leur utilité. À vrai dire, je tourne autour du Dungeon Master’s Guide de D&D5 depuis pas mal de temps, et, à le feuilleter, je finis toujours par me convaincre de ce que je n’ai vraiment pas 50 € à mettre là-dedans (a fortiori avec le SRD accessible gratuitement ?). Pour autant, envisager le Loremaster’s Guide d’Adventures in Middle-Earth de la même manière serait sans doute une erreur ; si ce supplément n’est pas exempt de toutes critiques, et j’en formulerai quelques-unes en temps utile, il se montre globalement très bien pensé, intéressant, et utile – pas toujours au plan de la technique par ailleurs, mais utile. En faire un supplément indispensable serait peut-être un chouia excessif, mais il présente assurément un intérêt, et est globalement très recommandable.

 

En ajoutant par ailleurs qu’il est d’une lecture agréable et très joliment illustré – davantage que le Player’s Guide à vue de nez (qui se montrait bien plus inégal), et avec ces teintes souvent un peu mornes typiques de la gamme de L’Anneau Unique et qui collent si bien à l’ambiance de l’univers tolkiénien.

 

Il faut d’ailleurs noter que nombre d’éléments, ici, sont comme de juste repris de la gamme de L’Anneau Unique, la gamme Adventures in Middle-Earth étant une adaptation de celle-ci à D&D5 – mais ce sont plusieurs suppléments qui sont en jeu, et les spécificités techniques de D&D5 suscitent en même temps un contenu largement voire totalement inédit dès l’instant que la mécanique est en cause.

 

RÉFLÉCHIR SUR LA TERRE DU MILIEU

 

Mais l’intérêt du Loremaster’s Guide dépasse donc largement le seul champ technique. Reproduisant d’une certaine manière le très beau travail d’adaptation toujours sensible dans la gamme de L’Anneau Unique, mais, ai-je l’impression, en l’approfondissant encore, ce « guide du maître » comprend nombre de développements visant à réfléchir au préalable à ce qu’est la Terre du Milieu, pour en dériver des outils narratifs, des ambiances, etc., qui permettent à l’ensemble de la table de vraiment ressentir et intégrer tout ce qui fait la spécificité de cet univers.

 

Un bref chapitre intitulé « Before the play » se montre tout particulièrement utile à cet effet – et, pour le coup, les joueurs, pas seulement le MJ, doivent bien l’intégrer, en ce qu’il est constitutif d’une part non négligeable du « contrat social » préalable à toute partie : on insiste, par exemple, sur le fait que les voyages doivent être épuisants, ou qu’il faut sentir le passage des années, que le bien absolu et le mal absolu existent, même si les nuances de gris sont plus fréquentes, ou encore – ce qui peut sembler une hérésie pour certains donjonneux, je suppose – que les héros, s’ils sont bel et bien des héros, ne seront pas ceux qui terrasseront l’Ennemi : tout au plus peuvent-ils espérer un bref répit, une paix armée, qui représente à vrai dire déjà beaucoup.

 

Mais ce travail de réflexion préalable sur ce qu’est la Terre du Milieu va bien au-delà, et imprègne d’une certaine manière tous les chapitres de ce Loremaster’s Guide. À titre d’exemple, les règles sur l’épuisement ou sur l’Inspiration, dans les développements liés à la Phase d'Aventure, en jouent pleinement : l’attrition des longs voyages, renforcée par l’impossibilité théorique d’un long repos en dehors d’un Sanctuaire, en témoigne à sa manière, mais tout autant les règles concernant l’Inspiration, qui jouent sur la beauté des paysages aussi bien que sur le sentiment de communauté.

 

Il en va de même pour une brève mais très pertinente étude de « l’économie » de la Terre du Milieu : il s’agit d’un monde où la fortune pécuniaire a quelque chose de vulgaire, et où l’idée même d’acheter quelque chose, quoi que ce soit, fonction des régions et des cultures, peut avoir quelque chose d’un peu suspect (au mieux). On insiste sur le fait que, dans les romans de hobbits, les héros n’achètent quasiment jamais rien, ou, quand ils le font, c’est hors-champ – une incitation marquée, dans le cadre d’Adventures in Middle-Earth, pour réserver ces tractations un peu sales à la Phase de Communauté. Par contre, le don y a une grande importance, qu’il soit spontané ou davantage inscrit dans une sorte de rapport féodal, économique assurément mais non monétaire, par exemple typique du Rohan ou éventuellement des Hommes des Bois, mais je suppose qu’il peut aussi y avoir de ça dans les fermes au nord de Dale. Certes, il y a des commerçants en certains endroits des Terres Sauvages (Dale justement, Esgaroth de toute évidence) ou au-delà (Bree, probablement), et on peut çà et là croiser des artisans nains qui offrent leurs services – mais, au fond, ce n’est pas la norme dans la Terre du Milieu. Et c’est une dimension à prendre en compte : des amateurs de Donj’ qui perpétueraient dans les Terres Sauvages leurs habitudes des Royaumes Oubliés ou que sais-je (sans même parler des meuporgs…), et qui se précipiteraient sur les cadavres de leurs adversaires pour le loot, seraient très, trèèès mal vus de la plupart des représentants des Peuples Libres du Nord (ah, au fait : il n’y a absolument aucune raison pour que cet orque que vous venez d’abattre d’une flèche dans le dos, salauds, ait une bourse contenant des pièces d’or – qu’est-ce qu’il en ferait, bon sang ?!). Quand bien même : le loot, ça pèse – et si je n’ai aucune envie de m’embêter avec des règles d’encombrement, je relève à quel point les personnages ne sauraient se promener avec leurs mille et une trouvailles sur le dos, tandis que même de simples pièces d’or, à force, pèsent leur poids au point du handicap – on fait la remarque, par exemple, que les héros des romans de hobbits, régulièrement, préfèrent cacher un trésor sur lequel ils sont tombés pour le récupérer éventuellement plus tard, mais ne songent pas un seul instant à charger inconsidérément leurs sacs à dos sinon leurs poneys, à la veille de faire l’ascension du Haut Col… Ce qui paraît compréhensible, hein ? Ceci étant, ce rapport à l’économie, très intéressant, n’est pas sans susciter des difficultés que j’avais déjà relevé dans le Player’s Guide : au regard du principe même de la progression de l’Ombre dans Adventures in Middle-Earth, la classe de Chasseur de trésors est-elle vraiment jouable ? Peut-être, mais ça impliquera sans doute de complexes numéros d’équilibrisme – et le « mal du dragon » devra aussi être pris en compte au-delà, les personnages nains y étant peut-être un peu plus sensibles que d’autres…

 

Même le combat suscite ce genre de réflexions sur la base du contenu des œuvres de J.R.R. Tolkien : les affrontements dans les romans de hobbits sont analysés, et on en déduit des aspects qu’il serait sans doute bon d’intégrer dans les batailles rôlistiques – par exemple, quand le combat ne peut plus être évité, il tend à contraindre les personnages à adopter une posture défensive, d’autant que le terrain avantage systématiquement les adversaires, et aucune porte de sortie n’est envisageable, ce genre de choses. Dès lors, les règles proposant de déterminer les effets de l’environnement sur un affrontement ne se contentent pas de complexifier la bataille (absurdement le cas échéant), mais, bien gérées, elles doivent renforcer l’imprégnation des spécificités tolkiéniennes.

 

Et il en va de même pour ce qui est de la magie : l’idée même de la magie chez Tolkien est analysée, pour en déduire une réponse plus nuancée que d’usage – la magie est là, en fait, et pas seulement (comme j’ai malgré tout tendance à l’envisager) réservée aux plus puissants des personnages, résolument « non humains » (les istari, les nazgûl, les plus puissants des elfes, Aragorn) ; seulement, elle ne s’exprime pas comme telle, elle a ses limites, et elle ne résulte pas, jamais, d’un apprentissage académique. Il est certain que les boules de feu n’ont pas leur place dans l’univers de la Terre du Milieu, et pas davantage le poing de Bigby – mais cela tient sans doute à ce que la magie tolkiénienne ne crée rien qui ne soit déjà là. Pour autant, les personnages peuvent avoir des aptitudes que, vues de loin, nous serions à bon droit tentés de qualifier de « magiques », et il en va de même (et probablement surtout) de certaines armes et armures, ou autres artefacts des temps anciens – simplement, leur usage « magique » doit être intégré dans le roleplay, et, techniquement, peut exiger la dépense d’un DV, laquelle dépense autorisera le joueur, sous le contrôle du MJ, à proposer une altération de la scène qui aurait été impossible sans magie. Le guide contient enfin une liste des sorts de D&D5 qui pourraient être aisément transposés dans la Terre du Milieu, mais, honnêtement, je ne compte pas faire usage de cette option : à ce stade, et en autorisant des classes de jeteurs de sorts, on s’éloigne par trop du canon tolkiénien, au point où cette réflexion nuancée n’a plus aucun sens… L’hypothèse est évoquée, mais avec un profond scepticisme, et je vais assurément faire dans l’orthodoxie, ici, comme à peu près tout le monde sans doute (tordre l’univers tolkiénien pour autoriser les boules de feu me paraît absurde – il y a d’autres univers pour ça).

 

Quoi qu’il en soit, un beau travail d’adaptation, théorique comme pratique, a été accompli, et c’est à mes yeux un des atouts majeurs de ce Loremaster’s Guide.

 

UN PEU (PAS BEAUCOUP) PLUS DE CONTEXTE

 

Il contient en outre des éléments de contexte plus « directs », dans un chapitre intitulé « Setting and the Tale of Years », que l’on peut distinguer en trois parties.

 

La première consiste en un guide essentiellement géographique, mais très lapidaire. Ce n’est pas là que le supplément se montre le plus utile : on développe un peu plus que dans le Player’s Guide, mais pas des masses non plus – l’ensemble constitue un entre-deux sans doute pas très satisfaisant, appelant à des développements autrement plus copieux et précis dans des suppléments de contexte dédiés, comme au premier chef le Rhovanion Region Guide et plus récemment le Rivendell Region Guide (transpositions, respectivement, du Guide des Terres Sauvages et de Fondcombe) ; en l’état, c’est donc d’une utilité relativement limitée – d’autant que les régions en dehors des Terres Sauvages sont très, très vite expédiées.

 

La deuxième partie de ce chapitre est davantage utile – mais elle n’est probablement pas suffisante, là encore, pour une campagne au long cours : il s’agit d’une chronologie relativement détaillée, qui permet à la fois d’évaluer les connaissances des personnages sur les temps anciens (mais relativement : la date la plus antique correspond à l’an 1050 du Troisième Âge !) et leur savoir peut-être plus précis des événements récents (soit, pour point de départ, le début du Hobbit), et d’envisager ce qui se passe à l’échelle de la Terre du Milieu au moment où les personnages jouent – pas cependant jusqu’à la Guerre de l’Anneau, loin de là : en fait, si la campagne est censée débuter en l’an 2946 du Troisième Âge, la date la plus avancée ici… est seulement l’an 2951, en gros quand Sauron se révèle en Mordor. Et pour le coup c’est sans doute trop léger – maintenant, je suppose que Rhovanion Region Guide ou Mirkwood Campaign (transposition de Ténèbres sur la Forêt Noire, campagne supposée durer trente années environ) complèteront utilement cette première approche, et éventuellement plus tard Rivendell Region Guide (comme l’avait fait Fondcombe pour L’Anneau Unique). Quoi qu’il en soit, en l’état, dans chacune de ces trois catégories, on distingue aisément ce qui est notoire et probablement connu de tous, et ce qui ne sera éventuellement connu que de quelques personnages bien typés, eu égard par exemple à la culture dont ils sont originaires (les nains en sauront logiquement beaucoup plus sur la guerre qui les a opposés aux orques qu’un hobbit qui n’est jamais sorti de la Comté, etc.)

 

La troisième et dernière partie, enfin, consiste en une description davantage détaillée de la Ville du Lac – essentiellement reprise de l’Écran du Gardien des Légendes et Guide de la Ville du Lac pour L’Anneau Unique. Je l’envisagerais aujourd’hui de manière plus positive, là où je me sentais un peu frustré à l’époque de ma lecture de ce premier supplément : il y a ce dont on a besoin, a fortiori en début de campagne, Esgaroth étant un point de départ idéal, et, théoriquement, le premier Sanctuaire ouvert aux PJ (avec les premières Entreprises « spécifiques » de la Phase de Communauté, du coup).

 

Maintenant, ce n’est clairement pas au regard de ces éléments de contexte que ce Loremaster’s Guide brille vraiment : ici, le sentiment persiste qu’il manque quelque chose…

 

COMPLÉTER ET APPROFONDIR LE GUIDE DU JOUEUR

 

Le Loremaster’s Guide, par ailleurs, complète le Player’s Guide sur bien des points notamment techniques, et c’est là qu’à l’occasion je regrette un peu le découpage en deux volumes – car les « options » ici présentées sont tout de même fort utiles. Il y a quelques indications d’ordre général (incluant par exemple le multiclassage), mais le gros de ces compléments porte sur trois sujets d’importance : les voyages, les audiences et la Phase de Communauté.

 

Concernant les voyages, par exemple, nous envisageons ainsi la question des repos, avec comme dit plus haut le refus de principe des longs repos sur la route – cela dit, diverses options sont proposées pour gérer cette difficulté et pour agrémenter les étapes du voyage de sorte à les rendre uniques. Mais l’apport le plus notable est peut-être le système permettant de créer sa propre table d’événements pour des voyages précis ; bien évidemment, cela doit être mûrement réfléchi avant la partie, mais il y a de quoi en tirer des choses intéressantes.

 

Pour ce qui est des audiences, j’avais avancé, au sortir de ma lecture du Player’s Guide, que je ne pensais pas faire usage de cette mécanique pour ma part, si ce n’est a minima, la trouvant un peu trop lourde de manière générale et redoutant qu’elle ne vienne nuire à la spontanéité du roleplay. Ici, le Loremaster’s Guide me confronte à mes contradictions, je suppose, car, en précisant encore la mécanique, et en présentant donc le risque de l’alourdir d'autant plus, ce supplément apporte des « options » qui auraient probablement dû figurer dans la mécanique de base, en envisageant les motivations et les attentes des PNJ à même de figurer dans des audiences – après lecture, ça me paraît un aspect essentiel de cette mécanique. Encore une fois, je doute d’en faire usage moi-même, mais, bizarrement peut-être, si je devais tenter la chose, je ne me contenterais pas d’un entre-deux un peu fade, et préfèrerais interpréter ce système de la manière la plus complète.

 

Il faut par ailleurs noter que le chapitre consacré aux audiences est en outre associé à une liste de PNJ génériques relativement complète, et bien loin de s’en tenir seulement aux participants aux audiences. C’est tout à fait bienvenu, sans doute même peu ou prou indispensable – par contre, il ne s’agit bien que de profils génériques : n’espérez pas trouver ici les caractéristiques des grands de ce monde, les Garants les plus emblématiques, ils n’y sont pas ; mais il y a par contre de quoi figurer des Garants « de second ordre », expression pas très heureuse car ils peuvent jouer un rôle fondamental dans une campagne.

 

Tout à la fin de l’ouvrage, on trouve divers éléments concernant la Phase de Communauté. Les premiers sont assez théoriques ou abstraits, qui envisagent, outre les possibilités alternatives que le groupe demeure soudé lors de cette étape ou préfère se disperser temporairement, le sens de cette Phase et l’importance des Sanctuaires, en insistant particulièrement sur leur caractère absolument vital pour les PJ – ils doivent donc très vite se rendre compte de ce que cela implique au juste (cette insistance laissant à vrai dire supposer que c'est là une difficulté rencontrée par bien des tables en playtest ?). Les différents usages des Sanctuaires sont ainsi analysés, et on commence à envisager des Entreprises ne figurant pas dans le Player’s Guide – cela dit, comme dans ce dernier, on fait encore ici dans le générique : les Entreprises propres à chaque Sanctuaire seront en toute logique envisagées dans les suppléments traitant spécifiquement de ces Sanctuaires. Je dois avouer être un peu sceptique quant aux Entreprises ici proposées – en tout cas celles concernant le gain d’une Vertu ouverte ou même culturelle… Bon, verra bien – et ce sera aussi l’occasion d’envisager des Garants concrets, car, décidément, on ne les trouve toujours pas ici.

 

Il y a cependant une lacune bien plus problématique à mon sens – la question de l’expérience est expédiée en deux petits paragraphes, qui disent en substance : « Faites ce que vous voulez, cela dépasse l’objet de ce supplément. » Sérieux ? Le sujet de l’expérience dépasse l’objet d’un supplément supposé contenir tout ce dont a besoin le MJ de manière générale ? Qui plus est dans un univers où l’on se doute qu’idéalement l’attribution de l’expérience doit être passablement différente de celle qui a cours dans du D&D5 lambda ? Je ne m’explique pas cette absence, franchement : s’il y a une lacune dans le Loremaster’s Guide, c’est bien celle-ci…

 

ENVIRONNEMENTS DE COMBAT ET BESTIAIRE

 

Le plus long chapitre du Loremaster’s Guide, de manière très donjonneuse, porte sur le combat. Mais, toute blague à part, il témoigne là encore d’un beau travail d’adaptation au contexte tolkiénien : ouf ! D’ailleurs, ainsi que je l’avais relevé plus haut, la base de tous ces développements consiste en une analyse assez fine de ce qui rend les combats uniques dans les romans de hobbits.

 

Un de ces aspects, crucial, est l’environnement. Le Loremaster’s Guide propose dès lors plusieurs options pour typer les environnements précis dans un contexte plus général, et éventuellement y faire intervenir des éléments relevant de « l’atmosphère » et du climat. Chacune de ces options peut déboucher sur des règles spéciales – ainsi, se battre sur une falaise dans les contreforts des Monts Brumeux l'hiver sera très différent d’affronter des araignées au cœur de leur toile dans la Forêt Noire et en pleine nuit, tandis qu’une ruine elfique isolée pourra à son tour présenter des spécificités la distinguant d’une ferme abandonnée suite à un raid orque. Ces éléments peuvent être déterminés aléatoirement, avec un système de tables plutôt bien conçu (même si occasionnellement redondant, mais c’est que tel élément de décor, un bosquet par exemple, pourra être rencontré dans bien des environnements autrement très distincts, là où les grandes toiles d’araignée endémiques au cœur de la Forêt Noire ne feraient guère de sens en plein Rohan) ; mais je suppose qu’il vaut mieux employer ces outils avant la partie, de crainte là encore de ralentir le jeu et de nuire à sa spontanéité. Quoi qu’il en soit, manié correctement, ce qui peut demander un peu d’expérience, ce système doit être en mesure de procurer exactement ce pourquoi il figure dans ce supplément : des expériences de combat variées.

 

La deuxième partie de ce chapitre consiste en un petit bestiaire des Terres Sauvages – c’est en effet bien cet environnement qui est privilégié, conformément à la gamme originelle de L’Anneau Unique : il s’agit pour l’essentiel d’une transposition, du coup. On y trouve de nombreuses variétés d’orques, avec les orques du Mordor en catégorie séparée, puis quelques araignées de la Forêt Noire, des trolls, des loups et autres wargs, des loups-garous et des vampires (le genre grosses chauve-souris, pas Dracula). Ce qui est bien fait… mais tout de même un peu frustrant : on en fait relativement vite le tour, et la variété n’est pas exactement au rendez-vous.

 

J’ai lu çà et là des chroniques se plaignant de ce qu’il ne figure pas dans ce supplément des profils d’antagonistes davantage redoutables : le plus fort ici est probablement le Loup-Garou de la Forêt Noire, mais il ne présente semble-t-il rien d’insurmontable pour des PJ de niveau même seulement intermédiaire (ce que je serais bien en peine d'évaluer de moi-même) – alors untel réclamait un dragon, tel autre un nazgûl, tel autre carrément le balrog de la Moria… Ce n’est pas vraiment mon approche, et l’absence de ces gros bilous ne me frustre en rien : je ne crois pas que les héros d’Adventures in Middle-Earth, à la différence de leurs contreparties plus classiquement donjonneuses, doivent être en mesure, même à niveau relativement élevé, de casser de la tarasque au p’tit déj’. Maintenant, L’Anneau Unique donnait l’impression d’une forte adversité globale, dont j’espère qu’elle a été prise en compte dans Adventures in Middle-Earth, sans vraie garantie cependant – peut-être faut-il à ce compte-là renforcer les monstres plus basiques, histoire précisément de ne pas avoir à faire péter tous les quatre matins l’ersatz improvisé de Smaug le Doré, qui n'a tout simplement pas lieu d'être.

 

Il est cependant une absence qui m’embête bel et bien, dans ce bestiaire très restreint, et c’est celle des morts-vivants – qui me paraissent pouvoir être employés assez largement sans nuire pour autant à la cohérence du canon tolkiénien, et sans jouer le jeu de la montée en puissance que le système de progression par niveaux de D&D5 tend peut-être à favoriser (un préjugé de ma part ?). Certes, les morts-vivants, dans la gamme de L’Anneau Unique, n’ont été introduits qu’assez tardivement, dans le supplément Fondcombe, et on les a dès lors considérés comme plus caractéristiques de l’Eriador que des Terres Sauvages – là où les araignées de la Forêt Noire n’auraient rien à faire dans les environs du Mont Venteux. Sans doute, mais la présence des fantômes, etc., ne me paraît pas inenvisageable pour autant dans les Terres Sauvages, loin de là (il y a bien des gens qui y meurent dévorés par la corruption, après tout…), et je crois qu’ils auraient vraiment complété utilement ce petit bestiaire qui, à ce stade, a du coup quelque chose d’une ébauche… Je suppose qu’il faudra attendre le Rivendell Region Guide pour avoir de vrais développements concernant spectres et compagnie, du coup ? On verra bien.

 

Dans l’immédiat, la troisième et dernière partie de ce long chapitre contient quelques outils devant permettre, idéalement, de combler les lacunes du bestiaire – que ce soit en termes de puissance des antagonistes, ou de leur variété. Il s’agit en effet d’une longue liste de capacités spéciales des créatures, avec des sous-catégories bienvenues, de types comme de puissance. Il ne s’agit pas d’un système clef en main pour créer des adversaires, il n’y a pas de règles pour ce faire – il s’agit plutôt d’un catalogue de traits personnalisant les ennemis des PJ pour qu’ils soient un peu plus que des orques lambda, tous indifférenciés. Certains traits sont relativement communs, de l’aura de commandement des chefs orques à la frousse pathologique des plus petits gobos, mais d’autres se montrent plus spécifiques et astucieux, renvoyant le cas échéant directement aux romans de hobbits : les trolls, par exemple, peuvent faire mumuse avec leur sac… C’est intéressant, tout ça – même si un vrai système de création de « monstres », en complément, voire en base à ce stade, aurait tout de même été sacrément bienvenu.

 

CRÉER DES TRÉSORS

 

Me reste un dernier point à envisager, qui est très lié à ce que j’ai pu dire de la manière de prendre en compte la magie, mais aussi l’économie, dans Adventures in Middle-Earth ; il s’agit, pour l’essentiel, de se pencher sur les objets merveilleux, et les armes et armures légendaires (avec comme une coda sur la guérison magique : vous n’êtes pas censés pouvoir boire des potions rouges qui vous refilent des PV lors de vos périples dans les Terres Sauvages – mais diverses préparations sont quand même envisagées, qui, heureusement, concernent généralement plus les niveaux d’épuisement que la restauration de PV ou de DV à proprement parler, ou alors avec des limites marquées, et c'est tout à fait pertinent dans le contexte des voyages).

 

L’intérêt de ce chapitre, cependant, est qu’il ne consiste pas tant en une liste d’objets magiques, comme dans un bon vieux Guide du Maître, mais plutôt en indications permettant de les créer soi-même, et qui renvoient au supplément Fondcombe pour L’Anneau Unique.

 

J’ai évoqué tout à l’heure comment ces objets pouvaient bel et bien exprimer une forme de magie cohérente avec l’atmosphère de la Terre du Milieu au prix d’un peu d’imagination de la part des joueurs, et de la dépense d’un DV.

 

Mais un point essentiel porte sur le fait que ces objets (jamais achetés, donc, mais éventuellement hérités ou « trouvés », avec la suggestion marquée de faire un index associé aux PJ, comme dans Fondcombe là aussi) sont par essence très rares, très vieux, et aussi très mystérieux, même si, en même temps, ils ont une histoire – enquêter sur cette histoire, le cas échéant, permettra d’identifier des pouvoirs dont le personnage n’avait pas conscience. Par ailleurs, la capacité du personnage à appréhender les facultés magiques d’un artefact de ce type progressera en même temps que lui, en révélant, par paliers, des attributs qui étaient jusqu’alors « dormants » : en somme, plus un personnage est puissant, plus son objet magique l’est – une progression pertinente au regard du caractère épique de ces personnages comme de ces objets.

 

Concernant les armes et armures, il faut aussi relever que l’origine de ces objets a une grande importance : les armes elfiques des Premier et Deuxième Âges n’ont pas les mêmes attributs exactement que celles conçues par les artisans humains d’Ouistrenesse, ou le fruit du travail des nains du temps de Nogrod et Belegost. D’ailleurs, les armes elfiques ou núménoréennes peuvent avoir une qualité particulière, appelée « Bane », et qui invite à désigner un ennemi particulier (par exemple, les orques) : les effets magiques peuvent s’appliquer uniquement à cet ennemi, mais pas seulement en termes de dégâts – quand Dard, l’épée de Bilbon puis de Frodon, luit d’une lumière bleutée lorsque des orques sont tout proches, c’est un attribut qui, en termes de jeu, relève de la qualité magique « Bane ». Et, par la même occasion, c’est une bonne illustration de comment fonctionne la « magie » dans la Terre du Milieu.

 

Ce système est très bien conçu, et il y a de quoi en tirer des choses très intéressantes – comme pour Fondcombe dans le contexte de L’Anneau Unique, le Loremaster’s Guide d’Adventures in Middle-Earth se révèle très pertinent à cet égard, en évitant l’écueil des listes typiquement donjonneuses, que l’on pouvait redouter tout particulièrement (enfin, moi, en tout cas) dans le contexte de ce portage D&D5.

 

OUI, UN GUIDE DU MAÎTRE UTILE

 

Ce Loremaster’s Guide n’est certainement pas exempt de défauts, et quelques lacunes çà et là sont un peu regrettables… Rien de rédhibitoire cela dit, et ce supplément emporte l’adhésion par ses qualités diverses, au premier rang desquelles le très beau travail d’analyse et d’adaptation réalisé sur la base des romans de hobbits. C’était l’atout majeur de la gamme de L’Anneau Unique, avec certes des lourdeurs qui lui sont propres, et le Player’s Guide d’Adventures in Middle-Earth me paraissait beaucoup moins approfondi et ciblé à cet égard – par chance, ce Loremaster’s Guide inverse la proposition, en témoignant d’une réflexion pertinente autant que subtile, ce qui me rassure considérablement. En fait – et cela tient peut-être à ce qu’il s’agit d’un jeu D&D5, car le Player’s Handbook m’avait plutôt surpris et séduit à cet égard –, ce supplément se montre plus explicite ici que toute la gamme de L’Anneau Unique, sans pour autant être, ni lénifiant, ni pontifiant.

 

Du beau travail, vraiment – pour une lecture aussi agréable qu’instructive et stimulante. Sans être nécessairement indispensable, ce supplément se montre bel et bien utile et convaincant.

 

Prochaine étape de mon exploration de la gamme : The Road Goes Ever On. À bientôt…

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Adventures in Middle-Earth : Player's Guide

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Player's Guide

Adventures in Middle-Earth : Player’s Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2016, 224 p.

Adventures in Middle-Earth est l’adaptation aux règles de D&D5 de la gamme de L’Anneau Unique. J’ai eu l’occasion de livrer pas mal de chroniques concernant ladite gamme, témoignant de mon enthousiasme à son égard, mais aussi d’un vague scepticisme concernant le système, parfois – mais vague : rien de rédhibitoire, comme je voyais les choses. Depuis, cependant, j’ai eu l’occasion de lire bien des retours d’expérience, et peu ou prou unanimement critiques à l’encontre de ce système. En sens inverse, j’ai lu bien des avis favorables sur ce portage D&D5

 

Ce qui n’avait rien d’évident ? Si Le Seigneur des Anneaux et compagnie ont eu une certaine influence sur la création et le développement de Donjons & Dragons, il n’en demeure pas moins que les optiques générales, des romans d’une part, des jeux de l’autre, étaient très différentes. Le cas de la magie est typique, mais cela va bien au-delà. Ceci, sans même envisager nécessairement la question du dungeon crawling, au passage… Mais les lecteurs, maîtres et joueurs, semblaient donc tous louer Adventures in Middle-Earth, pour ses mécaniques bien pensées qui ne dénaturent pas l’univers tolkiénien, tout en permettant de jouer dans cet univers sur la base d’une mécanique éprouvée.

 

Bon, cela tient aussi à ce qu’il y a beaucoup de fans de D&D5… Pour ma part, je ne sais pas – encore. Comme je l’avais noté il y a quelque temps de cela, la lecture du Player’s Handbook ne m’avait pas totalement convaincu, et m’avait même un peu… « effrayé » ? Mais il s’agissait bien de mettre mes préventions de côté – d’autant que certaines, et même les principales (concernant la magie), n’auraient probablement pas la même portée dans le contexte d’Adventures in Middle-Earth

 

Il me fallait donc lire cette gamme, en commençant par le commencement, le Player’s Guide. Attention : contrairement à ce qui se produit pour D&D5 avec le Player’s Handbook, le Player’s Guide d’Adventures in Middle-Earth ne constitue pas en tant que tel un « jeu complet ». Déjà, parce que les règles génériques de D&D5, concernant la mécanique de base, le combat mais aussi l’évolution des personnages, ne figurent nulle part ici – cependant, la licence adéquate permet de trouver ces règles gratuitement et légalement en ligne, par exemple . Ensuite, parce que ce Player’s Guide est doublé d’un Loremaster’s Guide qui, contrairement à ce qui se produit avec le Dungeon Master Guide de la gamme générique, est, sinon indispensable, du moins très utile pour le MJ (background beaucoup plus approfondi, bestiaire, expérience, etc.), mais j’y reviendrai en temps utile.

 

Le Player’s Guide a donc une focalisation particulière – double, en fait : la majeure partie du livre porte sur la création de personnages, mais les derniers chapitres, plus brefs, portent sur les systèmes spécifiques au jeu tolkiénien, largement repris de L’Anneau Unique : voyages, corruption, audiences, et phase de communauté.

 

Commençons par la création de personnages. Elle reprend les principes globaux de D&D5, mais, dans le fond comme dans la forme, il s’agit bien de s’adapter à l’univers particulier de la Terre du Milieu, qui ne tolèrerait pas certaines races, classes, etc. Globalement, l’adaptation me paraît pertinente – même si certaines règles spécifiques « magiques » me paraissent encore un peu trop « magiques » ; cependant, on trouve généralement dans les écrits de Tolkien de quoi les justifier. Dans l’ensemble, c’est plutôt bien fait, et parfois malin.

 

En fait de races, nous avons ici des cultures – et, chose appréciable, bien plus que dans L’Anneau Unique, du moins dans sa forme basique, même si le cadre de jeu, à ce stade, demeure celui des Terres Sauvages (d'autres suppléments étendent ce cadre à l'ouest et au sud). Les races non humaines sont relativement limitées, puisqu’on trouve une seule culture naine (mais elle se dédouble, en fait), une seule culture elfique (les elfes de la Forêt Noire – tant pis pour les hauts-elfes de Fondcombe, notamment) et une seule culture hobbite (celle de la Comté, bien sûr). Nous avons par contre droit à huit cultures humaines – qui proviennent pour certaines de la gamme basique de L’Anneau Unique, centrée donc sur les Terres Sauvages, mais aussi, cette fois, de suppléments ultérieurs (et parfois pas encore traduits, comme les hommes de Bree ou les cavaliers du Rohan). Ce choix est appréciable, et la présentation de ces différentes cultures est à la fois synthétique et inspirante, avec des traits marqués sans être non plus outranciers.

 

Complément des cultures, les classes. Transposer directement celles de D&D5 aurait été malvenu – et pas seulement pour les classes magiques, ici tout bonnement inenvisageables. Du coup, Adventures in Middle-Earth propose six classes spécifiques, lesquelles, au gré des spécialisations, se subdivisent ensuite en deux branches chacune (trois dans un cas). Les scholars sont des érudits, et souvent (hum) des guérisseurs, sur un plan tristement pragmatique ; les slayers (ce nom me fait quand même tout bizarre…) sont des combattants plus ou moins barbares ; les treasure hunters sont une classe de roublards, comprenant agents et cambrioleurs – si ce deuxième versant renvoie évidemment à Bilbo, cette classe, de manière générale, comme d’ailleurs celle qui précède, témoigne des difficultés qui persistent à vouloir intégrer dans le contexte de la Terre du Milieu des concepts extérieurs « pas très héroïques (au sens moral) », et sans doute faut-il particulièrement, ici, tenir compte des règles concernant la corruption… Les wanderers sont en gros des rôdeurs, beaucoup moins problématiques à cet égard ; les wardens ont pour fonction de défendre leur communauté, que ce soit par le conseil politique (même difficulté potentielle, quand la manipulation est en jeu) ou façon barde, voire avec quelque chose de plus martial, mais plutôt au niveau stratégique ; la tactique et le combat militaire sont en effet l’apanage de la dernière classe, la plus… classique, celle des warriors. À mon sens, ce chapitre (volumineux) demeure le plus problématique, d'autant qu'il répercute dans Adventures in Middle-Earth la multiplicité des règles spéciale associées à la progression des personnages dans Donj’ – un trait caractéristique du vénérable ancêtre et du jeu à classes et à niveaux. Je regrette un peu que beaucoup de ces règles spéciales, même adaptées au contexte de la Terre du Milieu, soient d’ordre tactique et martial – il y a heureusement des exceptions, mais j’ai tout de même l’impression, ici, qu’Adventures in Middle-Earth adopte une optique plus « combat » que L’Anneau Unique

 

La définition du personnage ne s’arrête pas là : il faut y associer tout d’abord les vertus, qui sont essentiellement culturelles, et qui personnalisent au travers de nouvelles règles spéciales ; les personnages humains commencent avec une vertu issue de leur propre liste, à la différence des nains, des elfes et des hobbits, mais, après cela, tous les personnages peuvent choisir de développer une vertu plutôt que d’augmenter leurs caractéristiques quand leur progression en expérience les y autorise.

 

Enfin, de manière moins « pragmatique », ouf, ça fait du bien tout de même, les backgrounds permettent d’attribuer aux personnages des « qualités distinctives » et des « spécialités » (pas vraiment d’ordre mécanique, donc, même si ça peut fournir un avantage ponctuel), mais aussi des traits d’espoir et de désespoir essentiels pour le roleplay, et qui ont une certaine importance au regard des règles de corruption. Notons au passage que l’on ne fait pas usage de l’alignement dans Adventures in Middle-Earth : ce sont ces éléments qui en tiennent lieu, dans un contexte où les personnages se doivent, au début du moins, d’être moraux, la progression de l’Ombre les amenant cependant presque inéluctablement à développer leurs plus regrettables penchants. Et on en revient au problème de la moralité de certaines classes et/ou sous-classes, sans doute faut-il bien y réfléchir avant de se lancer dans l’aventure…

 

Je passe sur le chapitre consacré à l’équipement, qui est très bien fait ceci dit, car il a le bon goût d’aller à l’essentiel, et de ne livrer de véritables développements que pour les objets, etc., spécifiques au contexte de la Terre du Milieu.

 

Reste donc quatre chapitres plus brefs, consacrés aux sous-systèmes spécifiques du jeu tolkiénien, et largement repris de L’Anneau Unique – aussi avais-je déjà eu l’occasion d’en parler dans de précédentes chroniques. Et, globalement, les mêmes impressions demeurent ?

 

Sur le papier, j’aime beaucoup le système des voyages – qui met vraiment l’accent sur un aspect caractéristique des romans de hobbits, central, même. Il est cependant à craindre qu’en jeu tout cela ne se montre bien trop lourd à gérer… Je tenterai tout de même l’expérience, le jeu me paraît en valoir la chandelle. J’ai l’impression que les responsabilités du PJ qui fait office de « guide » sont un peu déséquilibrées, par contre ?

 

Inutile de vraiment m’étendre ici sur la corruption – là encore un aspect fondamental du « légendaire » tolkiénien, avec une mécanique adéquate ; mais il faut peut-être relever que ce système (plus ou moins) d’attrition peut s’avérer assez sévère – c’est un point à intégrer dans le « contrat social » préalable à toute campagne, m’est avis, tout particulièrement auprès de joueurs donjonneux à qui ça risquerait de faire tout drôle…

 

Suivent les règles d’audience, dont, pour ma part, je ne compte pas faire usage. Je garderai sans doute un œil sur la table indiquant les « réactions initiales » de tel peuple envers tel peuple, ce qui me paraît important chez Tolkien, mais inutile de compliquer les choses au-delà.

 

Reste enfin les règles concernant la phase de communauté – simples, synthétiques, pragmatiques. J’ai tout de même le sentiment que cette phase devient plus intéressante au fur et à mesure que l’on, euh, « débloque », très vidéoludiquement, des sanctuaires, des garants et des entreprises de communauté ; mais, ici, on va à l’essentiel. Bon, c’est ce qu’il faut pour le début.

 

Bilan ? Eh bien… Je ne sais pas vraiment. Je suppose que le boulot est bien fait, hein – par ailleurs, le livre est d’une lecture agréable, très aéré, bien conçu (les illustrations, euh, bon, elles sont de qualité variable, on va dire – la hideuse couverture en témoigne, j'imagine... Mais, à tort ou à raison, je n’ai pas eu le même sentiment d’atmosphère de L’Anneau unique, si les teintes sont assez semblables (certaines illustrations en sont visiblement reprises, mais pas toutes, ai-je l’impression ? Je dis peut-être n’importe quoi…). Non, mon problème, ça demeure la base D&D5 – même en excluant la magie. Je suis un peu perplexe – un peu sceptique. Tout le monde dit que c’est très bien, c’est sans doute que ça l’est… Il me faudra tester ça – je suppose que c’est le seul moyen de vraiment apprécier les atouts et les inconvénients de cette mécanique. Mais je me demande tout de même si ça ne vaudrait pas le coup de relire L’Anneau Unique, même indubitablement bordélique (dans sa première édition en tout cas), même largement critiqué. Juste au cas où… Ceci dit, je vous parlerai prochainement du Loremaster’s Guide d’Adventures in Middle-Earth, qui me permettra peut-être de me décider un peu plus…

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