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Articles avec #cyberpunk tag

La Trilogie du Pont, de William Gibson

Publié le par Nébal

 

GIBSON (William), Lumière virtuelle, [Virtual Light], traduit de l’anglais (américain) par Guy Abadia, Paris, J’ai lu, coll. Science-fiction, [1993, 1995] 1999, 444 p.

 

 

GIBSON (William), Idoru, [Idoru], traduit de l’anglais (américain) par Pierre Guglielmina, Paris, J’ai lu, coll. Science-fiction, [1996, 1998] 1999, 349 p.

 

 

GIBSON (William), Tomorrow’s Parties, [All Tomorrow’s Parties], traduit de l’anglais (américain) par Philippe Rouard, Vauvert, Au Diable Vauvert – Paris, J’ai lu, coll. Science-fiction, [1999, 2001] 2004, 317 p.

Ma critique de la « Trilogie du Pont » de William Gibson, laquelle est composée des romans Lumière virtuelle, Idoru et Tomorrow’s Parties, se trouve dans le dossier consacré à l’auteur dans le n° 96 de Bifrost, pp. 159-164.

 

Le moment venu, elle sera mise en ligne sur le blog de la revue, après quoi je la reprendrai ici, avec la vidéo qui ira bien.

 

Mais n’hésitez pas à réagir dès maintenant !

 

EDIT : la critique a été mise en ligne, vous la trouverez ici.

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Blame! Deluxe, t. 2, de Tsutomu Nihei

Publié le par Nébal

Blame! Deluxe, t. 2, de Tsutomu Nihei

NIHEI Tsutomu, Blame! Deluxe, t. 2, [Buramu! ブラム!], traduction [du japonais par] Yohan Leclerc, Grenoble, Glénat, coll. Seinen Manga, [1998-2003, 2015] 2019, 373 p.

Retour à Blame!, le manga culte de Nihei Tsutomu, dans sa récente réédition « Deluxe » chez Glénat – avec ce grand format si appréciable pour s’immerger totalement dans les planches virtuoses dépeignant la Mégastructure. Plus précisément avec le tome 2 (sur six prévus), sachant que le tome 3 sortira en principe dans une dizaine de jours.

 

Le premier volume m’avait collé une sacrée baffe – en même temps qu’il m’avait déstabilisé, ce qui, généralement, est plutôt une bonne chose. Le dessin tout en effet d’échelles, la narration mutique, l’absence de scènes d’exposition de quelque ordre que ce soit, tout cela contribuait à rendre ce tome 1 passablement cryptique – et une deuxième lecture s’était avérée précieuse pour ordonner un peu tout ça.

 

Ce trait caractéristique demeure dans le tome 2, mais sur un mode un chouia atténué : l’environnement comme le périple de Killee sont toujours plutôt obscurs, ou hermétiques, mais, avec la longue mise en place du premier tome, certains aspects, sans certes devenir limpides pour autant, sont désormais au moins vaguement de l’ordre du compréhensible.

 

Je suppose que cela doit beaucoup à ce que ce tome 2 est beaucoup moins elliptique que le premier. En effet, là où celui-ci consistait essentiellement en séquences juxtaposées sans vrai liant, avec des rencontres de passage qui ne se prolongeaient pas outre-mesure, une narration plus construite se dégage désormais, notamment du fait que Killee n’arpente plus seul les niveaux interminables de la Mégastructure : à la fin du premier volume, en effet, Killee a fait la rencontre de Shibo, une scientifique au passé un peu trouble (forcément) : le périple n’est dès lors plus solitaire, car les deux personnages voyagent désormais ensemble – et, si Killee demeure essentiellement taciturne, le simple fait d’avoir une compagne de voyage implique davantage de dialogues. La narration mutique du premier volume persiste dans les grandes lignes, mais sur un mode donc un tantinet atténué (les phylactères me paraissent à vue de nez au moins deux fois plus nombreux que dans le tome 1, qui était particulièrement extrême à cet égard). Et un troisième personnage les rejoint bientôt, Sanhakan, qui a ici un rôle de premier plan – et contribue largement, là encore, à faire basculer le récit, de la SF crasseuse et angoissante, à l’horreur pure et simple. Par ailleurs, et c’est lié, ce tome 2 commencera à dévoiler quelques éléments concernant la nature de Killee lui-même, ou son passé.

 

Et, enfin, les communautés rencontrées par les voyageurs ne sont plus nécessairement évacuées dans le sang et les explosions sitôt apparues. Killee et ses compagnes rencontrent ainsi un « village » dont les habitants sont de petite taille, et qui survivent tant bien que mal à proximité d’un immense chantier qui a pour eux quelque chose d’un mystère d’essence religieux. C’est que ces humains (?) ont oublié beaucoup de choses : ils ne savent plus fabriquer les redoutables armes qu’ils utilisent pour leur défense, des sortes de harpons, et ils ne savent pas lire les idéogrammes qui apparaissent çà et là à proximité des Industries : Shibo, elle, en est parfaitement capable, ce qui chamboule la vie de la communauté. On s’en doute cependant : cette révélation aura son coût, et l’utopie tant souhaitée, avec ses mystères, réclamera son lot de cadavres…

 

Mais cela tient aussi à ce que les conflits endémiques à la Mégastructure deviennent un tout petit peu moins hermétiques – car le tome 2 se montre ici plus formel, disons, que le tome 1. Deux factions (au moins – il y en a probablement une troisième) s’opposent en effet – de toute éternité ? Il y a, d’une part, l’Agence Gouvernementale, qui est intimement liée à la mystérieuse Netsphère – elle entend contenir la croissance folle de la Mégastructure, mais à besoin pour cela d’humains se connectant à la Netsphère en disposant des gènes adéquats – ce qui ne se produit tout simplement plus depuis longtemps à ce stade ; l’Agence gouvernementale est ainsi liée à la quête de Killee, à la poursuite de gènes d’accès réseau. Le problème, c’est que l’absence de ces gènes favorise la prolifération des Contre-Mesures attachées à la perpétuation de la Mégastructure et de sa croissance folle ; les objectifs des deux factions s’avèrent donc radicalement antagonistes, et irréconciliables ; or les humains sont pris entre les deux feux… ainsi que nos voyageurs.

 

Les Contre-Mesures sont clairement du côté de l'horreur. Pour autant, je crois que cette opposition fondamentale ne devrait peut-être pas être lue au prisme de l’eschatologie – les choses sont plus complexes que cela, et nos héros seront le meilleur vecteur de cette prise de conscience. Par ailleurs, la vie au sein de la Mégastructure n’est pas entièrement dépendante de cet affrontement, et, peut-être surtout, le développement de la Ville, via les Contre-Mesures mais aussi, de manière plus éloquente, via les titanesques Bâtisseurs (décidément très shoggoths en ce qui me concerne), le développement de la Ville donc ne saurait véritablement être envisagé selon une lecture d’ordre morale : c’est bel et bien toujours l’absurde qui domine, et il serait trop réducteur, je crois, de l’envisager sous un jour unilatéralement négatif, quand bien même il constitue à n’en pas douter un moteur essentiel du malaise, de l’angoisse, voire de l’horreur, qui suintent littéralement de ces pages.

 

J’imagine que certains lecteurs pourraient regretter que Nihei Tsutomu, dans ce tome 2, « explicite » un peu plus aussi bien son univers que ses personnages – une opinion qui se tiendrait parfaitement : l’abstraction absurde et elliptique du premier tome en constituait probablement une force, même si une deuxième lecture pouvait être dans l’ordre des choses pour vraiment apprécier ce que nous racontait l’auteur. Cependant, je crois quant à moi que Nihei a su « doser » ses révélations, tout en conservant l’ambiance hermétique du premier volume, et a ainsi atteint une forme d’équilibre que je trouve appréciable.

 

Mais, bien sûr, ce tome 2 de Blame! brille probablement surtout, ou en tout cas de manière plus immédiatement saisissante, par son graphisme tout bonnement exceptionnel. La Mégastructure est toujours aussi bluffante dans sa démesure, d’autant que les Industries mystérieuses que tentent d’explorer les personnages permettent d’en rajouter une couche, là encore dans les effets d’échelle, mais aussi d’autres manières, par exemple en jouant sur la gravité – et on pense plus que jamais à Escher. Mais il faut aussi prendre en compte ces créatures toutes plus étranges que les autres, dont la nature biomécanique renvoie plus que jamais à Giger outre Mœbius (et à Clive Barker en prose – avec aussi un peu de Lovecraft, décidément). La démesure est là aussi de la partie, qui produit des planches hallucinées et hallucinantes, que le grand format de cette réédition « Deluxe » sublime de manière très appréciable.

 

Les combats sont toujours très présents, mais, là encore, je crois que Nihei Tsutomu est parvenu à une forme d’équilibre dans ce tome 2 – d’autant qu’ils me paraissent un peu plus lisibles, à vrai dire. Le cadrage, dans ces séquences d’action, est toujours aussi génial, et la dynamique davantage palpable à mes yeux. L’auteur succombe peut-être parfois à quelques gimmicks (on ne compte pas les cases où Killee est emporté par le recul de son arme), mais le résultat est de toute beauté, et véritablement fascinant.

 

Ce deuxième tome, même sur un mode un peu différent, s’avère donc à la hauteur du premier – au moins. Je me suis régalé à sa lecture, et j’ai presque autant apprécié, à vrai dire, d’y revenir après coup en l’envisageant cette fois comme un artbook. Hâte donc de passer à la suite, avec le troisième tome, très bientôt.

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Le Regard, de Ken Liu / Une heure-lumière hors-série 2018

Publié le par Nébal

Le Regard, de Ken Liu / Une heure-lumière hors-série 2018
Le Regard, de Ken Liu / Une heure-lumière hors-série 2018

LIU (Ken), Le Regard, [The Regular], traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre-Paul Durastanti, Saint Mammès, Le Bélial’, coll. Une heure-lumière, [2014] 2017, 92 p.

Le Regard, de Ken Liu / Une heure-lumière hors-série 2018

Une heure-lumière hors-série 2018, nouvelle de Ken Liu « Sept Anniversaires » [Seven Birthdays] traduite de l’anglais (États-Unis) par Pierre-Paul Durastanti, Saint Mammès, Le Bélial’, coll. Une heure-lumière, [2016] 2018, 55 p. + catalogue

Les deux derniers titres de l’excellente collection « Une heure-lumière » des Éditions du Bélial’, à savoir Retour sur Titan de Stephen Baxter et Les Attracteurs de Rose Street de Lucius Shepard, ont été accompagnés à leur sortie par un petit bouquin « cadeau », sobrement intitulé Une heure-lumière hors-série 2018, objet d’une sympathique opération promotionnelle : il était offert pour l’achat de deux titres de la collection. J’emploie le passé parce que, même si j’en ai avancé la lecture par rapport à mon programme habituel, j'arrive un peu tard, avec cet article : il y a quelques jours à peine, peu ou prou au moment où je refermais le bouquin dans l’attente d’une future chronique, l’éditeur a annoncé avoir écoulé tous ses exemplaires (le tirage était de 3000)… MAIS, car il y a un mais, cette opération peut toujours avoir lieu chez certains libraires qui disposeraient encore d’exemplaires de ce hors-série – alors à bon entendeur…

 

Mais qu’y a-t-il donc, dans ce bonus ? Le gros de la pagination est occupé par un catalogue « étendu » de la collection (avec des blurbs bloguesques…). Mais ce qui en fait un cadeau appréciable se situe avant, dans trois textes très différents : une sorte d’ « éditorial » très bifrostien par Olivier Girard, patron du Bélial’ et donc de la collection « Une heure-lumière » en même temps que de la revue Bifrost, et qui fait l’apologie de la nouvelle et de la novella ; une intéressante interview d’Aurélien Police par Erwann Perchoc, qui revient sur la belle identité graphique de la collection et les processus qu’elle implique chez le talentueux illustrateur ; et, surtout, entre les deux, une nouvelle de Ken Liu, « Sept Anniversaires », traduites par Pierre-Paul Durastanti.

 

Or Ken Liu est un auteur important en UHL : il est le seul à avoir deux titres à son nom dans la collection, à savoir L’Homme qui mit fin à l’histoire et Le Regard – et, en ce qui me concerne, le premier de ces deux livres est tout bonnement le meilleur de toute la collection, qui est de manière générale bonne à très bonne. Seulement voilà : pour quelque raison, et sans doute pour partie parce que je savais qu’il ne me fallait pas m’attendre à une réussite comparable, j’avais laissé le second titre de côté, et il avait pris un peu la poussière… C’était le seul UHL que je n’avais pas encore lu, après avoir chroniqué récemment le Baxter et le Shepard – je me suis donc dit qu’il était bien temps de le faire, et d’associer cette lecture à celle du hors-série, puisqu’il contient lui aussi des vrais morceaux de Ken Liu dedans.

 

La nouvelle, je m’en occuperai plus loin – commençons par la novella Le Regard (n° 9 de la collection – les fanatiques noteront que le hors-série est numéroté « HS1 »…). Ken Liu joue ici dans une tout autre catégorie que celle de L’Homme qui mit fin à l’histoire : la présente novella est bien moins ambitieuse, et probablement plus divertissante – notamment en ce qu’elle associe à la SF classique de l’auteur des atours de policier, où le hard-boiled serait contaminé par un cyberpunk plus ou moins transhumaniste, avec comme de juste des ambiances à la Blade Runner pour épicer le tout.

 

Nous sommes à Boston, dans un avenir sans doute très proche. L’un peu trop bien nommée Ruth Law est une ex-flic qui a merdé – pire encore, qui a merdé au point où ses mauvaises décisions ont coûté la vie de sa propre fille… Le profil idéal pour faire un détective privé tourmenté typique du genre ! Mais avec quand même des particularités SF, car Ruth est une femme augmentée, qui n’a pas lésiné sur les implants bioniques de tous ordres – mais, surtout, elle est quasiment en permanence (ce qui n’est vraiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiment pas recommandé) sous l’influence d’un « régulateur », qui a pour objet de tempérer ses réactions émotionnelles pour, notamment, circonvenir l’angoisse et la panique, et garder la tête froide en toutes circonstances (et je peux vous assurer que ce genre de choses me parle énormément…). Ses ex-collègues se méfient du régulateur, car ils trouvent que la machine aplanit leurs intuitions, etc. (oui, bis, j'approuve), mais Ruth sait que le régulateur aurait pu/dû faire la différence au moment fatidique qui a vu toute sa vie voler en éclats… d’où sa véritable addiction à cette mécanique que l’on n’est pas censé employer plus de quelques heures par jour.

 

Ruth est devenue une privée, donc – et elle est contactée un jour par la mère d’une prostituée assassinée et énucléée. L’affaire a eu lieu dans le « Chinatown » de Boston, la prostituée et sa mère sont d’origine chinoise… Pour la police, tout indique que c’est une affaire « de Chinois », quoi – alors, hein, les gangs, tout ça… Mais la mère n’y croit pas – et, bientôt, Ruth non plus.

 

Le lecteur, lui, sait déjà que ça n’est pas une affaire de gangs – car la novella alterne entre Ruth et l’assassin, appelé « le Surveillant » ; et si celui-ci a multiplié les meurtres, et a sans doute quelques soucis d’ordre psychiatrique, hein, il n’a pas forcément pour autant le comportement d’un tueur en série – enfin, c’est à débattre, mais il associe à ces meurtres une dimension crapuleuse : que ce soit vrai ou pas, lui-même prétend, et à ses propres yeux, faire tout cela pour l’argent – et il y a dès lors de très bonnes (…) raisons pour qu’il s’en prenne ainsi à des prostituées au profil bien particulier…

 

Rien que de très classique, globalement. Pour l’essentiel, ça fonctionne plutôt bien – sur le moment en tout cas. Même si Ken Liu n’est sans doute pas totalement à l’aise dans le registre policier, et j’y reviendrai très vite, il sait grosso merdo raconter une histoire, et l’alternance des points de vue, si elle est clichée, fonctionne raisonnablement – du moins est-elle efficace, aussi la novella remplit-elle son objectif prioritaire d’être divertissante.

 

À y regarder de plus près, ou disons après coup, ça n’est pourtant sans doute pas très glorieux… De fait, l’intrigue repose sur un certain nombre de béquilles : si, pendant la lecture, on peut et sans doute on doit se permettre de, eh bien, fermer les yeux là-dessus pour se laisser emporter par une narration autrement excitante, en y revenant on est vite amené à se dire que tout cela ne tient pas vraiment la route. La clef même de l’intrigue n’est pas crédible, vraiment pas, et le twist à cet égard ne trompe personne – quant à la méthode employée par Ruth pour mettre la main sur le Surveillant, elle a quelque chose de plus qu’improbable qui confine au nanardesque. Mais ça n’est pas si grave – on se prend au jeu…

 

Côté SF, au-delà des principes généraux exposés plus haut, il y a quelques bonnes idées : si le finale suspendu (…) a à son tour quelque chose de pas-loin-du-nanardesque, d’autres idées sont plus intéressantes – comme celle du « détecteur de mouvements », notamment, même si sa crédibilité est probablement aussi douteuse, et pour des raisons assez similaires, que celle du gros twist de la novella.

 

Mais le plus intéressant, dans cette novella qui ne s’affiche pourtant pas très ambitieuse, ou en tout cas incomparablement moins que L’Homme qui mit fin à l’histoire, porte bien sur des éléments de fond d’un maniement compliqué : la question de la pertinence des augmentations, de leurs effets éventuellement secondaires, ou, plus abstraitement, de leur impact sur la notion même d’humanité. Le transhumanisme, en employant ce terme un peu grossièrement, comme un passe-partout, suscite bien des débats (dans lesquels je me positionne à titre personnel et pour l’essentiel plutôt du côté des augmentations), mais Ken Liu a l’art de poser les bonnes questions sans imposer ses propres réponses – et, en cela, je suppose que Le Regard est bien l’œuvre de l’auteur de L’Homme qui mit fin à l’histoire. On devine sans trop de peine ce que Ken Liu tend à penser de tout cela, j’imagine, mais son approche n’a rien d’invasif. Ce qui peut toutefois avoir un impact sur la narration : la conclusion de la novella est passablement sèche, elle ne s’embarrasse pas d’un classique épilogue.

 

Le Regard est un texte mineur – clairement. Cela dit, s’il ne tient pas toujours la route à y regarder de plus près, il constitue sur le moment une lecture agréable et efficace, pas dépourvue de considérations intéressantes sur le transhumanisme, l’idée même d’humanité, les intuitions et les sentiments face à la froide raison et au détachement protecteur. Ce qui n’est pas si mal, hein ?

 

Maintenant, Ken Liu peut se montrer autrement brillant – et « Sept Anniversaires », la nouvelle « cadeau » du hors-série, en est une éloquente démonstration. Et d’une densité impressionnante, car nous parlons bien cette fois d’une nouvelle, pas d’une novella : une trentaine de pages… qui vont nous projeter dans un très lointain avenir.

 

Ces « Sept Anniversaires », ce sont ceux de Mia – et ce sont sauf erreur des multiples de 7. Elle a sept ans quand nous la croisons pour la première fois, dans un futur si proche qu’il est peu ou prou présent – la petite fille vit mal le divorce de ses parents, et tout particulièrement les absences de sa mère, en quête d’une « solution technique » au problème d’une Terre qui meurt du fait des conneries des hommes : elle veut croire que cette solution existe, et est prête à se compromettre pour la trouver et la réaliser. Et nous recroiserons Mia à l’âge de 49 ans, puis de 343 ans, etc.

 

« Sept Anniversaires » est une nouvelle très impressionnante, dont la mécanique permet d’exposer, sur des millénaires et des millénaires, le développement vertigineux (c’est le mot en usage, et il est ici parfait) d’une post-humanité épanouie, et que nos pronostics légitimement pessimistes semblaient reléguer au rang de rêveries sans fondement. La nouvelle a quelque chose de très, très optimiste qui, à vrai dire… surprend. Nous n’y sommes peut-être plus habitués ? Mais, en même temps, cet optimisme… eh bien, n’apparaît pas naïf. Et ce n’est pas le moindre tour de force de cette très bonne nouvelle (si j’ose dire). La densité du texte y participe – son caractère laconique aussi. Le voyage n’en est pas moins saisissant. Comme les blogocopines et copains, je suis très tenté d’associer « Sept Anniversaires » au roman Accelerando de Charles Stross, pour le coup.

 

Mais l’autre tour de force – et qui pour le coup distingue Ken Liu de Charles Stross et de beaucoup, beaucoup d’autres –, c’est comment la nouvelle parvient à rester « humaine », délibérément. Le très touchant premier chapitre, dès lors, n’est pas à proprement parler une fausse piste, mais bel et bien l’amorce de quelque chose qui se perpétuera jusqu’à la fin, et à bon droit. On relèvera aussi comment l’auteur inscrit dans son récit des thématiques politiques, économiques, écologiques, mais aussi bien philosophiques, parfois très compliquées, et se refuse à y apporter de ces réponses « simples » qui, au risque de me répéter, ont toujours été l’apanage des brutes et des imposteurs : c'est au lecteur de faire ses choix.

 

Oui, vraiment une excellent nouvelle, pour le coup. Bien meilleure sans doute que Le Regard… même si je conserve une place particulière à L’Homme qui mit fin à l’histoire.

 

Quoi qu’il en soit, longue vie à « Une heure-lumière » ! Et hâte de lire les prochains titres de la collection : six sont annoncés à la fin du hors-série, et il y a quelques noms étonnants (si c’est le mot), laissant présager que la collection continuera d’évoluer – ce qui est bien la moindre des choses, quand on fête ce genre d’anniversaires.

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No Guns Life, vol. 6, de Tasuku Karasuma

Publié le par Nébal

No Guns Life, vol. 6, de Tasuku Karasuma

KARASUMA Tasuku, No Guns Life, vol. 6, [No • Guns • Life ノー・ガンズ・ライフ], traduit [du japonais] et adapté en français par Miyako Slocombe, Bruxelles, Kana, coll. Big, [2014] 2018, 228 p.

Bon, exceptionnellement, je vais faire bref, parce que je n’ai vraiment pas grand-chose à dire à propos de ce sixième tome de No Guns Life.

 

Jusque-là, j’aimais bien cette série, à l’ambiance « technoir » pas des plus originale mais bien foutue, et ce personnage improbable de détective privé passablement « hard boiled » avec un énorme flingue en guise de crâne. Non, ça ne révolutionnait rien, et ça pâtissait d’un certain nombre de défauts sur lesquels je ne pouvais pas faire l’impasse : un dessin sans doute très personnel, mais aussi plutôt confus, quasiment au point de l’illisibilité dans les scènes d’action ; une tendance à l’érotisation un brin poussive des personnages féminins ; ce genre de choses… Mais, globalement, j’aimais bien. Au sortir du tome 5, j’étais curieux de lire la suite.

 

C’est désormais chose faite, avec ce tome 6 publié tout récemment… et, en ce qui me concerne, je vais m’arrêter là. J’ai trouvé ça simplement… mauvais. Et profondément ennuyeux. Je ne suis pas certain que le contraste en termes de qualité soit si élevé entre ce tome-ci et le précédent – enfin, si, quand même, je le suppose... Mais j’avais lu les tomes 3 à 5 dans la foulée, et je pense que les bons moments, dans ces trois volumes, il y en avait assurément, ont aidé pour faire passer la pilule. Ce tome 6, pris isolément… non. Ça n’a pas marché. Rien n’a marché.

 

Je serais bien en peine de vous en raconter l’histoire, à vrai dire – tant je ne suis jamais parvenu à accrocher à ce que je lisais ; pas que ce soit forcément « compliqué », et la bourrinade a assurément sa part dans le volume, c’est peu dire, c’est juste qu’il m’était impossible de faire le moindre effort de concentration tant tout cela m’indifférait de bout en bout.

 

Bon, on était dans un gros bordel de grand complot qui manipule tout le monde, où les terroristes anti-extends du Spitzbergen et les capitalistes envahissants de la compagnie Berühren, promoteurs des extends, se retrouvaient en gros dans un même panier, avec un savant fou à l’origine desdits extends pour faire la navette entre les deux groupes censément antagonistes, ce genre de choses, blah blah blah… Un univers décidément très cynique (sans déconner ?).

 

Hélas, c’est à la fois a) convenu et b) confus – à la mesure en fait du dessin saturé d’onomatopées qui, à ce stade, devient franchement pénible. Cette intrigue pas toujours aisée à suivre mais surtout tristement plate et déjà lue/vue mille fois n’a absolument rien pour elle, et ce qu’elle pouvait promettre d’intéressant malgré tout s’avère traité avec une fainéantise et un manque d’implication qui, me concernant, signent fatalement l’arrêt de la série (j’allais dire « des hostilités », mais c’était encore moins approprié).

 

Même le gimmick – car c’en est devenu un – voulant que l’on ne sache pas si Jûzô Inui contrôle bel et bien son corps, ou a laissé le « mystérieux » gamin Tetsurô, avec son extension Harmonie, se glisser dans sa carapace, n’intrigue pas un seul instant. Cette idée avait du potentiel, à l’origine, pourtant…

 

Mais voilà, sur 200 pages, on navigue sans cesse entre baston illisible et flashbacks de poseurs tellement clichés qu’ils en deviennent un archétype du passé torturé/badass/pseudo-sage si commun dans tant de mauvaises séries, et très, très chiant. Et les personnages sont inintéressants au possible – outre que le dessin de Karasuma Tasuku, idéal pour les GSU aux mutations démesurées (il y a quelques délires graphiques pas inintéressants sous cet angle), et bizarrement parfois en mesure d’être des véhicules de l’émotion (c’est toujours le cas ici, je suppose), pèche radicalement quand il s’agit de personnaliser des « humains ». Le revers d’un character design à la base alléchant – mais cette fois, c’est au point où on s’y reprend à deux fois avant de pouvoir affirmer qui est qui, bien trop souvent. Même Pepper et Krohnen, qui avaient été un minimum développés auparavant (pas forcément avec beaucoup de réussite, certes, surtout pour la première), demeurent à ce stade des coquilles vides, et ne sont finalement guère différents de leurs antagonistes sans âme et sans personnalité. Dans ces conditions, s’intéresser aux souvenirs et traumatismes persistants comme aux coups spéciaux grandiloquents-germaniques dont ils sèment leurs bastons… était au-dessus de mes forces.

 

Oui, il est bien temps d’arrêter… Déception, quand même.

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No Guns Life, vol. 3, 4 et 5, de Tasuku Karasuma

Publié le par Nébal

No Guns Life, vol. 3, 4 et 5, de Tasuku Karasuma

KARASUMA Tasuku, No Guns Life, vol. 3, [No • Guns • Life ノー・ガンズ・ライフ], traduit [du japonais] et adapté en français par Miyako Slocombe, Bruxelles, Kana, coll. Big, [2014] 2016, 234 p.

No Guns Life, vol. 3, 4 et 5, de Tasuku Karasuma

KARASUMA Tasuku, No Guns Life, vol. 4, [No • Guns • Life ノー・ガンズ・ライフ], traduit [du japonais] et adapté en français par Miyako Slocombe, Bruxelles, Kana, coll. Big, [2014] 2017, 226 p.

No Guns Life, vol. 3, 4 et 5, de Tasuku Karasuma

KARASUMA Tasuku, No Guns Life, vol. 5, [No • Guns • Life ノー・ガンズ・ライフ], traduit [du japonais] et adapté en français par Miyako Slocombe, Bruxelles, Kana, coll. Big, [2014] 2017, 210 p.

No Guns Life, suite, avec les tomes 3, 4 et 5 – soit tout ce qui est paru en français pour l’heure. Les deux premiers tomes, sans avoir rien de révolutionnaire, mais alors absolument rien, m’avaient suffisamment accroché, avec leur chouette ambiance, l’excellent personnage principal qu’est Jûzô Inui et sa tête de flingue, de bons personnages gravitant autour de lui et quelques idées bizarres saupoudrées çà et là, pour que je dépasse sans peine quelques aspects moins enthousiasmants – notamment le caractère très convenu et déjà-lu de ce cyberpunk noir, du genre à citer abondamment ses références, une vague érotisation des personnages féminins guère convaincante en plus d’être inutile, ou un dessin certes d’une personnalité appréciable, mais régulièrement au prix de la lisibilité, notamment dans les scènes de combat. Ces trois nouveaux tomes sont clairement dans la continuité, atouts et désavantages se perpétuent, encore qu’en connaissant quelques évolutions ; globalement, je crois que la série s’améliore, en fait, même si, là encore, sans jamais atteindre quoi que ce soit de bouleversant.

 

Je ne vais pas m’étendre outre mesure sur l’histoire de ces trois tomes – simplement en donner les grandes lignes pour se faire une idée du contenu. Même sous cette forme très lapidaire, toutefois, ça n’exclut pas quelques SPOILERS, inévitablement…

 

La trame de fond demeure : cette ville indéfinie, mégalopole tentaculaire à l’ombre de la corporation omniprésente Berühren ; si les yakuzas des deux premiers tomes sont cette fois un peu en retrait, les deux autres factions principales, d’une part l’Agence pour la Reconstruction et son « Bureau des Mesures Anti-Extends », ou EMS, et d’autre part les terroristes réac du Spitzbergen (qui sont encore nimbés d’un voile de mystère, cela dit), sont toujours de la partie. Bien sûr, sur cette base, il y a forcément des complots dans tous les sens, des agents infiltrés, des traîtres, de la corruption à tout va, du cynisme, du fanatisme, de la folie pure, des révélations en pagaille à base de régiments de squelettes dans absolument tous les placards, etc. Le cocktail de base technoir, nous sommes en terrain connu.

 

Le tome 3 poursuit, plus qu’il ne conclut, le tome 2. Il s’ouvre donc sur la révélation, pour notre héros Jûzô Inui du moins, de ce que le grand héros de la guerre, le premier extend, Mega Armed Sai, est un putain de gros connard psychopathe – pour l’affronter, il faut au moins quelqu'un d’aussi furieusement taré et meurtrier que lui… comme un Jûzô Inui privé de ses sacro-saintes clopes (je diminue en ce moment ma propre consommation, et compatis donc avec l’homme à tête de flingue – tout en me disant que ça serait bien pratique d’avoir cette tête de flingue, des fois, surtout dans ces circonstances). Mais l’affaire ne s’arrêtera pas là – l’affrontement, au fond, ne résout rien, et initie, plutôt qu’il ne conclue, un nouveau fil rouge dans la BD, qui ne révolutionne rien là encore, mais plusieurs de ces fils sont dès lors en place, qui complexifient l’univers mais jamais au prix de la cohérence. L’apparition d’un nouveau personnage secondaire, un jeunot vif et débrouillard du nom de Colt, va également dans ce sens… même si c’est en définitive un autre fil rouge qui prend de l’importance dans les derniers chapitres – du genre pas surprenant du tout, car foncièrement logique : est impliqué dans tout cela Victor, le frère de Mary, la géniale et dingue ingénieure dans l’ombre de Jûzô Inui ; de manière tout aussi convenue mais acceptable, le tome suivant nous « révélera » que le privé lui-même est lié à Victor… et que cela n’a rien d’un hasard si notre héros n’est jamais bien loin de Mary.

 

Le tome 4 part assez mal – avec l’excitée Pepper et sa triste dégaine de fantasme psycho qui rend visite à Jûzô Inui dans son bureau, accompagnée par un autre Gun Slave Unit ; l’affrontement entre les deux unités extends de même type ne passionne guère, et l’affaire ne se prolonge heureusement pas, même si les deux intrus n’ont probablement pas dit leur dernier mot. La suite est heureusement plus intéressante, qui retourne aux enquêtes de Jûzô Inui… même si, nous l’avons maintenant intégré, d’une manière ou d’une autre, ces enquêtes ne sauraient être indépendantes, et sont toutes liées entre elles, et aux gros complots qui forment la trame de cet univers de cyberpolar : il s’agit de mettre la main sur un extend « fantôme », qui persécute une pauvre petite fille riche qui a comme un préjugé à l’égard des hommes augmentés. Mais, en fait de main, il en est une autre qui intervient bientôt, baladeuse si l’on ose dire, la Chose de La Famille Addams à l’heure du transhumanisme… et nous en revenons donc, sans vraie surprise, mais non sans une certaine habileté narrative, à Victor, ses relations avec Mary aussi bien que Jûzô Inui – et ses idées un peu confuses quant aux extends ?

 

Le tome 5 poursuit cet arc, mais en s’autorisant quelques à-côtés étonnants – d’abord un épisode peu ou prou one-shot prenant pour base un gros pervers dans un salon de coiffure « pour extends » (…), ce qui est à la fois très con et relativement amusant ; ensuite une nouvelle enquête de notre héros, qui lui est confiée par… ben, une « femme fatale », disons ; le versant très chaudasse. Ceci dit, même si j’émettrai des réserves sur le vague érotisme, passablement gratuit voire maladroit, qui imprègne çà et là (assez rarement heureusement) les planches, ça, pour le coup, c’est assez bien vu – parce que sa liberté de ton met les autres personnages, et éventuellement les lecteurs, un peu mal à l’aise ; il y aurait de quoi commenter pas mal… En tout cas, c’est bien plus pertinent que de multiplier les angles incongrus en plans fesses et nichons ; et c’est peut-être justement la raison d’être de ce bref arc ? Cela dit, au-delà de l’érotisme et de l’humour affiché de ces séquences (la BD alterne toujours très bien gravité et comique), les trames de fond demeurent, qui, sans surprise une fois de plus, laissent entendre que notre héros a eu un passé un tantinet trouble durant la guerre – ce qui nous renvoie aussi bien à Victor qu’à Mega Armed Sai, Gondry, le pote GSU à Pepper, etc.

 

Les atouts de ces trois tomes demeurent globalement les mêmes que dans les deux premiers, mais avec peut-être une certaine accentuation dans le bon sens. Premier atout, sans doute : une ambiance cyberpunk noire tout simplement parfaite, qui ressort à la fois du graphisme, avec ses jeux d’ombre et de lumière, et d’éléments très bien vus de caractérisation des personnages – comme les cigarettes de Jûzô Inui. Ce dernier est toujours l’excellent personnage principal qu’il était dans les deux premiers tomes, attachant en dépit de son allure inquiétante, expressif alors même qu’il n’a pas de visage ; cela vaut à vrai dire pour d’autres extends, qui arborent comme des masques de nô, remplissant cette double fonction paradoxale. Le détective est par ailleurs plus complexe qu’il n’en a l’air, ce qui vaut aussi pour les principaux personnages secondaires de la série : tout d’abord, dans l’entourage immédiat du détective, Mary, son ingénieure fracasse, et Tetsurô, ce petit con qui veut bien faire mais ne pige pas grand-chose à ce qu’il fait... et cache peut-être certaines choses, le petit coquin ; mais d’autres personnages, plus éloignés, ont également du potentiel sinon encore de la matière, comme Olivia, l’ambiguë chef-ou-pas-chef de l’EMS, dont les relations avec Jûzô Inui sont très compliquées – utilement. Je ne me prononcerai pas encore en ce qui concerne Victor, mais tous ceux que je viens de citer évoluent progressivement, et pas seulement dans leur rapport au héros : ils ont une vie propre, et ça, c’est très appréciable. Mais, çà et là, d’autres personnages bien plus secondaires peuvent aussi constituer de bonnes surprises, et je crois que c’est le cas de la cliente nympho du tome 5 – voire des gérants et clients du salon de coiffure dans ce même volume, en dépit du grotesque de la séquence, amusant mais parfois à l’extrême limite de la lourdeur – un jeu d’équilibriste périlleux.

 

J’ai déjà mentionné, dans ma chronique des deux premiers tomes et dans celle-ci, combien l’érotisation forcée, même rare (ouf), des personnages féminins de la BD était poussive. Rien ne l’illustre mieux, ici, outre les couvertures des tomes 3 et 4, que le personnage de Pepper (tome 4), qui est vraiment une caricature – mais peut-être était-ce le propos… Il y a, de manière générale, des cases dont on se passerait, un peu puériles, un peu beauf – pas très réussies de toute façon, ou disons plus exactement que ça ne réussit pas trop à Karasuma Tasuku. C’est d’autant plus flagrant que ses principaux personnages féminins, Pepper exceptée, bénéficient d’un character design assez soigné, et qui leur confère le cas échéant bien davantage de personnalité, et avec bien davantage de pertinence ; si Pepper n’est que nichons, et si Olivia peine parfois à être autre chose que des lèvres pulpeuses (il y a des progrès la concernant, cela dit), Mary, elle, gagne à avoir l’air décalquée en permanence – ses cernes attirent bien davantage l’attention que ses gambettes, et c’est tant mieux ; graphiquement, et narrativement, elle est un très bon personnage – la piste à suivre en ce qui me concerne.

 

Mais justement : le dessin. Il bénéficie d’une certaine personnalité, assez indéniable – mais qui a son revers, dans des scènes d’action que je trouve bien trop souvent illisibles sinon brouillonnes, et la saturation des cases par les onomatopées n’arrange rien à l’affaire. C’était un problème marqué dans les deux premiers tomes, à mes yeux, ça l’est toujours dans les trois qui nous intéressent aujourd’hui. Cependant, je crois qu’il y a eu un certain progrès à cet égard ? Globalement – pas seulement dans les scènes de baston, en fait –, j’ai l’impression que Karasuma Tasuku a fait évoluer son style vers davantage de sobriété (sans être sobre à proprement parler, loin de là !), et ça me paraît assez profitable. Cependant, il y a un risque, ici, dont j’ai bien conscience : le style graphique de l’auteur ne risque-t-il pas, alors, de perdre en personnalité, de devenir « lambda » ? Je suppose qu’on ne peut pas tout à fait l’exclure – mais pour l’heure ça n’est pas le cas, et j’ai l’impression que l’on progresse vers un certain équilibre très appréciable.

 

Le bilan de ces trois tomes est donc globalement le même que celui des deux premiers : No Guns Life ne révolutionne rien, absolument rien, et entretient un jeu dangereux avec les codes et les clichés, qui pourrait être fatal à terme à la série, mais qui est très bien géré pour l’heure. L’ambiance très réussie, les personnages plus complexes qu’ils n’en ont tout d’abord l’air, l’improbablement charismatique Jûzô Inui en tête, quelques idées tordues enfin qui s’insinuent dans la trame pour rompre avec le déjà-lu et renouveler l’intérêt du lecteur, sont autant d’atouts qui font de cette lecture un moment agréable et convaincant, même si certainement pas impérissable.

 

Je lirai probablement la suite, quand elle sortira…

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