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20th Century Boys, t. 6 (édition Deluxe), de Naoki Urasawa

Publié le par Nébal

20th Century Boys, t. 6 (édition Deluxe), de Naoki Urasawa

URASAWA Naoki, 20th Century Boys, t. 6 (édition Deluxe), [20 seiki shônen, vol. 11-12], scénario coécrit par Takashi Nagasaki, traduction [du japonais par] Vincent Zouzoulkovsky, lettrage [de] Lara Iacucci, Nice, Panini France, coll. Panini Manga – Seinen, [2000] 2015, [458 p.]

 

À MI (AMI) PARCOURS

 

Suite de 20th Century Boys, fameux manga au long cours signé Naoki Urasawa, avec ce sixième tome de l’édition « Deluxe », comprenant donc les volumes 11 et 12 de la publication originale. Accessoirement (ou pas), c’est avec ce volume que nous arrivons (enfin) au milieu de la série, après quelque chose comme 2500 pages de BD, tout de même.

 

C’est sans doute un moment crucial dans la série, mais aussi dans ma lecture – après un tome 5 de l’édition « Deluxe » qui, globalement, ne m’avait guère parlé… Je m’étais procuré ce tome 6 dans la foulée, et supposais que cela serait le moment de faire le point – en décidant si je poursuis l’aventure ou non…

 

Et, arrivé à la fin de ce volume, je ne sais en fait pas ce que je vais faire concernant la suite. Arf... Parce qu’il y a des choses qui me saoulent, et d’autres que j’admire – des gimmicks qui m’amusent, d’autres qui m’irritent – des personnages que je déteste, d’autres que j’ai encore envie de suivre…

 

Il me paraît plus difficile de singulariser dans ce volume des trames principales – et même de le découper en fonction des deux tomes originels qu’il compile. Réalité de la BD ou pur effet subjectif de ma lecture, j’ai l’impression que tout cela est devenu plus brumeux – à l’étape au-dessus, disons… Ce qui, au fond, n’aurait pas forcément grand-chose d’étonnant, la série reposant sur des codes de thriller appliqués à grande échelle, sur une trame globale impliquant nombre de personnages dans une chronologie plurale et complexe, et, par ailleurs, subvertissant sans cesse ce que l’on sait ou croit savoir de ces personnages dans un jeu pervers de cliffhangers et révélations…

 

Le problème étant que ces derniers fonctionnent plus ou moins. Ce qui en témoigne le plus, et m’inquiète tout particulièrement, ici, c’est que la GROSSE révélation de ce volume, à sa toute dernière page, portant sur l’identité d’Ami (jusqu’au prochain retournement de situation ?), m’a laissé… totalement froid, en fait. Alors que l’identité d’Ami est censée être ZE Gros Machin depuis le début de la série…

 

Essayons quand même de voir ce qui se passe avant…

 

TONTONS, TATA, REMORDS ET (ABSENCE DE) SCRUPULES

 

L’album s’ouvre sur la prolongation de ce qu’il y avait de mieux dans le volume précédent : la jeune idiote Kyôko Koizumi coincée avec l’inquiétant (oui, cette fois) Sadakiyo, et une ribambelle de confusions et quiproquos qui va avec, où l’héroïne Kanna a sa part – tous ces personnages sont menacés par les « Dreamnavigators », ardents fanatiques d’Ami, guère étouffés par les scrupules (ou plus exactement leur cheffe – les grouillots sont lobotomisés, se contentant d’obéir dans la joie et les remerciements), et qui sont prêts à commettre un massacre pour conserver les petits secrets de leur secte.

 

Arrive opportunément Yoshitsune – que retrouve donc Kanna : tous ses tontons semblent revenir les uns après les autres ! Outre sa tata Yukiji, dont la tournure ne cesse de me décevoir…

 

Au passage, Sadakiyo se livre à une confession douloureuse portant sur un autre tonton, qui participe de son statut ambigu, indiscernable, de personnage « gris » dans un monde autrement en noir et blanc – on le hait et on le plaint, alternativement ou en même temps ; peut-être y a-t-il cependant autre chose en lui – peut-être même une sorte de héros, malgré tout ?

 

SUR LA PISTE DE LA MÈRE...

 

Mais l’essentiel, concernant Kanna, est la « révélation » (pour elle – le lecteur le « savait » depuis un épisode bien antérieur, impliquant le fameux tonton Kenji) qu’Ami, l’odieux Ami, serait son père... Il y avait aussi cette idée que sa mère, Kiriko, la sœur aînée de Kenji donc, pourrait ressurgir bientôt…

 

D’où notre Kanna qui se lance sur la piste de ses origines – via un hôpital perdu dans un (charmant) trou du Japon, où, avant de laisser la place à des cinéastes amateurs (plutôt une bonne idée, ça), une équipe de bactériologistes a peut-être accompli des travaux cruciaux… même si, avant tout, s’impose de plus en plus l’idée que Kiriko elle-même, en mode « Godzilla » de son propre aveu, a sans doute eu sa part dans la création du virus qui a provoqué « le grand bain de sang de l’an 2000 ».

 

Cette piste est relativement intéressante – mais aussi, peut-être, parce qu’elle éloigne Kanna de son délire messianique, à base d’union des mafias chinoise et thaïlandaise, pour protéger le pape (!) des exactions d’Ami… Ce qui constituait une part essentielle de la narration du volume 5, et qui m’avait considérablement déçu – et c’est peu dire.

 

ET DU DOCTEUR YAMANE

 

Mais la piste médicale ne s’arrête pas là – d’autres se lancent en effet sur la piste d’un personnage peu ou prou nouveau dans la série, mais lié à cet égard tant à Kiriko qu’à Kenji : le docteur Yamane.

 

Ici, ce sont les (rares) flashbacks enfantins qui fonctionnent le mieux – avec un petit Yamane lui aussi inquiétant, d’une manière plus perverse que le petit Sadakiyo, et deux, trois révélations qui changent la donne quant au pouvoir d’oracle supposé de Kenji, notamment en questionnant sous un angle assez inattendu, pour le coup, le « nouveau cahier de prédictions », qui constituait sans doute un apport essentiel du tome 5 – un des rares trucs à en sauver ?

 

Hélas, nos enquêteurs dans ce présent volume ne sont pas les plus attachants : le vieux tonton Otcho dit « Shôgun », décidément trop « héros couillu de chez couillu » pour me parler, et le terne jeunot de mangaka qui l’accompagne, Kakuta – nos deux évadés de la « Luciole des Mers », donc, et j’ai décidément du mal avec eux

 

UN INTERLUDE PLUS CONVAINCANT

 

Il est cependant une sous-trame qui m’excite bien davantage – mais qui, pour l’heure, n’est quasiment pas développée… Pourtant, elle repose sur une base assez trouble, puisqu’il s’agit, à nouveau, du retour d’un « tonton » de Kanna censément disparu – en même temps, je suppose que personne ne pouvait véritablement croire à la mort de ce bon gros Maruo ?

 

La surprise, c’est de le faire ressurgir bien loin des autres – et tout particulièrement du « commandant » qui ne s’assume pas comme tel, Yoshitsune. Maruo est en effet devenu une sorte de manager/conseiller/confident… pour Namio Haru ! Qui ça ? Eh bien, ce personnage tellement secondaire qu’à ce stade il n’en était même pas un – le chanteur passablement ridicule, mais star néanmoins, que l’on diffuse sans cesse sur toutes les ondes, pour son dernier « tube », le terriblement crétin « Hello ! Hello ! L’expo ! », hymne de l’exposition universelle nippone à venir (le souvenir de l’exposition universelle de 1970 à Osaka est très important dans la bande dessinée – et, en cela, elle contient quelque chose de très fort et très juste concernant les mentalités japonaises de l’après-guerre : cette exposition a effectivement été déterminante à cet égard ; les gamins de la bande à Kenji ne pouvaient qu’en être affectés).

 

Or le chanteur à l’élégant et anachronique kimono n’est sans doute pas la coquille vide que l’on croit tout d’abord – et, avec son comparse Maruo (bien changé sous ses lunettes de soleil, avec un catogan de rigueur), il semble bien décidé à agir contre Ami… envisageant même un temps l’option terroriste.

 

Voilà, du coup, deux personnages très énigmatiques et plutôt intéressants – j’espère que Naoki Urasawa parviendra à en tirer quelque chose…

 

Pour l’heure, dans la suite du volume (le petit « arc » consacré à Maruo et Namio Haru fait en gros la transition entre les deux tomes ici compilés, occupant les premiers épisodes du second), ne s’amorcent guère que les retrouvailles entre Maruo et Kanna…

 

RETROUVAILLES – ENCORE

 

Mais c’est justement en cela que les deux tomes, cette fois, ne me paraissent pas aussi évidents à distinguer que dans les volumes précédents : passé cet intermède, c’est bien la piste médicale/bactériologique qui reprend – mais pour le coup plus la traque de Yamane que celle de Kiriko ; là encore, le retour à l’enfance est probablement ce que l’on peut en tirer de plus satisfaisant – le passage « contemporain » (2014 – alors que l’on se met à redouter que 2015 soit la vraie fin du monde, bim, hop…) me paraît autrement convenu, jusque dans la confrontation avec Ami qu’il orchestre, avec des conséquences notables pour l’évolution de la série dans les toutes dernières pages… mais qui m’ont donc laissé passablement froid. Là, il y a vraiment un souci… Et alors même que c’est l’occasion d’importantes retrouvailles !

 

UNE BIZARRERIE CHRONOLOGIQUE

 

En fait, dans ce tome 12 originel, outre le bref arc centré sur Maruo et Namio Haru, donc, qui l’introduit, je ne retiens pas grand-chose – peut-être, cependant, cette bizarrerie assez complexe, quand Yoshitsune et Yukiji se rendent compte qu’il y a un problème chronologique dans les délires d’Ami dont a été victime Koizumi ?

 

Des dates ont été mélangées, avec des incompatibilités ; les personnages, Yoshitsune surtout, chez qui cela vire à l’obsession, cherchent donc à déterminer si Ami s’est trompé ou a menti, et pourquoi…

 

C’est potentiellement intéressant – en revenant sur la séquence de « souvenir virtuel » de Koizumi avec les enfants rôdant dans la maison hantée, plutôt un bon moment de la série (dans le tome 4)… mais aussi, du coup, avec quelque chose d’un peu absurde quant aux implications exactes de cette expérience, qui, pour être au fond une « simple » reconstitution virtuelle, semble dissimuler, aux yeux des personnages, une réalité qui ne pourrait véritablement se concevoir que dans un cadre autrement plus fantasque, d’exploration exacte de la psyché, sinon à proprement parler de voyage dans le temps.

 

Mais, en l’état, tout le monde se retrouve dans la « salle de biologie », et les « révélations » s’enchaînent, jusqu’à l’ultime concernant Ami, grosse pirouette en sus… sauf que je m’en foutais passablement, en fait. Souci…

 

LIRE LA SUITE ?

 

Lire la suite ? Il y a sans doute de la compulsion… mais je crois que j’en ai encore envie.

 

Pourtant, bien des choses ne me satisfont pas dans cette BD, à l’évidence – et je suppose qu’on peut dire, de manière globalement « objective », qu’elle est très inégale.

 

Elle manie certes une, ou plutôt des intrigues extrêmement complexes, qui plus est dans un cadre chronologique lui aussi bien compliqué, et faisant intervenir toute une kyrielle de personnages – quitte à en rajouter encore et encore, notamment en revenant tardivement sur des noms à peine entraperçus dans les tout premiers épisodes de la série… Pour gérer tout cela, Naoki Urasawa (et Takashi Nagasaki ?) fait régulièrement preuve d’habileté, et s’autorise de manière bien vue des jeux sur les codes assez réjouissant – conférant un côté délicieusement ludique à son récit. Mais ça, c’est quand ça marche… Quand ça ne marche pas, ne demeure que l’artifice, bien trop visible comme tel, et la sensation que l’auteur tire à la ligne, en se dispersant fâcheusement. Sait-il où il va, ou est-il en roue libre ? Allez savoir… Mais le bon alterne donc régulièrement avec le moins bon, voire avec le mauvais – très régulièrement.

 

Ceci étant, je suppose, avec un peu de recul, que ce tome 6 « Deluxe », plus resserré dans sa dimension mi-policière, mi-quête des origines, avec la thématique bactériologique au cœur, m’a globalement plus parlé que le précédent

 

Mais il y a tout de même un gros souci : cette fin (suspendue…) qui devrait être capitale, et qui ne m’a en rien fait vibrer… Mais peut-être y a-t-il un piège dans tout ça – la manipulation du lecteur, après tout, est un trait fondamental de 20th Century Boys, j’imagine… Alors, oui, la suite, peut-être…

 

On verra.

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