Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

"Recoiled", de Coil / Nine Inch Nails

Publié le par Nébal

Recoiled.jpg

 

 

 

Coil / Nine Inch Nails, Recoiled (Cold Spring, 2014)

 

Tracklist :

 

01 – Gave Up (Open My Eyes)

02 – Closer (Unrecalled)

03 – The Downward Spiral (A Gilded Sickness)

04 – Eraser (Reduction)

05 – Eraser (Baby Alarm Remix)

 

J’étais au lycée. Je ne connaissais à peu près rien à la musique industrielle. J’avais entendu parler de Nine Inch Nails, mais n’en avais jamais écouté le moindre morceau. Cela m’avait l’air alléchant, toutefois… Je fréquentais à l’époque plusieurs disquaires (c’était il y a longtemps…), et, dans l’un, où je m’approvisionnais surtout en bootlegs, dois-je confesser, j’avais déniché pour pas cher Fixed, album de remixes de Broken, qui est sans doute à la fois la pire porte d’entrée pour NIN (parce que bien frappé de la tête, tout de même) et la meilleure (parce que bien frappé de la tête, tout de même). Rares sont les disques à m’avoir fait autant d’effet, et ce dès la première piste, stupéfiant remix du « Gave Up » de Nine Inch Nails par Coil, groupe dont je n’avais alors jamais entendu parler. Mais j’ai noté ce nom dans un coin de mon cerveau adolescent, pour plus tard… et, plus tard donc, je suis effectivement devenu fan de Coil en même temps que de Throbbing Gristle (mais j’aurais sans doute eu du mal avec la plupart des enregistrements de ces deux groupes à l’époque où j’avais encore plein de boutons sur la gueule). Mais, instantanément, je suis devenu fan de Trent Reznor. Et cet album m’a ainsi ouvert d’impressionnants horizons musicaux, insoupçonnés jusqu’alors…

 

Mais cessons de parler de moi, un peu (je tenais néanmoins à livrer cette introduction, dans la mesure où cette double rencontre a été un moment déterminant de mon éducation musicale). Et envisageons brièvement les relations entre Nine Inch Nails et Coil. L’admiration de Trent Reznor pour la légende de la musique industrielle (ou post-industrielle, comme on voudra) Coil n’est un secret pour personne (après tout, hein, How to Destroy Angels… qui n’est probablement pas le meilleur hommage que l’on pouvait faire au groupe de Peter « Sleazy » Christopherson et John Balance, mais c’est une autre histoire). Et le sieur Reznor avait ainsi fait appel au talent de ses prestigieux modèles sur Fixed (donc) et Further Down the Spiral (album de remixes de The Downward Spiral).

 

Mais il y en avait d’autres dans les cartons, qui avaient plus ou moins filtré, le plus célèbre sans doute étant « Closer (Unrecalled) », superbe pièce bien éloignée du tube originel et que l’on avait pu en partie entendre, joliment mise en image, dans le générique du Seven de David Fincher. À vrai dire, la quasi-totalité des cinq remixes composant Recoiled avaient déjà pu être écoutés auparavant (notamment dans un bootleg du nom d’Uncoiled). Mais il aura étrangement fallu attendre 2014, soit bien après le décès de Peter « Sleazy » Christopherson, sans parler de celui de son comparse John Balance, pour que ce Recoiled sorte officiellement sur le label Cold Spring.

 

Or, Coil qui reprend ou remixe, c’est tout un programme (quiconque en douterait est invité à jeter une oreille sur leur célèbre cover de « Tainted Love », voire à en regarder le clip bouleversant). Pas question, ici – d’autant que l’on procède « à l’ancienne » –, de faire preuve de fainéantise en habillant le morceau originel de quelques vagues variantes de plus ou moins bon goût et de se contenter de cela pour prétendre qu’il s’agit d’un nouveau titre… Coil, en remixant, s’approprie le morceau, en fait sa chose, et le soumet à toutes les tortures possibles et imaginables (voire les autres aussi) pour livrer une véritable nouvelle pièce, sans toutefois pousser le vice jusqu’à balancer quelque chose qui n’a plus aucun rapport avec le premier morceau (autre « vice » courant du remix, sans doute moins préjudiciable, mais qui peut parfois faire sourire). Le lien est là, on n’erre pas totalement en terrain inconnu, mais disons que le paysage subit quand même des distorsions pour le moins étonnantes.

 

« Closer (Unrecalled) », donc, en témoigne. Bien loin de l’entraînant tube de NIN (par ailleurs très surestimé à mon humble avis…), le morceau trituré par Coil devient inquiétant, maladif, et n’en est que plus superbe. Et pour le coup, si Trent Reznor veut toujours vous baiser comme des animaux, tous autant que vous êtes, il y a cette fois dans sa voix des accents qui font sonner cette déclaration d’intention comme une menace à ne pas prendre à la légère… qui est tout autant un appel à l’aide.

 

Mais c’est sur « Gave Up (Open My Eyes) » que s’ouvre l’album. Le morceau, sur le tard, est une variante de l’excellent remix déjà connu sur Fixed, sur lequel je me suis étendu plus haut. Aussi en retiendra-t-on avant tout cette introduction aussi superbe que déconcertante, lorgnant – une fois n’est pas coutume – sur les ambiances sombres et malsaines et en même temps étrangement planantes de Coil. Les nappes se marient harmonieusement aux hurlements et à une basse stupéfiante pour plonger immédiatement l’auditeur dans un monde autre ; on comprend bien vite que le voyage ne sera pas de tout repos, mais que le jeu en vaudra la chandelle.

 

Impression confirmée ultérieurement par le remix oppressant et imbibé du suicidaire « The Downward Spiral », et par deux variations sur l’excellent « Eraser », la première relativement calme, la seconde plus excitée, portée par ce fabuleux riff de guitare qui m’a tant fait frissonner depuis la première fois que je me le suis pris en pleine gueule. Des remixes toujours surprenants et bien vus, jusque dans leurs dissonances les plus déconcertantes, et à la production exemplaire. C’est peu dire que je prends mon pied à écouter tout ça.

 

Bilan sans appel, du coup. Indispensable pour les amateurs tant de Coil que de Nine Inch Nails, chaudement recommandé à ceux qui ne connaîtraient que NIN, mais aussi aux fans de Coil ne se retrouvant habituellement pas dans la musique certes plus accessible de Trent Reznor, Recoiled est un vrai bonheur. Rappel utile d’une époque où Nine Inch Nails était un projet palpitant (c’était il y a longtemps…), et où Christopherson et Balance pouvaient librement exprimer leur génie pour notre plus grand plaisir, cet album délicieusement vicieux, par ailleurs bel hommage posthume, m’a conquis de bout en bout. Jetez-vous dessus, c’est un ordre.

Commenter cet article

J
Ceux qui écoutent NIN sont dispensés d'enfer : ils y sont déjà. On les condamne à une peine plus légère : ils passent 10 000 ans au purgatoire à écouter des remix par Coil, pour avoir osé douter.
Répondre
J
Tiens, tu fais dans la musique aussi ? Bon, j'ai écouté, je trouve que c'est grave en-dessous de l'oeuvre passée de NIN, mais c'est par contre le disque idéal pour faire fuir ses amis en fin de<br /> soirée.
Répondre
N
<br /> <br /> Tu périras sur le bûcher, hérétique.<br /> <br /> <br /> <br />
L
Remember Zanzibar ? Moi en tout cas je me souviens de vos articles sur le Quarterly et Lafferty...<br /> Peut-être pouvez-vous jeter un coup d'oeil sur Eastoflafferty, encore en chantier, mais assez avancé pour être communiqué.<br /> On en reparle.<br /> Le Croco
Répondre
N
<br /> <br /> Mais oui, je remember Zanzibar !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Et volontiers.<br /> <br /> <br /> <br />
T
Miam, noté aussi. N'empêche, il serait grand temps qu'il y ait une réédition de leur discographie (et des bootlegs et autres raretés d'ailleurs)...
Répondre
N
<br /> <br /> Certes, certes...<br /> <br /> <br /> <br />