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"Je m'habillerai de nuit", de Terry Pratchett

Publié le par Nébal

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PRATCHETT (Terry), Je m’habillerai de nuit, [I Shall Wear Midnight], illustrations de Paul Kidby, traduit de l'anglais par Patrick Couton, Nantes, L'Atalante, coll. La Dentelle du cygne, [2010] 2011, 441 p.

 

Parallèlement à son cycle « classique » des « Annales du Disque-monde » (dont le dernier titre en date est le finalement plutôt pas mal Allez les mages !), Terry Pratchett poursuit avec Je m’habillerai de nuit sa série (plus ou moins, mais de moins en moins) « jeunesse » ayant pour principaux protagonistes la jeune sorcière Tiphaine Patraque (désormais âgée de seize ans) et les inénarrables Nac mac Feegle (miyards !).

 

Et, autant le dire de suite, ça ne lui réussit pas vraiment. J’avais beaucoup aimé Les Ch’tits Hommes libres, bien aimé Un Chapeau de ciel, pas aimé L’Hiverrier ; je n’ai pas aimé non plus Je m’habillerai de nuit. Seulement il paraît que l’on n’a pas le droit de dire du mal des livres. Vous ne me verrez donc pas écrire ici que ce roman est une sombre merde.

 

 

Enfin, « sombre », je peux, ça ? Le fait est que Je m’habillerai de nuit, à la différence du Pratchett le plus conventionnel, n’est pas un roman où l’on se marre vraiment. On ne s’y marre même pas du tout, ce qui constitue en soi un problème déjà non négligeable. Mais l’atmosphère, de manière générale, est plus sombre que d’habitude, comme si, en gagnant en maturité, Tiphaine Patraque devenait plus sérieuse, et ses aventures itou. Mais si Pratchett est très doué pour infuser du sérieux dans un roman humoristique – ce qu’il a maintes fois démontré –, il n’a à mon sens guère de talent dès lors qu’il évacue l’humour. Oh, certes, il ne l’évacue pas totalement dans ce dernier roman… Seulement, il tombe systématiquement à plat. Et c’est bien triste.

 

Du coup, il ne reste pas grand-chose pour sauver Je m’habillerai de nuit. On pourrait bien évidemment, outre l’humour, se contenter d’une bonne histoire. Mais on la cherchera en vain dans ce roman au tissu narratif très relâché. La mise en place est affreusement longue, et on se demande pendant un bon moment où veut en venir l’auteur. Puis, finalement, quelque chose se dessine, une trame toute riquiqui, et franchement pas satisfaisante. Qui se conclut mollement sur un triste « tout ça pour ça », avec happy end interminable à la clé.

 

Enfin, essayons quand même d’en dire quelques mots… Tiphaine Patraque, donc, a désormais seize ans ; elle est bien loin, la petite fille des Ch’tits Hommes libres. C’est maintenant une sorcière accomplie, qui se coltine un boulot de sorcière, à savoir tout le sale boulot. Inlassablement ou presque. La « ch’tite michante sorcieure jaeyante » des Nac mac Feegle n’est pas exactement aux 35 heures. D’où une loooooooongue exposition où nous suivons Tiphaine dans son quotidien et ce qu’il a de plus sordide. Avec quelques événements-clés (où ça ne rigole pas), dont le passage à tabac et l’avortement qui en résulte d’une fille par son père, la tentative de suicide de ce dernier (…), et la mort du baron. Aha ? Non, pas vraiment. Mais l’histoire ne se dessine toujours pas.

 

Et puis, petit à petit, Pratchett introduit dans son récit le personnage du Rusé, sorte de fantôme d’inquisiteur – avec un ersatz de Malleus Maleficarum – qui veut beaucoup de mal aux sorcières, et répand sur son passage la haine à leur encontre, haine se soldant éventuellement par un joli bûcher. Le Rusé en a après toutes les sorcières, mais, allez savoir pourquoi (oui, on le saura), il en a particulièrement après Tiphaine Patraque ; qui devra donc s’en débarrasser comme toute sorcière digne de ce nom, c’est-à-dire seule (malgré l’assistance épisodique sous forme de guest stars de toute une flopée de consœurs).

 

Et.

 

Voilà.

 

C’est maigre. Et ça ne fait définitivement pas un roman. Du moins, pas un roman du Disque-monde. À la limite, on pourrait y voir le prétexte à une chronique de la vie paysanne, avec lourd message sur la condition des femmes dedans. Sans doute. Mais ça n’est guère convaincant. Non, Pratchett, ici, n’y arrive tout simplement pas. Et le résultat est un roman bancal et qui donne une certaine impression de bâclage.

 

C’est d’autant plus dommage que, dans l’ensemble, les personnages sont toujours aussi intéressants. Du moins les héros, Tiphaine Patraque et les Nac mac Feegle (qui, allez, arrachent bien de temps en temps un maigre sourire au lecteur). Pour les autres, ça coince déjà un peu plus (même si une « retrouvaille », dans tout ce gâchis, fait quelque peu plaisir, mais chut, je ne voudrais pas enlever à ce roman un de ses rares moments intéressants) ; on notera tout de même Madame Proust, de Pipo, la sorcière d’Ankh-Morpork…

 

Mais bon. Au long de ces 440 pages (oui, parce qu’en plus, dans cette série, Pratchett fait de plus en plus dans le volume), on s’ennuie ferme. Ça tire méchamment à la ligne, ça ne fait pas rire, ça n’éveille que rarement l’intérêt défaillant du lecteur. Bref, c’est mauvais.

 

 

Mais ça, je n’ai pas le droit de l’écrire. Disons donc que vous n’avez rien lu. Et que Je m’habillerai de nuit est un roman de Terry Pratchett, dont vous trouverez aisément la quatrième de couverture sur le ouèbe. Et comme ça, on sera tous bien mieux avancés.

CITRIQ

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J
<br /> cad c koi comme delire? IlS sont méchants?<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Paraîtrait que les critiques seraient trop méchants avec les auteurs, qui ont une sensibilité à fleur de peau et un ego fragile. Alors il ne faut pas faire de critiques négatives (ou alors avec<br /> des moufles).<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Ton activité de chroniqueur t'a valu des déboires ? Sinon ta chro me chagrine un peu. Lire un Pratchett plus glauque ou sombre ne me déplaisait pas, mais au fil de ses romans je dois dire que je<br /> préfère quand l'humour est bien chevillé aux événements. Et vu que j'ai bien aimé ch'tits hommes libres sans plus...on verra.<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Des déboires, pas à moi spécialement, mais c'est le dernier délire à la mode sur ActuSF...<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> Je me demande quand même si tu ne risques pas de faire de la peine à Pratchett. Es-tu certain qu'il ne te lit pas et qu'il ne te lira jamais ?<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Ca paraît peu probable, certes.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Et puis c'est pas grave, il oublierait aussitôt.<br /> <br /> <br /> <br />