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"L'Appel de Cthulhu" + "Les Accessoires du gardien"

Publié le par Nébal

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L’Appel de Cthulhu

L’Appel de Cthulhu : Les Accessoires du gardien

 

NB : Il s’agit là d’un compte rendu de lecture, et non d’un test. En outre, mais faut-il le préciser, ce compte rendu s’adresse aux MJ, dans la mesure où il contient des spoilers…

 

Déçu, comme vous avez pu vous en rendre compte, par la gamme de Cthulhu « système Gumshoe », j’ai décidé de me tourner vers la version « classique » du jeu d’horreur lovecraftienne qu’est L’Appel de Cthulhu. Certes, j’aurais pu me contenter de la gamme, et l’adapter à « Gumshoe ». Mais, si ce dernier système ne manque pas d’intérêt, il n’en présente pas moins quelques défauts – il me paraît assez ambigu, notamment, et, paradoxalement peut-être, dans sa simplicité même, ne me paraît guère approprié à des joueurs débutants, mais bien davantage à des rôlistes chevronnés – ; en outre, séduit par le travail des éditions Sans-Détour sur La Brigade chimérique, je me suis dit que je pouvais bien sauter le pas : et c’est donc avec le livre de base de la sixième édition que j’ai entamé ma découverte de la gamme de L’Appel de Cthulhu.

 

Premier constat, qui saute aux yeux : c’est beaucoup mieux traduit et édité que chez les voisins d’en face, et ça, ça fait bien plaisir. Oh, oui. Mais abordons directement le contenu de ce bel ouvrage à à l’agréable couverture rigide (comme la plupart – l’ensemble ? – de la gamme, à ce que j’ai pu constater jusqu’à présent, ce qui fait bien plaisir aussi).

 

On commence par une présentation de « L’Univers d’H.P. Lovecraft ». Et pour cela, idée superbe dans son évidence, autant y aller carrément d’une nouvelle du Maître, et non des moindres : « L’Appel de Cthulhu », bien sûr. Cette nouvelle, je l’avais bien évidemment déjà lue, relue, et re-relue je ne sais combien de fois, mais c’est toujours avec le même plaisir que je m’en suis délecté à cette occasion ; c’est décidément un chef-d’œuvre, un vrai modèle de construction narrative, et sans aucun doute une des plus grandes réussites de Lovecraft, avec (tiercé perso) « Le Cauchemar d’Innsmouth » et « Les Montagnes hallucinées ». Certes, le format en deux colonnes ne facilite pas vraiment la lecture, ici, mais pas grave : c’est génial. Suivent divers petits essais et documents permettant d’approcher Lovecraft et son œuvre, ainsi que ses continuateurs, une note sur « l’écologie des goules », une chronologie, un extrait de Lovecraft consacré aux Fungi de Yuggoth, divers petits documents occultes, un rapport sur l’activité des Profonds, une passionnante dissertation érudite sur le Necronomicon (on y croirait !) qui se prolonge dans un petit document « historique »… Tout cela est un peu foutraque, mais passionnant. Une belle immersion dans un univers complexe.

 

On attaque ensuite la partie « technique » de l’ouvrage, classiquement, avec la « Création de personnage ». Le système est plus simple qu’il n’y paraît, et offre plusieurs alternatives. Pas grand-chose de plus à dire, c’est riche, efficace, souple… La part d’aléatoire me gênait un peu au début, mais il est vrai qu’elle peut apporter des résultats intéressants et qu’elle est de toute façon éventuellement modulable. Bref, un système qui s’approche de la perfection, résumable en deux pages. Que demande le peuple ?

 

On passe ensuite aux « Règles essentielles ». « Gérer toutes les situations » : Le « Basic System » se fonde sur l’emploi du D100 et sur des classiques tests simples, tests en opposition, tests prolongés… Mais ce qui compte, au-delà de la réussite du test, est la qualité de cette réussite : critique (01) ou spéciale (1/5e du niveau de la compétence), normale, échec ou maladresse (00) ; lors d’un test en opposition, on compare ainsi les qualités de réussite, et, en cas d’égalité, on privilégie l’investigateur. Suivent des indications pour « Gérer le temps », ce qui peut avoir son importance. Ensuite, « Gérer les combats » ; ceux-ci ne sont pas censés être très fréquents dans une partie de L’Appel de Cthulhu, mais ils peuvent vite devenir mortel… Initiative (= DEX), déclaration des intentions dans l’ordre croissant d’initiative, phase une dans l’ordre d’initiative, phase deux dans l’ordre d’initiative, nouveau round. Très simple, finalement. Ce qui va avec : « Gérer la santé » ; avec parfois des conséquences qu’on qualifiera de hardcore… Enfin, dernier aspect fondamental de L’Appel de Cthulhu, bien sûr : « Gérer la santé mentale »… et là, les pôv’ pitininvestigateurs vont souffrir, mouhahahahaha !

 

Suit une looooooongue partie intitulée « Pour aller plus loin »… sur laquelle je pense que je ferai arbitrairement l’impasse la plupart du temps, tant ces règles me paraissent rendre le jeu plus complexe pour rien, la plupart du temps, là où le bon sens du MJ et des PJ s’appuyant sur les « Règles essentielles » suffit amplement à pallier la plupart des situations. Recours très exceptionnel, donc, à ces règles très méticuleuses sur comment « Gérer les recherches », « Gérer les interactions sociales », « Gérer les poursuites », « Gérer l’environnement », « Gérer la technique », et enfin « Gérer les afflictions »… C’est indéniablement la partie chiante de ce livre de base.

 

On retourne à des considérations bien plus intéressantes avec la partie du livre consacrée au « Paranormal ». Si « Gérer le paranormal » est assez bref et d’un intérêt limité, il n’en va pas de même, bien sûr, « d’Étudier les ouvrages du Mythe », chapitre passionnant, de même que « Gérer la magie », qui convainc autrement que Materia Magica

 

On passe ensuite aux « outils du gardien », et, contre toute attente, cette succession de tout petits chapitres n’est pas inintéressante. Si « Bien utiliser les règles » n’a de véritable intérêt que pour les MJ débutants, « Sur le seuil de l’épouvante » constitue un rappel judicieux pour tous de ce qui fait l’horreur lovecraftienne ; suivent une brève mise en bouche sur « Les Contrées du Rêve » (j’en veux plus ! Certes, il y a Kadath, mais bon…), quelques précisions sur « Les styles de jeu » (horreur lovecraftienne, investigation occulte et aventures pulp), un point utile sur la manière dont sont présentés « Les scénarios du commerce », quelques considérations sur « Les Personnages Non Joueurs » avec des conseils pour en créer rapidement au besoin, et enfin un indispensable bestiaire de « Créatures & Divinités ». Enfin… indispensable dans la mesure où l’on ne dispose que du livre de base ; redondant pour moi qui ai fait aussitôt l’achat du Malleus Monstrorum, dont je vous parlerai un jour prochain…

 

On trouve enfin une mini-campagne en trois scénarios intitulée « Le Ressac de Bryn Celli Ddu », située en mer d’Irlande. Le premier scénario, « Un Phare dans la Nuit », est assez dirigiste et laisse peu de place à l’investigation, mais a pour lui d’être bref et, surtout, de bénéficier d’une excellente ambiance ; le deuxième scénario, « Le Shaman des Profondeurs », est à l’inverse du premier entièrement focalisé sur l’investigation, et assez brillamment : un scénario riche, et susceptible de prendre bien des tournures ; quant au troisième et dernier scénario, « Le Sanctuaire des Eaux noires », c’est une apothéose tout ce qu’il y a de convaincant. En somme, une petite campagne fort intéressante, idéale pour des joueurs débutants. Ça tombe bien, j’ai ça sous la main…

 

En annexes : six personnages pré-tirés (bon…), un tableau d’armes détaillées, une fiche de lecture d’ouvrage, une fiche de personnage, une fiche d’aventure, et une fiche de suivi pour le MJ.

 

Quelques mots en passant sur Les Accessoires du gardien : ceux-ci se composent d’un écran de jeu en trois volets (un peu fade, mais rigide), d’un bloc de 32 fiches de personnages, et d’un fort utile Guide de référence, comprenant nombre de « résumés » des règles exposés dans le livre de base, avec un astucieux système de renvois : indispensable. Il s’achève en outre par un très court scénario, « Les Temples scellés d’Emrek », reposant sur une idée amusante, mais à mon sens pas très bien exploitée ; à développer…

 

 Bon, j’ai envie de jouer, moi. Et de lire plein de trucs avec écrit « L’Appel de Cthulhu » dessus. Parce que tout cela est bel et bon. Du coup, m’est avis que je n’ai pas fini de vous en parler.

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"Cthulhu : Materia Magica"

Publié le par Nébal

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Cthulhu : Materia Magica

   

NB : Il s’agit là d’un compte rendu de lecture, et non d’un test. En outre, mais faut-il le préciser, ce compte rendu s’adresse aux MJ, dans la mesure où il contient des spoilers…

 

Materia Magica est un très bref (une quarantaine de pages) supplément pour Cthulhu « système Gumshoe » écrit par Kenneth Hite, et destiné à envisager la magie sous tous ses aspects dans l’univers lovecraftien.

 

Il commence ainsi fort logiquement par un très court (deux pages) chapitre intitulé « Quelle magie ? », bâti sur un schéma similaire à l’excellent chapitre du livre de base consacré aux entités du Mythe, et présentant les différentes versions concurrentes voire contradictoires de la perception de la magie dans l’univers lovecraftien ; cela n’est certes pas fait avec le même brio, mais c’est assez intéressant (on appréciera notamment la récurrence des métaphores – ou pas – quantiques et/ou informatiques).

 

« La compétence Magie » décrit donc une nouvelle compétence générale. Celle-ci, à l’instar de Mythe de Cthulhu, ne peut pas être acquise lors de la création du personnage. Mais il ne suffit pas non plus de dépenser ultérieurement des points pour l’acquérir : il faut pouvoir l’apprendre, soit en raison d’un atavisme, soit d’un grimoire, soit d’une entité, soit d’un professeur, soit enfin d’un lieu. Sont ensuite précisés quelques points de règles sur la compétence Magie qui viennent apporter des errata au livre de base, notamment en ce qui concerne les capacités magiques des monstres.

 

« Lancer un sort mortel » commence par décrire douze nouveaux sorts… ce qui est peu pour un supplément en principe dédié à ce sujet ! Il apporte ensuite quelques variantes aux sorts que l’on trouvait dans le livre de base, fournit une liste de grands sorciers du Mythe, s’interroge sur le Signe des Anciens, se penche sur les traces laissées par l’usage de la magie, et enfin sur ce que peuvent faire les sorciers les plus puissants. Bref : un chapitre un peu foutraque, qui aurait mieux fait de se concentrer sur son sujet de base, même si le reste n’est pas inintéressant…

 

Suit un court chapitre à mon sens totalement inutile, « Magie personnelle avancée », qui réactualise les règles de magie personnelle à l’heure de la compétence générale Magie. Or, si ce système peut autoriser de jolies séquences d’improvisation – le chapitre est essentiellement composé d’exemples pour chaque compétence générale –, je me refuse pour ma part à adopter ces règles, qui me paraissent trop tendre vers l’antijeu… D’où : je passe.

 

Reste enfin un bref chapitre intitulé « Lovecraft et les théories sur la magie », un peu redondant avec le premier, même s’il a pour particularité de se fonder cette fois directement sur les textes, ce qui n’est pas inintéressant.

 

En annexe, on trouvera une nouvelle feuille de personnage intégrant la nouvelle compétence générale Magie, et une fiche sur les sorts, objets, grimoires et indices.

 

 Beaucoup trop court et foutraque pour être véritablement intéressant, Materia Magica est – une fois de plus – un supplément hautement dispensable, qui n’apporte pas grand-chose à la gamme maigrichonne de Cthulhu « système Gumshoe ». Décidément, à part L’Affaire Armitage, c’est pas gégé… Du coup, je me suis tourné vers L’Appel de Cthulhu, autrement mieux édité, et à la gamme autrement conséquente…

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"Cthulhu : L'Affaire Armitage"

Publié le par Nébal

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Cthulhu : L’Affaire Armitage

  

NB : Il s’agit là d’un compte rendu de lecture, et non d’un test. En outre, mais faut-il le préciser, ce compte rendu s’adresse aux MJ, dans la mesure où il contient des spoilers…

 

L’Affaire Armitage, écrit par Robin D. Laws et toujours aussi mal traduit et édité, est une campagne « ouverte », entendre par là fondée sur l’improvisation à partir de quelques éléments, pour Cthulhu « système Gumshoe ». Idéale pour des PJ faisant partie du Groupe d’enquête Armitage – mais ce n’est pas une nécessité –, elle suppose néanmoins des joueurs ayant une certaine expérience, eux-mêmes prêts à improviser, et dont les personnages ont au moins quelques connaissances basiques en Mythe de Cthulhu.

 

Le canevas de la campagne, tel qu’il est présenté dans le premier chapitre, « Ces pages terribles », est relativement simple. Des documents écrits de la main du professeur Armitage font mystérieusement leur apparition dans les endroits les plus improbables de l’Université Miskatonic, à Arkham, décrivant une soudaine apocalypse. Or Armitage ne se souvient pas les avoir écrits ; et pour cause : ces documents viendraient du futur ! Canular ? Authentique menace ? Aux PJ d’enquêter à partir des éléments épars contenus dans les documents qui apparaissent au fur et à mesure (il y en aura dix en tout, de taille variable ; les PJ commencent leur enquête après l’arrivée des deux premiers) ; mais peuvent-ils seulement, le cas échéant, changer le futur ? Le premier chapitre précise comment introduire les PJ dans la campagne, puis les documents au fur et à mesure que l’enquête avance ; il indique également quels sont les points clés des documents, c’est-à-dire les personnes, organisations, lieux, objets et grimoires auxquels ils se réfèrent, et qui seront décrits plus avant dans l’ouvrage. Il s’achève enfin sur des conseils concernant l’improvisation destinés au MJ (pas forcément très utiles, mais il est quelques rappels qui ne peuvent pas faire de mal).

 

Suit un (heureusement) très bref article de Steve Dempsey intitulé « Improviser avec Gumshoe » qui m’a laissé pour le moins perplexe : outre qu’il dépasse largement le contexte de Cthulhu, et a fortiori de L’Affaire Armitage, il me paraît au mieux redondant avec ce qui précède, au pire très contestable dans l’implication des joueurs qu’il recommande (à mes yeux, désolé, mais ce n’est pas aux joueurs de définir préalablement le thème, et certainement pas à eux de dire que lors de telle ou telle scène il y aura un indice majeur !).

 

On passe ensuite à une liste de 42 « Personnages non-joueurs », désignés ou non dans les documents. Ceux-ci sont distingués selon plusieurs catégories (Universitaires, Professionnels, Police, Haute société, Citadins, Représentants et commerçants, Campagnards, Ouvriers, Marins, Soldats, Durs à cuire, et Forains), et se voient confier trois attitudes possibles, avec leurs justifications, à l’égard des PJ (néfaste, inoffensif ou allié), au choix du MJ (sachant que ces attitudes peuvent en outre évoluer au cours de la campagne…). On trouve également dans leurs descriptions des noms, portraits et manies alternatifs pour élaborer d’autres personnages de même type si besoin. Au final, on a donc là une mine de PNJ, dans laquelle les joueurs auront amplement de quoi se perdre… Ils comprendront vite qu’il vaudra mieux pour eux prendre des notes… et pour le MJ de même, qui va avoir une sacrée foule à gérer.

 

Sont ensuite présentées douze « Organisations » (loge, club, gangs, parti politique…), sur un schéma un peu similaire. Leur image, tout d’abord, correspond à leur caractère inoffensif ; mais suivent leurs éventuelles attitudes néfaste et alliée. Sont également évoqués les PNJ qui peuvent en faire partie, et les références qui y sont faites dans les documents.

 

« Les lieux » est par contre un chapitre parfaitement inutile, puisque reposant sur le principe des « banques de séquences » développé pour le « décor gothique » d’Ombres sur Filmland. Pour chaque type de lieu, on a ainsi deux descriptions, une « neutre », et une « sinistre » ; je maintiens que ce genre de procédés n’a pas d’intérêt, et qu’y avoir recours risque d’être plus ridicule qu’autre chose…

 

Le chapitre suivant, « grimoires et magie », décrit cinq grimoires, deux artefacts et deux sorts (sachant que le second, destiné à faire avancer le jeu, me paraît franchement inutilisable, là où le premier, « Invocation du temps non-euclidien », est fondamental, puisque c’est celui qui justifie l’envoi des documents dans le passé : les PJ pouvant eux-mêmes l’utiliser, gare aux paradoxes…). Pour ce qui est des grimoires et artefacts, à la discrétion du MJ, il est possible qu’il s’agisse d’objets majeurs, d’objets mineurs, ou de faux, les effets variant bien entendu en fonction de leur statut. Il est également possible qu’un même objet réapparaisse plusieurs fois dans la campagne sous des statuts différents : les investigateurs, par exemple, peuvent d’abord tomber sur un faux des Larmes d’Azathoth… puis, plus tard dans la campagne, sur un véritable exemplaire complet, objet majeur !

 

« Structures et scénarios » donne des exemples d’improvisation à partir des documents, et témoigne de la souplesse de l’ensemble. Ça n’est pas forcément très utile, mais c’est assez intéressant, notamment pour ce qui est du dernier exemple, présenté sous la forme d’un extrait dialogué…

 

Puis on en arrive à l’essentiel : les documents Armitage à proprement parler, qui occupent une soixantaine de pages. Ceux-ci, au nombre de dix, donc, sont en effet présentés sous deux formats : d’abord sous la forme de feuillets manuscrits, salis, émaillés de croquis, etc. – on peut les télécharger sous cet aspect et ainsi les distribuer aux joueurs – ; ensuite sous une forme « ordonnée », mise au propre, afin d’en faciliter la lecture pour le MJ. Enfin, « faciliter »… ça reste pour le moins cryptique. Mais fascinant aussi. Je serais vraiment très curieux de voir ce que des joueurs motivés en feraient… Évidemment, cela demanderait un gros investissement de la part du MJ, mais je serais prêt à tenter le coup.

 

Parce que ça y est, je crois qu’on le tient, le grand et bon supplément pour Cthulhu « système Gumshoe ». Enfin ! Z’auront mis le temps, mais ça y est. L’Affaire Armitage semble promettre des dizaines d’heures de jeu palpitantes, avec une intrigue fascinante et horrible susceptible de mille et une variations. Alors que demande le peuple ?

 

 

 DES JOUEURS, BORDEL !

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"Cthulhu : Ombres sur Filmland"

Publié le par Nébal

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Cthulhu : Ombres sur Filmland

 

NB : Il s’agit là d’un compte rendu de lecture, et non d’un test. En outre, mais faut-il le préciser, ce compte rendu s’adresse aux MJ, dans la mesure où il contient des spoilers…

 

Ombres sur Filmland (écrit par Kenneth Hite et Robin D. Laws, mais hélas toujours aussi mal traduit et édité) entend, sur environ 150 pages, conjuguer l’horreur cosmique lovecraftienne et l’horreur gothique des films en noir et blanc produits par Universal et RKO dans les années 1930 et des poussières. Ce qui, mine de rien, n’est pas si évident que cela. En témoigne un bref mais fort intéressant chapitre introductif, « Double séance », pointant les ressemblances et points de divergence entre ces deux modes de l’horreur apparus à la même époque, et qui, pour emprunter largement à des sources similaires – les gothiques anglais, Poe, etc. –, n’en ont pas moins développé chacun de leur côté leurs propres codes, éventuellement contradictoires, à tel point que, pendant fort longtemps (voire toujours ?), Lovecraft et le cinéma n’ont pas fait bon ménage… Autant dire que les scénarios que propose ce supplément, ou qu’il suggère de bâtir à partir de son décor gothique, risquent de détonner quelque peu par rapport aux investigations classiques de Cthulhu « système Gumshoe ».

 

Le chapitre suivant est donc consacré à la description d’un « décor gothique » abstrait, ne figurant pas sur les cartes. Si les lieux communs du genre sont finement analysés, ce qui est plutôt intéressant, ce chapitre, hélas, tend surtout à noircir des pages pour pas grand-chose. Il est en effet constitué pour l’essentiel de « séquences en stock » destinées au MJ, à mes yeux totalement inutiles et qui risquent d’être plus ridicules qu’autre chose… Plus utiles, mais à peine, on trouve également quelques descriptions de PNJ et, en fin de chapitre, quelques accroches de scénarios, dans l’ensemble assez peu intéressantes (avec une exception notable, « La Malédiction Derensberg » : là, il y a quelque chose à faire…).

 

Suivent douze scénarios, très variés. « Mort au-delà du Nil », comme son titre le laisse assez supposer, joue avec la figure classique de la momie ; en l’occurrence, il s’agit ici de toute une troupe de goules momies, venues régler une sordide histoire d’amour au-delà des millénaires, l’un des investigateurs étant la cible de la passion de l’ancienne reine Nitocris. Le scénario contient bon nombre d’éléments intéressants, mais il demande pas mal d’investissement de la part tant du MJ que des PJ (et a fortiori de l’investigateur-cible… sauf qu’il n’est pas supposé savoir qu’il est dans cette délicate position !). Assez libre dans un premier temps, le scénario devient par contre de plus en plus dirigiste et bourrin au fur et à mesure des séquences, avec parfois des retournements de situation et autres « énigmes » un peu too much. Correct, sans plus.

 

« Le Bokor blanc », comme son nom l’indique, s’inspire du cultissime film de Victor Halperin avec Bela Lugosi Les Morts-vivants, plus connu sous son titre original de White Zombie ; il en constitue même une suite directe… mais à la sauce Romero. Autant dire qu’en fait de scénario de Cthulhu, on est en fait en présence d’un délire survivaliste très bourrin et frénétique, très court aussi, riche en action et pauvre en investigation, pas vraiment approprié au « système Gumshoe », donc. Bien que très fan de Romero, vous aurez compris que ce scénario me paraît d’un intérêt plutôt douteux… On notera cependant que l’on y trouve un nouveau grimoire, Le Culte des morts d’Hugues Caverne (1661, français).

 

« Dr. Grave Dust » s’inspire bien évidemment de Frankenstein, mais à vrai dire surtout de « Herbert West, réanimateur », dont il constitue dans un sens une suite, simplement transposée dans le décor gothique, qui trouve là sa première utilisation. Le scénario commence par une enquête policière relativement simple mais à l’atmosphère intéressante, avant de devenir plus dirigiste et un tantinet bourrin pour un final apocalyptique. Pas mal, ceci dit.

 

« Les Rêves de Dracula » s’inspire de… Dracula, oui, bravo (celui de Tod Browning avec Bela Lugosi, of course), avec une pincée de « L’Affaire Charles Dexter Ward ». Le problème, cependant, encore plus flagrant que dans le scénario précédent, est que tout le monde connaît Dracula, et que le nom du comte vampire est lâché très tôt… Cela demande à mon sens aux joueurs de faire trop « semblant », et rend le scénario vraiment trop peu intéressant, d’autant qu’il ne s’éloigne vraiment guère des canons du genre. Mieux vaut donc le laisser de côté. On notera cependant la présence d’un grimoire, la Bibliotheca Chimica de Petrus Borellus (1671, latin).

 

« Le Grand Singe vert » s’inspire bien évidemment de King Kong. Par voie de conséquence, c’est un scénario très pulp, et, autant le dire de suite, très dirigiste et bourrin. Ca ne serait pas forcément dramatique… si les implications du Mythe ne donnaient pas autant l’impression de tomber comme un cheveu sur la soupe, pour un résultat franchement ridicule. On passe.

 

« Le Seigneur de la jungle » emprunte à une multitude de sources, des innombrables Tarzan à L’Enfer vert de James Whale. Hélas, cette quête de la cité perdue d’Ilarnek (que je garderais personnellement plutôt pour les Contrées du Rêve, avec sa voisine maudite Sarnath) est ultra linéaire et bourrine, le MJ se contentant de balancer des événements et de tenir sa compta : on n’a vraiment pas l’impression de jouer à Cthulhu… Noter un grimoire éventuel, Les Inscriptions d’Ilarnek. Sinon, absolument aucun intérêt.

 

Changement radical d’atmosphère, et c’est tant mieux, avec « La Nuit de ma mort », qui s’inspire des productions de Val Lewton dans les années 1940 (on pense bien sûr à ses collaborations avec l’immense Jacques Tourneur). Ce scénario « urbain » repose sur la suggestion et l’ambiguïté, et le surnaturel s’y révèle en fin de compte très naturel, ce qui peut décevoir les joueurs… ou pas, et peut de toute façon s’arranger. Pour ma part, j’ai trouvé cette enquête fine et palpitante. À ce point du recueil, c’est de très loin le meilleur scénario d’Ombres sur Filmland, et ce quand bien même le Mythe en est éventuellement absent (étrange paradoxe !).

 

« L’Homme non-euclidien » est une variation psychopathe sur L’Homme invisible d’H.G. Wells, empruntant à nouveau le décor gothique (mais ça s’adapte). On pourra regretter le côté passablement dirigiste de ce scénario, tout en lui reconnaissant une ambiance efficace et joliment atroce, même si le Mythe est à peu de choses près aux abonnés absents. Faut voir (aha)…

 

« Le Château noir » est un hommage au Chat noir d’Edgar Ulmer avec Bela Lugosi et Boris Karloff que, je le confesse, je n’ai pas vu. C’est en tout cas un scénario particulièrement diabolique, confrontant les joueurs à une « maison hantée » d’un genre pour le moins original, mais qui demande de leur part un investissement de tous les instants : ceux-ci se retrouvent en effet possédés par des « victimes » qui se sont suicidées dans ce château voué à Hastur, et dont l’emprise devient de plus en plus prégnante, ce que les PJ doivent interpréter, sans disposer véritablement d’indications pour cela : à eux d’improviser lors de flashbacks réclamés par le MJ, qui les guide également sur le caractère qu’ils sont supposés adopter au fur et à mesure que la possession s’accroît. Voilà qui peut être très intéressant, mais demande à mon sens des joueurs très motivés et expérimentés (qui plus est, il faut en principe que ces joueurs soient au nombre de quatre). Un regret, toutefois : la fin du scénario me paraît bien capillotractée (tout le monde n’est pas chimiste…). Un scénario original et perturbant, donc, qui peut fournir une expérience de jeu assez unique, mais nécessite des conditions bien particulières pour être correctement interprété, ce qui n’est pas évident à vue de nez. Intrigant…

 

« Pleine Lune », au titre mensonger d’ailleurs, est bien entendu une histoire de loup-garou. L’originalité, c’est que le lycanthrope est, sans le savoir, un des PJ… Si le scénario est assez dirigiste, il offre de jolis cas de conscience, et une sympathique variation sur la lycanthropie – le PJ se révèle être un fils de Yog-Sothoth, rien que ça ! – dans le décor gothique, qui le rendent finalement plutôt correct. Assez intéressant, à condition de trouver un joueur qui soit prêt à laisser manipuler ainsi son personnage (la Motivation « Atavisme » étant alors la bienvenue…).

 

« La Réserve », scénario pulp censément plus « léger » que les autres, a une double inspiration : en effet, sur un canevas emprunté aux Chasses du comte Zaroff, il consiste en un crossover faisant intervenir trois méchant des précédents scénarios, en l’occurrence ceux de « Dr. Grave Dust », « Les Rêves de Dracula » et « L’Homme non-euclidien ». Dès que la chasse commence, c’est évidemment assez bourrin, et donc moyennement convaincant, même s’il y a l’occasion de mitonner quelques séquences assez fun. Bon, pas terrible…

 

Reste « La Dernière Bobine », qui clôt le recueil sur une note toute différente. Ce scénario ne s’inspire en effet pas directement d’un classique du cinéma d’épouvante hollywoodien des années 1920-1930, mais se veut un hommage à ceux qui l’ont fait (les allusions sont flagrantes). Les investigateurs sont en effet engagés pour arrêter la production d’un film intitulé… L’Appel de Cthulhu. Cela cache-t-il une manifestation du Mythe ? Quelles seraient les conséquences d’un tel film sur la santé mentale des spectateurs ? Le FBI a les mains liées, aux investigateurs d’agir, soit en « fouillant les poubelles », soit en établissant un lien entre le culte de Cthulhu et cette production. Ce scénario, assez original, est cette fois tout sauf dirigiste – à vrai dire, il ne consiste presque qu’en une liste de PNJ. Mais, pour le coup, il m’a l’air diablement intéressant.

 

 N’empêche, si l’on excepte deux, trois réussites, Ombres sur Filmland est un supplément très décevant au regard de ses ambitions… Ce n’est pas encore le bon supplément pour Cthulhu « système Gumshoe » que j’attendais. On verra bientôt ce qu’il en sera avec L’Affaire Armitage.

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Pub copinage : "La Philosophie occidentale volume 1. Les plus grands textes de Platon à Descartes et Pascal"

Publié le par Nébal

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La Philosophie occidentale volume 1. Les plus grands textes de Platon à Descartes et Pascal, Paris, Le Nouvel Observateur / CNRS Éditions, coll. L’Anthologie du savoir, [1996] 2010, 671 p.

 

Hop.

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"Cthulhu : Aventures extraordinaires"

Publié le par Nébal

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Cthulhu : Aventures extraordinaires

 

NB : Il s’agit là d’un compte rendu de lecture, et non d’un test. En outre, mais faut-il le préciser, ce compte rendu s’adresse aux MJ, dans la mesure où il contient des spoilers…

 

Aventures extraordinaires est un supplément pour Cthulhu « système Gumshoe » (Trail Of Cthulhu) écrit par Robin D. Laws et proposant sur 68 pages quatre scénarios d’inspiration pulp. On passera rapidement sur la laideur indicible de la couverture – à l’intérieur, ça va, par contre – et sur la qualité déplorable de la traduction et de l’édition (hélas une constante de la gamme) pour se plonger directement dans le vif du sujet.

 

Commençons donc avec « Les Dévoreurs dans la brume ». Il s’agit d’un hommage aux « aventures dans la jungle » typiques d’une certaine forme de pulps, et démarrant sur un bon vieux naufrage des familles, ce qui permet de l’insérer relativement facilement dans une campagne internationale – par exemple en prélude au scénario suivant, qui se déroule à Shanghai –, même s’il semble a priori plutôt conçu pour être joué en convention : il est en effet fort court… Mais ce n’est pas là son principal problème (si tant est que cela en soit un) ; non, ce qui me gêne un peu dans ce scénario, à vue de nez, c’est qu’il me semble demander un investissement énorme de la part tant du MJ que des joueurs pour instaurer une ambiance correcte, dans la mesure où une bonne partie de son efficacité repose sur son aspect « survivaliste » : les joueurs vont devoir passer du temps à trouver de l’eau, de la nourriture, etc. Le tout est d’arriver à rendre cela vivant et intéressant, ce qui ne me paraît pas si évident que cela à vue de nez… Mais, si l’on y parvient, je pense que l’on peut effectivement aboutir à quelque chose de pertinent. Je regretterai cependant également pour ma part la place importante accordée par l’auteur aux tests en tout genre, qui me paraît un peu contradictoire avec l’essence même du système « Gumshoe »… Pour le reste, c’est très classique, et finalement assez bourrin, même si pas excessivement dirigiste. Une bonne idée en passant : la référence au triste et mystérieux sort d’Amelia Earhart. On notera l’apparition d’une nouvelle créature, le Dévoreur, d’une nouvelle entité du Mythe, Abholos (mais elle n’est pas supposée survivre au scénario…), ainsi que d’une nouvelle profession, le Charlatan (il y a en effet en fin de scénario des personnages pré-tirés, justement prévus pour le jeu en convention). Moyennement convaincant, donc.

 

« Des balles sifflent sur Shanghai » mêle intrigue policière un tantinet hard-boiled (on ne manquera pas de penser au Faucon maltais) et espionnage, dans le cadre interlope et ô combien fascinant du Shanghai des années 1930, encore sous la domination des Nationalistes, mais plus pour très longtemps, la guerre sino-japonaise se profilant à l’horizon. Les investigateurs doivent mettre la main sur un puissant et dangereux artefact, le Miroir-étoile, et le mettre en lieu sûr. Si le début de l’enquête est un peu linéaire (sans excès, toutefois), le scénario devient au fur et à mesure de plus en plus libre… jusqu’à une conclusion pour laquelle l’auteur laisse le champ libre à l’improvisation totale, ce qui me paraît un peu limite comme procédé pour un scénario acheté. Reste que l’histoire est assez intéressante, riche à foison en personnages hauts en couleurs, et que le cadre du « Paris de l’Orient » est superbe ; il devrait donc y avoir là de quoi offrir aux joueurs quelques agréables heures de jeu.

 

« La Mort a le dernier mot » mêle intrigue lovecraftienne et pulp super-héroïque à la The Shadow (ou préfigurant en quelque sorte Batman). C’est à nouveau une enquête policière (en principe new-yorkaise, cette fois, mais ça s’adapte) : les PJ doivent déterminer les raisons de la mort mystérieuse d’un riche philanthrope qui se révèle avoir été un justicier masqué. Or, comprendre que cette mort est en fait un suicide n’est a priori pas bien compliqué (dès la première scène, à vrai dire…) ; en saisir les tenants et les aboutissants, par contre, c’est une autre paire de manches… Et c’est ici que le Mythe intervient, avec une palanquée de Tcho-Tchos et une conclusion joliment atroce. Problème : le scénario, cette fois tout sauf dirigiste et c’est tant mieux, me semble cependant assez mal branlé ; le MJ va avoir du boulot pour en faire quelque chose de convaincant, et instaurer judicieusement du liant entre les scènes, sans quoi les investigateurs risquent vite, soit de tourner en rond, soit d’être trop maladroitement guidés… On peut également trouver, quand bien même l’horreur est de la partie, que le Mythe est un peu trop secondaire pour une partie de Cthulhu… Assez moyen, donc. Je noterai cependant une bonne idée pour la fin : la possibilité, en fonction des actions des PJ, pour l’un d’entre eux d’endosser à son tour le rôle de justicier masqué ; et une très mauvaise, absurde même à mes yeux (mais relevant de l’esprit pulp, certes) : la possibilité de regagner des points de santé mentale : PAS QUESTION !

 

Le recueil s’achève enfin avec « La Dimension Y » et son atmosphère de science-fiction pulp ; rien d’étonnant, dès lors, à ce que ce soit le plus classique de ces quatre scénarios. Mais c’est aussi probablement le plus efficace : cette course contre la montre regorge d’éléments horrifiques, la tension est bien maîtrisée, l’enquête complexe car regorgeant de fausses pistes, et les personnages sont intéressants ; enfin, le Mythe y intervient cette fois de manière vraiment radicale, avec rien de moins qu’Azathoth et ses Flûtistes… Une réussite.

 

 Il n’en reste pas moins que le bilan est assez mitigé : deux bons scénarios, deux autres plutôt moyens… pour 21 € tout de même. Autant dire qu’on ne fera pas de ces Aventures extraordinaires un supplément indispensable, à moins d’être fan à tout crin de l’approche pulp de Cthulhu « système Gumshoe ».

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"La Brigade chimérique : L'Encyclopédie - le jeu" + "L'Ecran de jeu et son livret"

Publié le par Nébal

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La Brigade chimérique : L’Encyclopédie – le jeu

 La Brigade chimérique : L’Écran de jeu et son livret (Héros, super-vilains & chefs d’État)

 

 NB : Il s’agit là d’un compte rendu de lecture, et non d’un test : je n’ai pas eu l’occasion de jouer à ce jeu de rôle, que ce soit en tant que personnage ou en tant que meneur de jeu. J’aimerais bien que ça arrive, mais, en montant à la Kapitale, j’ai perdu mes joueurs (ouep, d’habitude, j’étais plutôt MJ)… Cette précision, du coup, vaudra sans doute pour la plupart des comptes rendus de jeux de rôle que je ferai ultérieurement sur ce blog – d’autres sont d’ores et déjà prévus –, et j’en suis le premier désolé…

 

Que vous ayez fréquenté ce blog interlope ou non, vous avez probablement entendu parler de La Brigade chimérique, chouette bande-dessinée de Serge Lehman, Fabrice Colin, Gess et Céline Bessonneau nous narrant le (triste) sort des super-héros européens de l’entre-deux-guerres. Je ne sais pas si ce « comic-book français » a connu le succès commercial (je maintiens qu’il y avait un fâcheux problème de format et de coût), mais son succès d’estime, au moins, ne saurait faire de doute. En témoigne assurément ce dont je vais vous causer aujourd’hui.

 

En effet, d’aucuns se sont tellement pris de passion pour cet univers et ces personnages qu’ils ont décidé d’en faire un jeu de rôle (d’aucuns, en l’occurrence, ce sont, sous la direction de Romain d’Huissier, Willy Favre, Laurent Devernay, Julien Heylbroeck et Stéphane Treille). Et on les comprend, car La Brigade chimérique fournit un cadre à la fois assez cohérent et assez souple pour créer de nouvelles aventures hautes en couleurs, riches de personnages plus fascinants les uns que les autres, empruntés au roman scientifique de la première moitié du xxe siècle ou inspirés de son esprit. D’où ce projet, peut-être un peu dingue là encore sur le plan commercial – je ne sais pas du tout si le jeu édité par Sans-Détour a rencontré son public, et du coup (ce qui m’inquiète davantage) s’il y aura une gamme conséquente par la suite –, mais pour le moins séduisant.

 

Et d’autant plus séduisant qu’il s’est agi – là encore, pari risqué de la part des auteurs, mais pourquoi pas après tout – de séduire deux publics, qui peuvent certes se rencontrer, le font sans doute assez souvent, mais ne se recoupent pas nécessairement : d’une part les rôlistes, et d’autre part les lecteurs de la BD, et plus généralement sans doute de SF et de comics. D’où la forme un peu (mais juste un peu) particulière adoptée par le « livre de base » de ce jeu de rôle, qui justifie son double titre : L’Encyclopédie – le jeu. Il s’agit en effet dans un premier temps de détailler et, par bien des aspects, enrichir encore – avec l’aval des auteurs, il est important de le souligner – l’univers de la bande-dessinée, et dans un second temps seulement de fournir aux lecteurs qui le souhaitent les règles leur permettant d’incarner à leur tour des surhommes de l’ère du radium, les deux parties étant de taille approximativement comparable (l'encyclopédie déborde un peu). Le tout, précision qui s’impose, constituant un très bel ouvrage de 250 pages abondamment illustré (par Gess et Willy Favre), et en couleurs s’il vous plait.

 

Commençons donc par envisager l’encyclopédie chimérique. Celle-ci se compose de quatre chapitres de taille très variable. Le premier concerne « l’histoire chimérique » : il s’agit tout simplement d’une chronologie, commençant vaguement en 1850 pour s’achever avec la BD en 1939, notant les faits significatifs de l’ère du radium, qu’ils aient été décrits dans la BD (qui se voit ainsi résumée et synthétisée) ou pas. J’avoue n’avoir guère été convaincu par cette partie, qui m’a paru un peu trop lapidaire pour convaincre… Il en va de même du « traité de géopolitique superscientifique » qui suit, là encore assez bref, et qui, en prolongement direct du chapitre précédent, confronte l’Histoire avec la bande-dessinée. Disons que l’on n’y apprend finalement pas encore grand-chose, dès l’instant que l’on a lu la BD et que l’on a quelques notions d’histoire. Ces deux chapitres me paraissent donc clairement destinés à ceux qui n’ont pas lu la BD – des rôlistes, supposera-t-on –, mais j’avoue être sceptique quant à l’existence d’un public désireux de se lancer dans cette aventure sans avoir lu auparavant La Brigade chimérique

 

Le troisième chapitre est déjà bien plus intéressant : « Hypermonde et superscience » sont en effet des notions essentielles de la bande-dessinée, mais pas forcément limpides pour autant. Cette mise à plat se révèle salutaire, et permet une meilleure compréhension des événements décrits dans la BD (notamment de sa conclusion). Et, déjà, commencent à fourmiller, au fil des pages, quelques idées de scénarios inspirés par ces deux notions…

 

Mais le plus gros de l’encyclopédie – et, heureusement, le plus convaincant, et même tout à fait passionnant – réside dans le chapitre 4, « les cités européennes », d’environ 80 pages à lui seul. En décrivant le monde de La Brigade chimérique, les auteurs mitraillent ici le meneur de jeu potentiel d’idées de scénarios : chaque page fournit au moins une piste, généralement davantage. Et, à la lecture, c’est un régal (du moins pour ceux qui, comme moi, aiment les descriptions d’univers, bien sûr…). Le plus gros de ce chapitre est consacré à Paris, abondamment détaillé, presque arrondissement par arrondissement, sous sa face lumineuse comme sous sa face cachée (descriptions et caractéristiques des surhommes parisiens sont également à l’affiche, ce qui introduit en douceur les premiers points « techniques » de ce livre). Suivent des développements plus brefs concernant Londres, Berlin et Metropolis, Rome, l’Espagne, Moscou, et quelques autres encore. La BD se trouve ici considérablement enrichie et précisée, mais les auteurs ont su en respecter l’esprit dans le moindre de leurs apports. Le résultat est plus que satisfaisant et se lit tout seul.

 

Nous passons ensuite à la deuxième partie, le jeu. Classiquement, nous commençons par « créer un surhomme ». Rien de très original dans ce premier chapitre, mais le système de création de personnage est à vue de nez assez simple et en même temps riche de possibilités. Mais celles qui intéressent le plus le joueur, bien évidemment, ce sont les pouvoirs des surhommes, qui se voient consacrer un long chapitre. La présentation est simple et le système astucieux, qui permet de véritablement créer des pouvoirs et non de se contenter de piocher dans une liste préétablie ; à partir de là, tout est possible, et c’est tant mieux. Et étrangement, cette « table de classification des capacités surhumaines du professeur Holweck » n’est même pas vraiment rébarbative à la lecture, comme trop souvent les passages consacrés à ce genre d’attributs dans les livres de jeux de rôle, tant le lecteur jubile d’ores et déjà à concevoir des concepts de personnages multiples et variés.

 

Suivent « les règles de l’hypermonde ». Le jeu se joue avec des D6 on ne peut plus classiques. Le système de règles repose sur des bases a priori très simples, avec les grands classiques du genre : test simple (attribut + profil, attribut doublé…), test en opposition, test prolongé… Le joueur additionne ses caractéristiques requises au résultat de 3D6 (normalement), et le meneur de jeu compare à la difficulté qu’il avait établie ; la marge de succès ou d’échec influe sur les conséquences du test, marge qui peut être modifiée par un dé spécial appelé « dé chimérique ». Suivent, bien évidemment, les règles consacrées aux combats, qui reposent sur des tests en opposition : à vue de nez, je pense que cela doit donner des batailles dynamiques et enthousiasmantes, où on ne se paume pas pendant 107 ans dans d’innombrables tableaux, sans restreindre pour autant les possibilités de jeu. En somme, un système de jeu souple et efficace, en apparence tout du moins, qui devrait convenir tant aux rôlistes confirmés qu’aux débutants attirés par la BD.

 

On passera très vite sur le bref chapitre 4, « Arpenter l’univers de la Brigade chimérique », qui se contente classiquement de donner des conseils au MJ pour élaborer ses parties – chapitre qui n’intéressera vraisemblablement, et encore, que les débutants, et qui se contente d’enfoncer des portes ouvertes pour les autres.

 

Reste enfin un scénario, intitulé « La Dernière Guerre ». En trois épisodes, il s’agit ici semble-t-il de préparer le terrain à une campagne ultérieure (gamme ?). On sent en tout cas que ce scénario est – à la base, mais il est bien évidemment toujours possible de l’adapter – prévu pour des joueurs débutants. Un peu trop à mon goût, pour dire le vrai… Le premier épisode est en effet extrêmement dirigiste, sans qu’il y ait véritablement d’enjeu. Le deuxième épisode repose sur une enquête policière, ce qui devrait en principe autoriser davantage de libertés, mais m’a donné l’impression d’être trop simple. Je n’ai finalement été convaincu – encore qu’il y aurait à redire, mais je ne vais pas rentrer dans les détails – que par le troisième épisode, encore un peu trop dirigiste, mais offrant dans l’ensemble un habile mélange de diplomatie et d’action trépidante pour ne pas dire apocalyptique. Mais il suffit sans doute d’un peu de bonne volonté de la part du MJ et des joueurs pour faire de ce premier scénario une aventure tout à fait palpitante.

 

En annexes, on trouvera des personnages clés en main pour les joueurs pressés (je n’ai jamais adhéré à cette pratique… On peut par contre y voir des PNJ éventuellement utiles, surtout si le groupe de joueurs est assez restreint), puis une brève « bibliographie des chasseurs de chimères », sélection de romans scientifiques établie par Serge Lehman.

 

Quelques mots pour finir sur le premier (et pour l’instant le seul – je ne compte pas le matériel téléchargeable ici) supplément de ce jeu de rôle, l’inévitable écran et son livret de jeu. L’écran, illustré par Gess, est un peu terne à mon goût, mais peu importe ; il a pour lui d’être rigide (merci !) et bien élaboré (cinq sections sur trois panneaux : les personnages, les actions, les réserves, les dommages et les soins, les armes et les protections). Il est accompagné d’un livret de 20 pages en couleurs, Héros, super-vilains et chefs d’État, présentant dix nouveaux héros, cinq super-vilains et trois chefs d’État (Archigos le Grec, Jack-o’-Lantern l’Irlandais et Ukko le Finlandais). Personnellement, je crois que j’aurais préféré un scénario ou un cadre de jeu, m’enfin bon… Il y a après tout quelques idées de scénarios qui émergent de ces présentations de personnages (notamment, sans surprise, celles qui concernent les chefs d’État).

 

Ajoutons pour la bonne bouche que le travail des éditions Sans-Détour est des plus corrects sur ces deux produits : agréables à l’œil, d’une lecture aisée, ils sont dans l’ensemble bien rédigés et peu « coquillés », ce qui est loin d’être toujours le cas…

 

 

 Bon, j’ai envie de relire la BD et de jouer, moi.

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"The Illustrated Man and other short stories / L'Homme Illustré et autres nouvelles", de Ray Bradbury

Publié le par Nébal

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BRADBURY (Ray), The Illustrated Man and other short stories / L’Homme Illustré et autres nouvelles, traduit de l’américain par Constantin Andronikov et Brigitte Mariot, préface de Thomas Day, Paris, Gallimard, coll. Folio Bilingue, [1951, 2002] 2011, 169 p. + [8] p. de pl.

 

Je dois confesser à ma grande honte n’avoir que très peu lu Ray Bradbury. Quasiment pas, à vrai dire : les Chroniques martiennes et Celui qui attend quand j’étais ado (je n’ai aucun souvenir ni de l’un ni de l’autre ; ça fait d’ailleurs longtemps que je me dis qu’il faudrait que je relise le premier, classique entre les classiques, tout de même) et plus récemment l’indispensable Fahrenheit 451 en anglais. Et c’est tout.

 

La parution dans la collection « Folio Bilingue » de ce petit volume m’a donc offert l’occasion de redécouvrir un brin l’auteur. Mais une précision s’impose d’emblée : sous ce titre de The Illustrated Man and other short stories / L’Homme Illustré et autres nouvelles, le lecteur ne trouvera pas l’ensemble du (célèbre) fix-up qu’est L’Homme Illustré, loin de là. Il ne s’agit que d’une très brève sélection de quatre nouvelles dont un prologue, « simplement » destinée à faire la rencontre avec l’auteur et son œuvre dans sa langue.

 

Je dois dire que j’ai même eu l’impression renforcée d’un ouvrage à vocation, disons, « pédagogique », par le choix des textes originaux et leur ordre, la langue très simple des deux premiers textes devenant plus riche et un brin plus complexe (tout en restant très abordable) dans les deux suivants ; mais peut-être n’est-ce qu’une impression… De toute façon, le texte français en parallèle offre une béquille bienvenue au cas où surviendrait la moindre difficulté, ce qui est bien après tout l’optique de ce genre de petits volumes, dont l’usage « scolaire » paraît couler de source (ce qui justifie sans doute la brièveté du recueil – néanmoins frustrante).

 

L’Homme Illustré est donc à la base un fix-up publié en 1951, le troisième ouvrage de l’auteur (juste après, notons-le, les Chroniques martiennes ; on pourra de même noter, tant qu’on y est, qu’il a été « adapté » au cinéma, pour un résultat semble-t-il passablement médiocre). Le caractère artificiel du lien entre les nouvelles saute très vite aux yeux, dès le prétexte (dans tous les sens du terme) que constitue « Prologue: The Illustrated Man / Prologue : L’Homme Illustré » (pp. 21-39). Nous y faisons la rencontre d’un homme mystérieux, abordant un voyageur « par un après-midi chaud de début septembre », et dont le corps entier est tatoué. Ou, plus exactement, illustré, tant l’œuvre qui recouvre sa peau sort de l’ordinaire. Cet Homme Illustré prétend avoir été tatoué ainsi par une sorcière, qu’il entend retrouver et tuer ; et il affirme que ses tatouages, changeants, racontent des histoires, et pas n’importe lesquelles : elles prédisent le futur… Le voyageur se perd dans la contemplation des tatouages, et nous entraîne avec lui dans le recueil.

 

Seules trois histoires du texte original ont donc été conservées ici, trois nouvelles entre science-fiction et fantastique, fort différentes les unes des autres. Nous commençons avec « Kaleidoscope / Kaléidoscope » (pp. 41-73), et je dois avouer avoir été soufflé par ce texte de science-fiction horrifique reposant sur une idée pourtant très simple (mais c’est après tout généralement le cas des meilleurs textes de SF, non ?) : une fusée explose en plein espace, son équipage se retrouve propulsé dans le vide ; les hommes, en scaphandre, mais qui n’ont pas eu le temps de prendre leur équipement de survie, sont voués à une mort certaine, tandis que l’un se dirige vers la Lune ou l’autre vers la Terre. Et ils se parlent, ne pouvant rien faire d’autre ; ils gémissent, s’insultent, se souviennent… Un horrible cauchemar, exprimé de manière très simple, mais d’une efficacité redoutable.

 

Suit une nouvelle plus ambitieuse en apparence, et passablement déstabilisante, puisque, avec « The Exiles / Les Bannis » (pp. 75-123), nous oscillons en permanence entre science-fiction et fantastique. Difficile d’en parler sans trop en dire… On se contentera donc de poser que la nouvelle, qui prend prétexte de la première expédition humaine à destination de la planète Mars, se trouve être en définitive un hommage aux grands noms de la littérature fantastique anglo-saxonne, étonnant mais réussi. On notera également au passage que ce texte préfigure en partie Fahrenheit 451, puisque nous y trouvons déjà des brûleurs de livres…

 

Et le recueil de s’achever (déjà !) avec « The Illustrated Man / L’Homme Illustré » (pp. 125-169), nouvelle passablement contradictoire avec le prologue envisagé plus haut, ce qui ne fait que ressortir davantage encore le caractère artificiel du fix-up (mais peu importe, a fortiori dans cette version abrégée). Nous assistons cette fois au tatouage de l’Homme Illustré, un employé de cirque obèse qui n’a pas d’autre choix que de devenir un freak s’il entend conserver son job ; mais le tatouage – prédisant le futur ? – aura très vite des conséquences perverses… Un beau texte, assez poignant.

 

 Au final, ce petit recueil, avec ce qu’il a de frustrant, remplit donc parfaitement son objectif : introduction judicieuse à l’auteur dans sa langue, il séduit et donne envie d’en lire plus. Je lirai sans doute un de ces jours le recueil intégral, et tant qu’à faire d’autres textes de Ray Bradbury ; il n’est franchement pas dit que j’aurais eu cette envie sans cette parution…

CITRIQ

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Un tout nouvel éditeur !

Publié le par Nébal

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Bonjour !!!

 

Bien que n’ayant encore ni capital ni distributeur ni rien du tout à vrai dire, les toutes nouvelles toutes belles éditions Neboll ne manquent pas d’enthousiasme !!! Nous sommes fiers de vous présenter dès aujourd’hui nos premiers titres – pour les couvertures, il faudra attendre un peu, notre talentueux illustrateur se forme à Bryce –, et par la même occasion nos premières collections !!!!! Longue vie à Neboll !!!!!!!!!!!

 

Collection Neboll Fantasy

La Geste de Skrotumä, t. 1. Ash’kathen le Traznakhonisbale, de Bernard Monge-Vigneclerc.

Rien ne va plus au royaume de Z’gö depuis que la princesse Skrotumä a été enlevée par le terrible nécromancien Vil’kaznahish. Heureusement se dresse sur son chemin Ash’kathen le Traznakhonisbale, fier et ténébreux guerrier du Nord aux colères épiques armé d’une hache à deux mains. Une quête sanglante débute, dans ce premier tome aux accents howardiens, voire gemmelliens prononcés. Et, n’en doutons pas, un premier succès pour Neboll !!!!!!!!!!!

 

Collection Neboll Space

La Ballade de Vel’naka, épisode IV. Or’then le Sag’zathokaghlène, de Bernie V. Monge.

Rien ne va plus dans l’empire galactique de Thral’kala depuis que la princesse Vel’naka a été enlevée par le terrible extraterrestre aux yeux globuleux X-17. Heureusement se dresse sur son chemin Or’then le Sag’zathokaghlène, fier et ténébreux cadet de l’espace, aux commandes de son fidèle Epervier Centurium. Une quête débordant de « sense of wonder » débute, dans ce premier tome entre Dune et Le Seigneur des anneaux. Et, n’en doutons pas, un deuxième succès pour Neboll !!!!!!!!!!!!!!!!

 

Collection Neboll Bit-lit

Jackie contre les Suceuses, t. 1. Trépidation, de Nébalia.

Rien ne va plus au lycée depuis que celui-ci est devenu la proie d’une meute de vampires lesbiennes nymphomanes. Heureusement, Jackie, pom-pom girl le jour, se transforme la nuit en une redoutable tueuse de suceuses. Un premier roman d’une originalité débordante, par une ex-star du X. Et, n’en doutons pas, un troisième succès pour Neboll !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 

Collection Neboll Humour !

La Peste de Grossetomate, t. 1. Hache-caténaire le très con du bal, de B.M.W.

Rien ne va plus au royaume de Gogues depuis que la princesse Grossetomate a été enlevée par le  nécromancien rigolo Fille’kashtémish. Heureusement se dresse sur son chemin Hache-caténaire le très con du bal, barbare gaffeur amateur de jeux de mots et armé d’une saucisse. Une quête drôlatique débute, dans cette hilarante parodie de notre premier succès international. Et, n’en doutons pas, un quatrième succès pour Neboll !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 

Collection Neboll Filosofie

Le Papillon de Cassandre au royaume décéléra, de Bernard Vigneclerc-Monge

Qui suis-je ? Où vais-je ? Telles sont les questions profondes et originales qui agitent notre héros, Zorg de Jikal’ganajokathom, dans ce récit initiatique qui le voit affronter le Doute et le Néant, retenant dans ses rets la belle Philocunégonde, Muse du royaume de Esipoé (où rien ne va plus). L’auteur ne puise pas servilement dans la pensée des philosophes qui l’ont précédé, mais ajoute modestement sa pierre à l’édifice. Une lecture édifiante, et, n’en doutons pas, un cinquième succès pour Neboll !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 

À très bientôt !

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Le Porte-lame, de William Burroughs

Publié le par Nébal

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BURROUGHS (William), Le Porte-lame, [Blade Runner (A Movie)], traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Sigaud, Auch, Tristram, [1979, 1986, 1990] 2011, 89 p.

 

Hop, ma chro est à lire (ou pas) sur le beau site du Cafard Cosmique. Je la republie ici au cas où...

 

 

On ne dira jamais assez de bien des éditions Tristram. Après nous avoir régalé, entre autres, de J.G. Ballard et de Hunter S. Thompson, voilà que l’éditeur auscitain publie un inédit de William Burroughs, près de quatorze ans après la mort de l’auteur beat, et non des moindres : en effet, s’il ne nous avait pas été donné de lire en français ce petit livre de 90 pages jusqu’à présent, il ne nous était pas inconnu pour autant ; c’est là que Ridley Scott a trouvé – notamment – le titre de son incontournable Blade Runner… Mais, au-delà de cette anecdote, reste un projet bien particulier, un peu dingue évidemment, et qui vaut nécessairement le détour.

 

Le Porte-lame se présente comme un scénario de film imaginaire – l’éditeur a d’ailleurs choisi d’orner les pages de l’ouvrage de pellicules qui le traversent en tous sens –, inspiré par le roman The Bladerunner d’Alan E. Nourse, publié en 1974, et dont il reprend personnages et situations ; mais à la sauce Burroughs, bien sûr… Et on y retrouve bien vite les thèmes classiques de l’auteur du Festin nu. Avec moins de folie, sans doute… Mais, à la différence de l’ouvrage culte, dont la publication dans des collections de science-fiction tient un peu de l’exercice de haute-voltige, l’appartenance au genre du Porte-lame ne saurait faire de doute. Le récit se présente d’emblée comme une anticipation passablement dystopique (pour l’essentiel…), présentant une Amérique futuriste absurde, à la fois cauchemardesque et hilarante.

 

Le problème essentiel, dans cette Amérique de 2014, est – outre celui de la surpopulation, qui ne fait qu’aggraver les choses – celui de la santé publique et de la sécurité sociale, qui a suscité des émeutes meurtrières, scindant la population en deux groupes bien distincts. L’un tient du fantasme réactionnaire et autoritaire, s’incarnant passivement dans le brave Joe Toulemonde aux revenus moyens, nécessairement grincheux, qui en a marre de payer des impôts pour les nègres et les hispanos, et de manière plus vigoureuse dans les maniaques que sont les Soldats du Christ du révérend Parcival, prêts à mettre le monde à feu et à sang. L’autre… eh bien, c’est le reste, les drogués, les lépreux – ou ceux qui font semblant de l’être, parce qu’il vaut mieux être libre qu’être stérilisé (littéralement) et aux ordres. Inutile de préciser quel « camp » a la préférence de l’auteur…

 

Mais l’exercice de la médecine aussi, du coup, connaît une subdivision, et à la médecine officielle s’oppose une médecine clandestine, qui a besoin de matériel et de médicaments de contrebande. Ce matériel, ces médicaments, ce sont les porte-lames, des adolescents rebelles identifiés à Mercure aux pieds ailés, qui les fournissent aux docs undergound. Nous en suivrons plus particulièrement un, Billy, jeune homosexuel du Lower Manhattan ; un porte-lame efficace… qui peut aussi porter autre chose bien malgré lui.

 

Difficile, cependant – peut-être pas impossible, mais difficile – de réellement déterminer une intrigue dans ce « scénario » (d’autant qu’elle se dédouble aux deux-tiers du texte environ). Le cut-up se fait ici outil de narration filmique, effet de montage. Les séquences s’enchaînent, avec leur propre logique, parfois appuyées d’une voix off venant « éclaircir » le propos, et Burroughs construit un tableau vivant d’une Amérique au bord du gouffre, ou qui a peut-être déjà les pieds dedans, avant d’élaborer véritablement une histoire. Certes, celle-ci n’est pas absente – et rattrape le lecteur en bout de course, pour un final surprenant et non dénué d’une certaine majesté. Mais l’essentiel est ailleurs.

 

Dans la pertinence et l’humour de la métaphore, sans doute, qui saisissent le lecteur aux tripes, et déchaînent son rire grinçant lors des épisodes les plus ubuesques… ou burlesques, ainsi cette mémorable scène d’opération chirurgicale qui ne manque pas de rappeler l’opération à cœur ouvert du Docteur Benway dans Le Festin nu. Au-delà, Le Porte-lame est d’une actualité certaine, qui à bien des égards fait froid dans le dos…

 

Mais l’essentiel, c’est aussi cette écriture, incisive, surprenante, admirable – on saluera une fois de plus la traduction de Bernard Sigaud, irréprochable. William Burroughs était bien un immense écrivain, un des monstres sacrés de la littérature américaine du XXe siècle, et Le Porte-lame peut constituer une bonne porte d’entrée à son œuvre.

 

On ne fera peut-être pas de ce court texte un chef-d’œuvre – ce n’est malgré tout pas l’œuvre la plus marquante de Burroughs, loin de là –, mais on peut bien qualifier sa publication d’événement. Le Porte-lame est certes fort bref, mais il est d’une densité et d’une puissance qui valent mille pavés. À bon entendeur…

CITRIQ

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