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CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de Jouvence (03)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de Jouvence (03)

Troisième et dernière séance du scénario « Les Larmes de Jouvence », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Andrea Salvatores, et figure dans le livre de base, pp. 180-187. Vous trouverez le compte rendu et l’enregistrement de la première séance ici, et de la deuxième .

 

L’illustration en tête d’article provient du livre de base (p. 185), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Voici l’enregistrement de ce troisième compte rendu :

Voici également, pour ceux que cela intéresserait, l’enregistrement brut de cette troisième séance (on dit « actual play » ?) :

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai surtout fait appel, outre des compilations de musique traditionnelle arabe ou orientale que j’ai trouvé en ligne, au morceau « bassAliens » de Sunn O))) (sur l’album White2), au morceau « Phill 2 » de KTL (sur l’album V), au morceau de Lustmord « Babel » (sur l’album The Word as Power), et aux morceaux de Dead Can Dance « The Host of Seraphim » (sur l’album The Serpent’s Egg), « Yulunga » (sur l’album Into the Labyrinth) et « Saltarello » (sur l’album Aion), ainsi qu’aux bandes originales des jeux vidéos Darkest Dungeon et The Elder Scrolls V : Skyrim. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Il y avait six joueurs, à savoir Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 2 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 2) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 3 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 0).

 

I : QUE FAIRE ?

 

Les aventuriers ont enfin rencontré l’Alchimiste – alors même qu’il prépare les Larmes de Jouvence. Mais ils ont aussi découvert que, pour accomplir cette opération, il devait soumettre Azar Al’Tamûl, le père de Manna et Denh, à des souffrances atroces… Et ils hésitent dès lors quant à la marche à suivre. Ils se retirent à quelque distance pour en discuter – l’Alchimiste s’en moque, il est trop occupé à se délecter des souffrances de son « patient ».

 

Narjeva est d’ores et déjà fixée : en tant que prêtresse de Nemmereth, elle est outrée par ce procédé qui joue avec un peu trop de nonchalance de la vie et de la mort – et tous (enfin, presque… Redhart Finken est un peu à la traîne…) admettent maintenant que Manna Al’Tamûl leur a menti, d’emblée, en prétendant que son père s’était absenté pour affaires : il apparaît clairement qu’elle et son frère Denh se sont emparés de leur père, qui ne comptait pas dilapider des sommes folles en quête d’une vaine rumeur, pour le confier à l’Alchimiste – car les Larmes de Jouvence ne peuvent être extraites que d’un membre de la famille de la personne à soigner, en l’espèce Adel, le petit-fils malade d’Azar.

 

Si certains des aventuriers, dont Redhart donc, seraient tout disposés à accomplir leur mission sans plus de scrupules, Nepuul Qomrax, d’abord hésitant, rejoint finalement Narjeva – pas tant pour des raisons éthiques que parce qu’il suppose que délivrer Azar de son supplice serait bien plus sûrement rémunérateur que de se plier aux exigences douteuses d’une Manna Al’Tamûl qui leur a d’ores et déjà menti. En outre, le Zaluti a un intérêt très personnel à se débarrasser de l’Alchimiste : il compte bien, avec le soutien financier d’Azar, récupérer, sinon le Palais du Roi-Sorcier Men’darr à proprement parler, du moins tout le précieux matériel alchimique qui s’y trouve, et l’impressionnante bibliothèque qui va avec…

 

Redhart n’a rien contre le fait de tuer l’Alchimiste, cela dit (Myrkhan non plus, qui se méfie naturellement de cette engeance) – même si le mercenaire souhaiterait accomplir quand même la mission en attendant qu’il achève d’extraire les Larmes de Jouvence d’Azar pour les ramener malgré tout à Manna. En même temps, avec des contrats rédigés dans les formes, il serait tout à fait disposé à éliminer tout le monde dans « cette famille de tarés »…

 

Narjeva n’a pas envie d’en débattre davantage. Elle se rend auprès de l’Alchimiste, et compte l’attaquer sans plus attendre – les autres la suivent, elle a décidé pour eux.

 

II : FACE À L’ALCHIMISTE

 

Mais Redhart n’aime pas rester en arrière ! Et c’est en définitive lui qui assène le premier coup à l’Alchimiste, qui ne leur prêtait toujours pas la moindre attention – alors même que les intentions des aventuriers à ce stade étaient pour le moins explicites ! Le mercenaire vise la tête, il se méfie des dons magiques de son adversaire – mais celui-ci se montre plus résistant qu’il ne le croyait ; il avait bel et bien préparé quelque chose contre toute attaque de cet ordre… et ses mouvements sont étonnamment vifs.

 

Narjeva, plus prudente que Redhart, n’en attaque pas moins dans sa foulée, et vise quant à elle l’œil… ou, du moins, là où elle suppose que se trouve cet organe, la capuche de l'Alchimiste dissimulant son visage. Mais le coup ne semble pas lui faire le moindre dégât !

 

Et l’Alchimiste a d’autres tours dans son sac. Il ne cherche pas à riposter, mais se désengage à une vitesse impressionnante, comme en lévitant à quelques centimètres au-dessus du sol – une fois à quelque distance de ses assaillants, il sort de sa manche une petite fiole qu’il porte à ses lèvres, en engloutissant le contenu ; et l’effet de la potion devient bientôt évident : la flèche que lui décoche Myrkhan ricoche sur sa peau, comme si elle avait heurté de la pierre ! Et la hache d’abordage de Parsool de Redhart lui inflige à peine une égratignure… tandis que la lame de la rapière de Narjeva se tord quand elle l’appuie contre son ventre. Nepuul comprend qu’il s’agit d’une fiole de résistance, qui lui confère comme une peau de pierre – et, sans être éternel, cet effet peut durer un bon moment… Il le crie à ses camarades ! Et redoute que, maintenant que l’Alchimiste a assuré sa défense, il passe très vite à l’offensive… et qui sait quelles autres potions il cache dans ses manches ? Outre qu'il semble marmonner des rituels à la façon des sorciers...

 

Liu Jun-Mi ne se sent pas d’attaquer l’Alchimiste dans ces conditions – ou bien est-ce qu’il fait preuve de davantage d’empathie qu’il ne le prétend habituellement ? Il sait qu’Azar Al’Tamûl souffre dans sa cuve, et veut le tirer de là… mais il se méfie de ce liquide qui baigne le pauvre homme : y plongeant sa lance, il constate aussitôt qu’elle est comme rongée par un acide, et elle émet de la fumée… Redhart lui crie de venir les aider !

 

Mais le mercenaire, furieux de la résistance imprévue de l’Alchimiste, lui assène en hurlant un coup de hache d’une brutalité inouïe ! [En termes de jeu : Succès Légendaire avec deux fois l’option Coup dévastateur, pour 12 points de dégâts supplémentaires…] Il outrepasse l’armure magique de l’Alchimiste, et lui fend le crâne en deux ! En retirant sa hache, il fait tomber la capuche de son adversaire, révélant ainsi un visage hideux, qui n’a absolument rien d’humain – ou, plutôt, qui est constitué de très nombreux visages humains luttant pour s’imposer quelques secondes aux dépends des autres : les yeux, les oreilles, les nez, les bouches, sont encore en mouvement constant, et jaillissent brièvement des endroits les plus incongrus, avant de disparaître tout aussi soudainement – l’effet secondaire mentionné par l’Alchimiste lui-même, conséquence de ce qu’il a prolongé durant des siècles sa vie à l’aide de Larmes de Jouvence extraites de victimes qui ne lui étaient pas liées… Puis le visage de l'Alchimiste se fige une dernière fois, à jamais.

 

III : SE REMETTRE ET RENTRER

 

Azar Al’Tamûl baigne toujours dans sa cuve où il souffre atrocement – Liu Jun-Mi au-dessus de lui contemple sa lance rongée et fumante… Nepuul rejoint le Ghataï ; observant le vieil homme, il comprend sans peine qu’il a subi énormément de dégâts, même si, à en croire l’Alchimiste, le processus est encore réversible – mais la médecine conventionnelle est clairement impuissante.

 

Il faut le sortir de là – on débarrasse la table où s’entassait tout un bric-à-brac alchimique afin de l’y allonger. Après avoir débattu de plusieurs méthodes pour extraire Azar Al’Tamûl de la cuve sans se brûler, Nepuul et Redhart jettent un œil aux diverses potions qui se trouvent dans cette salle ; le Zaluti repère bientôt d’autres fioles de résistance – probablement ce que l’Alchimiste utilisait lui-même pour procéder à ce genre de manipulations. Liu Jun-Mi en boit une, et sa peau se densifie : il peut plonger les bras dans la cuve sans crainte, c'est tout juste s'ils fument un peu après coup, et en sortir le pauvre Azar Al’Tamûl.

 

La victime de ses propres enfants a toujours les yeux exorbités et la bouche figée sur un cri muet de terreur et de douleur mêlées. Nepuul comprend vite qu’il mourra bientôt s’il ne trouve pas un moyen de soigner au plus vite les blessures subies… Narjeva adresse une prière à Nemmereth – et, est-ce l’intervention du dieu de la mort, son regard est attiré sur une canalisation – en la suivant, elle découvre qu’elle aboutit à une sorte de petit robinet, qui goutte très lentement dans une fiole placée pile en dessous : il s’agit des Larmes de Jouvence extraites d’Azar Al’Tamûl – sans plus attendre, Narjeva lui en fait boire tout le contenu : c’était effectivement, à ce stade, le seul moyen de sauver le vieil homme, en annulant le processus entamé par l’Alchimiste. Tous sont convaincus de ce que la potion a fait son effet et qu’Azar est hors de danger – c’est visible, d’une certaine manière. Cependant, le vieil homme a vécu une expérience extrêmement traumatisante, et les séquelles psychologiques sont peut-être plus graves que les physiques – dans tous les cas, il faudra attendre quelques jours pour qu’il revienne un tant soit peu à lui.

 

Les aventuriers n’ont aucune envie de traverser le Désert de Beshaar avec un compagnon aussi lourdement handicapé – ils décident donc de passer ces quelques jours nécessaires au rétablissement d’Azar Al’Tamûl dans le Palais du Roi-Sorcier Men’darr, Nepuul veillant son patient avec le plus grand soin. En explorant les environs, ils découvrent un réseau de grottes à proximité : il s’y trouve des sortes d’étables, où les gardes ont parqué les coursiers des sables des héros (il y a aussi une petite charrette, que l’on peut atteler à ces animaux) – mais aussi des cuisines et des réserves bien fournies, et une petite source produisant une eau limpide et délicieusement rafraîchissante. Liu Jun-Mi dès lors ne quitte pas ces lieux – il refuse de remettre les pieds dans le Palais du Roi-Sorcier.

 

Les autres ne se privent pas de piller les trésors de l’Alchimiste, et Nepuul tout particulièrement met la main sur d’autres fioles de résistance ainsi que des potions d’anti-fièvre et de neutralisation d’acide ; il lorgne sur la riche bibliothèque démonique du palais, mais ils ne peuvent pas se charger outre-mesure : ils ont bien dix jours de traversée du désert devant eux pour retourner à Badhasar. Or Nepuul craint de manquer d’yzane… même s’il a de quoi préparer quelques doses supplémentaires en usant du très bon matériel de l’Alchimiste.

 

Au bout de trois jours, Azar Al’Tamûl retrouve la faculté de parler – du moins parvient-il à prononcer quelques mots, si pas encore de quoi tenir une conversation suivie. Il ne comprend pas très bien ce qui lui est arrivé, où il se trouve, comment il est arrivé là, qui sont les aventuriers… Progressivement, cependant, alors qu'il réapprend à parler, les souvenirs reviennent – et sa souffrance morale, sa peine d’avoir été ainsi trahi par les siens, apparaît à tous (davantage que sa colère). Il confirme enfin qu’il a été enlevé par ses enfants, qui ont simulé son départ « pour affaires » (sans doute avec la complicité de quelques employés de la Maison Al’Tamûl…), puis convoyé ici par Denh, dans l’espoir de sauver la vie du petit Adel. Il est maintenant bien obligé d’admettre que la « légende » des Larmes de Jouvence était fondée, lui qui refusait d’en entendre parler et de dépenser des fortunes pour pister des chimères dans le désert… et ce constat n’est pas sans l’affecter également.

 

Nepuul se demande ce qui les attend à Badhasar : il suppose que, si Manna Al’Tamûl a sacrifié son propre père, elle ne fera que peu de cas d’une bande de mercenaires ayant découvert le pot aux roses… Elle ne peut tout simplement pas courir le risque que des indiscrets révèlent comment elle a sauvé son fils en sacrifiant son père. Azar ne se fait pas d’illusions à ce propos. Mais il est un homme puissant à Badhasar – il y aura des alliés, si le besoin s’en fait sentir. Il demeure encore indécis quant à la marche à suivre… même s’il préférerait régler l’affaire sans effusions de sang, de toute évidence. Quoi qu’il en soit, il saura récompenser ceux qui lui ont sauvé la vie – en abondance.

 

Il est temps de reprendre la route de Badhasar. Les conditions du voyage retour sont les mêmes qu’à l’aller : des dunes à perte de vue, des tempêtes de sable quotidiennes, des journées insupportablement chaudes, des nuits très froides. Ils repassent par l’oasis de Bakinar, où l’ermite marmonne toujours la même prière sans leur prêter la moindre attention. L’odeur d’ammoniac les assaille de temps à autre, mais les ombres jaunes ne se manifestent pas autrement. Ils atteignent Badhasar après dix jours de voyage sans plus d’histoires.

 

IV : RÉUNION DE FAMILLE

 

Les aventuriers entendent pénétrer discrètement dans la ville. Azar peut les y aider : Aristan, un riche marchand de Badhasar, est de ses amis proches – et suffisamment proche pour qu’Azar sache qu’il fait de la contrebande, en utilisant des accès secrets au souk, qu’il connaît (et qui n’attireront pas l’attention des nombreux « espions » qui rôdent dans le souk à la nuit tombée). Aristan s’avère aussi fiable qu’Azar l’espérait – et pas moins outré de la trahison de Manna et Denh, qu’il connaît depuis leur plus tendre enfance.

 

Ils discutent de la marche à suivre – l’idée la plus prisée consiste à prétendre avoir accompli la mission, en présentant à Manna Al’Tamûl de fausses Larmes de Jouvence, et de jauger sa réaction, mais, dans tous les cas, il s’agit surtout dès lors de la confronter à son père – même si Azar est très indécis, il n’a pas la moindre idée de ce qu’il fera dès lors. Aristan, le cas échéant, est tout disposé à fournir quelques-uns de ses hommes pour dissuader Manna Al’Tamûl de tout geste violent inconsidéré.

 

Après avoir discuté de plusieurs subterfuges, tous les héros se rendent au Palais Turquoise, à l’exception de Redhart, qui est incapable de mentir, et qui reste en arrière avec les hommes d’Aristan et Azar Al’Tamûl. Les quelques gardes de service dans le palais reconnaissent les héros, et on les invite à suivre l’un d’entre eux, qui les conduit à Manna Al’Tamûl.

 

Elle les attendait avec impatience. Ont-ils réussi à trouver les Larmes de Jouvence ? demande-t-elle aussitôt d’un ton suppliant. Narjeva prétend que c’est bien le cas... Alors il faut les faire boire à Adel tout de suite, il a beaucoup souffert ces derniers jours et n’en a plus pour très longtemps ! Mais Kalev refuse de lui donner la fiole tant qu’elle ne les a pas payés. Manna étonnée relève l’absence de « M. Finken », avec qui elle avait dressé le contrat – mais il avait des affaires dans le souk. Qu’importe, le contrat vaut pour tous, et Manna est une marchande honorable, elle les paiera comme convenu ! « Maintenant », insiste Kalev. Dans un cri de rage, Manna ouvre des tiroirs et renverse des coffrets, y saisissant des poignées de pièces d’or et de pierres précieuses qu’elle jette avec mépris aux pieds des aventuriers ! « Vous en avez assez, comme ça ? Tenez, prenez ça ! Et ça ! Et encore ça ! Vous êtes satisfaits ? La fiole, bon sang ! C’est la vie de mon fils qui est en jeu ! » Furieuse et nerveusement épuisée, elle décroche des dagues suspendues aux murs, fracasse des statues par terre… Mais Nepuul, sarcastique, avance que d’autres membres de la famille Al’Tamûl ont souffert dans cette affaire – pas seulement Denh, non… Manna voit très bien où il veut en venir, et essaye d'évacuer la question, sans grande habileté : son père s’est rendu au Palais du Roi-Sorcier Men'darr de son plein gré, mais c'est qu'il voulait garder la chose secrète, de crainte du qu’en dira-t-on… « Je vous en prie ! Mon fils a besoin des Larmes de Jouvence ! C’est le seul moyen de sauver sa vie ! » Mais le Zaluti poursuit : Azar Al’Tamûl n’avait pas l’air très volontaire, dans cette cuve… Narjeva en rajoute – avec la fiole dans les mains, qu’elle refuse à Manna. Celle-ci s’effondre, en sanglots : « Je n’avais pas le choix… C’était un vieil homme ! Mon fils avait toute sa vie devant lui ! C’était injuste qu’il périsse ainsi ! Et son grand-père refusait de monter une expédition pour le sauver, son propre petit-fils ! Il était riche à millions mais ne comptait pas sacrifier la moindre piécette ! Et vous allez me prétendre que… Je vous en supplie, donnez-moi les Larmes de Jouvence ! »

 

C’est alors qu’Azar Al’Tamûl pénètre dans le salon, accompagné de Redhart et de quelques-uns des hommes d’Aristan. La gravité d’Azar, plus triste que coléreux (mais bel et bien indigné), contraste avec la jovialité déplacée du mercenaire de Parsool. Voyant son père, Manna baisse la tête, vaincue, et pleure en silence. Redhart n’attend pas davantage pour interroger le vieil homme sur leur récompense – outre les biens précieux jetés par Manna. Azar va s’en occuper dès que possible – mais il doit d’abord s’entretenir avec sa fille ; s’ils veulent bien se retirer un moment ? Ils obtempèrent.

 

Narjeva s’enquiert cependant auprès de Manna d’où se trouve son fils : « Où voulez-vous qu’il soit… Dans son lit, à gémir… Il ne le quittera que pour être couché dans un cercueil… » La prêtresse de Nemmereth se rend dans la chambre du petit Adel, dont la douleur est palpable, et recommande son âme auprès du dieu de la mort. Nepuul, qui a accompagné Narjeva, soulage les souffrances du petit garçon à l’agonie avec une dose d’yzane. Il n’en a plus que pour quelques jours au plus.

 

Les aventuriers retrouvent Azar, qui a confié sa fille à deux gardes loyaux – il n’est pas comme elle, en mesure de faire couler le sang de la chair de sa chair : elle sera exilée. Il a préparé une récompense pour ses sauveurs – et les remercie encore d’avoir su… « faire le bon choix », dit-il en hésitant visiblement.  Cependant… Les Al’Tamûl ont la réputation d’être durs en affaires. Les héros ont toute sa gratitude, et sa protection, mais… « Ne nous voilons pas la face : vous vous êtes fait une ennemie. Je vous engage à ne pas rester plus longtemps dans cette ville. Comprenez-bien… » Il se tourne plus particulièrement vers Narjeva : « Le souk nocturne a ses activités… particulières ; et Aristan m’a confié qu’un contrat était pendant à la Guilde des Assassins de la ville. Ma fille se doutait bien que vous perceriez son secret, et avait pris ses dispositions pour que vous soyez éliminés sitôt les Larmes de Jouvence entre ses mains. Le problème est qu’un contrat est un contrat, et il est impossible d’annuler cet engagement. Même moi, avec toute ma fortune, je ne peux rien y faire. Je vous enjoins donc à quitter la ville au plus tôt. À vrai dire, c’est la région que vous devez quitter – nous savons ce qu’il en est des assassins à Halakh… Mais je ne pense pas que la Guilde vous poursuivra au-delà, si vous partez dès maintenant. »

 

Les héros, notamment Redhart, pensaient négocier avec Azar de juteux contrats, et Nepuul voulait s’entretenir avec lui du sort du Palais du Roi-Sorcier Men’darr et de tout ce qui s’y trouve, mais ça n’est visiblement pas le moment : Azar est mortellement sérieux. Narjeva, en tant qu’assassin, comprend très bien que ce ne sont pas des paroles en l’air, et que son statut ne la protège par ailleurs en rien. Les aventuriers, déçus, n’insistent pas, et prennent leurs dispositions pour quitter Badhasar au plus vite, à dos de coursiers des sables que leur offre Azar

 

V : ÉPILOGUES

 

Les aventuriers finissent par se séparer pour vaquer à leurs propres occupations. Liu Jun-Mi retourne dans le Khanat, où il avait chargé un chasseur bei wei de lui trouver un ourson à dresser ; il se consacre à la tâche… ce qui, pour lui, implique de s’entraîner quotidiennement à lutter avec son nouvel animal de compagnie.

 

Nepuul Qomrax dépense tout son butin pour monter, quelques mois plus tard, une expédition à destination du Palais du Roi-Sorcier Men’darr, pour en rapatrier son matériel alchimique et, surtout, sa précieuse bibliothèque, riche de vieux grimoires en démonique. Il prend cependant bien soin de passer au large de Badhasar, et de s’entourer de mercenaires à même de le protéger contre toute velléité d’assassinat… mais ses nuits dans le Désert de Beshaar ne sont pas tranquilles. De retour sain et sauf à Satarla, l'alchimiste songe également à confectionner une arme de qualité exceptionnelle pour un de ses compagnons de route – Narjeva, peut-être ?

 

Redhart Finken a obtenu d’Azar Al’Tamûl de conserver une copie de la carte indiquant l'emplacement du Palais du Roi-Sorcier Men’darr (l’original restant aux mains des sages de l’Observatoire) – il aime les cartes, il a envie de se lancer dans une collection… De retour à Parsool, il étale son butin dans bien des soirées de débauche, et rencontre l’amour de sa vie, « son petit oiseau bleu », Ronja Krijfer, la fille d’un riche marchand de la ville, qui exige contre sa main une dot colossale (et dépassant largement les fonds de Redhart, qui est toujours aussi prompt à dépenser tout ce qu’il gagne). La jeune femme a les traits d’un bulldog, et le caractère qui va avec – autoritaire, hautaine, méchante avec les domestiques comme avec les membres de sa famille… Redhart est sous le charme.

 

Kalev s’achète une lyre, et engage tout un orchestre pour faire des tournées dans tout le Golfe de Satarla, ceci afin d’accroître sa renommée en tant que ménestrel, mais aussi compositeur – il écrit d’ailleurs des chansons sur ses aventures et celles de ses compagnons ; il en dédie une tout spécialement à Redhart. Mais le public ne se montre pas aussi réceptif qu’il l’espérait…

 

Narjeva a été assez secouée par cette aventure – qui a renforcé en même temps sa vocation de prêtresse de Nemmereth. Se repenchant sur son parcours, elle a le sentiment d’avoir jusqu’alors suivi cette carrière plus par opportunisme qu’en raison d’une foi sincère. Mais les manœuvres de Manna Al’Tamûl comme de l’Alchimiste, et le jeu mesquin avec la vie et la mort qui créait en même temps les Larmes de Jouvence et les ombres jaunes, ont changé tout cela. Ce véritable bouleversement spirituel confine à vrai dire au fanatisme, et Narjeva dépense tout son butin pour édifier son propre sanctuaire dédié à Nemmereth, près de sa ville natale d’Urceb. Le contrat sur sa tête conclu par Manna Al’Tamûl suscite en elle des réactions diverses, allant de la pitié à la haine – elle fait jouer ses contacts parmi les assassins de Lémurie pour, non seulement déjouer les plans de ceux qui souhaiteraient s’en prendre à elle, mais aussi pister la responsable de cet état de fait, en attendant le bon moment pour frapper…

 

Myrkhan, enfin, s’est lui aussi rendu à Urceb­ – les nombreuses catacombes de la ville excitant sa curiosité. Il en a exploré autant que possible, en faisant l’acquisition de nombreuses cartes plus ou moins fiables. Après quoi il a parcouru en long et en large les Plaines de Klaar – espérant apprivoiser sa méfiance et sa crainte des sorciers dans ces terres abritant les ruines de leur gloire passée. Sans grand succès…

 

C’est fini pour « Les Larmes de Jouvence », mais, courant janvier, nous jouerons probablement un autre scénario de la gamme officielle de Barbarians of Lemuria – j’ai plusieurs pistes, je n’ai pas encore choisi. Quoi qu’il en soit : à suivre…

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CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de Jouvence (02)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de Jouvence (02)

Deuxième séance du scénario « Les Larmes de Jouvence », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Andrea Salvatores, et figure dans le livre de base, pp. 180-187. Vous trouverez le compte rendu et l’enregistrement de la première séance ici.

 

L’illustration en tête d’article provient du livre de base (p. 184), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Voici l’enregistrement de ce deuxième compte rendu :

Voici également, pour ceux que cela intéresserait, l’enregistrement brut de cette deuxième séance (on dit « actual play » ?) :

Au passage, j'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai surtout fait appel, outre des compilations de musique traditionnelle arabe ou orientale que j’ai trouvé en ligne, aux morceaux « bassAliens » et « Decay2 [Nihil’s Maw] » de Sunn O))) (sur l’album White2), aux morceaux de Lustmord « Aldebaran of the Hyades » (sur l'album The Place Where the Black Stars Hang) et « Babel » (sur l’album The Word as Power), ainsi qu’aux bandes originales des jeux vidéos Darkest Dungeon et The Elder Scrolls V : Skyrim, et du film de Mel Gibson Apocalypto (BO signée James Horner). Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Il y avait six joueurs, à savoir Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 2 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 2) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 3 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 0).

 

I : UN PRÉDATEUR DE TAILLE

 

Les héros, traversant le Désert de Beshaar vers le Palais du Roi-Sorcier Men’darr, sont tombés sur les restes de la caravane de Denh Al’Tamûl… et sur un prédateur de taille, qui rôdait dans les dunes alentours : un scorpion-araignée géant ! Myrkhan est aussitôt redescendu de sa dune, discrètement, pour prévenir ses camarades, dont les coursiers des sables sont très nerveux et sur le point de fuir sans attendre leurs maîtres…

 

Redhart le mercenaire et Liu Jun-Mi le dresseur parviennent cependant à maîtriser leurs montures – ils ont déjà affronté ce genre de situations. De la sorte, ils s’empressent de rattraper les autres coursiers des sables afin que leurs camarades puissent les chevaucher – aucun d’entre eux n’a l’intention de livrer combat contre la colossale créature ! Mais, si Myrkhan s’est suffisamment bien débrouillé avec son animal, Nepuul et Narjeva, cette dernière étant blessée, sont plus loin en arrière, revenant de la tente de Denh Al’Tamûl… et Kalev est à mi-chemin ; en définitive, du fait des priorités de ses récents amis, c’est lui qui se trouve à la traîne – et le scorpion-araignée géant le menace directement !

 

Redhart parvient à rattraper le coursier des sables du ménestrel, et fait en sorte de le ramener à son maître – Myrkhan l’y aide. La tentative ambitieuse de Liu-Jun Mi de faire diversion avec ses petits yi qi ayant totalement échoué, le scorpion-araignée géant charge Kalev et tente de lui asséner un coup de ses gigantesques pinces – mais cette attaque mal assurée car un peu trop prématurée ne blesse qu’à peine le ménestrel.

 

Tandis que Nepuul met autant de distance que possible entre le prédateur et lui-même, et que Kalev peine à courir dans le sable (par chance, le scorpion-araignée géant s’enlise brièvement dans la pente de la dune), Redhart emmène le coursier des sables récalcitrant là où le ménestrel pourrait grimper dessus sans changer son orientation, et Narjeva rejoint Kalev, l’entraînant à sa suite pour qu’il grimpe sur sa monture – Liu Jun-Mi faisant de son mieux pour les aider.

 

En travaillant ensemble, ils parviennent tous à fuir la menace du scorpion-araignée géant. En outre, Liu Jun-Mi a pensé à s’occuper des deux autres coursiers des sables que leur avait confié Manna Al’Tamûl pour porter leur équipement, leurs vivres, leur eau – qui leur auraient autrement bien fait défaut, en plein Désert de Beshaar

 

Ils reprennent la direction du Palais du Roi-Sorcier Men’darr.

 

II : DEVANT LE PALAIS DU ROI-SORCIER

 

Environ trois jours plus tard, l’environnement commence à changer : conformément à ce qui figure sur leur carte, le désert tend à devenir plus rocailleux, avec des canyons çà et là. Ils savent qu’ils sont maintenant tout près de leur destination.

 

Régulièrement, l’odeur d’ammoniac assaille les aventuriers – même si les ombres jaunes ne les attaquent pas. Nepuul y réfléchit beaucoup durant cette dernière étape de leur voyage, et révise complètement ses premières intuitions : contrairement à ce que prétend la rumeur, ces créatures ne sont pas des morts-vivants – pas plus que ce ne sont des sortes de golems ou de créatures artificielles de quelque sorte que ce soit ; les ombres jaunes sont des êtres vivants, des humains – simplement, il leur est arrivé quelque chose, et ce quelque chose impliquait sans doute une préparation alchimique, ou peut-être un rituel de sorcellerie, impliquant de l’ammoniac ; l’alchimiste zaluti est porté à penser en termes « scientifiques », de manière générale, mais il a de plus en plus la conviction que les ombres jaunes sont des hommes à qui on a ôté leur âme… Quoi qu’il en soit, cette odeur d’ammoniac peut s’avérer incapacitante : Nepuul l’avait déjà suggéré, mais Liu Jun-Mi profite de leurs haltes quotidiennes pour confectionner des sortes de masques afin de s’en prémunir.

 

Ils arrivent enfin au Palais du Roi-Sorcier Men’darr. Le bâtiment, avec sa vaste esplanade carrée, un petit kiosque se trouvant à chacun des angles, s’étend dans un renfoncement rocheux, accessible seulement par le sud. Le palais est magnifique – mais s’agit-il bien d’un « palais » ? Même en observant la bâtisse à distance, il apparaît clairement que cet ensemble, ouvert partout, très aéré, une dentelle de pierre riche en colonnes ouvragées, n’est pas à proprement parler habitable : c’est un monumental ornement. Sans doute les quartiers d’habitation à proprement parler se trouvent-ils dans le sous-sol ?

 

Un peu avant les marches donnant accès à l’esplanade, Myrkhan, qui en manquait après tant de journées dans le désert, repère immédiatement un arbre – un seul ; une sorte de palmier, étonnamment vert, qui fournit un peu d’ombre à trois gardes aux uniformes resplendissants (incluant des armures sans doute guère confortables sous ce soleil), qui paressent en dessous, plus qu’ils ne veillent véritablement. Cela dit, l’un d’entre eux aperçoit bien les nouveaux venus, et se lève en étirant ses membres pour remplir son office.

 

Les aventuriers démontent, et Nepuul s’approche des gardes, s’adressant à eux en beshaari – ils auraient besoin de faire boire leurs montures… Le garde debout lui demande s’ils savent seulement où ils se trouvent – et le Zaluti avance que cela ressemble à un temple. Bon prince, le garde lui répond qu’il s’agit du Palais du Roi-Sorcier Men’darr, « même si ça fait longtemps qu’il n’est plus de ce monde. Est-ce que vous êtes venus pour affaires avec l’Alchimiste ? » Nepuul mystérieux avance que « ça se pourrait », un petit jeu qui paraît agacer le garde. C’est simple : s’ils veulent voir l’Alchimiste, celui-ci trouvera sans doute un moment pour les recevoir, tandis que les gardes s’occuperont des montures – mais il y a une condition : qu’ils abandonnent leurs armes à leur surveillance. Le garde trace une ligne dans le sable : au-delà de cette ligne, pas d’armes ! Ils seront intraitables sur ce point : c’est leur fonction, après tout. Et ils n'ont pas si souvent l'occasion de l'accomplir.

 

Cette condition ne réjouit pas les aventuriers, méfiants de nature… Les gardes s’en moquent : ils n’ont pas encore franchi la ligne. D’ici-là, ils peuvent papoter s’ils y tiennent – pas grand-monde ne vient par ici, seulement ceux qui osent affronter le Désert de Beshaar pour rencontrer l’Alchimiste ; mais il y en a bien de temps en temps. Par ailleurs, en discutant avec ces hommes, il apparaît clairement qu’ils ne sont pas des autochtones : untel a l’accent de Satarla, tel autre les traits caractéristiques d’un Valgardien… Tous, par ailleurs, ont quelque chose de profondément vulgaire – davantage des ruffians que l’élite de la garde. Ce qui incite Myrkhan à sympathiser en leur offrant une bonne bouteille – ils la descendent volontiers, et discutent librement. Mais si Kalev compte un certain nombre de chansons à boire dans son répertoire, que les gardes entonnent en braillant, ils n’en demeurent pas moins intraitables. Redhart a la hache qui le démange, mais, ses amis ayant privilégié la diplomatie, il s’y tient : ils dressent le camp près de l’arbre – mieux vaut de toute façon qu’ils se reposent avant d’aller à la rencontre de l’Alchimiste. Les gardes n’y voient aucune objection – et pas davantage le trio qui les relève quand tombe la nuit, des brutes du même acabit et d’origines aussi variées. Leur conversation n’est pas très productive – seulement, quand les aventuriers avancent qu’ils ont eu maille à partir avec des ombres jaunes, les gardent répondent avec un grand sourire (édenté) qu’ils n’ont pas ce problème ici.

 

Au matin, au moment de la relève, les aventuriers se décident à pénétrer dans le Palais du Roi-Sorcier Men’darr – en laissant leurs armes… ou presque. En effet, plusieurs tentent, sans surprise, de dissimuler sur eux des dagues – celles en fait que leur a offert Manna Al’Tamûl. Narjeva, que sa profession d’assassin prédispose à ce genre de mauvais tours, y parvient sans problème – et, si Redhart, se sachant incapable de mentir, ne s'y risque pas, Nepuul, Liu Jun-Mi et Myrkhan y parviennent eux aussi, même si avec moins d’assurance : ils bénéficient de la vigilance défaillante des gardes. L’un d’entre eux, cependant, demande à vérifier le contenu du luth de Kalev… L’instrument restera en arrière, avec la dague que le ménestrel avait cachée à l’intérieur. Le garde est trop content d’avoir pris Kalev sur le fait pour se rendre compte que ses compagnons se sont montrés plus habiles… Ils ne se sont pas assez bêtes pour avoir tenté le coup, hein ? « Ça serait vraiment dommage… » Mais il fait surtout le malin devant le tas d’armes abandonnées par les visiteurs – relevant qu’il y a des objets de qualité, qui doivent valoir du pognon… Quand Kalev a été interpellé, Redhart s’est instinctivement rapproché du tas d’armes, et les gardes l’ont remarqué, mais tout le monde se calme, et, en définitive, les aventuriers franchissent la ligne, et montent les marches de l’esplanade – ils trouveront bien l’Alchimiste tout seuls…

 

III : COMBATS DANS LES SOUTERRAINS

 

Le grand kiosque au centre de l’esplanade est entièrement vide – mais un grand escalier au milieu descend sous terre. Des torches sont allumées à l’intérieur. Liu Jun-Mi remarque que l’odeur d’ammoniac est assez prononcée…

 

En bas de l’escalier, les héros arrivent dans une grande pièce, dont les côtés, à gauche et à droite, arborent de lourdes tentures. En face de l’escalier, vers le nord, il y a une grande porte en bronze à double battant. La pièce est un peu poussiéreuse, sans donner l’impression d’être à l’abandon – et la décoration est luxueuse. Redhart est vigilant, redoutant des pièges – Nepuul aussi ; mais ils ne trouvent rien. Kalev soulève les tentures pour jeter un coup d’œil derrière : de part et d’autre, ce sont des pièces de passage, mais ornées de coussins et soieries du meilleur goût. Le ménestrel revient dans la grande pièce, et, finalement, décide de pousser la porte de bronze – que Redhart cale ensuite pour qu’elle ne se referme pas derrière eux.

 

Derrière se trouve une sorte de salle d’audience, avec au fond un très impressionnant trône sur une estrade surélevée. Mais, de chaque côté du trône, en dehors de l’estrade, il y a aussi deux sièges plus sobres, sur lesquels sont assis des individus dont l’allure comme l’odeur révèlent qu’il s’agit d’ombres jaunes. Cependant, les créatures ne réagissent pas à l’arrivée des héros, et restent immobiles, les yeux dans le vague – Nepuul remarque cependant qu’elles respirent, ce qui paraît confirmer son analyse. Au fond de la pièce, à gauche, Narjeva distingue une sorte de porte dérobée – qui aurait été invisible si elle avait été fermée, mais, pour le coup, elle était bien ouverte.

 

Nepuul a alors… une très mauvaise idée : il veut confier sa dague à quelqu’un qui saura mieux s’en servir, Redhart par exemple, mais procède à l’échange en face des ombres jaunes – et les créatures se lèvent aussitôt et se précipitent sur lui ! Or, justement, les aventuriers sont peu ou prou désarmés, disposant au mieux des quatre dagues qu’ils sont parvenus à dissimuler… Certains d’entre eux sont plus habiles au tir, et lancent leurs dagues plutôt que de se battre en mêlée – il s’agit alors de récupérer les armes plantées dans les carcasses des ombres jaunes ! Par chance, Liu Jun-Mi le gladiateur se montre toujours aussi doué pour immobiliser ses adversaires par des clefs très efficaces, voire plus : il brise la colonne vertébrale d’une des créatures par la seule force de son étreinte ! Et Redhart, même dépourvu de sa fameuse hache d’abordage de Parsool, parvient à faire des dégâts notables, achevant la deuxième créature en lui enfonçant sa dague dans la mâchoire, en direction de la cervelle. Ils se débarrassent ainsi de leurs adversaires, mais Kalev a subi quelques morsures au passage…

 

Pas un bruit. Ce combat ne semble pas avoir attiré l’attention des gardes. Nepuul suggère de dissimuler les corps des ombres jaunes derrière le trône. Après quoi, hésitant un moment à remonter pour aller chercher leurs armes, peut-être en envoyant Myrkhan jeter un coup d’œil, ils commencent par fouiller le sous-sol où ils se trouvent – Kalev tout particulièrement les incite à fouiner, le voleur ne serait pas contre mettre la main sur quelque babiole coûteuse… Il y a assurément des biens luxueux tout autour d’eux. Derrière la porte dérobée se trouve seulement en escalier en colimaçon qui descend à l’étage en dessous ; les héros décident de l’emprunter plus tard, et continuent de fouiller cet étage.

 

Cependant, quand ils poussent une porte au nord-ouest du niveau… c’est pour tomber sur le dortoir des gardes, où trois hommes au repos s’éveillaient péniblement en raison des bruits du combat contre les ombres jaunes ! Sans doute ne se pressaient-ils pas parce qu’ils pensaient que les créatures vaincraient sans souci les intrus… Quoi qu’il en soit, une fois de plus, les héros sont quelque peu désarmés. Mais ils ont pris les gardes par surprise – sans armures et sans armes eux non plus (elles sont accrochées au mur), et un seul a les pieds sur le plancher, les deux autres devant d'abord descendre de leurs lits superposés… Finalement, la situation est à l’avantage des aventuriers : Redhart et Narjeva n’hésitent pas, et se précipitent dans la bataille ! Le mercenaire, particulièrement brutal, exécute rapidement le premier garde. Mais Liu Jun-Mi, qui voulait mettre le feu aux lits superposés avec sa torche, commet une terrible maladresse, et se brûle lui-même ; ce qui n’est pas bien méchant en tant que tel – seulement, distrait par la douleur, le gladiateur fait une cible de choix pour les gardes, et subit de lourds dégâts ! Il en aurait à vrai dire subi plus encore s’il n’avait pas su placer quelques esquives au dernier moment… Ils se débarrassent tout de même des gardes – et peuvent ainsi hériter de leurs trois armures, trois épées et trois lances.

 

Les personnages prennent le temps de se remettre, et Nepuul soigne Liu Jun-Mi et Kalev. Ils achèvent ensuite d’explorer l’étage. Ils tombent tout d’abord sur une petite chambre, assez modeste, dans laquelle se trouve toutefois un appareillage alchimique de grande qualité (et antiquité), incluant des ingrédients rares et très divers (Nepuul se sert sans vergogne, dans les pierres précieuses surtout). Au mur, d’impressionnantes bibliothèques croulent sous les vieux grimoires, pour l’essentiel en démonique. Ne reste autrement qu’une dernière chambre à cet étage – bien plus vaste et luxueuse que la précédente, si on y trouve également de ces imposantes bibliothèques surchargées d'ouvrages et de rouleaux antiques. À la différence de la précédente, en outre, cette chambre ne semble pas avoir été occupée depuis très longtemps, si elle est tenue dans un état correct ; ils devinent qu’il s’agissait de la chambre du Roi-Sorcier Men’darr, l'autre étant celle de l'Alchimiste ; l'absence du Roi-Sorcier ne semble pas avoir autorisé son domestique à emprunter ses quartiers. Liu Jun-Mi, qui a la main leste, se précipite sur des bagues gigantesques et se les passe aux doigts… Mauvaise idée, que de manipuler sans précaution les bijoux des Rois-Sorciers ! Cependant, il n’en a pas conscience – et certainement pas la moindre envie d’ôter ces bagues…

 

Quoi qu’il en soit, avant de descendre à l’étage inférieur, les aventuriers récupéreraient bien leurs véritables armes… Ils sont entrés dans la matinée, il s’est passé peu de temps depuis en fin de compte – ils s’interrogent sur l’heure de la relève… mais elle n'aura probablement lieu que bien plus tard. Redhart en a plus qu’assez de prétendre faire dans la subtilité : ils n’ont qu’à remonter et tuer les gardes, hop ! C’est ce qu’ils auraient dû faire depuis le début… Il se laisse cependant convaincre qu’il serait préférable d’attirer les gardes dans le palais, tant qu’à faire à l’étage inférieur. Kalev est sans doute le plus à même de les baratiner : il remonte et dit aux gardes qui paressent sous leur palmier que leurs collègues à l’intérieur sont… malades ? Ils ont des éruptions cutanées et vomissent une bile jaunâtre d’une odeur répugnante… Le Festreli avance qu’il pourrait s’agir de la fièvre des marais. « Mais on est dans le désert ! » s’étonne un garde – le ménestrel répond qu’il a peut-être contaminé les gardes sans le vouloir… « Quoi ?! » Par chance, les hommes de faction sont suffisamment stupides pour le croire et vouloir voir de leurs yeux ce qui se passe ! L’un d’entre eux se montre cependant plus sceptique… Mais Kalev parvient à titiller son ego en le traitant de lâche, et il accompagne finalement ses collègues. Dès lors, les éliminer ne présente aucune difficulté : Narjeva et Myrkhan, les plus discrets, frappent les premiers, après quoi les plus brutaux Redhart et Liu Jun-Mi achèvent le travail… Ils peuvent maintenant récupérer leurs armes – Myrkhan se sentait vraiment nu sans son arc ! Et Redhart, au cas où, dispose les cadavres des gardes de sorte à ce qu’ils paraissent roupiller sous le palmier.

 

Il est temps de rencontrer l’Alchimiste : les aventuriers empruntent la porte dérobée de la salle du trône, et descendent l’escalier en colimaçon.

 

IV : LE BASSIN DE JOUVENCE

 

En bas se trouve une immense pièce, occupant une surface équivalente à l’ensemble de l’étage au-dessus. Il y a un vaste bassin, ou une vaste baignoire, au centre de cette salle – les murs sont couverts de canalisations qui forment un réseau très complexe ayant ce bassin pour centre. Là encore il se trouve un imposant outillage alchimique de part et d'autre.

 

Un grand homme, très fin, vêtu d’une robe à capuche qui dissimule son visage, se tient debout près du bassin, et semble le fixer des yeux. Il ne réagit pas le moins du monde à l’intrusion des aventuriers. La scène pue la sorcellerie, ou l’alchimie, mais tout le monde n’est pas en mesure de faire la différence, et Myrkhan se sent très mal à l’aise…

 

Narjeva, plus résolue, s’approche de la « piscine ». Elle est remplie d’un liquide translucide mais un brin jaunâtre – des petites bulles éclatent régulièrement à la surface. Sous ce liquide, la prêtresse de Nemmereth voit un homme allongé, assez âgé, qui est visiblement toujours vivant, et ses traits donnent l’impression qu’il hurle de souffrance dans « l’eau », sans cesse, sans se noyer pour autant. Mais Narjeva remarque aussi que cet homme a des yeux turquoise caractéristiques… Serait-ce Azar Al’Tamûl, le père de Manna et Denh ? Manna leur avait dit qu’il était contre cette idée de chercher les Larmes de Jouvence et s’était absenté pour affaires…

 

L’Alchimiste prend alors la parole, de sa voix traînante : « Vous êtes venus prendre livraison ? » Alors que les héros hésitent sur la réponse, il poursuit : ils s’en sont pris à son personnel… Bah, ça n’est pas bien grave : « Tout se remplace. » Les Larmes de Jouvence ne sont pas encore tout à fait prêtes ; leur préparation demandera encore une dizaine d’heures « de souffrance exquise pour notre invité dans la cuve ». Il est impossible de distinguer le visage de l’Alchimiste, mais tout le monde devine à ses paroles qu’il doit arborer un rictus sadique.

 

Il s’agit bien d’Azar Al’Tamûl ? Bien sûr : les Larmes de Jouvence ne peuvent être extraites que d’un membre de la famille de la personne à soigner. Nepuul avance alors que le vieil homme se serait… sacrifié ? L’Alchimiste s’en moque : on lui a confié cet homme pour en extraire des Larmes de Jouvence, un contrat a été conclu, qu’il s’agit de respecter – le reste n’a aucune importance. « Voyez comme il souffre. N’est-ce pas merveilleux ? Quelle pitié que vous ne puissiez entendre ses cris, ils sont délicieux. Chargés de douleur, de peine, de haine, d’indignation d’avoir été ainsi trahi… »

 

Et c’est bien ce processus qui crée les ombres jaunes ? Oui – un effet secondaire de peu d’importance, les « déchets » d’une expérience autrement essentielle. Il avait réussi à en dresser deux, pourtant, mais il semblerait que ses invités en aient disposé ? C’est regrettable… Mais, oui, tout se remplace.

 

Nepuul joue de la carte du confrère, proposant même ses services en tant qu’assistant, mais l’Alchimiste ne semble pas le prendre vraiment au sérieux – d’ici quelques siècles, peut-être sera-t-il en mesure de comprendre le processus à l’œuvre… Oui, c’est grâce aux Larmes de Jouvence qu’il a vécu si longtemps – cependant, les extrayant de personnes qui ne sont pas liées à lui par le sang, il a subi quelques effets secondaires sur lesquels il ne s’étendra pas. Et, oui, bien sûr qu’il a « vraiment » connu le Roi-Sorcier Men’darr ; il garde son palais dans l’attente de son retour. Car il reviendra, un jour – les Rois-Sorciers reviendront. On ne se débarrasse pas d’êtres d’une telle puissance en se contentant de manier une épée, même forgée par les dieux – c’est une évidence, non ?

 

Nepuul retourne discuter avec les autres : Azar Al’Tamûl se serait donc sacrifié ? Mais pourquoi n’en a-t-il pas parlé à ses enfants, ce qui aurait pu épargner la vie de Denh ? Liu Jun-Mi et Narjeva ne se bercent pas d’aussi généreuses illusions : il ne fait aucun doute qu’Azar a été amené ici contre son gré – autrement dit, qu’il a été trahi par ses enfants, prêts à échanger sa vie contre celle du petit Adel ; ils ont menti en prétendant que leur père s’était absenté « pour affaires », Manna leur a menti tout du long… La lettre inachevée de Denh était pour ainsi dire un aveu de leur fourberie !

 

Mais il est donc toujours vivant ? Oui – sa souffrance en témoigne. L’Alchimiste, questionné, avoue sans peine que le processus, à ce stade, est encore réversible. Mais pourquoi vouloir y mettre un terme ? De toute façon, un contrat a été signé, il s’agit bien de l’exécuter… Ce qui convient tout à fait à Redhart, Liu Jun-Mi ou encore Kalev : eux aussi se sont vus confier une mission, après tout, qui est de ramener à Badhasar les Larmes de Jouvence, le reste n’est pas de leur ressort. Mais Narjeva est d’un tout autre avis : en fait, en tant que prêtresse de Nemmereth, cette manière de jouer avec la mort la dégoûte et est même de sorte à la mettre en colère… Elle interroge ses compagnons : le contrat qu’ils ont conclu est-il toujours valable ? Leur commanditaire leur a menti d’emblée ! Peut-être Azar délivré se montrerait-il, non seulement plus fiable, mais aussi plus généreux, en fait...

 

Les aventuriers hésitent donc quant à la marche à suivre, tandis qu’Azar Al’Tamûl subit des souffrances inouïes sous le regard émerveillé autant que cruel de l’Alchimiste

 

À suivre…

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CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de jouvence (01)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de jouvence (01)

Première séance du scénario « Les Larmes de jouvence », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Andrea Salvatores, et figure dans le livre de base, pp. 180-187.

 

L’illustration en tête d’article provient du livre de base (p. 17), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Voici l’enregistrement de ce premier compte rendu :

Voici également, pour ceux que cela intéresserait, l’enregistrement brut de cette première séance (on dit « actual play » ?) :

Au passage, j'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai surtout fait appel à des compilations de musique traditionnelle arabe ou orientale que j’ai trouvé en ligne, ainsi qu’à la bande originale du jeu vidéo Darkest Dungeon, plus le morceau « Aldebaran of the Hyades » de Lustmord (sur l'album The Place Where the Black Stars Hang). Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son débriefing…

 

Il y avait six joueurs. Cinq d’entre eux avaient déjà auparavant joué le scénario « Mariage amer », à savoir Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 2 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 2) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 3 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 0). Ils sont rejoints pour ce nouveau scénario par Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2).

 

I : PANIQUE AU MARCHÉ

 

Les personnages se trouvent dans la ville de Badhasar, sise entre les Monts Besharoon et le Désert de Beshaar. La bourgade n’est pas immense, mais son marché est réputé – d’autant qu’elle est bien située : en longeant les montagnes, depuis Halakh par exemple, il n’est pas nécessaire de s’enfoncer dans le désert ; et c’est bien pourquoi plusieurs routes commerçantes s’y croisent. Le souk, dans la journée, est très actif, et deux activités dominent : le marché du cuir, notamment de bubalus, et la confection et la vente de dagues – parmi les meilleures de toute la Lémurie, aussi belles que fatales. Mais il est notoire qu’à la tombée de la nuit un autre souk s’installe, qui accueille une faune bien différente, et où l’on fait commerce de biens et services autrement douteux…

 

Redhart Finken, désireux de se lancer dans le commerce d’épices, a fait le voyage avec Nepuul Qomrax, lequel avait une commande importante en ville, du genre qu’il ne pouvait pas se permettre de déléguer – il parle beshaari, par ailleurs, un atout dont le mercenaire compte tirer parti. Narjeva a quant à elle voyagé avec Myrkhan – lequel l’a entraînée au tir à l’arc ; la prêtresse de Nemmereth, qui avait envoyé des chasseurs lui ramener des peaux de ces saletés de crocators, connaissait la réputation du marché du cuir de Badhasar, et a donc décidé de s’y rendre en personne – cela tombait bien, l’archer de Tyrus ayant beaucoup chassé ces derniers temps, dans la région de Shamballah : lui aussi a des peaux à vendre ! Ces héros se sont retrouvés sur le marché – et le hasard, ou le destin, a fait que Liu Jun-Mi également s’y trouvait, qui avait récemment livré un combat épique à Halakh et s’était attardé dans la région ; déambulant dans le marché de Badhasar, le gladiateur ghataï a suivi sur une intuition un de ses yi qi, qui l’a mené directement aux autres ! Pour une surprise !

 

Quant à Kalev, après avoir subi à Lysor les critiques d’un confrère ménestrel affirmant que ses ballades portant sur le sud de la Lémurie manquaient d’authenticité, il a gagné Halakh, puis tant qu’à faire le Désert de Beshaar, pour s’imprégner de l’atmosphère de la région – un coûteux effort, car le Festreli ne raffole pas exactement de la chaleur ; mais que ne ferait-on pas pour l’art ? Il a fait la rencontre des autres personnages dans une taverne – dans son arrière-salle un peu louche, à vrai dire ; ils l’ont protégé contre un auditoire un peu trop expansif… C’est ainsi qu’ils ont fait connaissance, se découvrant des affinités ; depuis, ils ont traîné ensemble…

 

Quand débute cette aventure, les personnages se promènent dans le souk de Badhasar – celui du jour. Tandis qu’ils déambulent dans le marché au cuir, bruyant et coloré, certains d’entre eux distinguent des bruits de panique en provenance de l’entrée du souk, donnant au sud sur la route longeant le Désert de Beshaar ; et le bruit se rapproche. Redhart intrigué s’avance dans cette direction, avec certains de ses camarades. Il distingue bientôt un char semble-t-il incontrôlé, avec un attelage de deux coursiers des sables pris de panique et qui se ruent dans toutes les directions ! La foule s’écarte sur le passage du véhicule fou. Narjeva distingue la silhouette d’un conducteur, mais affalé et n’usant pas de ses rênes. Nepuul Qomrax craintif s’écarte du passage en interpellant le conducteur en beshaari – mais il attire ainsi l’attention de l’attelage, qui fonce sur lui, et menace de l’écraser ! Redhart veut le tirer hors du passage, mais il est difficile de prévoir les mouvements du char… Liu Jun-Mi essaye de jouer de ses dons de dresseur pour calmer les bêtes, ce qui n’a rien d’évident dans ces circonstances ; pourtant, ses gestes et ses intonations incitent les animaux à mettre un terme à leur course folle – approchant de la silhouette massive du Ghataï, ils pilent brusquement, projetant le conducteur aux pieds de Nepuul.

 

L’homme est vêtu des atours de la région – il est blessé et épuisé. Mais ce qui frappe instantanément les personnages, ce sont ses yeux turquoise, extrêmement rares dans la région, et qui en font un homme d’une étonnante beauté. Nepuul est un médecin, et prend sur lui de soigner l’homme, intimant à la foule qui s’est assemblée autour de la scène de lui laisser de la place – les badauds stupéfaits reconnaissent l’homme comme étant un certain Denh Al’Tamûl, et se répandent en commérages et questions quant à ce qui lui est arrivé. Mais le Zaluti découvre bientôt qu’il est trop tard pour sauver son patient, qui n’en a plus pour très longtemps ; il présente de nombreuses blessures, dont certaines, des sortes de griffures, ou peut-être aussi de morsures, suintent un liquide jaunâtre dégageant une très désagréable odeur… d’ammoniac ?

 

Denh Al’Tamûl alterne phases de conscience et d’inconscience – son regard est vague, mais finit par s’attarder sur son médecin, qui essaye de lui parler, en beshaari : que lui est-il arrivé ? Les propos de l’homme sont décousus – il n’était même pas certain de se trouver à Badhasar. Il marmonne des choses indistinctes, à propos de « Larmes de jouvence » qu’il n’a pas pu ramener à sa sœur ; il évoque aussi des « Ombres jaunes », qui étaient « partout ». Puis il tourne à nouveau de l’œil.

 

Au bout d’un moment, un passage se creuse dans la foule, laissant approcher de la scène une femme voilée mais dotée de magnifiques yeux turquoise, et vêtue d’étoffes très luxueuses. Elle se penche sur Denh Al’Tamûl agonisant, et se met à pleurer… Les murmures de la foule identifient bientôt la nouvelle venue comme étant Manna Al’Tamûl, la sœur de Denh ; mais les badauds évoquent aussi, en frissonnant, les Ombres jaunes, ainsi que les Larmes de jouvence : « Pas celles du vieil Amid, quand même ? Les… les vraies ? » Kalev intrigué cherche à savoir qui au juste est cette femme, et on lui souffle qu’il s’agit de la fille d’un des plus riches marchands de la ville – les Al’Tamûl, depuis des générations, produisent les plus belles dagues de Badhasar ; enfin, presque, leurs concurrents dans l’assistance avancent forcément que les leurs sont meilleures… mais ils ne font finalement pas trop d’efforts pour qu’on les croie dans ces circonstances.

 

Nepuul interroge la femme, effondrée – plus encore quand Denh, dans un rare moment de lucidité, lui confie qu’il n’a pas pu lui ramener les Larmes de jouvence. Il apparaît clairement à ceux qui observent la scène que cet aveu l’affecte plus encore que la mort annoncée de son frère – si sa douleur à cet égard est sincère. Que sont ces Larmes de jouvence, demande Nepuul ? Manna Al’Tamûl s’enquiert de son identité – et se jette à ses genoux quand elle comprend que son interlocuteur est un alchimiste ! Elle le supplie de l’aider : il faut qu’on lui ramène les Larmes de jouvence, c’est le seul espoir de survie pour son pauvre enfant ! Il n’a que quatre ans, c’est tellement injuste, il est le seul souvenir qui lui reste de feu son époux… La scène a quelque chose de gênant pour qui y assiste, car la jeune femme, visiblement riche et de bonne naissance, s’humilie littéralement en public… Nepuul l’enjoint doucement de se calmer : peut-être pourra-t-il l’aider, avec ses compagnons ? Elle ne les remarque qu’alors, et leurs atours les identifient comme autant d’aventuriers…

 

Mais le Zaluti ne fait pas mystère que Denh Al’Tamûl est condamné, et n’en a plus que pour quelques heures au plus. Manna Al’Tamûl refuse qu’il meure ainsi dans la rue – elle supplie les personnages de l’accompagner chez elle, en emmenant son frère à l’agonie ; que ses derniers instants se déroulent dans un cadre familier et réconfortant, la maison de ses ancêtres… Nepuul, d’un geste un peu autoritaire, ordonne à ses compagnons de se plier aux demandes de Manna Al’Tamûl.

 

Mais, d’ores et déjà, Narjeva, qui se présente comme étant une prêtresse de Nemmereth, prend soin de faire une prière sans attendre ; ce geste suscite un profond respect dans l’assistance, mais l’assassin remarque que Manna Al’Tamûl, pour une raison ou une autre, est un peu décontenancée par cet acte de foi – elle n’en insiste que davantage pour qu’ils se rendent aussitôt au Palais turquoise, en emmenant Denh à bord de son chariot, les coursiers des sables ayant retrouvé le calme ; la foule s’écarte intimidée devant eux.

 

II : AU PALAIS TURQUOISE

 

Le Palais turquoise a gagné ce nom de par sa magnificence, c’est une villa très luxueuse, ouverte, et émaillée de bassins et de canaux, or l’eau a une importance symbolique toute particulière dans cette région à la lisière du Désert de Beshaar. Il ne faut cependant pas déduire du terme « palais » qu’il s’agit du siège du gouvernement de la ville : Badhasar est une petite république marchande, et les Al’Tamûl, même particulièrement riches, partagent le pouvoir avec d’autres puissantes familles commerçantes. Qu’importe : pour tous, ici, la résidence des Al’Tamûl est « le palais ».

 

Redhart et Liu Jun-Mi accompagnent le char tout du long, et font une halte aux écuries du Palais turquoise, puis se promènent dans la villa, dans les cuisines notamment, où ils cherchent à discuter avec les nombreux serviteurs – mais les circonstances ne se prêtent vraiment pas aux bavardages dans le dos des patrons.

 

Les autres suivent Manna Al’Tamûl dans les quartiers de Denh, et en déposent le corps meurtri sur un lit immense et richement décoré. Manna s’agenouille aussitôt et prie pour le salut de son frère – Narjeva l’accompagnant (et constatant au passage que son hôtesse connaît bien la liturgie de Nemmereth, ce qui n’est pas si commun). Nepuul s’active pour adoucir les dernières heures de Denh, mais, à ce stade, prolonger sa vie serait d’une cruauté sans nom, et il s’en abstient, sans aller jusqu’à l’euthanasie. Kalev essaye de jouer un air de circonstances, mais ne trouve rien de véritablement approprié – pas au point où c’en devient gênant, heureusement ! Mais de peu : seul le profond chagrin éprouvé par Manna Al’Tamûl la retient de s’en prendre vertement au ménestrel un peu trop démonstratif… Nepuul, en même temps, a le sentiment que, si la douleur de son hôtesse n’est pas feinte, il y a quelque chose d’un brin artificiel dans son comportement – c’est un peu la même impression qu’avait ressentie Narjeva sur le marché : il y a autre chose, dans cette affaire – quelque chose qui affecte Manna Al’Tamûl probablement davantage encore que la mort imminente de son frère, sous ses yeux… Quoi qu’il en soit, deux heures s’écoulent, et Denh Al’Tamûl rend enfin son dernier soupir.

 

Le temps passe, dans un silence gêné, ponctué par les sanglots de Manna Al’Tamûl. Myrkhan, un peu gauche, l’interroge enfin quant à son fils malade, Adel, qu’elle avait mentionné précédemment : elle parlait de Larmes de jouvence, comme étant seules à même de le sauver ? Peut-être peuvent-ils l’aider ? Manna Al’Tamûl récupère toute sa contenance. Elle les dévisage tous, puis les invite à la suivre dans une autre partie du palais.

 

Les personnages suivent leur hôtesse dans une autre chambre, là encore agrémentée d’un lit immense, comme celui dans lequel est mort Denh. Mais le garçon qui y est allongé, et qui doit avoir dans les quatre ans, n’en donne que davantage l'impression de s'y noyer, tant il est petit et fragile ; il est visiblement très malade, sa respiration est hachée, il sue énormément, il a de la fièvre, il gémit régulièrement – sa souffrance est palpable. Le médecin Nepuul l’examine : le petit est affecté par une sorte de maladie pulmonaire, à un stade très avancé ; il en a pour un, deux mois au plus – et souffrira toujours plus durant cette cruelle agonie. Et, pour ce qu’en sait Nepuul, il n’existe aucun remède à sa condition.

 

Ne faisant pas mystère de son diagnostic, il interroge à son tour Manna Al’Tamûl sur ces Larmes de jouvence que son frère et elle ont mentionnées. Les meilleurs médecins de la ville sont arrivés aux mêmes conclusions que Nepuul : il n’y a aucun espoir de guérison. Mais elle ne pouvait s’y résoudre – quitte à réclamer un miracle, à ce stade. Dans la région, il y a une légende, portant sur les Larmes de jouvence ; un alchimiste, quelque part dans le désert, serait en mesure de concocter ce remède miracle, qui serait le seul moyen de sauver son fils. Manna Al’Tamûl a fini par en parler aux sages de l’Observatoire (une structure repérée par Nepuul, au sommet d’une colline surplombant la ville) ; ils ont fini par confirmer que la légende était fondée, et lui ont confié des indications concernant le palais où vivrait cet alchimiste anonyme. Le père de Manna et Denh, et le chef de la famille, Azar Al’Tamûl, ne croyait pas en cette histoire – des sottises superstitieuses, à l’entendre. Mais ses enfants étaient d’un tout autre avis : profitant d’une absence d'Azar pour affaires dans quelque région lointaine, Denh, muni d’une carte, s’est enfoncé dans le Désert de Beshaar pour obtenir de l’Alchimiste ses fameuses Larmes de jouvence. Mais il est revenu sans… et est mort sous leurs yeux. Adel va mourir lui aussi ! Manna Al’Tamûl se répand à nouveau en sanglots.

 

Nepuul intrigué compte bien rendre visite à cet Alchimiste et… Son hôtesse l’interrompt aussitôt : « Vous feriez cela ? » Et, ce disant, ce n’est pas le seul Zaluti qu’elle dévisage, mais toute la compagnie. Nepuul n’est cependant pas du genre à précipiter les choses : il y a visiblement maints dangers dans cette affaire, l’état de Denh Al’Tamûl en témoigne… Il parlait d’Ombres jaunes ? Manna Al’Tamûl explique que rôdent dans le désert des créatures… On prétend que ce sont des sortes de morts-vivants. Cela peut sembler aberrant – mais Denh y croyait… et semble bien les avoir rencontrées.

 

Mais sa sœur ne s’y attarde pas : elle revient aussitôt aux Larmes de jouvence, suppliant ses invités d’aller les chercher – elle est prête à les payer une fortune ; elle se jette à nouveau à leurs pieds, s’humiliant : « Y aura-t-il quelqu’un pour m’aider ? » La mention d’une rémunération conséquente éveille l’intérêt des aventuriers… et Nepuul acquiesce illico au nom de tous.

 

Redhart et Liu Jun-Mi sont tout disposés à accepter cette quête, mais, en même temps, ils se sentent un peu gênés par le comportement de Manna Al’Tamûl. Il ne fait aucun doute que la douleur de la jeune femme est réelle, mais le gladiateur ne peut se départir du sentiment qu’il y a quelque chose d'un peu artificiel dans ses manières. Mais le très professionnel Redhart entend faire les choses correctement : il faut dresser un devis, déterminer une rémunération juste, prenant en compte un long voyage dans le désert… Non, il ne fait pas vraiment preuve de tact – et Manna Al’Tamûl effondrée lui demande de lui accorder un peu de temps pour digérer la mort et l’échec de son frère. Elle remercie très démonstrativement ses invités, mais elle va maintenant se retirer pour un temps dans ses quartiers – mais qu’ils gagnent le salon en attendant, où des serviteurs leur offriront des rafraîchissements.

 

Ils patientent donc dans un très luxueux salon, en dégustant des boissons extrêmement raffinées – Nepuul et Kalev faisant les gros yeux à Redhart : c’était un peu tôt, pour le devis ! Myrkhan s’attarde sur la très riche décoration du Palais turquoise – il remarque notamment que de nombreuses dagues sont suspendues aux murs : de véritables œuvres d’art, mais aussi, à n’en pas douter, de véritables armes, très efficaces – pas de vulgaires bibelots d’apparat. Ces dagues portent toutes la signature de la maison Al’Tamûl : une turquoise incrustée dans la poignée, rappelant les yeux si caractéristiques des membres de la famille. Kalev caresse l’idée d’en « emprunter » une… mais il y renonce : la disparition d’un de ces objets exposés ne saurait passer inaperçue.

 

Nepuul interroge les domestiques sur la légende des Larmes de jouvence. Pour la plupart des habitants de Badhasar, ça n’est rien d’autre : une légende. De notoriété publique, un marchand, le vieil Amid, prétend en vendre, mais c’est une escroquerie – c’est à se demander s’il prend seulement soin de couper son eau avec quoi que ce soit… Cela amuse les locaux, y compris quand un pigeon d’étranger se fait avoir. À supposer que les Larmes de jouvence existent vraiment, elles n’auraient rien à voir... On dit que ce remède miracle serait l’apanage d’un vieil alchimiste anonyme, qui vivrait depuis des siècles dans le palais du Roi-Sorcier qu’il assistait il y a bien longtemps de cela, un cruel tyran du nom de Men’darr. Des bêtises… Mais l’affliction de Manna Al’Tamûl l’a amenée à accorder du crédit à cette histoire – après tout, rien d’autre ne serait en mesure de guérir son fils ! Le vieil Azar Al’Tamûl ne voulait pas en entendre parler : aussi cruel soit le sort de son petit-fils, il n’allait certainement pas dépenser des fortunes pour pareilles chimères – mais il s’est absenté pour affaires, et Denh et Manna ont choisi d’en profiter pour tenter le coup. Redhart et Nepuul en prennent bonne note : le risque est non négligeable que le patriarche de la famille Al’Tamûl n’apprécie pas leur ingérence rémunérée dans cette affaire, et refuse de les payer… Redhart interroge aussi les serviteurs sur les Ombres jaunes – un sujet qui intéresse également Nepuul. Impossible toutefois d’en apprendre davantage que ce qu’ils avaient déjà noté.

 

Deux heures s’écoulent, et Manna Al’Tamûl rejoint à nouveau les héros. Ses sanglots ont longtemps résonné dans les couloirs du Palais turquoise, mais elle semble avoir récupéré toute sa contenance et sa dignité. Elle remercie une fois de plus ses invités – relevant qu’ils ont « l’air d’aventuriers », et qu’ils ne sont visiblement pas d’ici. Chacun d’entre eux évoque hâtivement son passé et ses compétences propres. Que Redhart « parle comme un marchand » lui convient à vrai dire très bien, même si c’est un peu… brutal dans ces circonstances ; mais les Al’Tamûl aussi sont des marchands – et Manna est toute disposée à dresser un contrat très pointilleux, et très favorables aux héros.

 

C’est le moment de leur en dire davantage sur l’endroit où ils doivent se rendre : à son signal, un domestique amène une carte – un magnifique document, visiblement ancien, qu’elle a obtenu auprès des sages de l’Observatoire ; il a fallu qu’elle y mette le prix. La carte indique l’emplacement du Palais du Roi-Sorcier Men’darr, précisant qu’il est désormais la demeure de « l’Alchimiste ». Gagner cet endroit impliquera de s’enfoncer dans le Désert de Beshaar, et loin des rares routes commerçantes qui le traversent, dès l’instant que l’on quitte l’abri des Monts Besharoon ; Nepuul estime que, dans ces conditions pour le moins hostiles, il faudra bien une dizaine de jours pour atteindre cette destination – à la condition d’être équipés correctement, et, notamment, de disposer de coursiers des sables. Une oasis à mi-chemin, du nom de Bakinar, devrait leur offrir un minimum de répit. Liu Jun-Mi évoque la possibilité qu’on leur associe un guide, mais Manna Al’Tamûl n’y croit pas : après ce qui est arrivé à Denh, personne à Badhasar ne souhaitera prendre sa relève – même contre une fortune ; et c’est bien pourquoi elle a sollicité des étrangers ; en revanche, elle leur fournira sans sourciller des coursiers des sables, de belles et solides bêtes qui viennent des écuries de la maison Al’Tamûl. Nepuul fait la remarque qu’Azar Al’Tamûl pourrait rechigner à les payer, mais Manna balaye ce doute : elle les paiera elle-même, sur ses fonds propres – et en abondance. Redhart et elle conviennent d’un contrat, avec un grand professionnalisme, qui règle notamment la question de la rémunération même contre la volonté d’Azar.

 

Manna Al’Tamûl fournit un coursier des sables à chaque aventurier, et deux de plus pour emporter du matériel. Eau, en quantité, vivres pour un mois, vêtements adaptés au désert, tentes… Elle ne regarde pas à la dépense – et, à la suggestion intéressée de Nepuul, qu’elle devine pourtant bien opportuniste, elle offre en sus à chacun une dague de la maison Al’Tamûl.

 

III : LA TRAVERSÉE DU DÉSERT

 

Les aventuriers ne s’attardent pas davantage : ils partent en milieu d’après-midi. Monter les coursiers des sables ne présente pas véritablement de difficultés, même si c’est une expérience inédite pour la plupart ; ce sont des animaux rapides et endurants, plutôt dociles aussi.

 

Mais l’environnement est certes des plus hostile – comme il apparaît clairement à mesure que les aventuriers quittent l’abri relatif des monts Besharoon. Les journées sont très chaudes, les nuits très froides – mais peut-être plus appropriées pour voyager : cinq ou six heures de déplacement en journée suffisent à épuiser le plus endurant des hommes. Il y a en outre régulièrement, tous les jours, des tempêtes de sable – pas spécialement dangereuses, mais qui, périodiquement, leur ôtent toute visibilité et leur imposent de s'arrêter le temps que tombe le vent charriant le sable.

 

De temps à autres, les aventuriers perçoivent une forte odeur d’ammoniac – la même odeur qui imprégnait les plaies de Denh Al’Tamûl. En une occasion, Liu Jun-Mi croit apercevoir des silhouettes humanoïdes à l’horizon, alors que cette odeur se montre particulièrement agressive ; mais elles disparaissent très vite, et, quand il se rend sur place, il n’en voit pas la moindre trace. Nepuul ne saurait en jurer, par manque de connaissances précises, mais il tend à établir un lien entre cette odeur et l’idée que des morts-vivants hantent ce désert – il doit s’agir d’un produit de conservation, ce qui implique que ces morts-vivants ont bel et bien été créés par quelqu’un, d’une manière ou d’une autre.

 

IV : L’OASIS DE BAKINAR

 

Alors que se lève le cinquième jour de leur périple, les aventuriers atteignent l’oasis mentionnée sur la carte, et qui répond au nom de Bakinar. Le spectacle de la végétation, même sur une zone très restreinte, les soulage après tant de journées où les dunes succédaient toujours aux dunes – et les coursiers des sables ont visiblement hâte de boire. Il y a quelques bâtisses éparses, qui forment comme un petit hameau – mais, à mesure que les aventuriers s’en approchent, ils comprennent que ces ruines sont inhabitées, s’ils peuvent supposer que, par le passé, elles avaient pu constituer un petit établissement permanent. Mais il n’y a pas de traces de passage : l’oasis se situe effectivement loin de toute route commerciale.

 

Tandis que les bêtes se désaltèrent, Redhart surveille leurs réactions (rien que de très naturel), et va jeter un œil aux bâtiments pour la plupart abîmés par les éléments ; quelques-uns cependant sont en suffisamment bon état pour offrir un abri dans la journée qui vient. Cependant, l’odeur d’ammoniac est très prégnante ici… Nepuul enjoint ses camarades de se confectionner des masques pour s’en prémunir. Liu Jun-Mi quant à lui ne manque pas de relever que la faune brille par son absence...

 

En fouillant les environs, les aventuriers finissent pourtant par comprendre que l’oasis n’est pas totalement déserte : dans une des bâtisses, la mieux conservée, ils découvrent des ustensiles de cuisine utilisés très récemment. Kalev demande : « Y a quelqu’un ? » Et la réponse ne se fait pas attendre… si elle est incompréhensible : apparaît derrière le bâtiment un vieil homme hirsute et sale, à demi nu, qui se déplace en sautillant et fait entendre par ses gestes que cette maison, c’est chez lui ! Il s’assied sur une paillasse, et adresse comme un regard de défi aux intrus. Enfin, plus ou moins : il ne fait guère de doute que le bonhomme a de longue date succombé à la folie, et il a généralement les yeux dans le vague... Il marmonne par ailleurs des choses indistinctes… ou presque, car Nepuul parle le beshaari, et comprend que cet homme, qu’il suppose être une sorte d’ermite, récite un vieux texte poétique, une sorte de prière traditionnelle de la région, à la gloire d’Afyra, déesse de la vie et de la fertilité ; c’est visiblement comme un mantra, une parole magique qui aurait son pouvoir propre (de protection ?) au-delà du seul sens des mots – d’ailleurs le vieil homme intervertit plus qu’à son tour les vers, dans des combinaisons absurdes. Narjeva, en prêtresse de Nemmereth, suppose que cette litanie a une vertu de talisman, le principe vital en guise de bouclier contre toute manifestation de la mort (ce qui ne l’agace pas nécessairement : en tant que membres du même panthéon des Vingt Dieux de Lémurie, Nemmereth et Afyra sont cousins, les deux faces d’une même pièce – les druides adorant Nemmereth seraient peut-être d’un autre avis, mais Narjeva est très orthodoxe à cet égard). L’ermite n’a par ailleurs rien d’agressif – et Redhart tente de l’amadouer en lui offrant quelques dattes ; le vieil homme en mange volontiers, mais n’interrompt pas sa récitation pour autant (pas même pour un remerciement). Kalev essaye d’accompagner cette litanie de son instrument – improvisateur doué, même en prenant en compte la diction hachée de l’ermite, il y parvient ; la mélodie plait beaucoup au vieil homme, qui sourit et dodeline de la tête, chantant maintenant à tue-tête. Mais communiquer avec lui est impossible : il ne répond pas aux questions de Nepuul, se contentant de prier et de chanter – il apparaît bientôt qu’il est en mesure de poursuivre ainsi pendant des heures… et qu’il le fait probablement depuis des années.

 

Mais, au bout d’un moment, de manière tout d’abord à peine perceptible, les aventuriers distinguent des sons en provenance de l’extérieur. Kalev cesse aussitôt de jouer, si le vieil ermite continue de chanter à tue-tête. Des gémissements ? Narjeva et Redhart vont jeter un coup d’œil dehors. À une cinquantaine de mètres environ, là où l’oasis cède brutalement la place aux dunes, quelqu’un est en train de ramper dans le sable, émettant des petits cris de douleur. À cette distance, il est difficile d’en dire davantage – mais la peau de cet individu est tannée, et ses vêtements ont vécu. Qu’il ait vu ou non les aventuriers, il progresse lentement dans leur direction. Nepuul, qui est un médecin, s’approche pour voir si cette personne a besoin de soins – sans tenir compte des avertissements méfiants de Redhart et Narjeva… Et l’odeur d’ammoniac devient soudain beaucoup plus forte : l’homme en train de ramper relève la tête, fixant de ses yeux morts Nepuul, et quatre de ses semblables jaillissent du sable autour d’eux ! Les Ombres jaunes sont une réalité… potentiellement fatale.

 

Ces créatures sont étonnamment vives. Coriaces, aussi ! Mais Myrkhan se montre efficace avec son arc de TyrusLiu Jun-Mi aussi, qui découvre, en saisissant un de ces monstres pour l’immobiliser, que, si leur cuir est solide, leurs articulations en revanche sont fragiles : ses prises à mains nues sont dès lors en mesure de leur infliger des dégâts inattendus ! Narjeva également s’est montrée habile avec sa rapière… mais les Ombres jaunes lui infligent de lourdes blessures en retour ! Une morsure lui arrache un cri de douleur – et sa plaie suinte d’un liquide jaunâtre à l’écœurante odeur d’ammoniac… Elle est contrainte de se replier. Nepuul n’a rien d’un combattant, mais, cette fois, il ne compte pas rester à distance de la bataille : armé de son bâton, il découvre dans un cri de rage pure qu’il est en mesure d’infliger des blessures, même à ces créatures ! Il en subit, aussi… Mais Redhart et Kalev achèvent les Ombres jaunes qui ont survécu aux assauts de leurs compagnons.

 

L’ermite continue de chanter à tue-tête… Autrement, le silence. Nepuul offre ses soins à ceux qui ont été blessés – et d’abord à Narjeva. Il jette aussi un œil aux dépouilles des Ombres jaunes – dont les plaies jaunâtres qui suppurent sont bien à l’origine de l’entêtante odeur d’ammoniac. Mais cet examen l’amène à faire des suppositions : il croit plus que jamais que ces créatures sont le résultat d’une préparation d’ordre alchimique ayant l’ammoniac pour ingrédient, qui dépasse largement ses capacités ; mais il y a autre chose, qui le trouble davantage – on lui avait décrit les Ombres jaunes comme étant des morts-vivants, et leur allure va certes en ce sens, mais, en examinant les cadavres, l’alchimiste en vient à deviner que ces créatures, avant de tomber sous les coups des aventuriers, étaient en fait encore… vivantes ? Même si plus tout à fait humaines – des individus qu’on aurait d’une certaine manière… dépouillé de leurs âmes ? Au point de devenir des prédateurs à l’affût de proies à dévorer, tapis dans les dunes (ou même sous le sable : Liu Jun-Mi comprend mieux comment les silhouettes qu’il avait aperçues à l’horizon avaient pu disparaître aussi vite et sans laisser de traces)… Car ces créatures font bel et bien preuve d’une certaine ruse – et sont capables d’agir en groupe. Elles ne s’en sont pas prises à l’ermite, exempt de toute blessure, mais, au-delà de la protection magique de sa prière, à laquelle il se raccroche sans doute depuis fort longtemps, peut-être en fait les Ombres jaunes en avaient-elles fait bien malgré lui un appât, et un piège…

 

L’endroit paraissant maintenant débarrassé de toute menace, et l’odeur d’ammoniac ayant diminué une fois qu’ils ont disposé des cadavres, les aventuriers montent le camp dans l’oasis, et s’abritent dans un bâtiment relativement bien conservé. Ils se reposent tant bien que mal dans la journée, Narjeva en avait bien besoin, tandis qu’un soleil de plomb écrase le Désert de Beshaar autour d'eux… Ils reprennent leur route à la tombée de la nuit.

 

V : LA CARAVANE ABANDONNÉE

 

Le même schéma se répète : des dunes s’étendant infiniment à l’horizon, des tempêtes de sable qui contraignent régulièrement les aventuriers à interrompre leur progression, des journées horriblement chaudes (que Kalev supporte particulièrement mal), des nuits terriblement froides. Et l’odeur d’ammoniac qui flotte par endroits, s'ils n'ont pas d'autre occasion de livrer bataille…

 

Mais, deux jours après avoir quitté l’oasis de Bakinar, l’odeur devient subitement beaucoup plus forte – alors que les aventuriers découvrent non loin un campement en piteux état, et quelques autres signes témoignant de ce qu’une caravane est passée par là, dans cette région pourtant bien éloignée de toute route commerciale.

 

Ils tombent très vite sur les cadavres de deux coursiers des sables. Liu Jun-Mi les examine, et il ne fait aucun doute que les animaux ont été attaqués par des Ombres jaunes : l’odeur provient de leurs plaies. Mais ils n’ont été qu’à moitié dévorés seulement ; cela fait peut-être une dizaine de jours que ces carcasses pourrissent sous le soleil.

 

Narjeva tend l’oreille. Elle ne perçoit pas le moindre bruit en provenance du campement abandonné – cependant, à quelque distance, derrière une dune, elle entend comme un cliquetis qu’elle ne parvient pas bien à identifier ; quelque chose… de chitineux ? Mais un très gros insecte, alors… et dangereux en proportion !

 

Les aventuriers sont tentés de poursuivre leur route sans plus attendre… mais Narjeva veut d’abord jeter un coup d’œil au camp – Redhart l’accompagne, un peu à reculons ; les autres restent en arrière auprès de leurs montures, Nepuul entre deux eaux. Il y a trois tentes, qui tiennent tant bien que mal. Dans la première, ils découvrent les cadavres de deux hommes d’armes, gonflés par la chaleur – eux aussi ont été victimes des Ombres jaunes. Le mercenaire de Parsool devine qu’il s’agit des reliquats de la caravane de Denh Al’Tamûl. Une autre tente est plus vaste, et, dans de meilleurs jours, on l’aurait qualifiée de luxueuse : ce pourrait être celle de Denh ? Mais, là aussi, il y a des traces de combat. Demeurent pourtant des objets de valeur, un équipement adapté au désert mais qui a tout de même quelque chose de superflu et d’ostentatoire. Sur un bureau pliable, à côté d’une dague dont la poignée est incrustée d’une turquoise caractéristique, et d’une cage dans laquelle se trouvent les cadavres de pigeons voyageurs, ils découvrent une lettre abandonnée en cours de rédaction, en beshaari – Nepuul, qui s’est finalement approché, peut la traduire :

 

Ma douce sœur, d’ici quelques jours, tout sera fini. Adel retrouvera sa joie de vivre, et le palais résonnera de ses rires. Bienheureuse insouciance ! S’il savait que sa renaissance porte l’héritage funeste de la mort de

 

La phrase s’interrompt là, dans une tache d’encre.

 

Mais Myrkhan repère à son tour les cliquetis entendus par Narjeva. Il s’avance dans leur direction, grimpant au sommet d’une dune avec moult précaution… et découvre derrière un scorpion-araignée géant ! Une créature de taille colossale, toute en pinces, mandibules et dard… Myrkhan effrayé recule lentement en faisant signe à ses camarades de ne surtout pas faire le moindre bruit… Mais, si la créature ne semble pas l’avoir aperçu, il est clair qu’elle s’avance, peut-être attirée par les cadavres, ses cliquetis se font plus sonores… et elle franchit le sommet de la dune avant que les aventuriers n’aient pu prendre la fuite à dos de coursiers des sables, ces derniers étant terrorisés !

 

À suivre…

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