Au passage, j'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai surtout fait appel, outre des compilations de musique traditionnelle arabe ou orientale que j’ai trouvé en ligne, aux morceaux « bassAliens » et « Decay2 [Nihil’s Maw] » de Sunn O))) (sur l’album White2), aux morceaux de Lustmord « Aldebaran of the Hyades » (sur l'album The Place Where the Black Stars Hang) et « Babel » (sur l’album The Word as Power), ainsi qu’aux bandes originales des jeux vidéos Darkest Dungeon et The Elder Scrolls V : Skyrim, et du film de Mel Gibson Apocalypto (BO signée James Horner). Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…
Il y avait six joueurs, à savoir Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 2 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 2) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 3 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 0).
I : UN PRÉDATEUR DE TAILLE
Les héros, traversant le Désert de Beshaar vers le Palais du Roi-Sorcier Men’darr, sont tombés sur les restes de la caravane de Denh Al’Tamûl… et sur un prédateur de taille, qui rôdait dans les dunes alentours : un scorpion-araignée géant ! Myrkhan est aussitôt redescendu de sa dune, discrètement, pour prévenir ses camarades, dont les coursiers des sables sont très nerveux et sur le point de fuir sans attendre leurs maîtres…
Redhart le mercenaire et Liu Jun-Mi le dresseur parviennent cependant à maîtriser leurs montures – ils ont déjà affronté ce genre de situations. De la sorte, ils s’empressent de rattraper les autres coursiers des sables afin que leurs camarades puissent les chevaucher – aucun d’entre eux n’a l’intention de livrer combat contre la colossale créature ! Mais, si Myrkhan s’est suffisamment bien débrouillé avec son animal, Nepuul et Narjeva, cette dernière étant blessée, sont plus loin en arrière, revenant de la tente de Denh Al’Tamûl… et Kalev est à mi-chemin ; en définitive, du fait des priorités de ses récents amis, c’est lui qui se trouve à la traîne – et le scorpion-araignée géant le menace directement !
Redhart parvient à rattraper le coursier des sables du ménestrel, et fait en sorte de le ramener à son maître – Myrkhan l’y aide. La tentative ambitieuse de Liu-Jun Mi de faire diversion avec ses petits yi qi ayant totalement échoué, le scorpion-araignée géant charge Kalev et tente de lui asséner un coup de ses gigantesques pinces – mais cette attaque mal assurée car un peu trop prématurée ne blesse qu’à peine le ménestrel.
Tandis que Nepuul met autant de distance que possible entre le prédateur et lui-même, et que Kalev peine à courir dans le sable (par chance, le scorpion-araignée géant s’enlise brièvement dans la pente de la dune), Redhart emmène le coursier des sables récalcitrant là où le ménestrel pourrait grimper dessus sans changer son orientation, et Narjeva rejoint Kalev, l’entraînant à sa suite pour qu’il grimpe sur sa monture – Liu Jun-Mi faisant de son mieux pour les aider.
En travaillant ensemble, ils parviennent tous à fuir la menace du scorpion-araignée géant. En outre, Liu Jun-Mi a pensé à s’occuper des deux autres coursiers des sables que leur avait confié Manna Al’Tamûl pour porter leur équipement, leurs vivres, leur eau – qui leur auraient autrement bien fait défaut, en plein Désert de Beshaar…
Ils reprennent la direction du Palais du Roi-Sorcier Men’darr.
II : DEVANT LE PALAIS DU ROI-SORCIER
Environ trois jours plus tard, l’environnement commence à changer : conformément à ce qui figure sur leur carte, le désert tend à devenir plus rocailleux, avec des canyons çà et là. Ils savent qu’ils sont maintenant tout près de leur destination.
Régulièrement, l’odeur d’ammoniac assaille les aventuriers – même si les ombres jaunes ne les attaquent pas. Nepuul y réfléchit beaucoup durant cette dernière étape de leur voyage, et révise complètement ses premières intuitions : contrairement à ce que prétend la rumeur, ces créatures ne sont pas des morts-vivants – pas plus que ce ne sont des sortes de golems ou de créatures artificielles de quelque sorte que ce soit ; les ombres jaunes sont des êtres vivants, des humains – simplement, il leur est arrivé quelque chose, et ce quelque chose impliquait sans doute une préparation alchimique, ou peut-être un rituel de sorcellerie, impliquant de l’ammoniac ; l’alchimiste zaluti est porté à penser en termes « scientifiques », de manière générale, mais il a de plus en plus la conviction que les ombres jaunes sont des hommes à qui on a ôté leur âme… Quoi qu’il en soit, cette odeur d’ammoniac peut s’avérer incapacitante : Nepuul l’avait déjà suggéré, mais Liu Jun-Mi profite de leurs haltes quotidiennes pour confectionner des sortes de masques afin de s’en prémunir.
Ils arrivent enfin au Palais du Roi-Sorcier Men’darr. Le bâtiment, avec sa vaste esplanade carrée, un petit kiosque se trouvant à chacun des angles, s’étend dans un renfoncement rocheux, accessible seulement par le sud. Le palais est magnifique – mais s’agit-il bien d’un « palais » ? Même en observant la bâtisse à distance, il apparaît clairement que cet ensemble, ouvert partout, très aéré, une dentelle de pierre riche en colonnes ouvragées, n’est pas à proprement parler habitable : c’est un monumental ornement. Sans doute les quartiers d’habitation à proprement parler se trouvent-ils dans le sous-sol ?
Un peu avant les marches donnant accès à l’esplanade, Myrkhan, qui en manquait après tant de journées dans le désert, repère immédiatement un arbre – un seul ; une sorte de palmier, étonnamment vert, qui fournit un peu d’ombre à trois gardes aux uniformes resplendissants (incluant des armures sans doute guère confortables sous ce soleil), qui paressent en dessous, plus qu’ils ne veillent véritablement. Cela dit, l’un d’entre eux aperçoit bien les nouveaux venus, et se lève en étirant ses membres pour remplir son office.
Les aventuriers démontent, et Nepuul s’approche des gardes, s’adressant à eux en beshaari – ils auraient besoin de faire boire leurs montures… Le garde debout lui demande s’ils savent seulement où ils se trouvent – et le Zaluti avance que cela ressemble à un temple. Bon prince, le garde lui répond qu’il s’agit du Palais du Roi-Sorcier Men’darr, « même si ça fait longtemps qu’il n’est plus de ce monde. Est-ce que vous êtes venus pour affaires avec l’Alchimiste ? » Nepuul mystérieux avance que « ça se pourrait », un petit jeu qui paraît agacer le garde. C’est simple : s’ils veulent voir l’Alchimiste, celui-ci trouvera sans doute un moment pour les recevoir, tandis que les gardes s’occuperont des montures – mais il y a une condition : qu’ils abandonnent leurs armes à leur surveillance. Le garde trace une ligne dans le sable : au-delà de cette ligne, pas d’armes ! Ils seront intraitables sur ce point : c’est leur fonction, après tout. Et ils n'ont pas si souvent l'occasion de l'accomplir.
Cette condition ne réjouit pas les aventuriers, méfiants de nature… Les gardes s’en moquent : ils n’ont pas encore franchi la ligne. D’ici-là, ils peuvent papoter s’ils y tiennent – pas grand-monde ne vient par ici, seulement ceux qui osent affronter le Désert de Beshaar pour rencontrer l’Alchimiste ; mais il y en a bien de temps en temps. Par ailleurs, en discutant avec ces hommes, il apparaît clairement qu’ils ne sont pas des autochtones : untel a l’accent de Satarla, tel autre les traits caractéristiques d’un Valgardien… Tous, par ailleurs, ont quelque chose de profondément vulgaire – davantage des ruffians que l’élite de la garde. Ce qui incite Myrkhan à sympathiser en leur offrant une bonne bouteille – ils la descendent volontiers, et discutent librement. Mais si Kalev compte un certain nombre de chansons à boire dans son répertoire, que les gardes entonnent en braillant, ils n’en demeurent pas moins intraitables. Redhart a la hache qui le démange, mais, ses amis ayant privilégié la diplomatie, il s’y tient : ils dressent le camp près de l’arbre – mieux vaut de toute façon qu’ils se reposent avant d’aller à la rencontre de l’Alchimiste. Les gardes n’y voient aucune objection – et pas davantage le trio qui les relève quand tombe la nuit, des brutes du même acabit et d’origines aussi variées. Leur conversation n’est pas très productive – seulement, quand les aventuriers avancent qu’ils ont eu maille à partir avec des ombres jaunes, les gardent répondent avec un grand sourire (édenté) qu’ils n’ont pas ce problème ici.
Au matin, au moment de la relève, les aventuriers se décident à pénétrer dans le Palais du Roi-Sorcier Men’darr – en laissant leurs armes… ou presque. En effet, plusieurs tentent, sans surprise, de dissimuler sur eux des dagues – celles en fait que leur a offert Manna Al’Tamûl. Narjeva, que sa profession d’assassin prédispose à ce genre de mauvais tours, y parvient sans problème – et, si Redhart, se sachant incapable de mentir, ne s'y risque pas, Nepuul, Liu Jun-Mi et Myrkhan y parviennent eux aussi, même si avec moins d’assurance : ils bénéficient de la vigilance défaillante des gardes. L’un d’entre eux, cependant, demande à vérifier le contenu du luth de Kalev… L’instrument restera en arrière, avec la dague que le ménestrel avait cachée à l’intérieur. Le garde est trop content d’avoir pris Kalev sur le fait pour se rendre compte que ses compagnons se sont montrés plus habiles… Ils ne se sont pas assez bêtes pour avoir tenté le coup, hein ? « Ça serait vraiment dommage… » Mais il fait surtout le malin devant le tas d’armes abandonnées par les visiteurs – relevant qu’il y a des objets de qualité, qui doivent valoir du pognon… Quand Kalev a été interpellé, Redhart s’est instinctivement rapproché du tas d’armes, et les gardes l’ont remarqué, mais tout le monde se calme, et, en définitive, les aventuriers franchissent la ligne, et montent les marches de l’esplanade – ils trouveront bien l’Alchimiste tout seuls…
III : COMBATS DANS LES SOUTERRAINS
Le grand kiosque au centre de l’esplanade est entièrement vide – mais un grand escalier au milieu descend sous terre. Des torches sont allumées à l’intérieur. Liu Jun-Mi remarque que l’odeur d’ammoniac est assez prononcée…
En bas de l’escalier, les héros arrivent dans une grande pièce, dont les côtés, à gauche et à droite, arborent de lourdes tentures. En face de l’escalier, vers le nord, il y a une grande porte en bronze à double battant. La pièce est un peu poussiéreuse, sans donner l’impression d’être à l’abandon – et la décoration est luxueuse. Redhart est vigilant, redoutant des pièges – Nepuul aussi ; mais ils ne trouvent rien. Kalev soulève les tentures pour jeter un coup d’œil derrière : de part et d’autre, ce sont des pièces de passage, mais ornées de coussins et soieries du meilleur goût. Le ménestrel revient dans la grande pièce, et, finalement, décide de pousser la porte de bronze – que Redhart cale ensuite pour qu’elle ne se referme pas derrière eux.
Derrière se trouve une sorte de salle d’audience, avec au fond un très impressionnant trône sur une estrade surélevée. Mais, de chaque côté du trône, en dehors de l’estrade, il y a aussi deux sièges plus sobres, sur lesquels sont assis des individus dont l’allure comme l’odeur révèlent qu’il s’agit d’ombres jaunes. Cependant, les créatures ne réagissent pas à l’arrivée des héros, et restent immobiles, les yeux dans le vague – Nepuul remarque cependant qu’elles respirent, ce qui paraît confirmer son analyse. Au fond de la pièce, à gauche, Narjeva distingue une sorte de porte dérobée – qui aurait été invisible si elle avait été fermée, mais, pour le coup, elle était bien ouverte.
Nepuul a alors… une très mauvaise idée : il veut confier sa dague à quelqu’un qui saura mieux s’en servir, Redhart par exemple, mais procède à l’échange en face des ombres jaunes – et les créatures se lèvent aussitôt et se précipitent sur lui ! Or, justement, les aventuriers sont peu ou prou désarmés, disposant au mieux des quatre dagues qu’ils sont parvenus à dissimuler… Certains d’entre eux sont plus habiles au tir, et lancent leurs dagues plutôt que de se battre en mêlée – il s’agit alors de récupérer les armes plantées dans les carcasses des ombres jaunes ! Par chance, Liu Jun-Mi le gladiateur se montre toujours aussi doué pour immobiliser ses adversaires par des clefs très efficaces, voire plus : il brise la colonne vertébrale d’une des créatures par la seule force de son étreinte ! Et Redhart, même dépourvu de sa fameuse hache d’abordage de Parsool, parvient à faire des dégâts notables, achevant la deuxième créature en lui enfonçant sa dague dans la mâchoire, en direction de la cervelle. Ils se débarrassent ainsi de leurs adversaires, mais Kalev a subi quelques morsures au passage…
Pas un bruit. Ce combat ne semble pas avoir attiré l’attention des gardes. Nepuul suggère de dissimuler les corps des ombres jaunes derrière le trône. Après quoi, hésitant un moment à remonter pour aller chercher leurs armes, peut-être en envoyant Myrkhan jeter un coup d’œil, ils commencent par fouiller le sous-sol où ils se trouvent – Kalev tout particulièrement les incite à fouiner, le voleur ne serait pas contre mettre la main sur quelque babiole coûteuse… Il y a assurément des biens luxueux tout autour d’eux. Derrière la porte dérobée se trouve seulement en escalier en colimaçon qui descend à l’étage en dessous ; les héros décident de l’emprunter plus tard, et continuent de fouiller cet étage.
Cependant, quand ils poussent une porte au nord-ouest du niveau… c’est pour tomber sur le dortoir des gardes, où trois hommes au repos s’éveillaient péniblement en raison des bruits du combat contre les ombres jaunes ! Sans doute ne se pressaient-ils pas parce qu’ils pensaient que les créatures vaincraient sans souci les intrus… Quoi qu’il en soit, une fois de plus, les héros sont quelque peu désarmés. Mais ils ont pris les gardes par surprise – sans armures et sans armes eux non plus (elles sont accrochées au mur), et un seul a les pieds sur le plancher, les deux autres devant d'abord descendre de leurs lits superposés… Finalement, la situation est à l’avantage des aventuriers : Redhart et Narjeva n’hésitent pas, et se précipitent dans la bataille ! Le mercenaire, particulièrement brutal, exécute rapidement le premier garde. Mais Liu Jun-Mi, qui voulait mettre le feu aux lits superposés avec sa torche, commet une terrible maladresse, et se brûle lui-même ; ce qui n’est pas bien méchant en tant que tel – seulement, distrait par la douleur, le gladiateur fait une cible de choix pour les gardes, et subit de lourds dégâts ! Il en aurait à vrai dire subi plus encore s’il n’avait pas su placer quelques esquives au dernier moment… Ils se débarrassent tout de même des gardes – et peuvent ainsi hériter de leurs trois armures, trois épées et trois lances.
Les personnages prennent le temps de se remettre, et Nepuul soigne Liu Jun-Mi et Kalev. Ils achèvent ensuite d’explorer l’étage. Ils tombent tout d’abord sur une petite chambre, assez modeste, dans laquelle se trouve toutefois un appareillage alchimique de grande qualité (et antiquité), incluant des ingrédients rares et très divers (Nepuul se sert sans vergogne, dans les pierres précieuses surtout). Au mur, d’impressionnantes bibliothèques croulent sous les vieux grimoires, pour l’essentiel en démonique. Ne reste autrement qu’une dernière chambre à cet étage – bien plus vaste et luxueuse que la précédente, si on y trouve également de ces imposantes bibliothèques surchargées d'ouvrages et de rouleaux antiques. À la différence de la précédente, en outre, cette chambre ne semble pas avoir été occupée depuis très longtemps, si elle est tenue dans un état correct ; ils devinent qu’il s’agissait de la chambre du Roi-Sorcier Men’darr, l'autre étant celle de l'Alchimiste ; l'absence du Roi-Sorcier ne semble pas avoir autorisé son domestique à emprunter ses quartiers. Liu Jun-Mi, qui a la main leste, se précipite sur des bagues gigantesques et se les passe aux doigts… Mauvaise idée, que de manipuler sans précaution les bijoux des Rois-Sorciers ! Cependant, il n’en a pas conscience – et certainement pas la moindre envie d’ôter ces bagues…
Quoi qu’il en soit, avant de descendre à l’étage inférieur, les aventuriers récupéreraient bien leurs véritables armes… Ils sont entrés dans la matinée, il s’est passé peu de temps depuis en fin de compte – ils s’interrogent sur l’heure de la relève… mais elle n'aura probablement lieu que bien plus tard. Redhart en a plus qu’assez de prétendre faire dans la subtilité : ils n’ont qu’à remonter et tuer les gardes, hop ! C’est ce qu’ils auraient dû faire depuis le début… Il se laisse cependant convaincre qu’il serait préférable d’attirer les gardes dans le palais, tant qu’à faire à l’étage inférieur. Kalev est sans doute le plus à même de les baratiner : il remonte et dit aux gardes qui paressent sous leur palmier que leurs collègues à l’intérieur sont… malades ? Ils ont des éruptions cutanées et vomissent une bile jaunâtre d’une odeur répugnante… Le Festreli avance qu’il pourrait s’agir de la fièvre des marais. « Mais on est dans le désert ! » s’étonne un garde – le ménestrel répond qu’il a peut-être contaminé les gardes sans le vouloir… « Quoi ?! » Par chance, les hommes de faction sont suffisamment stupides pour le croire et vouloir voir de leurs yeux ce qui se passe ! L’un d’entre eux se montre cependant plus sceptique… Mais Kalev parvient à titiller son ego en le traitant de lâche, et il accompagne finalement ses collègues. Dès lors, les éliminer ne présente aucune difficulté : Narjeva et Myrkhan, les plus discrets, frappent les premiers, après quoi les plus brutaux Redhart et Liu Jun-Mi achèvent le travail… Ils peuvent maintenant récupérer leurs armes – Myrkhan se sentait vraiment nu sans son arc ! Et Redhart, au cas où, dispose les cadavres des gardes de sorte à ce qu’ils paraissent roupiller sous le palmier.
Il est temps de rencontrer l’Alchimiste : les aventuriers empruntent la porte dérobée de la salle du trône, et descendent l’escalier en colimaçon.
IV : LE BASSIN DE JOUVENCE
En bas se trouve une immense pièce, occupant une surface équivalente à l’ensemble de l’étage au-dessus. Il y a un vaste bassin, ou une vaste baignoire, au centre de cette salle – les murs sont couverts de canalisations qui forment un réseau très complexe ayant ce bassin pour centre. Là encore il se trouve un imposant outillage alchimique de part et d'autre.
Un grand homme, très fin, vêtu d’une robe à capuche qui dissimule son visage, se tient debout près du bassin, et semble le fixer des yeux. Il ne réagit pas le moins du monde à l’intrusion des aventuriers. La scène pue la sorcellerie, ou l’alchimie, mais tout le monde n’est pas en mesure de faire la différence, et Myrkhan se sent très mal à l’aise…
Narjeva, plus résolue, s’approche de la « piscine ». Elle est remplie d’un liquide translucide mais un brin jaunâtre – des petites bulles éclatent régulièrement à la surface. Sous ce liquide, la prêtresse de Nemmereth voit un homme allongé, assez âgé, qui est visiblement toujours vivant, et ses traits donnent l’impression qu’il hurle de souffrance dans « l’eau », sans cesse, sans se noyer pour autant. Mais Narjeva remarque aussi que cet homme a des yeux turquoise caractéristiques… Serait-ce Azar Al’Tamûl, le père de Manna et Denh ? Manna leur avait dit qu’il était contre cette idée de chercher les Larmes de Jouvence et s’était absenté pour affaires…
L’Alchimiste prend alors la parole, de sa voix traînante : « Vous êtes venus prendre livraison ? » Alors que les héros hésitent sur la réponse, il poursuit : ils s’en sont pris à son personnel… Bah, ça n’est pas bien grave : « Tout se remplace. » Les Larmes de Jouvence ne sont pas encore tout à fait prêtes ; leur préparation demandera encore une dizaine d’heures « de souffrance exquise pour notre invité dans la cuve ». Il est impossible de distinguer le visage de l’Alchimiste, mais tout le monde devine à ses paroles qu’il doit arborer un rictus sadique.
Il s’agit bien d’Azar Al’Tamûl ? Bien sûr : les Larmes de Jouvence ne peuvent être extraites que d’un membre de la famille de la personne à soigner. Nepuul avance alors que le vieil homme se serait… sacrifié ? L’Alchimiste s’en moque : on lui a confié cet homme pour en extraire des Larmes de Jouvence, un contrat a été conclu, qu’il s’agit de respecter – le reste n’a aucune importance. « Voyez comme il souffre. N’est-ce pas merveilleux ? Quelle pitié que vous ne puissiez entendre ses cris, ils sont délicieux. Chargés de douleur, de peine, de haine, d’indignation d’avoir été ainsi trahi… »
Et c’est bien ce processus qui crée les ombres jaunes ? Oui – un effet secondaire de peu d’importance, les « déchets » d’une expérience autrement essentielle. Il avait réussi à en dresser deux, pourtant, mais il semblerait que ses invités en aient disposé ? C’est regrettable… Mais, oui, tout se remplace.
Nepuul joue de la carte du confrère, proposant même ses services en tant qu’assistant, mais l’Alchimiste ne semble pas le prendre vraiment au sérieux – d’ici quelques siècles, peut-être sera-t-il en mesure de comprendre le processus à l’œuvre… Oui, c’est grâce aux Larmes de Jouvence qu’il a vécu si longtemps – cependant, les extrayant de personnes qui ne sont pas liées à lui par le sang, il a subi quelques effets secondaires sur lesquels il ne s’étendra pas. Et, oui, bien sûr qu’il a « vraiment » connu le Roi-Sorcier Men’darr ; il garde son palais dans l’attente de son retour. Car il reviendra, un jour – les Rois-Sorciers reviendront. On ne se débarrasse pas d’êtres d’une telle puissance en se contentant de manier une épée, même forgée par les dieux – c’est une évidence, non ?
Nepuul retourne discuter avec les autres : Azar Al’Tamûl se serait donc sacrifié ? Mais pourquoi n’en a-t-il pas parlé à ses enfants, ce qui aurait pu épargner la vie de Denh ? Liu Jun-Mi et Narjeva ne se bercent pas d’aussi généreuses illusions : il ne fait aucun doute qu’Azar a été amené ici contre son gré – autrement dit, qu’il a été trahi par ses enfants, prêts à échanger sa vie contre celle du petit Adel ; ils ont menti en prétendant que leur père s’était absenté « pour affaires », Manna leur a menti tout du long… La lettre inachevée de Denh était pour ainsi dire un aveu de leur fourberie !
Mais il est donc toujours vivant ? Oui – sa souffrance en témoigne. L’Alchimiste, questionné, avoue sans peine que le processus, à ce stade, est encore réversible. Mais pourquoi vouloir y mettre un terme ? De toute façon, un contrat a été signé, il s’agit bien de l’exécuter… Ce qui convient tout à fait à Redhart, Liu Jun-Mi ou encore Kalev : eux aussi se sont vus confier une mission, après tout, qui est de ramener à Badhasar les Larmes de Jouvence, le reste n’est pas de leur ressort. Mais Narjeva est d’un tout autre avis : en fait, en tant que prêtresse de Nemmereth, cette manière de jouer avec la mort la dégoûte et est même de sorte à la mettre en colère… Elle interroge ses compagnons : le contrat qu’ils ont conclu est-il toujours valable ? Leur commanditaire leur a menti d’emblée ! Peut-être Azar délivré se montrerait-il, non seulement plus fiable, mais aussi plus généreux, en fait...
Les aventuriers hésitent donc quant à la marche à suivre, tandis qu’Azar Al’Tamûl subit des souffrances inouïes sous le regard émerveillé autant que cruel de l’Alchimiste…
À suivre…